Magnifique Hélène Vincent

Transcription

Magnifique Hélène Vincent
«Desperate Housemen» (Pas si
desperate que ça)
Trois amis aux personnalités différentes, unis autour d’un
même thème : la relation Homme/Femme, peu de liens avec la
série éponyme et c’est tant mieux.
Le show débute avec Jérôme (DARAN), personnage volage mais
désespéré depuis sa séparation avec Sophie, passage de relais
avec Stéphane (MURAT), idiot romantique et gaffeur à ses
heures, et enfin Alexis (MACQUART), doucement misogyne
subissant sa vie de couple depuis 10 ans.
Attention danger : Grande probabilité de recevoir des éclats
de rire de vos voisins de banquette. Vénusiennes, vous vous
demandiez comment était perçue votre « relation » par ces
êtres venus de Mars, avec ce spectacle vous en aurez une bonne
approche. Tous les thèmes sont abordés : les rencontres,
l’amour, le sexe, les séparations (mention spéciale à Stéphane
et sa technique dite de « la couette » testée et approuvée).
Même si les femmes y sont plus légèrement égratignées (les
éternelles discussions entre copines, l’interminable résumé de
la journée de boulot, le shopping…) les hommes ne sont pas en
reste (les soirées entre potes, les maladresses, l’incapacité
au dialogue…).
Le public rebondit aisément sur ces ressorts comiques connus
mais toujours efficaces et parfaitement maîtrisés. La pièce
s’achève avec nos 3 amis devant la porte de Sophie, je n’en
dirai pas plus. Bon, je ne vous laisserai toutefois pas sans
un bémol commun à tout spectacle réussi, il est bien trop
court !
Un conseil : allez-y en couple !
Merci Messieurs pour ce bon moment.
Pratique :
Le Grand Point Virgule
8 bis, rue de l’Arrivée 75015 Paris
Réservations : 01 42 78 67 03 – WWW.LEGRANDPOINTVIRGULE.COM
Les samedis à 18h00 et les lundis 20h
Tarif plein: 27 €
Tarif réduit: 19 € (sauf le samedi)
Durée : 1h20
Avec Jérome Daran, Alexis Macquart et Stéphane Murat
Mise en scène : Caroline Cichoz
Collaboration
–
Pour
le
meilleur et pendant le pire
Art, guerre, amitié
Trois mots qui forment des combinaisons bien aléatoires.
Il y avait eu « Inconnu à cette adresse« , où l’espoir avait
laissé la place à la faiblesse devant l’appât du pouvoir, et
où l’amitié n’avait tenu tête que quelques mois face à la
puissance dévastatrice d’une idéologie radicale.
« Collaboration » redore quelque peu le tableau de la nature
humaine, en mettant en lumière un épisode méconnu de la vie de
deux immenses artistes du XXe siècle : Richard Strauss et
Stefan Zweig. L’Allemand et l’Autrichien. Le compositeur et
l’écrivain. Deux génies.
Deux génies qui se respectent et qui pourtant se découvrent et
se dévoilent au fil des contacts qu’ils entretiennent pour la
création de l’opéra-bouffe « La Femme silencieuse » (première
en 1935).
Deux génies que le monde en devenir en 1932 aurait pu opposer,
et qui, malgré tout, les a rapprochés jusqu’à les tuer,
physiquement ou moralement.
Car Stefan Zweig était juif.
Car Richard Strauss ne se refusait pas à cotoyer les hauts
dignitaires nazis.
Deux génies qui reprennent corps et vie au Théâtre de la
Madeleine, sous les traits de deux monstres du théâtre
français : Michel Aumont (Richard Strauss) et Didier Sandre
(Stefan Zweig). Parfaits dans leur personnage comme dans leur
jeu, ils évoluent naturellement à travers les années et les
sentiments, toujours accompagnés et soutenus par une présence
féminine à leurs côtés. Pauline Strauss (exceptionnelle
Christiane Cohendy), qui emporte toute la salle avec elle dans
ses coups d’éclats ménagers face à la « peste brune », ne se
laissant pas le moins du monde démonter devant l’uniforme et
la menace, et Charlotte Altmann (touchante Stéphanie Pasquet).
Les tableaux se succèdent, les années s’écoulent, l’amitié
demeure, le public jubile, et l’art en profite.
Pratique : Actuellement au théâtre de la Madeleine, 19 Rue de
Surène (8e arrondissement, Paris)
Réservations par téléphone au 01 42 65 07 09 ou
sur www.theatremadeleine.com
20h30 du mardi au samedi, 17h00 le samedi et le dimanche
Tarifs : entre 20 € et 58 €
Durée : 2 h 00
Une pièce de Ronald Harwood
Texte français : Dominique Hollier
Mise en scène : Georges Werler
Avec : Michel Aumont, Didier Sandre, Christiane Cohendy,
Stéphanie Pasquet, Patrick Payet, Eric Verdin, Armand Eloi
Décors : Agostino Pace
Lumières : Jacques Puisais
Costumes : Pascale Bordet
Conception sonore : Jean-Pierre Prevost
«
Georges
Lucernaire
Dandin
»
au
Copyright : Clément Bertani
Dans un décor à la croisée d’une réalisation de Wes Anderson
et d’une bande dessinée de Gotlib, Matthieu Penchinat montre
un George Dandin sous un jour comique et grotesque, écartant
presque le drame que montre cette pièce d’un revers pour n’en
garder que le rire.
Heureusement, cela marche très bien. Cette histoire de mari
cocu dont tout le monde se joue est à l’origine un bien triste
drame : George Dandin contre sa fortune a pu épouser une noble
appauvrie. Celle-ci ne voulant pas de ce mariage se refuse à
son mari et se laisse courtiser par Clitandre, aux yeux et à
la barbe de son mari, qui n’obtiendra jamais gain de cause et
adoptera la solution du suicide.
L’apparence moderne et grotesque de chacun des personnages
fait de la pièce un moment irréel où le texte original est
interprété de façon très moderne (ce qui ajoute encore au
comique de situation de cette mise en scène). George Dandin
ressemble plus à un dépressif un peu bête, avec qui on n’a pas
vraiment envie de compatir dans le malheur. Julien Testard
qui l’interprète est particulièrement excellent, cannette de
coca à la main et cheveux en bataille, il a tous les attributs
que l’on pourrait donner à une caricature du paysan
contemporain.
La mise en scène, vivante et précise, souligne l’absurde et la
folie grandissante de ce personnage injustement malmené. Les
corps explosent et le texte n’est pas le seul vecteur
d’amusement, le geste l’accompagne allègrement. La musique de
Lully remplacée par celle d’Edith Piaf ajoute encore au
décalage entre le texte et l’interprétation qu’en fait
Matthieu Penchinat.
On y voit encore très bien le regard effroyable que porte la
noblesse à l’égard des parvenus, comment une étiquette colle à
la peau toute un vie malgré les efforts pour s’en défaire.
C’est aussi un bel exemple du pouvoir de manipulation que les
femmes ont sur les hommes et comment, par amour pour leurs
enfants, les parents peuvent ignorer l’évidence. Et tout ça,
dans une foule d’éclats de rires.
Pratique : Jusqu’au 30 mars au Lucernaire, 53 rue Notre-Dame
des Champs, 75006 Paris.
Réservations par téléphone au 01 45 44 57 34 ou
sur http://www.lucernaire.fr.
Tarifs : de 15 à 25 €.
Durée : 1 h 10
Mise en scène : Matthieu Penchinat, assisté d’Edouard Bonnet
Avec : Julien Testard, Julie Méjean, Sylvère Santin (ou
Edouard Bonnet), Philippe Baron et Anne Juliette Vassort.
Kheiron – Libre Education à
l’Européen
Kheiron – Libre
Éducation – Crédit
photo Fifou
Kheiron « enseigne » sa Libre Education à l’Européen. C’est
plus fun que celle de votre vieil instit’ taciturne. Le jeune
homme est provocateur, transgressif, hilarant et chevelu
contrairement à ce que les fans de la série BREF pourraient
croire !?
En effet, si son nom vous dit quelque chose, c’est peut-être
parce que vous aviez aperçu son regard lubrique dans la série
de Canal+ diffusée au Grand Journal. Kheiron était alors le
démon sur l’épaule de Kyan Khojandi, sa conscience trash en
quelque sorte, avec son leitmotiv aussi fameux qu’explicite:
« Baise-laaaaaaaaaa ».
Seul sur scène pendant plus d’une heure, Kheiron « trashe » un
peu dans tous les sens dans une décontraction communicative.
En quelques minutes, on a l’impression d’être avec un ami
d’ami. Les classiques du « stand up », Kheiron les maîtrise.
Il parle du couple et de ses déboires, de la drague et des
situations du quotidien. Mais Khei, pour les intimes,
capitalise aussi sur son expérience d’éducateur en ZUP et son
approche corrosive de l’enfance, des nationalités et notamment
la sienne : non il n’est pas turc, il est iranien !
Jusque là rien de bien nouveau même si c’est avec beaucoup de
talent et d’abnégation qu’il tire ces vieilles ficelles. La
grande nouveauté réside dans le rapport avec le public. Le
public participe et partage ses aventures ou avis donnant lieu
à beaucoup de digressions et à un spectacle sur mesure chaque
soir. Puisqu’il est très difficile de savoir lorsqu’il
improvise, l’artiste prend un pari décalé, celui d’inviter « à
vie » ceux qui sont venus le voir. En revenant assister au
show à nouveau (et gratuitement), l’occasion est donnée au
spectateur d’apprécier à sa juste mesure le talent de « grand
improvisateur » de Kheiron.
Bref, une seule personne sur la scène mais un spectacle
réalisé avec l’aide de chaque spectateur. Un humour très
générationnel par ses références, son vocabulaire et son ton
chambreur mais un humour qui percute et un personnage à
suivre.
Pratique : Jusqu’au 23 Mars 2013 à L’Européen, 5 rue Biot
75017 Paris le jeudi, vendredi, samedi à 20H30.
Réservations par téléphone au 01 43
87
97
13
ou
http://www.leuropeen.info/index.php?wh=programme&evt=628#628
Tarifs : entre 24 € et 28 €
Durée : 1 h
De et avec : Kheiron
Ita
L.
née
Goldfeld
–
Magnifique Hélène Vincent !
Décidément, le Théâtre du Petit Saint-Martin nous gratifie à
chaque fois de pépites théâtrales. Après le succès de la
déjantée Doris Darling (article sur Arkult), l’équipe de JeanClaude Camus nous propose une pièce à l’interprétation d’une
justesse bouleversante : Ita L. née Goldfeld, sous les traits
de la magnifique Hélène Vincent.
Paris, rue du Petit Musc, le 12 décembre 1942.
On frappe à la porte d’un appartement. Qui vient donc troubler
la paisible journée d’Ita L. Goldfeld ? Ces messieurs de la
police, deux jeunes hommes en uniforme, un troisième portant
un blouson de cuir. Un « simple contrôle d’identité » comme
ils disent, « mais prenez tout de même une valise, ça pourrait
prendre un peu de temps ». Ils repasseront dans une heure.
« Ita L. née Goldfeld », c’est l’histoire de cette heure
précisément. Une heure emplie de doutes, de souvenirs,
d’émotions en tous genres. Les souvenirs de son Odessa natale,
des rues de son enfance, de sa rencontre avec son défunt
Salomon, des naissances de ses très chers enfants … Les doutes
qui planent autour d’elle depuis que Salomon s’en est allé,
depuis qu’être Juif s’affiche au col des vêtements, depuis que
les voisins se méfient, complotent, médisent … Les émotions
qui emplissent le coeur et la tête d’une vieille dame,
tiraillée entre l’espoir de retrouver ses enfants, ses petits
chéris devenus grands, et l’envie de fuir, fuir une nouvelle
fois, fuir au devant de l’inconnu …
Une heure interminable pour Ita.
Une heure qui semble un instant pour le spectateur.
Hélène Vincent metteur en scène tout d’abord. Avec Julie Lopes
Curval, elles ont fait le choix de l’efficacité. Un minimum de
meubles présents sur scène. Pas de changement de décor. Mais à
chaque nouveau jeu de lumières, un nouvel épisode de la vie
d’Ita.
Hélène Vincent actrice ensuite. Magnifique, touchante,
troublante, émouvante, bouleversante. A chaque nouveau jeu de
lumières, une nouvelle performance d’actrice. Peinée,
empreinte d’une folie passagère, nostalgique d’une époque
passée, emplie d’espoir, puis soudain enjouée …
L’immense
variété des émotions des moments de la vie s’incarne
pleinement dans les expressions et les traits de l’actrice.
Seule sur scène, et pourtant, semblant soutenue par ceux qui
ont compté dans sa vie. Comme autant de fantômes qui la
hantent ou de compagnons qui lui mettent du baume au coeur.
Le mot de la metteur en scène:
Voilà plusieurs années qu’Hélène Vincent a rencontré ce
texte. Quand elle m’a proposée de l’accompagner dans ce
voyage en distance et en émotion, entre les souvenirs de la
Moldavanka en Ukraine et la rue du petit musc non loin d’ici,
je savais qu’elle portait déjà en elle l’« Odessa » d’Ita. Il
fallait à présent dessiner les contours de sa vie, son
espace, trouver sa voix. Accepter d’abord que nous ne
cherchons pas à dire cette période obscure de l’Histoire,
mais s’accorder à donner la parole à une femme simple, qui a
déjà vécu l’horreur, et qui se retrouve encore une fois
confrontée à la folie des hommes, et contre laquelle elle n’a
plus le courage de se battre. Trop seule, trop fatiguée.
Donner à voir les images de sa vie qui tiennent dans une
valise et une tête pleine de ceux qu’elle a aimés. Vivre une
heure auprès d’elle, une heure où se bousculent l’espoir,
l’incrédulité, la lucidité, la terreur et le renoncement.
Tous ces états qui la traversent avant ce voyage en train
dont on ne connaît que trop la destination. Personne ne
connaît plus la belle Ita de Salomon, elle est un nom sur un
mur parmi tant d’autres. Son arrière petit-fils Eric
Zanettacci en a décidé autrement. À partir de ce qu’il a pu
découvrir et rêver d’elle, il lui redonne son existence
particulière. Avec toute l’humilité qui accompagne Hélène
Vincent dans son travail, offrir à ce nom un corps, une voix,
une vie.
Pratique : Actuellement au Théâtre du Petit Saint-Martin, 17
rue René Boulanger, Paris 10e arrondissement
www.petitstmartin.com
Du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 15h
Tarifs : 25 € Placement libre
Durée : 1 h
Une pièce d’Eric Zanettacci
Mise en scène : Hélène Vincent & Julie Lopes Curval
Avec : Hélène Vincent
Scénographie : Tim Northam
Lumières : Arnaud Jung
«
Un
fil
à
la
patte
»
dynamique
Belleville
au
théâtre
de
En ce moment au théâtre de Belleville se joue « Un fil à la
patte », comédie demi-mondaine de Georges Feydeau. La
compagnie « Hocemo Théâtre » nous en propose une version
prenante, dynamique et très vivante.
Lucette Gauthier est une femme libre, forte … Chanteuse de
cabaret, elle a une vie délicieuse. Se lève à midi en
compagnie de son amant, déjeune et puis reçoit, à sa
convenance et selon son envie. Parmi ceux qui patientent
aujourd’hui, il y a un parolier et une dame qui voudrait
l’engager pour le soir…
Malheureusement, monsieur Bois d’Enghien, qui a passé la nuit
avec Lucette et qui lui donne tant de plaisir à vivre doit
signer son contrat de fiançailles le soir même, durant une
sauterie où Lucette est invitée à chanter. Bien sur, ni l’un
ni l’autre ne sont au courant. La pièce est une belle
illustration du génie de Feydeau, qui fait durer et monter
jusqu’à l’explosion la plaisanterie pendant 3 actes.
Ce vaudeville est aussi une critique franche du monde de
Feydeau (la France mondaine de la fin du XIXe). Il est
intéressant de voir que la comédie humaine dénoncée dans ce
comique de situation est toujours d’actualité. L’humour qui en
ressort ne semble en rien désuet.
Sur scène à Belleville, tous les acteurs sont jeunes. Ils ne
semblent pas avoir plus de 35 ans. De cette jeunesse, par ces
bouches presque juvéniles, Feydeau semble plus vivant que
jamais. Le texte, le rythme sont très bien tenus, on entend
les mots, les phrases et tout cela sonne moderne à nos
oreilles. C’est une prouesse, car en plus d’être doués d’une
diction impeccable, les personnages ont un jeu d’une
exagération maîtrisée ahurissante. Sans parler de leurs corps,
il se dégage des situations clownesques, voir cartoonesques de
leurs gestes. Les comédiens nous font rire et nous ébahissent,
même lors des passages sans texte sans qu’aucun ne soit moins
bon que les autres : rarement il est permis de voir un aussi
haut niveau d’excellence entre tous les acteurs.
Ces choses mises ensemble, on assiste à un vrai moment de
théâtre où tout est calculé au millimètre près, de l’entrée
des comédiens aux décors en passant par les virgules du texte
et les changement de rôles des comédiens pendant la pièce. La
compagnie Hocemo fait parfaitement ressortir l’essence de la
leçon de comique donnée par Feydeau, un régal.
Pratique : Jusqu’au 28 février au théâtre de Belleville, 94
rue du faubourg du Temple, 75011 Paris.
Réservations par téléphone au 01 48 06 72 34 ou
sur www.theatredebelleville.com.
Tarifs : de 10 à 25 €.
Durée : 2 h
Mise en scène / Jeu : Lise Quet
Avec : Nicolas Fantoli, Cindy Rodrigues, Julien Large, Lionel
Rondeau, Damien Prévot, Rémi Dessenoix (en alternance avec
Florent Bresson), Amandine Calsat, Claire Pouderoux
« Tout est normal mon coeur
scintille
»
et
Gamblin
irradie à nouveau
Crédit photo :
Cittadini Cesi
Giovanni
Quand la lumière s’allume l’acteur est déjà sur scène. La
salle est pleine. La scène est vide.
A l’exception donc de Jacques Gamblin et d’un spot de lumière
dans lequel, d’ailleurs, il n’est pas. Débute alors un one-man
show. Puis le one-man show se fait poétique et très vite la
danse vient faire écho à la narration. Gamblin est alors
rejoint par deux danseurs et l’écran noir qui obturait le fond
de la salle devient tableau.
Jacques Gamblin semble conduire à voix haute la réflexion qui
l’habite, revivant des scènes de son enfance ou incarnant des
animaux. La danse toujours prolonge le discours et entre
parfaitement en résonance avec le sentiment qui l’anime. La
danse et le théâtre paraissent faits l’un pour l’autre,
contrairement aux deux personnages dont Gamblin tracent le
contour à demi-mots.
Une rupture : voilà le début de la réflexion de « Tout est
normal mon cœur scintille ». Mais finalement le thème en est
l’Amour. Et comment mieux d’écrire l’amour que quand on vient
de le perdre ?
C’est un texte vérité qu’a écrit Gamblin et qu’il rejoue au
Théâtre du Rond Point avec beaucoup d’humour. Un texte avec
des bons mots qu’on aimerait noter dès qu’on a fini d’en rire.
Il semble énoncer clairement ce que chacun pense confusément,
comme une projection de votre esprit mais en plus fluide, en
plus limpide. Un univers onirique évoquant Tree of Life (1)
avec des petits bonshommes en costume sur fond de ciel nuageux
à la Magritte (2).
La prestation de Gamblin est éloquente de souplesse.
Palpitant, en pantin électrique.
Touchant, en homme blessé malgré ce ton décalé enjôleur.
Les danseurs Claire Tran et Bastien Lefèvre occupent
superbement toute la surface qui leur est offerte et
insufflent l’air nécessaire à la réflexion en entraînant avec
eux Gamblin qui exécute quelques pas de danses.
Quand le spectacle est terminé, c’est au public
d’applaudir. Usant ainsi de ses deux mains pour émettre une
onde en propulsant énergiquement la paume gauche contre la
paume droite (l’inverse fonctionnant aussi). Par
l’applaudissement, il semble entendu tacitement que le public
signifiera aux acteurs sa satisfaction d’avoir acquis un siège
pour quelques heures dans ce théâtre et pour cette pièce.
Ainsi, par une équation savante effectuée entre la vigueur des
applaudissements et leur longueur on obtient un degré
d’échauffement/irritation de la paume de la main.
Les miennes après la représentation de « Tout est normal mon
cœur scintille » étaient diablement échauffées.
Notes:
(1) Tree of Life, film dramatique américain écrit et réalisé
par Terrence Malick, interprété par Brad Pitt, Sean Penn et
Jessica Chastain palme d’or à Cannes en 2011.
(2) René Magritte, peintre surréaliste belge.
Pratique : Jusqu’au 3 Mars 2013 au
2bis av. Franklin D. Roosevelt (VIIIe
Réservations par téléphone au
sur www.theatredurondpoint.fr
Tarifs : entre 15 € (moins de 30 ans)
théâtre du Rond-Point,
arrondissement, Paris)
01 44 95 98 21 ou
et 36 € (plein tarif).
Durée : 1 h 30
De et avec : Jacques Gamblin
Collaboration artistique : Anne Bourgeois
Danseurs : Claire Tran et Bastien Lefèvre
Jeunes et cons : du Punk Rock
au Théâtre 14
Sur scène des jeunes, des uniformes scolaires, des cahiers,
une bibliothèque et des sonneries marquant début et fin des
cours. En quelques bavardages on est dans le bain : nous voici
de retour au lycée. Un lycée anglais mais un lycée comme les
autres.
Adaptation de la pièce dramatique de l’auteur britannique
prometteur Simon Stephens. Au cœur de leur débat sans jamais
être énoncé clairement il y a la découverte de l’autre et de
soi, la crainte du futur, le besoin d’amour… Un huis-clôt dans
la bibliothèque du lycée Stockport en Grande-Bretagne où
William et ses camarades préparent leurs examens d’entrée à
l’Université.
Entrecoupé de morceaux punk-rock et de stroboscopes à gogo,
l’enchaînement des scénettes nous fait ressentir le malaise
latent qui grandit entre ces élèves aux caractères bien
trempés.
Vous n’êtes pas devant un épisode d' »Hélène et les Garçons ».
Dans cette pièce de Stephens, on est d’avantage dans l’esprit
d’un « Péril Jeune » (1).
Mal dans leur pompes, ces héros de la puberté le sont et ça se
sent. Comme cette légère odeur de poudre que l’on peut sentir
avant une explosion inévitable.
L’interprétation de ces 8 grands ados sonne juste. La mise en
scène est efficace et chorégraphiée simplement par un écran
placé au dessus de la scène et indiquant l’évolution dans le
temps de la date et de l’heure .
Même si la violence fait partie de notre quotidien, son
escalade dans la pièce est un peu rapide pour être
parfaitement réaliste.
Car ne vous fiez pas à l’affiche : tout n’est pas rose, le
héros n’est pas Billy Elliot (2) et ça ne finira pas en
chanson.
C’est davantage entre Le Cercle des Poètes Disparus(3) et Sex
Intentions (4) que la pièce réussit un grand écart.
Provoc’,
certes
mais
pas
que.
La
réflexion
transgénérationnelle ne paraît pas inutile, lorsqu’on a eu
connaissance des évènements de Concordia, Columbine, Virginia
Tech ou Aurora.
Il n’est pas ici fait référence à l’excellence académique de
ces campus américains mais bien à l’usage de la force réalisé
par certain des élèves à l’encontre de leurs camarades.
Pour paraphraser les Nèg’ Marrons (5) « La routine quotidienne
met les jeunes sous pression ». « Y a-t-il une solution pour
calmer la tension, avant l´hémorragie interne avant l´autodestruction? »
Le débat est dignement ouvert par cette pièce perturbante dont
vous ressortirez chamboulés.
Bande Annonce
http://theatre14.fr/saison/spectacle/punk-rock/bande-annonce
Notes :
(titre) Jeunes et cons, titre de Saez sorti sur l’album Jours
Etranges en 1999
(1) Le Péril Jeune, film français réalisé par Cédric Klapisch
sorti en 1994
(2) Billy Elliot, film dramatique anglais réalisé par réalisé
par Stephen Daldry en 2000
(3) Le Cercle des Poètes Disparus, film américain de Peter
Weir, sorti en 1989
(4) Sexe Intention, film américain de Roger Kumble sorti en
1999, inspiré de l’oeuvre de Laclos, Les liaisons dangereuses
(5) Extrait de la chanson des Nèg’ Marrons, « Ca dégènère »
sortie en 2000 sur l’album Le Bilan
Pratique : Mardi, vendredi et samedi à 20 h 30. Mercredi et
jeudi à 19 h. Matinée le samedi à 16 h. Jusqu’au 23 Février
au théâtre 14, 20 avenue Marc Sangnier (14e arrondissement,
Paris) – Réservations par téléphone au 01 45 45 49 77.
Informations complémentaires sur theatre14.fr
Tarifs : entre 11 € et 25 €
Durée : 1 h 40
Texte : Simon STEPHENS
Adaptation française : Dominique HOLLIER et Adelaïde PRALON
Mise en scène : Tanya LOPERT
Avec : Aurélie AUGIER (Docteur Harvey), Alice de LA BAUME
(Tanya Gleason), Issame CHAYLE (Bennett Francis), Clovis
GUERRIN (Chadwick Meade), Roman KANÉ (William Carlisle),
Mathilde ORTSCHEIDT (Lily Chill), Laurent PRACHE (Nicholas
Chatman), Alice SARFATI (Cissy Francks).
Merci à Flo, de m’avoir accompagné pour cette soirée au
Théâtre 14.
Le Marquis de Sade libère le
Ciné 13 Théâtre
Pierre-Alain Leleu nous propose de partager quelques années de
la vie du Marquis de Sade. Texte moderne, avec de nombreux
recours aux oeuvres du Marquis, l’interprétation en est
parfois déroutante, voire décevante. La mise en scène de
Nicolas Briançon, simple et efficace, fait toutefois oublier
ces quelques égarements dans le texte et le jeu proposé au
public.
Le rideau s’ouvre sur l’arrivée de Donatien Alphonse François
de Sade (Pierre-Alain Leleu), dans sa cellule de la Bastille,
et la première rencontre avec celui qui va rapidement devenir
son bourreau et son souffre-douleur à la fois, le gardien
Lossinote (Jacques Brunet, saisissant). Ces provocations sont
entrecoupées de crises de folie numéraire à répétition, et
tempérées par de profondes réflexions philosophicoreligieuses. Mais ce qui occupe surtout et avant tout l’esprit
du Marquis, ce sont ses longs dialogues imaginaires avec une
créature féminine (La Femme, Dany Verissimo). Ces
conversations, ces visites qu’impose cette créature à l’esprit
du
torturé,
représentent
le
véritable
exutoire
du bouillonnement intérieur du prisonnier : fantasmes sexuels,
perversités de tous ordres, joutes philosophiques, …parfois
entremêlées d’apparitions surprenantes (tel le curé, joué par
Michel Dussarat).
Car Sade, au-delà de ses moeurs décomplexées, est avant tout
un authentique libertin, amoureux et fervent défenseur de la
liberté d’opinion, de pensée, d’expression. C’est d’ailleurs
celle-ci qui lui a valu, paradoxalement, ses nombreuses années
d’enfermement (27 années sur les 74 qu’a duré sa vie).
Dans un contexte actuel voyant s’imposer la toute puissance
des religions, et où la diversité et le choix des moeurs est
au centre de tous les débats nationaux, il ferait certainement
bon d’enseigner dans nos écoles cette pensée affranchie de
tout carcan, loin très loin des clichés sulfureux entourant la
réputation du cher Marquis.
Sulfureux, aucun doute à ce sujet, le marquis l’a toutefois
été. Nicolas Briançon ne s’y trompe pas, dans sa mise en
scène, déroutante parfois de crudité, mais jamais déplacée.
Austère, on est bien loin du faste et du grandiose déployé
dans Volpone (lire l’article sur Arkult), mais l’essentiel est
là, et cela fonctionne.
Une pièce qui mérite d’être vue, pour découvrir ou redécouvrir
cette figure de la philosophie et de la littérature française,
dans la douceur des fauteuils ou canapés du somptueux Ciné 13
Théâtre.
Pratique : Jusqu’au 9 mars au Ciné 13 Théâtre, 1 avenue
Junot, 75018 Paris.
Réservations
sur http://www.3emeacte.com/cine13/Manifestations.aspx.
Tarifs : entre 14,50 € et 27,50 €.
Durée : 1h40
Mise en scène : Nicolas Briançon
Avec : Pierre-Alain Leleu, Dany Verissimo, Jacques Brunet,
Michel Dussarat
« Candide » déchaîné à la
Comédie-Française
Il en revient à chaque lecteur de mettre ses images sur une
œuvre littéraire. Surtout lorsque c’est une œuvre
incontournable que tous (ou presque) ont lu (au moins au
lycée). Pourtant, le regard partagé par Emmanuel Daumas dans
cette adaptation est juste et plaisante, une bonne raison de
redécouvrir Candide.
Le décor est planté dans le salon d’un restaurant des années
20. Des « gens d’expérience », aristocratiques, se mettent à
raconter l’histoire de Candide à son avatar contemporain
(Laurent Stocker). Cette mise en abîme est une excellente
solution qui permet à chaque acteur d’être une part de la
multitude de personnages qui composent le conte philosophique.
Chacun prend la parole, en fonction du découpage originel bien
rythmé et retranscrit. Notons tout de même que le Pangloss
joué par Serge Bagdassarian est complètement déchaîné et Julie
Sicard fait une Cunégonde érotico-burlesque à tomber.
Outre l’excellente composition dont font preuve les comédiens,
et la candeur magique de Laurent Stocker, la mise en scène
laisse place à de beaux moments sans paroles. Presque
cartoonesques, ces instants ajoutent une touche d’humour
supplémentaire bienvenue et ponctuent ce qui pourrait sembler
un peu rébarbatif dans le texte.
Le conte n’est pas donné en intégralité. On est loin de la
lecture (et c’est tant mieux), mais l’essence, les passages
clés sont tous biens visibles et ne devraient pas ennuyer les
puristes de Voltaire qui assisteraient au spectacle. Le tour
du monde vécu par le héros se fait dans une antichambre
cossue. Mais, une fois arrivé au bout, les acteurs sont
éprouvés, et nous, spectateurs, avons bien capté le sens et
les images. Les effets et les causes…
Pratique : Jusqu’au 3 mars au Studio-Théâtre de la ComédieFrançaise, Carrousel du Louvre, 99 rue de Rivoli.
Réservations par téléphone au 01 44 58 98 58 ou
sur www.comedie-francaise.fr.
Tarifs : entre 6 € et 8 €.
Durée : 1h15
Adaptation/Mise en scène : Emmanuel Daumas
Avec : Claude Mathieu, Laurent Stocker, Julie Sicard, Serge
Bagdassarian, Laurent Lafitte
Joël Pommerat, le maître de
la lumière à l’Odéon
Comme pour « Ma chambre froide », Joël Pommerat n’utilise pas
l’espace conventionnel d’un théâtre. Point de sièges, point de
scène. Ces attributs sont remplacés par deux rangées de
gradins face à face pour les spectateurs et un espace scénique
de plusieurs dizaines de mètres entre les deux comme terrain
de jeu(x).
Au sens propre comme au figuré, Pommerat déstructure les codes
du théâtre pour les faire entrer dans son univers très
particulier. Un monde sombre où les personnages sont parfois
de simples volumes de chair sur lesquels se reflète la
lumière, la véritable actrice des mises en scène du créateur.
Comme à son habitude, Pommerat créé tout en même temps. La
mise en espace, le décor, les jeux lumineux et le texte. Dans
« La réunification des deux Corées », pas d’histoire, mais
plusieurs tableaux dont le fil conducteur est l’amour et les
crises qui l’accompagnent. Pêle-mêle, on y voit un couple
lesbien en thérapie conjugale, un mari qui rend visite à sa
femme complètement amnésique, deux parents dont l’avis diverge
sur le fait que leur fils veuille partir à la guerre….
L’humour peut suivre la gravité, l’ironie succède à la
souffrance ou le calme à la colère et l’absurdité la plus
totale quand un curé vient expliquer à une prostituée dont il
est le client fidèle qu’il se passera désormais de ses
services car il a « rencontré quelqu’un ».
Le noir se fait entre chacun des scénarios et lorsque la
lumière (toujours magnifique) se rallume, la nouvelle scène
apparaît sous nos yeux comme par magie. L’éclairage dessine
parfois un soupirail, une boîte de nuit, un parvis d’église où
la mariée se prépare à monter les marches ou une rue sombre où
un fantôme vient chercher sa promise. On est toujours surpris,
émerveillés d’un tableau à l’autre. Pommerat arrive jusqu’à
recréer le reflet des feux d’artifice sur le sol d’une ville,
et il n’a pas peur de faire venir des auto-tamponneuses sur le
plateau pour les besoins d’une scène.
Néanmoins, cette création pèche un peu par la qualité qui
varie d’un « sketch » à l’autre. Certains s’étirent trop en
longueur, d’autres semblent connaître une fin bâclée … De
plus, la justesse des comédiens change d’un personnage à
l’autre. Parfois d’une neutralité dérangeante, ils peuvent
également se révéler en grand contraste avec ce décor si
puissant.
Malgré ce bémol, Pommerat s’inscrit en maître de la création
d’ambiance poétique et onirique. Ce spectacle est, et doit
être vu, comme une nouvelle grande réussite à mettre sur le
compte du metteur en scène, car on quitte la salle comme des
enfants quittent un cirque : des étoiles pleins les yeux et la
hâte d’y revenir.
Pratique : La réunification des deux Corées
Jusqu’au 3 mars au théâtre de l’Odéon, Ateliers Berthier,
au
théâtre de l’Odéon, 1 Rue André Suares
(75017, Paris).
Réservations par téléphone au 01 44 85 40 40 ou
sur www.theatre-odeon.eu. Tarifs : entre 6 € et 30 €.
Durée : 1h50
Mise en scène : Joël Pommerat
Avec : Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Yannick Choirat,
Philippe Frécon, Ruth Olaizola, Marie Piemontese, Anne
Rotger, David Sighicelli, Maxime Tshibangu.
« Tristesse Animal Noir » à
la Colline