Zibeline n°24 en PDF

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Zibeline n°24 en PDF
24
du 19/11/09 au 17/12/09 | un gratuit qui se lit
Thierry
Fabre :
les rencontres
d’Averroès
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Politique culturelle
Les théâtres de Marseille
4à6
Événement
Les Rencontres d’Averroès,
L’Aïd dans la cité
Rencontre avec Renaud-Marie Leblanc,
Biennale de la mémoire populaire
8 à 11
11
12,13
13
Théâtre
Entretien avec Catherine Marnas, Théâtre Nono
Au programme
La Cité, les Bancs publics, la Minoterie
Le Gymnase, le Marie-Jeanne, le Lenche, le Daki-Ling
Le Gyptis, le Toursky, Beaucaire, Cavaillon, Martigues
Nîmes, Ouest Provence, Port-de-Bouc, Avignon
14
15 à 18
19
20
22
23, 24
Cirque/Arts de la rue
Le Merlan
Ouest Provence, le Merlan, Sirènes et midi net, Martigues
25
26
Danse
Au programme
Avignon, Dansem, le Pavillon Noir
27 à 29
30
Musique
Concerts
Au programme
Disques
32 à 38
39 à 41
44
Arts visuels
Colloques
Au programme
Galerie du CG 13, Fontaine Obscure,
Espace Ecureuil, Villa Noailles
Entretien avec Dominique Angel, Nîmes, Allauch
Galerie de Visu, Regards de Provence,
galerie Territoires Partagés
45
46, 47
48, 49
50,51
52
Cinéma
Montpellier, Cinehorizontès, Rencontres à l’échelle
Instants vidéos, Image de ville, Paul Carpita, Rachel
Gardanne, Apt, Digne, Portrait de Bania Medjbar
Sevrapek City, AFLAM, Festival Tous Courts
Cinambul, Au programme
53
54, 55
56,57
58
59
Livres
Rencontres littéraires, salon Ecrimed
Écritures Croisées, Théâtre du Petit Matin, CRDP
CIPM, Au programme, l’Europe des intellectuels
Livres : littérature, arts
60, 61
62,63
64, 65
66 à 69
Philosophie
Entretien avec Spyros Théodorou
70, 71
Histoire
La fabrique scolaire de l’histoire, Bruno Etienne
72, 73
Sciences
L’astronomie
Page des adhérents
74
75
ZIBELINE JEUNESSE
Événement La convention des droits de l’enfant
Éducation
III
Laterna Magica, Des dessins pour la paix
Orchestre régional de Cannes, Ballet d’Europe
Sciences Fête de la science
Rencontre Patrice Laisney
IV
V
VI
VII
Spectacles
Château-Arnoux, Sainte-Maxime, Mômaix
Le Revest, Mômaix, le Gymnase, Le Massalia
Au programme
VIII
IX, X
XI à XV
Regards
CRDP, Entre tradition et modernité, Alcazar
XVI
Livres
Livres, Collection Tothème, Lire Ensemble, Toulon
XVII, XVIII
Réserve et négoce
Pourtant ils l’avaient dit, non ? aimez-la ou quittez-la ! Marie
N’Diaye l’a quittée, mais sans savoir qu’elle devait se taire, et
obéir à cette censure qu’on appelle désormais devoir de réserve.
Quel devoir a-t-on envers un Gouvernement quand on reçoit le
prix Goncourt, décerné par un jury tout à fait privé ? Quand on
est secrétaire d’État, sans doute, il faut mesyrer ses propos.
Aimez-le ou quittez-le, avait repris Nadine Morano à propos d’une
autre femme noire, du Gouvernement. Un fonctionnaire territorial, un militaire, un policier, un enseignant a effectivement un
devoir de réserve.
Vraiment ?
L’affaire Marie N’Diaye nous fait avaler des couleuvres. Admettre
ce qui ne devrait jamais passer. Un enseignant, un secrétaire
d’État, un académicien, un sénateur n’a pas à s’imposer de réserve, il a comme tout citoyen un devoir de résistance à ce qui
lui semble injuste, faux, dangereux. Les fonctionnaires de Vichy
devaient-ils se taire sur les lois raciales ? Ceux d’Afrique du Sud
obéir à l’apartheid ? La France de Sarkozy est loin de ce type de
régime. Il n’en demeure pas moins que ce bâillon appliqué aux
fonctionnaires d’État (et non de l’UMP) peut mener à de graves
aberrations.
Ainsi le Gouvernement reproche-t-il à la presse de se prendre
pour l’opposition. Les journalistes auront-ils bientôt un devoir de
réserve ? Non, cela ne passerait pas… Mais ceux qui travaillent
dans les chaînes et les radios publiques ?
Avancer l’énorme pour faire accepter l’insidieux : cette technique
de pseudo-négociation est d’une grande efficacité. On veut faire
des économies sur l’Éducation ? On annonce une réforme drastique des lycées, puis on la retire tout en supprimant des postes,
des heures et des options. On veut soumettre le monde de la
culture ? On annonce une diminution sans précédent des subsides, et on obtient le soulagement de tous les artistes qui, les
yeux humides de reconnaissance, parviennent à obtenir le rétablissement d’un budget constant.
Les intellectuels, les enseignants, les journalistes et les artistes
ont en commun ceci : le seul devoir qui les conduit est de lucidité et de transmission. Sans réserve.
AGNÈS FRESCHEL
04
POLITIQUE CULTURELLE
LES THÉÂTRES DE MARSEILLE
Les théâtres marseillais souffrent, se plaignent, nous alarment :
de financements, ils ont de plus en plus de mal à assurer les
Sonner l’alarme
Nous avons hésité avant de publier ces tableaux : la
lecture de chiffres, dans l’objectivité qu’elle semble
induire, est en fait d’une grande traîtrise. Ces chiffres
ne sont significatifs que si on les ramène à des
réalités plus globales : ce qu’une société est capable
de mettre dans le football, par exemple, et qui n’a
aucune commune mesure avec ce qu’elle met dans la
culture…
Et puis, à l’intérieur même des budgets alloués à la
culture, quelques réalités sont importantes à rappeler.
Les subventions dans leur contexte
La Ville de Marseille aurait certainement plus d’argent
à donner à ses théâtres, si elle n’était obligée de
prendre en charge totalement, par exemple, son Opéra
municipal (18 millions d’euros). Toutes les autres
grandes villes (Paris bien sûr, mais aussi Lyon,
Strasbourg, Bordeaux, Montpellier, Toulouse, Nancy,
Rouen, Metz, Lille…) ont des opéras financés au
moins en partie par l’État et aidés par les Départements et les Régions. Au niveau des équipements la
Ville a accumulé tant de retards depuis trente ans
qu’elle manque cruellement de plateaux capables
d’accueillir de grandes productions : il faut bien
entendu qu’elle investisse dans la construction, la
réhabilitation et la mise aux normes de ses bâtiments
culturels qui tombent tous en ruine. Cela coûte
extrêmement cher, et la ville est pauvre…
Le Département l’est aussi : le Conseil Général 13
consacre une part énorme de son budget à assurer les
minima sociaux. Quant à la Région, une part importante de son budget culture est alloué à l’emploi
culturel (pour les mêmes raisons économiques) et aux
festivals qui animent la vie (économique et culturelle)
saisonnière : cela fait le charme estival de la région
et la bonne santé économique des industries touristiques locales, mais appauvrit aussi les structures
pérennes, et l’offre culturelle pour les habitants.
Le rôle de l’État
Il faut savoir que sur 100 euros de dépenses publiques
en faveur du spectacle vivant, l’État verse en
moyenne, nationalement, hors Paris, un peu moins
d’un tiers (32%) et les collectivités territoriales un
peu plus des deux tiers (68%). Cet équilibre est à peu
près respecté à Marseille. Or dans un contexte
économique régional particulier, ce tiers s’avère
insuffisant. Si la France veut que Marseille soit une
Capitale culturelle, il faudrait évidemment faire pour
ce territoire un effort particulier.
L’État, globalement, investit beaucoup plus à Paris
qu’en «Province». Si notre région n’est pas plus lésée
que d’autres, il reste anormal que tous les théâtres
nationaux (hors Strasbourg) soient à Paris, et que
Paris et l’Île de France reçoivent près de 65% des
dépenses de l’État en ce qui concerne le spectacle
vivant.
Théâtres vertueux
Nous voulons donc rappeler en publiant ces chiffres la
grande vertu des théâtres marseillais : chacun apporte
à cette ville qui se veut Capitale une immense
richesse. Le Merlan fait venir des spectacles qu’on ne
voyait pas à Marseille avant, et qu’il coproduit largement, le Gyptis n’accueille que des créations qu’il aide
à produire, le Toursky draine un public énorme, et tous
ont le souci soit d’accompagner les artistes de la
région, soit de faire venir le public vers des formes
nouvelles tout en éduquant le goût et/ou en démocratisant le répertoire. De plus tous pratiquent des
politiques tarifaires basses et militent pour un accès
des jeunes et des populations défavorisées à la culture
Les cinq théâtres
Cinq théâtres à Marseille reçoivent plus d’un million
d’euros de subvention. Trois sont situés dans les
quartiers Nord, deux en centre-ville. Ils réunissent
à eux seuls plus de 200000 spectateurs sur les
280000 spectateurs environ qui fréquentent les
théâtres marseillais au cours d’une année.
Nous reviendrons dans la suite de notre enquête
sur les lieux plus petits ou moins généralistes, ainsi
que sur les autres théâtres de la région.
Les subventions prises en compte sont votées pour l’année civile 2009. Pour l’heure l’État a «gelé»
50000 euros sur la subvention allouée à la Criée, qu’il n’a pas restitués.
Attention : ces chiffres ne représentent pas la
dépense globale des collectivités pour les théâtres
marseillais. La ville regorge de théâtres plus petits
ou moins généralistes et de compagnies dramatiques subventionnés par les collectivités.
05
acculés par des baisses conséquentes et/ou successives
missions qui sont les leurs, et ont peur de l’avenir.
-il n’est qu’à regarder le prix des places dans les
théâtres parisiens, ou à l’OM, ou au Dôme, pour s’en
persuader.
Bref, même s’ils n’ont pas le même cahier des charges
chacun va au-delà de ses missions imposées : les
théâtres marseillais programment beaucoup d’auteurs
contemporains, beaucoup de créations, et plutôt plus
de femmes qu’ailleurs. Le public populaire y est particulièrement soigné, les scolaires également, et les
grosses productions «vues à la télé» sont bannies de
toutes ces salles. Le nombre de propositions différentes et de toutes tailles est impressionnant, les
places de théâtre vendues à Marseille éloquent (plus
de 280000 places tout théâtre confondu), les petites
salles font preuve d’un dynamisme fou, les grandes se
penchent vers les créateurs à qui elles ont permis
d’émerger...
Silence, concurrence, vieillissement
Pourquoi le malaise et la sensation de délitement
sont-ils donc aussi palpables ? Qu’est ce qui, au-delà
de la crise économique générale, affecte à ce point la
vie théâtrale ? Faut-il qu’un homme, Richard Martin,
entre en grève de la faim ? Qu’un autre, Jean-Louis
Benoit, soit désemparé au point de parler d’agonie de
son théâtre ? Qu’ensemble enfin les directeurs de
théâtre écrivent une lettre commune pour dire leurs
difficultés économiques ?
Le système de subventionnement place constitutivement les directeurs de structures culturelles en
situation de dépendance, et donc d’allégeance, vis-àvis des collectivités qui affectent l’argent public.
Celles-ci peuvent augmenter ou diminuer, bloquer
voire retirer les subventions avec une grande facilité,
et une opacité certaine : les chiffres sont publics, mais
mal surveillés dans un secteur difficile à appréhender
dans sa complexité.
Ce même système de subventionnement place les
théâtres dans une situation de grave concurrence
entre eux : ils connaissent la réalité des enveloppes
affectées à leur domaine, et savent que l’augmentation de l’un, dans ce contexte rigide, équivaudra à une
diminution de leur part.
Le gel des subventions favorise aussi, du moins dans
les établissements où les directeurs ne sont pas nommés,
un net vieillissement des équipes, et une méfiance
envers ceux qui arrivent du dehors : affecter des lignes
budgétaires à de nouveaux venus ne pourrait se faire
qu’à leur détriment.
Tous ces écueils rendent les directeurs méfiants quant
à la prise de parole publique sur des sujets économiques.
Zibeline tient donc à les remercier particulièrement,
tous, d’avoir pris ce risque réel de parler de leurs
difficultés économiques : les punitions directes
(retrait de subventions) existent dans un secteur qui
dépend si directement de la puissance publique.
Aujourd’hui, à force de recul, une volonté d’agir
ensemble pour construire l’avenir culturel de Marseille
sur des bases solides semble à l’œuvre. Marseille 2013
fera un flop si elle n’est pas entendue : il y a urgence
à augmenter de façon conséquente, et intelligemment, et en toute connaissance du terrain, et toutes
collectivités confondues, et sans népotisme d’amitié
ou de clan, les budgets alloués à la culture.
AGNES FRESCHEL
Les directeurs parlent
Le Toursky
*Le nombre de spectateurs et de productions sont ceux de la saison 2008/
2009, sauf pour la Criée pour laquelle nous avons retenu les chiffres de la
saison 2007/2008, la dernière saison, hors les murs, étant peu significative.
Attention : Les chiffres des productions, coproductions, créations et coréalisations recouvrent des réalités diverses : produire La Nuit des rois à la Criée
n’a forcément pas le même coût que produire Les Caprices de Marianne au
Gyptis, et encore moins La Révolte des Fous au Toursky -ce qui ne préjuge pas
de la qualité de l’un ou de l’autre.
De même coproduire une petite partie d’un spectacle qui tourne partout n’a pas
le même sens comptable qu’en être le producteur principal.
Les autres modes d’accueil des spectacles programmés sont la coréalisation
(participation à certains frais), l’achat d’un spectacle qui tourne déjà ou,
rarement, l’accueil à la recette (pourcentage). Ces formules sont nettement
moins coûteuses pour les théâtres, voire rentables lorsque les spectacles sont
peu chers et «remplissent» bien.
Zibeline : Avez-vous subi, ces dernières années, des baisses de subvention ?
Richard Martin : L’État a peu à peu retiré toutes ses billes. 60000 euros en tout, un peu
moins chaque année, puis 15000 euros, puis plus rien.
On vous a reproché d’employer un moyen disproportionné, et de partir à la lutte
tout seul. Comment répondez-vous ?
Croyez vous vraiment que je fasse une grève de la faim pour 15000 euros ? C’est pour
le théâtre en général que je me bats, pour la place du théâtre dans notre vie. Y a-t-il
un autre moyen ? Cela fait 40 ans que je me bats pour la culture, que je remplis mon
théâtre au-delà de tout ce qu’on avait prédit, mais pour certaines personnes je suis
«une épine dans le pied» ! C’est malveillant !
Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent votre programmation ?
On me taxe d’éclectisme… je suis un saltimbanque, mes mises en scène touchent à
tout, je reçois les expressions artistiques les plus diverses. Mais j’ai aussi reçu ici Heiner
Müller, Claude Régy, Tadeus Kantor, Roberto de Simone, la première chorégraphie de
Bagouet, Martha Graham. Et oui, aussi Léo Ferré et Moustaki, ce qu’on me reproche.
Mais je n’ai pas envie de céder à ces petits barons bonapartistes qui confisquent la
culture et devant lesquels il faut ramper ou crever pour avoir une audience. Je vois
toutes mes rêveries en grand. Ai-je tort ? Je veux que tout soit possible pour tout le
monde. Je donne l’alarme, et c’est glorieux !
Et à ceux qui vous reprochent de ne pas faire de créations, de ne pas accueillir les
bonnes compagnies ?
Je crie mensonge ! J’ai toujours fait des créations en mon théâtre. Quant aux bonnes
compagnies, qui en décide ? Me reproche-t-on d’accueillir Quartiers Nord ? Ils sont en
ligne directe avec le théâtre populaire. Je crois vraiment qu’on ne comprend rien à l’art
quand on prend la température chez Albanel.
Écrivez-le en titre, en gros :
LES SALTIMBANQUES N’ONT PAS À CULTIVER L’ALLÉGEANCE ENVERS CEUX QUI LES MÉPRISENT!
06
POLITIQUE CULTURELLE
Le Gymnase
Zibeline : Avez-vous subi, ces dernières
années, des baisses de subvention ?
Dominique Bluzet : Avant de répondre à
cela je tenais à dire qu’il ne faut surtout
pas stigmatiser telle ou telle collectivité.
Le moment n’est pas à cela, il faut absolument qu’elles fassent toutes un effort
afin que nous sortions de cette régression. Ce n’est pas en les irritant qu’on
parviendra à les mettre autour d’une table
avec nous tous, pour prendre le problème
au corps.
Quant au Gymnase… l’État nous a retiré
55000 euros en deux ans, et maintenant
c’est au tour de la Ville, qui nous enlève
30000 euros. Quant à la région, sa subvention n’a pas augmenté depuis 19 ans.
Ce n’est pas une baisse mais une asphyxie, une mort lente…
Que faut-il faire selon vous ?
La seule réponse à apporter est une
réponse globale, en vue de 2013, en vue
de notre survie. Globalement, on a retiré
à tous les théâtres. Il y a d’énormes problèmes à la Criée, nous nous en sentons
très solidaires. La paupérisation globale
des structures apparaît au grand jour…
Que pensez-vous de l’attitude de la
révolte de Richard Martin ?
Ce ne doit pas être le paravent du problème général. Le Toursky marche très
bien, il réunit un public incroyable, 24%
des abonnés du Gymnase le sont aussi au
Toursky, il fait un travail formidable dans
un quartier difficile... Mais je pense
vraiment qu’il ne faut pas stigmatiser
l’État ou concentrer le problème sur un
théâtre.
Quels sont selon vous les critères qui
doivent décider de l’attribution de subventions ?
La question est de savoir ce qu’est un
théâtre public. Un théâtre qui a à sa tête
un directeur pendant 30 ou 40 ans sans
que les collectivités qui le subventionnent soient décisionnaires dans son
conseil d’administration, et sans que
personne ne puisse vérifier si la dépense
artistique est également répartie, s’il
achète les représentations, s’il y a un vrai
équilibre de gestion, n’est pas vraiment
un théâtre public.
Y a-t-il d’autres critères ? Le nombre de
spectateurs ? La qualité des spectacles ?
Le nombre de spectateurs bien sûr. Le
contribuable doit avoir accès à la culture.
Quant à la qualité de spectacles c’est si
subjectif ! Les dés sont pipés à l’avance ;
qui décide de ce qui est acceptable ? La
notoriété ne doit pas être un indice de
rejet, et le Toursky par exemple fait très
bien d’inviter Michel Bouquet…
LES THÉÂTRES DE MARSEILLE
La
Criée
Zibeline : Avez-vous subi, ces dernières années, des baisses de subvention ?
Jean-Louis Benoit : L’an dernier l’État a gelé, c’est-à-dire fait disparaître, 50 000 euros sur les subventions qu’il nous
avait allouées. Et depuis des années les subventions ne sont pas indexées sur les prix : elles stagnent, c’est-à-dire
qu’elles baissent. La Ville, elle, a augmenté ses subventions il y a trois ans. Mais les problèmes aujourd’hui à la Criée
sont liés au bâtiment, pas au fonctionnement : il faut investir dans les murs, qui appartiennent à la Ville.
Pouvez-vous expliquer la spécificité de votre statut et de vos missions ?
Nous sommes un centre dramatique national, c’est-à-dire que nous avons, contrairement aux autres théâtres de
Marseille, une mission de service public. Le Merlan aussi, qui est une scène nationale. Ces missions vont vers la
création et la diffusion d’œuvres du répertoire, ainsi que d’auteurs contemporains francophones. Nous devons
également aider la création des compagnies dramatiques régionales non seulement en les accueillant, mais aussi en
les produisant et en les diffusant. Depuis mon arrivée il y a eu deux voire trois créations par saison.
Quel est votre statut personnel ?
À la tête des centres dramatiques nationaux ce sont des metteurs en scène qui sont désignés. Pour trois ans. Ils sont
reconductibles mais révocables, et doivent rendre compte de leur activité. Contrairement aux scènes nationales, je
dois aussi faire une création personnelle par an, la produire complètement ou presque, et la faire tourner. Et également
accueillir les productions des autres centres dramatiques nationaux.
Est-ce pour cela que vous avez plus d’argent que les autres ?
Bien entendu. Les missions sont différentes, et plus onéreuses.
Et vous programmez également dans deux salles.
Oui. En temps normal !
Quels sont selon vous les critères qui doivent décider de l’attribution de subventions ?
La qualité artistique doit primer, même si le nombre de spectateurs, et surtout la qualité de relation avec le public,
a son importance.
Comment cette qualité pourrait-elle être jugée ? Par quels critères objectifs ?
C’est bien le problème ! Mais à force de dire qu’il n’y en a pas on peut aboutir à faire n’importe quoi. Les décisions
devraient être prises par un collège de gens éclairés sans doute, d’artistes et de gens du métier. L’appréciation
comptable pratiquée aujourd’hui par les collectivités n’est pas pertinente, les politiques ne vont pas au théâtre, et
on manque terriblement d’interlocuteurs éclairés. C’est cela avant tout qui nous mine, même si nous savons que nos
valeurs sont porteuses, et que nous avons ici un public touchant de fidélité…
Le
Merlan
Zibeline : Avez-vous subi, ces dernières années, des baisses de
subvention ?
Nathalie Marteau : Elles stagnent depuis deux ans, et nous
avons subi une baisse importante du budget artistique prévu à
la réouverture du théâtre, après notre période de vagabondage.
Quels sont selon vous les critères qui doivent décider de
l’attribution de subventions ?
Elles doivent être attribuées par rapport aux missions confiées : il
faut réactualiser la mission de service public, la légitimité du
subventionnement est fondée là-dessus. Mais la nature du contrat
entre l’État et les théâtres est devenue très floue. Quelle place
doit-on accorder à la création ? Personne ne le sait, ou ne l’envisage de la même façon, chacun défend sa peau alors qu’il est
question de bâtir une éthique commune. Nous sommes en grand
manque de vision, de réflexion sur la politique culturelle, sur
nos missions.
Y a-t-il d’autres critères ? Le nombre de spectateurs ? Des critères
esthétiques ?
Au-delà du nombre de spectateurs c’est la qualité du lien mis en
place qui importe. La politique tarifaire et d’ouverture, ce qu’on
propose vraiment au public comme culture, au-delà du spectacle. De même ce n’est pas le nombre de spectacles qu’on
accueille qui compte, mais la qualité de l’accueil, sa pertinence,
comment on les accompagne financièrement mais aussi dans
leur diffusion, leur communication.
Quant aux critères esthétiques… je crois vraiment que c’est la
diversité qui compte sur un territoire. Je n’ai rien à dire au fond
si Richard Martin accueille Pietragalla, la pluralité doit être
représentée, surtout lorsqu’elle a un public, et une qualité.
Le Gyptis
Zibeline : Avez-vous subi, ces dernières années, des
baisses de subvention ?
Françoise Chatôt : Une suppression de toute subvention
de l’État, et une stagnation des autres. Nous avons perdu
60000 euros en quelques années, dans un contexte où
tout coûte plus cher, et où les intermittents en particulier
se paupérisent terriblement…
Quels sont selon vous les critères qui doivent décider de
l’attribution de subventions ?
La création avant tout ! Si un théâtre a une mission, c’est
de veiller à sa propre éclosion. Comment une culture
peut-elle exister si personne ne songe à réunir les conditions nécessaires à sa naissance puis à sa diffusion?
Comment peut-on espérer qu’une région reste culturellement vivante si on n’accueille pas, un peu dignement,
les compagnies régionales ?
L’autre critère est de travailler pour que le public se
renouvelle. Notre théâtre est rempli de scolaires qui y
viennent souvent pour la première fois. D’habitants du
quartier aussi, de gens qui ne viennent qu’ici, et à qui
nous donnons de vrais textes à entendre. Pas du
divertissement !
ENTRETIENS RÉALISÉS PAR AGNES FRESCHEL
08
ÉVÉNEMENT
LES RENCONTRES D’AVERROÈS
Les Rencontres d’Averroès se placent cette année sous le signe de
avec l’espace méditerranéen ? Retour sur son origine
Naissance du théâtre
La Méditerranée est un espace de civilisation
ancien où les conflits ont de la mémoire et les
vieilles haines semblent indépassables, enferrées
dans des répétitions sans issue. Est-ce la proximité,
liée aux mouvements des peuples, dans un horizon
aux ressources recherchées, qui rend les rancœurs
si profondes, qui les poursuit sans relâche dans la
vengeance, la «vendetta» ? La nécessité de resserrer le groupe en rejetant l’autre explique que la
fusion des peuples est un processus long, hésitant
entre soumission et égalité. Le bassin oriental de
la Méditerranée est constitué d’Empires qui ne
cessent de s’affronter. Mais insistons sur le drame
fratricide que présente, dans le domaine de
l’épopée et de l’imaginaire, l’Iliade.
Le partage de la parole
Théâtre de Dionysos sur l’acropole © Zsolt Zatrok Dr./stock.Xchng
Ce conflit fait le constat d’une rivalité haineuse,
d’outrances qui hérissent le monde divin, et, finalement, d’un ensauvagement lié autant à la folie
des hommes qu’à la fureur des dieux. Il permet
d’entrer dans une autre dimension du tragique : sa
représentation. Rapporter les exploits et les malheurs, voilà bien un moyen de prévenir des excès !
À travers les productions intellectuelles, les Grecs
comme les autres peuples traçaient les contours de
leur civilisation mais aussi de leur univers politique. Mais ils firent alors ce qu’aucun autre peuple
n’avait fait : ils inventèrent le théâtre pour mettre
en scène toutes ces productions.
En cette fin de VIe siècle, la société grecque était
parcourue de tensions sociales très fortes entre
paysans et riches propriétaires. Après la Monarchie,
l’Aristocratie incapable de s’autoréguler confia cette
tâche à la tyrannie. L’essai ne fut pas concluant : la
réforme du système politique déboucha alors
sur un nouveau système, à Athènes :
la démocratie. Elle introduisit un changement fondamental : le partage de la parole entre toutes les
classes sociales s’exprima au tribunal, à l’Assemblée
et au théâtre. Aller au théâtre devint indispensable
pour participer à la vie sociale et politique. Quant à
la tragédie, elle replaça au premier plan les difficultés de l’homme grec à vivre les contradictions de
son présent.
L’invention d’un genre
Tragédie signifie «le chant du bouc» et renvoie à
Dionysos. Ce nouveau genre se constitue progressivement à partir du dithyrambe, chant en l’honneur
de ce dieu, étranger à la Grèce, sans doute venu
d’Asie, symbole de l’excès, de la nature sauvage.
Entouré de son cortège de Bacchantes, il entraine
la troupe dans une fête marquée du sceau de l’ivresse,
de la débauche et de la danse. Pour se soustraire
aux excès de la transe destructrice on célébra un
culte : le rite aboutissait à une régulation du sacré.
Le dithyrambe honora le dieu par le chant choral et
la danse. Il serait né à Corinthe au VIIe siècle.
La forme évolua. Progressivement, le chef de chœur,
le coryphée, se serait lancé dans des improvisations,
devenant le premier acteur (le protagoniste). C’est
Thespis qui aurait ainsi inventé la tragédie.
Avec le temps la structure des pièces s’établit : une
entrée du chœur en chantant (un récitatif) accompagné d’un aulète (joueur d’aulos, une sorte de
hautbois) ; ensuite une alternance d’intervention
des acteurs (trois au maximum) et du chœur qui,
guidé par son chef, le coryphée, entame des chants
lyriques. Des variantes interviennent : prologue d’ouverture, dialogues lyriques entre le chœur et les
personnages. Les acteurs sont des hommes qui,
progressivement, sont devenus des professionnels.
Ils jouent derrière un masque, percé d’yeux et d’une
bouche, qui indique la nature de leur personnage et sont coiffés d’une perruque. Ils
portent (depuis Eschyle ?) un costume -un
manteau court ou une tunique- et des cothurnes,
des sortes de bottines qui les rehaussent.
La représentation
C’est aux fêtes dionysiaques qu’ont lieu les représentations. Celles-ci se tenaient sur la grande place
publique d’Athènes, l’Agora. On dressait des échafaudages pour constituer le théâtre autour d’un
espace dans lequel se tenait le chœur. Une estrade
permettait à l’acteur de d’être mis en valeur.
À la suite d’un effondrement des gradins, on aménagea les pentes de l’Acropole pour organiser un
véritable théâtre. Le monument prend alors progressivement sa forme achevée : l’espace quadrangulaire
s’arrondit pour former un cercle, l’orchestra. Le chœur
entrait par des passages sur les côtés, les parodoï,
tandis que la skènè, l’estrade d’origine pour l’acteur,
était complétée d’un bâtiment en bois (une façade)
et d’une avancée (le proskénion). Les gradins formèrent un demi-cercle parcouru d’allées.
Un théâtre civique
La cité joue un rôle fondamental dans l’activité
théâtrale. La fête des Grandes dionysies correspond
au moment où les alliés d’Athènes viennent apporter
leur tribut à la cité. Les auteurs, eux, se présentent
à un magistrat et lui soumettent leur texte. Ce
dernier en choisit trois, ce qui est bel et bien une
censure indirecte. Ensuite on désigne un chorège
(un citoyen riche) qui, affecté à un auteur, est chargé
de financer la représentation : il paye le chœur, les
acteurs, les costumes…
Les représentations effectuées -en continuité !-,
un jury impartial de citoyens tirés au sort désigne
le vainqueur du concours tragique. Les récompenses
sont honorifiques et
financières.
09
la Tragédie. Née en Grèce, a-t-elle toujours un lien spécifique
treuse prise de Milet par les Perses.
Mieux valait traiter indirectement le
présent.
Un théâtre politique
Le théâtre a pu mettre l’accent sur les
valeurs démocratiques, mais il souligne surtout au travers des intrigues
que le héros ne peut trouver de solution convenable au drame qu’il vit : la
solution appartient en fait à la collectivité, à la cité et à ses nouvelles
valeurs. D’ailleurs le héros tragique
est l’acteur face au chœur qui exprime les sentiments des citoyens. Il n’est
pas un archétype imitable mais la
manifestation d’un problème.
Au plan juridique, il hésite entre la
soumission à la cité et celle due aux
dieux. La solution au problème n’existe
pas pour le héros mais elle apparaît
au spectateur : le citoyen peut sortir
ainsi d’un vieux monde juridique traditionnel pour se soumettre à la loi
de la cité. De ce fait la tragédie est
pour le citoyen une école d’appren-
tissage civique.
D’autre part, l’accent mis sur le monde
religieux permet de souder la communauté : le héros apparaît comme une
victime expiatoire, le pharmakos, dont
l’expulsion permet de retrouver la pureté originelle.
Dans l’ensemble, le théâtre est l’aboutissement d’une révolution politique,
la démocratie. Dans Antigone de
Sophocle deux conceptions de la loi
s’affrontent: une transcendante, inflexible -celle du roi- et une privée
-celle d’Antigone qui veut ensevelir
son frère malgré l’interdit royal. Il y a
là, une vraie réflexion sur la responsabilité humaine des actes dans un
cadre politique nouveau.
C’est parce qu’elles possèdent une
dimension politique que la cité
sollicite la production des œuvres
littéraires. Elle paye même l’entrée
pour les plus pauvres (caisse du
théorique). Les citoyens, eux, sont
profondément impliqués comme choreutes ou chorèges. Ainsi le théâtre
tragique pose les problèmes politiques
dans un cadre nouveau. Toute tragédie,
événement inexorable et paroxystique,
impose d’esquisser une issue à la crise,
une solution face à un problème
apparemment inextricable. Et nécessite, pour s’en extirper, de changer de
logique.
RENÉ DIAZ
Buste de Dionysos, British Museum © Jean Savaton
Puis l’Assemblée se réunit dans le
théâtre pour faire le bilan : elle
sanctionne ou adoube les magistrats, les juges et les chorèges.
Dans cet univers, les dieux ne sont
jamais très loin. On n’entame pas une
représentation sans un sacrifice pour
Dionysos sur l’autel du théâtre. Sa
statue, comme la couronne de lierre
remise au vainqueur, manifestent sa
présence. Les puissances divines sont
aussi d’omniprésents sujets dans les
représentations.
Les auteurs sont nombreux mais trois
figures seulement ressortent vraiment
de la période classique : Eschyle (526456) ; Sophocle (496-406) ; Euripide
(484-406). Leurs compositions reprennent les trois grands cycles mythiques:
la guerre de Troie et le sort des Atrides
(Iphigénie, Oreste, Electre…) ; Thèbes
et les Labdacides (Œdipe, le Sphinx,
Antigone…) ; Héraclès et sa descendance. Les auteurs évitent l’actualité:
Phyrnicos dut payer une très lourde
amende pour avoir évoqué la désas-
Au deuxième temps d’Averroès
Le cœur des
Rencontres approche !
Les trois tables rondes, qui réunissent
chaque année près de 4000 personnes, auront lieu cette année pendant
la fête de l’Aïd. Simple coïncidence :
rarement les problématiques abordées
auront été plus éloignées a priori des
mondes musulmans. Moins sociologiques ou religieuses, elles ne sont
pas pour autant plus littéraires : les
Figures du tragique commenceront
par s’interroger sur la Naissance de la
Tragédie, à travers l’histoire littéraire,
de Sophocle à Racine, et à la lumière
de l’opposition nietzschéenne entre
apollinien et dionysiaque (le 27 nov de
14h30 à 16h30, avec Barbara Cassin,
philosophe et philologue, Vassilis
Papavassiliou, metteur en scène, Takis
Théodoropoulos, romancier). Plus philosophique encore, la deuxième table
ronde s’interrogera sur Dieu et le
tragique, et plus précisément comment
les trois monothéismes pallient le
tragique, réfutent son irrémédiable en
y opposant la transcendance (le 28
nov de 10 h à 12h, avec Jean-Christophe Attias, spécialiste de la pensée
juive médiévale, Michel Guérin, philosophe, et Mahmoud Hussein, deux
philosophes spécialistes du Coran). La
troisième table ronde sera historique,
et contemporaine : elle s’interrogera sur
Les guerres et le terrorisme, se demandant s’ils représentent en Méditerranée
une résurgence, une forme nouvelle, une
survivance de la tragédie ancienne (le
28 nov de 14h30 à 16h30, avec Stéphane Audoin-Rouzeau, historien de
la Premier guerre mondiale, Giulano
Da Empoli, sociologue et directeur de
la revue italienne Zero, Farhad
Khoskhkavar, sociologue spécialiste
de l’Iran).
Le soir du 28 nov à 20h30, un grand
concert, au Dock des suds cette année:
dans le cadre de la saison turque en
France, Istanbul Sessions est en
tournée, et les Rencontres en profitent pour proposer un concert-création
avec le trompettiste Erik Truffaz. Son
jazz cool mâtiné d’électronique rencontre donc ici la musique kurde et
turque du saxophoniste Ilhan Ersahin…
Outre ces grands rendez-vous, les rencontres proposent également le 26
nov de 17h à 20h un rendez-vous
autour de Bruno Etienne à l’Hôtel de
Région (voir p 73). L’exposition photographique de Pierre Bourdieu se poursuit
au Mucem jusqu’au 6 déc (voir p 11).
Une programmation très intéressante
de 42 documentaires est proposée à
l’Espaceculture (entrée libre) jusqu’au
28 nov : plusieurs cycles sur les guerres,
les générations d’immigrés, les femmes,
la Mémoire, la Terre. Proposés conjointement par l’INA et le Centre
Méditerranéen de la Communication
Audiovisuelle, il donne l’occasion de
«penser la méditerranée en images».
Un autre rapport à l’histoire, qui joue
avec les archives, des films plus
anciens et des créations projetées en
exclusivité.
A.F.
Ilhan Ersahin
et Erik Truffaz
© X-D.R.
10
ÉVÉNEMENT
LES RENCONTRES D’AVERROÈS | L’AÏD DANS LA CITÉ
La Méditerranée vit-elle encore à un âge tragique ?
Quelles sont les conditions de l’éclosion du conflit tragique ?
Tragidéicide !
«Les dieux sont morts.
Oui, mais ils sont morts de
rire en entendant l’un d’eux
dire qu’il était le seul.»
C’est par un immense éclat de rire que Nietzsche
annonce dans Ainsi parlait Zarathoustra la fin de la
tragédie. Car la condition de la situation tragique
est bien son amoralité. C’est-à-dire qu’elle doit pour
exister être déroulée à l’aune d’un regard qui ne
porte aucun jugement, qui n’est défenseur d’aucune
valeur. S’il y a un dieu assez prétentieux pour se
croire le seul, il ne peut supporter le tragique, la vie
comme seule puissance créatrice sans rien audessus d’elle pour la doubler.
En effet le héros tragique supporte la surabondance
existentielle sans se référer ou se délester sur le
ciel. Pour que la situation tragique soit possible,
les dieux ne doivent pas résoudre les conflits, mais
y assister : «Dieu doit quitter la scène, mais rester
néanmoins spectateur… le drame tragique est un jeu,
un jeu de l’homme et du destin, un jeu dont dieu est
le spectateur» (Lukacs, l’âme et les formes). Les
dieux doivent voir mais ils ne peuvent ni résoudre
le conflit tragique, ni être de force à balayer les
arguments, les désirs, les passions et les raisons
des humains.
La liberté humaine
La représentation est donc une des conditions du
tragique : une situation aussi terrifiante soit-elle ne
peut être tragique qu’à la condition que ceux qui la
souffrent la vivent comme une comparution devant
un tribunal divin. Mais cette comparution-représentation n’est pas l’unique ingrédient : il faut
pouvoir introduire la liberté humaine dans l’ordre
du cosmos pour que la tragédie ait lieu.
Pour les Grecs l’humain et le divin se côtoient dans
un équilibre précaire : il n’y a pas de dieu jaloux qui
requiert un amour exclusif. Dans Iphigénie à Aulis
le sacrifice est fait pour Artémis ; ce n’est pas une
subordination d’amour mais un commerce équitable
entre le profane et le sacré qu’Euripide met en
scène. Et il suffit d’une simple poignée de terre
d’Antigone sur son frère mort pour que soit établi
le même commerce avec Hadès frustré qu’on ne lui
ait pas livré Polynice.
De la même façon, Shakespeare met en scène la
longue tragédie des rois d’Angleterre alors que
prend fin la crise de la Réforme qui a affirmé l’autorité de la personne morale et la toute-puissance de
sa volonté autonome ; c’est de cet équilibre entre
la liberté de l’homme et l’autorité religieuse que
La Mort de Socrate, Jacques-Louis David, 1787, Metropolitan Museum of Art
serait née la tragédie shakespearienne. C’est ce
qu’affirmait Camus dans une conférence sur la
tragédie. Quant à la tragédie racinienne elle repose
sur une réflexion janséniste sur la liberté et la
Grâce qui aboutira d’ailleurs, une fois Racine
définitivement converti, à son silence littéraire.
Le triomphe de Dieu
En fait il n’y a eu que deux périodes très resserrées
qui ont permis la tragédie : la période EschyleEuripide et Shakespeare-Racine pendant lesquelles
s’est établie l’alchimie particulière entre le divin et
l’humain : «entre les deux 2000 ans de mystère
chrétien».
Et c’est ce mystère chrétien qui est en germe dans
les solutions socratiques et dialectiques qui mettent
un terme au conflit tragique. Pour Nietzsche, dans
l’œuvre d’art comme dans la morale bourgeoise et
chrétienne, le dionysiaque s’est endormi, au profit
d’un apollinisme brillant pour des idées et chimères
qui détachent l’homme de la vie. Car avec Socrate
entre le mortel et l’immortel la relation n’est plus
d’hostilité ni de conflit : le mortel est ce que l’on
perçoit, c’est-à-dire la face visible d’une réalité plus
vaste, l’intelligible. Plus de relation tragique,
insoluble, mais des correspondances : le visible
désigne et signifie une autre réalité, il est l’image
et comme le mythe de l’intelligible ; à la terreur
sacrée de la vérité est substitué l’exercice toujours
inachevé de la recherche dialectique.
Conclusion rapide
Socrate est alors, comme le sera Kant, «le plus grand
difforme des estropiés de l’intellect qu’il y ait jamais
eu !» (Si si, il l’a dit : Le crépuscule des idoles, «le
problème de Socrate», 8,9 ; «ce qui manque aux
Allemands», 7).
Et compte tenu des débordements factuels de mon
camarade historien dans les pages précédentes je
n’ai pas la place suffisante pour m’expliquer de
cette évidente conclusion sur Socrate, Kant, Dieu et
la liberté humaine, et ses implications actuelles
dans le monde méditerranéen. Remarquez, les
Rencontres d’Averroès sont là pour ça. Ce qui ne
m’empêchera pas de clamer : À bas dieu et le
marché, et vive la tragédie !
RÉGIS VLACHOS
11
Retour sur ses enjeux
Le tragique à l’œuvre
Comme chaque année les tables rondes sont précédées de manifestations littéraires et
artistiques autour de la problématique annuelle
Sous le signe d’Averroès a commencé le 31 oct au Centre
international de Poésie de Marseille par l’absence du
poète palestinien Ghassan Zaqtan, qui s’est vu refuser
son visa… Ses Suppléments au passé, recueil traduit de
l’arabe édité par Le refuge (éditions du CiPM), furent lus
en intégralité par son traducteur Jean-Charles Dépaule
et l’on put, grâce à un film projeté, entendre la magnifique
langue du poète, si balancée et riche en phonèmes inouïs
dans nos langues européennes… La traduction française
permet néanmoins d’appréhender cette poésie très
imagée, évoquant une enfance, des gestes simples et des
êtres disparus : «Seul le jasmin a poursuivi sa montée
lucide vers la terrasse du toit». Et tout le poids d’une
emprise qu’on sent là, quand «Un ennemi descend des
collines» et que «Du fait qu’il n’est pas «nous» et pas «ici»
commence la mort».
Inextricable
Invité par le Théâtre des Salins, Robin Renucci est venu
lire des fragments de textes sur le tragique, choisis par
Thierry Fabre, Michel Guérin, philosophe, et Didier Pralon,
philologue, amenés à en débattre par la suite. Au menu,
Antigone de Sophocle, Le monde comme volonté et comme
représentation de Schopenhauer, Ainsi parlait Zarathoustra
et Le gai savoir de Nietzsche, l’Etranger de Camus, Un roi
sans divertissement de Giono, Roberto Zucco de Koltès et
Le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face de
Mouawad. Des choix judicieux pour essayer de comprendre
le tragique, et appréhender sa réalité aujourd’hui.
De son origine liée au culte dionysiaque, jusqu’à l’expression du «réel, selon Michel Guérin, qui ne peut s’exprimer
par la raison» ou d’un état «du désordre du monde et de
l’expression de la contemplation de ce désordre» pour Didier
Pralon, le tragique intervient, aujourd’hui encore, sous des
formes différentes, «tramé, pour Guérin, dans la texture de
la conscience moderne». S’appuyant sur Hegel pour dire
que la situation tragique est insoluble, le philosophe parle
du conflit du Proche Orient comme «du tragique par
excellence, inextricable». Pour terminer, Robin Renucci
expliqua son rapport au tragique dans le théâtre : pour
lui, «du Ve siècle à maintenant, il est toujours question du
vivre ensemble et de vivre le monde». Mais quel monde ?
Historique
D’autres images d’oppression et de fin d’un monde, au
MuCEM. Intéressantes à double titre : parce qu’on y découvre le visage de l’Algérie durant la guerre -de 1958 à
1961, juste avant, juste après ; et parce qu’on y apprend
beaucoup des motivations de Pierre Bourdieu, jeune
professeur de philosophie envoyé en poste à Alger, et qui
s’y transforma en sociologue, jetant là les fondements de
son œuvre et de sa vie.
La photographie fut pour lui «une façon d’essayer d’affronter
le choc d’une réalité écrasante». De faire œuvre politique
sans se laisser aller à l’humanitarisme de ses collègues
bienveillants, sans «fausse sollicitude primitiviste». Si «la
sociologie est un sport de combat», titre du portrait de
Blida, photo Pierre Bourdieu - Fondation Pierre Bourdieu, Saint Gall, Suisse
Pierre Carles, c’est en photographiant
l’Algérie que Bourdieu fit ses armes.
Les 150 clichés exposés sont d’une
force rare. En «photographe de circonstance» et non en esthète, il
s’arrête sur du signifiant. Les déplacés de Kabylie parqués dans des
baraques parallèles où la cour intérieure, si importante dans ces familles,
n’existe plus ; les toits crevés des maisons; les rues d’Alger où se côtoient
femmes voilées et européennes en
mini jupes ; les panneaux publicitaires
qui incitent à fumer français ; une
Madone voilée ; les symboles de
l’OAS, ou du GPRA, dessinés sur les
murs ; les jeunes éperdus devant les
kiosques vendant des comics américains ; partout, les pauvres, la misère,
dans les villes, au fond de la casbah
ronde et blanche, le long des avenues
napoléoniennes, au cœur des villages ;
et partout aussi ce regard qui se refuse au face à face, les hommes
tournant le dos, les femmes se
cachant sous le voile.
DOMINIQUE MARÇON ET AGNÈS FRESCHEL
Images d’Algérie
Pierre Bourdieu, un photographe
de circonstance
jusqu’au 6 déc
MuCEM
04 96 13 80 90
www.rencontresaverroes.net
Venez fêter l’Aïd
Depuis six éditions la manifestation L’Aïd dans la Cité, organisée par l’Union
des Familles Musulmanes, fait un travail remarquable pour ouvrir les cultures
musulmanes présentes à Marseille aux autres, dans un contexte non religieux.
Sans cérémonie, sans prosélytisme, dans un vrai esprit de fête et de partage,
l’UFM invite à venir découvrir les Derviches tourneurs turcs au Gymnase, du
cinéma algérien au CRDP ou aux Variétés, de la danse traditionnelle algérienne
à L’Espace Julien, ouvre des ateliers de calligraphie… et organise la grande
Fête de la Famille et du Partage au Dôme. Ouverte à tous, L’Aïd dans la Cité
est une occasion d’affirmer qu’il existe une culture musulmane française : la
directrice, Nassera Benmarnia, rêve d’en finir avec l’image du mouton égorgé,
pour faire connaître les arts vernaculaires du bassin méditerranéen à tous. Aux
200000 musulmans marseillais Comoriens, Maghébins ou Africains, et aux non
musulmans, qui sont les bienvenus !
A.F.
L’Aid dans la Cité
du 20 au 26 nov 1430/2009
04 91 91 99 35
WWW.UFM13.ORG
12
ÉVÉNEMENT
RENCONTRE AVEC RENAUD MARIE LEBLANC
Les élèves d’Etudes Théâtrales de la classe d’Hypokhâgne du lycée Thiers ont rencontré
Renaud Marie Leblanc en septembre, avant qu’il ne commence ses répétitions de Phèdre.
Il leur a ouvert son monde avec un dynamisme entraînant
La tragédie classique
aujourd’hui
Les étudiants : Jean-Louis Barrault a écrit : Phèdre
c’est «une véritable bibliothèque composée de
témoignages, de dissertations, de critiques, de
louanges, de jugements, d’opinions…»
Renaud Marie Leblanc : La masse de ce qui a été
écrit sur Racine est une chose à laquelle on se
confronte forcément. Cela rajoute une réelle
difficulté, il faut éviter de se laisser paralyser. Phèdre
reste une pièce, et nous faisons du théâtre. Il faut
passer de la théorie à la pratique : la réflexion peut
être aussi l’ennemi du «faire».
Cependant on ne part pas monter Racine la fleur au
fusil ! J’ai beaucoup lu, des vies de Racine, des livres
sur la tragédie, Barthes, bien sûr, Francesco Orlando,
philosophe italien qui fait une lecture freudienne de
Phèdre, mais aussi des éditions scolaires ou un blog
sur la querelle entre critique psychanalytique et
critique structuraliste… Toute cette masse donne
l’impression d’un texte mythique, au-delà du théâtre.
Mais après, on entre dans les énigmes et on les
résout avec des moyens techniques. L’acteur est là,
il interroge, demande ce qu’il fait à tel endroit, et me
ramène à des choses concrètes. On ne peut pas faire
du théâtre sans un peu d’inconscience, sans oublier
ce qui nous paralyserait.
Vous commencez à répéter la semaine prochaine.
Comment travaillez-vous avec les acteurs ?
Je n’ai qu’un texte annoté, je n’écris plus mot à mot
la mise en scène. En revanche, j’ai travaillé avec le
scénographe et le créateur lumières. Les acteurs ont
besoin d’un espace déterminé pour travailler. Ce
n’est pas pareil s’il y a un mur ou pas de mur, une
chaise ou pas de chaise. L’espace dessine la
contrainte de l’acteur.
Pour le reste, je me sens libre de ce qui va advenir en
répétition. Les acteurs vont faire vivre l’espace autant
que je l’ai imaginé de l’intérieur. Parfois, l’acteur me
fait entendre quelque chose du texte auquel je n’avais
pas pensé ; j’entends précisément ce que la lecture
ne m’avait pas permis de percevoir. En somme,
pendant les répétitions, il faut laisser advenir.
Avez-vous fait des coupes dans le texte ?
Non, on joue l’intégralité du texte. Je ne coupe jamais
au préalable, cela n’a pas de sens, ce n’est que lors
des répétitions que je m’aperçois des difficultés que
peuvent présenter certains endroits résistants,
opaques.
Quel est votre parti pris de traitement du vers ?
Quelle importance donnez-vous à sa musicalité
particulière ?
On parle beaucoup de la musicalité de l’alexandrin,
mais pour moi toute parole proférée est musicale, la
prose tout autant que les vers. Il faut se demander
comment est ressentie la versification aujourd’hui.
Est-ce que Racine en vers, ça marche toujours ? Si le
théâtre n’est beau que littérairement, laissons-le
dormir dans les bibliothèques théâtrales. Mettre en
scène c’est entrer dans un processus de traduction.
On dit que Racine faisait d’abord le plan de ses
tragédies, qu’il les rédigeait en prose puis en vers. En
somme les vers de Racine seraient déjà une
traduction de sa prose.
Lorsqu’il faut choisir entre le son et le sens, entre
l’alexandrin et son contenu sémantique…
… je choisis le sens, évidemment. Le vers c’est du
musée. L’important c’est raconter l’histoire et
traverser ce qui habite les personnages. Le moule du
vers est un moule imposé. Je suis contre la pause
systématique à l’hémistiche, pour l’enjambement…
mais intransigeant sur la prononciation de toutes les
syllabes et sur la question du e muet. Pas de couac !
On s’empare de l’alexandrin racinien pour le faire
sonner non pour le détruire. Mais ce qu’on joue ce
sont les affects.
Alors pourquoi Racine ? Il y a bien d’autres Phèdre
plus contemporaines…
Racine m’intéresse parce qu’il résiste, qu’il présente
des problèmes formels de réalisation. L’Amour de
Phèdre de Sarah Kane serait d’un accès plus facile,
l’aspect contemporain, «trash» de la pièce est
intéressant, mais je veux savoir pourquoi la pièce de
Racine résiste.
Comment envisagez-vous de traiter les personnages
plus secondaires, autres que Phèdre et Hippolyte ?
Je ne crois pas que Phèdre-Hippolyte soit le couple
essentiel. S’il fallait trancher, je dirais que Thésée est
plus important qu’Hippolyte, mais tous les
personnages n’existent que par rapport aux autres.
Même Panope a un rôle qui compte, celui d’être la
messagère du destin. Quant à Oenone, son rôle est
énorme. Pour moi elle n’est pas noire. Oenone fait le
mal en voulant le bien -c’est fréquent !
Chaque personnage atteint un paroxysme mental et
physique, aux prises avec une pulsion première et
immédiate. Racine y avoue son goût pour la violence,
le sentiment d’une perdition mentale et physique née
du besoin de posséder l’autre, et soi-même au
travers.
Ainsi, mettre en scène Racine après Lars Nøren
s’inscrit dans une continuité.
C’est vrai que je retrouve dans Phèdre la soudaineté
et la violence des rapports humains chez Nøren.
C’est cette modernité qui me touche.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LES ÉLÈVES D’ÉTUDES THÉÂTRALES
D’HYPOKHÂGNE DU LYCÉE THIERS, ENCADRÉ PAR LEUR
PROFESSEUR ANNE-MARIE BONNABEL
Phèdre de Racine
Le Sémaphore, Port-de-Bouc
Le 27 nov
04 42 06 39 09
www.theatre-semaphore-portdebouc.com
La Criée
du 9 au 19 déc
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
Œuvre incontournable dans l’histoire du théâtre français, Phèdre de Racine dépeint son amour
démesurément passionné et incestueux pour Hippolyte, fils de son époux Thésée. La pièce connaît ces
dernières années un certain essoufflement : peu de Phèdre depuis la mise en scène de Patrice Chéreau
en 2003. Le metteur en scène Renaud Marie Leblanc, dont la compagnie Didascalies and Co est installée
à Marseille, a relevé le défi de faire aujourd’hui du théâtre avec une pièce trop souvent perçue comme un
monument littéraire du passé. À nous d’apprécier cette tragédie à la confluence d’un classicisme rigide
et d’une modernité pétillante. À l’image de son metteur en scène! MELINA
Phèdre résonne comme une œuvre imposante, un classique, un intouchable, un mythe. Cela pourrait en
effrayer plus d’un ; pourtant, Renaud Marie Leblanc s’y attelle avec audace : après avoir réalisé sa première
mise en scène avec Mélite de Corneille et monté beaucoup de théâtre contemporain, il a choisi ce grand
classique. Contradiction ? Certainement pas. Rapprocher les textes du spectateur du XXIe siècle est un défi
au cœur de son expérience, qui l’a conduit à mettre en scène Corneille comme Noëlle Renaude. Le XVIIe
siècle n’est pas si loin nous rappelle Renaud Marie Leblanc, et si Phèdre semblait délaissée ces dernières
années par les metteurs en scène, la voilà ressuscitée. MARIE
«Ce qui m’y a fait venir, c’est que plus personne ne s’y colle» : voici comment il explique son désir de monter
Phèdre. C’est faire preuve de courage que de s’atteler à ce chef-d’œuvre que Jacques Morel qualifiait de
«monument tragique exemplaire», tant de fois expliqué, commenté, analysé, interprété, décrypté. Renaud
Marie Leblanc parviendra-t-il à poser sur cette tragédie un regard neuf et à nous guider dans des tréfonds
encore insondés de l’amour furieux de Phèdre ? JULIE
BIENNALE DE LA MÉMOIRE POPULAIRE
ÉVÉNEMENT
13
Humaine, trop humaine !
Renaud Marie Leblanc revient au répertoire classique
en mesurant son talent à la dernière pièce antique
de Racine, et à un mythe théâtral : Phèdre, reine solaire
et monstre amoureux du fils de son époux, Thésée
Enfermée dans le cadre blanc d’un
décor rendu aux dimensions d’une
chambre d’asile plutôt que d’une cité
antique, et incarnée avec énergie par
Roxanne Borgna, Phèdre décline les
signes de sa folie amoureuse (éblouissements, remords, haine avec une
grande hache, jalousie…), autour de
laquelle tous gravitent, tantôt pour
surenchérir, tantôt pour la mettre à
distance.
La mise en scène écarte ainsi les options
politiques, morales ou métaphysiques
de la pièce pour se concentrer sur la
vitalité de ce désir cru, d’une humanité
presque dure. Si cette approche élude
l’impersonnalité écrasante des dieux,
qui fait la démesure et la contradiction
interne des personnages tragiques, elle
évite également le pathétique sentimental ou hystérique des approches
psychologisantes.
En effet l’interprétation déjoue les
attentes en explorant tous les registres,
y compris celui de l’humour. La frénésie d’une Phèdre rajeunie par ses
transgressions, la colère aveugle d’un
Thésée au soir de sa vie comme de
son mythe, l’innocence orgueilleuse du
jeune Hippolyte, s’incorporent dans la
langue à la fois familière et étrangère
de l’alexandrin, et l’expression brutale
de la passion est comme contenue par
une esthétique télégénique, aux couleurs électriques, à la fois aseptisée et
outrancière. Ainsi la tension propre au
théâtre classique, qui enfermait les
excès de la passion dans une forme
policée et conventionnelle, se renouvelle-t-elle de façon tout à fait surprenante
et paradoxale : dans les couleurs
chromo de notre propre modernité !
AUDE FANLO
© Marc Ginot
Au théâtre des Treize Vents,
Montpellier, jusqu’au 21 novembre
(04 67 99 25 00), puis à la Criée
et au Sémaphore, à Port-de-Bouc
Mémoire en partage
Naufrage © Clorinde Durand
La Seyne-sur-Mer, figure emblématique de l’histoire
industrielle de la région comme La Ciotat, Port-deBouc et d’autres, s’est imposée d’elle-même comme
lieu d’accueil de la 1re Biennale régionale de la
mémoire populaire, Rien n’est jamais pareil.
Contrairement à la tonalité nostalgique de l’affiche,
cette manifestation initiée par la Région Paca s’est
tournée vers l’avenir à travers la présence d’une
jeune génération de plasticiens, photographes et
vidéastes. Paradoxal ? Justement non, car La Seynesur-Mer doit aujourd’hui relever de nouveaux défis
liés aux mutations industrielles et socio-écono-
miques, et porte de nombreux projets culturels :
Maison du patrimoine, Maison de l’image, Musée
d’histoire des chantiers… Pour écrire La Seyne autrement, entre mémoire et à venir, la biennale a proposé
un concentré d’arts visuels disséminé dans des
bâtiments ancien et contemporain que les Seynois
ont (re)découvert à l’occasion : Bourse du travail,
ancienne Criée aux légumes, Dojo théâtre, centre
Nelson Mandela à Berthe, théâtre Apollinaire, médiathèque du Clos Saint-Louis, école des Beaux-arts,
Parc de la Navale… Un parcours de quinze jours
(beaucoup trop court !) qui «restituait une société en
acte et une mémoire collective». La mémoire des
associations de quartiers qui ont installé leur patrimoine sonore et visuel dans des boutiques restaurées
par la Ville et des habitants qui ont prêté photographies
personnelles et textes. Celle du photographe Seynois
Jean Reverdito et du journaliste Jacques Windenberger, dont le travail à La Seyne-sur-Mer, Toulon,
La Ciotat s’est affiché sur les grilles du Parc de la
Navale. Celle encore des documentaristes qui ont
témoigné de la fermeture des chantiers, en pleine
rénovation urbaine, et exploité parfois les rushs des
magazines télé : il fut un temps où Thalassa et Sagacités se préoccupaient des activités du port… Tous
ont fait de ce patrimoine collectif, la mémoire, matière
à réflexion contemporaine -sociologique, plastique ou
politique- avec pour socle commun le travail et ses
corollaires: la fracture sociale, la reconversion, les
liens entre sphère familiale et sphère professionnelle,
le bureau et son lot d’objets symboliques. Des
thèmes récurrents dans les travaux de Suzanne
Hetzel et Ian Simms, David Mozziconacci, Serge
Le Squer, Alain Bernardini, France Dubois,
Clorinde Durand, Serge Lhermitte…
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
La 1re Biennale régionale de la mémoire populaire,
Rien n’est jamais pareil, s’est déroulée
du 10 au 25 oct
14
THÉÂTRE
ENTRETIEN AVEC C. MARNAS | THÉÂTRE NONO
La table aux récits
Catherine Marnas reprend à Briançon
et à la Friche son Banquet fabulateur.
Une pièce festive et conviviale où les
histoires circulent à foison, de bouche
en bouche, comme les seuls véritables
mets de choix… Tout cela porté par sa
bande de comédiens, comme toujours
exceptionnels.
Zibeline : Comment est née cette idée d’un banquet
où l’on se nourrit de textes ?
Catherine Marnas : D’une carte blanche offerte par
Annette Breuil (Directrice des Salins ndlr). C’est une
forme qui laisse place aux coups de cœur, à l’idée de
création collective : j’ai demandé aux acteurs d’amener
ce qu’ils avaient dans leurs «malles d’imaginaire».
Autour du texte de Nancy Huston, L’espèce fabulatrice, nous avons bâti un hommage à la fable, avec ce
que chacun a apporté : Feydeau, Hamlet, une comédie
belge, Nougaro… et Platonov.
Pourquoi, puisque l’on n’y mange pas même si l’on y
boit, se retrouve-t-on à table ?
La convivialité aujourd’hui passe presque exclusivement par la gastronomie ! On voulait provoquer le
partage autour d’autre chose, d’intelligence, de
fables, tout en gardant ce dispositif amical, qui rapproche des comédiens. Ils sont assis à table, on les
voit prendre leur rôle après vous avoir servi à boire.
D’ailleurs, quand Franck Manzoni endosse Platonov,
cela a quelque chose à voir avec la possession, avec
le repas de Festen…
Le Banquet fabulateur © Pierre Grosbois
Mais pourquoi vouliez-vous rendre cet hommage à la
fable ?
Parce que cela permet d’aborder différemment le
problème de la culture. De savoir que ce qui nous
constitue n’est pas notre fric, notre Rollex, mais notre
imaginaire. Notre faculté d’inventer. C’est quelque
chose que nous perdons très vite en ce moment,
l’admiration envers ceux qui inventent des histoires.
Aujourd’hui Koltès, qui a presque toujours vécu comme
un marginal, serait considéré comme un looser.
Mais cette faculté d’inventer des histoires est aussi
utilisée comme moyen d’oppression.
Oui. Nancy Huston aborde longuement le problème
du Story Telling, de ces fictions utilisées quotidiennement pour conditionner les soldats ou convaincre
les électeurs, influencer les consommateurs. Nous
avons choisi de laisser de côté cette partie-là de son
essai : cela aurait été trop long, trop complexe, et
nous voulions une forme festive…
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNES FRESCHEL
Le Banquet Fabulateur
Du 19 au 21 nov
La Cadran, Briançon (05)
04 92 25 52 52
Du 8 au 18 déc
Salle Seïta, La Friche
04 91 64 41 90
www.parnas.fr
Fraternels Fratellini
On est heureux de retrouver enfin les NoNo à
Marseille, pour une création en collaboration avec
l’Académie Fratellini, mise en scène par Serge
Noyelle du 12 au 14 nov à Marseille, puis du 19 nov
au 12 déc à Paris. Un baiser, GoGo est composé de
numéros successifs de cirque parfaitement exécutés
par de jeunes artistes virtuoses, aux caractères bien
trempés : un duo de portés lents particulièrement
beau, exécuté par un couple amoureux et violent, qui
s’offre et se refuse, se cherche et se fuit ; un numéro
de jonglage général dans tous les sens avec assiettes
et verres, impressionnant de précision ; du mât
chinois, du cerceau, un mur, du tissu aérien (monté
sur élastique, le numéro le moins réussi sans doute);
du hip hop, des claquettes, des acrobaties…
Mais le plus étonnant dans ce Petit cabaret cirque est
le liant constant de l’ensemble, qui permet d’installer
une ambiance générale. Autour d’une mélodie à
l’accordéon, qui s’élève jusqu’au tango et redescend
en ritournelle. Autour de la thématique simple de la
table qu’on installe, chaises, verres, assiettes. Autour
du motif, plus inquiétant, de l’envahissement. Autour,
surtout, d’une communauté visible entre des artistes
qui forment troupe et chœur, et font ensemble un
spectacle fraternel.
Un baiser, Gogo © Cordula Treml
AGNES FRESCHEL
Les Nono nous offrent un autre spectacle dans la
foulée : Serge Noyelle met en scène cinq de ses
comédiens pour des Contes érotiques de Noël, écrits
par sept écrivains autour de thématiques communes:
la ville, le temps présent, l’érotisme et Noël. Il y en
aura en revanche pour toutes les humeurs,
caressantes, sauvages, amusées, cruelles ou
tragiques. Mais rien pour les enfants !
Les Contes érotiques de Noël
interdits aux enfants
Théâtre NoNo, campagne Pastré
Du 10 au 18 déc
04 91 75 64 59
www.theatre-nono.com
CRIÉE | MASSALIA | BERNARDINES | GYPTIS | GYMNASE | TOURSKY
THÉÂTRE 15
Sine die ?
En l’état actuel de l’avancement des expertises amiante, la Criée espère pouvoir
continuer à jouer en ses murs. Mais la programmation du Grand Théâtre reste pour
l’heure aléatoire, et la Nuit des Rois est de toute façon repoussé…
Seules quelques dates seront maintenues dans la petite
salle. On se réjouit vraiment que Phèdre (Petit Théâtre,
voir p 12 et 13) vienne voir le soleil pour la dernière fois
tous les soirs du 9 au 19 déc. Et que le Macbeth d’Heiner
Muller mis en scène par Angela Konrad, prévu lui aussi
dans le Petit Théâtre de la Criée, y voit surgir ses
sorcières et ses spectres du 2 au 6 déc : une des
missions majeures des Centres Dramatiques Nationaux
est de (co)produire des compagnies de la région,
conventionnées ou non. C’est pour cela, entre autres,
qu’ils bénéficient de subventions importantes de l’État,
pour aider à la naissance de spectacles artistiquement
ambitieux, comme sont ces trois productions. Espérons
que ces trois metteurs en scène résidant dans la région
(Jean-Louis Benoit, Angela Konrad, Renaud Marie
Leblanc) pourront donner à voir leur travail cette année à
Marseille… Et après eux Xavier Marchand, Frédéric
Flamand, Hubert Colas… Quant au Hamlet Cabaret
de Mathias Laghoff les spectateurs en sont d’ores et
déjà privés, et le Palais des glaces prévu également en
novembre est reporté sine die…
D’autres spectacles auront lieu, espérons-le, ces prochains
jours. Ils viennent d’ailleurs pour s’installer dans la Grande
Salle, si elle est praticable : Nathan le Sage, du 3 au 5 déc
(voir page 18), et Médée mis en scène par Laurent
Fréchuret du 8 au 11 déc… Jean-Louis Martinelli devrait venir ensuite, puis Pippo Delbono.
Les pouvoirs publics mesurent-ils bien l’impact qu’aurait
sur la vie culturelle de la région une deuxième saison annulée peu ou prou à la Criée ? Les 65 000 spectateurs
Étrange
Quintuplé
Massalia accueille le Théâtre de la Mezzanine pour une
performance particulière : enfermés dans une installation
dans le hall de la Cartonnerie les acteurs nous donnent
une vision du désastre à travers des meurtrières. On pourra y apercevoir leur univers, une station service déglinguée
et maculée d’huile de vidange, de machines, d’une radio,
d’un tank. Univers crépusculaire où les humains se comportent étrangement…
Alain Béhar revient lui aussi aux Bernardines, avec une
pièce pour cinq hommes, écrite après une recherche
dans un laboratoire marseillais de neurosciences. Une
pièce sur la conscience, masculine peut être, intime
sûrement. Dans la langue travaillée et poétique qui fait
la spécificité de son écriture scénique, il représente ici
un cerveau déployé et traversé d’influx divers, désirs,
pensées, fantasmes, sollicitations.
Côte d’Azur
Du 19 au 28 nov
La Friche
04 95 04 95 70
www.theatremassalia.com
Mô
Du 16 au 19 déc
Les Bernardines
04 91 24 30 40
www.theatre-bernardines.org
Mô © Mathieu Lorry-Dupuy
Cagien
Le collectif IRMAR (Institut des Recherches Menant À
Rien) présente une création intitulée Du caractère
relatif de la présence des choses. Tout un programme!
Ils se placent dans la lignée de la musique expérimentale, de l’installation, du happening et de la performance.
C’est aussi sous-titré : un événement qui doit beaucoup
à John Cage. Qui peut être un fort bon parrain. Ou pas !
Obsédé
Les Trois Sœurs de Youri Pogrebnitchko sont en tournée en
France et en Suisse, et passent bien sûr par les
Bernardines. La collaboration entre Alain Fourneau et le
metteur en scène russe n’est pas nouvelle. Tchékhov,
cette pièce surtout, est une obsession pour
Pogrebnitchko qui n’arrête pas de l’explorer, sondant le
sentiment amoureux, rendant la relation toujours plus
actuelle et percutante, loin de la langueur. En russe surtitré,
par une troupe de jeunes comédiens, avec deux
musiciens, et de la chair.
Classiques
Comique
Un solo de Paul Dewandre qui fait du bruit et polémique,
Romantique
Françoise Chatôt recommence ses Caprices ! Après le après la sortie d’un hyper best seller de John Gray (40
Les Caprices de Marianne
Du 1er au 5 déc
Le Gyptis
04 91 11 00 91
www.theatregyptis.com
AGNES FRESCHEL
Les Trois Sœurs
Du 10 au 13 déc
Les Bernardines
04 91 24 30 40
www.theatre-bernardines.org
Du caractère relatif de la présence des choses
Les 19 et 20 nov
Montévidéo
04 91 37 97 35
www.montevideo-marseille.com
succès de la création de son Musset, dans les murs du
Gyptis et en tournée, il revient pour quelques jours dans
les murs du théâtre marseillais. Écouter Musset est
toujours un plaisir extrême, le découvrir un privilège,
surtout pour les adolescents à la découverte des premiers émois amoureux. Ne les en privez pas, d’autant
qu’Octave (Guillaume Clausse) brûle ici la scène…
Macbeth © Christiane Robin
annuels de ce théâtre valent-ils moins que les 50 000 du
stade vélodrome frustrés de leur PSG-OM, ou a-t-on
moins peur de leurs exactions ? Sans parler des deux
techniciens malades, qui ont déposé plainte contre X
pour mise en danger de la santé d’autrui…
millions d’exemplaires vendus), que d’aucuns ont qualifié
de sexiste. Il épingle en fait les comportements caricaturalement opposés des hommes et des femmes dans le
jeu social de la séduction et la vie de couple. En tant que
constat d’un état de fait, le spectacle peut être drôle, si
on ne le prend pas pour la description d’un état naturel,
mais pour la caricature de comportement trop souvent
répandus…
Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus
du 24 au 28 nov
Le Gymnase
www.sudconcerts.net
Michel Bouquet est l’hypocondriaque Argan dans la mise
en scène de Georges Werler du Malade imaginaire.
Entouré d’une troupe de comédiens qui tous excellent
dans le registre de la comédie, dont la formidable Juliette
Carré qui joue une Toinette insoumise à souhait, Michel
Bouquet donne à voir et à entendre une interprétation
impressionnante.
Antoine Bourseiller met en scène Lorenzaccio dans une
forme épurée, une adaptation rigoureuse et énergique
du chef-d’œuvre de Musset, avec Alexandre Ruby dans
le rôle-titre.
Le Malade imaginaire
Du 19 au 21 nov
Lorenzaccio
Les 11 et 12 déc
Théâtre Toursky
04 91 02 58 35
www.toursky.org
16
THÉÂTRE
AVIGNON | MARTIGUES
D’île en île
Le Conte d’hiver de Shakespeare est
une œuvre composite et étonnante,
qui fait passer successivement d’un
ton de tragédie digne du Roi Lear, à
une pastorale aux tons pastel, puis à
une grande comédie type La nuit des
rois avec reconnaissances successives,
et dénouement totalement merveilleux
grâce à une statue qui s’anime.
Classifiée en «Romance tardive» par les
spécialistes de Shakespeare qui ne
savaient comment les nommer, ces
pièces disparates ont un charme fou,
juvénile, et surprennent par leur liberté
de ton. Le Conte d’hiver est l’histoire
d’un mari jaloux, du désir inexprimé,
d’une amitié fraternelle qui se brise,
d’une enfant cachée… péripéties qui
s’étalent sur 17 ans, trois îles, le monde.
Shakespearien en diable, créé par Lilo
Baur à Lausanne, et abordable dès
l’âge où l’on tient durant 2h30 de
théâtre magique.
Rouge Décanté est, en revanche,
expressément réservé aux adultes. Par
Le conte d'hiver © Mario Del Curto
Rouge decanté © Pan Sok
le thème qu’il aborde, sa plongée progressive dans un inconscient compulsif
qui se révèle. Il s’agit d’un spectacle
réellement bouleversant. Parce que le
texte de Jeroen Browers, autobiographique -il raconte cinquante ans
après son enfance dans un camp japonais en Indonésie durant la seconde
guerre mondiale- est magnifiquement
construit, par étapes, vers une révélation intime. Parce que Guy Cassiers,
un des plus grands metteurs en scène
actuel, a su ici souligner cette force
avec des effets discrets, une
composition de l’espace par lignes,
transparences et projections qui
restitue quelque chose de la lecture et
de son morcellement. Parce que Dirk
Roofthooft, seul en scène, incarne
avec une émotion sans pudeur, mais
sans hystérie, cet homme brisé qui se
livre pour mieux se délivrer.
Rien n’y manque, que votre regard.
Rouge Décanté
Le 27 nov
Le Conte d’hiver
Les 1er et 2 déc
Scène Nationale des Salins, Martigues
04 42 49 00 00
www.theatre-des-salins.fr
AGNES FRESCHEL
personnalité singulière du Che, d’où il
ressort qu’il n’est «ni une icône, ni un
monstre assoiffé de sang» note Gélas.
Des dialogues rapides et concis, loin
de tout prosélytisme, qui s’ancrent
dans l’imaginaire pour mieux fouiller
l’Histoire, et qui reposent sur des
préoccupations chères à l’auteur
Argentin, celles qui lient violence et
pouvoir, sur le plan politique mais aussi
privé. Le Che est joué par Olivier
Sitruk, «une évidence» pour Gérard
Gélas, tandis que le personnage de
Cabreira est tenu par Jacques Frantz ;
et pour compléter la distribution, Laure
Vallès, Guillaume Lanson et Aloïs
Bebachir.
Désaliénation
Ernesto Che Guevara, la derniere nuit © Manuel Pascual
Parce qu’il s’irritait depuis longtemps de «voir Che réduit à
une image pour tee-shit», Gérard Gélas a décidé de le faire
parler. Il met en scène le texte de José Pablo Feinmann,
Cuestiones con Ernesto Che Guevara dont Marion Loran
assure la traduction et l’adaptation.
Retour donc en octobre 1967, quelques heures avant
l’exécution de Che Guevara, dans la petite école de la
Higuera en Bolivie. Là vont se rencontrer le révolutionnaire
et Andrès Cabreira, un journaliste dont le projet est de
raconter l’arrestation et l’exécution du Che. Une rencontre
imaginaire bien sûr, mais qui va petit à petit dévoiler la
DOMINIQUE MARÇON
Ernesto Che Guevara, la dernière nuit
mes Gérard Gélas
Du 20 au 29 nov
Théâtre du Chêne Noir
04 90 86 58 11
www.chenenoir.fr
À noter :
une représentation exceptionnelle de Guantanamour
clôt sept ans de tournée, le 10 déc.
AU PROGRAMME
THÉÂTRE
17
Stand up
Curiosité
Réalité
Nouara Naghouche est une pure AA, entendez par- La compagnie La Sentinelle s’empare de l’univers Guillaume Gallienne a écrit son histoire. Celle d’un
là Alsacienne Algérienne. Le one woman show de
cette comédienne énergique, intitulé Sacrifices, est
co-écrit et mis en scène par Pierre Guillois, directeur
du Théâtre du Peuple à Bussanq. Avec humour et
humanité elle dresse un portrait sans concession du
monde qu’elle côtoie, avec une tendresse particulière
pour les femmes, ses «sœurs» aux existences de
martyres, entre voile et mariages forcés. Et puis les
autres, dont elle campe des portraits bigarrés,
absurdes et drôles qui «dévoilent les mécanismes du
quotidien» qu’elle met en lumière.
Fondement
Serge Sarkissian adapte le Livre de Job, poème en prose qui
pose la question de la souffrance, sans la justifier mais en la
situant dans le rapport avec Dieu. Richard Martin incarne
Job, homme juste et travailleur, tandis que Michael Lonsdale
est Dieu ! Un face à face savoureux soutenu par les sons du
doudoug (flûte arménienne en bois d’abricotier) de Lévon
Minassian et du violoncelle de Fabienne Bafchieri.
Job ou l’errance du juste
Le 17 nov
Théâtre Toursky
Le 21 nov
Le Comœdia (Aubagne)
04 42 18 19 88
www.aubagne.com
Colloque
La pièce de Frédéric Lenoir et Louis-Michel Colla, Bonté
Divine, aborde le thème du dialogue interreligieux. Un prêtre,
un rabbin, un imam et un moine bouddhiste, enfermés après
une conférence commune dans une pièce d’où ils ne peuvent
communiquer avec l’extérieur, vont rivaliser de considérations théologiques, jusqu’à sonder leur foi et leurs doutes.
Bonté Divine
Le 2 déc Le Comœdia (Aubagne)
04 42 18 19 88
www.aubagne.com
Le 1er déc
Pasino (Aix)
04 91 80 10 89
www.sudconcerts.com
Le 26 nov
Théâtre Armand (Salon)
04 90 56 00 82
www.salon-de-provence.org
Le Bar sous la mer
Le 8 déc
Le Méjan, Arles
04 90 49 56 78
www.lemejan.com
Les garçons et Guillaume, à table
du 1er au 5 déc
Jeu de Paume, Aix
0 820 000 422
www.lestheatres.net
le 8 déc
Scène Nationale des Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
Futuriste
L’acteur-metteur en scène Marcial di Fonzo Bo poursuit son exploration de l’œuvre théâtrale de l’Argentin
Rafael Spregelburd et met en scène, avec la comédienne et auteure Elise Vigier La Paranoïa, inspirée du
tableau de Hieronymus Bosch, Les Sept péchés capitaux. Naviguant entre théâtre et vidéo (l’artiste associé
au Théâtre, Bruno Geslin, crée les images), la pièce
s’attache à démonter les mécanismes de la fiction. Or
la survie de l’espèce humaine dépend de la création
d’une fiction qu’une équipe bigarrée et déjantée de
mathématicien, astronaute, écrivain… est chargée de
créer en 24h… La fiction comme dernière richesse,
quelle science-fiction !
La Paranoïa
Les 26 et 27 nov
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
Déluge
Jean-Pierre Darroussin en riche céréalier bougon de
la Brie ? Pourquoi pas, il peut tout jouer, cet acteur-là.
Y compris ce texte d’Alain Gautré, mis en scène par
l’auteur, qui le prend au piège de sa propriété familiale
durant 40 jours de pluie, et le confronte à des personnages pas toujours bienveillants. Une comédie qui vire
au grinçant et s’échappe vers le biblique pour mieux
causer d’universel…
La Chapelle en Brie
du 15 au 19 déc
Jeu de Paume, Aix
0 820 000 422
www.lestheatres.net
>
Bonté Divine © Lot
garçon dans une fratrie où il avait un drôle de rôle. Et
bien sûr cette histoire il la joue, seul en scène, endossant tous les personnages, mettant à l’œuvre son talent
d’acteur surdoué et survolté de rire. Sous la direction
de Claude Mathieu, sa marraine de théâtre.
>
Sacrifices
Le 27 nov
Théâtre d’Arles
04 90 52 51 51
burlesque et satirique de l’écrivain, poète et journaliste
italien Stefano Benni en adaptant Le Bar sous la mer.
Mise en scène par Karine Poitevin et Ludovic Laroche,
la pièce rend compte de toutes les histoires contées
par les curieux clients qui peuplent ce bar sous la mer,
et dans lequel atterrit une jeune femme qui essayait
simplement de sauver de la noyade un homme qui
s’enfonçait dans l’eau…
Entre pastiche et parodie, les personnages prennent vie
au cours de récits extravagants, désopilants, surréalistes!
Huis
clos
Selon le principe des Veilles théâtrales conçues par
l’Atelier, Alain Simon et Alain Reynaud liront dans son
intégralité un texte de ce dernier. Sur son enfance,
son père projectionniste qui raccourcissait les films
pour retrouver plus vite les siens le soir…
Voyage sur place
le 4 déc, 19h
Théâtre des Ateliers, Aix
04 42 38 10 45
www.theatre-des-ateliers-aix.com
© Pacôme Poirier
Rabelaisien
Ce texte de Valère Novarina est éclatant, jouissif,
orgiaque. De verve, d’invention verbale, de liberté
poétique concrète, qui se mange. Huit personnages
métaphoriques définis par leur manière de dévorer le
monde se trouvent autour d’une table et parlent,
parlent, cette langue dont l’air est connu et suffit à
faire entendre les paroles…
Le Repas
Le 1er dec
Théâtre d’Arles
04 90 52 51 51
www.theatre-arles.com
Le 2 déc
Théâtre Vitez, Aix
04 42 59 94 37
http://theatre-vitez.com
Bel
amateur
Le théâtre Vitez accueille la 7 édition du festival de
e
théâtre amateur en Pays d’Aix. Les compagnies, sélectionnées, préparées, ménagent chaque année de très
belles surprises. Cette année, des textes très divers :
Pasolini, Grumberg, Shakespeare, Benno Besson,
Labiche, et de créations collectives… Parce que le
théâtre se pratique !
Festival de théâtre amateur
du 11 au 16 déc à 19h et 21h15
Théâtre Vitez, Aix
04 42 59 94 37
http://theatre-vitez.com
18
THÉÂTRE
AU PROGRAMME
Enfer
Libération
Après des résidences de travail à la Distillerie à Aubagne, à
la Friche et au 3bisf, la cie aubagnaise Lesgensdenface présente sa création des Quatre jumelles de Copi. La mise en
scène de Christophe Chave s’attachant à rendre réelle
l’écriture de Copi, rythme le jeu des comédiennes en se
basant sur l’énergie et les tensions perpétuelles de leurs
corps. Entre folie et farce macabre, les quatre jumelles se
croisent, se droguent, s’entretuent, meurent et ressuscitent
inlassablement…
Xavier Gallais adapte et met en scène Les Nuits blanches
de Dostoïevski. Une relecture moderne, dans laquelle
Tamara Krcunović et Xavier Gallais offrent une interprétation
troublante de cet amour romantique. Tout en légèreté et
subtilité ils font leurs les mots de l’auteur russe, au cœur
d’un décor presque naturel entre bois et herbes hautes.
Les quatre jumelles
Le 4 déc
Le Comœdia (Aubagne)
04 42 18 19 88
www.aubagne.com
Les Nuits blanches
Le 14 déc
Théâtre Armand, Salon
04 90 56 00 82
www.salon-de-provence.org
Les nuits blanches © BM Palazon
Revenir
Dans La Douleur, mis en scène par Patrice Chéreau et
Thierry Thieû Niang, Dominique Blanc est Marguerite Duras.
Récit autobiographique, le texte cru de Duras raconte sa vie
de résistante, la libération, et l’horreur de l’attente, celle du
retour de son mari, Robert Antelme, résistant déporté à
Dachau. Seule en scène, la comédienne fait sienne l’écriture
durassienne, entre douleur et espoir.
La Douleur
Le 21 nov
Théâtre de l’Olivier, Istres
04 42 56 48 48
www.scenesetcines.fr
Aimer
Confession
Cendre Chassanne, qui dirige la compagnie Barbès 35,
met en scène Le Triomphe de l’amour de Marivaux, une
guerre d’amour «qui est aussi une guerre politique, […] une
aventure hédoniste.» Au centre de la mise en scène un jardin
dans lequel rien ne pousse, jusqu’à ce que «Léonide, par la
puissance de son projet, ne parvienne à faire bouger tout cela,
à réveiller les forces de la nature.» Le pouvoir de l’amour
triomphant en tant que nouvel ordre politique ?
Au début du XXe siècle, à Monte Carlo, un scandale secoue
les résidents d’un grand hôtel : abandonnant son mari, une
femme respectable s’enfuit avec un jeune homme qu’elle
connaît à peine. À cette occasion, une vieille aristocrate
anglaise revient sur son passé et sur histoire fort similaire…
Marion Bierry adapte la nouvelle de Stefan Zweig, 24
heures de la vie d’une femme, avec Catherine Rich et Robert
Bouvier. Dans une mise en scène sobre, les comédiens
prennent la parole à tour de rôle ; un double récit qui permet
la lente libération de la parole…
Le Triomphe de l’amour
Le 15 déc
Théâtre de l’Olivier, Istres
04 42 56 48 48
www.scenesetcines.fr
Résister
Espérer
On ne payera pas l’oxygène d’Aristide Tarnagda, dans une
Au temps des croisades, en 1187 à Jérusalem, sont réunis les Afrique crépusculaire projetée dans un avenir encore plus
destins séparés d’un marchand juif, d’un jeune Templier et
du sultan Saladin. Parabole de la tolérance et de la fraternité,
Nathan le sage de Gotthold Ephraïm Lessing est mis en
scène par Laurent Hatat avec un parti pris actuel, dans une
démarche qui place le théâtre au centre de la question du
vivre ensemble. Transposée dans une ville d’aujourd’hui, «où
les mots permettent encore d’exprimer les conflits, parfois
pour les régler, parfois pour les masquer», la pièce fait
entendre d’étonnants échos…
>
Nathan le sage
Le 28 nov
Théâtre de l’Olivier, Istres
04 42 56 48 48
www.scenesetcines.fr
>
sombre, raconte l’agonie d’un couple refusant de payer l’air
qu’il respire ; Grand écart de Dieudonné Niangouna met
en scène l’histoire d’un autre couple, plus universel, violent,
détruit par la dureté du monde et sa propre violence. Deux
très beaux textes, proposés par Eva Doumbia, par une
metteure en scène qui connaît l’Afrique et nous la donne à
voir sans concession.
On ne payera pas l’oxygène/Le grand écart
Le 1er déc
Théâtre de La Colonne, Miramas
04 90 58 37 86
www.scenesetcines.fr
Nathan le sage © Eric Legrand
24 heures de la vie d’une femme
Le 26 nov
Théâtre de La Colonne, Miramas
04 90 58 37 86
www.scenesetcines.fr
Le 12 déc
Carré Léon Gaumont, Sainte Maxime
04 94 56 77 77
www.carreleongaumont.com
Soliloques
Jean-Yves Picq s’installe au Théâtre des Halles pour trois
soirées qui se déclineront en rencontre (le 17 déc, avec
lectures choisies de ses textes) et spectacle. Le Théâtre de
l’Ephémère met en scène Donc, délirant tourbillon verbal à
trois voix. Les mots comme rempart contre le silence et la
nervosité…
Donc
Les 18 et 19 déc
Théâtre des Halles, Avignon
04 90 85 52 57
www.theatredeshalles.com
Résistance
Germaine Tillion aura traversé le XXe siècle de façon
exemplaire, toujours à la recherche du juste et du vrai, à
travers ses écrits et ses engagements humanistes. Xavier
Marchand met en scène trois de ses textes -Il était une fois
l’ethnographie, Ravensbrück et Les Ennemis complémentaires- avec des chants et des images d’archives, dans
un théâtre documentaire dont il a le secret subtil, qui donne
une belle leçon d’humanité.
Il était une fois Germaine Tillion
Le 17 déc
Théâtre de la Passerelle, Gap
04 92 52 52 52
www.theatre-la-passerelle.com
LA CITÉ | BANCS PUBLICS | MINOTERIE
THÉÂTRE
19
Sortir
de l’isolement
La Cité, Maison de théâtre poursuit ses expériences
d’écritures du réel ; au programme de novembre, la
prison, sujet difficile à traiter sans tomber dans le
voyeurisme, le pathos ou la morale à deux sous.
Pourtant le metteur en scène Jean-Michel Van den
Eeyden et Jean-Marc Mahy, ex-taulard devenu
éducateur, et acteur pour l’occasion, ont voulu faire
du vécu de Mahy un véritable «acte théâtral», et permettre à cet homme qui a passé 18 ans de sa vie en
prison, dont 3 en quartier d’isolement, de «porter sa
parole différemment» sur le plateau et, par la confrontation au jeu, de prendre la distance nécessaire pour
rester un homme debout.
Accueillis en résidence de création durant l’été, les
deux Belges ont présenté le travail en cours durant 3
soirées suivies de projections et de débats. La force
du propos et de sa validité dramatique sont frappantes.
Mahy possède un vrai tempérament d’acteur, qu’une
mise en scène dépouillée et pudique transcende.
Durant une heure, on est avec le détenu dans sa minuscule cellule, qu’il arpente presque non stop, tout en
disant un texte encore improvisé mais qui sonne déjà
écrit. On suit son parcours de jeune délinquant, puis
de prisonnier, les humiliations répétées, les coups et
les fouilles au corps, les étapes d’un procès bâclé, la
tentation du suicide jusqu’à sa métamorphose finale.
On est ému, on rit aussi… et on attend la version définitive d’un projet prometteur.
Créations diverses
La Minoterie comme à son habitude invite et
soutient la création en programmant, en
novembre, Grand Magasin, puis le Théâtre de
l’Ajmer. Pour des bonheurs divers, à petits prix.
Avec presque rien, une table de camping et
une quinzaine d’objets cheap, mais beaucoup
d’humour et d’ingéniosité Grand Magasin
parvient, entre un chantier à ciel ouvert et un
restau en cours d’édification, à broder un
numéro burlesco-surréaliste, à base de logique
à deux termes aristotélicienne : un objet, là ou
pas là, déclenche ou non sur un pseudo tableau
numérique un voyant qui s’éteint ou s’allume.
Jumel © X-D.R.
Une volonté dérisoire de circonscrire le monde
à du binaire, fort drôle, à la base néanmoins de notre monde numérique…
Le Théâtre de l’Ajmer n’a pas cette ingénuité-là. Franck Dimech, comme quand il monte Sarah Kane ou
Maeterlinck, sadise ses acteurs, les met dans des positions humiliantes, cherche notre dégoût (laper son assiette,
recracher, remanger, cracher dans un verre puis boire, enfiler une robe trempée de lait, se nourrir de graines
cachées dans sa culotte…). Procédés acceptables quand ils visent à une prise de conscience. Mais entre ces
jumelles chinoises, sur ce texte insipide qui répète à l’envi des situations sans intérêt, quel est l’enjeu ?
A.F.
Panorama commenté, de Grand Magasin,
a été joué du 19 au 24 nov. Jumel est joué jusqu’au 19 nov.
www.minoterie.org
CLARISSE GUICHARD ET FRED ROBERT
Un homme debout a été présenté du 5 au 7 nov
à La Cité à Marseille
Un homme debout © Olivier Donnet
Terra (in)cognita ?
Une première semaine bien remplie pour l’arpenteur
des territoires ouverts cette année encore par le
théâtre des Bancs publics qui propose pour la 4e
édition des Rencontres à l’Echelle un véritable
festival de propositions en mouvement, de trajectoires croisées ou de face-à-face fertiles entre Marseille
et Alger. Grâce à une collaboration élargie avec Aflam
(voir p 58), ou les Rencontres d’Averroès et une
déambulation heureuse entre Joliette et Belle de Mai,
la cohérence du projet se dessine fermement, quoi
qu’il en soit de la fragilité de certaines formes d’exploration. Le déploiement de désir vers l’autre semble
être le mot d’ordre général, plus ou moins explicite
selon l’artiste. La chorégraphe Balkis Moutashar le
fait savoir sans ambiguïté dans Lautrétranger pièce
qui invite trois soirs de manière différente Sliman
Habès à investir et à subvertir de son énergie hip hop
les gestes d’une danse contemporaine si codifiée ; à
trouver sur un plateau où tout a déjà été joué, la place
qui est due à celui qui vient d’ailleurs. Émouvant y compris dans la maladresse et l’inachevé. Plus audacieuse,
la création de Julie Kretzschmar et Guillaume
Quiquerrez, première exploration publique de l’hétéroclite et malicieux Arrêt) (Terra, pose le spectateur
face à une quête en miroir qui mêle le burlesque au
tragique : sous l’autorité bienveillante de l’acteur
Samir El Hakim, trois «Français» à une table de
conférence égrainent avec des bonheurs divers la
semoule fondatrice et identitaire ; subtile, pince-sansrire, la scène dure sans s’user / le rock du colonisé,
décalé et hilarant couvre le crépitement des identités
flambées / un dernier tableau énigmatique (d’un
seau rouge de pompier, chaque acteur tire un gobelet
d’eau qu’il jette dans les pieds de son comparse qui
traverse la scène en courant, accompagnant son geste
d’un «pschitt» sonore et quelque peu menaçant) se
dilate dans le temps et ouvre un espace imaginaire
singulier, bien plus intéressant que les portraits-vidéo
qui scandent le reste de la pièce.
Le même trio d’acteurs (Eric Houzelot, Sharmila
Naudou et Julie Kretzschmar) a lu le lendemain aux
Archives Départementales la non moins nerveuse et
polyphonique Archéologie du chaos (amoureux) du
pop-littérateur (sic) Mustapha Benfodil dont la
présence stimulante et modeste n’a sûrement pas
entravé la circulation des idées dans la salle ! La rencontre sidérante avec le film de Tariq Teguia Inland
(voir p 53) ou les photos «algériennes» de Pierre
Bourdieu au MuCEM (voir p 11) élève encore la
qualité de l’attention portée à ceux d’en face. À
suivre...
MARIE JO DHO
Les Rencontres à l’Echelle
ont lieu dans divers lieux de Marseille
jusqu’au 6 déc
20
THÉÂTRE
GYMNASE | MARIE-JEANNE | LENCHE | DAKI LING
Drôle d’Histoire
© Pascal Gély CDDS Bernand
Bon. C’est du théâtre à la papa. Regorgeant de personnages inauthentiques,
d’intrigues sentimentales à la Cour
dignes, par instants, de Barbara
Cartland… Mais enfin, ce Diable Rouge
fait plaisir. D’abord, avant tout, par-dessus tout, parce que Claude Rich est là.
Jubilant, coquin, mutin, Mazarin jusqu’au bout des ongles, il est la malice
incarnée. Ses moindres répliques sonnent comme des mots d’esprit, ses mots
d’esprit comme du Machiavel. Il a le
don de tout sublimer, cet homme-là.
Mais il serait injuste de lui attribuer
tout le plaisir qu’on prend à ce spectacle : si Antoine Rault n’a visiblement
pas de souci de la langue, ni de l’histoire du sentiment amoureux, il a un
sens évident de la progression
dramatique, du bon mot, et un vrai intérêt pour
l’histoire du pouvoir. Quelque chose se passe là, dans
les antichambres, entre Mazarin qui s’éteint, Anne
d’Autriche qui cède la place, Louis qui devient Soleil,
Colbert qui pointe son nez et Fouquet qui se fait
évincer. Quelque chose qui a posé les bases, semble-
t-il, de l’exercice du pouvoir en France.
Et qui prête à sourire, par les
correspondances éta-blies entre un
système régalien et un autre, toutes
ces promesses faites pour être trahies.
Et cet impôt en train de naître qui
protège les plus riches et ménage les
plus pauvres, et ressemble tant au
système fiscal actuel.
Au-delà de cela, on ne peut que se
réjouir du succès de ce théâtre intelligent et populaire, peu inventif dans la
forme mais très accessible, et misant
sur le plaisir: les scènes marseillaises
sont trop avares de ce type de spectacles, qui font le succès des parisiennes.
À des prix nettement moins abordables.
AGNES FRESCHEL
Le diable Rouge a été joué
au Gymnase du 13 au 24 oct
Le jeu cabaret
Malade à trois
Décidément, Tchekhov n’épuise pas le théâtre de Lenche, ni son esprit de troupe.
Le cabaret qui a été proposé durant deux semaines a rempli la petite salle, les
gradins et les tables disposées autour de la scène. Une chaleur indéniable se
dégage de cette forme conviviale de théâtre de proximité qui transforme le
comédien en voisin de siège, et permet ainsi d’entrer dans les nouvelles de
Tchékhov un peu comme lors d’une rencontre littéraire. Le jeu n’y est pas théâtral,
les comédiens n’interprètent jamais les personnages : ils s’amusent à dire les
textes, ensemble, à contretemps, en chœur, en chantant, en s’interrompant
même… bref en jouant beaucoup mais sans jamais jouer comme au théâtre. Cela
donne une cohésion particulière à la troupe, sans qu’aucun ne soit poussé en
avant : tout est judicieusement réglé, même les chansons, à plusieurs voix, pas
faciles, qu’ils chantent juste… ce qui relève généralement de l’exploit chez les
comédiens, et dénote un travail sans doute colossal ! Mais ce cabaret permet
surtout d’entendre les récits amers de Tchekhov, la précision de ses personnages
brossés en deux coups de pinceau, et ses désarrois qui surgissent dans cette
sorte d’inopiné prévisible dont ses nouvelles ont le secret. On en ressent comme
une impression contradictoire : l’amertume du constat est rehaussée par le
bonheur de goûter cette intelligence. Décidément, Tchekhov est inépuisable.
La compagnie Le Souffle a six ans.
Marseillaise, elle a à son actif sept créations, et une énergie qui la pousse à
tourner dans de nombreuses salles
conviviales, et dans les établissements
scolaires. Son Malade Imaginaire était
ainsi au Daki Ling pour une reprise, et
on le retrouvera au Marie-Jeanne,
autre théâtre marseillais à l’énergie rare,
aux petits tarifs et à la programmation
choisie, malgré la crise.
Leur Malade ne manque pas de qualités
non plus : le texte, reconcentré autour
de quelques scènes phares, est monté
dans un esprit de tréteaux (masques,
interversions des rôles, changements
à vue, musique en direct…) qui ne dénature jamais l’esprit de la pièce, même
quand il en bouscule la lettre. Les
caractères de la dernière pièce de
Molière sont compris dans leur cruauté
et leurs ambiguïtés, et appuyés par des
partis pris piquants qui leur vont bien.
Reste que les comédiens auraient
besoin de travailler leur technique :
malgré les qualités que possède chacun, en particulier Sylvain Mouly,
l’articulation reste approximative, les
accents inconstants, les déplacements
mal maitrisés… Ils jouent de leurs instruments en amateurs plus ou moins
éclairés et décrochent souvent dans le
jeu, ce qui brise le rythme.
Bien sûr le pari de jouer le Malade à
trois, à toute allure qui plus est, n’est
pas si simple à honorer. Exister dans le
paysage théâtral actuel, sans être passé
par des écoles nationales, des compa-
AGNES FRESCHEL
Il n’a été heureux qu’une fois, sous un parapluie
a été créé au théâtre de Lenche du 13 au 25 oct
Il n'a ete heureux qu'une fois...
© Catherine Rocchi
Le Malade imaginaire © Le Souffle
gnies conventionnées, et sans être le
fils de personne, est encore plus
périlleux… Quant à gérer un lieu associatif et convivial qui accueille ce type
de spectacle, cela relève du miracle !
Mais cela n’aurait pas de sens, ceci
étant entendu, de camoufler les défauts
d’un spectacle parce qu’on aimerait le
soutenir : le Malade Imaginaire est
méritant, intelligent, agréable, drôle,
éminemment sympathique… mais un
brin amateur.
AGNES FRESCHEL
Le Malade Imaginaire a été joué
au Daki Ling du 5 au 7 nov.
Il sera repris au Marie-Jeanne
du 5 au 7 déc.
Théâtre Marie Jeanne
04 96 12 62 94
www.theatre-mariejeanne.com
22
THÉÂTRE
GYPTIS | BEAUCAIRE | TOURSKY | MARTIGUES | CAVAILLON
Loin de la Huchette...
Cadavres exquis... Jean–Luc Lagarce est
mort, Ionesco aussi… Mais la Cantatrice
est toujours chauve et Jean-Luc Lagarce bien vivant ! Par le miracle
profane de la mémoire aimante de
François Berreur et de ses témoins
du théâtre de la Roulotte, la mise en
scène pétulante de la pièce emblématique de Ionesco, montée il y a plus de
15 ans, crève de nouveau l’écran ! Tout
y est : la façade plate du cottage calée
entre haies et pelouse de chez Lego
(UK) ; les couples d’acteurs-re-acteurs
jouant de leur symétrique dissymétrie
burlesque (la grande Mireille Herbstmeyer et le petit Mr Smith / pareil et
inversé chez les Martin) ; la mécanique impeccable
des répliques dupliquées est telle que le rire a même
du mal à suivre tant le rythme ne fourche pas : le clin
d’œil frontal aux années acidulées du théâtre à la télé,
les tailleurs Chanel (Channel ?), les rires hors de saison
où parler ne veut pas dire, Mrs Martin
montre sa culotte, pressée par l’excitation univoque de son mari ; les écarts
par rapport à la mise en scène canonique et muséale de Nicolas Bataille
sont signalés par Mary-La-Bonne
jusqu’à l’effondrement du décor… et
dans une des fins inédites (à faire) les
spectateurs prompts à bondir sur scène
à la moindre sollicitation brechtienne
sont fusillés raides-morts sur ordre du
directeur de salle !
Avez-vous remarqué qu’Hitchcock et
Ionesco avaient la même calvitie ?
MARIE-JO DHO
© Brigitte Enguerand
enregistrés chez Benny Hill, les cuts au noir à peine
perceptibles qui dérèglent le temps comme cette
lune là-haut tantôt pleine tantôt vide...
L’inquiétude pointe et peut-être la terreur, trace certaine du subtil Lagarce : un peu égarée dans un récit
La vérité est en bas
Il est étrange de constater, alors que le
théâtre de Camus, terriblement didactique, a mal vieilli, combien ses essais et
récits passent bien à la scène…
Le pari de Raymond Vinciguerra était
osé : la confession de Clamence n’est
pas un monologue, et La Chute, malgré
les appels à un interlocuteur imaginaire, n’est pas adressée. Pas théâtrale
donc. Il s’agissait de ne pas tomber
dans le piège d’une dramatisation, et
la mise en scène les évite : le seul personnage présent, possible, autour de
Clamence est bien cette jeune femme
qu’il a laissé se noyer dans la Seine, et
dont la chute physique a provoqué sa
dégringolade sociale, et sa prise de conscience morale ; les seuls éléments de
décor possibles sont bien ces images
mentales projetées sur les écrans et
qui suivent le trajet du narrateur, de la
débauche à l’introspection, comme le
tabouret, le transat puis le lit suivent son
affaissement. Raymond Vinciguerra représente ces images intérieures discrètement,
dans une abstraction très juste.
Son comédien ne l’est pas moins :
Philippe Sejourné, avec une diction qui
retrouve les accents bourgeois du Paris
des années soixante, ou s’empâte dans
la bière des bars d’Amsterdam, incarne
toutes les facettes de Clamence, l’épave
avocat des truands, le don juan méprisant et dominateur, le filou philosophe,
jusqu’au lâche qui ne se pardonnera
jamais d’avoir eu peur du froid… Et la
colère, terrible, contre lui-même.
L’occasion de (re)découvrir un très
grand texte.
A.F.
La Chute
jusqu’au 21 nov
Théâtre Gyptis
04 91 11 00 91
www.theatregyptis.com
le 27 nov
Théâtre de Beaucaire
04 66 59 26 57
www.beaucaire.fr
Les 11 et 12 déc
Théâtre du Balcon, Avignon
04 90 85 00 80
www.theatredubalcon.org
© X-D.R
La Cantatrice Chauve, mise en scène de Lagarce
remontée par François Berreur, a été montrée
à Cavaillon le 19 oct et aux Salins les 22 et 23 oct
Le cœur
est un chasseur
solitaire
Deux tables de bar, un juke-box lumineux dans un coin, des consommateurs
attablés aux flancs de la scène… Elle arrive dans une inénarrable robe à fleurs:
«Je suis bien ?». Complicité immédiate
avec un public conquis d’avance : on
est venu pour elle, sa faconde, ses bons
mots, sa gouaille, son énergie, sa capacité extraordinaire à transmettre ses
émotions, à les faire partager… Marguerite, enfant mal aimée par une mère qui
ne s’est jamais remise de la mort de sa
première fille, attend au juke-box café
son rendez-vous (rencontré sur Internet,
grâce à sa copine Georgette, une femme
de 75 ans, seule elle aussi, avec laquelle
elle bavarde et boit son whisky). Serat-il le compagnon souhaité ? Ne serait-ce
que pour partager un verre, un spectacle… S’ensuit une galerie truculente
de messieurs, du fou d’escalade et de
rafting au chasseur «sans son chien» en
passant par l’érudit d’égyptologie, le
masochiste poilu, le radin, le beau Marcello (Marcel en fait, «mais en italien,
c’est plus beau» !) si aimé mais marié,
qui se réduit progressivement à dos
fuyant… Évocations qui tordent de rire
la salle…
Ce sens du détail juste, de l’anecdote,
est tout un art ! Rire, autodérision, émotion sensible aussi, lorsque son cœur
devient «une écharpe de soie qui se
déchire» ou que Patouf, le bon chien
fidèle aux yeux profonds comme de
grands lacs, meurt. Les animaux valent
© Max Minniti
mieux que les êtres dits «humains»
dans cette histoire, où la solitude se vit,
se combat. Les chansons de Cocciante
à Marc Lavoine tissent une trame sur
laquelle le spectacle se brode, s’achève
et s’emballe. Un cocktail «coup de foudre»
réclame Marguerite ! Il n’arrive pas, pas
plus que le prince charmant. Mais
l’espoir est une source intarissable
d’énergie. Est-ce là qu’Edmonde Franchi puise sa verve ?
MARYVONNE COLOMBANI
Coeur @ prendre, d’Edmonde Franchi,
a été joué au Toursky les 13 et 14 nov
NÎMES | OUEST PCE | PORT-DE-BOUC
THÉÂTRE
23
Politique spectacle
De l’empire napoléonien à l’empire politico médiatique
il n’y a qu’un pas…
que le collectif Superamas franchit
allégrement dans Empire (Art & Politics). D’une super production sous
forme de reconstitution historique de
la bataille d’Essling/Aspern à une
réception mondaine clinquante et
ridicule chez l’ambassadeur de France,
l’analogie illusoire est parfaite. Illusion
d’une réalité qui défile sous nos yeux
et dont la perception est constamment
brouillée. Si les scènes de reconstitution historique paraissent bizarres et
surjouées, c’est qu’elles sont en fait
des bouts de film, lequel film, après
projection, servira de support et de
prétexte à la soirée caricaturale de
l’ambassadeur qui rassemble politiques
et artistes. Les discours se mélangent,
on ne s’écoute pas parler, caricature et
réalité prennent le dessus à tour de
rôle. Et puis c’est la projection d’un court
documentaire -vrai ou faux ?, là encore
la perception vacille- dans lequel les
Superamas partent en Afghanistan à la
recherche de la cinéaste Samira
Makhmalbaf pour l’interviewer sur son
rôle de conscience politique, jusqu’à
l’attaque aussi subite que foutraque de
Talibans qu’ils tuent aussi sec. Le mécanisme du spectacle fonctionne chaque
fois, surprenant le spectateur par des
insertions brutales de réalité noyées
dans des artifices.
Bien sûr que tout est faux, comme pour
mieux démonter l’image. Pensez-vous
que tout ce que vous voyez, ce que
vous entendez est réel ?
Empire (Art & Politics © Giannina Urmeneta Ottiker
Empire (Art & Politics) a été joué
au théâtre de Nîmes les 21 et 22 oct
DOMINIQUE MARÇON
Ados en crise
Le cri de Murdoch (remarquable interprétation de
Benoit Landry) résonne encore, longtemps après la
fin de la pièce. Le cri du cœur d’un adolescent qui
cherche un sens à sa vie, entre des «pourquoi» et des
«je ne sais pas» répétés comme une litanie lancinante
et un brin dérangeante, saupoudrant ses savoureux
monologues.
C’est qu’il s’adresse aux adultes, Murdoch, qui ont
apparemment du mal à lui répondre, et préféreraient
le faire taire. Il ne se taira que lorsqu’il disparaîtra,
avec Norvège, son pendant silencieux, adolescente
pétrifiée par la laideur qu’elle découvre au fond de son
ventre, pieuvre envahissante, métaphore d’une société
qu’ils refusent tous deux. Entre les deux, Boon, anthropologue judiciaire un rien ahuri, va remonter l’histoire
des ces deux-là -leurs corps ont été retrouvés enlacés
au fond du fleuve Saint-Laurent, début de l’énigme-, entre
fiction et réalité. Et raconter sa propre histoire, celle de
la beauté, qu’il avait imaginée virtuelle et qui prend corps.
La mise en scène de Benoît Vermeulen, codirecteur
du Théâtre Québécois Le Clou, contribue à créer ce
monde intriguant imaginé par Wajdi Mouawad, mais
se perd de temps en temps dans une scénographie
lourde d’allégories inutiles. Hormis le mur de vidéos,
qui nous promène ingénieusement d’un monde à
l’autre.
DO.M.
Assoiffés
a été joué au Théâtre de l’Olivier,
Istres, le 10 nov
© X-D.R.
Fabulateur
à facettes
7e collaboration complice de Serge Valletti et Christian
Mazzuchini, Mythomane se présente comme un florilège de textes brefs. Le comédien en fait son miel, au
milieu d’une scène encombrée de lits de camp qui
servent autant de paravents que de sièges, de cartons
vides ou regorgeant de petits riens… avec pour décor
sonore une radio facétieuse qui ponctue les saynètes
avec de faux horoscopes délirants. Ça n’aurait pu être
qu’une succession de situations, une galerie de personnages loufoques ; mais Mazzuchini a une telle
facilité à les lier tous, il endosse si simplement ces
habits bigarrés que son inventaire recrée une micro
société des plus réjouissantes. Mythomanes ils ne le
sont pas tous, et certains plus que d’autres : entre un
réparateur de cerveaux lents, un tranquillisateur pour
gens inquiets ou un paranoïaque (hilarant) lié au suicide
de Bérégovoy, la voix de Balkany se glisse, expliquant
que les pauvres vivent très bien en France… Mythomane ou menteur ? Peut-être que la meilleure place
où s’installer c’est dans sa tête, bien au chaud, pour
continuer à fabuler…
DO.M.
Mythomane a été joué au Sémaphore (Port de Bouc)
les 12 et 13 nov. Il est programmé au Comœdia,
à Aubagne, le 16 janv, et à la Minoterie
du 19 au 23 janv
24
THÉÂTRE
AVIGNON
Une biennale d’énergie
Collectif 2 temps 3 mouvements © M. Desseigne
Temps fort du hip hop en Vaucluse depuis 2002, le
festival Drôle(s) d’Hip Hop est une réussite. Pendant
15 jours d’automne il décline les mouvements de la
création hip hop, dans une ville qui peut donner
l’impression de n’exister culturellement qu’en été.
Réussite humaine aussi, il rassemble un laboratoire
d’expressions urbaines et des artistes généreux,
visiblement comblés par cette tribune, dans un collectif
partenarial à géométrie variable. Pédagogique enfin,
il crée du lien au travers d’ateliers et stages à la fréquentation galopante. Cette année, beatbox, step,
danse et graff étaient à l’honneur. La cie des Daltoniens avec son spectacle Tag, en direction du jeune
public, a emballé le théâtre des Doms. Autour des
sentiments d’insécurité et d’intolérance, avec un
zeste de cartoon, une touche de burlesque et du
rythme en rafale, les trois «citadins de l’extrême urbain»
manient la percussion vocale comme d’autres les
mots. Avec, en «guest», le beatboxer Ezra qui excelle
dans la discipline.
Aux Hivernales, la cie 2 Temps 3 Mouvements a
réuni avec brio arts du cirque et danse hip hop, en
donnant de surcroît un sens à leurs différences. La
Stratégie de l’échec aborde la question de l’universel
et de la liberté, hors du déterminisme social. Nabil
Hémaïzia et Mathieu Desseigne se complètent
admirablement, entre équilibre et prouesse physique.
Dommage que la bande son parfois prévisible ne
pousse pas plus loin le propos. En 2nde partie, l’étonnant court métrage Trompe l’œil du cinéaste Florent
Sauze a sonné comme un coup de poing. Une
démonstration intelligente de légende urbaine, ponctuée par les apparitions des deux danseurs de
Onstap, qui n’en finissent pas de développer leurs
talents.
À l’Auditorium du Thor, le collectif Jeu de Jambes,
réunissant zazous en jaquettes et guêtres, a affirmé
son savoir-faire chorégraphique, mélangeant claquettes (sans bruit), swing, soul et jazz rock. 45
minutes de belles images, nerveuses et acrobatiques… un peu «à l’esbroufe», mais énergisantes.
Rendez-vous dans deux ans, seulement !
DELPHINE MICHELANGELI
Drôle(s) d’Hip Hop a eu lieu en Vaucluse
du 19 au 31 octobre 2009
Des visages, des figures
Initiée par la Scène Nationale de
Cavaillon, le spectacle La Grande Dame
s’est monté avec des amateurs issus
du théâtre de la Marmite. Brigitte,
Claude, Fanny, Hélène, Jacqueline,
Jean-Jacques, Nicole et Patrick
retranscrivent, sous la houlette de la
poétesse Laurence Vielle, les paroles
des salarié(e)s, ouvriers et cadres de
l’usine de la SEPR au Pontet. Une
«grande dame» qu’ils portent sur leurs
épaules depuis 60 ans et qui ne se
laisse pas déshabiller si facilement. Les
comédiens-chanteurs à la diction
certes perfectible, aux déplacements
fragiles et au jeu parfois flottant, nous
touchent par leur sincérité pleine de
grâce. Une sensibilité qui, jouée par
des pros, aurait sonné faux, ou trop. Ici,
le réel et l’émotion transpirent à belles
gouttes, avec un vrai travail de chansons polyphoniques, mené et accompagné par
les musiciens Bertrand Binet et Vincent Granger. À l’heure où des salariés se tuent
de désolation et d’incompréhension, ce spectacle résonne comme un coup de
poing. Quel meilleur moyen que le théâtre pour exprimer cet attachement sincère,
sa réalité paradoxale ? Une histoire de transmission générationnelle, de soli-darité,
de lutte syndicale, d’un amour du travail bien fait et d’adaptation à son temps, dans
une usine artisanale en pleine tourmente face à la mondialisation. «Au début on
était 2000, on n’est plus que 700.» Une humanité qui éclate. Un temps qui se délite
et une fin qu’on espère pas si prévisible.
Programmé dans le cadre des nuits
d’Amnesty International, J’ai Soif est un
dialogue, plus qu’un spectacle, entre
deux paroles de suppliciés. Les 7
dernières paroles du Christ en croix de
Haydn, jouées magistralement par le
pianiste Roland Conil, entrent en
résonance alternée avec le texte de
Primo Levi, Si c’est un homme, interprété par l’imposant Serge Barbuscia
qui évolue fragilement, pieds nus (mais
pas anecdotiques), entre les toiles
évanescentes de Sylvie Kajman,
projetées sur des rectangles blancs. La
disposition circulaire de ses figures
humaines à l’encre de chine qui rappellent les sculptures filiformes de
Giacometti, plonge le spectateur dès
son entrée dans le «trou noir de
l’humanité». Ces peintures servent de
ciment universel entre les deux
témoignages. «Quiconque oublie son
passé est condamné à le revivre», les
trois artistes sont engagés dans ce
devoir de mémoire collectif. Une transmission de l’indicible, de la barbarie, de
l’humiliation, des atrocités commises
par l’homme, du passage de l’humanité
à la pathologie. La salle est à l’écoute,
figée et bien que l’œuvre musicale
occupe beaucoup l’espace, les mots
La Grande Dame - Cie La Marmite © X-D.R.
Ouvriers
DELPHINE MICHELANGELI
La Grande Dame s’est joué au Théâtre des Doms les 22 et 23 oct
dépassionnés et pourtant terriblement
profonds de Levi, au cœur des camps
de concentration, trouvent leur force,
terrible. L’instinct de survie, la soif
d’amour et d’humanité rattrapent
l’œuvre de mort engagée. «Des visages, des figures, dévisagent, défigurent,
des figurants à effacer...». Un travail de
mémoire qui évite le pathos et permet
de réunir des témoignages magistraux.
DE. M
J’ai soif s’est créé au Théâtre du Balcon
du 23 au 25 octobre 2009
© Michel Benoit
LE MERLAN
CIRQUE
25
À charcuter le gore !
En ce début de soirée, un projet, une mise à mort.
Celle du cochon, cet animal biologiquement si proche
de l’homme qu’il le tient expressément à distance.
Mathilde Monfreux aime le cochon et choisit au
contraire de l’approcher voire de l’incarner dans une
schizophrénie où la femme et la truie luttent pour
émerger de son corps. Dans un décor de bassines,
de draps maculés, de substances rappelant les
fluides organiques et de formes s’apparentant aux
boyaux, elle plonge le spectateur dans une ambiance
apocalyptique rappelant l’univers de Délicatessen.
Entre fétichisation du corps et désir cannibale, l’artiste
tente de questionner notre propre animalité mais aussi
de la célébrer, de questionner notre manière de manger, de nous nourrir, de consommer au-delà de la
satiété.
La performance de l’artiste est loin de laisser indifférente. Par la danse, la manipulation d’objet et discours
-un peu court-, elle interpelle le public dans sa manière
d’habiter cette nouvelle condition. Elle entre progressivement dans une sorte de transe, met à mort le
cochon, et va jusqu’à provoquer des sensations dérangeantes voire éprouvantes, au point que l’on souhaite
parfois qu’elle s’arrête ! Ce Projet Cochon est donc
une excellente matière
© Elizabeth Saint Jalmes
et pose de vraies questions, mais gagnerait à
aller plus loin, au-delà de
ces boyaux magnifiques
et charnels… dans la profondeur de nos entrailles
bestiales!
Mélissa au pays
des miroirs
Entrer dans le miroir et voir derrière quel monde merveilleux s’y cache. Au-dessus du piano, sur les notes
de Stéphan Oliva, le compositeur, la trapéziste Melissa
Von Vepy s’introduit à l’intérieur du miroir dont elle
a brisé une partie de la surface. Depuis le trou béant de
ce miroir-trapèze, elle interroge son reflet. Tantôt dedans, tantôt dehors, elle évolue dans les airs au rythme
d’une musique contemporaine grave et évocatrice,
où les forces des ténèbres semblent livrer bataille
puis laisser place à la lumière. De ses circonvolutions
gracieuses et dramatiques, Melissa crée des figures
protéiformes, des personnages kaléidoscopiques,
morcelés, hybrides, d’une esthétique surprenante.
Pourtant, au long de cette exploration dans les profondeurs de l’âme, à la frange du corps et du mirage, on
s’attend à ce que surgisse un halo, une sorte de scintillement qui justement parachuterait le public hors du
cadre. Mais peut-on passer de l’autre côté du miroir
sans y perdre son âme ?
CLARISSE GUICHARD
Projet cochon
a été créé au Merlan
du 12 au 14 nov
C.G.
Miroir Miroir a joué au Merlan du 12 au 14 nov
Merveilleusement catastrophique !
du spectacle. En penchant le regard à 45°, et en
imaginant l’immédiat à partir de là.
CLARISSE GUICHARD
L’immédiat a été joué au Merlan du 13 au 23 oct
© Agnès Mellon
Au commencement le noir, le calme. Viennent des
lumières, un personnage, deux, puis d’autres, fragiles,
instables qui s’affairent dans un quotidien de bric et
de broc. Soudain, c’est la maladresse de trop. Le décor
bascule et embarque avec lui le spectateur dans un
tourbillon où s’enchaînent les catastrophes, savamment orchestrées, toutes plus impressionnantes les
unes que les autres. Cartons, bidons, échelles, tables,
armoires, projecteurs, lampe, portes, tout vole, dégringole. La salle éberluée savoure ces moments hilarants
qui ne sont pas sans évoquer Tex Avery et Buster
Keaton. Car Camille Boitel et ses brillants acolytes burlesques nous invitent à reconsidérer notre manière
d’appréhender ce qui nous entoure. Nous proposant
de nous balancer au gré du désordre, de l’anomalie et
de la catastrophe plutôt qu’au gré de la perfection et
de la certitude. Ainsi, le décor devenu décharge laisse
la place à un espace scénique épuré où entre deux
valses de rideaux de scène des corps se relaient, se
substituent, se cachent, lévitent, s’agitent, se bousculent, tombent ou s’avachissent, échappant au pouvoir
de celui qui l’habite comme à celui qui tend à le
normaliser. Se crée alors une danse étrange et poétique où d’adroites contorsions s’associent à des
mouvements malhabiles pour atteindre des objectifs
finalement indéfinis. Enfants et adultes admirent et
rient à chacun de ces mouvements faussement imprévisibles qu’ils voient se métamorphoser en gestes
stylisés. Car Camille Boitel est en fait un artiste du
geste. C’est ainsi qu’il fait vaciller, avec une infinie
délicatesse et une infinie poésie, les cloisons des arts
26
ARTS DE LA RUE/CIRQUE
OUEST PCE | MERLAN | SIRÈNES | SALINS
Vent d’Ouest, carrément
Cœur de cible
Avis de grand vent sur ce bout du monde en ce
samedi après-midi. Port-Saint-Louis accueille Carrément à l’Ouest, manifestation co-organisée par
Scènes et Cinés et le Centre national des arts de la
rue le Citron Jaune. Quelques personnes emmitouflées attendent devant une buvette où le thé chaud
est rapidement épuisé, le bus-expo de la Folle histoire
des arts de la rue raconte son périple par les fenêtres
ouvertes… Et voilà que deux étranges silhouettes,
toutes de noir vêtues, font irruption : Arnaud Cabias
et Nathalie Pernette nous invitent à suivre quatre
miniatures dansées, visibles en quatre lieux différents
de la ville ; Franck Gervais, en maître de cérémonie,
précède le public en lisant une nouvelle de Poe. Le
public, nombreux et attentif, s’installe pour suivre les
étonnantes chorégraphies du duo : matière, couleurs
et formes pour une Apparition subtile dansée par
quatre mains virtuoses ; une danse d’offrande statique, énergique, presque robotique qui se termine par
l’apparition d’une rose offerte en douceur à un spectateur ; contre un mur le partage d’une danse tactile
avec une spectatrice qui, les yeux bandés pourra
ressentir les mouvements, les touchers des deux
danseurs-masseurs ; un effeuillage mutuel enfin, sur
le parvis de l’église, comme une conversation silencieuse, gracieuse et sensuelle qui aboutit à la libération
des deux corps…
Après une «pause thé chaud» bienvenue, l’heure est
venue de partir en Voyage en bordure du bord du bout
du monde avec les frères Grimox de la cie les Trois
Points de suspension. Leur «théâtre flottant» déjanté
est des plus réjouissant : spectacle parodique, hommage aux films d’horreur des années 50, kitsch et
assumé, bourré de trouvailles sonores et visuelles, il
plonge les spectateurs dans l’improbable histoire de
Sophoclès, philosophe sans corps dont la tête se
balade au gré de cascades hilarantes, de chansons
délirantes, de performances absurdes mais parfaitement réalisées. Le vent soufflait toujours, mais
différemment au bord du bout du monde…
Ce qu’il y a d’embêtant avec certaines petites
madeleines, c’est qu’elles ne parlent qu’au cœur de
cible. En l’occurrence les hommes de trente cinq ans
qui ont des souvenirs d’adolescence Béruriers noirs,
doudounes et monaco, souvenirs de lycéens petits
bourgeois, de masturbation, de père RPR et de
baisers avec les filles. Cela vise à l’universel mais
c’est sacrément restreint, et surreprésenté, surtout
dans la littérature française : l’énumération des
souvenirs communs fait vibrer ceux qui les ont vécus,
et laissent sceptiques les autres, les femmes plus
vieilles, plus jeunes, plus populaires, plus étrangères.
Le texte de Ronan Chéneau, en ce sens, n’est pas
ce qu’il a fait de mieux. À la lecture il passe assez bien
(il sait travailler sa langue), mais dit à toute allure par
Fred Nevchehirlian la confession a peu de saveur.
Pourtant l’idée de lire un texte au micro, sans le jouer
ni l’interpréter, en l’agrémentant de sons enregistrés/
diffusés en direct (les voix du cœur de cible qui
s’exprime volontiers dans un champ de micros planté
sur un carré de pelouse verte) et de quelques rares
sons de guitare, avait le mérite de la simplicité, de la
confiance dans les vertus du texte, justement.
Confiance aveugle, qui parfois se prend un mur.
DOMINIQUE MARÇON
Fortissimo
Pour fêter ses 15 ans, l’Ensemble Télémaque répond
à l’appel de la sirène de midi sur le parvis de l’Opéra
en proposant deux pièces d’Edgar Varèse, Density
21,5 pour flûte et Octandre pour flûte, hautbois,
clarinette, cor, trompette, trombone et contrebasse.
Sous la direction de Raoul Lay, les musiciens joueront
ce clin d’œil au compositeur français naturalisé
américain qui utilisait lui-même des sirènes dans
certaines de ses compositions. Entre les deux appels
rituels, les instruments feront entendre d’autres
stridences et rivaliseront de leur acoustique volume
sonore…
Sirènes et midi net
Ensemble Télémaque
Le 2 déc
Lieux publics
04 91 03 81 28
www.lieuxpublics.fr
Arnaud Cabias et Nathalie Pernette © D.M.
A.F.
Carrément à l’ouest a eu lieu le 17 octobre
à Port-Saint-Louis-du-Rhône
L’Appel de la Forêt, sur un texte de Ronan Cheneau
intitulé Quinze ans, a eu lieu sur le parvis de l’opéra
le 4 nov, dans le cadre de Sirènes et midi net
Humide
Après le Toursky l’an dernier, le Cirque canadien
Éloize s’installe aux Salins avec Rain, une création de
Daniele Finzi Pasca. Joliment sous-titré Comme une
pluie dans tes yeux, le spectacle fait référence aux
souvenirs d’enfance de l’auteur et metteur en scène,
«de la douce et belle tristesse que l’on ressent [alors]
au coucher du soleil», et de la pluie d’été dont il
s’imprégnait. Sur scène se distinguent des artistes
acrobates, jongleurs, trapézistes qui sont aussi
chanteurs, danseurs et acteurs, une joyeuse troupe
qui fait se succéder les numéros entre rêveries et
acrobaties d’une grande prouesse, jusqu’à la pluie
libératrice qui laisse place aux jeux enfantins.
Rain
Cirque Éloize
Les 21 et 22 nov
Théâtre des Salins
04 42 49 02 00
Rain © Agnès Mellon
Vertigineux
Le Merlan poursuit sa thématique Cirque (voir p25).
Öper Öpis est un spectacle qui confond les corps et
les objets, dans lequel les deux artistes suisses
Martin Zimmermann et Dimitri de Perrot ont fait appel
à une danseuse et à deux couples d’acrobates et
contorsionnistes. La scénographie, constituée par une
scène mouvante, tend à créer un monde en déséquilibre, parodie d’une vie quotidienne qui oscille
entre absurde et onirisme…
Rhizicon est un solo dans lequel Chloé Moglia, sa
conceptrice et interprète, tente de saisir «le sens de
la notion du risque et d’en rendre perceptibles les
différentes approches». Trapéziste de formation, elle
puise dans son expérience pour outrepasser la ligne
de sécurité.
Öper Öpis
Zimmermann
& de Perrot
Du 19 au 24 nov
Rhizicon
Cie Moglice –
Von Verx
Du 23 nov au 2 déc
Théâtre Le Merlan
04 91 11 19 20
www.merlan.org
AU PROGRAMME
Puissants
Avec ou sans enfants (voir cahier jeunesse p XI) ne
ratez pas les adolescents de Bruno Beltraõ, dont le
hip hop brésilien est sidérant de maturité
chorégraphique et de force pure. Dans un tout autre
genre mais tout aussi radical, toujours au Merlan, la
création de Maguy Marin. La chorégraphe n’a
jamais appris à faire dans la demi-mesure et sa
Description d’un combat a, comme toutes ses pièces,
provoqué incompréhension et admiration à Avignon.
Sous des étendards de sang et d’or, l’histoire tragique
part en pelure comme un oignon à bout de larmes…
Description d’un combat
Du 16 au 19 déc
Scène Nationale du Merlan
04 91 11 19 20
www.merlan.org
Contraints
Les nombreux passionnés du Ballet d’Europe pourront retrouver la jeune formation dans ses œuvres
après une tournée au Maroc saluée en termes dithyrambiques dans la presse. Le ballet produit ses
Worshops désormais rituels, et toujours d’une très
belle qualité, dans la petite salle de la Friche ! Des
conditions de représentation qui imposent aux gestes
des contraintes d’espace, voulues par Jean-Charles
Gil, qui désire que ses danseurs se confrontent à la
réalité matérielle de certaines représentations
actuelles : sans coulisses, sans élan, toujours à vue,
la danse se construit autrement…
Workshops du Ballet d’Europe
Du 15 au 19 déc
Petit Théâtre, La Friche
04 96 13 01 12
www.balletdeurope.org
Cœurs croisés
du 11 au 19 déc
Théâtre du Gymnase
0820 000 422
www.lestheatres.net
Cœurs Croisés © Agathe Poupeney
27
Assises
La programmation de Dansem se poursuit fin novem-
>
bre au théâtre de Lenche qui accueille 3 spectacles : if
you open the 40th room (les 23 et 24 nov à 19h) dans
le cadre de la saison turque (voir Zib 23), puis un trio,
6 yeux un visage deux pieds, autour d’une proposition
de Balkis Moutashar, suivie d’un solo de Chiara
Frigo : 15 minutes sur une chaise.
Description d'un combat © Christophe Raynaud de Lage-Festival d'Avignon
6 yeux un visage deux pieds/Takeya
les 24 et 25 nov
Théâtre de Lenche
04 91 55 68 06
www.officina.fr
En Friche
Féminins
La Minoterie offre une carte blanche à la Cie Le rêve En décembre Dansem envahit la Friche, avec une
de la Soie. Qui en profite, pour montrer quatre formes
courtes singulières portées par Louisa Amouche,
Patricia Guannel, Fleur Duverney et Marie
Salemi -qui chante ; quant à Patrick Servius il explore
leur féminité en construisant son spectacle autour de
leurs dialogues croisés de femmes, qu’il observe,
extérieur et fasciné… Une Cie dont se dégage,
indéniablement, une grande chaleur, une écoute
réciproque et un sens particulier du temps, posé.
Carte blanche au Rêve de la Soie
Du 3 au 5 déc
La Minoterie
04 91 90 07 94
www.minoterie.org
programmation combinée avec le Massalia (voir
cahier Jeunesse p XI), la création de Dokuman de
Mustafa Kaplan à la Cartonnerie (le 5 dec), dans le
cadre de la saison turque (voir Zib 23) et une création
de Barbara Sarreau au Studio : Tchakéla est un
travail au long cours que la chorégraphe a entrepris
avec des élèves danseurs du conservatoire de
Bamako. Il s’agit de «creuser» et, dans cette étape de
travail qui se donne à voir déjà comme un spectacle,
de savoir que Les mots aussi peuvent mourir.
Tchakéla
Du 8 au 12 déc
04 95 04 96 42
La Friche
www.marseille-objectif-danse.org
04 91 55 68 06
www.officina.fr
Ouverts
Gourmand
À la Minoterie aussi Dansem prend ses quartiers, en
invitant le chorégraphe tunisien Radhouane El
Meddeb pour son solo Quelqu’un va danser (voir p
28), et le lendemain pour une performance plus
particulière intitulée Je danse et je vous en donne à
bouffer : il s’agit de chorégraphier la préparation du
couscous… mais aussi d’en faire sentir les épices, les
odeurs et le goût !
Érotique
Le Cabaret de Decouflé n’est pas seulement sexy :
il est érotique. Si le chorégraphe a choisi de découvrir
les corps et de produire un spectacle au croisement
du cabaret, du strip-tease et de la danse, c’est parce
qu’il aime les fesses. Rebondies, fermes, masculines,
musclées, féminines, rondes, exhibées. Son festival
visuel a donc cette fois des relents moins sages et
colorés. Toujours dans le visuel et le mot, mais sans
jeu d’illusions…
DANSE
Sextet © Agnès Mellon
Le Ballet National de Marseille de retour de tournée
offre à son public, en son Studio, ses premières
Ouvertures danse de la saison : ces soirées sont
destinées à établir un lien de proximité entre les
danseurs du Ballet et le public, mais aussi à ouvrir le
studio à d’autres compagnies, d’autres esthétiques.
Ce sera le cas en décembre, avec l’accueil de Miguel
Nosibor (voir p 30) et Caroline Bo. Les danseurs du
Ballet auront leur ouverture une semaine avant, avec
une pièce très japonaise, version contemporain,
plastique et tendu, de Yasuyuki Endo et le très beau
Sextet de Malandain que le BNM avait dansés l’an
dernier à l’Opéra. Avec également une création de la
classe d’insertion professionnelle. Des moments
toujours précieux.
Sextet, TéToté, Justamant pas
Du 10 au 12 déc
Caroline Bô et Miguel Nosibor
Les 17 et 18 déc
04 91 327 327
www.ballet-de-marseille.com
Radhouane El Meddeb
Les 10 et 11 déc
La Minoterie
04 91 90 07 94
www.minoterie.org
04 91 55 68 06
www.officina.fr
Attendu
La création du duo entre Isabelle Cavoit et Thomas Fourneau
a été retardée : en répétition, à quelques jours de la première, la danseuse s’était blessée. Please kill me sera donc
créé en décembre : exploration autour du couple et de
ses représentations, à partir de l’idée d’une Clytemnestre
qui ne tuerait pas son époux infanticide, et s’accommoderait de son retour, dans une violence toujours croissante
et irrésolue. Un meurtre inaccompli…
Please kill me
Du 3 au 5 déc
Les Bernardines
04 91 24 30 40
www.theatre-bernardines.org
28
DANSE
AU PROGRAMME
Bavardes
À Aix, Dansem pointe sa programmation en collaborant avec le 3bisf pour la création de Geneviève
Sorin et Lulla Chourlin, Sur Paroles. Le duo entre
ces deux femmes a été élaboré durant une résidence
de création dont elles ont présenté des étapes. Un
spectacle où elles disent leurs corps de femmes, leur
âge aussi, la relation, la déraison.
Sur Paroles
du 26 au 28 nov
3bisF, Aix
04 42 16 17 75
www.3bisf.org
04 91 55 68 06
www.officina.fr
Intimes
À Arles Dansem retrouve ses quartiers habituels, le
Madame Plaza
Le 20 nov
Quelqu’un va danser
Le 15 décembre
Théâtre d’Arles
04 90 52 51 51
www.theatre-arles.com
a été accueillie en résidence et crée Daisy Cutter, du
nom de la bombe utilisée au Vietnam, puis en
Afghanistan, jusqu’à la fin des années 80. Explosive,
violente, cette «faucheuse de pâquerettes» est une
pièce pour cinq femmes plongées dans un dispositif
sonore agressif, et une vidéo onirique représentant
leurs états de conscience interrompus par les
explosions extérieures.
Une pièce à ne pas mettre entre les mains des plus
jeunes, contrairement à la création de Nathalie Pernette quelques jours plus tôt (voir cahier jeunesse p
XIV).
>
Daisy Cutter © Christel Olislagers La Zampa
Argentin
Daisy Cutter
Les 17 et 18 déc
Théâtre de l’Odéon, Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
Tango Metropolis, un spectacle haut en bandonéon,
talons qui claquent, moues dédaigneuses et nuques
raidies, fait aussi escale à Sainte-Maxime. Malgré le
talent des danseurs et des musiciens (Daniel Binelli),
Tango Metropolis nous avait paru un peu froid l’an
dernier aux Salins. Sur le plateau moins grandiose du
Carré peut être sera-t-il plus sensuel, tout en restant
aussi sublime ?
Décapée
Tango Metropolis
le 5 déc
Carré Léon Gaumont, Sainte Maxime
04 94 56 77 77
www.carreleongaumont.com
>
Théâtre étant toujours aussi accueillant à la danse
contemporaine. Bouchra Ouizguen, chorégraphe
contemporaine marocaine, fait un retour au gynécée
en laissant parler la sensualité des femmes entre elles,
en s’inspirant des gestes et chants des cérémonies
de mariage. Côté femmes, bien sûr.
Le théâtre accueillera ensuite Radhouane El Meddeb
pour son solo Quelqu’un va danser. Le comédien
tunisien a mis longtemps à venir à la danse, restreignant son corps à l’art plus consensuel du théâtre…
C’est ce passage à l’acte qu’il met en scène dans ce
solo drôle d’autodérision, et émouvant de sincérité.
Féminines
Une création de la Zampa à Nîmes ! La compagnie
G (Giselle) © Chris Herzfeld
>
Madame Plaza © Adil Rabih
Quand Garry Stewart s’attaque à Giselle, il ne reste
plus grand-chose de son univers romantique convenu.
Seule l’initiale, G, subsiste, et la violence du désir, la
présence effrayante des Willis, les fiancées mortes, et
une vidéo qui renforce encore l’impression d’une
virtualité envahissante qui détruit le réel, l’amour vrai
de la jeune paysanne. Ne le loupez pas : le Ballet
Australien qui passe à Nîmes, après le théâtre de la
Ville (Paris), et avant de repartir vers le nord sans
autre date dans la région…
G (Giselle)
Les 9 et 10 déc
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
Tango metropolis © Tetsu Maeda
Chinois
Autre relecture d’un grand ballet : le Casse-Noisette par
le Cirque National de Chine ! Leur tradition du cirque
est celle d’un art total, et les artistes sont à la fois des
danseurs et des acrobates virtuoses. Leur version du
Casse-Noisette suit l’argument initial qui est, il faut le
dire, un des seuls arguments intéressants du ballet
romantique (merci Hoffmann !). Tchaïkovski est dans
toutes les oreilles (si, si, même si vous ne le savez plus),
les circassiens chinois sont toujours éblouissants, et
leur costumes et leurs décors inimitablement féériques. À voir en famille, ou sans, comme une fête!
Casse-Noisette
les 14 et 15 déc
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
le 20 déc
Carré Léon Gaumont, Sainte Maxime
04 94 56 77 77
www.carreleongaumont.com
Jazzy
Viril
Raphaelle Delaunay, chorégraphe à
l’univers contemporain mâtiné de technique classique, se penche sur le jazz
et le swing, les danses afro-américaines, et invite quatre autres danseuses
à se laisser prendre dans leurs rythmes.
Avec Asha Thomas, garante des styles
des années 30, mais aussi un côté plus
funky et hip hop, antillais… apporté par
les autres interprètes. Un parallèle
entre les années folles et les nôtres ?
Treize hommes de la pampa martèlent
le sol, jouent la virilité, le cuir, le duel.
Che Malambô ! est une plongée dans la
tradition argentine, toujours vivace, qui
permet d’abord aux hommes de danser,
c’est-à-dire à l’origine aux Gauchos de
mesurer leur virtuosité en frappant la
terre, et des tambours.
Bitter Sugar
Le 24 nov
Théâtre des Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
Che Malambô
Le 5 déc
Le Cube, Gap
04 92 52 52 52
Chuchoté
Parfait
Les solistes du ballet de l’Opéra de
Paris font partie, sans conteste possible, des meilleurs danseurs du monde.
Onze d’entre eux se sont regroupés
autour de Bruno Bouchez dans en une
compagnie informelle, nommée Incidence chorégraphique, et proposent
ça et là un spectacle fondé sur des
extraits virtuoses des répertoires romantiques et classiques (Roméo et
Juliette, Giselle…) des chorégraphies
contemporaines et des créations. Pour
le plaisir d’une interprétation de haut
vol…
Danseurs de l’Opéra de Paris
Le 6 déc
Théâtre de l’Olivier, Istres
www.scenesetcines.fr
04 42 55 24 77
Naturel
Bagouet par les danseurs du CCN de
Lorraine, c’est la garantie d’un moment
de bonheur. Les Petites Pièces de
Berlin ont vingt ans, et les revoir nous
replonge à l’époque d’or de la nouvelle
danse française, légère, virtuose pourtant, relâchée, colorée, cherchant à
inventer une gestuelle naturelle mais
vraiment dansée, et composée. Une
époque et une danse proches et lointaines déjà, dont le Ballet de Lorraine
s’empare comme d’un répertoire, grâce
à la transmission directe des danseurs
d’origine…
Petites pièces de Berlin
Le 26 nov
La Passerelle, Gap
04 92 52 52 52
Le funambule © J.-C. Carbonne
Créé cet été à Montpellier Danse le
premier solo d’Angelin Preljocaj est
un autoportrait paradoxal, et un véritable exercice de funambule. Une voie
ouverte entre un texte et un plateau, un
corps admiré et une voix désirante, un
écrivain et son étoile. Sur le fil Preljocaj
joue parfois l’auteur qui créé, parfois le
funambule aimé qui vole. Quelque
chose de lui-même se dit, sur ce fil,
entre deux êtres, entre deux âges aussi,
le corps s’abîmant. Dans les mots et
les pas des autres, son propre trajet.
Le Funambule
Du 23 au 28 nov
Le Pavillon Noir
0811 020 111
www.preljocaj.org
Chinoise
Une autre danse qui nous vient de
Chine. Non de sa tradition mais de son
histoire récente. Wen Hui danse son
enfance, son pays, sa mère. Un retour
sur la révolution culturelle et ses oppressions. Pionnière de la danse
documentaire, elle dit dans son corps,
et dans les projections des grands
événements dans une petite chambre,
le poids de l’histoire chinoise, lourdement collectiviste, sur les individus
isolés.
Memory
Les 3 et 4 déc
Le Pavillon Noir
0811 020 111
www.preljocaj.org
30
DANSE
AVIGNON | DANSEM | PAVILLON NOIR
Prolongements
Le solo de Ayse Orhon met au jour ce
que savent tous les intrumentistes :
faire de la musique est un exercice
physique qui établit un rapport de
plaisir et de souffrance, érotique et
masochiste, avec un objet qui a une
âme. La harpe, en plus, a presque un
corps. La danseuse est en contact permanent avec le bois, les cordes, les
courbes et les arêtes de l’instrument
qui, tel un monolithe, s’offre et se
refuse, impénétrable, presque muet.
Bien sûr l’argument est un mince pour
construire une pièce entière, qui
souffre de longues langueurs. Mais la
danseuse est magnifique, et offre quelques images inoubliables : ô quand elle
entre dans la colonne et telle une sirène
se traîne sur le sol avec son appendice !
ô quand elle soulève et tourne, tourne,
jusqu’à ce que la résonnance en l’air
se fasse et que la harpe parle, enfin !
La création de Manon et Fanny Avram
est elle aussi inégale ; le propos,
retrouver la mémoire d’aïeuls disparus
à Auschwitz, que l’on devine intime et
fondateur pour les deux sœurs, est
magnifiquement relayé par un danseur
Ayse Orhon © Ekmel Ertan
manque de présence dit un texte un
peu vide ; le témoignage du grand-père,
touchant dans ce qu’il évoque, reste
banal ; l’image dernière, reconstitution
plastique dérisoire de la découverte
des charniers, frise l’indécence.
Faire du théâtre documentaire est
délicat. Quand il touche à l’intime d’aussi
près, mettre le réel à distance est
risqué : au lieu d’atteindre à l’universel
-cette histoire de l’horreur absolue nous
concerne tous-, Sans… ressemble
pour l’instant à un ressassement
inassumé.
scène ; la dernière, rapide, floue, à
peine visible, nous dévoile des images
d’enfance, comme volées.
Le spectacle est là, dans ce dévoilement, accompagné d’une (bonne)
musique de synthèse qui souligne
toujours à point nommé les changements d’ambiance. Mais le plus
remarquable est dans la danse même :
Miguel Nosibor vient du hip hop, il en
possède toutes les techniques, est
impressionnant dans les tremblements,
hyper précis dans ses placements et
ses arrêts, puissant au sol. Mais il
conçoit et interprète son solo comme
un danseur contemporain : en construisant un propos dans l’espace et
© Christian Varlet
non en proposant une suite de numéros virtuoses. En allant jusqu’au
fond de lui-même, et non en utilisant la force de son corps
comme une armure impénétrable au regard.
D’autres du hip hop l’ont fait avant lui, plutôt par la prise de
parole que par le corps, qui reste souvent m’as-tu-vu. Décidément, cet art qui vient de la rue continue de bouleverser
les scènes !
C’est sous le signe de la danse et de
chorégraphies signées Eric Belaud,
directeur du Ballet de l’Opéra d’Avignon, que le public a pu découvrir la
trop méconnue Symphonie de Psaumes
de Stravinsky : composée pour chœur
mixte à quatre voix et orchestre (sans
violons ni altos mais avec grosse
caisse et deux pianos), cette œuvre
datant de 1930 est une commande du
Boston Symphony orchestra pour le
cinquantenaire de sa naissance. Ce
chef-d’œuvre, écrit sur des textes
latins et composée «à la gloire de Dieu»
(psaumes 38, 39 et 150), a su capter
l’attention du public, et Eric Belaud et
sa troupe avignonnaise ont fait naître
un enthousiasme certain en faisant de
cette symphonie intime et sombre une
pièce chorégraphique nouvelle.
En première partie fut dansé l’Oiseau
de feu, dans une version proche de
celle qui fut créé à Paris le 25 juin 1910
par les ballets russes sur la chorégraphie de Michel Fokine.
Les danseurs du ballet de l’Opéra d’Avignon en ont donné une version épurée
et intéressante, mais on ne peut que
regretter que la musique de Stravinsky
ait été diffusée par des haut-parleurs…
Dans un opéra avec un orchestre à
demeure, c’est un comble !
sublime qui rend la souffrance, l’horreur des camps, dans un solo d’un
intensité rare, tout droit planté, rivé au
sol, lançant son corps dans un mouvement perpétuel de balancier qui
lentement accélère, sa tête dans des
arrachements expressionnistes qui
évoquent Bacon et Munch, ses bras
dans des élans sporadiques qui voudraient l’arracher du sol. Pour le reste,
des maladresses : une comédienne qui
Hip hop
intime
Le solo de Miguel Nosibor tient toutes ses promesses.
Programmé au Pavillon Noir, il sera bientôt au Ballet
National de Marseille puis au Comœdia d’Aubagne -le
chorégraphe y réside et est soutenu par la Ville. Chacun
pourra ainsi aller à la rencontre d’un artiste singulier qui a su,
avec Temps d’Arrêt, mettre à profit l’occasion qui lui était
donnée par deux centres chorégraphiques de peaufiner ses
recherches et présenter un travail abouti.
Temps d’arrêt propose un trajet simple et limpide : trois
vidéos ponctuent la pièce et nous emmènent vers l’intimité
de l’artiste. Une, en ouverture, sert de repoussoir, montrant
la ville en accéléré, la consommation hystérique ; l’autre, au
cœur du solo, exhibe le corps du danseur dansant : de près,
avec des effets de décrochage du regard, comme s’il s’agissait de dépasser la frontière de ce qu’il nous montre sur
A.F.
Temps d’arrêt a été créé
au Pavillon Noir du 4 au 9 nov.
Il sera repris au BNM les 17
et 18 déc (voir p 27)
AGNES FRESCHEL
Hars et Sans ont été proposés
aux Bernardines dans le cadre
de Dansem
Sans
musiciens ?
CHRISTINE REY
32
MUSIQUE
CONCERTS
Contemporain confessionnal
Le solo de Benjamin Dupé est surprenant ! Le
guitariste-compositeur propose un spectacleconcert plein d’autodérision, qui joue des préjugés
liés à la musique contemporaine. Inaudible, agressive,
insensée, c’est du bruit, disent les plus délicats, sans
structure, sans émotion, sans discours. Quelque chose
que jamais on n’écouterait chez soi. Benjamin, seul
sur sa chaise avec sa guitare sèche, subit les assauts
des haut-parleurs, leurs vibrations qu’il déclenche,
les paroles qu’il a suscitées autour de sa musique.
Il subit, joue, et dit : sa passion de jouer ça, cette
musique, depuis toujours ; sa douleur, étonnée puis
acceptée, presque amusée, d’être perçu au quotidien
comme un zombie extraterrestre ; son envie de
partage.
Et puis il joue. Des pièces très différentes. Très structurée, obstinée même, virtuose aussi, pour répondre
au n’importe quoi reproché par la bande. Lyrique,
lente, crescendo pour réfuter l’accusation de froideur.
Évocatrice, presque figuraliste, pour donner à voir.
Alors les commentaires enregistrés semblent lui
répondre, évoquent des trajets, des histoires, des
sensations. Un sens. Le guitariste s’empare alors de
son instrument électrique, et fait entendre, enfin
debout, une longue composition aux timbres inventifs, au trajet limpide, quelque chose entre le rock
que l’instrument évoque sans y toucher, et une
Sequenza pour guitare électrique que Berio aurait
négligé d’écrire.
Une porte est ouverte à tous pour entrer en son
monde : par la musique, l’humour, la performance
autobioscénique. Allez-y voir !
AGNES FRESCHEL
Comme je l’entends a été créé aux Salins le 20 oct.
Le Merlan
les 1er et 2 déc
04 91 11 19 20
www.merlan.org
Le Cadran, Briançon
les 8 et 9 déc
04 92 25 52 52
Transat Express
Lors des Trans’Electroacoustique au GMEM du 11 au 13 nov, le voyage musical
sur transat s’est déroulé loin du gros temps…
… et dans un confort absolu! Pourquoi ne pas
joindre l’utile à l’agréable en étant confortablement
installé au fond d’un transat ? Vous l’avez rêvé, le
GMEM l’a fait. Concept singulier pour une musique
spatialisée, qui vous allonge les yeux fermés. Nul
besoin de s’éloigner pour voyager. La musique
électroacoustique est un endroit où l’on se plonge
et rien de tel qu’un lieu approprié où, entouré
d’enceintes, pour traverser l’œuvre de l’intérieur.
Bruit blanc de Hugues Germain nous rapproche des
marais salants, de la mer, et permet un décollage
immédiat pour atteindre la création de Jean-Luc
Gergonne. Commande du GMEM, Tribu est une zone
de turbulences à traverser en octophonie, avec au
poste de pilotage le compositeur lui-même pour
une interprétation vivante à la manière du live
electronic. Vide et silencieux, l’espace devient
dense, touffu et frénétique, nécessitant une bonne
accroche à son transat ! Secousses et trous d’air
continuent de ponctuer Six doors de Christophe
Ruetsch, avant que la Transhumance concoctée par
Stephan Dunkelman, également aux manettes, ne
clôture ce voyage initiatique sur des images
oppressantes et haletantes d’Effi & Amir. Un vol
dégriffé pour une exploration du son !
FREDERIC ISOLETTA
Cru de 1946 !
Le Fine Arts quartet a acquis avec l’âge un bouquet
et une rondeur inimitables. En cette soirée du 21
octobre au Jeu de Paume, quatre artistes étaient reliés par la grâce de leur archet et leur passion de la
musique. Avec trois œuvres au cépage différencié :
le quatuor n°7 de Chostakovitch, le quatuor n°1 de
Saint-Saëns et le splendide quatuor n°1 op.41 de
Schumann. L’œuvre du compositeur russe, douce âpreté, rêche à souhait, laissa en bouche une délicieuse
amertume : les phrases ciselées, erratiques, s’éparpillèrent et laissèrent sur le sol les brisures de l’âme de
Chostakovitch. L’ensemble, à la technique fascinante
(le violoncelliste !), sut donner à la pièce tout son
relief avec une émotion contenue et distanciée. Dix
minutes d’une rare intensité qui laissèrent le public
en émoi.
Le quatuor de Saint-Saëns, qu’il qualifia lui-même
de «besogne nécessaire», fit l’effet d’un verre d’eau
après un grand cru ! Quatre mouvements insipides,
aux mélodies sans teintes, justifient l’accusation faite
au compositeur d’être formaliste et conservateur! L’interprétation, toujours excellente, ne put sauver la
sécheresse de l’œuvre. Heureusement, les premières
notes de l’œuvre de Schumann se chargèrent de
réveiller nos sens. Les trois quatuors du compositeur
allemand enregistrés en 2007 par le Fine Arts avaient
fait l’unanimité de la critique : on comprend pourquoi. Tout l’univers du compositeur fut sublimé par
une interprétation sans failles : scherzo pétillant,
mélodies sculpturales, harmonies subtiles, adagio
tout en déséquilibre toujours à la limite de la rupture… superbe.
En bis le quatuor L’alouette de Haydn, en hommage
au premier maître du genre, termina cette soirée. Le
Fine Arts 2009 est un grand millésime, à consommer sans modération !
CHRISTOPHE FLOQUET
33
Un vent de fraîcheur
Au regard de ses multiples expériences professionnelles, avec Itzhak
Perlman, Pierre Boulez… difficile
d’imaginer que le pianiste présent sur
scène ce 10 nov a seulement 23 ans!
Virtuose accompli, David Kadouch
construisit, autour de l’œuvre de Moussorgski Les tableaux d’une exposition,
un programme original, composé de
pièces peu jouées, telles que les variations en fa mineur de Haydn et le
Rondo en sol majeur Le sou perdu de
Beethoven. Il offrit une interprétation digne des plus grands avec une
grâce et une légèreté déconcertantes :
les voix circulaient délicatement sous
ses doigts, s’entremêlaient sans jamais
se brouiller, pour tisser un univers
David Kadouch © X-D.R.
arachnéen transformant l’instrument
soliste en véritable orchestre. L’interprétation qu’il fit du Rondo nous aide
à mieux saisir pourquoi Barenboïm le
sélectionna à 20 ans pour enregistrer
Barenboïm on Beethoven : pétillant,
enjoué, malicieux, autant d’épithètes
pour qualifier la fraîcheur de son jeu
et de l’éclat de sa jeunesse.
L’entracte qui marqua la fin de la première partie surprit tout le monde
tant le concert semblait débuter ! Mis
en appétit par cette prestation de
premier ordre, chacun était curieux
de voir comment ce jeune artiste allait
gravir la montagne Moussorgski ! La
réponse fut donnée quelques quarante
minutes plus tard, avec un Kadouch
radieux sous les éclats retentissants
des applaudissements drus de l’auditoire : il avait réussi à faire oublier
l’orchestration éclatante de Ravel, à
jamais présente dans la mémoire collective, s’appropriant l’œuvre et la
faisant briller de mille feux, somp-
tueuse diaprure, à l’image de l’univers
fertile et fantasque du compositeur
russe. La grande porte de Kiev, dernier
mouvement de ces Tableaux d’une
exposition, fut comme le signe d’une
carrière qui s’annonce majestueuse !
Les trois bis proposés par David
Kadouch n’excorièrent en rien l’unité
du concert, et finirent de séduire le
public exigeant du Grand Théâtre…
CHRISTOPHE FLOQUET
Schubert, naturellement
Concept original le 14 nov au GTP, imaginé par la chef
Laurence Equilbey : des lieder de Schubert au
parfum de Nature, cette alliée du XIXe siècle musical,
étaient donnés par l’Orchestre Régional de Cannes
dans leur version orchestrée. Exercices d’école mais
véritable travail d’orfèvre, La Truite, Le Roi des
Aulnes ou Du bist die Ruh sont passés entre les mains
de Brahms, Reger, Liszt, Berlioz, Offenbach, Richard
Strauss, inspirant même Webern et Britten pour des
résultats étonnants ! Ils furent remarquablement
servis par les voix solistes de la mezzo Renata
Pokupic et du ténor Robert Getchell, même si
l’accompagnement instrumental n’a pas été à la
hauteur quant à la netteté des attaques. Les lieder
passés par l’orchestration du compositeur contemporain Franck Krawczyk distribuaient judicieusement
notes et couleurs au chœur Accentus : le sombre
Das Grab (la tombe) pour voix d’hommes soutenues
seulement par les cordes graves en fut la démonstration. Le beau timbre et la grande présence de la
soprano Pauline Courtin ont permis d’exhumer la
cantate méconnue, avec chœur et orchestre,
Mirjams Siegesgesang. Certes aux antipodes de
l’intimité de l’accompagnement piano, ces versions
revisitées n’en sont pas moins d’intéressantes découvertes, signées par de véritables compositeurs.
Laurence Equilbey © Agnes Mellon
FREDERIC ISOLETTA
Rester debout !
La garnison de Terezin, près de Prague, bâtie au
temps des guerres napoléoniennes était prévue pour
6000 soldats. Elle fut utilisée par les nazis, comme
camp concentrationnaire de transit. Près de 160
000 juifs y séjournèrent avant leur destination
finale à Auschwitz, 35 000 y disparurent corps et
âme. Comble de l’horreur, le IIIe Reich, pour donner
le change à la Croix-Rouge lors de visites en
1944-45, y créa l’illusion d’un camp «modèle» !
Teresienstadt devint une ville de propagande : lits,
chambres repeintes à
Anne Sofie Von Otter © Agnes Mellon
neuf, balançoires pour
les enfants, cafés,
école fictive… rien ne
fut oublié, ni même un
orchestre réuni pour
interpréter le Requiem
de Verdi ! Il va sans
dire qu’à la veille des
visites, le camp était
«vidé» des invalides, et
qu’au lendemain, tous
les acteurs du carnaval
macabre rejoignaient
les wagons plombés…
Dans ce contexte, des
musiciens trouvèrent
néanmoins le moyen
de «rester debout», puisant dans leur art une once
d’énergie qui sauve un temps de l’abîme. C’est cette
expression qu’ont fait revire avec beaucoup
d’émotion la mezzo-soprano Anne Sofie von Otter,
le violoniste Daniel Hope, accompagnés par Bengt
Forsberg au piano et le multi-instrumentiste Bebe
Risenfors. Une berceuse tendre, un chant plaintif,
une sérénade ou des airs de cabaret, paradoxalement gais, composés par de jeunes hommes et
femmes exhumés avec justice et justesse, ont
côtoyé des opus de véritables compositeurs assassinés dans la fleur de la quarantaine : Victor
Ullmann et Erwin Schulhoff.
JACQUES FRESCHEL
C’était au GTP le 15 oct.
34
MUSIQUE
CONCERTS
Amants disparates
Français mineurs
Le concert du mois d’octobre de musique de chambre,
proposé par l’Opéra de Marseille, fut consacré
à des compositeurs français du tout début
du XXe siècle, assez méconnus
Manon Lescaut © Christian Dresse 2009
Yves Coudray, dans sa mise en scène de Manon Lescaut a voulu, comme le
stipulait Puccini, se démarquer du Manon français de Massenet, de ses
références au XVIIIe siècle, en situant l’action aux alentours de sa date de
création en 1893. Les costumes de Katia Duflot y renvoient à l’évidence, quand
les décors stylisés de Michel Hamon n’exploitent peut-être pas la piste
ébauchée au premier acte d’une architecture géométrique aux couleurs à plat:
les tableaux manquent d’unité et le deuxième d’éclat.
Côté plateau, si Catherine Naglestad déçoit dans les deux premiers actes,
dans sa volonté d’alléger l’émission des aigus, et de rendre à la jeune Manon
sa verdeur naïve, la soprano l’emporte aux deux derniers grâce au pathos
assumé d’un chant plein et généreux. Mais sans un grand Des Grieux, l’opus ne
peut triompher ! Zwetan Michailov, certes arrivé à la dernière heure, n’a ni la
puissance, ni l’expression, ni un timbre suffisamment engageant pour récolter
autre chose que des applaudissements courtois. Marc Barrard barytone à la
française avec une couverture vocale élégante et un vibrato facile : son Lescaut
séduit, comme le riche barbon de Jacques Calatayud et les nombreux rôles
annexes bien campés.
Dans cette production aux réussites inégales, c’est l’Orchestre de l’Opéra qui
empoche les véritables lauriers ! La direction de Luciano Acocella tisse
finement les couleurs instrumentales et cultive le naturel d’un instinct
mélodique dont Puccini avait le secret. Dans ce contexte, l’Intermezzo du 3e
acte gagne les faveurs du public, et fait positivement basculer l’ouvrage.
C’est sur un quatuor de Lucien Niverd
que s’est ouvert ce programme. Le Quatuor du Parvis, avec à sa «tête» (premier
violon) Sylvie Niverd, a su l’interpréter
avec une certaine musicalité, en fournissant de toute évidence un travail
abouti sur le phrasé et les nuances, malgré un manque de cohésion et quelques
pertes de justesse malheureusement
audibles.
L’Ensemble vocal Hymis a enchaîné sur
le Madrigal aux Muses d’Albert Roussel.
Œuvre difficile, de par ses nombreux
glissements, ses intervalles peu naturels et son écriture très contrapuntique,
exécutée cependant sans couacs ni
décalages, grâce à la direction claire
de Bénédicte Pereira.
On entendit pour finir trois œuvres
d’André Caplet, à l’écriture assez dépouillée : des extraits de sa Messe aux
accents grégoriens, son Septuor pour
chœur de femmes et quatuor à cordes,
ainsi que ses Inscriptions champêtres,
bien interprétées dans leur globalité.
On regrette d’autant plus qu’aucun programme, aucune biographie n’aient
été distribués pour éclairer les auditeurs à propos des compositeurs, ou
expliquer ce choix de programmation.
Car on prit plaisir à découvrir dans ces
partitions peu familières des accents
ravéliens, debussiens… mais on n’y
retrouva pas toujours l’invention impressionniste qui fait le génie de la
musique française de cette époque,
et la pertinence de ces
procédés : ne restent
qu’une recherche de
simplicité et quelques
accents exotiques, qui
n’ont pas très bien
vieilli.
SUSAN BEL
Quatuor du parvis © X-D.R.
JACQUES FRESCHEL
Sturm und Drang
Le cycle Musique et Poésie, initié par
le Consulat général d’Allemagne et
la Cité de la Musique, s’était attaché
le mois dernier au couple Robert/Clara
Schumann (voir Zib 23). C’est à Mozart
qu’il a consacré son deuxième concert,
ainsi qu’à des extraits des Souffrances
du jeune Werther de Goethe.
Pourquoi rapprocher ces deux auteurs ?
On sait que Goethe vouait à Mozart
une admiration sans bornes, qui le
poussa notamment à écrire une suite
de la Flûte enchantée ou à sadiser
Eckermann (qui transforma son Faust
en opéra), en lui demandant d’écrire
dans le style de Don Giovanni et en
lui reprochant, évidemment, de ne pas
y arriver. Mais on constate également,
au fil du concert, un traitement assez
semblable de l’émotion ; le Classicisme de Weimar, initié par Goethe et
son Werther mais aussi Schiller, Herder,
Wieland, est empreint d’un lyrisme à
tout épreuve mais également pétri de
références antiques, de quête d’idéal
dans la lignée de la modernité des
Lumières. Winckelmann le qualifiera
d’«art de noble simplicité et calme
grandeur».
Mozart, que l’on se figure, souvent à
tort, plus mesuré, plus intellectuel que
ses successeurs romantiques, savait
lui aussi faire la part belle à une
Christine Kattner © David Olivari
émotion épurée. On frissonne carrément, lorsque après avoir entendu
Werther déclarer qu’il ne reverrait plus
jamais sa Charlotte, on (re)découvre
la Chanson de la séparation, petit
bijou d’intensité et de retenue.
Dix textes, très bien choisis, suffiront
à faire le tour du roman. Michael
Zugowski les récitera avec un plaisir
évident et très communicatif. Côté
musique, on est à nouveau très ému
par les prouesses vocales de Christine
Kattner. Un peu incertaine dans quelques attaques, son interprétation fut
splendide dans la plupart des Lieder.
On retient également la prestation de
Ludovic Selmi, qui a su soutenir sa
partenaire avec technique, clarté
mais aussi discrétion. Et on attend
avec impatience le concert du 4
décembre, consacré à Wagner…
SUSAN BEL
35
Regards croisés
Pour le dernier concert de l’Automne Baroque à l’église Saint-Laurent le 25
octobre, le Concerto Soave a cultivé les correspondances artistiques entre Venise
et l’Orient. Visitez la Sérénissime et jetez un œil sur l’architecture et l’ornementation : le miroir esthétique entre l’orient et la cité des Doges existe
également sur le plan musical.
Le programme proposé par Jean-Marc Aymes (orgue et clavecin) mettait en
lumière ces regards croisés sur deux mondes plus proches que nous le croyons.
Le Palestinien Moneim Adwan (chant et oud), sur ses propres textes ou sur
ceux du poète Mahmoud Darwich, fut le symbole d’un aller retour pertinent
offrant au public enthousiaste une cohérence d’opus d’une parfaite symbiose.
Matthias Spaeter à l’archiluth, Christine Plubeau à la viole de gambe mais
surtout Maria-Cristina Kiehr au chant surent donner un relief saisissant à ce
miroir de mosaïques. Les mélismes ornementaux de Monteverdi prolongeaient
naturellement le chromatisme au quart de tons de l’autre rive, donnant un
éclat naturel à cette très belle initiative.
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Maria-Cristina Kiehr © X-D.R.
Lyrisme sur le fil
Bach, auxquels il prêta une virtuosité
exceptionnelle, à la nostalgie faussement naïve de Schubert, en passant
par un Saint Saens et un Dvorak que
l’on a eu l’impression de redécouvrir.
Certains ont pu tiquer à l’écoute des
Danses Roumaines de Bartók, que le
jeune soliste romantisait un peu par
endroits ; il s’avéra cependant inattaquable dans son traitement des
harmoniques, merveilles de tendresse
et d’intensité.
Marielle Nordmann a su interpréter
avec une aisance évidente et beaucoup de clarté dans les rapports
Une fois de plus, la programmation
du Festival de Saint Victor a su nous
surprendre. Les occasions d’entendre
un duo violon-harpe sont en effet
assez rares, et c’est avec grand plaisir
que l’on put apprécier le mariage
inhabituel mais détonnant de ces
deux instruments, maniés par deux
solistes remarquables.
La prestation de Nemanja Radulovic
au violon, fut brillante de bout en
bout. Son jeu, passionné mais élégant, sut rendre les subtilités de
chaque œuvre : du phrasé ingénieux
et des accents polyphoniques de
mélodie/harmonie les œuvres pour
guitare moins connues d’Augustin
Barrios, Franciscos Tarrega et les
variations pour harpe d’Elias Parish
Alvars.
Un peu plus effacée dans les duos, elle
sut cependant soutenir sans le moindre
faux pli son partenaire. La complicité
évidente des deux musiciens, qui se
produisent régulièrement ensemble
depuis 10 ans, se ressentait dans chaque dialogue, chaque enchaînement,
chacune des nombreuses envolées
lyriques … et faisait plaisir à voir !
SUSAN BEL
Nemanja Radulovic © Caroline Doutre
Entre rêve et réalité
Grand succès et nef bondée pour la formule trompette
et orgue au 43e Festival de Musique de Saint-Victor
le 6 novembre
Avec deux stars comme le tout jeune
trompettiste David Guerrier et l’organiste confirmé Olivier Vernet, le public
ne s’est pas fait prier, démontrant sa
fidélité au festival. L’association des
deux instruments est de plus un gage
de réussite, et fait le bonheur de
nombreux concerts estivaux. Et le
programme dans tout ça ? Il fut hélas
trop axé dans les clichés estampillés
«tubes du classique». La Suite en ré
de Haendel ou Jésus que ma joie
demeure de Bach furent tout de même
concurrencés par les Prières sans
paroles de Damase et les Wesendonck
lieders de Richard Wagner destinés à
l’origine pour voix et piano. Enfin de
magnifiques couleurs se sont échappées de l’orgue, créant une atmosphère
propice à ces pages poétiques et
passionnelles dont certaines se révèlent être des esquisses du futur Tristan
und Isolde. Le timbre suave et velouté de la trompette put alors corroborer
le climat onirique installé par l’orgue,
laissant de côté les sempiternelles
pages virtuoses.
FREDERIC ISOLETTA
David Guerrier © Christophe Abra mowitz
Belles trames
Saluons la programmation musicale de l’équipe du Méjan d’Arles : son directeur
artistique Jean-François Heisser concocte régulièrement un programme qui
n’hésite pas à s’engager dans le domaine contemporain : Actes Sud et sa ligne
éditoriale ne sont pas loin.
Témoin l’interprétation par l’Ensemble Les siècles des 3e et 5e Concertos
Brandebourgeois encadrant les Trames II & VIII du compositeur Martin Matalon
et sous la direction de François-Xavier Roth. Rappelons le principe de ces
interprètes, capables de s’adapter à l’instrumentation originale d’une époque
donnée. Dans ce contexte, on peut saisir tout l’intérêt de faire entendre le
procédé contrapuntique, soit le développement conjoint de plusieurs trames
musicales, à deux époques différentes. La sonorité baroque et ouatée des trois
chœurs de cordes du 3e Brandebourgeois révélait chez Bach une richesse de
timbre renvoyant aux trames de l’ancien pensionnaire de l’Ircam. Ce dernier
faisait jongler ses interprètes avec une multitude de modes de jeux
(bandonéon, steel drum, cuivres, clarinette basse...), pour le plaisir d’une
écoute fraîche et renouvelée, sur laquelle pouvait se poser des passages
concertants faisant écho à la cadence emblématique du 5e Brandebourgeois.
P.A.H
Ce concert a été donné le 15 nov au Méjan (Arles)
36
MUSIQUE
CONCERTS
Voyage parisien
C’est à l’étage du musée des tapisseries que se donnait le concert le 5
oct. Salle aux plafonds moulurés,
scènes champêtres et musicales représentées sur les tapisseries qui
habillent la pièce, reste d’un décor
d’opéra, porte ouverte sur l’imaginaire… Le public, trop peu nombreux
mais enthousiasmé par le talent des
artistes, a eu le bonheur d’entendre
Sharman Plesner au violon et JeanPaul Serra au pianoforte pour un
programme dédié à Mozart et son
deuxième voyage à Paris.
Deux sonates du compositeur autrichien : en mi mineur, K 304, dont les
inflexions douloureuses (la mère de
Mozart venait de mourir) se dissimulent sous les voltes de la bienséance ;
et la sonate en ré majeur, K 306,
écrite pour la princesse Palatine, aux
cadences toutes de brillante virtuosité. Enchâssées entre les deux des
pièces ignorées, la sonate n° III en sol
mineur du Chevalier Saint George :
cet éminent violoniste, qui ne put
obtenir la charge de Directeur de
l’Académie Royale de Musique de
Louis XVI par le simple fait qu’il était
métis, a donné au violon une superbe
partition ; et la sonate en ré mineur
de Johann Schobert, qui par sa
densité dramatique se situe en 1762
comme préromantique ! L’ensemble
de ces œuvres fut interprété magistralement, un violon d’une puissance et
d’un velouté admirables, un pianoforte qui savait lui répondre avec brio
et ampleur…
MARYVONNE COLOMBANI
Ensemble baroques graffiti © X-D.R.
Tapisseries jazz
Cordes d’argent contre la polio
Le 17 oct à la cathédrale Saint Sauveur, le club
Rotary proposait un concert qui ménageait de
jolies surprises, comme une charmante ouverture
avec la jeune violoniste Esther Abrami qui fêtait ce
jour-là ses 13 ans, avec l’interprétation de la
sonatine n°1 de Schubert, une Mélodie de Glück et
la Cavatine de Raff. Belles notes tenues, un son que
multipliait la hauteur de la cathédrale, de jolis
trilles… Mais l’essentiel du spectacle, un peu long,
était tenu avec brio par Les Cordes d’Argent de Saint
Petersbourg, sous la vivante direction d’Alexander
Afanasyev. Etrange d’entendre des orchestrations
pour balalaïkas de compositions que l’on a l’habitude
d’entendre par un orchestre symphonique, comme
la Pie voleuse de Rossini… Les voix remarquablement placées de la maîtrise Gabriel Fauré se mêlaient
à l’orchestre, mais l’acoustique desservait les cordes
qui étaient alors couvertes par le chant. Ce beau
plateau était rassemblé pour réunir des fonds destinés à éradiquer la polio. Pour cela, il sera beaucoup
pardonné!
M.C.
Ce concert a été donné dans le cadre
d’une tournée à Gémenos, La Ciotat, Aix,
et Marseille du 15 au 18 oct
Le 18 oct, dans la salle voûtée du musée des tapisseries, un jeune trio se livrait à un périlleux exercice.
Sylvaine Hélary à la flûte, Hugues Mayot au saxophone, Antonin Rayon au piano et au clavier… Notes
perlées, fluidité des traits de la flûte, virtuosité du
saxophone, jeu riche et varié du piano : l’atmosphère
est toute de tensions, de ressassements et de magnifiques élans, et les trames mélodiques se réconcilient.
Mais il manquait sans doute un préambule qui aurait
dévoilé au public leurs intentions : les auditeurs des
nuits pianistiques semblaient manquer de clés pour
comprendre leur propos et partager ainsi leur remarquable travail de création.
M.C.
Ce concert a été donné dans le cadre
des Nuits pianistiques
La Méditerranée par le chant
L’église Saint Michel de Fuveau accueillait le 22 oct, dans le cadre du
18e festival de Chants sacrés en Méditerranée, deux groupes issus des bords
opposés de la méditerranée : voix
par-dessus la mer, qui se répondent,
trait d’union de la musique, langage
accessible à tous. Un projet qui cette
année unissait en particulier l’Albanie
et la Corse. Le thème de cette année,
jardins de Paradis, inspira aux musiciens des métaphores bibliques ou
pétrarquisantes, Eden ou jardin de
Hespérides, jusqu’au trivial jardin de
légumes !…
La grande chanteuse syrienne Waed
Bouhassoun ouvrait le concert. La
ligne monodique du oud, aux larges
sonorités, joué avec une belle virtuosité, s’accorde à la voix passionnée
de la chanteuse. A capella, celle-ci
occupe l’espace, s’enfle, s’élève, comme
d’un murmure intérieur pour atteindre
sa plénitude, joue, module, enchaînant les mélismes, éclate, s’atténue.
Il n’est pas nécessaire de comprendre
les paroles (traduites dans le programme) : le timbre chaleureux, l’expressivité
de ce beau visage de tragédienne nous
conduisent vers une aube «parée des
couleurs du jasmin d’Arabie»…
Les chanteuses du quatuor Balkanes,
laissant le chant les précéder, entraînent dès leur entrée les spectateurs
dans leur monde. Une mise en espace
dynamique, inventive, elles sont autant comédiennes que chanteuses.
Passages joyeux ou graves, enjoués
ou sereins, endiablés en rondes
populaires ou charmeurs et suaves…
Les voix des quatre chanteuses
s’entrelacent, dessinent de nouvelles
harmoniques (la basse est exceptionnelle !). Un régal ! Les costumes
à la fois contemporains et traditionnels sont aussi de la fête. Quelle
Quatuor Balkanes
© Opus 31
émotion aussi lors du dernier rappel,
lorsque se mêlent les voix des cinq
chanteuses… L’union méditerranéenne se concrétise dans le creuset
magique du chant…
MARYVONNE COLOMBANI
37
Lumineux
Le génie de Charlie Chaplin est décidément incontestable. On garde souvent le souvenir imprécis
mais ému de chacun de ses films. Et on redécouvre
chaque fois ses talents de conteur sans paroles,
d’acteur (quel regard !) et également de musicien ;
ses mélodies, facilement retenues, évoquent toujours
des moments précis, le comique ou le tragique de la
situation : sa musique a toutes les qualités d’une
musique de film réussie.
L’Orchestre de Toulon nous a livré une prestation
irréprochable sous la baguette de Timothy Brock.
Chef d’orchestre mais aussi compositeur, familier
des partitions de films muets, il n’a que peu modifié
le texte original. Il ajoute quelques bruitages: sirènes de polices, sifflets, ronronnements du maire…
toujours de manière très imagée. On retient le petit
glissando vers l’aigu qui accompagnera le mouvement
des spaghettis (puis des serpentins) vers la bouche
de Chaplin !
Mais le but est ici, avant tout, de servir l’œuvre. De
réentendre la musique, de la moderniser un peu, sans
jamais s’écarter des souhaits du réalisateur. Pari tenu:
les spectateurs peinent à retenir leurs larmes lorsqu’arrivent les retrouvailles, la scène finale, mythique.
Le ciné-concert s’est conclu par la projection d’une
© Roy Export sas
photo de Charlie Chaplin, sans maquillage ou costume. La star de la soirée, c’était évidemment lui.
SUSAN BEL
Feu d’artifice vocal
Baroque and drôle
Heureuse surprise que la re-création
de Psyché, collaboration entre Molière,
Corneille et Lully adaptée par l’acteur
et metteur en scène Julien Balajas
et par la claveciniste et chef d’orchestre Claire Bodin, donnée le vendredi
23 octobre à l’opéra de Toulon.
L’adaptation de l’œuvre nécessitait
des choix musicaux et scéniques qui
ont mis en lumière une profonde connaissance de l’histoire et de l’esthétique
du baroque. Dans cette prestation à
mi-chemin entre le théâtre, la danse
et la tragédie lyrique, la représentation du mythe de Psyché transposée
au début du XXe siècle, et résolument
tournée vers l’humour, ne pouvait
laisser le spectateur de marbre tant
tout y était fait pour que les zygomatiques soient mis à l’épreuve dans
une sorte de «commedia dell’arte».
En effet, le talent des comédiens
dispensait une bonne humeur communicative, contrepoint idéal à
l’aspect tragique et sérieux de la pièce
originale, dans laquelle s’inscrivaient
efficacement l’orchestre, les chanteurs et la danseuse.
En 1825, Rossini composa un opéra en 1 acte pour le sacre de Charles X peu avant
de mettre fin à sa brillante carrière de musicien. Opéra de circonstance, Le voyage
à Reims ressemble plus à un exercice de style qu’à un ouvrage traditionnel d’art
lyrique. En effet, l’histoire n’est qu’un prétexte au service de la voix, mise en
valeur par un bel canto sublime riche en fioritures et en volutes endiablées, techniquement éprouvant qui fait de cette œuvre un des sommets du genre.
La production du 6 novembre à l’opéra de Toulon a tourné à la démonstration
tant le plateau vocal frisait l’excellence : trouver des défauts aux 17 chanteurs
présents sur scène ce soir-là semble impossible, et n’en citer qu’un serait faire
injure aux autres !
L’orchestre et les chœurs, sous la direction légère et précise de R. Fores-Veses,
étaient à l’avenant tout comme les lumières, les costumes et les décors au service
d’une mise en scène dynamique et humoristique, dont l’anachronisme conférait
à l’opéra une résonance étrangement contemporaine.
E.M.
EMILIEN MOREAU
Psyché © Khaldoun Belhatem
Razzia coréenne
Ils étaient dix au bout des phases éliminatoires, sur 150 candidats au départ,
à se trouver devant l’orchestre dirigé
par Dominique Trottein pour la périlleuse finale du 11e Concours International
d’Opéra de Marseille. Pour départager
ces artistes, en 2009, Rolando Villazon
a présidé le jury avec tant de bienveillance et passion que la direction
du concours a annoncé la probable
désignation de la biennale sous le
fameux patronyme du Mexicain.
Si deux chanteurs français n’ont pas
démérité -un étonnant ténor de 20
ans, Kévin Amiel, au timbre large et
peu ordinaire et une soprano lyrique expressive, Clémence Fritier, obtenant
de belles récompenses- les palmes
ont été raflées, une fois n’est pas coutume, par quatre rescapés parmi les
nombreux Coréens débarqués sur le
Vieux-Port.
Au sommet, la puissante soprano Jeehye Han a fait l’unanimité dans des
airs de bravoure de Puccini et Verdi,
quand le bel canto de la pétillante Yu
Ree Jang a séduit. Côté ténors, Jaezig
Lee a déployé un timbre brillant et de
l’assurance dans les glorieux contreut de La Fille du Régiment, alors que
Minseok Kim a fortement ému dans
E la solita storia del pastore.
Souhaitons que ce concours, formidable tribune lyrique pour Marseille,
trouve toujours les soutiens financiers nécessaires à sa pérennité !
JACQUES FRESCHEL
La finale du concours a eu lieu
le 16 oct. à l’Opéra de Marseille.
38
MUSIQUE
CONCERTS
Fayence subtile
Du 23 au 30 oct, le 21e Festival de Quatuors à
cordes en Pays de Fayence rendait un hommage à
Mendelssohn, né il y a deux siècles, avec l’intégrale
des ses quatuors. Hommage en miroir avec les
prédécesseurs, Haydn, le père fondateur, Beethoven,
Schubert, et les héritiers, Grieg, Ravel, Bartók,
Ligeti, Glass. Programme riche et très éclectique
avec les quatuors Fine Art, Párkányi, Talich, London
Haydn Quartet, Ludwig et Ardeo, si féminin et si
ardant, qui fit revivre avec fougue la sœur admirée
de Félix, Fanny Hensel-Mendelssohn, à travers son
quatuor en mib majeur.
Tous les concerts furent d’un très haut niveau, même
si le choix du London Haydn Quartet d’utiliser des
cordes en boyaux, par souci d’authenticité pour
Haydn, peut être discuté. Le nombre de festivaliers
dans ces petits villages pittoresques de Fayence va
croissant, comme à Callian, dominé par un beau
château, qui accueillait le Quatuor Talich le jeudi
29 oct dans une église bondée de 350 personnes,
soit plus d’un habitant sur six !
Quel régal ! Les deux quatuors mi b majeur de
Mendelssohn sont au programme. L’opus 12, écrit
Quatuor Talich © X-D.R.
à 20 ans, alterne une plainte mélancolique (Adagio
ma non troppo) et une fougue sautillante (Finale).
Quelle musicalité, quelle expressivité des quatre
praguois ! Une harmonie des corps et des cœurs, un
legato et des pianissimi à couper le souffle
(Andante espressivo) suivis de guirlandes triomphales de doubles croches (Molto Allegro). L’op 44
démarre par un Allegro vivace brillant puis un Scherzo,
flot incessant de notes se baladant sur tous les registres. L’Adagio, thème tragique, est d’une grande
beauté : quelle complicité entre les artistes dans le
tuilage contrapunctique ! Après ces deux monuments, quatre pièces indépendantes, retrouvées
après la mort de Mendelssohn, ébauches certainement de prochains quatuors : un Andante suivi de
superbes variations où se détache le velouté aérien
du premier violon, Jan Talich. Un Scherzo bondissant où les sextolets de doubles croches jaillissent
comme des fusées. Enfin, un Capriccio et Fugue d’une
audace rythmique et mélodique incroyable où tous
s’en donnent à cœur joie : attaques sforzando puis
relâchées dans un jeu diabolique et très physique,
un souffle musical qui transpire d’un instrument à
l’autre. L’accueil est triomphal.
En bis, la Cavatine pour cordes de Beethoven, le
maître des premiers quatuors romantiques ; des
cordes, à peine effleurées, une mélodie lyrique et
planante : une superbe révérence.
YVES BERGÉ
Chambre royale
En 90 ans, des générations d’adhérents à la Société de Musique de Chambre
de Marseille ont vu régulièrement passer les meilleurs artistes de leur temps.
Il y a des fidèles qui se plaisent à revenir jouer dans l’auditorium à l’acoustique
fine de la Faculté de médecine. Parmi les meilleures formations instrumentales
au monde, le Quatuor Prazák se montre particulièrement assidu, pour le
bonheur d’un public expert et nombreux qui le lui rend bien.
Les quatre cordes tchèques n’ont pas failli à leur réputation notamment dans
le Quatuor «Américain» de Dvorak livré dans sa nécessaire ampleur et son
souffle vibrant. Le travail fin, parfaitement synchrone et équilibré réalisé sur
la matière sonore, n’a heureusement chez eux rien de machinal ! Vaclav Remes,
premier violon de rêve, pris un peu à froid dans l’Allegro du Quatuor op.50 n°3
de Haydn, a redoublé d’expressivité dans les fameuses variations du 2e
mouvement du Quatuor «La jeune fille et la mort» de Schubert. Avec ses trois
brillants compères, ils ont rendu au chef-d’œuvre tout son tragique, sa poésie
plaintive et sa résignation, son ironie et ses interrogations... On n’a pas perdu
une seule note du poignant ballet macabre et de sa course à l’abîme.
JACQUES FRESCHEL
Quatuor Prazak © Guy Vivien
Jeter
la musique
par la fenêtre
Jean-Francois Heisser © Simone Poltronieri
A priori, l’idée du compositeur et chef
d’orchestre Espagnol Gorka Sierra paraît séduisante : la chanteuse Antonia
Contreras, accompagnée par Chaparro
de Malaga à la guitare, devait révéler
les accents populaires du flamenco au
sein des douze pièces en quatre cahiers
d’Iberia d’Albeniz interprétées par
J.-F. Heisser. Éternelle chimère consistant à concilier le brut et le raffiné, le
dionysiaque et l’apollinien, le populaire et le savant, l’écrit et le transmis...
Seul «...ce besoin généreux de jeter la
musique par les fenêtres...» ainsi que
l’a si justement souligné en son
temps Monsieur Croche, alias Debussy,
pouvait aboutir à cette profusion
d’effets de jeu, de nuances et d’harmonies, que contient la musique
d’Albéniz. Car elle évoque une mélodie
ressassante puisant son inspiration
dans l’Andalousie profonde, mais s’en
affranchit pour construire un discours
sans lasser. Les jeux de vibratos parfois excessifs et les intonations
gutturales, certes variées, de la chanteuse, sur un accompagnement souvent
répétitif, peinaient à contrepointer ce
miracle évocateur concrétisé par le
pianiste. Un solo de Chaparro en
prélude au troisième cahier atténuait
ce sentiment. Décidément, Albéniz
occupait toute la fenêtre !
P.-A. HOYET
Iberia a été joué au Méjan (Arles)
le 13 nov
AU PROGRAMME
MUSIQUE
39
L’âge mûr ?
Télémaque a 15 ans ! Certes, il faut de
la patience pour éclore… surtout en
son pays ! Néanmoins le temps semble
venu pour l’ensemble de Raoul Lay de
crever la scène !
Après de formidables créations métissant la musique
moderne et les domaines du cirque, du théâtre, de
la danse, le dernier spectacle de la compagnie Télémaque est allé chercher ses lauriers aux Bouffes
du Nord lors du Festival d’Île de France. Desperate
Singers : Requiem pour Klaus Nomi, sorte d’«oratorio
burlesque et tragique» à la mémoire de l’icône New
Wave, contre-ténor pop-rock et baroque des années
80, a fait une telle unanimité que la rumeur a vite
couru… Si bien qu’à Marseille, le Théâtre de la
Minoterie a promptement affiché complet pour le
21 nov. à 20h (04 91 90 07 94 - www.minoterie.org)!
Il ne reste plus qu’à réserver aux Salins à Martigues
le 20 mars 2010, pour découvrir cette étrange mise
en scène associant Purcell (The Cold Song, Mort de
Didon) à Berio et des musiques inouïes…
L’anniversaire se poursuit à Marseille par un concertcommenté de Créations franco-hollandaises autour
du Pierrot Lunaire de Schoenberg, le 26 nov. à
20h30 – Bastide de la Magalone (04 91 39 29 13
- www.citemusique-marseille.com). L’incontournable
chef-d’œuvre de 1912, interprété par Brigitte Peyré,
est repris, le lendemain, sur la scène nationale de
Martigues le 27 nov. à 19h30 (04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr).
Et ce sont des opus avant-gardistes de Varèse, Octan-
Cité
Desperate singers © Agnes Mellon
dre (1923) et Density 21,5 (1936) qu’on entend lors
du traditionnel Appel des sirènes phocéen du premier
mercredi du mois sur le parvis de l’Opéra, le 2 déc. à
12h (Gratuit - 04 91 03 81 28 - www.lieuxpublics.fr).
JACQUES FRESCHEL
Jusqu’à fin novembre
Aux Salins, une exposition de la photographe
de l’ensemble Agnès Mellon célèbre par l’image
15 ans de productions et d’instants d’émotion.
Installation multimédia (concerts, spectacles,
diaporama) à l’Arcade PACA.
04 91 39 29 13
www.ensemble-telemaque.com
Pluie d’étoiles
En raison de travaux de mise
aux normes, les concerts programmés
à l’auditorium sont présentés
à la Villa Magalone à 20h30
Avec les venues de Nicholas Angelich, du Quatuor Ebène, d’Aldo Ciccolini
et Barbara Hendricks, le Grand Théâtre de Provence a mis le paquet
en cette fin d’année 2009. De quoi combler les mélomanes
autour du Pays d’Aix !
Le pianiste Philippe Gueit donne un récital d’opus
romantiques de Mendelssohn, Chopin, Schumann et
Liszt, compositeurs majeurs de la Génération 1810
(le 20 nov.).
Clara David (flûte traversière), Mark Drobinsky
(violoncelle) et Gisèle Mouret (piano), jouent des
pièces de Schumann, Falla, Beethoven, Martinu et
Prokofiev (Trio Chiarina, le 27 nov.).
Christine Kattner (mezzo colorature), Nina Huari
(piano) et Mickaël Zugowski (comédien et mise en
scène) poursuivent le cycle Musique & poésie avec les
Wesendonk-Lieder de Richard Wagner (le 4 déc.).
Benoît Salmon (violon) et Élisabeth Guironnet
(piano) jouent les sonates K 304 de Mozart et op.96
de Beethoven (le 11 déc.).
L’ensemble Des Équilibres créé par la violoniste
Agnès Pyka se présente dans sa formation piano/
clarinette/violon pour trois opus du XXe siècle de
Bartok, Khatchatourian et Berg (le 17 déc.).
Musique acousmatique (entrée libre): Le M.I.M. le
11 déc. à la Cave de la Cité.
Dans la continuité du Cycle Beethoven entamé à la
rentrée 2009, Dominique Bluzet et Françoise Jan
proposent trois concerts prestigieux. L’Orchestre
National de Montpellier (dir. Cristian Mandeal)
joue sa fameuse Symphonie Pastorale et s’unit au
pianiste Nicholas Angelich, en complément de
J.F
MARSEILLE.
04 91 39 28 28
www.citemusique-marseille.com
Quatuor Ebene © J. Mignot
choix, pour le Concerto n°1 de Brahms (le 21 nov.).
Le jeune et formidable Quatuor Ebène interprète
les Quatuors n°1 «Razoumovski» op.59 et n°14
op.131 du «grand sourd» (le 3 déc.), en attendant
que le vieux maître octogénaire Aldo Ciccolini
vienne distiller les superbes Sonates n°14 «Au clair
de lune» op.27, n°22 op.54, n°31 op.110 et n° 23
«Appassionata» op.57 (le 8 déc.).
L’éminente soprano Barbara Hendricks viendra à
trois reprises cette saison au Grand Théâtre de Provence. Elle Chante Noël en cette fin d’année avec
l’Orchestre Régional de Cannes PACA dirigé par
Jan Söderblom et la Maîtrise des Bouches-duRhône. Au programme : des extraits de l’Oratorio
de Noël de Bach, l’Ave Maria de Schubert et des
chants traditionnels. À voir en famille ! (le 11
déc.).
JACQUES FRESCHEL
AIX. GTP. Concerts à 20h30
04 42 91 69 69
www.legrandtheatre.net
40
MUSIQUE
AU PROGRAMME
Souffles
Le Violoncelle dans tous ses Etats : Patrice Laré
(piano), Velitcha Yotcheva (violoncelle) jouent
Boccherini, Schubert, Franck et Chopin (le 21 nov.
à 20h à Aix- Musée des Tapisseries).
Musique de Chambre Germanique : quatuor et
quintettes avec piano (Michel Bourdoncle) de
Mahler, Schumann et Brahms (le 28 nov. à 20h à
Trets – Casino – entrée libre).
Des Bougies pour Haydn et Mendelssohn par Robert
Lehrbaumer (orgue) et Paisit Bon-Dansac au
piano (le 4 déc. à 20h à Aix - Eglise Saint Jean de
Malte).
Soirée Marseillaise : Cyril Huvé (piano), Cyril
Rovery (baryton), l’Ensemble Orchestral Contemporain dirigé par Daniel Kawka interprètent Liszt,
Challulau et Mahler (le 8 déc. à 21h à Marseille –
Théâtre Toursky).
Le Romantisme d’Est en Ouest : les Jeunes Talents
du Conservatoire Darius Milhaud jouent des
compositeurs extrême-orientaux et Chopin, Liszt,
Schumann, Mendelssohn…(le 11 déc. à 20h à Aix
– Bibliothèque Méjanes).
La 8e biennale de Quintettes à vent se poursuit
avec un concert associant les Quintette Moraguès
et celui de Marseille (le 19 nov. à 20h30 à Aix au
GTP). C’est ensuite la Société de Musique de
Chambre de Marseille qui accueille la manifestation
avec le Quintette Aquilon et le pianiste Romain
Descharmes (le 24 nov. à 20h30 à la Faculté de
Médecine). Le festival s’achève avec les filles
d’Aquilon (le 25 nov. à 17h30 à Grans – Espace R.
Hossein – entrée libre), le Quintette à vent de
Marseille et le duo de pianistes Clara Kastler &
Hubert Woringer (le 26 nov. à 19h à Meyreuil –
Salle J.Monnet – entrée libre).
J.F
Après Le Parlement de Musique (dir. Martin
Gester) et la soprano Mariana Flores dans des
Gloria, Motets et Concertos de Haendel (le 19 nov.),
le 43e Festival s’achève par un Concert anniversaire.
La Symphonie n°104 «London» et Les Sept Dernières
Paroles du Christ sur la Croix célèbrent Haydn avec
l’orchestre symphonique Friuli Venezia Giulia, le
Chœur Régional Vocal Provence, un excellent
quatuor de chanteurs dirigés par André Bernard.
>
Quintette Moraguès © X-D.R.
J.F
Institut Français des Instruments à Vent
04 91 39 29 02
http://biennaleinternationale
quintettevent.blogspot.com
Golgotha
Percussions
L’ensemble de percussions Symblêma (dir.Frédéric
Daumas) poursuit sa reprise de Playblick, spectacle
tout public et burlesque à la gloire des musiques du
monde.
MEYREUIL. Le 21 nov. à 20h30 Salle J.MonnetEntrée libre.
04 86 31 62 73
www.symblema.com
>
04 42 16 11 70
www.lesnuitspianistiques.com
>
Pianistiques
MARSEILLE. Le 3 déc. à 20h30
Abbaye de St Victor
04 91 05 84 48
www.chez.com/saintvictor
Symblema Percussions © X-D.R.
Jazz
Les Concerts d'Aix accueillent les remarquables
sœurs brésiliennes du Trio Esperança. Eva, Regina
et Mariza Correa, repérées par Bernard Lavilliers
après leur arrivée en France, ont été ses choristes,
puis celles de Patrick Bruel, avant d’enregistrer
leurs propres disques à succès dans les années 1992
à 2001. Après une pause de cinq ans, elles
reviennent à la scène. À (re)découvrir !
AIX. Le 25 nov. à 20h30
au Théâtre du Jeu de Paume
04 42 63 11 78 - www.concertsdaix.com
Velitcha Yotcheva © X-D.R.
Clavecinet
Dans le cadre des Petites histoires de claviers de
Baroques-Graffiti, Pulsabunt instrumentia dulcia est
un programme concocté par Julien Ferrando qui
joue sur un clavicythérium (petit clavecin au coffre
vertical) et fait découvrir des musiques des XIVe et
XVe siècles.
MARSEILLE. Le 12 déc. à 18h
Bastide Ranque
09 51 16 69 59
www.baroquesgraffiti.com
Racine
Après une version pour grand chœur avec l’Orchestre de l’Opéra de Marseille au Théâtre Toursky, puis
au Château de Mirabeau en collaboration avec la
Compagnie Interlude, l’ensemble vocal Ad Fontes
(dir. Jan Heiting) reprend Athalie de Mendelssohn
dans sa première mouture composée en français,
d’après Racine, pour chœur de femmes, solistes,
récitante (Marie Ange Jannuccillo) et piano.
AIX. Le 24 nov. à 20h30
Théâtre du Jeu de Paume
04 42 99 12 12
Schubertiade
Récital Franz Schubert par les pianistes Michèle
Scharapan et Emanuela Piemonti avec Thomas
Gautier au violon.
MARSEILLE. Le 20 nov. à 21h30
Station Alexandre
04 91 00 90 00
www.station-alexandre.org
SMCM 90
Après l’accueil traditionnel de la Biennale de
Quintettes à vent (le 24 nov. à 20h30), la Société
de Musique de Chambre de Marseille affiche, à
l’occasion de ses 90 ans d’existence, deux soirées
«festives» de pure musique de chambre. Des
quatuors, quintettes et sextuors de Mendelssohn,
Schubert, Haydn, Tchaïkovski par le Quatuor
Modigliani, Lise Berthaud à l’alto et François
Salque au violoncelle.
MARSEILLE. Les 15 et 16 déc. à 20h30 à la Faculté
de Médecine.
Espace culture
04 96 11 04 60
41
Symphonique
Sa voie
Cocteau
À trois
En attendant Cendrillon pour la fin de
l’année, l’Opéra de Marseille affiche
deux concerts symphoniques : JeanClaude Casadesus dirige L’Arlésienne
de Bizet et la Symphonie fantastique
de Berlioz (le 29 nov. à 17h à l’Opéra).
Claudio Scimone vient conduire l’Orchestre Philharmonique dans un
programme baroque et classique : des
Symphonies de Boccherini, Haydn et
un Concerto pour mandoline de Vivaldi
avec Ugo Orlandi (le 11 déc. à 20h au
Pharo).
Côté Foyer : Musiques latines pour voix
et quatuor à cordes propose des opus
de Turina, Piazzolla, Granados avec la
soprano Garance Castanié, le ténor
Marc Terrazzoni et le Quatuor du Parvis
(le 21 nov. à 17h) ; un hommage à la
soprano Françoise Garner (le 5 déc. à
15h) et à L’heure du thé les récitals du
CNIPAL (les 16,17 et 18 déc. à 17h15).
La violoncelliste Ophélie Gaillard,
joue et dirige l’Orchestre des Pays de
Savoie et accompagne le contreténor Christophe Dumaux dans des
airs d’opéras de Haendel.
GAP. Le 11 déc. à 20h30
au Théâtre de la Passerelle.
04 92 52 52 52
www.theatre-la-passerelle.eu
Récital poétique et pianistique par
Edouard Exerjean dans le cadre de l’exposition Jean Cocteau et la Méditerranée.
Haendel par l’ensemble instrumental
des Festes d’Orphée : Jean-Michel
Hey & Guy Laurent (flûtes), Annick
Lassalle (viole de gambe) et Corinne
Bétirac (clavecin).
MARSEILLE. Opéra.
04 91 55 11 10
www.marseille.fr
Fatal
!
On ne présente plus Carmen de Bizet,
sans doute l’opéra le plus populaire
au monde. Gageons que le théâtre
fera salle comble pour «L’amour est
enfant de Bohème» par Giuseppina
Piunti, l’air du Toréador par Franco
Pomponi ou la «Fleur» fatale de Roman
Shulackoff ! (le 27 nov. à 20h et le
29 nov. à 15h – reprise fin déc.).
L’inusable et immense chef Serge
Baudo vient diriger la 1re symphonie
de Beethoven et le Concerto en la
mineur de Schumann avec MarieJosèphe Jude au piano (le 3 déc.
20h30 au Palais Neptune). «Salon
baroque» (le 16 déc. à 19h).
TOULON. Opéra.
04 94 92 70 78
www.operadetoulon.fr
Méjan
Récital du pianiste
Jean Louis
Steuerman : 1re Ballade de Chopin,
Fantasiestücke de Schumann, Sonate
n°12 «Marche funèbre» de Beethoven… (le 29 nov. à 11h) et «Week-end
tchèque» : le Quatuor Kocian et le
pianiste Ivan Klansky joignent leur
talent pour des quatuors et quintettes de Dvorak, Smetana, Martinu
et Janacek (les 11 déc. à 20h30 & 13
déc. à 11h).
ARLES. Chapelle du Méjan.
04 90 49 56 78
www.lemejan.com
MARSEILLE. Le 2 déc. à 18h30
au Palais des Arts (Cours Julien)
04 91 04 68 32
De pointe
Avishai Cohen (contrebasse et voix)
joue et chante en quintette de jazz
(le 5 déc.). L’inclassable guitariste
improvisateur Benjamin Dupé (les 8
et 9 déc.) passe par, là ainsi que de la
Musique orientalo-balkanique revisitée par Mango Gadzi (le 18 déc.).
BRIANÇON. Concerts à 20h30
au Théâtre du Cadran
04 92 25 52 52
www.theatre-le-cadran.eu
Papal
Sommet du bel canto, I Capuletti e i
Montecchi de Bellini est interprété
par un duo royal de chanteuses :
Ermonela Jaho joue Juliette et Karine
Deshayes un Roméo mezzo et travesti
(le 22 nov. à 14h30 & le 24 nov. à
20h30).
Autres festivité papales : Nemanja
Radulovic (violon) et Susan Manoff
(piano) jouent des Sonates de
Beethoven (le 21 nov. à 20h30),
quand le Trio Chausson vient pour la
première fois en Avignon pour un
programme Haydn, Mendelssohn et
Beethoven (le 1 déc. à 20h30). Une
opérette d’Aznavour, Je m’voyais
déjà, sur un livret de Laurent Ruquier,
est mise en scène par Alain Sachs (le
5 déc. à 20h30 et le 6 déc. à 14h30),
avant un concert symphonique, hors
les murs (dir. Jonathan Schiffman),
où l’on entend Pavel Sporcl dans le
Concerto pour violon de Dvorak (le 11
déc. à 20h30 à l’église des Carmes).
Et l’Apér’Opéra du CNIPAL le 12 déc. à
20h30 !
AVIGNON. Opéra-Théâtre
04 90 82 81 40
www.mairie-avignon.fr
Pavel Sporcl © X-D.R.
MARSEILLE. Le 25 nov. à 20h30
à l’église Ste Catherine
AIX. Le 27 nov. à 20h30
à la Chapelle des Oblats
04 42 99 37 11
Légion
L’Orchestre de la Légion Etrangère
d’Aubagne donne un concert avec la
participation de la Classe Orchestre
du collège Versailles à Marseille.
Edouard Exerjean © X-D.R.
MARSEILLE. Le 10 déc. à 15h30 Gymnase du collège Versailles (3e)
Hivernal
Sept ans que le Groupe de Recherche Cistres
Henri Agnel et Doc Rossi s’associent
et d’Improvisation Musicale (GRIM)
accueille son festival à l’heure où les
nuits sont les plus longues… et les
plus froides ! Mais pas question de
s’ankyloser à Montévidéo tant les programmes de musiques improvisées,
électros ou acoustiques, DJ, performances, film-documentaires, expos et
conférences s’égrainent au quotidien !
Une manifestation qui cette année essaime aussi à Martigues, Miramas ou
au Point de Bascule à Marseille : avec
Jean-Marc Montéra, les percus de
Symblêma, Yves Robert à la coulisse
ou maître sax Louis Sclavis en trio…
et une pléiade d’éclectiques figures
planchant sur La musique, le mot, la
voix.
pour des répertoires européens du
Moyen Âge au XIIIe siècle joués sur
des instruments ancêtres de la
guitare.
LES BAUX-DE-PROVENCE.
Le 26 nov. à 18h30
04 91 52 90 45
www.ciehenriagnel.com
Fou !
GRIM. Du 4 au 21 déc.
04 91 04 69 59
www.grim-marseille.com
Jeunes
Un après-midi de récital par trois
jeunes talents, (ex)élèves de Bernard
d’Ascoli : l’aînée Violaine Debever (24
ans) joue Rachmaninov, le cadet
Paisit Bon-Dansac Chopin et Liszt (17
ans) et la «caganis» Sarah Zajtmann
(12 ans !) Ravel et Chabrier.
AUBAGNE. Le 22 nov. à 17h
Théâtre Comœdia
04 42 18 19 88
www.aubagne.fr
Féminin
L’ensemble vocal féminin L’Oiseau Luth
fête ses 20 ans avec Purcell, Schubert,
Verdi, Britten…
MARSEILLE. Le 22 nov. à 16h30 à
l’église Notre Dame du Mont
06 62 35 09 56
www.oiseau-luth.org
Shani Diluka © Vincent Garnier
Puisque René Martin, créateur de la
Folle nuit Nantaise, est le programmateur musique du théâtre de Nîmes,
il y exporte son concept, fort populaire, qui permet d’entendre de
grandes œuvres du répertoire par des
interprètes d’exception. En cinq
concerts qui s’enchaînent le 5 déc de
15h à 23h30 autour de la «génération
1810» (Chopin, Schumann, Mendelssohn et Liszt), on pourra entendre les
deux pianistes Shani Diluka et
Brigitte Engerer, et le Quatuor Voce…
NÎMES. La Folle nuit
Théâtre de Nîmes.
04 66 36 65 00
www.theatredenimes.com
42
MUSIQUE
CONCERTS
Session de clôture de Jazz sur la Ville
La Journée du Séminaire d’Apprentissage Artistique de la Compagnie NINE SPIRIT animée par divers acteurs du
jazz a permis de poser quelques défis esthétiques dans le vivier local de musiciens. Elle a souligné entre autres
points l’urgence du collectage de l’histoire du jazz dans notre région.
Fruit d’une résidence hors les murs de la Villa Médicis, Raphaël Imbert nous a présenté un programme
musical époustouflant, issu de son dernier CD réalisé à New York (voir Zib 23) avec Joe Martin
(contrebasse) et Gerald Cleaver (batterie), remplacé par Mourad Benhammou pour ce concert
exceptionnel. New York Project est une création qui explore de nouveaux territoires. Struggle for
Manhattan’s life en est un exemple des plus criants : Raphaël Imbert utilise simultanément deux
saxophones pour nous surprendre et nous maintenir en tension.
Bonne surprise, Christophe Leloil (trompette/bugle) et Marion Rampal sont les guests-musicians
dans la 2nde partie du concert avec Ahmad Campaoré (batterie) dans un set très énergique, aérien,
avec mélodies empreintes d’Orient. Stéphane Mondésir (claviers), Hervé Samb (guitare), Philippe
Le Rabo (basse) et Raphaël Imbert forment le 5tet Musique Rebelle. Les compositions de l’ensemble
semblent progresser vers une quête de spiritualité comme une tendance récurrente, qu’Ahmad
Campaoré s’empresse de briser régulièrement par des ruptures de rythme qui apportent ainsi un
nouveau souffle. Du grand jazz, constamment inventif.
DAN WARZY
Ces événements ont eu lieu à La Cité de la Musique
les 14 et 19 oct
Raphael Imbert
© Jean-Paul Rony
Spleen et idéal
Captivante, la prestation acoustique de And also the trees
a ravi les fans sur la scène du Poste à Galène le 3 novembre
Avec leur dernier album en poche When
the rains come, les austères britanniques ont livré un concert qui restera
certainement dans les annales.
Exercice périlleux et délicat, le
relooking acoustique d’un medley qui
porte sur vingt-cinq ans de carrière
était déjà une réussite en disque
(voir Zib 23), il s’avère être sur scène
un moment intimiste génial. Dans
une atmosphère mélancolique et
sombre qui a porté Simon Huw Jones
et ses acolytes au sein du giron
coldwave sans le côté théâtral du
gothique, les adeptes de la première
heure comme les néophytes ont répondu présent. Sans batterie mais
avec contrebasse, dulcimer, mélodica
et bien sûr guitare acoustique, l’ambiance feutrée déroulée sans artifice
s’est immédiatement installée.
Glissant dans cette bulle désenchantée, les fidèles ont savouré ce
moment hors du temps, à l’image du
sacro saint Virus meadow magnifiquement interprété. Un concert loin
d’être glauque et maussade, image
qui colle sempiternellement à ce type
de projet acoustique !
FREDERIC ISOLETTA
Little Giant au féminin
C’est la proximité dans l’espace parisien qui a tout d’abord permis au Time Out
Trio de se rencontrer autour de Géraldine Laurent en 2006. Le trio a présenté,
durant un concert du Cri du Port, une série de reprises de compositions
entièrement revisitées de Sonny Rollins, Wayne Shorter, Charles Mingus... La
saxophoniste possède une grande culture musicale et technique. Son esprit
est vif, l’idée est riche : toujours en avance sur le geste, elle fait corps à parts
égales avec son instrument. Le son produit, les joues gonflées, est dense et
puissant. De longs phrasés se déroulent ou s’emportent, se calment dans une
parfaite maîtrise de l’improvisation. Elle est parfois toute vibrante d’une
émotion qu’elle réussit parfaitement à communiquer, très bien soutenue par la
contrebasse de Yoni Zelnik et la batterie de Laurent Bataille. La formule du
trio qui permet une très grande liberté est particulièrement appréciée par
Géraldine Laurent. Et tous trois nous scotchent littéralement par des ruptures
de tempo très en place, témoignant d’une longue complicité.
DAN WARZY
And also the trees © X-D.R
Ce concert
a eu lieu le 5
nov
au Cri du Port
à Marseille
Time Out Trio
Géraldine
Laurent
CD Dreyfus Jazz
Records
Géraldine Laurent © Armel Bour
43
Rock alternatif au Grim
Dans une salle comble et festive, le Grim avait
invité le groupe Do Make Say Think, formation
originale de neuf musiciens : guitares, basse, saxs,
trompettes, batteries, clavier, violon. Une soirée
qui démarrait par les Marseillais Deschamp : de
longues plages sonores, où des motifs répétés se
noient dans un fortissimo étourdissant. En partie
centrale, deux projets solo de deux Do Make, Charles
Spearin et Ohad Benchetrit qui doublent les voix
enregistrées en un jeu de collage en direct : voix
grave/saxo, voix aiguë/trompette. C’est ludique et
confirme l’appartenance de ces musiciens venus de
Toronto à la Broken Social Scene.
Arrive la partie Do Make, rock alternatif mêlant des
influences diverses : sons planants, cuivres, jazz
fusion, rock progressif. L’écriture est simple,
harmoniquement et mélodiquement : motifs de 4 à
5 notes répétés (guitare ou violon) sur lesquels les
autres instruments se greffent en tuilage. Pas de
grandes envolées mais de courtes formules comme
des comptines enfantines répétées à l’infini. Dans
ce groupe à géométrie variable, tous jouent de
plusieurs instruments : riche interchangeabilité,
mais lorsque les traits sont un peu plus complexes
une inégalité se fait sentir, aux trompettes surtout.
Les fins de phrase en crescendo avec pédale de
distorsion sont cependant impressionnantes : dans
le volume et la durée les sons sonnent sans limite.
Le public est enfin debout pour un final étourdissant, avec quelques dissonances bienvenues.
Pas de day off : une tournée mondiale sans un seul
jour de libre, tel est le parti de ces trentenaires qui
ont déjà six albums à leur actif !
Do Make Say Think © Pierre Gondard
YVES BERGÉ
Beau plateau
Le festival Les Inovendables se poursuit jusqu’au 5 décembre, dans les
locaux de Léda Atomica Musique.
Le 20 nov, une des grandes figures de
la musique électronique sera sur
scène : Hans Joachim Roedelius,
cofondateur du groupe Kluster, entre
autres ; le même soir se produira le
Chill Out Consortium. Le lendemain
2 couples aux commandes : Naomi &
Barth avec des percussions corporelles et vocales auxquelles se rajoutent
des flûtes kamal ngoni (harpe luth du
Mali), et les Agnel père et fils, Henri
et Idriss, dans des répertoires afghans,
arabes, et du Moyen Âge européen.
Les 26, 27 et 28 nov, la création LAM
2009 : Sauvages Organismes Sonores,
basée sur l’utilisation d’instruments
issus de la scène électronique et d’ins-
truments rares (théremin, structures
sonores Baschet), sur fond de bruits
des villes du Caire, d’Alexandrie et de
Marseille. Enfin, le dernier soir (5 déc),
place aux voix de Jérôme Chartier
et de son chant diphonique, et d’Alain
Aubin et Marie Démon, rencontre
des tessitures de contre-ténor et
contralto. À noter, le 4 déc, une soirée
de restitution du travail mené par
Anna Prucnal autour de Brecht et de
ses compositeurs.
DO.M.
Les Inovendables
Jusqu’au 5 déc
Léda Atomica Musique
04 96 12 09 80
http://ledatomica.mus.free.fr
Menu complet de fin d’année
Le programme s’annonce serré devant la scène et lourd pour vos finances !
Massive, l’attaque commence au Dôme le 18/11
avec le groupe de Bristol très attendu, un hors
d’œuvre de 35 euros quand même pour faire attendre leur nouveau cd en mars 2010. Pour digérer,
profitez le lendemain de la rencontre à la Villa
Massalia entre Al Benson Family (père et fils) et
le slameur Ysae, c’est gratuit et à l’heure de l’apéritif !
Tout comme devant des Tapas, le choix sera difficile
le 20/11 entre Ulas Özdemir, Sam Karpienia &
Bijan Chemirani à la Cité de la Musique, Richard
Bona à l’Usine d’Istres, le maloya de
Christine Salem dans la chaude
ambiance du Tonkono ou les effets de
Sandra Nkaké à l’Affranchi. Takana
Zion annulé au Poste à Galène sera
remplacé au pied levé par Jo Corbeau, Super Kémia, Gang Jah Mind,
le tout préparé par les Sons of Gaïa.
Dans le même genre, le Easy Star
All-Stars reprendra du Beatles à la
sauce reggae au Cargo de Nuit le
21/11 (avant les Dub Pistols le
27/11). Pendant ce temps, le set soul
funk bien astiqué de Tony S. s’écoutera au Bicok (sur le cours Julien,
entrée libre), un nouveau lieu qui
fête bientôt… sa première année! Et
qui accueillera à nouveau Jo Corbeau
dans une autre dimension, ce même
27/11...
Avant cela, le 25/11, les Aixois de
Chinese Man sont enfin à Marseille
avant… Ysaé en Décembre. Si vous avez raté le
couvert à la fiesta, de savoureux restes de Avishai
Cohen ou Staff Benda Bilili seront servis dans le
Var, l’un à l’Espace Malraux de Six-fours (le 3/12),
les autres à Châteauvallon (le 5).
Dès le 1er/12 avec Sergent Garcia au Planet
Mundo Kfé, les affiches annonceront clairement la
tendance de fin d’année : le 2/12 Emilie Simon à
l’Espace Julien, Superbus au Dôme le 4, Deep
Purple le lendemain et au même moment Jack de
Marseille au Cabaret Aléatoire et
Easy Star All-Stars © Olly Hearsey
Kéry James au Dock des Suds (un
export l’Affranchi), ou encore les
épices de Malavoi et les senteurs de
Rose à l’Espace Julien (10/12 et
13/12) : de bons petits plats pour
oublier une année tendue et
indigeste pour beaucoup…
Si Pascale Picard, Rinocerose, la battle
Hip Hop des soirées Don’t Sleep ou
la soirée caritative au Dôme avec
IAM (le 27) sont annulés, Wax Taylor
et Mathieu «M» Chedid (tous les
deux programmés le 24) afficheront
eux complet, tout comme la première
date de l’ensemble Télémaque (le
21) qui fête ses quinze ans un peu
partout, et sur le Parvis de l’Opéra
avec les sirènes (à défaut de
cloches), le 2 décembre prochain…
au Planet Mundo Kfé, Tryo retrouve le Dôme (le
26) et Eiffel le Poste à Galène (avec un nouvel
album). Le festival Rythm’n funk, avec Monsieur
Brun et le trio de Sylvain Beuf, se consommera le
29/11 à l’Espace culturel de l’Huveaune, et un peu
plus loin, à Aubagne, l’Escale Saint Michel concocte un mix Ysaé avec S.P.O.T, originaire de Brooklyn
et dépotant un rap incisif dans la lignée de KRSOne.
On le retrouvera à la Méson le lendemain (le 29),
X-RAY
44
MUSIQUE
DISQUES
Sirènes et sorcières
Quel chemin déjà parcouru par cette jeune
chanteuse ! Marion Rampal propose un CD
débordant de textes surprenants et de musiques
singulières, coproduit avec la Compagnie Nine
Spirit. Elle s’inspire des grandes héroïnes mythiques telles que Perséphone, Didon, Salomé, mais
aussi de Wattana et Lucie, deux femelles orangoutang. Elle chante en anglais et, dès l’écoute des
deux premières pistes, on se laisse accrocher par sa
voix vraiment émouvante. Wattana par exemple
contient tous les ingrédients pour s’incruster dans
notre mémoire, surtout par son motif au piano.
Avec ses connotations bluesy, pop-rock, jazz, cette
musique est portée par des instrumentistes qui se
découvrent progressivement, se mettent au diapason d’un projet commun et posent tout leur talent
Ode to Freedom
On se souvient de l’effigie apyre de Mstislav
Rostropovitch interprétant une Suite de Bach, au
pied du Mur de Berlin aux premières heures de sa
chute. En invoquant le Kantor de Leipzig, le musicien dissident, profondément humaniste, engageait
ses pairs à appréhender, comme lui des années
auparavant, le sens des mots Liberté, Unité et
Universalité. C’est à Leipzig, à l’«Est», que Bach a
fait carrière, produit une œuvre démesurée qui
fonde la «Musique Allemande». Mais Bach évoque
davantage que la «germanité». Il s’adresse au
Créateur comme aux profondeurs de l’être. On peut
l’invoquer, sans risquer le mauvais goût, à toutes
les sauces musicales, du jazz au rap ou au jingle
d’un portable… Avec Bach, en novembre 1989,
l’archet de Rostropovitch a fait bourdonner un
souffle capital sur la culture européenne (Ses Suites
de Bach sont disponibles en DVD EMI).
Direct d’usine !
Véritable orchestre urbain composé de 17 percussionnistes, Les Tambours du Bronx ont tout d’une
formation atypique. C’est près de Nevers, dans un
quartier surnommé le «Bronx» pour son quadrillage
de rues sombres habitées par les ouvriers des
ateliers SNCF, que l’orchestre a trouvé ses premiers
bidons. Le parcours qui devait durer le temps d’un
concert a depuis sillonné le monde et rythmé des
endroits insolites comme la Tour Eiffel, des usines,
des toits, des forteresses, le Sahara, la neige… et
même votre salon si vous avez en tête le générique
de la semaine des Guignols sur Canal +. Véritable
entreprise de démolition, les TDB détruisent deux
paires de mailloches par concert pour faire sonner
les bidons bruts peints par leurs soins et offerts au
dans les pas de la chanteuse: guitare et effets par
Aurélien Arnoux, Michel Perès à la contrebasse,
Cédrick Bec à la batterie et Fabien Ottones aux
claviers laissent surgir les viragos et les fées que
Marion Rampal convoque.
Le groupe est en tournée et sera au Cri du Port à
Marseille le 19 novembre. Souhaitons à Marion
Rampal tout le succès qu’elle mérite !
DAN WARZY
Own Virago
Marion Rampal
Rèf CD : NIN 001
http://www.myspace.com/marionrampal
http://www.ninespirit.org
Mais on a peut-être oublié un concert mémorable
donné le 25 décembre 1989 au Konzerthaus de
Berlin. Bernstein y faisait rimer Freiheit (Liberté) et
Freude (Joie). Pour des raisons symboliques, il avait
rebaptisé la 9e symphonie de Beethoven : Ode to
Freedom. Des milliers d’Allemands assistèrent au
concert, pour la plupart à l’extérieur de l’ancien
Spielhaus, mais aussi des millions de téléspectateurs
dans une vingtaine de pays. Leonard Bernstein, à
71 ans était au sommet de son art. En compagnie
de June Anderson (soprano), Sarah Walker (mezzosoprano), Klaus König (ténor) et Jan-Hendrik
Rootering (basse), il nous livrait un événement
d’une grande émotion, magnifié par une conjoncture extraordinaire : un Hymne qui semble avoir été
écrit pour la circonstance.
JACQUES FRESCHEL
DVD Medici Arts 2072039
public après usage ! Après dix ans d’absence, le
nouvel album MMIX déboule en force sur la scène
industrielle mêlant afrobeat, rock et électro, tout
en déployant la verve et la puissance qui font la
réputation de leurs prestations scéniques. Energie
et sève sont même deux qualificatifs gentillets tant
les 17 titres déferlent avec un son nouveau teinté
d’électronique, tournant amorcé par nos guerriers
du son au milieu des années 90.
FREDERIC ISOLETTA
MMIX
Les Tambours du Bronx
At(h)ome –Wagram
COLLOQUES
ARTS VISUELS
45
L’art s’expose et se pense. Entre Aix et Marseille deux récents colloques ont attesté
de l’excellence des acteurs de la recherche en histoire de l’art. On en redemande !
Fais joyeusement de l’histoire de l’art
*
Avant Xénocrate de Sicyone (IIIè siècle avant JC), penser
l’art était imposé par des canons abstraits et d’origine
divine excluant la possibilité d’évolution, ou d’appréhension historique. Mais depuis ces lustres combien ont
cédé aux spéculations sur l’art ? Aristote et Platon,
Léonard, Ghiberti, Roger de Piles, Diderot, Hegel, Kant,
Baudelaire, Freud, Levi Strauss, Daniel Arasse, Bernard
Stiegler, ainsi que tous les disparus et les vivants qui
jusqu’à aujourd’hui se sont emparés du domaine avec
ferveur…
Que serait donc l’art sans le retour réflexif apporté par
les artistes eux-mêmes mais aussi, grâce aux mises en
perspectives élaborées souvent à l’ombre des évènements, par les spécialistes naturels de l’art, critiques et
historiens, les philosophes, sociologues, économistes…
Sans compter les scientifiques qui ne sont pas en reste!
Deux colloques en ont témoigné récemment avec brio.
Valeurs et évolution
Trois jours co-organisés avec le MIM proposaient de
passer au crible le fait artistique dans ses rapports avec
la théorie darwinienne de l’évolution, et une semaine
plus tard l’Aephae, association récemment crée par
Jean-Noël Bret, tentait de faire le point sur les enjeux
de la mondialisation, de l’art et de l’argent.
Deux initiatives de très haute tenue, tant par les questionnements retenus que par la présence de spécialistes
de notoriété internationale. Porteuses d’éclairages
particuliers, souvent hors limite du strict champ
historique, ces rencontres privilégiées autorisent le
renouvellement de nos compréhensions et représentations d’un champ réputé flou.
Ainsi la voix de Nathalie Heinich sut resituer avec clairvoyance la question de la valeur en art ; Jean-Pierre
Changeux, inventeur de la neuroesthétique, présenta
cette discipline récente issue de la recherche en
neurobiologie. De formation littéraire et responsable du
programme de recherche Art et mondialisation à
l’INHA, Zahia Rahmani alerta son auditoire sur le
problème des modèles post-colonialistes inconsciemment en œuvre dans le regard porté, dans les pays non
occidentaux, sur l’art et les artistes contemporains.
Il s’agissait également de rendre accessible et publique
l’information et la recherche en art, dans le fructueux
croisement des domaines. Ces rencontres et colloques,
comme moments privilégiés d’échange et de confrontation, sont essentiels. Tout en rappelant l’importance
de la presse et de l’édition traditionnels, les nouveaux
média de l’espace numérique furent évoqués. Sur
l’Internet nombre d’institutions, blogs, journaux et
revues offrent une autre accessibilité à l’histoire de
l’art: ainsi La Tribune de l’art créée par Didier Rykner
il y a deux ans.
Colloque Les arts dans le cadre actuel de la theorie darwinienne de l'evolution, rencontre Complexite du geste artistique. De g. a d. E. Verges,
J.-F. Peyret, J.-P. Changeux, P.-M. Menger, C. Tron © C.Lorin
est refondé l’enseignement supérieur dans lequel manque toujours une agrégation d’histoire de l’art.
En région PACA, la discipline est notamment représentée au niveau universitaire avec différentes structures
comme le LESA (Laboratoire d’Etudes en Sciences des
Arts, dirigé par Michel Guérin) ou le CEMERRA (Centre
Méditerranéen de Recherche sur les Relations entre
les Arts) au sein de l’Université de Provence. Une association fédère aussi les étudiants en histoire des arts :
Courant d’Art.
Comment ne pas approuver le regretté Daniel Arasse
qui nous enjoignait à «redonner à l’histoire de l’art la
force majeure de la joie créatrice, érotique et intempestive des œuvres…» ?!
Alors merci à tous les Xénocrate !
CLAUDE LORIN
On a écouté attentivement
Les arts dans le cadre actuel de la théorie darwinienne
de l’évolution
les 22, 23, 24 octobre 2009
à Marseille et Aix en Provence
co-organisé par le MIM, IMèRa,
Leonardo/Olats, Alphabetville, Zinc
L’art, l’argent et la mondialisation
les 29 et 30 octobre 2009, à l’Alcazar-Bmvr, Marseille
proposé par l’Aephae
On lira allègrement
Art et esthétique (voir p 69)
Éditions L’Harmattan
* selon le mot de Daniel Arasse
Colloque Art, argent et mondialisation. De g. a d D. Rykner, C. Bret,
A. Quemin, H. Bellet, J.-N. Bret, R. Marek, N. Moureau,
D. Sagot-Duvauroux, G. Monsaingeon, C. Talon-Hugon © X-D.R
Daniel Arasse ou la pensée jubilatoire
des œuvres d’art
Figures de l’art N°16, publications
de l’université de Pau
(numéro issu du colloque Autour de Daniel Arasse,
organisé par Jean-Noël Bret
et Art Culture et Connaissance,
à Marseille en septembre 2008)
Enseignement et recherche
On suivra bientôt d’un œil pénétrant
Le photographiable
colloque les 26, 27 et 28 novembre
Croisements disciplinaires, éclairages singuliers,
questionnements féconds rappellent toute la place
nécessaire de la réflexion sur et par l’art. Sa connaissance, sa pratique et son enseignement constituent
des enjeux d’avenir au moment où l’histoire de l’art
rejoint les autres disciplines obligatoires à l’école
primaire comme dans le secondaire. Et au moment où
Aux limites du photographiable
exposition du 26 novembre au 31 décembre
proposition Michel Guérin, Jean Arrouye
et l’Université de Provence
à Alcazar-Bmvr, Marseille
www.bmvr.marseille.fr
46
ARTS VISUELS
AU PROGRAMME
Hôtel des arts. Connaissez-vous des entrepreneurs capables
de suspendre leur lucratif labeur pendant trois jours et inviter en lieu
et place 35 artistes à investir les lieux pour des créations originales ?
Laurence et Jean-Baptiste Gurly réitèrent la chose pour la troisième
année dans leur hôtel de Vaison-la-Romaine pour une foire d’art
contemporain en format de chambre. C.L.
Supervues
11, 12, 13 décembre
Hôtel Burrhus
04 90 36 00 11
www.supervues.com
Vue de la chambre d'Emilie Perotto © X-D.R.
Photographie Pierre-Jean Amar
Chère maman. Comment la photographie permet-elle d’exorciser une
douloureuse partie de sa vie en fixant les objets qui vous entourent,
désignant l’enfermement affectif comme le besoin d’en sortir ?
Pierre-Jean Amar sera présent aux vernissages les 3, 12 et 19 décembre
et pour la signature de son livre paru aux éditions
Le temps qu’il fait en juin 2009. C.L.
Le coffre-fort de ma mère
Pierre-Jean Amar
photographies, 1989
tirages argentiques
du 03 au 24 décembre
galerie Vincent Bercker
04 42 21 46 84
Noirs dessins. À la fin des années soixante, Jean-Marie Sorgue abandonne la peinture pour
se consacrer exclusivement qu’au dessin. En 2000, il fait une donation au musée Granet de
quatre-vingt œuvres et la Villa Tamaris lui a organisé une grande exposition en 2008 à la
Seyne-sur-Mer. C.L.
Les mondes crépusculaires
Jean-Marie Sorgue
jusqu’au 10 janvier
Abbaye de Silvacane
04 42 50 72 37
Jean-Marie Sorgue, Falaises et emergences 1981 – encre sur papier – 110 x 75 cm
Delights. Pour finir l’année en beauté, vous pourrez vous passer des illuminations
publiques de la rue. Neuf designers et artistes marseillais offrent (à votre vue)
le fruit de leur illumination intérieure. Des créations uniques pour certaines, conçues pour
l’évènement ou montrées pour la première fois. C.L.
Design&Lights
du 19 novembre au 10 janvier
On stage gallery
04 91 58 30 04
http://onstagegallery.blospot.com
LN BOUL, Lampe Barbouille, composition en fil electrique, piece unique, 2009 © LN Boul
47
Mis à distance. L’œuvre de Sarkis se fonde notamment à partir
du célèbre et emblématique Cri d’Edvard Munch (1893). Le projet conçu
pour Marseille comprend l’installation De la terrasse de l’homme qui
regarde le paysage sous sa forme originelle issue d’une aquarelle
de 1992 (une version mise scène est actuellement à la Biennale de Lyon),
Munch (quatre aquarelles au format poster) et Le cri du paysage
(le néon/lumière pour sa picturalité). Un travail de mis en abîme
dans tout l’espace de la galerie. C.L.
Sarkis, Le cri du paysage
Sarkis
Le cri du paysage
du 21 novembre au 30 janvier 2010
Galerie of Marseille
04 91 90 07 98
www.galerieofmarseille.com
La lumière selon Sieff. «Mes photos sont autant de petits cailloux noirs et blancs que j’aurais semés
pour retrouver le chemin qui me ramènerait à l’adolescence» écrivait le photographe Jeanloup Sieff
disparu en 2000 à l’âge de 77 ans. Photoreporter à ses débuts, célèbre pendant la Nouvelle Vague,
Jeanloup Sieff laisse une œuvre tentaculaire (portraits, paysages, mode, nus, publicités…),
reconnaissable par la profondeur de ses noirs et le sens du contraste. Par sa lumière harmonieuse
aussi, qui donne à ses clichés une aura cinématographique, unique.
M.G.-G.
Hommage à Jeanloup Sieff
jusqu’au 3 janvier
Maison de la photographie, Toulon (83)
04 94 93 07 59
Jean-Marie Sorgue, Falaises et emergences 1981
– encre sur papier – 110 x 75 cm
Coup double. Depuis la fermeture de sa galerie, Jean-Pierre Alis poursuit son travail en
faveur des artistes contemporains grâce à ses partenariats Athanor hors les murs.
La collaboration avec la galerie Polysémie offre à Jean-Jacques Ceccarelli d’exposer
une série d’aquarelles récentes alors qu’une monographie vient de lui être consacrée
aux éditions André Dimanche. Un bonheur ne vient jamais seul. C.L.
Jean-Jacques Ceccarelli
jusqu’au 12 décembre
Galerie Polysémie
04 91 42 87 51
www.polysemie.com
Jean-Jacques Ceccarelli, Sans titre, aquarelle, 2009
Que d’os ! Ici on réinvente la vanité la plus crue, la plus sèche, la structure
profonde des choses, le vide entre les os, la vie la plus vidée de ses
oripeaux, horribles os, sans peau ni chair, sans corps-matière, ce qui reste
après, que d’autres réassemblent en trophées ou squelettes exemplaires
pour des histoires pas très naturelles. Rubinstein marche sur les os. C.L.
Sauvé des eaux
Nicolas Rubinstein
jusqu’au 19 décembre
Centre d’art contemporain intercommunal
04 42 55 17 10
www.ouestprovence.fr
Nicolas Rubinstein,
Boucherie boucherie,
installation, 2009 (détail)
© X-D.R
48
ARTS VISUELS
GALERIE D’ART DU CG13 | FONTAINE OBSCURE
De la mère à l’enfant
Un musée n’y suffirait pas pour évoquer la maternité,
depuis les déesses préhistoriques de la fécondité
jusqu’aux représentations contemporaines. Ce
sujet est à la croisée de nombreuses disciplines :
art, ethnologie, médecine, littérature, sociologie, biologie… Grâce à Jean-Roch Bouiller, commissaire
de l’exposition Quelques figures de maternités, on
entrevoit la récurrence de la question de la maternité comme cristallisation de «tous les enjeux liés
à la reproduction humaine à l’échelle individuelle,
familiale, de la société, de la civilisation voire de
l’espèce». Certes de manière parcellaire, mais
néan-moins efficace : l’œil est invité à dépasser
l’illustration pour comprendre le sujet, en effleurer
sa dimension anthropologique, et inversement, à
admirer tel bas-relief du XVIe siècle ou telle encre
sur papier de Frédérique Lucien du XXIe siècle...
Pour circonscrire le sujet, l’exposition favorise quatre
approches : la première consacrée à l’amont de la
gestation avec ses témoignages matériels de
vœux formulés aux divinités de la fécondité et de
la fertilité, et le thème chrétien de l’Annonciation
à la Vierge Marie. Le second à la gestation, quand
la mère et l’enfant font corps, particulièrement
présente dans l’iconographie contemporaine :
douce et secrète Boîte close d’Agathe Larpent,
terre cuite engobée aux formes généreuses de
Loul Combes, Vanitas foetales disgracieuses de
Saverio Lucariello qui représente le ventre de la
femme comme un coquillage béant… La naissance,
bien sûr, qui suscite la recrudescence de nombreux
ex-voto «pour s’assurer des bons auspices du
destin». Et enfin le thème de la mère à l’enfant avec
ses scènes d’allaitement (sereine Maternité blanche
de Maurice Denis), et les relations mère-fille vues
sous un angle plus psychologique aujourd’hui. En
cela la vidéo de Maria Marshall, Pinocchio, fait l’effet
d’une bombe à retardement.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Quelques figures de maternités jusqu’au 3 janvier
Galerie d’art du Conseil général, Aix
04 42 93 03 67
www.cg13.fr
© Katharina Bosse, Berge et Katharina 2 Children, serie
A portrait of the Artist as a Young Mother, Paris, Galerie Anne Barrault
Aux temps anciens
Pour la célébration du jumelage Grenade/Aix-en-Provence, Regards Croisés remonte le passé au Musée des Tapisseries
et à la galerie de la Fontaine Obscure
Les Regards Croisés nous avaient habitués à
travers de nombreux échanges avec des pays
étrangers à la découverte d’artistes contemporains.
Cette édition 2009 propose de se tourner vers une
vision nettement plus patrimoniale pour
célébrer le 30e anniversaire du jumelage
entre Aix et Grenade.
L’intention est de rendre «hommage à
des artistes qui ont photographié leur
ville respective en des temps où cette
pratique était affaires d’initiés». On ressent
dans ces deux expositions une certaine
nostalgie comme lorsqu’on feuillette un
album d’Eugène Atget enregistrant les
dernières apparences de Paris. Au début
du XXe siècle, Arturo Cerdá y Rico semble
faire de même avec Grenade et ses environs, posant son imposant appareillage
dans les rues, les boutiques ou la campagne andalouse pour fixer les gestes
de ses contemporains. Ancrée à deux
pas du cours Mirabeau, la famille Ely a
pu constituer en quatre générations un
important fonds documentant les évènements du pays aixois initié dès les années
1900 par Henry Ely. Un peu par hasard
au milieu du siècle, Tommy Olof Elder,
un Suédois en villégiature près de
Grenade, capte les scènes de la vie
quotidienne des habitants, principalement des gitans, dans le petit village
d’Almuñecar. Mais autant les clichés
modernes sur pellicule d’Elder et les
autochromes de Cerdá, avec un traitement proche du pictorialisme, fixent ce
qui va disparaître, autant Henry Ely enregistre et accompagne sur plaques de
verre les avancées de la modernité en son siècle.
Moins concernés par une approche artistique que
par une démarche de reportage et de témoignage,
ces photographes ont produit des images à valeur
documentaire historique, ethnographique et sociale
qui possèdent cependant un charme plastique
certain, plus d’un siècle après leur réalisation pour
les plus anciennes. Pour les besoins de l’exposition, elles ont fait l’objet d’un
c Henri Ely
retirage digital.
En une période où la dématérialisation numérique enfle et
fait polémique, la dimension
mémorielle de l’information -sa
valeur d’archive visuelle notamment comme pour cette
exposition avec certains de ses
aspects artistiques- interroge
les choix qui fondent la transmission patrimoniale. Quels
seront alors les partis pris de la
Fontaine Obscure pour le projet
dans le cadre du jumelage avec
Tübingen en 2010 ?
CLAUDE LORIN
Regards croisés
Grenade/Aix-en-Provence
jusqu’au 30 décembre
Musée des Tapisseries
Espagne années 60
Tommy Olof Elder
jusqu’au 16 décembre
Galerie Fontaine Obscure
04 42 27 82 41
www.fontaine-obscure.com
ESPACE ÉCUREUIL | VILLA NOAILLES
ARTS VISUELS
49
Entre ciel et mer
Dans les photographies de Cyrille Weiner, le
littoral Hyèrois n’est pas «la Côte». Pas de
racolage bling-bling, ses photographies révèlent
avec simplicité une autre manière d’habiter la
presqu’île de Giens, les Îles d’Or. De s’approprier
la mer. Pas de gros plans sur des hordes estivales
ni de débordements criards : juste quelques rochers
émergeant du ressac, deux ou trois parasols
ouverts, quelques cabanons de bric et de broc, un
joli chemin sans fin. Et toujours un cadrage plein
ciel, une ligne d’horizon profonde qui structure la
composition : une ligne de fuite idéale pour le
regard à perte de mer…
Guetteur contemplatif et solitaire, Cyrille Weiner a
arpenté durant deux ans la presqu’île et ses
terres voisines pour répondre à une commande
photographique de la Villa Noailles à Hyères. Il
s’est familiarisé avec le paysage jusqu’à s’y
fondre, jusqu’à offrir «une déambulation poétique
et une réinterprétation de l’île et du rivage». Le
fruit de son abandon à la nature fait l’objet d’une
exposition et d’une publication produites par la
Villa Noailles, qui a déjà offert quatre cartes blanches à Joël Tettamanti, Olivier Amsellem, Erwan
Frotin et Charles Fréger, heureux bénéficiaires de
conditions de travail professionnelles (50000 euros
de budget moyen par résidence). «C’est le résultat
d’une envie partagée, souligne Jean-Pierre Blanc,
son directeur, d’une volonté de faire prendre conscience aux gens de leur environnement et de leur
patrimoine». Selon leurs projets, et en résonance
avec les champs d’investigations de la Villa
Noailles, les résidences comptent parfois de longues périodes de gestation. «A priori, remarque
Jean-Pierre Blanc, les artistes viennent avant tout
pour l’architecture mais ils découvrent l’environnement, se l’approprient plus largement et
réagissent au lieu et à ses projets dans les domaines de la mode, de l’architecture et du design».
Souvent le travail évolue en cours de route, comme
pour Erwan Frotin qui réalisa ici ses premiers
portraits botaniques.
Hyeres, L'Almanarre, de la serie Presque ile, 2009. C-print 60 x 70 cm
La commande photographique est liée à l’histoire
de la Villa Noailles : si le plus célèbre des artistes
en villégiature fut Man Ray, les années 1995/96
accueillirent Bernard Plossu, Jacqueline Salmon,
Karl Lagerfeld et Stéphane Couturier. Pour autant,
la Villa n’a pas vocation à constituer une collection,
faute de moyens financiers et de conditions de
conservation requises. En qualité de centre d’art,
elle possède de nombreuses archives sur son histoire contemporaine, notamment sur le Festival
international de design et le Festival international
de mode et de photographie. Mais elle reste résolument tournée vers les talents prometteurs et
vient de confier à Grégoire Alexandre, fraîche-
ment lauréat du Prix de la Fondation HSBC pour
la photographie, un nouveau projet in situ qui verra
le jour en 2011. Les impatients pourront toujours
se consoler en découvrant son travail en novembre
au Musée d’art contemporain de Marseille.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Presque île
Cyrille Weiner
Exposition prolongée jusqu’au 3 janvier
04 98 08 01 98
www.villanoailles-hyeres.com
Le rongeur qui promeut
La saison 2009
se terminera à l’Espace
Ecureuil en deux expositions triturant le portrait
en peinture, puis de la
photographie. Et toujours
des conférences
Malgré un horizon qui se voit tourmenté par la crise financière, la
Fondation de la Caisse d’Epargne
poursuit son œuvre de mécénat en
faveur de la culture et de la création
artistique en particulier, sans oublier,
en parallèle à la présentation de
créateurs de renom, la promotion
des jeunes talents émergents.
Ainsi l’Espace Ecureuil vient d’offrir
Linjiao Li - Sans titre (serie Au bord) - 2007 tirage argentique - 58 x 40 cm
sa première exposition à JeanPhilippe Gibergues, formé à l’école
supérieure des Beaux-arts de Marseille. Ses peintures de bon format,
qui s’intéressent particulièrement à
la figuration humaine, évoquent
James Ensor ou Egon Schiele pour
la dramatique irrévérence, Botero
pour les rondeurs et Lucian Freud
pour la facture. Dans une esthétique
proche, questionnant aussi le portrait, suivra l’exposition d’Alix Paj qui
utilise de manière peu conventionnelle l’encre de chine sur support
d’acétate et p.v.c. Pour conclure
l’année, Linjiao Li suspendra ses
photographies aux cimaises de la
rue Montgrand.
Ne pas se priver aussi des conférences en histoire de l’art concoctées
toute l’année par Jean-Noël Bret,
qui invite cette fois-ci Bernard Lafargue, rédacteur en chef de la revue
Figures de l’art pour l’édition des
actes du colloque consacré en 2008
à Daniel Arasse, le 30 novembre à 18
heures.
CLAUDE LORIN
De Chair et d’encre
Alix Paj, peintures
jusqu’au 4 décembre
Le poids de la lumière
Linjiao Li, photographies
jusqu’au 29 décembre
Espace Ecureuil
04 91 57 26 49
www.fondation-ecureuil.fr
50
ARTS VISUELS
ENTRETIEN AVEC DOMINIQUE ANGEL
1 pour 4
Développé en quatre expositions plus des interventions scolaires, le projet de Dominique Angel,
Pièces supplémentaires, a la côte sur les bords du Rhône.
Depuis plusieurs années, Dominique Angel développe une œuvre protéiforme selon le principe du
réemploi : des pièces antérieures sont réinjectées
dans les propositions nouvelles, le plus souvent
des installations conçues en fonction des espaces
d’accueil. Sous le terme de Pièce supplémentaire,
il constitue au fil des projets un work in progress
aux apparences variables et éphémères.
Cette année, à l’initiative du Frac Paca qui possède
deux sculptures de l’artiste, Pièce Supplémentaire s’est développé au pluriel en plusieurs lieux
patrimoniaux bordant le Rhône. Au point de départ,
une résidence de création littéraire
à Villeneuve-lez-Avignon qui a
réussi à contaminer Tarascon et
Avignon, impliquant dans son
mouvement plusieurs établissements
scolaires. Un livret d’accompagnement des visites ainsi qu’une
publication (qu’on aurait appréciée
plus copieuse quant à sa démarche
et ses choix) éditée par l’Agence
Alternative aux éditions Analogues
documentent le projet.
Zibeline : Comment est venu ce
projet avec le Frac ?
Dominique Angel : D’une discussion avec Pascal Neveux qui voulait
faire quelque chose avec les artistes
qui écrivent. Je lui ai proposé de
travailler à partir de mes récits où il
y a des descriptions d’œuvres qui
n’existent pas : des photos, des installations, des sculptures. Je voulais
réaliser ces pièces qui n’existent
pas, et il m’a proposé des lieux.
Confrontés à leur présence, leur
histoire, la réalisation des pièces a
évolué. En fonction de l’architecture, de leur adaptation. L’idée était
aussi de présenter la totalité de
mon dispositif de travail : de la
sculpture, de l’écriture, la vidéo, la
performance... Il fallait des espaces
qui permettent de développer cette
pluralité de formes d’expression qui
participent de l’idée d’une œuvre unique. D’où le
nom de Pièce supplémentaire. Le plus souvent on
ne voit que des morceaux ; quand j’ai l’occasion
d’en présenter la totalité ça me permet aussi de
faire le point.
Ainsi lorsqu’on voit une de vos pièces, une
sculpture par exemple, ce n’est qu’un élément du
grand œuvre ?
Oui, mais en même temps qui a son autonomie
et que je peux rejouer dans une installation avec
d’autres œuvres plus anciennes, des récentes,
que je peux modifier jusqu’à ce que je trouve l’installation juste. J’avance par tâtonnements. Par
exemple, une des pièces au château de Tarascon, la
table avec les têtes dessus, je l’ai présentée sous
des formes différentes et là je pense que j’ai
trouvé la forme juste. Je pense que maintenant je
vais la présenter sous cette forme-là.
Qu’est-ce que c’est ce «juste» pour un artiste ?
Juste c’est un terme qu’utilisent beaucoup les
artistes et on ne sait pas trop ce qu’il veut dire !
Quelqu’un qui écrit sait aussi à un moment que
sa phrase est juste. À un moment du travail on a
un sentiment de justesse, dans un rapport entre
à la question du patrimoine. Je dois faire avec. Ça
relève du tour de force.
Tout s’est fait sur place ?
Non, j’ai fabriqué des pièces dans mon atelier. J’ai
travaillé aussi sur le lieu comme un atelier en
confrontant les questions de proportion, de composition, d’échelle tout particulièrement… et en
modifiant les choses au fur et à mesure.
Quelle a été la part des scolaires dans ce projet ?
J’ai proposé de prendre les étudiants de l’option
art en lycée comme assistants,
Dominique Angel, Pièces supplémentaires, 2009, Chartreuse, Villeneuve-lez-Avignon, © X-D.R
certains se destinent aux beaux arts.
J’ai préparé en amont des
conférences pour les différentes
écoles et lycées comme pour une
école d’art. Je leur ai expliqué mon
travail, j’ai exposé le projet à
Tarascon et à Villeneuve, c’est-àdire pour deux groupes d’environ
une vingtaine d’élèves. Et puis il y
avait les options histoire de l’art, plus
intéressés par l’accrochage, qui sont
venues en cours de montage ; là ça
s’est passé par entretiens. Et à d’autres
classes j’ai donné du travail à faire à
partir des lettres -un peu loufoquesenvoyées à mes élèves lorsque
j’enseignais à la Villa Arson. J’ai été
aussi invité dans des écoles pour
des ateliers d’écriture, et à Tarascon
avec le prof d’arts plastiques on a
travaillé la vidéo. Ce qui a lancé plein
de trucs et l’envie pour eux de faire
des choses. Je dois aussi faire une
conférence
pour
l’école
d’instituteurs…
Avez-vous déjà travaillé sur un projet
aussi important ?
Non, c’est la première fois. Ça serait
bien de présenter tout cela à la
Chartreuse et à Tarascon !
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR CLAUDE LORIN
le contenu de la pièce et la manière dont elle est
faite, le sentiment qu’elle est terminée.
Un achèvement ?
Oui, le moment où la pièce dit ce qu’on veut dire,
y compris avec les éléments qui vous échappent.
Donc ces quatre expositions je les ai conçues
comme une seule, même si elles sont dispersées.
Dans une exposition, on passe d’une œuvre à une
autre rapidement, mais là l’espace entre est plus
grand, le spectateur peut imaginer autre chose,
ça demande un effort pour faire ces relations avec
ce patrimoine très fort. Je me suis rendu compte
que l’art contemporain était constamment confronté
Pièces supplémentaires
Dominique Angel
jusqu’au 20 novembre
Cloître des Cordeliers, Tarascon
04 90 91 38 71
jusqu’au 30 novembre
Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon
04 90 15 24 24
Tour Philippe le Bel, Villeneuve-lez-Avignon
04 90 27 49 28
jusqu’au 30 décembre
Château Royal de Provence, Tarascon
04 90 91 01 93
www.fracpaca.org
NÎMES | ALLAUCH
ARTS VISUELS
51
Troublantes images
Au Carré d’Art, Projections donne à voir des œuvres hétérogènes
et perturbantes où temps et images mentales se télescopent
dans une déambulation austère. Au visiteur de trouver les liens
Le titre programmatique laisse à imaginer un ensemble de
films ou vidéos. C’est le cas pour un bon nombre d’œuvres
mais nous avons à faire aussi avec de la peinture, du
dessin, de la gravure, de la sculpture. Quel que soit le médium utilisé, celui-ci cependant ne se présente pas dans
toute son évidence. Des dessins au crayon sanguine sont
projetés sur grand écran (Jean-Pascal Flavien) ; le pastel
gras évoque les images positif/négatif photographiques et
filmiques (Michael Landy) ; technique traditionnelle, la gravure compose des images hybrides constituées d’immeubles
de style moderne dans des paysages de genre XVIIIe siècle
(Cyprien Gaillard) ; la peinture réemploie des images glanées sur Internet (Gordon Cheung) ; la sculpture matérialise
des structures empruntées aux sciences (Tobias Putrih)
ou des données numériques météorologiques (Iñigo
Manglano-Ovalle).
La salle consacrée au travail de Laurent Grasso est emblématique de ces emprunts et brouillages des territoires qui
présente en un même temps/même espace deux imposantes projections vidéo, des sérigraphies argent (de grand
format mais uniquement visibles de près), deux petites
huiles sur bois éclairées dans l’obscurité comme des photos.
L’ambivalence est à son comble lorsque Daniel Arsham
utilise la gouache sur papier calque imitant à première vue
la photographie, pour peindre des scènes improbables
incluant poutres, escaliers et obélisques de béton (?) au
sein de forêts tropicales.
D’autres sont générées par ordinateur à partir de données
notamment scientifiques : la sculpture en titane Cloud Prototype 2
d’Iñigo Manglano-Ovalle, ou jeux
virtuels : la vidéo en 3D Arena 2 de
Chris Cornish. L’installation Viewer
Hard Drive de Jean-Pascal Flavien
laisse voir son dispositif complet :
images numériques projetées sur
images sur supports papier, l’appareillage technologique, son espace,
son temps de perception.
Ces enjeux entre réalité et virtualité,
sur l’ambiguïté de la perception, utilisant des principes séquentiels et/ou
répétitifs appliqués au déroulement
temporel, jettent le trouble sur l’évidence des choses. L’exposition provoque
une certaine confusion au risque de
l’incompréhension du spectateur, à
moins que ce dernier ne prenne le
temps de la recevoir. C’est là l’effort
nécessaire pour entrer dans ces formes
énigmatiques que tente d’expliciter la
commissaire du projet, Françoise Cohen,
dans le catalogue bien documenté et
le petit livret d’accompagnement à la
visite.
Il faut peut-être aborder ces Projec-
Tobias Putrih, Argos cinema, 2007, structure en contre-plaque et carton
avec projection du film La Jetee de Chris Marker © C. Lorin
tions par l’envers : celles, mentales, que ces œuvres sont
susceptibles de provoquer en nous-mêmes. Mais de
quelles projections sommes-nous capables ?
CLADE LORIN
Projections
jusqu’au 3 janvier
Carré d’Art
Musée d’art contemporain de Nîmes
04 66 76 35 70
http://carreartmusee.nimes.fr
catalogue bilingue français/anglais, 104 pages
co-édition Carré d’art/Archibook, 23 euros
Sur la colline
Alors que son premier volet
Nord/sud se termine, la 3e biennale
d’Art Contemporain d’Allauch
rend hommage à André Gence,
mais l’exposition Alechinsky
est repoussée à 2010
de l’art grâce à plusieurs initiatives entendues entre
responsables publics et acteurs de l’art contemporain. En témoignent les activités des Ateliers du
Logis Neuf, le festival de la photo Phocal, la Biennale
d’Art Contemporain portée par le peintre Olivier
Bernex et progressivement la programmation du
musée.
Malgré les efforts consentis au Vieux Bassin comme
au musée, un lieu dédié à la création contemporaine
apparaît nécessaire. C’est le projet envisagé dans les
2000m2 de l’Usine électrique où est déjà accueilli le
Ballet d’Europe, dont la réhabilitation impose le
report de l’exposition Alechinsky en juin 2010.
On se jette à l’eau ?
Homme mage
Disparu peu de temps avant son inauguration, André
Gence n’aura pas pu voir l’exposition que lui consacre le musée d’Allauch. Il avait préparé de longue
date cet évènement avec l’enthousiaste conservateur
Nicolas Bousquet. Son œuvre empreinte d’une profonde spiritualité ne pouvait trouver meilleur accueil
dans cet établissement destiné à la compréhension
des symboles et du sacré. Sans être une rétrospective, les espaces du musée ne le permettant
pas, cette Anthologie offre un parcours commençant
avec des œuvres réalisées dans les années
soixante-dix jusqu’à nos jours, dont un très beau
Sans Titre de 1974 fait de variations rouge carmin,
vermillon et d’un point lumineux jaune, qui inaugure
le style qu’on lui connaît aujourd’hui transposé dans
des modulations de gris. Au premier étage, on peut
le voir dans deux rares vidéos de France 3 méditerranée, parler de son travail lors d’une de ses
expositions à la galerie Sordini en 1989.
CLAUDE LORIN
André Gence, Sans titre, huile sur toile © X-D.R.
Projet électrique
Perché sur les hauteurs du Massif de l’Étoile, le
village d’Allauch regarde la métropole en contrebas
sans trop de complexe. Visité pour son site naturel et
son ancrage dans les cultures traditionnelles, il s’est
ouvert depuis plusieurs années aux formes récentes
3e Biennale d’Art Contemporain d’Allauch
André Gence, Anthologie
jusqu’au 14 février
Musée d’Allauch
04 91 10 49 00
www.musee.allauch.com
52
ARTS VISUELS
DE VISU | REGARDS DE PROVENCE | TERRITOIRES PARTAGÉS
Photographie orgasmique
Cela fait cinq ans qu’Antoine d’Agata est sans domicile
fixe. Éxilé volontaire autour du monde, loin du marché de
l’art, des galeries et du monde de l’édition il retourne
aux sources, absorbé par son travail photographique et
l’écriture. Sauf que des grains de sable viennent parfois
enrayer les rouages les mieux huilés. La rencontre avec
le jeune écrivain espagnol Rafael Garido, épris de
Bacon, bouleverse sa «retraite». Une longue correspondance par mail, des belles évocations littéraires
(Burroughs, Blanchot, Artaud), et Antoine d’Agata franchit
la ligne, fouille son passé pour écrire un récit photographique autobiographique et commence une nouvelle
aventure éditoriale ! Une partition en binôme fertile avec
une exposition produite par les Rencontres internationales de la photographie d’Arles, et un ouvrage coédité
par Actes Sud et l’Atelier de visu. Rien de moins !
Complice depuis 10 ans de la galerie, Antoine d’Agata
offre à l’Atelier de visu la primeur de ce roman autobiographique. Des images scénarisées à l’extrême,
entre sexe et drogue dure, totalement égocentriques :
leur cruauté paraît violente, mais Antoine d’Agata la
récuse en se l’appropriant : «la violence de la défonce,
c’est contre moi» argumente-t-il face à cette mise en
image frontale de son intimité. Overdose, douleur,
jouissance, corps mou, corps dur : l’intensité des photo-
graphies est à son comble. Et les
mots de Rafael Garido résonnent,
évoquant «les corps incorporants et
incorporés, le désir incarné,
désossé.» La correspondance va
plus loin encore quand le flux de ses
mots, écrits ou lus par lui-même,
file au rythme de l’accrochage des
photographies, cadre contre cadre,
en un long ruban sans fin. Entre le
portrait d’Antoine d’Agata à 25 ans
et son autoportrait au corps
saupoudré d’un nuage de blanc, une
vie de désirs et d’orgasmes fait
irruption dans la lumière. Tout
autour, le noir l’enveloppe. La part
d’ombre.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Agonie
jusqu’au 4 décembre
Atelier de visu
04 91 47 60 07
© Antoine d'Agata
- Magnum Photos
Souvenir, souvenir…
Cocteau
méditerranéen
Conçue comme un parcours autour de la Méditerranée,
l’exposition de la Fondation Regards de Provence, Jean
Cocteau et la Méditerranée, se concentre de fait sur la
Côte d’Azur, la Grèce, l’Italie et l’Espagne. Autant de
haltes dans la vie d’un artiste qui se définissait comme
«un poète qui emprunte beaucoup de véhicules.»
Déclaration à prendre aux sens propre et figuré puisqu’il
fut un infatigable voyageur, et un touche-à-tout de génie :
peinture, dessin, céramique, tapisserie, bijoux, toujours à
l’affût de collaborations inattendues, musicale avec le
Groupe des Cinq, chorégraphique avec Nijinsky…
Pour célébrer cette figure marquante du XXe siècle, la
fondation s’est entourée d’amis, de membres de sa
famille et de spécialistes Malheureusement, malgré ces
multiples éclairages, l’exposition manque de relief : pas
de manuscrits ni de poèmes, pas de correspondances ni
de maquettes d’opéra… Circonscrite à un territoire
géographique, elle ne parvient pas à refléter l’ampleur
de l’œuvre ni son avant-gardisme, gommant son
influence sur la littérature et la création actuelles.
Dommage de ne donner à voir qu’une facette de ce
personnage multiforme !
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Fondation Regards de Provence, Marseille
jusqu’au 24 janvier
04 91 04 68 32
Faute d’exposer des pièces récentes de MarieAnge Guilleminot, la galerie Territoires partagés
replonge dans leur passé commun. En 2001,
le Frac l’invitait à l’occasion d’un vaste projet,
Les Origamis, mêlant pliages de guirlandes
de couleur, manipulations et performances.
Au mur, les photographies de Stéphane
Guglielmet en témoignent. En 2003, MarieAnge Guilleminot, la galerie et le Frac
s’associaient encore autour de l’une de ses
œuvres-phare, le Chapeau-vie, «multiforme
et multifonction, indémodable, unisexe et en
taille unique». À plusieurs reprises, et dans
des conditions parfois insolites comme à
Venise, l’artiste mettait en scène son propre
corps, asexué, dans des performances énigma-
tiques. Parfois même, revêtue du Chapeau-vie
en jersey cloqué, elle s’imposait d’étranges
postures au milieu de sculptures inanimées.
La vidéo, tel un mode d’emploi, livre ses
secrets. Et les photographies, là encore,
racontent leurs souvenirs : plus d’un an de
voyages dans le Queyras à la rencontre des
habitants. Car Territoires partagés a toujours
développé son action selon trois principes : la
rencontre avec un artiste, le prêt d’une œuvre
par une institution, la sensibilisation des
publics. Un projet qui a séduit le Frac durant
huit ans, avant de convaincre la Villa Arson à
Nice, son nouveau partenaire.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Installations de Marie-Ange Guilleminot, Galerie Territoires Partages
Marie-Ange
Guilleminot
jusqu’au 19
décembre
galerie Territoires
partagés,
Marseille
09 51 21 61 85
MONTPELLIER | CINEHORIZONTES | RENCONTRES À L’ÉCHELLE
CINÉMA
53
Mouret de Marseille à Montpellier
Pourquoi le Festival du cinéma
méditerranéen de Montpellier dans
Zibeline, qui s’arrête en principe à
Nîmes dans ses incursions hors PACA?
Pour vous donner envie d’y faire un
tour un jour : plus de cent-trente longs
métrages, fictions et documentaires,
une centaine de courts dont une trentaine de cinéma expérimental, des
focus sur le cinéma italien et politique
d’Elio Petri, sur le cinéma fantastique
espagnol, sur le nouveau cinéma turc,
des tables rondes, des rencontres, des
expositions, des cinéastes invités dont
Angelopoulos, Amenabar, Rappeneau, Allouache et accompagnant
Emmanuel Mouret, ses actrices,
Frédérique Bel et Julie Gayet.
Bref ! Un programme alléchant pour
tous ceux qui aiment le cinéma dans
sa diversité.
D’autant qu’en proposant un hommage
et une carte blanche à Emmanuel
Mouret, Cinemed a offert à Marseille
une place de choix. «Pourquoi Mouret
au Cinemed ? Parce qu’il est de Marseille !» déclare Jean-François Bourgeot,
le directeur du festival qui a tenu du 23
octobre au 1er novembre sa 31e édition.
Car c’est sa ville natale que le cinéaste
filme dans ses tous premiers films
qu’on a pu découvrir ici. C’est la Baie
des Singes, la Grotte Rolland, La
Madrague de Montredon, Callelongue
que Clément, gentil jeune homme
charmeur, indécis, fait découvrir à son
amie, Constance dans Promène-toi
donc tout nu, son film de fin d’études.
Ce sont les plages sur lesquelles Lucie
vend ses maillots de bain dans son
premier long, Laissons Lucie faire, un
«divertissement sentimental».
Dès ses premiers films le style est
trouvé, son personnage à la diction
hésitante, maladroit à la Tati, aérien et
décalé, clownesque et ingénu aussi.
Avec des dialogues qui font parfois
penser à Rohmer, parfois à Woody
Un baiser s'il vous plait d'Emmanuel Mouret © Pascal Chantier
Allen, des gags qui font songer aux
burlesques américains, des clins d’œil
à Truffaut, Mouret, qui explore les
innombrables facettes de l’amour et du
désir, a su mettre en place un univers
qui lui est propre, sa Carte du Tendre.
Cinemed a donné l’occasion de revoir
toute son œuvre et de revisiter
Marseille.
ANNIE GAVA
À la carte et fi des frontières !
Homme au bord de la crise de nerfs pour l’ouverture de
Cinehorizontes avec l’énergique comédie de Nacho
Garcia Velilla, Fuera de carta. Maxi, interprété par un
extravagant Javier Cámara, chef cuisinier gay en quête
d’une étoile Michelin, se retrouve subitement en charge de
deux enfants nés d’un mariage de convenance, tombe
amoureux d’un ex-footballeur argentin, devient le rival de son
explosive maître d’hôtel (Lola Dueñas)... Situations vaudevillesques, jeu sur les clichés homophobes, langage cru, si le
film n’évite pas toujours le stéréotype, il annonce avec
optimisme une des thématiques de l’édition 2009 en
partenariat avec le festival Reflets : «Aimer autrement», à la
carte donc plutôt qu’au menu.
Dans la continuité des mutations sociales de l’Espagne à la
fin du XXe siècle, il s’agit de s’accepter et trouver sa place
pour les protagonistes d’Ander de Roberto Castón, un des
sept films en compétition, présenté en avant-première. Et
de jouer de ses fantasmes pour Jess Franco, réalisateur
prolifique de séries B, auquel il est rendu hommage.
À l’œuvre également, une volonté d’échapper aux représentations nationales : les films sélectionnés font voyager.
Barcelone et Madrid, bien sûr, mais aussi le Pérou (Fausta),
l’Argentine (El niño Pez), le Mexique (Una vida mejor), le Maroc
(Metropolis Ferry), Tokyo (Maneki neko),
Marseille (Amateurs). La soirée de
clôture, consacrée en première partie
aux courts métrages des jeunes
cinéastes de l’école madrilène ECAM,
nous transportant à Cuba grâce à la
musique du groupe Pupy y los que
son son.
Un cinéma entre deux mondes, comme
l’invité d’honneur Sergi López. Les
fantômes du franquisme hantent deux
films, Barcelona (un mapa) et Los
Giralos ciegos, adaptation du livre
éponyme d’Alberto Méndez, tout en
teintes grises, brunes, sombres par José Luis Cuerda dont
on avait apprécié La lengua de las mariposas. Mais le cinéma
espagnol aborde aussi notre commune actualité. Un fait
d’hiver dramatique en 2003, les corps de 35 marocains
retrouvés sur une plage de Cadix, a inspiré à la réalisatrice,
Chus Guttiérez. Dans Retorno a Hansala, présenté en
collaboration avec FFM, Leila, sœur d’un défunt, retourne
dans un petit village de l’Atlas, accompagnée de Martin,
l’entrepreneur en pompes funèbres pour qui ce voyage sera
une véritable prise de conscience.
Violence d’un monde qui ne cesse de dresser des barrières…
Le jury, présidé par Laura del Sol a attribué : le grand prix
Cinehorizontes à Ander de Roberto Castón ; il a également
accordé une mention spéciale à Retorno a Hansala de Chus
Guttiérez.
Le public marseillais s’est pressé chaque soir au cinéma Le
Prado à Marseille qui a accueilli la manifestation du 6 au 14
novembre et les échanges avec les invités ont été très
riches.
Bravo à Horizontes del Sur !
ELISE PADOVANI ET ANNIE GAVA
Ander de Roberto Castón
Inland
in Gyptis
Session de rattrapage le 8 novembre
au Gyptis dans le cadre des Rencontres à l’échelle, pour ceux qui avaient
raté Inland du franco-algérien Tariq
Teguia projeté en mars dernier (voir
Zib 17).
D’Oran qu’il quitte pour déterminer le
tracé d’une ligne électrique dans un
arrière-pays traumatisé par le terrorisme, au désert saharien où il
rencontre une immigrée clandestine
traquée, le topographe Malek passe
d’une observation distancée et désabusée de la réalité algérienne à une
adhésion au monde plus essentielle.
Film de trajectoires géographiques et
mentales, collectives et personnelles,
d’affranchissement des frontières de
toutes sortes, de ruptures et de liens,
de traces à effacer, à suivre ou à perdre, Inland crée avec une grande
liberté formelle un parcours plastique
sensible et captivant, une chorégraphie jalonnée de musique électronique,
de rock, de raï, de poèmes, de discours et de silences d’une évidence
propre aux grands films.
ELISE PADOVANI
54
CINÉMA
INSTANTS VIDÉOS | IMAGE DE VILLE | CARPITA | RACHEL
Vos Instants durent toujours
L’horizon des 22e Instants Vidéo ne sera atteint qu’en fin décembre. Une bonne
raison de zigzaguer dans la programmation et de poursuivre avec deux festivals
alentour
La présentation exceptionnelle de La Peau de
Thierry Kuntzel à la Compagnie donnait le ton de la
qualité de cette programmation. Comme les
précédentes, celle-ci reste profuse, multiple, éclatée,
questionnante. Entre cycles de projections, dispositifs vidéo, installations, rencontres et débats rendus
possibles grâce à de nombreux partenariats (Zinc-La
Friche, Rencontres d’Averroès…), pièces historiques
(Jaffrennou, Deleuze, Kuntzel, Pasolini) et créations,
convocation croisée des disciplines (danse, expérimentations plastiques, cinéma, littérature, son, poésie,
fiction, performance…), le moment des Rencontres
Poétroniques… au bout du compte l’iconophage postpost-moderne est bien en mal de choisir ! Rançon du
travail de Marc Mercier et son équipe, cette opulence
des propositions et la dispersion des lieux rend
parfois douloureux de tourner le dos le bon vent qui
mène à l’horizon de la Pologne, Palestine, Syrie ou
l’Egypte…
Mais les rives de l’étang de Berre, plus proches,
offrent aussi de belles rencontres à Martigues. À
partir du 24 nov, la Maison des Jeunes et de la
Culture qui développe depuis plusieurs années un
travail vidéo et numérique dans son Laboratoire
d’images, programme un panorama éclectique de la
création vidéo pour se clore sur soirée poétique en
partenariat avec Autres et Pareils le 28.
Dans la même période, le plaisir vibrant des nouvelles
technologies de l’image est aussi en œuvre avec deux
festivals : à Arles avec ArtCourtVidéo (films d’artistes,
installations, documentaires, films d’animations, et
trois prix pour finir en beauté) et la 5e édition de
Gamerz (détournements artistiques des jeux vidéo)
à Aix-en-Provence.
CLAUDE LORIN
22e édition Instants Vidéo
Avez-vous vu l’horizon récemment ?
jusqu’au 19 décembre
www.instantsvideo.com
House - plenitudo vacui de Luna Amato (Italie, 2008).
Le film est projete a La Compagnie les 22 et 23 nov.
ArtCourtVidéo
jusqu’au 22 novembre
www.artcourtvideo.com
Gamerz#05
jusqu’au 04 décembre
www.festival-gamerz.com
Nuits blanches
Flash sur la nuit urbaine à Aix :
Image de ville a réuni du 13
au 17 nov, architectes, plasticiens,
cinéastes, musiciens pour saisir
tout l’éclat de la nuit
Falafel de Michel Kammoun
Vendredi 13, au Pavillon noir, en ouverture, se sont
succédé la nuit portuaire de Paul Carpita dans Jésus
est mort, les enseignes de New York filmées jusqu’à
l’abstraction par William Klein dans Broadway by
light, et une création son et lumière née de la collaboration entre le compositeur Nicolas Errera et le
plasticien Yann Kersalé. Ce dernier a raconté son
travail avec un des plus grands chefs opérateurs
français, Henri Alekan, auquel Image de ville rend
hommage cette année, pour le centenaire de sa
naissance.
Les villes éteignent les étoiles, leur jour artificiel défie
les dieux, creuse les ombres où se cachent les
crimes, se libèrent les pulsions, s’élaborent les rêves
ou les cauchemars ; après le temps diurne social du
travail, elles sont au cinéma les lieux privilégiés des
rencontres et des dérives (Les nuits blanches de
Visconti), des descentes aux enfers (La rue de Karl
Grüne) des vertiges vampiriques (30 jours de Nuit de
David Slade), de toutes les violences (King of New
York d’Abel Ferrara), écrins des solitudes et des
transgressions fatales (The yards de James Gray,
Frozen days de Danny Denner). Le géographe Luc
Gwiazdzinski a parlé de la nuit comme ultime frontière d’un domaine méconnu, l’urbaniste Claude
Eveno regretté sa dissipation dans des villes trop
éclairées, la disparition des lucioles comme symboles
d’une pensée nourrie par l’ombre.
Unité de temps, unité de lieu, la ville est un théâtre,
les personnages s’y révèlent. Un marchand de
falafels de Beyrouth devient oracle et un chauffeur de
taxi napolitain nocher philosophe. Michel Kammoun
et Toni d’Angelo traduisent les pulsions de leur ville
respective dans Falafel et Una notte. En 66 films,
fictions ou documentaires en partenariat avec le
fidmarseille, en parcours vidéographiques, littéaires, rencontres (Willy Kurant et Richard Coppans
entre autres), Image de ville a fait le tour de la nuit.
ELISE PADOVANI
Rachel, l’émotion !
Simone Bitton et Jean-Michel Perez, le monteur © A.G
Le 23 octobre, le cinéma Variétés a accueilli Simone Bitton qui présentait
son dernier film, Rachel. Rachel, c’est
Rachel Corrie, une jeune pacifiste
américaine tuée par un bulldozer
israélien qui s’apprêtait à détruire une
maison palestinienne.
Le film enquête sur les circonstances
de cette mort à partir de documents
divers, photos, vidéos, de témoignages
et happe le spectateur jusqu’à la fin.
Tenace, Simone Bitton ne lâche jamais
ses interlocuteurs pour tenter de faire
émerger la vérité. Le superbe travail de
montage de Catherine Poitevin et
Jean-Michel Perez contribue à la force
du film.
Le débat, animé par Films-FemmesMéditerranée qui avait présenté le film
en avant-première lors des 4e Rencontres, a abordé aussi bien la genèse du
documentaire que les problèmes politiques en Israël et Palestine. Le jour de
la mort de Rachel Corrie, en mars 2003,
Simone Bitton était en repérages à
Ramallah pour son film précédent, Mur.
Apprenant la mort de deux autres
pacifistes, elle annule le tournage prévu
à Gaza. Puis consciente qu’il faut que
les cinéastes fassent leur travail, partout, elle décide de faire un film entier
sur Gaza. Lisant les carnets de notes de
Rachel, elle centre le documentaire sur
la jeune pacifiste.
Les questions ont été très nombreuses
aussi bien sur la responsabilité des USA
que sur l’état de la gauche israélienne,
sur les rapports entre l’armée et le gouvernement.
Simone Bitton, qui a la double nationalité, a aussi évoqué les difficultés pour
tout citoyen israélien de se rendre en
Palestine -«Pour notre sécurité !»- et
l’impossibilité d’aller dans la bande de
Gaza ; les scènes sur place ont été
«télécommandées» et tournées par son
équipe.
Cela fait prés de quinze ans que
Simone Bitton filme dans cette région
et on ne peut que saluer sa ténacité, sa
conviction, son intégrité. Et la remercier.
ANNIE GAVA
Au revoir, Paul
Le 24 octobre disparaissait Paul Carpita.
C’est à l’Espace Julien que je l’ai croisé
pour la dernière fois. Il était venu, en
compagnie de Maguy, sa compagne,
voir Ken Loach qui présentait son documentaire, Wich side are you on ?
Le 29 octobre, tous ses amis se sont
retrouvés à L’Alhambra Cinémarseille
pour lui rendre hommage. La salle était
comble et, avant la projection du film Le
Rendez-vous des quais, tous, anciens
dockers, compagnons de route, ont témoigné de sa modestie, de son humilité,
de son extrême bonté, de sa grande
humanité, de ses précieuses qualités de
pédagogue, aussi. Des lettres d’enseignants et de lycéens ont été lues : près
Paul Carpita © X-D.R.
de 7000 «lycéens au cinéma» de la
région ont vu, l’an dernier, Le Rendezvous des quais !
Né en 1922, instituteur jusqu’en 1968,
il fonde le groupe Cinepax qui va filmer
des reportages sur Marseille, sur les
manifestations contre la guerre d’Indochine, sur la grève des dockers de 1950.
Tourné en partie clandestinement, avec
des acteurs non professionnels, le
Rendez-vous des quais est saisi dès sa
deuxième diffusion dans un cinéma de
la Belle de Mai pour être détruit. Le film
restera enfermé pendant 35 ans sur les
étagères des Archives du cinéma à Bois
d’Arcy jusqu’à la levée de l’interdiction
par le Ministre de la Culture en 1981.
Paul gardera longtemps les traces de
cette blessure… La première projection
de la copie neuve, restaurée par la
Cinémathèque Française dans le cadre
des Écrans de la liberté, a eu lieu à
l’Alhambra en 1990.
En 1995, Paul Carpita se met à tourner
un nouveau long métrage, Les Sables
mouvants. En 2002, Marche ou rêve !
Les Homards de l’Utopie. Il était en train
de préparer un nouveau film avec
Claude Martino… Il nous manquera, il
manque déjà.
ANNIE GAVA
56
CINÉMA
GARDANNE | APT
«Parenthèse enchantée»
C’est par cette formule que Régine
Juin (qui succède à Bernard Lafon) a
ouvert le 21e Festival Cinématographique
d’Automne de Gardanne au cinéma les
Trois Casinos. Parenthèse enchantée
en effet : dans le contexte difficile des
cinémas d’art et d’essai, il est essentiel
de conserver des lieux d’expression et
d’ouverture sur le monde. Et c’est à
cela que s’attache le festival : 70 pays
représentés, des œuvres diffusées en
avant-première, aux côtés de productions reconnues, un hommage à la
comédie italienne avec Risi, Scola,
Germi, un gros plan sur le cinéma
anglais, la découverte du monde
d’Isabelle Balducci (qui passe avec
aisance du documentaire à la fiction,
procédant par touches), rencontres
avec Abya Yala et le cinéma amérindien, ciné junior, une soirée Bollywood
et une compétition de courts métrages !
Un avant goût du festival est donné par
une présentation d’extraits de quelques
œuvres, puis le film de Michael Haneke,
Le Ruban Blanc, palme d’or du festival
de Cannes 2009. Une photographie su-
perbe, plans fixes, passions contenues,
un jeu tout de tension des acteurs, un
thème qui nous pousse à aiguiser notre
regard sur nous-mêmes, les enjeux de
l’éducation. Les spectateurs sortent
visiblement bouleversés.
La soirée de clôture, très conviviale, a
commencé par la proclamation des
palmarès. Deux prix du public ont été
attribués : pour les courts métrages,
Juste un pitch d’Eric Raynaud, l’histoire
d’un scénariste indien qui arrive à Orly
pour signer son premier contrat de production. Mais le chef de l’immigration,
remarque que son passeport n’est pas
en règle…
Coté longs, c’est le film de Xavier de
Lausanne, D’une seule voix, qui a eu
les faveurs du public : un documentaire
qui suit la tournée d’une centaine de
musiciens palestiniens et israéliens,
mise en place par Jean-Yves Labat de
Rossi, côté scène et côté coulisses.
Et c’est par le très beau film de Kamen
Kalev, Eastern plays, présenté en
avant-première hors compétition, que
s’est terminée la manifestation. Nuits
Eastern plays de Kamen Kalev
sombres à Sofia, agressions racistes,
deux frères qui ne se connaissent pas
vraiment, histoires d’amour qui s’effilochent ou naissent, Eastern Plays est
avant tout l’évocation d’une jeunesse
bulgare désillusionnée ; mais aussi le
portrait d’un jeune homme, artiste,
alcoolique, qui erre dans un monde
malade et qui va, peut-être, réapprendre à vivre. La fin, en suspens,
permet au spectateur d’espérer ou
de… désespérer.
Un film superbe pour clôturer un
festival de qualité.
MARYVONNE COLOMBANI ET ANNIE GAVA
Apt, une saison africaine
Pour cette septième édition, le Festival des cinémas d’Afrique du pays d’Apt a réservé de bons
moments à un public encore plus nombreux : malgré
deux projections en parallèle pour chaque séance,
les salles du cinéma César à Apt ont refusé du monde !
Hommages… rencontres
Deux hommages ont été rendus : à Youssef Chahine,
dont on a pu voir Gare Centrale ; et à Samba Félix
Ndiaye (voir ci-dessous) lors d’une table ronde sur les
ambitions du documentaire en Afrique. Les réalisateurs présents ont parlé tour à tour de la place qu’ils
accordent au spectateur quand ils «pensent» leurs documentaires, Jean-marie Teno insistant sur la nécessaire
subjectivité et Nadia El Fani pointant la question du
«formatage» par les télés. «Faire un film documentaire
en Afrique est un geste politique» a-t-on conclu.
L’Absence de Mama Keita
tachée de sang, qui vous hanteront sans doute
longtemps.
Autres images persistantes, celles de l’adaptation du
roman de Marlene van Niekerk, Triomf, par Michael
Raeburn : une chronique caustique d’une famille de
petits blancs pauvres, à Triomf, banlieue de Johannesburg. Le réalisateur, qui est aussi documentariste,
a su rendre l’atmosphère de suffocation qui aboutit à
une vraie implosion de cette famille, métaphore de l’explosion sociale et politique de l’Afrique du sud à la
veille de l’élection de Mandela. Les comédiens sont
excellents, le film est un choc…
Le Jury «Lycéens» a récompensé Teza de l’Ethiopien
Haile Guerima et a accordé une mention à Shirley
Adams d’Oliver Hermanus. Côté courts, la Femme
seule de Brahim Fritah et La jeune femme et l’instit
de Mohamed Nadif, deux films marocains, ont été
récompensés.
ANNIE GAVA
…et films
En ouverture et en avant-première, L’Absence de Mama
Keita, l’histoire d’un jeune Sénégalais qui, ayant une
brillante situation en France, revient après quinze ans
d’absence à Dakar. Tout en tension, le film relate la descente aux enfers de sa sœur, muette, véritable allégorie
de l’Afrique.
Le nouveau film de Raja Amari (Satin Rouge) est un
troublant huit clos dans une ancienne demeure coloniale, où vivent trois femmes, dont la plus jeune est
jouée par Hafsia Herzi (La Graine et le mulet). La
maison avec son haut et son bas, métaphore de la
société, est superbement filmée par Renato Berta.
Il vaut mieux ne pas dévoiler Secrets, intitulé Berceuse
pour sa version arabe. Sachez que vous y verrez une
vieille photo de famille, de somptueuses chaussures
rouges, une mouette naturalisée, une robe blanche
Un cinéaste de la résistance
Samba Félix Ndiaye, disparu le 6 novembre. Né à
Dakar en 1945, réalise son 1er film à trente ans,
portant un regard lucide et humaniste sur le quotidien. En 1989, c’est Le Trésor des poubelles, sur
l’habileté des artisans de la «récupération». En 1992,
Amadou Diallo, un peintre sous verre, ainsi qu’un
documentaire, consacré à la voie de chemin de fer
Dakar-Bamako. En 1994, Ngor, l’esprit des lieux, sur
un village menacé par l’urbanisation. En 1998, une
évocation lyrique du poète et homme d’état sénégalais, Lettre à Senghor ; en 2003, Rwanda pour
mémoire et, en 2006, Questions à la terre natale où
il s’interrogeait sur l’avenir de l’Afrique.
En 2007, à Apt, on avait pu l’entendre dire: «Je témoigne de ce monde avec une attitude proche de quelqu’un
d’éveillé : tu ne peux avoir reçu une éducation sans
vouloir bonifier ce que tu as reçu. Nous ne pouvons
qu’amener des sons discordants avec le libéralisme
qui domine le monde. On ne peut pas faire des films
différents de ce que nous sommes.»
On ne pourra plus le croiser à Apt mais on peut
toujours voir ses films ou lire l’ouvrage que lui a
consacré, en 2007, un autre cinéaste, Henri-François
Imbert : Samba Félix Ndiaye cinéaste documentariste africain aux éditions L’Harmattan.
A.G.
DIGNE | PORTRAIT DE BANIA MEDJBAR
CINÉMA
57
Histoire(s) du cinéma à Digne
Chaque année, en automne, le public
dignois est invité à (re)voir des œuvres
qui ont marqué l’histoire du cinéma
tout en découvrant des films d’aujourd’hui ; cette année, au programme,
cinéma et philosophie !
«Le cinéma n’est-il pas l’expression du
monde et du réel, et sa rencontre avec
la philosophie n’est-elle pas le moyen
de réfléchir et répondre à la question
Qu’est-ce que le cinéma ?» demande J.-P.
Castagna, Président des Rencontres.
C’est ainsi que du 23 au 27 novembre,
au centre culturel René Char, seront
proposés une douzaine de films : Morgan
de Karel Reisz, Vivre sa vie de Jean-Luc
Godard, Toute la mémoire du monde
d’Alain Resnais, La jetée de Chris
Marker, Ma Nuit chez Maud d’Eric
Rohmer, 2001 l’Odyssée de l’espace
de Kubrick, Le Désert rouge d’Antonioni, Elephant de Gus Van Sant…
Quant aux avant-premières, dès l’ouverture on pourra voir Yuki et Nina
d’Hyppolite Girardot et Nobuhiro
Suwa, une histoire d’amitié entre deux
fillettes que la vie veut séparer et leur
fugue dans la forêt… Et le lendemain,
Hadewijch de Bruno Dumont, un film
sur la foi aveugle d’une jeune Parisienne.
Juliette Cerf, auteur de Cinéma et philosophie interviendra après la projection
de History of violence de Cronenberg,
film qui effectivement remue des interrogations troublantes sur le bon usage,
et la jouissance, de la violence.
Puis pour prendre de la hauteur le 26,
Robert Pansard-Besson présentera
Tours du monde, tours du ciel : où sommes-nous dans l’univers ? Tout un
programme !
ANNIE GAVA
Rencontres Cinématographiques
Digne-les-Bains et Alpes de HauteProvence
du 23 au 27 nov
04 92 32 29 33
www.unautrecinema.com
Vivre sa vie de Jean-Luc Godard
NOM:
Bania MEDJBAR
Profession: Réalisatrice
Signes particuliers: esprit libre et «grande gueule», précise-t-elle.
Ce qu’on remarque immédiatement, c’est la grande
simplicité et la cordialité de cette réalisatrice marseillaise qui revendique l’idée d’un cinéma populaire,
au sens noble du terme, c’est-à-dire qui filme les gens
du peuple. Marseillaise car même si c’est plus difficile
de travailler ici, «là-haut, (à Paris), je serais malheureuse. Marseille est mon terreau de création.»
D’où lui vient cet amour du cinéma ? De la télé qu’elle
regardait la nuit, à huit ans, pour soigner ses insomnies : le Cinéma de minuit, les
films italiens en noir et blanc ; puis les
magazines télé qu’elle ramassait dans
le quartier de son enfance, la Busserine, dans lesquels elle découpait photos
et articles qu’elle collait dans ses cahiers.
Elle inventait des histoires aussi, et
mettait en scène ses amis. «Le cinéma
était de l’ordre du rêve pour moi».
Après ses études elle devient éducatrice, métier qu’elle exercera jusqu’en
1987. Et c’est lors de l’intervention
d’un réalisateur que le déclic se fait :
elle entreprend des études de cinéma
et fait un stage sur le film de Jean-Pierre
Thorn, Je t’ai dans la peau (1989). «C’est
là que j’ai vraiment appris le métier ;
Jean-Pierre est un des mes maîtres,
avec les autres, Rossellini, Scola, Capra,
Ken Loach, Scorsese, Renoir, Truffaut...
En voyant les 400 Coups, je me suis dit
que je pourrais peut-être, un jour,
m’exprimer avec le cinéma.»
Son premier court métrage, tourné en VHS pour un
concours d’urbanisme, lui vaut le 1er prix, «remis par
Paul Carpita, j’étais très fière !». Après il y aura Mères
amères, Impression de voyage...
Aujourd’hui Bania dit avoir une vraie équipe de travail,
quatre personnes avec lesquelles elle fait ses films.
«Mais, plaisante-t-elle, je n’ai pas encore trouvé le
producteur de ma vie !» Et plus sérieuse, elle ajoute,
«je suis exigeante et peut-être difficile dans le travail.»
Son meilleur souvenir de tournage est la semaine
passée à Cassis avec Abbas Kiarostami qui l’a vraiment impressionnée. Le plus marquant ? La mission
qu’on lui a confiée, sur le tournage du film d’Alex
Metayer, Mohamed Bertrand Duval (1990) : faire
éteindre les lumières des usines de Fos qui gênaient
pour un tournage de nuit ! «On n’est pas au cinéma,
ai-je protesté. Justement on fait du cinéma ! Et j’ai
réussi ! Cela semblait naturel à tous !
Bania Medjbar © A. G
Dans le cinéma, on doit se surpasser !»
Son dernier court métrage, Des Enfants dans les arbres ( voir Zib 23), va
sans doute suivre le même chemin
que le précédent, Quand le vent tisse
les fleurs, sélectionné dans de nombreux festivals dont la Quinzaine des
réalisateurs en 2003 et plusieurs fois
primé.
Elle prépare actuellement un long
métrage dont elle a peaufiné le scénario pendant quatre ans, au titre poétique :
Le Crime des anges. Et de citer
Fernando Pessoa, «Créer, c’est ne pas
être satisfait du monde. Le désir de
création est un phénomène imaginatif,
le crime des anges, qui ont cru pouvoir
avoir un meilleur ciel.»
ANNIE GAVA
58
CINÉMA
SEVRAPEK CITY | AFLAM | FESTIVAL TOUS COURTS
L’Algérie en cinéma
La manifestation organisée chaque année par AFLAM a pris cette année une
ampleur très importante en présentant
Cinéma(s) d’Algérie et en développant des partenariats divers avec des
structures locales. Elle aura son temps
fort au cinéma Variétés à Marseille, du
1er au 6 décembre. Elle se déclinera
aussi dans d’autres lieux et villes, d’Arles
à Briançon, de Port-de- Bouc à Apt en
passant par Aix, Gardanne et Salon.
Le projet est ambitieux ! Présenter cinquante années de cinéma algérien dans
sa diversité, ses courants, ses thématiques : le choix a été fait de présenter
les films qui ont marqué cette histoire,
les films-phares, mêlant les films des pionniers à ceux
de la nouvelle génération.
En ouverture le 1er décembre, à 18h, Merzak Allouache présentera Harragas, en avant-première, sur un
sujet grave, l’immigration clandestine ; et un de ses premiers films, Omar Gatlato (1975) qui évoque, à la manière
des comédies italiennes, les difficultés de la vie
quotidienne.
Le lendemain, Touchia, le cantique des femmes d’Alger
de Rachid Benhadj permet de revisiter l’histoire du
pays et d’aborder la condition des femmes. Un autre
Un hommage sera rendu à Ahmed
Lallem, disparu récemment, avec Algériennes 30 ans après, où il retrouve quatre
des «lycéennes» qu’il avait filmées en
1966 dans son documentaire Elles.
Les cinéastes de la nouvelle génération ne sont pas oubliés avec Rabah
Ameur-Zaïmeche dont on pourra voir
deux films, Bled Number One à Marseille
et Gardanne et Dernier maquis au CRDP
et à Apt.
De Malek Bensmail on pourra découvrir, le 6 à 18h, La Chine est encore loin,
un documentaire sur le village où a
éclaté la révolution algérienne, ainsi
Harragas de Merzak Allouache
que Le Grand jeu qui suit la campagne
de ses films, La Rose des sables sera projeté le 6 à électorale du rival de Bouteflika, en 2004, à l’Institut
20h, sans doute en sa présence.
de l’Image à Aix, le 27 novembre.
Autre cinéaste invité, Farouk Beloufa qui présen- Il y aura aussi des films de Nadir Moknéche, Karim
tera, le 4 à 21h, Nahla, tourné à Beyrouth, qui raconte Moussaoui, Brahim Tsaki, Lyes Salem… Toute la
l’histoire d’un jeune journaliste algérien dans la région vibrera au rythme de l’Algérie : une programtourmente qui précède la guerre de 1975. De Moha- mation à suivre de près !
med Lakhdar Hamina on connaît Chronique des ANNIE GAVA
années de braise, Palme d’Or à Cannes en 1975 : ce sera
un film moins connu qu’on pourra découvrir, Hassan
AFLAM
Terro, réalisé en 1968, sorte de variation comique de
04 91 47 73 94
la Bataille d’Alger.
www.aflam.fr
L’archipel
après la mission
Au cœur des Courts
Ils sont venus, ont pris, sont repartis, laissant derrière
eux des restes de baraquements, quelques bidons en
plastique, et dans la mémoire des populations locales,
des souvenirs étonnants, des chansons, de l’amertume. Eux, ce sont les membres de la mission Santo
2006 chargés d’inventorier la biodiversité dans ce
coin isolé du Vanuatu. L’ethnologue Fabienne
Tzérikiantz, sollicitée pour mesurer l’impact de l’événement sur les autochtones, poursuit, deux mois
après le départ des scientifiques, ce travail en coréalisant avec Emmanuel Broto Sevrapek City (Prix
Spécial du jury au Festival du Film Documentaire
Océanien /FIFO 2009), présenté en avril dernier au
quai Branly à Paris, et le 20 octobre au Gyptis à
Marseille.
Les villageois de Penaoru, qui ont travaillé sur le site,
montrent les traces du camp déserté de Sevrapek, le
peuplant de leurs témoignages. Une approche juste
et intelligente de la rencontre difficile des logiques de
chacun, des marchés de dupes et de la frustration
qu’elle engendre.
ELISE PADOVANI
de musique avec le programme Court par Excellence,
cinq films venus d’Espagne, d’Irlande, des Pays Bas et
de France, suivi d’un ciné-concert, Farenji de la Cie
Nuestra Cosa. Quant à la clôture ce sera le 5 décembre
à 19h30 avec le palmarès et la projection des films
primés.
ANNIE GAVA
Festival Tous Courts
04 42 27 08 64
www.festivaltouscourts.com
Shake Off de Hans Beenhakker © Nico van Gog
Sevrapek city d'Emmanuel Broto
et Fabienne Tzerikiantz © Fabienne Tzerikiantz
Rendez-vous incontournable pour les amateurs de
courts métrages, le festival Tous Courts dont la 27e
édition se déroulera du 30 novembre au 5 décembre à Aix, précédé de quelques projections dans des
villes proches du 23 au 27 : près de 180 films venus
des cinq continents, des concerts, des rencontres avec
des réalisateurs.
La compétition internationale propose 64 courts métrages dont 11 venus des pays de l’Est, répartis en dix
programmes. La deuxième édition des Carnets de
Voyage permet de découvrir des films choisis par les
Journées Cinématographiques de Carthage, le Festival
International de Locarno, le Service Court de Canal
Plus et le Festival IndieLisboa. Vous aurez rendez-vous
avec les «Super Héros» toute la nuit du 4 décembre
au Ciné Mazarin et si vous préférez la danse, Aixpérimental vous offrira quatre variations de la «Danse des
Corps».
Si vous souhaitez rencontrer certains festivals de
cinéma qui vous proposent des films tout au long de
l’année, vous avez la soirée Elle Court, Elle court... la
Région PACA le 3 décembre à la Salle Armand Lunel
de la Cité du livre. Chacun, parmi ceux qui sont
invités, vous offrira un court métrage.
Ceux qui aiment bien l’envers du décor du 7e art et
ses petits secrets de fabrication pourront assister à
un casting avec une directrice de casting et des
comédiens. Pour les fous d’Internet, un programme
de 7 films mis en ligne sur la toile en partenariat avec
Dailymotion sans oublier un long métrage, proposé
par l’Institut de l’Image, Grease de Randal Kleiser.
Cette manifestation débutera le 30 novembre à
20h au Centre des Congrès, une soirée de cinéma et
CINAMBULE | LES RENDEZ-VOUS D’ANNIE
CINÉMA
59
Courts toujours !
Du 26 au 29 nov, à Cabrières d’Avignon, se tiendront les 16e Rencontres
Court, c’est Court ! organisées par
l’association Cinambule.
En ouverture, le 26 novembre à 20h
30, La Terre de la Folie en présence de
Luc Moullet, qui aura aussi une Carte
Blanche le dimanche 29 à 10 heures.
En tout, plus d’une soixantaine de courts
métrages seront présentés : films
courts en Méditerranée, dont Racines
d’Eileen Hofer ; documentaires, parmi
lesquels Le dernier voyage de
Maryse Lucas d’Artus De La Villéon
et David Ledoux ; films d’animation
comme Le thé de l’oubli de Sandra
Desmazières ; premiers film et
panoramas avec l’excellent Séance
familiale de Cheng-Chui Kuo et
Next floor de Denis Villeneuve.
Une quinzaine de pays sont représentés et un est à l’honneur, le Maroc,
avec six films dont Sellam et Demetan
de Mohamed Amin Benamraoui ou
H’rash d’Ismaël El Mouala El Iraki.
De nombreux réalisateurs invités
pourront échanger avec le public. Des
séances pour les scolaires, une exposition, des films expérimentaux projetés
sur les murs du village, nul doute !,
Cabrières d’Avignon sera le village des
cinéphiles…
A.G.
Cinambule
04 90 74 08 84
http://cinambule.free.fr
Séance familiale de Cheng-Chui Kuo © Cheng-Chang Kuo
Les Rendez-vous d’Annie
Le 28 novembre à 19h au Polygone
Étoilé, 360 et même plus propose,
dans le cadre du Mois du documentaire, HORS CASES #8 : Zalea TV dans
le retro, un condensé de sept années
d’expérimentation télévisuelle débridée
et Je déboule à Kaboul, un carnet vidéo
d’Olivier Azam produit par la coopérative audiovisuelle, Les mutins de Pangée.
Le 28 novembre à partir de 14h30, à
l’Alhambra CinéMarseille, reprise de
l’intégrale des films de Denis Gheerbrant, La République Marseille. «Marseille
ville monde ? Sans doute, mais Marseille est d’abord un monde, ancienne
ville ouvrière porteuse de mémoire (...)»
Le 9 décembre à 20h le dernier film
de Bania Medjbar, Des enfants dans
les arbres, en sa présence. Deux enfants qui vivent difficilement l’absence
de leur père, emprisonné aux Baumettes,
décident d’aller le voir, seuls. La ville
est vaste et le chemin… long.
Des enfants dans les arbres de Bania Medjbar
0491915823
www.360etmemeplus.org
www.polygone-etoile.com
Alhambra Cinémarseille
04 91 03 84 66
www.alhambracine.com
Du 18 au 28 novembre, à Marseille, à
l’occasion du 50e anniversaire de la
Nouvelle Vague, Extérieur Nuit présente Pour en finir avec la Nouvelle
Vague ?, une autre écriture de l’histoire
de la Nouvelle Vague, une rétrospective croisant les films de Jean-Luc
Godard et de Jacques Rozier : Adieu
Philippine, À bout de souffle, Le Mépris,
Paparazzi… ; les courts métrages fondateurs de la N.V. : Le coup du berger,
Rentrée des classes, Blue Jeans… ; des
archives et des documentaires en partenariat avec l’INA, des commentaires
et des discussions avec le public de
Rozier et Labarthe, auteur et producteur de l’émission Cinéastes de
notre temps.
Les projections auront lieu au Cipm, au
cinéma Variétés et au Polygone étoilé
Du 20 au 25 novembre, l’Institut Culturel Italien de Marseille présente un
panorama de la production cinématographique récente en présence de
réalisateurs et d’acteurs.
En ouverture, Sbirri de Roberto Burchielli, et en clôture, mercredi 25 à
18h00, La Bella Gente d’Ivano de
Matteo. Entre ces deux films primés
au festival du cinéma italien d’Annecy,
on pourra voir aussi La Fisicca dell’acqua
de Felice Farina, La Giusta distanza de
Carlo Mazzacurati et Tutta colpa di
giudia de Davide Ferrario, présentés
par Jean Claude Mirabella, auteur du
livre Le cinéma italien d’aujourd’hui.
Extérieur Nuit
Tel : 04 91 33 50 88
Institut Culturel Italien de Marseille
www.iicmarsiglia.esteri.it/
IIC_Marsiglia
Sous le signe d’Averroès (voir p 10) continue
de faire son cinéma
Le 19 novembre à 20h à Carry-leRouet, Vengo de Tony Gatlif, suivi
d’une rencontre avec Jacques Maigne
qui a collaboré à l’adaptation.
le 20 novembre à 18h30 à la Médiathèque et au Meliès, à Port-de-Bouc,
Oedipe roi de Pasolini avec HervéJoubert Laurencin auteur de Pasolini,
portrait du poète en cinéaste qui a édité
les Écrits sur le cinéma et les Écrits sur
la peinture.
le 21 novembre à 17h30 à l’Alhambra
CinéMarseille, Vengo de Tony Gatlif,
précédé d’un concert de Flamenco
Joven.
le 22 novembre à 18h au Cinéma
Lumière à La Ciotat Le Cantique des
pierres de Michel Khleifi et Paradise
now de Hany Abu-Ass, en présence
du chef opérateur, Antoine Héberlé.
Le 25 novembre à 18h30, à la Bibliothèque Départementale de Prêt,
projection du documentaire Kawase
San de Cristián Leighton et intervention du FID Marseille.
À la recherche de Naomi Kawase, un
voyage aux multiples détours…
Le 28 novembre à 20h30 au cinéma
Renoir à Martigues, dans le cadre du
Mois du Documentaire, «La Ruralité
dans tous ses états», projection du
film, prix du GNCR au FID 2009, Le
Plein Pays d’Antoine Boutet en sa
présence, suivie d’un débat animé par
Nicolas Féodoroff. Un homme, reclus
depuis trente ans dans une forêt en
France, creuse en solitaire de profondes
galeries souterraines qu’il orne de gravures archaïques…
Bibliothèque départementale Gaston
Defferre
04 91 08 61 00
www.biblio13.fr
www.rencontresaverroes.net
http://cinemajeanrenoir.blogspot.com
Le 20 novembre à 20h30 au cinéma
Les Variétés, séance spéciale de
Strella en présence de son réalisateur
Panos H. Koutras : Yiorgos, qui a passé
quinze ans en prison, veut retrouver
son fils dont il n’a aucune nouvelle. Il
rencontre alors Strella, jeune transsexuelle avec qui il noue une relation…
La soirée sera animée par Michèle
Philibert, Festival Reflets
Le 20 novembre à 18h, à la Maison
de la Vie Associative, Attac Pays
d’Arles et le Collectif Arlésien pour un
Service Public de la Poste vous propose une projection-débat autour du
documentaire de Marie-Pierre Jaury,
La Poste, un drôle de pli.
Le 26 novembre à 20h, l’association
Cinépage propose au Cinéma Prado, à
Marseille, Mémoires de nos pères de
Clint Eastwood, suivi d’un débat.
www.local.attac.org/13/arles/
www.festival-reflets.org
Tél. 04 91 64 75 87
Cinépage
04.91.85.07.17
60
LIVRES
RENCONTRES LITTÉRAIRES | SALON ECRIMED
Écrivains en chair et en mots
La rentrée littéraire se poursuit toute l’année ! Des rencontres régulières, dans des cadres souvent
intimistes, donnent à voir et à entendre les auteurs et leurs ouvrages. Elles offrent aux lecteurs
l’opportunité d’entrer en contact direct avec les écrivains qu’ils aiment, d’appréhender plus
finement ce qui fait leur travail et, parfois, d’aborder les rivages mystérieux de la création
Dialogues…
…Itinérances…
Le cycle d’Ecrivains en dialogue, organisé par
l’ADAAL en partenariat avec la BDP Gaston Defferre
a repris en octobre, selon un principe désormais
familier : un auteur en invite un autre de son choix,
tous deux échangent durant une heure trente environ,
dans un «dialogue» ponctué de lectures d’extraits de
leurs textes et conclu par les interventions du public.
Le 13 octobre, Claudie Gallay avait donc invité
Philippe Grimbert ; il y avait du monde pour écouter
ces deux romanciers lus et récompensés (voir p 66).
Tous deux se sont connus en 2001, lors de la publication de leur premier roman. Entre l’ex-prof des
écoles, aujourd’hui en disponibilité, et le psychanalyste, toujours en activité même si l’écriture de fiction
occupe beaucoup de son temps, le courant passe,
l’admiration est réciproque. Claudie Gallay se déclare
«fascinée par La petite robe de Paul» (le1er roman de
Grimbert) et «impressionnée» par son auteur, qui, à
partir de presque rien, déroule ses histoires. Philippe
Grimbert évoque le «souffle romanesque» de sa consœur,
qu’il envie. En fait, bien que leurs univers soient très
différents -la lecture des incipits de leurs derniers
ouvrages en a rapidement apporté la preuve-, tous
deux ont la même volonté d’écrire pour «creuser au
même endroit» dit-elle, pour «creuser du côté où ça interroge», reprend-il. Tous deux veulent aller à l’essentiel,
au fond de la douleur, des blessures et des secrets de
famille, mais sobrement, sans pathos.
Les deux écrivains ont parlé ce soir-là de leur travail,
de leur rapport avec le livre en train de se faire, mais
aussi avec le texte fini. Ils ont évoqué le plaisir d’écrire :
une façon de se sentir «en paix» pour elle ; pour lui, un
moyen d’avoir «prise sur la douleur». Ils ont dit leur
difficulté à finir un roman, avec, pour elle, le soulagement d’être allée au mieux de ce qu’elle pouvait faire,
tandis que pour lui la fin d’un texte signe le début
d’une sorte de «dépression post partum».
Après les lectures de leurs textes par Raphaël FranceKullmann, ils ont exprimé leur trouble d’entendre
leurs phrases dites par un autre ; mais tandis que lui
parlait de «dépossession», elle s’est dite agréablement
surprise de ces «retrouvailles avec les mots». Mots et
rythmes qu’elle peaufine à la Flaubert, relisant tout à
haute voix, pour la musique de la langue. Avec naturel.
Claudie Gallay a osé avouer la souffrance qu’elle
ressent à parler de ses livres en public, l’effort que lui
demandent de telles rencontres. Elle se sent bien plus
à l’aise dans la création que dans la promotion. Ce qui,
pour un auteur, n’est pas un mauvais signe !
Le 23 oct la petite salle de la librairie Maupetit a rassemblé une vingtaine de lecteurs autour de Michèle
Lesbre dans une intimité qui convenait bien à son
univers littéraire. Elle a livré quelques aspects de la
genèse de son onzième roman Sur le sable, sorti en mai
(voir p 67), que Maya Michalon a présenté avec
sensibilité. Après avoir été directrice d’école, fait un
peu de théâtre, Michèle Lesbre est arrivée à l’écriture
par 4 romans noirs dans la tradition américaine, et
quelques nouvelles. Depuis 2003, elle est publiée par
Sabine Wespieser qui lui a demandé de la suivre
quand elle a créé sa propre maison pour aller jusqu’au
bout de sa passion du livre. Michèle Lesbre a alors
commencé à écrire des romans courts et denses qu’elle
dit lui être indispensables : «Je n’écris que les romans
que je dois écrire, ils se succèdent comme les maillons d’un
seul et même livre. Quand je suis en train d’en écrire un,
le suivant se met souvent en place, les personnages se
dessinent ; mais je ne sais pas encore ce qu’il va se passer.»
En fait les personnages de Michèle Lesbre sont peu
nombreux et tout se joue souvent sur une rencontre,
alors qu’ils vivent «des moments de faille, de rupture». Il
s’agit ensuite de voir comment l’intime se conjugue
avec l’histoire, ses conflits et ses guerres. Michèle Lesbre
a également parlé de sa passion pour la littérature et
des auteurs avec lesquels elle dit entretenir «un rapport
sentimental». Quand elle écrit, elle choisit des textes
qu’elle relit et qui la guident, comme une petite
musique intérieure. Musique que le lecteur se plaît
aussi à retrouver en sa compagnie.
Claudie Gallay © Caroline Chevalier
Michele Lesbre © Jacques Leenhardt
...et Escales
La librairie l’Odeur du temps, pourtant spacieuse, a
paru fort exiguë quand il a fallu accueillir l’invité des
1res Escales en librairies. Il faut dire que Georges
Didi-Huberman n’est pas n’importe qui. Auteur
d’une trentaine d’ouvrages sur l’histoire et la théorie
des images, cet enseignant à l’EHESS de Paris est une
référence dans le domaine de l’histoire de l’art et de la
philosophie. La foule a donc envahi la librairie et c’est
devant une assistance très variée que s’est tenue la
conférence-débat animée par Roland Alberto.
La présentation était axée sur le dernier ouvrage de
Didi-Huberman, Survivance des Lucioles, dont le titre
est repris d’écrits de Pasolini : les lucioles comme image
de la vie, de la liberté, du peuple aussi. Didi-Huberman
reprend cette métaphore à son compte pour y associer
la notion de «survivance» (et non de «survie»), qui
correspondrait à ce qu’on nomme en anglais «after
61
life». Pour le philosophe, qui s’inscrit en
faux contre le discours de la destruction, il s’agit aujourd’hui de gratter
pour mettre au jour les vestiges, qui
existent là où on ne les attend pas, juste
en dessous, de les faire «apparaître».
Pas toujours facile de suivre le dialogue
de l’historien d’art avec son interviewer,
d’autant que celui-ci pose des questions
pointues, qui nécessiteraient une
connaissance très intime de l’œuvre. La
disposition du lieu renforce le sentiment que les lucioles volent très haut ce
soir : l’invité, installé sur la mezzanine
de la librairie, semble, micro en main,
délivrer la bonne parole du haut d’une
chaire. Visiblement gêné de cette posture, il tente d’y remédier en se tournant
souvent vers l’auditoire et en illustrant
un discours ardu d’exemples parlants.
Des réflexes bienvenus de pédagogue,
qui permettent de suivre tant bien que
mal un débat où sont convoqués Benjamin, Adorno, Freud, Deleuze, Foucault,
mais également Baudelaire, Char…
Didi-Huberman épate par la familiarité
qu’il entretient avec nombre de grands
auteurs de disciplines variées. Un véritable puits de science, humble pourtant,
qui se déclare «très mal à l’aise avec l’idée
d’une expertise» et dit modestement fonctionner dans ses recherches par «rencontres
qui (l)e surprennent et (l)e font bifurquer.»
Enthousiaste aussi, il revendique le désir,
l’admiration et la nécessité de trouver
des ressources malgré la marchandisation des images.
Une figure captivante, dont la brillante
simplicité séduit et donne envie d’en
savoir plus, sur lui et aussi sur les auteurs
qu’il fréquente. Et un beau succès pour
cette 1ère d’Escales en librairies, initiée
par Libraires à Marseille et soutenue
par le Conseil Général.
CHRIS BOURGUE ET FRED ROBERT
Escales en librairies en décembre,
avec Jacques Barsac, mercredi 9
à Marseille, jeudi 10 à Aubagne.
La recontre qui était prévue autour de
l’anthropologue Françoise Héritier
les 19 et 20 novembre est reportée
aux 21 et 22 janvier.
www.librairie-paca.com
Ecrivains en dialogue, Le boxeur
et la fée, avec Véronique Ovaldé
et son invité Olivier Adam,
mardi 8 décembre à 18h30
à la BDP Gaston Defferre.
La conférence des bourdes
Le premier Salon des Écritures méditerranéennes s’annonce
comme un événement qui veut placer l’écriture au cœur du
projet euroméditerranéen. Qu’en est-il ?
Depuis le début de cette affaire on est un peu gênés
aux entournures : on ne peut que se réjouir de cette
idée d’un grand Salon littéraire à Marseille, placé aux
Docks, c’est-à-dire au cœur vibrant d’Euroméditerranée, désiré par l’ensemble des collectivités, soutenu
conjointement par Marseille 2013, la Ville, la Région,
le Département… On ne peut qu’applaudir même à
cette ambition généreuse de promouvoir les auteurs
méditerranéens, la traduction, le roman… et on est ravis
que l’idée de dialogue, d’échanges, de tables rondes
ouvertes au plus grand nombre et médiatisées sur le
web, à la télé et sur les radios.
Mais enfin plusieurs points restent étonnants, même
si l’on considère qu’une première édition peut
chercher ses marques. D’abord la conférence de presse,
organisée au Sofitel, ne donnait la parole à aucun
écrivain ; aucun livre non plus sur les tables, dans les
dossiers de presse aucun résumé, aucune bio, aucun titre
de livre même : simplement le nom des auteurs, et leur
nationalité. Le thème même des tables rondes semble
peu littéraire : les Cafés autour de Tahar Ben Jelloun
et de son œuvre L’Islam expliqué aux enfants, les Tables
Rondes qui s’interrogent sur «européens ou méditerranéens», ou sur la «communauté des valeurs», ne
parlent pas d’écriture, d’élaboration d’une fiction, de
narration, des vertus de la fable… ou même de textes.
Elles sont sociologiques et tournées vers des problématiques de sciences humaines. Ce qui est étrange
pour un salon sur l’écriture.
Les partenaires ensuite : recourir à des média grand
public pour une manifestation littéraire a du bon, et va
dans le sens d’une démocratisation des écritures.
Encore faut-il rester dans le domaine de la littérature,
justement : or culturebox, de France 3 méditerranée, a pour slogan : le premier guide culturel tout en
vidéo ; la Provence n’a pas vraiment de rubriques livres,
et ils y sont rarement littéraires ; radio Nostalgie
brosse rarement des portraits d’écrivains ; quant à
Cultura, enseigne qui place ambitieusement le livre
au cœur des centres commerciaux et le démocratise
certainement en le reliant aux loisirs, on reste étonné
qu’il soit le seul libraire qu’Ecrimed ait associé à son
Salon : on connaît le dynamisme, le professionnalisme,
le dévouement et la pertinence des libraires indépendants de la région (voir ci contre), et on ne peut
que s’étonner qu’aucun ne soit relié à l’aventure.
Et c’est surtout cela qui étonne : une méconnaissance
semble-t-il du terrain, et des problématiques. Tout à
son enthousiasme Elsa Charbit, lorsqu’elle présente le
Salon dont elle est la Commissaire, semble le considérer comme la première et seule manifestation
littéraire de la région, et il faudra qu’Alain Hayot souligne que PACA est, après l’Île de France bien sûr, la
première Région en matière de manifestations
littéraires. Bernard Millet renchérit, rappelant les
Écritures de Manosque, les Écritures Croisées d’Aix, la
traduction à Arles, le nombre de grandes et petites
maisons d’édition du département, Toulon, Aubagne…
en oubliant modestement les Escales en Librairies et
l’activité de la BDP Gaston Defferre, organisée par le
Conseil Général. Mais tous deux citent les Rencontres
d’Averroès, ces grandes tables rondes qui pensent la
Méditerranée depuis quinze ans, rassemblent des
foules, sont diffusées sur France Culture : elles ne se
disent pas essentiellement littéraires, mais invitent des
écrivains autour de thématiques tellement proches
qu’on s’étonne de la concomitance de deux manifestations, soulignée par la proximité de la date choisie
par Ecrimed.
La problématique méditerranéenne même semble peu
familière à Pierre Assouline, directeur littéraire du
Salon. Il l’avoue d’ailleurs : c’est sollicité pour présider
la manifestation qu’il a pris conscience de son identité
de Méditerranéen. Et par ailleurs il lui parait nécessaire
de justifier la présence d’un écrivain Portugais, le
Portugal n’étant pas selon lui un pays méditerranéen…
Des historiens, des philosophes ont passé leur vie à
penser Mare Nostrum, que Braudel définissait, Alain
Hayot ne put s’empêcher de le rappeler, non comme
un espace géographique mais comme une mer
intérieure. On souhaite de tout cœur que cette
entreprise de popularisation de la littérature réussisse.
Mais il faudrait sans doute, avant, songer à repenser
les liens avec le monde littéraire marseillais, et avec la
pensée qui s’élabore autour et à propos de notre mer.
AGNES FRESCHEL
Ecritures méditerranéennes
Les 21 et 22 novembre
Les Docks
www.salonecrimed.fr
Gamal Ghitany,
ecrivain Egyptien
© X-D.R.
62
LIVRES
ÉCRITURES CROISÉES
L’Asie n’existe pas
Elle voulait donner envie de les lire : Annie Terrier a réuni à Aix,
pour ses Écritures Croisées, 10 écrivains parlant 5 langues différentes,
qui ont brossé le portrait kaléidoscopique d’un continent qui serait un vrai roman…
Ce roman limpide se raconta pendant quatre journées : on a pu écouter ces écrivains Chinois, Coréens,
Vietnamiens, Japonais et Thaïlandais avec l’impression de n’en perdre jamais une miette. Une brochette
d’interprètes rapportait tous les propos, mais traduisait
également les écrivains asiatiques entre eux, afin qu’ils
puissent se répondre en s’écoutant par oreillette. La
fluidité était parfaite, et laissait simplement entrevoir
que l’Asie littéraire est une construction… même si
les propos, une fois le problème de la langue résolu, se
révélaient étonnamment proches.
Diversité
L’expo photo témoigne de la variété des regards.
Parfaitement éclairée, sans aucun reflet sur les vitres
(quel bonheur !), elle se visite en commençant par le
Coréen Gap-Chul Lee qui dans un noir et blanc
incroyablement nuancé semble tout occupé à photographier la trace des âmes… Au milieu Luo Dan le
Chinois, aux intentions de documentariste, portraitise
pourtant des êtres isolés et énigmatiques. À l’autre
bout de la Galerie Zola, le Thaïlandais Manit Sriwanichpoom et sa photographie théâtrale : son Pink
Man, vêtu d’un costume rose saturé, s’installe avec son
caddie rose dans des situations consuméristes d’une
ironie mordante –à Bali, au pied des temples, au
milieu de gratte-ciel sous proportionnés- ou, par des
photos montages, au cœur de la répression d’émeutes
étudiantes (1970) dont il souligne la violence et
l’horreur.
Des photographies aux moyens plastiques et aux
registres opposés, mais qui construisent
des discours proches, et luttent contre
la globalisation en allant respirer des
atmosphères moins inauthentiques.
Modernité
Les mêmes problématiques se retrouvaient lors des débats et rencontres :
l’Asie existe-t-elle ? Rien n’est moins sûr
affirme Minaé Mizumura. Cette idée
de continent est née en Europe… et au
Japon elle réveille de vieilles connotations nationalistes. Il n’y a d’ailleurs
qu’en Occident qu’on peut trouver des
restaurants asiatiques alliant tant de
cuisines différentes !
Pourtant, dès que le sujet d’une Asie
s’éloigne, des préoccupations communes apparaissent. La plus évidente
étant le lien à la littérature occidentale.
Xu Xingle reconnaît : «l’Occident a créé
une littérature riche, cohérent, forte, originale durant trois
siècles.» Il sait que l’eurocentralisme en littérature est
regrettable, mais affirme que le danger vient de la
mondialisation, qui est «une tendance meurtrière».
Mizumura renchérit: tout écrivain non occidental
lutte contre la globalisation, tout en acceptant
l’influence de la littérature européenne. Mais les
œuvres doivent évoquer le réel, donc les traditions
particulières. Or le Japon a oublié son histoire, sa
langue classique. «Les Japonais considèrent comme
naturel d’écrire en langue moderne, ils pensent que c’est
l’expression de leur âme.» Alors que leur histoire est
trimillénaire ils n’en connaissent rien, et croient que
l’occident leur a permis d’entrer dans la modernité.
Le rapport à la traduction s’affirme aussi comme
commun : tous sourient à l’allégorie de Kim Young
Ha le Coréen, qui explique qu’un livre traduit est
comme un enfant né d’un amour de passage : on sait
qu’il est le sien mais on ne le connaît pas… Sauf qu’un
enfant naturel coûte, alors qu’un livre traduit rapporte! Puis il en revient à la globalisation, inversant le
propos : plus que d’avoir peur d’occidentaliser l’Asie,
les Européens devraient se méfier de cette Asianisation
en marche, celle qui rend les Chinois, les Coréens, les
Japonais, complètement dépendants d’écrans portables et de liens virtuels…
La force des femmes
Quant aux femmes en littérature… Li Ang (Taïwan)
l’affirma d’entrée : s’il y a bien une valeur commune
en Extrême-Orient, c’est la séparation des sexes, et la
dévalorisation des femmes. L’écrivaine s’inscrit dans
la filiation des féministes et refuse l’idée d’une écriture
féminine qui s’épancherait, se tournerait vers l’intime… Elle constate cependant que les femmes ont
tendance actuellement à privilégier une écriture
spontanée, concrète, et laissent encore le champ du
politique aux hommes. Thûan (Vietnam), plus jeune,
précise que sa génération profite pleinement du combat féministe, mais qu’aujourd’hui il n’est plus au
cœur de son écriture, et qu’à son sens la souffrance
féminine n’a pas plus de besoin d’expression que la
masculine.
Pourtant Li Ang répond encore à la remarque d’un
spectateur, qui avance que l’écriture féminine est
animée d’une énergie lente : «Le Yin n’est pas la
féminité. Nous voulons avoir accès à la violence, ne pas
être seulement des forces sous-jacentes, exercer cette force au
grand jour. Et pour cela, on se demande s’il faudra tuer
nos maris !»
Le solo de Carlotta Ikeda la Japonaise témoigna de
la même volonté libératrice. En quelques tableaux
empruntant au Butô leur lenteur et leur posture, mais
non leurs rites, elle traça un autoportrait magistral.
Celui d’une femme qui assume sa double influence
culturelle, exhibe sa recherche de plaisir solitaire, la
perte, l’absence, la violence subie, la nostalgie d’une
robe en dentelle, la tentation d’endosser un costume
d’homme. Et L’Attente, vide, que la douleur obstinée
s’estompe.
Portrait universel : décidément l’Asie n’existe pas.
AGNES FRESCHEL
L’Asie , un vrai roman s’est déroulée
à la Cité du Livre (Aix)
du 15 au 18 oct.
Regards Croisés,
l’exposition photographique,
se teint à la Galerie Zola
jusqu’au 28 nov.
Manit Sriwanichpoom
© AgenceVu
THÉÂTRE DU PETIT MATIN
| CRDP LIVRES
63
Sombre Japon
Le Théâtre du Petit matin a proposé un
voyage littéraire au Japon à travers l’écriture de trois auteurs. Banquettes, tables
basses, orchidées et sushis contribuaient
à créer l’ambiance. Nicole Yanni accueille son public comme elle le fait
avec acharnement depuis 25 ans et ouvre
la soirée sur un constat amer : seul un
français sur deux lit plus d’un livre par
an ! D’où la nécessité de poursuivre les
tournées dans les petites bibliothèques
du département… Puis Maude Buinoud,
Céline Greleau et Geoffrey Coppini
commencent à lire plusieurs extraits de
trois romans de Haruki Murakami,
soulignant la précision incisive de cette
écriture qui mélange le quotidien le plus
banal à un imaginaire fantastique. Les
mots s’animent et prennent corps…
Vient la lecture des extraits de Y ko
Ogawa, écrivaine née en 62, des textes
simples et étranges comme Amour en
marge, où la narratrice souffre d’une
perte auditive et se confronte à un monde
qu’elle n’entend et ne comprend plus.
Enfin place à l’horreur glacée du très
sombre Ry Murakami l’histoire des
jumeaux Hashi et Kiku, Les bébés de la
consigne automatique, qui finiront parricide et prostitué... Une vision plus gaie
de Tokyo, celle de Jacques Roubaud,
termina le voyage, rappelant la soirée
d’avril passée avec lui en ce lieu…
CHRIS BOURGUE
Le Kfé littéraire japonais a eu lieu
le 16 oct. Le prochain Kfé sur les
écritures chinoises aura lieu en janvier.
Le Dire des Femmes Famille
et Violence
du 20 au 22 novembre
Ateliers d’écritures à partir
de novembre
04 91 48 98 59
www.theatredupetitmatin.free.fr/
lecture au Theatre du Petit Matin © X-D.R.
Joël Jouanneau, une voix rythmée
Les Rencontres culturelles du CRDP ont
commencé avec une lecture de Joël Jouanneau en
partenariat avec l’OCCE (Coopération à l’École), et le
Théâtre Massalia. Des enseignants étaient venus de
toute la France pour participer à un stage dans le cadre
de THÉÂ, action nationale de l’OCCE pour le
développement de l’éducation artistique du théâtre et
de la danse, qui s’intéresse à la problématique de
l’écriture théâtrale pour le jeune public. Donnée
essentielle de ce projet : le partenariat enseignant/
artiste. Joël Jouanneau est l’artiste associé de cette
année scolaire.
Il entre d’emblée dans sa lecture et trouve le rythme de
sa voix ample et chaude. Les mots sont
accompagnés de gestes sobres de la
main gauche, index et majeur tendus
comme un V. Très vite il nous entraîne
dans les évocations d’une enfance
paysanne, à la fois la sienne et pas la
sienne, mélangeant le moment de
l’écriture et le bruit du clavier, au
moment de l’enfance dans la cour de la
ferme. Ce texte inédit, Le clavier à
l’oreille coupée, appartient à la série des
«Tus», textes adressés à la deuxième
personne, et tus pendant longtemps.
L‘adulte s’y adresse à l’enfant qu’il a été.
Autre texte inédit, Pages tournées d’un
univers sans livres, sauf ceux de l’école,
la revue de cinéma de sa mère, puis
Quatre-vingt treize de Victor Hugo
donné par son grand-père facteur. Ce
n’est que sorti de l’enfance qu’il a pu se régénérer par
la lecture et s’y plonger totalement, «arrêt du temps.
Blanc» comme il le dit.
Joël Jouanneau parle ensuite du livret d’Opéra qu’il a
écrit pour la musique de Jacques Rebotier, L’indien
des neiges. Il rythme avec les doigts et psalmodie le
prologue, et l’on se dit que ces deux-là étaient faits
pour se rencontrer.
Dernier texte, Mère et fils présente les retrouvailles d’un
fils et sa mère après 7 ans de séparation et l’évocation
d’un passé trouble, et le souvenir du «mulot noir», le
petit juif caché avec les cochons par des paysans sans
scrupules, et qui fut livré à l’occupant. Les noms de
personnages reprennent les noms des lieux de
l’enfance de l’auteur, à l’endroit de la poignée de mains
entre Pétain et Hitler. La mère et le fils, eux, sont sans
nom ; ils finiront par évoquer le père qu’elle croit mort
mais qu’il a retrouvé en Patagonie, nom exotique d’un
centre d’aliénés... Langue rude, rapeuse, émouvante.
Joël Jouanneau évoque pour finir une pièce qu’il a
«décidé de ne jamais terminer...» : À l’ouest.
CHRIS BOURGUE
Joël Jouanneau © Mario del Curto
La lecture a eu lieu au CRDP
le 26 octobre
Mère et fils et L’enfant cachée dans l’encrier
Joël Jouanneau
Actes-sud Papiers
www.crdp-aix-marseille.fr
Prochaines rencontres du CRDP :
Le 20 novembre, dans le cadre
des Rencontres d’Averroès,
deux documentaires sur les 1ers essais
nucléaires en Algérie en 1960 (voir p 9) ;
Le 9 décembre Les représentations du corps
dans l’art contemporain par Christian
Gattinoni, enseignant à l’école nationale
de photographie d’Arles (entrée gratuite
et ouverte à tous.).
64
LIVRES
CIPM | EUROPE INTELLECTUELLE
Quelques bonnes raisons d’aller au cipM
Dans le cadre toujours enchanteur de La Vieille Charité,
le Centre International de Poésie Marseille poursuit son œuvre de diffusion des pratiques poétiques
contemporaines. Expositions, rencontres, lectures, résidences d’auteurs, de multiples façons d’arpenter les
territoires très divers de la poésie d’aujourd’hui.
Le cipM, c’est un lieu d’expositions. Jusqu’à la fin du
mois, le visiteur pourra ainsi déchiffrer les typogrammes, affiches, couvertures de livres ou de revues et
autres «gouttes de poèmes» de Pierre Albert-Birot,
«grand solitaire qui fait imploser tous les
critères de l’avant-garde ou de la
tradition», selon les mots du concepteur
de l’exposition, Frédéric Acquaviva.
Poète et typographe, auteur du monumental Grabinoulor (une fiction
délirante rédigée avec humour et sans
ponctuation), créateur de la revue SIC
(Son-Idée-Couleurs-Forme), à laquelle
ont collaboré, entre autres, Apollinaire,
Tzara, Reverdy et Soupault, PAB reste
bien à tort méconnu. À la croisée du
futurisme, du dadaïsme et du surréalisme, cet artiste venu des arts plastiques
a toujours gardé son indépendance…
et une fantaisie pleine de fraîcheur qu’il
est fort plaisant de découvrir.
Le cipM, c’est aussi un lieu de rencontres (voir p 11).
Le vendredi à 19h, place aux lectures. Mention spéciale
pour le mois d’octobre au célèbre traducteur -200
traductions en 30 ans- Brice Matthieussent, venu
lire des extraits de son roman très oulipien, et qu’il
espère «assez drôle», Vengeance du traducteur. La rencontre,
animée par Eric Giraud, a permis d’aborder les paradoxes et les difficultés de la traduction ; impossible
translation, «saut de Tarzan au-dessus d’une jungle touf-
fue», qui pourtant doit être menée à bien. L’histoire de
ce traducteur qui décide de ne pas rester à sa place et se
met à «fictionnaliser» la traduction, faisant enfler l’espace
dédié aux habituelles notes en bas de page jusqu’à
usurper le haut du feuillet, les mises en abymes et les
enchâssements, les péripéties de la fiction, tout illustre
les complexités de cet étrange métier, qui procure
toutefois, aux dires du spécialiste, une jouissance
absolue, au même titre, toujours selon lui, que
l’éternuement ou l’orgasme ! Amours, délices et
traduction…
© Jean-Marc de Samie
FRED ROBERT
Prochaines rencontres :
vendredi 20 novembre, dans le cadre
des Belles Etrangères (USA),
Béatrice Trotignon recevra pour la 1re fois
au cipM Eleni Sikelianos. Vendredi 27,
Brian Mura viendra présenter le n°5
de la revue GPU.
Prochaine exposition,
à partir du 4 décembre :
les livres d’artistes des Editions URDLA.
À lire : Brice Matthieussent,
Vengeance du traducteur ; éd. POL.
Au Programme
AIX
MARSEILLE
Cité du Livre – 04 42 91 65 20
Colloque organisé par l’Agence Régionale du Livre : Les métamorphoses numériques du livre sous la direction d’Alain Giffard.
Les 30 nov et 1er déc.
Librairies du sud – 04 96 12 43 42
Librairie Maupetit : rencontre-dédicace avec Jean
Contrucci, le 5 déc à 14h ; rencontre-dédicace avec
Amélie Jackowsi et Arno, auteurs-illustrateurs pour la
jeunesse, le 5 déc à 15h ; rencontre avec Raphaële Frier et Nadira
Aouadi, auteurs-illustrateurs pour la jeunesse, le 12 déc à 15h ;
rencontre avec Florence Langlois et Vincent Bourgeau, auteursillustrateurs pour la jeunesse, le 19 déc à 15h.
Ecritures Croisées – 04 42 26 16 85
Rencontre avec l’écrivaine américaine Hannah Tinti à l’occasion
des Belles Etrangères. Présentation et lecture de Pierre-Yves Pétillon.
Le 19 nov à 18h30, amphithéâtre de la verrière.
Centre des écrivains du sud – 04 42 21 70 90
Rencontre avec Lydie Salvayre autour de son livre BW (éd. Le
Seuil, 2009). Entretien conduit par Paule Constant, lectures par
Laurent Kiefer. Le 19 nov à 18h, amphithéâtre Zyromski de
l’IEFEE.
AVIGNON
CDC Les Hivernales – 04 90 82 33 12
Les lundis au soleil : nouveau rendez-vous bimensuel autour de la
danse, rencontres informelles, échanges, hommages… Prochain
rendez-vous avec Denise Luccioni qui évoque Merce Cunningham,
le 23 nov à 19h.
CARPENTRAS
Librairies du sud – 04 96 12 43 42
Librairie de l’Horloge à Carpentras : dans le cadre de la semaine
des droits de l’enfant, rencontre avec Caroline Palayer pour son
dernier livre La petite tresseuse kanak (Vents d’ailleurs, 2009), le 21
nov à 16h ; rencontre avec les éditions Le Bec en l’air pour évoquer
le métier d’éditeur et découvrir leur production, le 4 déc à 19h ;
rencontre-dédicace avec Pascale Breysse, auteure et illustratrice
jeunesse, le 5 déc à 15h30 ; rencontre avec Jean-Michel Guenassia
pour Le Club des incorrigibles optimistes (Albin Michel), le 18 déc
à 19h.
Librairie Histoire de l’œil : rencontre-dédicace avec Raphaël
Frier à l’occasion de la sortie de Nour a perdu son sourire (éd.Max
Milo jeunesse), Un baiser à la figue (éd. Mango jeunesse), et Dur dur,
les mots doux ! (éd.Rouge Safran), le 21 nov à 15h.
Rencontre avec Jean-Philippe Toussaint pour son roman La vérité
sur Marie (éd. de Minuit), animée par Pascal Jourdana.
Le 10 déc à 19h.
Mairie de Maison Blanche – 04 94 14 63 50
Dans le cadre de la semaine israélienne, Maison Blanche, en
partenariat avec le Consulat Général d’Israël et la Galerie Denise
Roman présente une exposition de photographies de Zvika
Zelikovitch, sculptures de Ruth Lev-Ari et Osnat Belkind Scheps
et design d’Einav, du studio Mud, Les 100 ans de Tel-Aviv. Jusqu’au
27 nov, salons de Maison Blanche ; récital de piano d’Einav Yarden
le 19 nov à 20h30.
Exposition Visions portuaires : photographies de François Delaage
et installations de Claire Saltet. Jusqu’au 16 janvier.
Ecrivains en dialogues : rencontre entre Olivier Adam & Véronique
Ovaldé. Le 8 déc à 18h30, Auditorium de la Bibliothèque
départementale.
Débat autour du livre de Michel Vovel, Les Sans-culottes marseillais.
Le mouvement sectionnaire du jacobisme au fédéralisme. 1791-1793,
en présence de l’auteur, de Bernard Cousin et de Françoise Brunel,
historiens. Le 19 nov à 18h30.
Librairie Le Lièvre de Mars – 04 91 81 12 95
Exposition Carnets & Abandons de Patrick Sainton organisée par
l’association Autres et Pareils. Jusqu’au 30 nov.
Librairie Les Arcenaulx – 04 91 59 80 37
Rencontre avec Jean-Pierre Guéno et Olivier D’Agay pour la parution du livre La mémoire du Petit Prince aux éditions Jacob-Duvernet.
Le 4 déc à 18h.
Espace Ecureuil – 04 91 57 26 49
Conférences d’initiation : Art et paysage III : De l’Arcadie aux PaysBas (XVIe, XVIIe siècles). Le 15 déc à 12h30, le 18 déc à 12h30 et
le 18 déc à 18h.
Galerie Mourlot Jeu de Paume – 04 91 90 68 90
Claire Colin-Collin, peintures. Exposition jusqu’au 5 déc.
BMVR Alcazar – 04 91 55 56 34
Rencontre lecture sur le thème Solitude et solidarité : de Hrant Dink
aux anonymes avec Dominique Eddé, Betul Tanbay et Gérard
Khoury, en partenariat avec les Ecritures Croisées.
Le 26 nov à 18h, salle de conférence.
Espace Leclere – 04 91 50 00 00
Conférences : Approche de l’art sacré par Emmanuel Laugier,
historien de l’art, le 24 nov à 18h ; La reconstruction à Marseille
1940-1960 / Architecture et projets urbains par Jean-Julien Bonillo,
historien de l’architecture, le 15 déc à 18h.
ABD Gaston Defferre – 04 91 08 61 08
Exposition Gaston Castel, les territoires de l’architecte.
Jusqu’au 19 déc.
TOULON
Librairie Charlemagne – 04 94 62 22 88
Rencontre avec Véronique Ovaldé pour évoquer l’ensemble
de son œuvre. Le 9 déc à 19h.
Marseille, terre d’exils
Le théâtre de Lenche et la BMVR
Alcazar ont accueilli, du 3 au 17 nov,
l’esquisse d’un grand projet qui sera
réalisé en 2013 autour de l’Europe
intellectuelle en fuite. On sait que
Marseille, mais aussi Sanary et Cassis,
ont abrité, dans les années 1940-41, un
grand nombre de réfugiés venus de
toute l’Europe centrale puis de la France
occupée. Fuyant l’Allemagne nazie, ils
ont échoué là, sur le rivage méditerranéen. Ils pensaient y trouver une
fenêtre sur le monde libre, ils sont souvent restés pris dans la nasse marseillaise,
à attendre un hypothétique «transit»,
un passage par les Pyrénées, une place à
bord d’un navire en partance… Ce sont
ces tristes voyages, cette fuite éperdue et
cette halte forcée dans le Midi que le
projet entend retracer.
La fin d’un monde
Présentée par la troupe du Golem
Théâtre (fondée en 1997 à Prague et
installée depuis 2003 en Isère), la courte
pièce de Michal Laznovsky (son
directeur et metteur en scène) Alma et
Franz ou l’excursion en montagne, malgré
ce titre léger, n’a rien d’un vaudeville.
Elle se déroule sur une journée, le lendemain du jour où les deux protagonistes
ont pu quitter Marseille grâce à Varian
Fry. Alma (Mahler) et Franz (Werfel),
deux figures emblématiques de l’intelligentsia cosmopolite viennoise, sont en
train de passer en Espagne. Dans un
décor symboliste, sous le regard (et les
commentaires) d’un ange, ils vont, et
parlent, et se souviennent, dans des
scènes alertes où l’humour a sa place, la
méditation aussi. Méditation sur l’apocalypse en cours, mais également sur la
«sainteté humaine», et l’espoir malgré
tout. Un drame lumineux, qui relate la
genèse d’une œuvre car même exténué
et en fuite Werfel reste romancier…
Tu parlais de partir…
Le refrain entêtant de Christiane
Mouron et la musique de Georges
Bœuf rythment Transit, téléfilm de
René Allio inspiré du roman éponyme
d’Anna Seghers. Au travers des tribulations de Gerhardt, on prend la mesure
des situations kafkaïennes (un comble!)
qu’ont vécues à Marseille tous les candidats à l’exil durant cette période
troublée. Files d’attente dans les
consulats et les ambassades, formalités
innombrables et souvent inutiles, et
l’attente ! Le film souffre de quelques
longueurs mais reste le reflet fidèle de
cette attente désespérée.
Quant au passionnant documentaire
consacré à Varian Fry, il rend hommage à celui qui est entré dans l’histoire
«à hauteur d’homme». Un portrait
émouvant de cet éditeur américain
longtemps oublié, fondateur à Marseille
du CAS (Centre Américain de Secours),
qui a sauvé au moins 1500 personnes
avant son expulsion en 1941, et a permis
que Marseille soit dès 1940 la «capitale
de la Résistance en train de se faire».
Ces propositions, intéressantes, n’étaient
que des esquisses. Pour le colloque, les
concerts et autres expositions, rendezvous en 2013 !
FRED ROBERT
L’Europe intellectuelle en fuite
(prélude) a été présenté à Marseille
du 3 au 17 nov
Alma et Franz © Natacha Boutkevitch
66
LIVRES
LITTÉRATURE
Mémoires d’un traître
Dédié à «mes fantômes», le 3e roman de Philippe
Grimbert apparaît comme une confession à laquelle
se livre le narrateur Loup, qu’on ne peut manquer
d’assimiler à l’auteur lui-même, tant son parcours
ressemble à celui qu’a dû suivre Grimbert pour
devenir le psychanalyste que l’on sait. Autobiographie
déguisée ? Autofiction ? Peu importe au fond.
Ce qui compte en revanche, c’est que ce récit
d’apprentissage, bien qu’il se lise d’une traite (et peutêtre à cause de cette facilité de lecture) n’accroche ni ne
touche vraiment. Ce retour sur une amitié d’enfance
qu’on croyait «à la vie à la mort» et qui finira par la
chute de l’autre aurait pu être émouvant ; sauf qu’ici
les passages obligés du genre, bagarres avec la bande
adverse, jeux, émotions intellectuelles partagées…
ressemblent à de pieux exercices de style ; comme le
Blessures secrètes
En épigraphe Laurent Mauvignier cite Jean Genet :
«Tout homme sait la rejoindre, au point de devenir cette
blessure elle-même, une sorte de cœur secret et
douloureux.» Ces secrètes blessures le romancier
s’emploie à les atteindre, sondant par cercles
concentriques de plus en plus serrés la mémoire de
quelques-uns des hommes qui ont été appelés en
Algérie, en sont revenus avec «la nostalgie de quelque
chose perdu là-bas» et n’ont jamais pu parler de ce qui
hante encore leurs nuits 40 ans plus tard.
L’intrigue se déroule sur moins de 24h, en 4 parties,
Après midi, Soir, Nuit et Matin. Et comme dans une
tragédie racinienne, il y a une crise, puis des récits qui
disent la mort sans la montrer. Car ce que ce roman
relate, c’est le retour brutal d’un refoulé tragique. Il
aura suffi de presque rien, d’un geste mal interprété
lors d’une fête de famille, pour que Bernard, devenu
la loque que tout le bourg surnomme Feu-de-Bois,
«pète les plombs». Alors, pour Rabut, son cousin,
narrateur intermittent du récit, commence une longue
nuit au cours de laquelle surtout il revivra «leurs
sont également les pages consacrées à Nine, la «seconde
maman» du narrateur, que celui-ci traite, fort peu
originalement, avec désinvolture et ingratitude. Seule
échappe à la mièvrerie Gaby, la vieille amie flambeuse
et noctambule, mais c’est sans doute en raison de sa
personnalité irréductible. La posture du narrateur en
félon multirécidiviste, puisqu’il aura failli à sa parole
avec les trois fantômes qu’il fait revivre ici, ressemble
à de la complaisance ; on sent comme un plaisir à se
flageller. Mais n’est pas Jean-Jacques qui veut. Quant
aux théories lacaniennes, en particulier celle de «la
mauvaise rencontre», on peut comprendre que l’auteur
y ait recours. Mais l’usage de la grande psychanalyse
n’aboutit pas forcément à de la bonne littérature.
La mauvaise rencontre
Philippe Grimbert
Grasset, 16 euros
FRED ROBERT
événements» d’Algérie. Les «images tellement atroces
qu’on ne sait pas se les dire à soi-même», en cette nuit
décisive, il les affronte, les met en mots, enfin.
Mauvignier pousse ses personnages dans leurs
retranchements, traque la parole qu’il arrache aux
forceps, pour hoqueter l’indicible : «parce que, c’est, de
faire ce qu’ils ont fait, je crois pas qu’on peut le dire, qu’on
puisse imaginer le dire, c’est tellement loin de tout, faire
ça, et pourtant ils ont fait ça, des hommes ont fait ça, sans
pitié, sans rien d’humain…» Le récit est âpre, à l’image
des appelés qui se demandent «ce que ce serait pour ceux
de chez (eux) de vivre le même affront, pour un paysan
être privé de ce qui fait sa raison de vivre.» Et la fiction
restitue magistralement le désarroi de ces soldats qui
ont «renoncé à croire aussi que l’Algérie, c’était la guerre,
parce que la guerre se fait avec des gars en face alors que
nous, et puis parce que la guerre c’est fait pour être gagné
alors que là, et puis parce que la guerre c’est toujours des
salauds qui la font à des types bien et que les types bien là
il n’y en avait pas, c’était des hommes, c’est tout».
Des hommes
Laurent Mauvignier
Minuit, 17,50 euros
FRED ROBERT
Les Éditions Baudelaire de Lyon sont des éditions mixtes à compte d’auteur: celuici paie la maquette aux alentours de 3000 euros, et les éditions se chargent des
corrections, de l’impression, la distribution et la promotion du livre. Ce qui souvent
leur coûte moins que les 3000 euros investis par l’auteur.
Mais les éditions Baudelaire nous envoient régulièrement leurs productions, ce qui
prouve qu’ils font leur boulot de promotion contrairement à d’autres maisons de
ce type. Cependant, étant donnée la pauvreté globale de la production reçue, c’est
le premier livre que nous avons décidé de chroniquer. A.F.
Parcours insipide
Tout amoureux de l’Ecosse ne peut que commencer
avec un plaisir anticipé la lecture de Parcours
fantomatique dans les châteaux écossais. De Ludovic
Ardoise, d’après la couverture. À moins que ce ne soit
de Louis Richepin, selon le service de presse ?
Ce n’est que la première imprécision d’une longue
série. Même les indications de l’index sont fausses.
Plus grave, ce livre contient des impropriétés lexicales
et des erreurs historiques. La plus énorme p.14 :
l’auteur prétend que Cromwell a tenté d’assassiner
Bothwell, l’époux de Marie Stuart. Assez surprenant
quand on sait que Cromwell est né 12 ans après la
mort de Marie Stuart et 21 ans après celle de
Bothwell!
Licence poétique ? Mais ni poésie, ni mystère dans ce
livre. Pas même un petit frisson de peur. Ce n’est
qu’un plat catalogue d’apparitions spectrales, château
par château. Pas même une photo ou une carte qui
viendraient rompre la monotonie de l’ensemble.
Finalement ce livre ne présente aucun intérêt : ni
littéraire, ni historique, ni «spirite», ni même
touristique. Il est fort improbable que quelqu’un
puisse le refermer avec le désir d’aller découvrir
l’Ecosse… Et pourtant c’est un si beau pays !
MADELEINE IMBERT
Parcours fantomatiques
dans les châteaux écossais
Ludovic Ardoise
Éd. Baudelaire,
13,50 euros
67
En devenir
«Tu deviendras», telle est la devise de l’institut
Alderson, petit château dédié à l’éducation d’enfants
de familles fortunées, à 10 km de Lausanne. Rentrée
1959, le petit paradis connaît de lourdes difficultés
financières, il faut sans doute vendre, un groupe
américain se propose, mais sous réserve de «restructuration»… Le petit monde des professeurs s’émeut.
Chacun détient un secret, qui, son homosexualité, qui,
ses accointances avec le fascisme (la guerre est encore
bien présente), qui, sa lâcheté, qui, une passion
destructrice pour le jeu, qui, une douleur trop forte,
perte d’un fils, d’un mari… Pensées inavouées,
inavouables (?), gestes inachevés, silences, tabous,
personnages prisonniers de leurs propres contradictions, de leur histoire… Les êtres, acculés à eux-mêmes,
se voient contraints de se projeter, d’imaginer leur
avenir, et pour cela ils devront aussi assumer ce qu’ils
sont.
Le style d’une grande rigueur classique accorde une
palette toute d’épure à ce beau roman polyphonique.
Le récit qui suit une chronologie serrée, à peine quatre
mois, juxtapose les vies, par la reprise des mêmes journées, vécues par les différents personnages, en chapitres
courts, qui par leur brièveté même ajoutent à
l’intensité dramatique de ce roman dense, troublant
et sensible. Un beau sujet de réflexion sur l’être qui ne
cesse, marqué par les nécessités du temps, de devenir.
MARYVONNE COLOMBANI
Loin des bras
Metin Arditi
Éd. Actes Sud, 21,90 euros
Mémoires
Le titre en forme de parabole trouve ses clés dans
l’exorde et la péroraison du roman… énigme qui ne
cherche pas à perdre le lecteur, mais l’ouvre aux mythes
premiers qui rétablissent l’unité de l’espèce humaine,
humus commun dans lequel plongent les racines du
monde. Dans cet ouvrage, c’est une voix profondément humaine qui se fait entendre, ton du conteur,
anecdotes, grande Histoire, familiarité avec les
intellectuels majeurs du siècle, écrivains, philosophes,
effervescence d’une vie, de la vie… La mémoire
individuelle tisse ses fils, les mêle à la trame des grands
remuements du XXe siècle. Sans adulation de soi,
suivant en cela les règles du pacte autobiographique, la
narration s’appuie sur la sincérité, dévoilement d’une
âme, des faits, des motivations, même si les actes ne
sont pas toujours à la gloire du protagoniste…
Le récit nous emporte avec passion, par son style
puissant, dépouillé de toute fioriture, dans une superbe
fresque. Le fil du temps se déroule à «sauts et gambades», épousant les digressions, les retours en arrière,
les anticipations, que Claude Lanzmann baptise
«digressions herniaires». Relation avec l’Histoire, mais
surtout avec l’écriture, qu’elle soit celle du journaliste,
de l’écrivain, du cinéaste, avec l’évocation bouleversante de la lente maturation puis de la quête (qui vaut
à elle seule un roman) qui ont permis l’éclosion du
film magistral qu’est Shoah. Construction de soi
malgré tout ce qui aurait pu détruire, lutte, appétit de
la vie, de la connaissance… Ce superbe livre fait partie
de ceux qui réconcilient avec l’humanité.
M.C.
Le lièvre de Patagonie : mémoires
Claude Lanzmann
Éd. Gallimard (NRF), 25 euros
Nostalgie de flammes et de sable...
Elle : en transit, après une rupture.
Lui : surveille l’incendie qu’il a allumé.
Lieu : une plage au bord de l’océan.
C’est la nuit. D’immenses flammes sélèvent au-dessus
de la dune. Elle descend de sa voiture, se précipite.
Une maison brûle. Un homme est là, tranquille, assis,
il regarde : «C’est ma petite guerre, c’est fini.» Quelques
heures vont s’écouler jusqu’à la fin de la nuit. Le temps
de la rencontre. C’est surtout lui qui parle, elle pose
quelques rares questions. Tout est venu de cet accident
quand il avait 10 ans, en 1955 : une jeune fille, Brigitte,
s’est noyée sur cette plage, elle lui a parlé juste avant.
Jamais il n’a pu oublier. Maintenant sa mère vient de
mourir et il efface son passé. Son récit déclenche
chaque fois les souvenirs de la narratrice comme si elle
mettait ses pas dans les traces des siens. Leurs deux
histoires se confondent, s’enlacent : la mort de la mère,
la ville de Nantes, Bologne et l’attentat de l’extrême
droite en 1980, Sandra pour lui, Giorgio pour elle.
Pas de guillemets, mais un dialogue, long flux musical
avec des images en noir et blanc qui surgissent de la
nuit. Parfois la fiction se mêle à la réalité : habitée par
ses lectures de Patrick Modiano, la narratrice s’amusait
à donner les noms des personnages de ses romans aux
clients de l’hôtel où elle travaillait. Cela s’était révélé
comme une évidence pour l’auteure, la narratrice de
Sur le sable relisait les romans de Modiano, la nuit, au
fond de l’hôtel... Et le lecteur admire l’alchimie de
cette écriture.
CHRIS BOURGUE
Sur le sable
Michèle Lesbre
éd. Sabine Wespieser, 17 euros
68
LIVRES
LITTÉRATURE
Un seul être vous manque…
Un souffle épique habite le roman de Stéphane Héaume,
La nuit de Fort-Haggar. De la Seine au grand désert de
l’Aïr, l’auteur entraîne Julia Schlick dans un tourbillon
d’aventures à la recherche de l’être aimé, Clifton Cliff,
grand reporter engagé dans la cause des enfants, et
disparu subitement. Le lecteur marche sur ses traces,
l’estomac en vrille face à l’angoisse qui l’étreint : de
longues nuits s’ouvrent devant elle, béantes. Peur de
l’inconnu, de la vérité, de la solitude. Julia Schlick
traverse les épreuves avec courage et fierté, baignée par
la lumière du désert que la plume de Stéphane Héaume
magnifie à chaque page. Si le personnage central est
une ombre, alors, comment dire l’absence, comment
l’écrire ? Comme une mélopée profonde qui sourd des
entrailles de la terre (odeurs et couleurs enivrantes) ;
comme un chœur antique (les amazones guerrières
africaines font entendre leurs conques) ; comme une
longue plainte amoureuse (Julia Schlick désespère de
ne pas être mère). Par l’ampleur de la trame romanesque,
la sensualité des paysages, par la complexité des sentiments, les incroyables rebondissements, les scènes
irréelles, les êtres imaginaires, La nuit de Fort-Haggar
aurait pu être un tableau orientaliste de Delacroix, de
pourpre et d’or. Ou un opéra, bien sûr, car Stéphane
Héaume est également l’auteur de textes pour le théâtre
lyrique. Songe éveillé, La nuit de Fort-Haggar est peuplé de références biblique (Salomé), divine (Janus) et
mythologique (Hérode), chaque séquence introduite
par une citation de Mahler (quelques notes), Pierre
Loti, Daphné du Maurier, Jean Anouilh ou Verdi.
Heureux compagnons d’une nuit douloureuse.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
La nuit de Fort-Haggar
Stéphane Héaume
Seuil, 19 euros
Livre sélectionné pour le Prix des lecteurs
du Var à la Fête du livre de Toulon 2009
L’Inferno di Manaccora
Un événement, 2 jours, 281 pages : Philippe Jaenada
réussit l’exploit de tenir le lecteur en haleine -en alerte
serait plus approprié vu les circonstances- et en émoi,
inquiet d’un éventuel dénouement tragique : les derniers
instants sur terre du narrateur et de sa famille, plage de
Manaccora, un jour d’été, 16h30. Rassurons-nous, la
mort leur sera finalement épargnée, mais à quel prix !
Tout avait pourtant bien commencé pour Voltaire (le
père de famille), sa femme Oum (en hommage à la
chanteuse égyptienne Oum Kalsoum) et leur fils Géo
(du style Trouvetout) en vacances dans une zone préservée des Pouilles, en Italie. L’image même du bonheur
idyllique pour un clan sans nuages, mais avec des
prénoms qui campent bien les personnages et le côté
«illuminé» du roman qui, dès les premières flammes,
va s’emballer. Car l’événement en question, déclencheur du récit, des souvenirs, des anecdotes et des
petites remarques assassines sur le genre humain en
déperdition (envieux, moqueur, fourbe, veule, fanfa-
ron…), n’est autre qu’un gigantesque incendie détruisant
tout sur son passage. Y compris l’équilibre familial…
D’un ton vif et léger, dans un style alerte, Philippe
Jaenada décrit les situations les plus périlleuses sans
jamais se départir de son humour, parfois féroce (la
scène de la beuverie «dans un bar à matelots de Toulon»
est désopilante), brosse de beaux portraits de femmes
(celui de l’ex-mondaine Ana Upla, pleine d’humanité).
Et, usant de nombreuses circonvolutions digressives
par un jeu de parenthèses en cascades, revient à
l’essentiel : la rédemption après l’épreuve tragique, et
l’envie d’être vivant.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Plage de Manaccora, 16h30
Philippe Jaenada
Grasset, 17,90 euros
Livre sélectionné pour le Prix des lecteurs
du Var à la Fête du livre de Toulon 2009
L’homme au panama
«Ceux qui partent s’imaginent que la force est chez les
autres, ceux qui restent la portent en eux.»
Cette phrase du roman Le grand exil de Franck Pavloff
résume la complexité des personnages qui s’affrontent.
Leurs destins croisés, leurs convictions, d’un côté ou
l’autre du camp qui les sépare : partir ou rester ? Encore
faut-il pouvoir choisir… Échoués à Banos de Agua Santa,
au centre de l’Équateur, tout semble les opposer : le
silencieux Tchaka, «vieux gringo aux cheveux noirs» au
passé effacé ; Lucie la Mexicaine, rebelle «en exil d’ellemême» ; don Rodriguo le patriarche ; l’Afro-équatorien
Selmo, «observateur des baleines à bosse» coiffé de dreadlocks. La zone est peuplée de passeurs anonymes,
coyotes et chulqueros aux poches bourrées de dollars à
force de trafics d’hommes, candidats au départ. Et le
volcan Tungurahua cristallise tous les sentiments de
peur, de fatalisme, d’ignorance. Pièce maîtresse du
roman, Franck Pavloff le décrit abondamment comme
le paysage équatorien, le climat, la flore, le ciel, le vent,
les embruns. De cette nature luxuriante naît un roman
luxuriant, chambre d’écho aux bruits de la ville, aux
odeurs de l’hacienda, aux souffles des chevaux et à la
beauté des orchidées. Chacun emprunte des chemins
parallèles à l’ombre menaçante du Tungurahua que
seul l’homme au panama décrypte : l’étrange Tchaka,
conscient d’être le «maillon d’une chaîne de vie» prête
à rompre. Au feu des questions existentielles -échapper
au feu volcanique ? à la misère ? à soi-même ?-, Franck
Pavolff répond par un roman humaniste et réconciliateur.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Le grand exil
Franck Pavloff
Albin Michel, 16 euros
Livre sélectionné pour le Prix des lecteurs du Var
à la Fête du livre de Toulon 2009
ARTS
LIVRES
Le peu que l’on sait d’Elles
Qu’a vu Célina, l’arrière-grand-mère, que Laure
Maternati ne saura jamais ? Quelle a été sa vie intérieure ? Un siècle les sépare. Il reste à Laure Maternati
un cliché d’identité, et son regard absent. De ce passé
englouti, l’arrière-petite-fille a écrit un poème dédié à
sa mémoire. Puis elle est partie à la rencontre d’autres
femmes disparues, éternellement silencieuses, et, avec
Bat Sheva Papillon, documentariste son, a recueilli
la parole de leurs filles et petites-filles, faisant affleurer
les souvenirs, des éléments de vie, un peu de leur histoire.
Quatre-vingt-dix photos plus tard, Marie-Louise dite
Augusta, Zulina dite Blanche, Margherita et toutes les
autres ont un visage, de la famille, des moments d’insouciance, des amis. Quelques mots plus tard, chapelet
de noms, de dates et de lieux égrenés, le «je suis née» de
Célina remplace le «je» poétique de Laure et tous les
«je» des mères et grands-mères resurgies du passé. Un
livre-disque sensible, où l’on apprend leur âge (souvent
approximatif), leur lieu de naissance (commune de
Bruxelles, Saint-Loup à Marseille, région d’Olomouc
en Tchécoslovaquie…), leurs derniers lieux de vie : des
villages du centre et du haut du Var. Des soupçons de
vie où l’on remonte le fil du temps et des généalogies
incertaines. À l’insue, avec sa couverture dessinée par
Claire Colin-Collin, est un objet éditorial unique, créé
par des femmes pour des femmes. Un «objet de paroles, d’écrits et d’images» bouleversant, réalisé par des
auteures parties à la recherche de mémoires de femmes
immigrantes, entre désirs et exil. Leurs visages sont les
nôtres, leurs paroles aussi.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
A l’insue
Laure Maternati, Bat Sheva Papillon,
Claire Colin-Collin
Edité par l’association Précipité, dans le cadre
du programme «Identités, Parcours & Mémoire»
(Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité
des chances, Drac Paca, Conseil régional)
et le soutien du Conseil général du Var.
A l'insue, couverture,
peinture de Claire Colin-Collin
Cerveaux disponibles et non formatés
C’est l’ambitieux questionnement du cycle de conférences Esthétique et société proposé par Alphabetville
et Colette Tron en 2006-2007 à Marseille qui est
condensé dans cet ouvrage. L’objet était non pas de
commettre une «théorie esthétique générale» mais «d’observer les conditions actuelles de l’expérience sensible, leur
effet sur l’esthétique, et sur la vie culturelle en général». On
ajoutera : en regard de notre société de consommation
industrielle libérale.
Les auteurs démontrent en effet, selon des angles d’approche personnels, comment notre société a su piéger
l’expérience sensible -individuelle et collective- selon
diverses stratégies consuméristes. Après avoir déconstruit les fondements romantiques de l’art, de l’artiste
et de l’œuvre d’art, et certaines avant-gardes, Elie During
propose une alternative à travers la notion empruntée
à l’industrie, le prototype, comme forme d’expérimentation accomplie et primitive contenant tous les possibles.
Se déduisent alors quatre statuts au moins pour l’artiste :
l’entrepreneur (F. Hyber), l’ingénieur (Panaramenko),
l’opérateur (Sol LeWitt), le chercheur (M. Duchamp).
De son côté, Bernard Stiegler rappelle utilement
l’origine du marketing chez le neveu de Freud, Edward
Bernays, jusqu’à la prise de contrôle industrielle du désir
par le capitalisme, financiarisé et globalisé d’aujourd’hui.
La société de consommation apparaît comme un véritable péril pour l’expérience esthétique, qu’il s’agisse de
l’image et du regard pour Marie-José Mondzain, ou
productrice de brouillage des frontières entre les arts
par l’avènement de l’appareillage numérique selon
Jean-Louis Déotte. Un étrange détour par un récit
du IIe siècle (l’Hercule gaulois de Lucien) ramène
Alain Giffard à l’analyse du neuromarketing et des
technologies R, des stratégies de TF1 et Google, pour
constater l’abandon par le politique de la culture à
l’économie.
Voici donc plusieurs invites à repenser la présence de
l’art au moment d’une crise présentée comme grave et
globale mais qui n’est pas qu’économique.
Une bio-bibliographie en fin d’ouvrage situe chacun
des auteurs.
CLAUDE LORIN
D’Alessandro révélé
Musicien natif des Grisons, Raffaele d’Alessandro
(1911-1959) est, il faut bien l’avouer, très peu connu
au-delà des montagnes suisses. On sait gré aux éditions
helvétiques Papillon d’exhumer ce pianiste, organiste
et compositeur d’ascendance italienne qui a suscité
l’admiration bienveillante de Nadia Boulanger lors de
sa formation parisienne avant-guerre. La formidable
pédagogue lui déclarait : «Vous portez en vous une
œuvre». On apprend également que l’étoile filante
Dinu Lipati, immense pianiste roumain disparu
prématurément à l’âge de 33 ans en 1950, avait
préfacé ses Etudes. Il les plaçait sur sa table de chevet
et estimait : «Je tiens d’Alessandro pour un des musiciens
les plus puissants de sa génération».
Dans cette biographie illustrée de photos et d’extraits
de partitions, Antonin Scherrer dresse le portrait
d’un musicien à la personnalité contrariée par des
souffrances à la fois intérieures et pécuniaires. Mort à
38 ans, Raffaele d’Alessandro est l’auteur d’une
centaine d’opus essentiellement instrumentaux. Du
coup, l’ouvrage donne envie de découvrir ses 24
Préludes, sa Sonate pour flûte et piano, ses Concertos
dont une partie est gravée chez Pan Classics.
JACQUES FRESCHEL
Raffaele d’Alessandro ou l’urgence intérieure
Antonin Scherrer
éditions Papillon
www.editionspapillon.ch
Esthétique & Société
Éd. L’Harmattan, 15,50 euros
69
70
PHILOSOPHIE
ENTRETIEN AVEC SPYROS THÉODOROU
Le cycle organisé par Échange et diffusion des savoirs
reprend à l’Hôtel du département.
Avec cette année pour thématique les crises, et neuf conférences
de philosophes, historiens, juristes physiciens,
économistes et sociologues…
Rencontre avec Spyros
Théodorou, organisateur
de ces cycles depuis 2001,
qui nous explique son projet
et les raisons particulières
du choix de ce thème
cette année
Zibeline : Quelle est la fonction
d’échange et diffusion des savoirs ?
Spyros Théodorou : C’est de proposer
des conférences de haut niveau, justement parce qu’on s’adresse au grand
public ; comme il n’y a pas de pré-acquis
supposé chez nos auditeurs, on n’a pas
le droit de faire trop d’erreurs, ce qui ne
veut pas dire que l’on n’en fasse pas,
évidemment.
Je constate, avec mon expérience maintenant, que cette idée de mettre en
situation d’apprendre et de savoir touche
des populations que l’on arrive mal à
concerner avec le théâtre, ou les autres
pratiques culturelles, quand elles visent
à atteindre des publics très larges. Il y a
un seuil «sociologique» de 5 à 10 % d’une
population que l’on a beaucoup de mal
à dépasser en général avec l’art en en
France ; seuil dont on s’affranchit très
largement, je crois, dans l’activité
d’Échange et diffusion des savoirs.
Mais, bon, quand à l’origine en 2001,
j’ai eu cette idée et que je l’ai proposée
aux institutions, je dois dire que j’ai
trouvé le Conseil général très courageux
d’accepter ce projet puisqu’il n’y avait
pas de critère de comparaison ; on
aurait pu se retrouver avec une salle de
4 personnes comme de 60. En plus je
n’avais pas caché mon ambition : c’était
d’une grande prétention parce que cela
reposait finalement simplement sur
quelques volontés, l’accord des institutions… et puis il y avait les invités :
j’étais en relation avec deux ou trois
personnes, mais à l’origine Théodorou
à Marseille personne ne connaissait !
Les enjeux étaient donc aussi généraux
que ça : mettre à la disposition du grand
public un savoir de bonne qualité ?
On vit de plus en plus dans un monde
politique, culturel, esthétique qui, en
particulier par les média et la publicité,
abrutit les gens de manière efficace,
techniquement valide. C’est-à-dire que
cela produit des résultats ! Donc je me
suis dit qu’il fallait des espaces, ici ou
ailleurs, où on prend a priori les gens
qui viennent non pas pour des imbéciles mais pour des gens intelligents ;
c’est un pari à la fois philosophique et
politique, et je crois que ça marche. À
partir du moment où l’on se sent accueilli et traité comme un titulaire
d’intelligence, on le devient.
Mais comment définir scientifiquement
et philosophiquement cette expression
«prendre pour des imbéciles»? Non pas
pour châtier le langage, mais pour la
préciser. Moi j’emploie souvent le terme
d’aliénation, sans doute parce je manque de vocabulaire…
Si vous empruntez ce terme à Castoriadis
je pense qu’il emploie plus souvent le
terme d’hétéronomie qui est pour moi
un terme beaucoup plus riche. Et puis
il s’oppose plus précisément à l’autonomie.
Dans ma technologie ce que je peux
apporter comme autonomie, et là je
suis avec prétention dans la philosophie
politique, c’est l’autonomie intellectuelle.
Par rapport aux concepts d’aliénation
et d’hétéronomie il y a une notion qui
me travaille beaucoup c’est la notion
d’emprise, dont j’avais fait le titre de
la saison dernière. Je ne sais pas où ça
va me mener, mais il y effectivement
une emprise de la puissance économico-technique, qui au départ s’est
Spyros Theodorou © X-D.R.
Dans les interstices,
hors de l’emprise
appuyée sur nos vies de producteurs ; c’est-à-dire que
vous allez bosser tous les matins et puis vous avez
l’emprise qui vous tombe dessus parce que pendant
huit ou dix heures vous êtes soumis au chef d’atelier,
au patron ; et puis ensuite il y a le formatage des mass
médias et en particulier du media télévisuel ; et là c’est
le deuxième pas d’une emprise qui n’est plus sur le
temps aliéné, sur le temps de soumission ; c’est une
emprise sur le temps dit libre ; c’est-à-dire que les
zones de liberté se rétrécissent.
Cette emprise s’est étendue dans l’intérieur privé, dans
la vie, la pensée et le désir ; et puis s’est propagée ensuite dans l’espace public. Par exemple on peut penser
que ça peut être un pur plaisir d’accompagner sa petite
fille à l’école le matin, et bien ça devient un lieu de
confrontation et d’évitation des affiches pour chaussures, et du kiosque à journaux avec ses affiches de
porno soft. L’espace public comme l’espace privé subissent une emprise.
Et cette notion d’emprise est ce contre quoi j’ai voulu
lutter.
Évidemment il ne s’agit pas de défendre la société
d’avant et son abrutissement au travail…
Bien sûr qu’on ne défend pas ça ; j’ai connu ces gens
qui s’abrutissaient au travail ; les parents de mon
meilleur ami gardaient des vaches dans le Berry à 13
ans ; je les ai connus physiquement ; c’est mon père
pauvre et autodidacte qui m’a fait ; mais on défend la
possibilité que ces gens-là ont eu, et qu’ils ont pu
donner et transmettre à leurs enfants, la possibilité
d’interstices.
Avant on avait la possibilité d’interstice, de respiration.
La puissance du média n’était pas installée ; il y avait
celle du capitalisme sur le travail mais elle ne savait pas
–encore- manier les interstices. Maintenant la puissance
est devenue beaucoup moins cruelle, mais elle est
devenue permanente. Et je prétends que des lieux et
des chantiers comme on en fait ici sont des lieux
d’interstices. Et la plus belle des métaphores que
m’adressent les gens en sortant c’est : «vous nous faites
respirer», «vous nous donnez de l’air», «de l’oxygène»
; métaphore de la respiration très étonnante !
C’est une prétention de la philosophie qui, comme le
dit Castoriadis, «est une incarnation de notre liberté»
; mais aussi à la fois une modestie. Car on ne va pas
faire la révolution, là tout de suite, mais on va ouvrir
des espaces pour que des milliers de personnes aient
des interstices de pensée, de liberté où ils pourront
développer une pensée critique.
Entre le monde d’avant et le nôtre quelle différence ?
Et bien moi qui ai connu les deux je peux dire qu’on
est passé d’un capitalisme de besoin, c’est-à-dire on va
beaucoup travailler et on va satisfaire nos besoins, de
maisons, de chaussures, à un capitalisme de désir. Vous
voyez toute la perversité de l’emprise puisque le besoin
est satisfaisable, et le désir ne l’est pas.
Venons-en à la programmation de cette année. Vous
avez choisi le concept de crise. Pourquoi ?
Parce qu’on nous prend, là encore, pour des imbéciles.
Les mêmes qui ont adoré, qui nous ont imposé le
Veau d’or, tout à coup ont découvert qu’il était en
crise. Leurs idoles ont fait flop avec des conséquences
économiques et sociales terribles. Et toute la presse
internationale s’est mise à nous expliquer ce que c’était
la crise, quand elle est arrivée, comment, etc., et cela
de la part des mêmes qui ont glorifié pendant une
vingtaine d’années toutes les causes de la crise.
C’est-à-dire qu’à nouveau on nous a fabriqué un
concept de crise «ad hoc», pour continuer à penser
«comme il faut», malgré l’évidence. Et on nous a pris
pour des imbéciles en nous proposant un concept
explicatif total, c’est-à-dire quelque chose qui se
rapproche d’un totalitarisme : un concept qui prétend
gouverner la totalité de ce qu’on peut comprendre de
la crise actuelle…
Alors je me suis dit on va le dépiauter ce concept, il a
d’autres explications, d’autres objets, il y a d’autres
moyens de l’utiliser. J’ai donc voulu dire qu’il est
plurivoque, qu’il ne se décline pas de la même façon
dans les domaines de pensée divers.
Vous dites que c’est un concept plurivoque ; mais
quand même c’est une crise du capitalisme qu’on
cherche à nous masquer ? C’est simple, non ?
Évidemment que c’est une crise du capitalisme. Mais
ce qu’on essaye de masquer c’est que le capitalisme, je
préfère dire la domination, n’est pas qu’un phénomène économique. C’est là où je dis que c’est totalitaire.
Mais une crise du capitalisme n’est pas qu’une crise
économique, c’est une crise de la représentation du
monde, une crise de l’être au monde, des relations
internationales, de la domination Nord-Sud. On nous
dit que c’est un problème économique et «t’inquiète
pas coco, on va l’arranger et dans deux ans ça ira
mieux». Non ce n’est pas un problème économique,
Mensuel gratuit paraissant
le deuxième jeudi du mois
Edité à 28 000 exemplaires
imprimés sur papier recyclé
Secrétaire de rédaction
Dominique Marçon
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06 23 00 65 42
Musique et disques
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06 20 42 40 57
Edité par Zibeline SARL
76 avenue de la Panouse | n°11
13009 Marseille
Dépôt légal : janvier 2008
Secrétaire de rédaction
Jeunesse
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06 64 97 51 56
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06 03 99 40 07
Directrice de publication
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17181 Aiguaviva (Esp.)
photo couverture
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© Agnès Mellon
Conception maquette
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Rédactrice en chef
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Société
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Arts Visuels
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Livres
Fred Robert
[email protected]
06 82 84 88 94
c’est un problème de conception du monde, de la
société, du pouvoir.
Mais en quoi donc vous démarquez-vous de Marx ?
Parce que je pense, à tort ou à raison, que l’interprétation de Marx reste profondément économiste. Je
respecte énormément Marx mais je reste
profondément opposé à Marx dans le sens où je pense
que la superstructure c’est l’économie et l’infrastructure c’est l’idéologie. Et là je pense qu’on a une crise de
l’infrastructure, c’est-à-dire de l’idéologie, et qu’on
essaie de nous la faire passer pour une crise de la
superstructure donc de l’économie. Dans mon langage.
Et qu’attendez-vous des intervenants ?
Personne n’a dit au peuple ce que c’est qu’une crise. Et
bien là nous voulons dire simplement au peuple,
d’après un physicien, un géographe, un juriste etc.,
que la crise ça ressemble à ça, et qu’il paraît qu’ils sont
dedans. Ces conférences doivent donc leur donner des
outils pour qu’ils se pensent de façon critique dans ce
qu’on leur dit qu’ils sont, sans nécessairement l’accepter pour vrai. De façon à déshabiller ce concept
totalitaire, pour en faire un concept parcellaire.
En bref, ce cycle veut lutter contre cette idée qu’avec
le totalitarisme du concept de crise il n’y a plus qu’un
tout : circulez, y’a rien à voir ! Nous voulons donner
à voir, en détail.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR RÉGIS VLACHOS
Et justement on va voir ! Rendez-vous le 10 décembre à
18h45 dans le bateau bleu du Conseil Général 13 pour la
première conférence, qui sera historique :
Crise du temps, crise dans le temps
par François Hartog, professeur à l’École des hautes
études en sciences sociales (EHESS), auteur de Régime
d’historicité, Présentisme et expériences dans le temps (éd. Seuil).
Sciences et techniques
Yves Berchadsky
[email protected]
Histoire et patrimoine
René Diaz
[email protected]
Ont également participé à ce numéro :
Emilien Moreau, Dan Warzy, Yves
Bergé, Susan Bel, Aude Fanlo,
Clarisse Guichard, Christine Rey,
Pierre-Alain Hoyet, Christophe
Floquet
X-Ray
[email protected]
06 29 07 76 39
Polyvolantes
Delphine Michelangeli
[email protected]
06 65 79 81 10
Photographe :
Agnès Mellon
095 095 61 70
photographeagnesmellon.blogspot.com
Cinéma
Annie Gava
[email protected]
06 86 94 70 44
Maryvonne Colombani
[email protected]
06 62 10 15 75
Directrice commerciale
Véronique Linais
[email protected]
06 63 70 64 18
Élise Padovani
[email protected]
Philosophie
Régis Vlachos
[email protected]
Marie-Jo Dhô
[email protected]
Maquettiste
Philippe Perotti
[email protected]
06 19 62 03 61
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HISTOIRE
FABRIQUE SCOLAIRE DE L’HISTOIRE | B. ÉTIENNE
Roman National ?
L’histoire a une histoire, bien sûr ! Mais la particularité de cet ouvrage est de s’attacher
à l’histoire scolaire. Dépendante de sa grande sœur universitaire, celle-ci est de
deuxième main. Pourtant, dans un pays où tous les citoyens passent par les bancs
de l’école, elle a une diffusion et un impact bien plus importants que son aînée !
Eugene Delacroix, 1830. La Liberte guidant le peuple,
huile sur toile, 260 x 325 cm, Musee du Louvre, Paris
Or, et c’est l’objet de ce livre, elle possède une logique
bien à elle, inscrite directement dans les volontés du
politique. Elle est l’histoire formatrice du peuple, celle du
«roman national». Sous la direction de Laurence de Cock
et d’Emmanuelle Picard, un ensemble d’auteurs se sont
attelés à l’étude de sa «fabrication».
Le livre s’ouvre par une préface de Suzanne Citron, parrainage significatif car il s’agit d’une des personnalités les
plus dynamiques de l’étude de l’institution scolaire. Elle
montre que les sujets et la façon d’enseigner ont permis
de construire un véritable «mythe national». Utilisant la
chronologie comme un appui pour convaincre les élèves
du destin inéluctable de la France, les tenants de l’institution ont écarté tous les contenus nuisibles à la
croyance en l’homogénéité de la nation, en particulier
dans l’enseignement du fait colonial. Quant à l’enseignement magistral, il faisait infuser ces vérités à l’intérieur de
son public. Elle rappelle aussi les prises de positions de
Nicolas Sarkozy et de son maître à écrire, Henri Guaino,
contre la «pensée 68» et les repentances du discours. Tous
deux se rangent du côté d’une histoire conservatrice,
faussement identitaire, où la célébration du patrimoine
permet d’insister, à l’intérieur de l’espace public, sur les
continuités et non sur les conflits.
Construction d’un creuset national
Dans l’avant-propos, les deux directrices de l’ouvrage
explicitent leurs intentions. Parce que les lois mémorielles
(voir ci-dessous) ont bouleversé les pratiques historien-
nes, il fallait faire le point sur les ressorts de l’histoire à
l’école. Celle-ci doit-elle, et peut-elle, avoir pour finalité
la réalisation du creuset français, destiné à intégrer le
citoyen anonyme au destin de la nation ? Par ses choix et sa
mise en forme des événements, elle est une écriture mémorielle : elle crée l’image qu’une société veut laisser
d’elle-même. Elle est le résultat d’une construction, d’une
fabrique où différents acteurs interviennent, de l’éditeur
de manuel à l’Inspecteur général, du ministre à l’enseignant.
Cette édification d’une histoire nationalo-patriotique
s’affirme avec la IIIe République qui magnifie les grands
hommes et les grands événements et qui élabore une
vision romancée du passé, un «roman national» ! Mais,
constatent-elles, l’irruption des mémoires piétinées des
catégories de population définies comme mineures, la
demande de reconnaissance de communautés issues de
l’aventure coloniale ont mis à mal une vision progressiste
et lénifiante du passé : la nation ne marche pas de pair
avec l’effet de civilisation qu’elle revendique. La belle fable
enseignée à l’école ne peut plus faire illusion et l’histoire
consensuelle construite autour de la patrimonialisation
ne peut plus satisfaire les exigences de ceux qui attendent
une version plus juste et plus précise de leur propre
histoire.
privilégier le débat et la conflictualité
des interprétations. Gageure difficile
à réaliser sans une re-visitation des
programmes, sans une volonté d’insister sur le doute et le débat. Gageure
dans une institution qui non seulement fait descendre la science
universitaire vers les élèves, mais qui
veille à ce que l’autorité administrative soit bien assise sur les enseignants,
alors même qu’une grande partie de
leurs directions critiques s’appuient
sur un savoir académique !
RENÉ DIAZ
Réintroduire le doute
Pour parvenir à comprendre la «fabrique scolaire» quatre
grands thèmes sont choisis. Le premier s’attarde sur le
cadre réglementaire : la fixation des programmes est
évidemment un enjeu primordial et l’on voit Georges
Pompidou, président, les infléchir dans un sens conservateur. La prééminence du temps présent est dangereuse
car elle contrevient à l’étude du passé comme moyen de
distanciation du vécu des élèves.
Le deuxième thème s’intéresse aux acteurs oubliés et
maltraités de l’histoire, qu’ils s’agissent des poilus de 14,
dont l’histoire, écrite par d’autres, témoigne mal de leurs
sentiments, ou celle des colonisés qui disparaissent
derrière les représentations françaises du monde colonial.
Le troisième thème s’occupe des enjeux mémoriels et des
difficultés à construire, par une histoire partagée, un bien
commun à toutes les composantes de la société. Le dernier
thème passe au crible la construction du «roman national»
au travers de l’étude de la Révolution Française et de celui
d’une autre histoire nationale, celle de la Suisse.
Au fond, pour parvenir à un compromis satisfaisant dans
l’enseignement de ces histoires plurielles, il faudrait
Le concept de lois mémorielles désigne les lois Gayssot (1990, interdisant
le négationnisme) et Taubira (2001 :«Les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite
négrière et à l’esclavage la place conséquente qu’ils méritent»), ainsi que la
loi sur la reconnaissance du génocide arménien (2001) et celle sur l’existence
des «aspects positifs» de la colonisation.
La Fabrique scolaire de l’histoire
Laurence de Cock,
Emmanuelle Picard
éd Agone 2009, 16 euros
Celle-ci prescrivait en 2005 : «Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique
du Nord». Cet alinéa a été abrogé par le Conseil constitutionnel en 2006, mais
l’article 1 subsiste : «La Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux
hommes qui ont participé à l’œuvre accomplie par la France dans les anciens
départements français d’Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que
dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française.»
Bruno Étienne,
un lien entre orient
et occident
Le 4 mars, à Aix-en-Provence, disparaissait Bruno Étienne. Pour qui fréquente
les rivages méditerranéens voilà une
grande perte ! Figure emblématique du
dialogue entre les deux rives, il a tissé,
autour de sa personnalité et de ses
travaux, des liens porteurs d’un avenir
meilleur. Surtout, il a été le défenseur
des minorités et avant tout de celles de
la religion, un combat mené avec engagement et discernement. Il permit ainsi
un autre regard sur les déclassés des périphéries urbaines, montrant que leur
présence n’était pas un corps étranger,
mais bien une composante de la nation
française.
Né en 1937 en Isère, il atterrit, à la suite
des obligations de son père militaire,
au lycée Thiers où il fait ses études avant
de rejoindre la faculté d’Aix-en-Provence.
Le reste de sa formation éclaire -ou
réfléchit, c’est selon- ses engagements
futurs. Il fréquente l’institut des langues
à Tunis, y apprend l’arabe avant de revenir à Aix, à l’Institut d’Etudes Politiques.
À Alger, au Caire, à Casablanca, Bruno
Etienne trouve de quoi nourrir sa réflexion sur l’islam et la religion. Son
analyse de L’Islam radical permet une
meilleure compréhension du monde
musulman et de ses aspects politico-
sociaux. De même, ses Abd El-Kader révèlent les dimensions de cette personnalité
exceptionnelle, à la fois guerrier, homme
d’État, mystique, Franc-maçon…
La religion l’intéressait, en tant que
promesse d’une bonification de l’être.
Agrégé de Sciences Politiques, chercheur
au CNRS puis professeur à l’IEP d’Aix, il
a fondé en 1985 l’Observatoire du Religieux dont il assumait la direction.
Enseignant internationalement reconnu,
écrivain prolixe -25 ouvrages-, il participe à l’aventure de La Pensée de Midi,
dont il est cofondateur. Homme de débat, homme engagé, il était aussi
Franc-maçon. On l’aura deviné, c’est la
spiritualité, le goût de l’échange qui
l’animaient et non l’aspect «plus fraternel entre soi qu’avec les autres» dans
lequel elle tombe parfois, et qu’il a
abondamment critiqué.
Un homme qui ne laissait pas indifférent, et contribua à la compréhension
entre les peuples.
RENÉ DIAZ
Hommage à Bruno Etienne le 26 nov
à 17h à l’Hôtel de Région. Rencontres
organisées avec l’association
des Amis de Bruno Etienne, l’INA,
les Rencontres d’Averroès
et la Région PACA.
Quelques clés efficientes
La revue a décidé de republier, dans un hors-série,
les écrits que lui avait confiés son co-fondateur
Bruno Etienne. L’initiative est d’abord un hommage,
mérité, à une grande figure intellectuelle. Bien sûr
les aficionados possèdent déjà ces écrits, mais on
aurait tort d’en négliger la lecture : ici leur cohérence, leur logique saute aux yeux.
Ce personnage aux multiples facettes, aux hétérogènes préoccupations, apparaît dans son trajet
et permet de mesurer le cheminement des idées.
On y retrouve ses engagements, ses convictions
mais surtout on effectue un bon en arrière salutaire. Prolixe, Bruno Etienne est à l’origine de pensées
qui sont devenues des évidences. On redécouvrira
avec plaisir leur source et elles pourront nourrir,
de nouveau, des réflexions essentielles sur l’islam,
sur les questions mémorielles, sur la politique. La
revue a, avec raison, choisi de commencer par les racines du personnage. Les propos
semblent anciens, édulcorés par la diffusion. Mais à y bien réfléchir, la spécificité de
la culture locale reste certainement une clé d’analyse indispensable, un peu oubliée,
pour notre société : vue d’en bas, du Sud.
R.D.
Bruno Etienne, sur les chemins de la pensée de midi…
La Pensée de midi, Actes Sud
74
SCIENCES
ASTRONOMIE
Eh oui ! Ça devait être
écrit ! Nostradamus
l’avait-il prédit ?
2009 devait être l’année
mondiale de l’astro…
nomie. Sans doute
conjonction de deux
zéros tout neufs…
numérologie oblige !
2009 odyssée de l’espace
L’astronomie, une science vieille comme… la science.
Les étoiles nous questionnent de mille feux depuis
des milliards d’ères. Elles sont là, immuables et
mouvantes, et depuis l’aube des temps rythment
les activités humaines, les guident fidèlement.
Depuis toujours nous cherchons à comprendre cette
fidélité qui nous fait les retrouver périodiquement
à la même place alors qu’autour de nous et en nous
tout change tellement. Ces piqûres célestes envoûtent l’humanité car elles sont des images d’éternité
dans l’infini mouvement du monde. Les astroNOMES
rêvent de comprendre les étoiles. Écrire et décrire
le plus rigoureusement possible les positions et
mouvements relatifs des astres est la plus belle
façon de déclarer sa flamme à cette éternelle et
lumineuse fidélité. Le rêve du scientifique est de
découvrir dans l’infinité de l’univers un nouveau
Où va se
loger l’astre
© Tonkin prod.
corps stellaire, s’amouracher de sa danse, la situer
pour mieux la retrouver, en posséder la virginale
primeur. Connaître le spectre du rayonnement de
l’astre choisi pour estimer son intime nature, s’appesantir sur son espace gravitationnel, tel est le
fantasme, la quête du Graal de l’astronome. Le désir
d’immortalité, parfois d’exclusivité, le pousse jusqu’à
donner son nom à l’objet de ses célestes vœux…
Parmi ces milliards de milliards d’objets, le scientifique tisse un lien privilégié avec un ou quelques
objets spécifiques, et la connaissance qu’il en donne
à la société lui est témoin de cette alliance. Audelà de sa dimension poétique, l’astronomie interroge
essentiellement la situation de l’humanité, et plus
largement du vivant dans l’univers, en son sens philosophique et cognitif. La découverte et l’étude des
exoplanètes éclaire d’un jour nouveau notre conscience de ce qu’est la planète Terre.
Des astres au logis ciel
Le premier acte astronomique fut de déterminer
certaines «figures» stables de la voûte céleste sous
forme de constellations reconnaissables (cum stelle :
ensemble d’étoiles). Un système bien commode pour
la navigation ou pour rythmer la vie agraire. Il est
évident que le nombre des astres que les humains
ont associés arbitrairement en constellations est
totalement négligeable au regard de la multitude des
corps astraux.
L’astroLOGIE consiste à associer à ce premier arbitraire un deuxième arbitraire, sous forme d’une
causalité sociale ou psychologique quelconque.
Prenons un exemple trivial. Rien ne m’interdit d’associer des objets familiers. Un balai, la pelle et une
multitude de grains de poussière. Il existe un lien
pratique de causalité entre eux. Maintenant, que
dira-t-on si j’affirme que la conjonction de ces trois
objets opère une forte répulsion sur ma psyché ? On
dira que je n’aime pas balayer et que je cherche
tous les prétextes pour ne pas le faire. Mais si je
préconise, en tant que gourou, que cette conjonction, ascendant plumeau, est totalement néfaste à
la secte des mâles dominants, un certain nombre
de machos fainéants adhéreront à cette croyance et
tenteront à toute force de la renforcer en la servant.
Car l’humanité est ainsi faite que le désir de puissance et de pouvoir l’emporte sur l’amour du libre
savoir.
Désastre
L’astronomie découvre la réalité pour émanciper
l’Autre en sa pratique ; tandis que l’astrologie imagine un réel pour en posséder le pouvoir occulte,
et l’exercer sur la pratique de l’Autre.
YVES BERCHADSKY
2009, année de l’astronomie
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1
°
N
20 ans
de droits
de l’enfant
[N °
UN]
LA CONVENTION DES DROITS DE L’ENFANT
ÉVÉNEMENT
III
La convention
des Droits de l’enfant :
20 ans après où en est-on ?
Mortalité infantile en
hausse, malnutrition,
épidémies, travail des
enfants, exploitation
sexuelle, enrôlement
dans les conflits
armés… En France
où en est-on ?
En 1989, 30 ans après la 1re Déclaration de leurs Droits, était signée la
Convention Internationale des
droits de l’enfant, la CIDE qui revendique les droits à la santé, l’éducation,
l’identité, la protection contre l’exploitation sexuelle et armée. Le tout sans
discrimination de race, de couleur, de
sexe, de langue ou de religion. Où en
est-on aujourd’hui ?
9 millions d’enfants meurent encore
chaque année avant l’âge de 5 ans. De
faim, de maladies, de violences. La
mortalité maternelle est de 210 décès
pour 100000 naissances dans certains
pays, le taux global est de 84 en Asie
du sud-est et en Afrique subsaharienne, alors qu’il est de 9 en Europe.
Sans leur mère les enfants sont encore
plus en danger, et la réduction de ce
taux est l’un des objectifs primordiaux
de l’Unicef.
En France les enfants sont nettement
mieux protégés, mais la situation ne va
pas en s’améliorant. On déplore plus
de 2 millions d’enfants pauvres, chiffre
en hausse… Les conséquences sur la
scolarité et la santé sont dramatiques
et l’Unicef souligne la discrimination dont
souffrent toujours les jeunes des
banlieues, la situation alarmante des
mineurs étrangers et le recours excessif aux mesures de répression ! Pourtant
une loi sur la protection de l’enfance a
été signée en mars 2007 et un poste
de Défenseure du Droit des enfants,
créé en 2000, est actuellement occupé par Dominique Versini. Or le 15
septembre, on apprenait qu’un projet
de loi avait été déposé pour supprimer
ce poste et le remplacer par un poste
plus général sur les Droits tout court.
Cette décision va à l’encontre du projet
initial. En effet, il a été constaté que
10% des saisines étaient adressées directement par les adolescents en
difficulté parce qu’ils se sentent
concernés par l’appelation «Droit des
enfants». Espérons que l’État révisera
sa copie d’ici 2012, date à laquelle la
France repassera devant le Comité
spécial qui juge des progrès des États
dans le respect des Droits des enfants.
Fête et culture
Pour fêter néanmoins les 20 ans de la
CIDE l’Unicef, associé à la fondation
Hermès, a lancé une vaste opération
destinée à promouvoir les droits de
l’enfant chez les 2 millions d’écoliers
français : les élèves de primaire sont
invités à travailler autour de thèmes à
l’aide de mallettes pédagogiques, puis
à fabriquer des figurines de couleur, et
Couleurs Cactus-Muriel Giambino
à récolter des fonds le 20 novembre
lors de la Fête de la Couleur. Les fonds
recueillis seront cette année destinés à
la scolarisation au Bangladesh.
À Marseille l’association Couleurs
Cactus a lancé la 3e édition de 1, 2,
3... soleil ! qui se déroule jusqu’au 22
décembre : photos et films, peintures,
expositions réparties dans le centreville, pour les enfants, leurs parents,
leurs éducateurs. Avec en particulier
les expositions de Pierre Gondard et
André Parra au restaurant Un Tout
Petit Monde, des films sur la condition des enfants du 18 au 20 novembre
à la Cité des associations, et un
lâcher de ballons le 21 novembre au
Parc Borély.
CHRIS BOURGUE
www.unicef.fr
Cécile Silvestri a créé Couleurs Cactus avec quelques bénévoles aussi soucieux qu’elle
de l’accès des enfants défavorisés à la culture. Elle travaille avec L’Unicef et le collectif
d’artistes Les Têtes de l’Art.
Zibeline : Comment est venue l’idée
de cette association ?
Cécile Silvestri : J’étais dans le
domaine de l’éducation populaire, je
pratiquais la photo et j’étais
amoureuse de l’Afrique. Je me suis dit
que je devais réunir ces pôles
d’intérêt et je me suis lancée ! Mon
but : accompagner tous les publics
vers la culture avec l’aide d’autres
femmes, et de quelques hommes...
Pourquoi le nom de Couleurs Cactus ?
Parce que le cactus, ça pique, ça
résiste dans un désert, et couleurs,
au pluriel, pour mélanger les genres,
les cultures.
Vos actions durant l’année ?
Nous sommes prestataires de service
pour des projets autour du cinéma
africain, des réalisations de clips avec
des publics en très grande difficulté.
Nous travaillons avec les centres de
loisirs autour du livre, de la lecture, de
la vidéo.
C.B.
1,2,3...soleil !
jusqu’au 22 décembre
06 60 39 65 54
Couleurs Cactus
Fête
tes droits
Déambulations, ateliers, spectacles,
jeux et animations au menu de la 8e
Fête tes droits marquée cette année
par le 20e anniversaire de la Convention Internationale des droits de l’enfant.
Mercredi 25 novembre de 9h à 17h à
l’Hôtel du Département à Marseille.
www.cg13.fr/solidarites/petiteenfance/actualites
Afrique,
le droit
à
l’enfance
Malgré l’existence de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant,
la situation de nombreux jeunes africains est préoccupante. À l’occasion
de la parution aux éditions Le Sablier
du livre-disque documentaire Afrique,
le droit de l’enfance, la Fondation
Blachère propose à Apt, vendredi 20
novembre à 18h, une rencontre avec
les auteurs Jessica Nliba et Didier
Reuss, l’illustratrice Emily Nudd-Mitchell
et la comédienne Catherine Alias. 1 euro
sera reversé à l’Unicef sur chaque
vente.
www.lesablier-editions.com
IV
ÉDUCATION
LATERNA MAGICA | DESSIN POUR LA PAIX
Magie du bricolage
Du 2 au 24 décembre se déroulera la
6e édition de Laterna Magica imaginée
par Fotokino. L’invité d’honneur, Isidro
Ferrer, dont le travail rend hommage
aux mouvements Surréaliste, Dada et
Bauhaus, donnera le ton d’une édition
vantant les vertus du bricolage. Dans
de nombreux ateliers disséminés dans
la ville, les enfants pourront découper,
coller, assembler, et faire naître des
images par transparence… redécouvrant ainsi le principe du cinéma, qui
reste l’essentiel de la programmation
de Fotokino, entre expos et rencontres
professionnelles.
Plus de 40 films, courts et longs, dans
cinq salles : des historiques comme La
Lanterne magique de Georges Méliès
(1903) et Le Dirigeable volé du Méliès
Tchèque, Karel Zeman ; d’un autre
Tchèque, Jiri Barta, une avant-première : Drôle de
grenier où des objets oubliés dans un grenier se
réinventent une nouvelle vie. Autre avant-première,
Kerity la maison des contes de Rebecca Dautremer,
un film autour de la magie de la lecture.
De la musique également avec un ciné concert, et
Pulcinella qui propose l’intégrale des adaptations en
papiers découpés d’Emmanuele Luzzati et Giano
Gianini, consacrées aux opéras de Rossini ; magie
du papier que l’on retrouvera avec Folklore restaurant,
Bardine. Et en avant- première Kérity,
la maison des contes de Rebecca
Dautremer.
Dans le cadre de Cinéma(s) d’Algérie
en partenariat avec Aflam, Brahim
Tsaki présentera deux de ses films :
Les Enfants du vent, trois volets sur
l’enfance algérienne contemporaine
et Histoire d’une rencontre, celle
d’une fille et d’un garçon, sourdsmuets, que tout séparait… Enfin un
hommage sera rendu à Paul Carpita,
avec la projection de trois de ses
courts-métrages, Des Lapins dans la
tête, La Grenouille et Graines au vent.
Une programmation qui ne sent pas
le bricolé !
ANNIE GAVA
Drôle de grenier de Jiri Barta
un film inédit en France réalisé en papier japonais de
Tomoko Ogushi, où un bûcheron curieux fait de
drôles de rencontres dans les bois.
Le 13 décembre, de 10h à 19h, petits et grands
pourront passer une journée entière à l’Alhambra
CinéMarseille entre jeux, ateliers, lectures et
projections, plongés dans une magie de chiffon : trois
films d’animation où boutons, fil à coudre prennent
vie, Le Nœud au mouchoir et Deux pelotes de laine
de Hermina Tyrlova suivi de La Nounou de Garri
Laterna Magica
Fotokino
09 50 38 41 68
http://fotokino.org
Images de Paix en liberté
Dans le cadre des actions en direction des jeunes, la
Région a invité plus de 300 lycéens et apprentis de
PACA à découvrir l’exposition Dessine-moi la paix en
Méditerranée (voir Zib’23) et à participer à une rencontre-débat sur la liberté d’expression réunissant
plusieurs dessinateurs méditerranéens : Jean Plantu
(France), Dilem (Algérie), Boukhari (Palestine),
Kichka (Israël), Ramize Erer (Turquie), Stavro (Liban),
Bahgory (Egypte), Caro, une femme!, (Suisse) et
Red (France).
Rappelant qu’il y a «une manière de contourner les
interdits», Plantu insiste sur l’importance du media
Prix de la Tolérance-Cheze Philémon du Lycée Golf Hotel à Hyéres
comme porteur du message, et du lectorat, en fonction
duquel on le module. Kichka affirme que «la liberté d’expression n’est pas acquise» et que «ce qui nous menace
c’est autant l’intolérance que le politiquement correct» ; ainsi faut-il lire la presse internationale et ne pas se
contenter de certains sites qui «digèrent» l’information en amont.
Le concours de dessins s’est déroulé après le déjeuner offert par la Région. Chaque élève a disposé de feuilles
de papier machine format A4, d’un crayon, de marqueurs pointes fines et pointes épaisses dans 4 couleurs
(noir, bleu, vert et rouge). Réalisation du dessin en 1h30 !
Lise et Quentin, élèves de terminale littéraire option arts plastiques du Lycée Alexandra-David Niel de Digne
ont obtenu le Prix du message et de la créativité. Le Lycée professionnel Golf Hôtel de Hyères a vu 4 de
ses élèves en graphisme récompensés, Leslie, Philémon et Arthur (graphisme, tolérance et humour) ; et le
Grand Prix a été décerné à Luc Jorda qui nous a confié : «Je ne m’y attendais absolument pas. Je m’y suis mis
10 mn avant la fin et je n’ai pas fait un dessin sur la Paix. C’est vrai que je dessine depuis que je suis tout petit.
Je voudrais rentrer à l’école d’Angoulème.» Gageons qu’il a toutes ses chances !
CHRIS BOURGUE
Conférence, débat et concours se sont déroulés le 15 octobre à l’Hôtel de Région.
www.cartooningforpeace.org
Prix de la créativité-Quentin Desideri du lycée Alexandra David-Neel à Digne
Le Grand PrixLuc Jorda
du Lycée Golf Hotel
à Hyères
ORCHESTRE RÉGIONAL DE CANNES | BALLET D’EUROPE
ÉDUCATION
V
Sensibles à la musique
L’Orchestre régional de Cannes, en résidence à
Marseille, a proposé des répétitions publiques suivies
de concerts dans des quartiers et des établissements scolaires dits sensibles…
Diderot ORC répétition avec Robin Marzouk à la batterie © Yves Bergé
À l’initiative de la Région ProvenceAlpes-Côte d’Azur et du Rectorat de
l’Académie d’Aix Marseille, ce projet
ambitieux permet aux élèves, depuis
plusieurs années, de découvrir la
musique symphonique au travers de
l’expérience irremplaçable de l’écoute
d’un orchestre.
Ils sont préparés aux concerts par
leurs professeurs d’éducation musicale
lors de séances pédagogiques, d’écoutes, d’analyse de partitions, et cette
année un dvd sur Mozart et Copland :
des clés pour une perception active,
qui pose pour chacun des jalons de
reconnaissance. Les élèves se sont
ensuite retrouvés à Cannes, pour une
visite du Palais des Festivals, une
rencontre avec l’Orchestre régional et
Peter Madan, chef invité : des répétitions émouvantes, qui permettent elles
aussi de comprendre comment la musique se fait, avant les concerts dans
les établissements.
Car au cinéma L’Alhambra à SaintHenri, des enfants de centres aérés ont
assisté à un très beau concert Mozart
et Rossini par les élèves du CNIPAL
(Centre National d’Insertion Professionnelle des Artistes Lyriques). Puis au
Lycée Diderot, à la Rose, et Saint -Exupéry, à Saint Louis, deux concerts
symphoniques remarquables ont été
offerts aux élèves.
Le plaisir est là
Dans des gymnases transformés en
salles de concert grâce au soutien de
la Régie culturelle régionale, des
jeunes ont écouté de la musique
classique avec émerveillement, entre
des parents étonnés par la qualité du
spectacle, des élus enchantés, des
proviseurs et enseignants fiers de leur
établissement. Entre le final fugué,
magnifique, de la 41e symphonie de
Mozart, dirigé avec fougue par Peter
Madan, et le lyrisme d’Appalachian
Spring de Copland, un élève batteur
s’est mêlé avec joie au swing du
concerto brandebourgeois n°3 de Bach
alors que d’autres, engagés dans un
projet d’écriture slam, étaient très
émus de pouvoir déclamer leurs textes,
accompagnés par la mélancolique
Sérénade d’Elgar et l’Aria de Bach, si
planante : des lectures posées et très
touchantes.
Tous ces jeunes, encadrés par leurs
professeurs, ont montré beaucoup de
talent et de sensibilité, loin des
caricatures de groupes qu’ils proposent souvent au regard des adultes ou
des étrangers à ces quartiers sensibles… Chacun, partenaire, élève,
enseignant sort grandi d’une telle
aventure de démocratisation, qui prône
une culture sans frontières, mais sans
démagogie, exigeant un réel travail
d’appropriation des élèves.
YVES BERGÉ
Le corps et la langue
En 2003 Jean-Charles Gil a fondé le Ballet d’Europe, compagnie permanente de
12 danseurs, installée à Marseille puis à Allauch, dans une ancienne usine EDF.
Depuis il a créé une dizaine de chorégraphies : il recherche une esthétique
sensible mêlant expression classique et contemporaine. Parallèlement il
s’intéresse à l’insertion des jeunes danseurs et à leur reconversion professionnelle
à l’intérieur d’un projet européen qu’il a initié.
Mais son souci permanent de communiquer aux autres sa passion va plus loin. Il
ouvre les répétitions au public et tisse des liens avec les scolaires. Le projet Les
mots dansés s’est mis en place suite à la demande de Cécile Vona, enseignante
en classe ENAF (Enfants Nouvellement Arrivés en France) du collège Jules Ferry
à Marseille (13005). Avec Bénédicte Raffin, chorégraphe et enseignante, elles
ont cherché comment la danse pouvait permettre l’intégration des enfants
étrangers et leur apprentissage de la langue. Bâti sur deux ans le projet doit
déboucher sur une création présentant des fragments d’histoires, un univers
sonore dû à Philippe Deschepper et à la collaboration des parents porteurs de
leurs cultures, tout cela avec 20 heures d’ateliers hors-temps scolaire.
Autres projets : Danse avec moi s’adresse aux jeunes déficients intellectuels de
l’IME La Parade pour développer le sens du partage et apprivoiser les regards ; les
sections arts danse du Lycée Saint-Charles de Marseille profitent de l’intervention
du danseur-tuteur, Christophe Roméro, qui se dit «confiant et optimiste».
Transformer la danse à technique classique, art élitiste venu de la Cour et de la
contrainte, en vecteur de parole et de partage n’est pas le dernier paradoxe d’un
Ballet extrêmement populaire !
CHRIS BOURGUE
Points de jonction
Jean-Charles Gil a dansé sur les plus grandes scènes
internationales les grands rôles du répertoire, avant de créer
son ballet et sa danse
Zibeline : Quel est le projet qui vous tient le plus à coeur ?
Jean-Charles Gil : La rencontre de tous les publics, faire que la danse ne soit pas
réservée aux seuls initiés, que les garçons dans les collèges ne disent plus : «La
danse c’est pas pour nous !». Choisir le bon geste pour être compris de tous et
rester modeste.
Vous revenez d’une tournée au Maroc. Quels souvenirs en ramenez-vous ?
Les jeunes marocains sont très demandeurs et nous avons proposé des
répétitions publiques, des ateliers à des danseurs de hip hop. Il y a eu de vraies
rencontres dans 4 villes : Meknes, Agadir, Marrakech et Tanger.
Un élan pour 2013 ?
Je voudrais apporter encore plus à ce public que j’aime, joindre les rives, de
Marseille au Maroc et au Liban, et explorer plus avant les thèmes de la femme,
l’eau, la Méditerranée. C’est Éric Orsenna qui écrira l’argument du ballet : il a
travaillé sur l’eau, et la ponctuation fait déjà danser son discours…
C.B.
Jean-Charles Gil © X-D.R
VI
SCIENCES
FÊTE DE LA SCIENCE
Tournicompti, fulmicoton ! Zdoiiing !
Votre Zibulon techno-scient fait un saut dans le cahier jeunesse pour vous
enchanter du grand manège festif 2009 de la science
Hep ! hep ! hep ! La jeunesse !
À la tête de l’ensemble The Evolution Orchestra, l’incomparable Charly Darwin mènera grand bal aux
étoiles. Le brillant Galileo Galilei du groupe Astronomic’s
Years portera aux nues les plus riches rythmes spatiotemporels de la fête. Ça va donner dans la rock’n’roll
evolution au Galaxy club dans la semaine du 16 au 22
novembre !
Impossible de rendre compte de toutes les manifestations qui graviteront au ciel de cette fête.
Vous trouverez le programme exhaustif sur : www.drrtpaca.com et www.fetedelascience.fr
Moi, au carrousel des étoiles, je vous invite à cueillir
quelques jolis flirts.
Physiciennes
Du 17 au 19 novembre au CRDP (31 bd d’Athènes Marseille 13001), de 10h à 18h. Exposition Physique
de femmes, dans laquelle 15 physiciennes témoignent de leurs travaux de recherche et de leurs
parcours professionnels. Laurence, Valérie, Vanina et
Louisa, entre autres, évoquent leurs métiers, leurs
choix en matière d’orientation scolaire et, parfois, les
stratégies de conciliations entre impératifs professionnels et personnels. On y découvre des métiers
scientifiques accessibles après des filières d’études
courtes, la place des savoir-faire techniques et de
leurs transmissions, «des travaux de paillasse» ou de
terrain.
Astronomes
L’exposition sur l’astronomie Provence-Alpes-Côte
d’Azur, un balcon sur les étoiles, organisée par la
Région PACA en collaboration avec l’Observatoire
Astronomique de Marseille-Provence (OAMP), ouvre
les portes du ciel de Provence en même temps que
celles de l’Hôtel de Région. Dans ce cadre, la conférence
Les premières galaxies, présentée le 20 novembre
à 18h30 par Olivier Le Fèvre, directeur du Laboratoire
d’astrophysique de Marseille, apportera ses lumières
sur la manière dont les galaxies de plusieurs milliards
d’étoiles comme la nôtre, la Voie Lactée, se sont formées. Grande question de l’astrophysique moderne,
liée à la question de nos origines ! Les simulations
numériques sur ordinateur donnent des indices sur
des scénarii possibles, mais la compréhension de
cette phase critique dans la vie de l’univers passe
nécessairement par des observations concrètes. Des
moyens considérables sont déployés pour voir directement l’assemblage de ces premières galaxies et de
nouveaux télescopes vont bientôt être mis en service.
cinéscience Papillons (& autres petites bêtes…) en
partenariat avec le cinéma Les Lumières. Le 21
novembre à 16h et 17h30 à la médiathèque de
l’Alcazar/BMVR Marseille, un cinéscience Astrociné
dans le cadre de l’année mondiale de l’astronomie
2009.
Explorateurs
Et pour les aventuriers et les conquérants de l’inutile:
avis à tous les chasseurs de trésor ! Partez à la
recherche du parchemin disparu et découvrez le
mystère de la Spirale ! Il s’agit de la première grande
chasse au trésor organisée par les Observatoires
de Provence et de Côte d’Azur. Elle est destinée à
tous les habitants de PACA.
C’est une aventure inédite, offrant la possibilité de
découvrir ou re-découvrir la ville et le patrimoine
naturel sous un nouveau jour. Un carnet de route à la
main, en famille ou entre amis, les participants
passeront deux heures inoubliables à explorer les
espaces lointains et les temps reculés par des animations originales mêlant patrimoine, astuces et
étonnement. Ils récolteront des indices leur perCinéphiles
Dans les cadres conjugués de la Fête de la Science mettant de résoudre l’énigme finale et accéder au
et du Mois du Film Documentaire, l’association Polly trésor. Dans l’hyper centre de Marseille, tout autour
Maggoo programme diverses séances de films en de La Canebière, du Palais Longchamp jusqu’au
région PACA, en présence des cinéastes et de cher- Vieux Port, à pied ou en métro, les joueurs partiront
cheurs. Le 19 novembre à 20h à Vitrolles, un en quête d’indices sur les traces de Galilée et Darwin.
Les rencontres en cours de route seront nombreuses,
parfois insolites, et dans chaque lieu
d’étape, les joueurs pourront suivre le
La tempete © Cie Karnavires
fil de leur imagination, tester leur sens
de l’observation, déclencher des voix
étranges, et décrypter des messages
cachés. En suivant leur carnet de
route, ils récolteront ainsi des indices
leur permettant de résoudre l’énigme
et d’accéder au trésor.
Le 21 novembre. Départs de 13h30 à
15h30 au rez-de-chaussée du Centre
Bourse
Inscription gratuite, au préalable, sur le
site www.tresorpaca.fr, ou sur place le
jour même.
Remise des prix à 17h30 Espace
Bargemont – Mairie centrale.
Spectacle Nuit de Lumière à 18h30
par la compagnie Karnavires place
Bargemont.
Alors Zibeljeun’S, sois sympa et amène
tes parents faire la bringue scientifique! Faut un peu les sortir et tu verras
au rock des savoirs, ils peuvent sûrement t’apprendre des passes encore
assez acrobatiques.
YVES BERCHADSKY
PATRICE LAISNEY
RENCONTRE
VII
Vent debout
pour le PôleJeunePublic
Début 2010, le PôleJeunePublic
du Revest, dans le Var, soufflera
ses cinq bougies : l’âge de lever
la grand-voile vers Marseille
Provence 2013. Rencontre avec
son directeur Patrice Laisney à
l’aube de cet anniversaire
Depuis sa création en 2005, la météo est favorable
au PôleJeunePublic qui a accueilli 112 compagnies,
programmé 177 spectacles, reçu 100000 spectateurs dont 30900 l’an passé. Un succès qui n’est pas
monté à la tête de Patrice Laisney, directeur adjoint
de l’association Massalia à qui Toulon Provence
Méditerranée a confié la gestion du Pôle : «Je peaufine simplement une programmation à voir en famille
et ouverte à toutes les disciplines : théâtre, marionnettes, arts visuels, multimédia, danse, concerts,
ciné-concerts avec l’Opéra et Filmharmonia. Et je porte
une attention particulière aux écritures spécifiques pour
les crèches et les maternelles».
Si les spectacles sont pour la plupart accessibles à
tous, Patrice Laisney demande à toutes les compagnies de faire le pari d’une séance scolaire minimum
car, ainsi accompagnés, «les jeunes sont étonnés par
les formes artistiques et la parole qui les interroge».
Des jeunes et leurs familles qui viennent des douze
communes que compte le vaste territoire de TPM.
D’où la nécessité d’être sur le terrain et de partir à la
rencontre du public, la clef de la réussite étant dans
«les petites pierres apportées chaque saison et la
multiplication des projets».
Ainsi, en partenariat avec le Forum des musiques
actuelles organisé par Tandem, il propose au jeune
public de se familiariser aux nouvelles technologies
appliquées à la musique. Il participe également aux
1res Rencontres de la jeunesse de Toulon et aux
Rencontres artistiques méditerranéennes du Var
en qualité de programmateur. Pour la première fois,
il sera présent à la Fête du livre de Toulon autour
d’un vaste projet couleur slam (spectacles, showcases, contes, scènes ouvertes slam amateurs et
professionnels, ateliers d’écriture sur place), temps
fort de la saison 2009-2010 et préfiguration de la
Biennale 2011 baptisée «Qui sont les enfants du 21e
siècle ?». Manifestation qui alimentera à son tour
l’édition 2013… En attendant, l’équipe vient de mettre
la touche finale à son site Internet, «véritable vitrine du
Pôle», conçu comme un lien permanent avec le
public, les artistes, les compagnies et les
professionnels.
Compagnons et nouveau chantier
La compagnie Skappa ! est associée au Pôle depuis
ses premiers pas. «Une vraie fidélité» dont se réjouit
Patrice Laisney, «heureux et fier» de son Molière 2009
Pinocchio © X-D.R.
du meilleur spectacle jeune public pour sa création IN
1et 2. «Un spectacle pour la toute petite enfance qui
s’est construit ici, explique-t-il, qui a été écrit au Pôle
et a tourné dans les crèches de la communauté
d’agglomération Toulon Provence Méditerranée en
2008». Mais cette résidence est plus vaste encore
car Skappa ! s’est vu confier l’aménagement du hall
du théâtre, et a initié une rencontre professionnelle
avec le célèbre paysagiste Gilles Clément. Quant à
sa création 2010, 10 millions de Km2, elle se prépare
actuellement sur les hauteurs de Toulon…
Autres complicités avec Jean-Pierre Lescot, «l’un
des pionniers du théâtre d’ombres», et la compagnie
Clandestine qui bénéficie d’une mise en réseau pour
tourner à La Valette, La Garde et au Revest. Ou
encore la compagnie italienne Rodisio qui présentera en janvier Storia di una famiglia en V.O.
Au-delà de la programmation in situ et hors les murs,
le Pôle a entamé une réflexion sur l’accompagnement des jeunes qui, après les spectacles, leur
donnerait envie de poursuivre. La constitution de
classes Label 2013 à l’occasion de la future biennale,
en partenariat avec l’Éducation nationale, est à
l’étude : les élèves pourraient intégrer à leur cursus
scolaire, pendant trois ans, leurs parcours artistiques
et leurs pratiques culturelles… Un nouveau pari pour
le Pôle qui a réussi un parcours sans fautes.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Le Petit chaperon rouge © X-D.R
À venir au PôleJeunePublic
Chocobelou Abel (concert)
17, 18 et 21 novembre
Le Petit chaperon rouge (La Troupe de M. Tchoum)
25 novembre
Mon Pinocchio (Cie Phosphène / Jean-Pierre Lescot)
1er, 2, 5 et 6 décembre
Père U à la plage (Cie Loreleï)
15 et 16 décembre
C’est pas pareil ! (Cie Clandestine)
19 au 22 décembre
04 94 98 12 10
www.polejeunepublic.com
VIII
SPECTACLES CHÂTEAU-ARNOUX | STE-MAXIME | MÔMAIX
Trop t’aimes et t’abuses
NOs LIMITes. Spectacle chorégraphique entre danse
contemporaine, hip hop et capoeira. Une heure
d’alchimie composant, au creuset des souffrances,
sensualité et poésie. Aux limites des possibilités
humaines, les gestes extrêmes cherchent à
discipliner le mouvement d’un monde que l’injustice
et la discrimination envahissent. Une danse de
résistance de l’amour contre toutes les violences.
Un décor planté comme stalag, QHS, banlieue ou
psychose. Deux grilles parallèles barrent la scène
comme séparation des consciences. Une rampe aux
lumières scialytiques. Un tissu sonore croisé de lignes
mélodiques contemporaines, de pulsations sérielles…
un long cri. Des corps qui s’écorchent au pilori d’une
humanité malmenée, maltraitée, méprisée. Au détour
de l’écartèlement, de l’affrontement des peurs
réciproques, refleurissent les instants d’une infinie
tendresse. Renaissance de solidarités.
La chorégraphie de Martine Jaussen et Abdenamour Belalit met au service du sens de nos limites
les capacités extraordinaires des danseurs de la
compagnie Alexandra N’Possee. Il ne s’agit à aucun
moment d’une exhibition triviale de perfor-mances.
Les exploits physiques époustouflants s’ordonnent
comme des notes sur cette grille, qui fait portée
gestuelle à la symphonie des corps.
Il n’y a pas de limite non plus à l’enthousiasme du
Nos limites © Y. B.
public du Théâtre Durance de Château-Arnoux le 23
octobre. Soulignons d’ailleurs la qualité de l’accueil et
des conditions de représentation de ce théâtre.
NOs LIMITes non plus le lendemain au Carré Sainte Maxime, avec le même compliment.
YVES BERCHADSKY
Livre d’images
L’essentiel est invisible
Bien sûr que le spectacle d’Alwin Nikolais réjouit les enfants : c’est coloré, vif,
bien dansé, bourré d’animaux et de formes étranges, de couleurs primaires,
d’instants magiques. Sans narration, avec une simple alternance de tableaux
thématiques les danseurs, ou plutôt les effets visuels, parviennent à captiver
l’attention de tous et à tirer des cris de plaisir et d’admiration. Ce qui est toujours
bon à prendre pour la danse, surtout lorsque cela concerne neuf salles pleines au
Pavillon Noir ! Même si l’on regrette un peu, au bout du compte sans conte, que
rien ne soit raconté. Non qu’on ait forcément besoin d’histoire, mais parce qu’il
n’y a pas non plus beaucoup de danse, et encore moins de propos…. The Crystal
and the sphere est un peu comme des bulles de savon colorées qui passent :
jolies, très jolies même, mais il n’en reste rien lorsqu’elles ont éclaté. Dans les yeux
des enfants peut-être ?
Victoria Chaplin nous entraîne dans un monde qui semble ne connaître que les
limites infinies des songes. Animaux marins aux mouvements souples, comme
agités par la houle, formes étranges, surgies de nulle part, objets qui se
transforment en chevaux extraordinaires… poésie, lenteur, ombres qui s’animent…
le corps de l’artiste se contorsionne, se coule dans les formes les plus
improbables. Un coquillage se déploie en éventail, devient autre. Finesse, légèreté,
puissance aérienne du rêve… bestiaire onirique, chatoiement des formes et des
couleurs…
En contrepoint, d’un regard plus ironique, mutin, Jean-Baptiste Thierrée se joue
des codes, détourne les numéros convenus (la séquence jonglage est inénarrable!),
les effets attendus (bruitages inconLe Cirque invisible © Brigitte Enguerand
grus ou décalés à l’extrême pour
évoquer la chute d’objets farfelus),
s’attache au pastiche de tableaux
célèbres, brise les perspectives en des
retournements cocasses. Sa crinière
blanche échevelée s’anime. Étonné de
ses propres farces, il multiplie lapins et
canards sur scène. Et hop ! Les voici
tous qui viennent saluer… lesquels sont
vrais ? Bonheur de l’illusion… déjà la
fin? Le temps s’était suspendu, pour
notre émerveillement.
AGNES FRESCHEL
The Crystal and the Sphere a été joué du 15 au 17 oct dans le cadre de Mômaix
© Fred Hayes
MARYVONNE COLOMBANI
Le Cirque invisible s’est produit
au Grand théâtre de Provence
du 22 au 25 oct dans le cadre
de Mômaix
LE REVEST | MÔMAIX | LE GYMNASE
SPECTACLES
IX
Les tribulations des Têtes en l’air
Le Palais Nibo n’est pas un palais tout à fait comme
les autres, et ses pensionnaires non plus. Faut dire
qu’à défaut d’or et de vermeil, on y trouve de drôles
de zèbres ! Il y a bien sûr Monsieur Loyal qui tente de
contenir l’exubérance de sa troupe d’énergumènes
et la classique alternance de numéros de cirque et de
saynètes ubuesques. Tout cela mené sur un train
d’enfer car au Palais Nibo, parole de Monsieur Loyal,
«les numéros s’enchaînent comme des bêtes !». On
démarre avec un clin d’œil dans le rétroviseur de La
Piste aux Étoiles (que les moins 20 ans ne peuvent
pas connaître…) et l’on termine par un défilé de mode
bestial, toutes griffes dehors. Entre les deux, les
artistes jonglent de jeux de mots en jeux de malin, de
prouesses techniques en figures décalées. Il y a
même un acrobate qui fait le coup du striptease
devant un public médusé, mi-figue mi-raisin pour
cause de chères têtes blondes ! Heureusement,
Blanche-neige est là qui vient le rassurer, sauf qu’elle
se transforme en cracheuse de pomme déjantée sur
fond de riff rock’n roll. Le public n’est pas au bout de
ses surprises avec un mécanicien en salopette jaune
qui fait le tour de la terre sur son pneu, un escargot
goguenard qui n’a pas froid aux antennes malgré le
balancement de sa planche en bois. Deux Pierrots
lunaires qui défient les articulations de leurs corps
avec une souplesse toute féline tandis qu’une
«libellule» danse sur sa corde volante, aussi légère et
© Klair&Sebastien
gracieuse qu’une plume… Pas étonnant quand on
s’appelle Les Têtes en l’air et que la folie douce vous
donne des ailes dans le dos…
Le Palais Nibo et ses pensionnaires
a été joué sous chapiteau à Toulon
du 20 oct au 3 nov
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Peau d’Âne désenchantée
La nouvelle mise en scène de Caroline Ruiz,
fondatrice de l’école de théâtre Un Pied en coulisses,
n’a malheureusement pas tenu toutes ses promesses. Créée au Jeu de Paume à Aix, Peau d’âne
avait pourtant tous les atouts pour séduire : le conte
Peau d'Ane © X-D.R
de Charles Perrault, la musique de Michel Legrand,
l’ajout de scènes chorégraphiées, d’effets vidéo et de
tours de magie. Mais à trop prendre de liberté avec
l’histoire originelle et le texte, le spectacle traîne en
longueur (1h20 pour le jeune public, c’est long) et
vacille : faiblesse des voix chantées, comique de
situation outrancier, rythme en accordéon. Si l’idée
d’actualiser ce texte publié en 1694 pouvait faire
mouche, les ajouts de Basile Giambattista, Caroline
Ruiz et Julien Asselin n’évitent pas la familiarité : pas
besoin de s’exclamer «Mamzelle l’ânesse qui pue des
fesses!» pour s’attirer la sympathie des enfants…
Quant au deuxième acte qui entraîne Peau d’Âne devenue souillon- dans «un cabaret haut en couleur,
où les tours de magie sont fameux» plutôt que dans
une ferme, le résultat frise le ridicule, et la scène du
music-hall est interminable. On retiendra néanmoins
la justesse avec laquelle Caroline Ruiz évoque
l’hyménée incestueux, subtilement écrit par Perrault,
et les images poétiques projetées sur la longue robe
blanche de cette jeune vierge déchue sauvée par
l’amour d’un prince.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Peau d’Âne a été créé les 6 et 7 nov
au Jeu de Paume à Aix dans le cadre de Mômaix
À voir au théâtre de l’Eden à Sénas
les 26 et 27 nov (04 90 57 79 36)
et au théâtre Armand à Salon-de-Provence
du 1er au 11 déc (04 90 56 00 82).
Un Cardinal Rich
Le Diable Rouge, c’est le Cardinal Mazarin, magistralement interprété par le généreux Claude Rich. La
pièce évoque, souvent avec humour, les affaires
publiques et privées de Mazarin durant les dernières
années de la Régence, renvoyant aussi à l’actualité :
«Es-tu naïf, Colbert ? Crois-tu vraiment qu’on pourrait
gouverner avec des honnêtes gens ? Hélas ! Pour tenir
un pays, il faut aussi des fripons !». Même si certains
jeux de mots nous échappent, le texte d’Antoine
Rault nous aide à comprendre les enjeux du
pouvoir… Pour mettre fin à la guerre contre l’Espagne,
Louis XIV (Adrien Melin) doit épouser l’Infante
Marie-Thérèse, mais il est fou amoureux de la nièce
de son parrain, Marie Mancini (la pétillante Alexandra Ansidei). On aurait préféré un jeu moins appuyé
pour montrer leur amour. En revanche Anne d’Autriche,
tantôt cruelle, tantôt émouvante, est élégamment
interprétée par Béatrice Agenin. On peut regretter
que les spectateurs du balcon n’aient pu pleinement
profiter de la mise en scène superbe de Christophe
Lidon, et surtout des jeux de miroir… Après cette
soirée réussie au théâtre du Gymnase, la rencontre
improvisée avec les comédiens fut un moment fort
pour tous.
LEA CHATEL-DESHAYES, MARIEM DIANE, CELIA GBEKAN
ET REBECCA MARTIN élèves en 3e option découverte
professionnelle des métiers du spectacle
au Collège Thiers
X
SPECTACLES MASSALIA
Effroi boréal
Arty Show
En apprenant que le Buchinger’s Boot
Marionettes fomentait un spectacle
pour le jeune public, on aurait dû
se méfier. Un peu comme quand
on vous dit que Tim Burton
fait un film sur Noël… Leur
travail pour les enfants ressemble trait pour trait à ce
qu’ils proposent aux
adultes : un univers
onirique, plutôt côté
cauchemars,
dans un décor
d’où
surgissent
sans cesse,
des endroits
les plus inattendus,
dessus, dessous,
des murs et des trap© Mafalda da Camara
pes, toutes sortes de
créatures jamais totalement bénéfiques ; de très belles
marionnettes fantastiques, articulées ou non, de bois,
de chiffon et de fer, de toutes tailles, manipulées à vue
par des êtres dissimulés de blanc… Il faut dire que La
Puce de neige est un conte du pôle, tout y est neigeux,
même l’effroi. Peu importe qu’on comprenne mal
l’histoire ; que le montage sonore habile soit parfois
relayé par un pauvre synthé ; ou que la manipulation,
extrêmement complexe, ne soit pas parfaitement au
point : le spectacle, vu à la création, a de quoi se
bonifier comme un grand cru. Car lorsque le décor se
transforme en costume, la paroi neigeuse en corps
vivant qui s’en-fonce dans la glace, les gorges se serrent, l’effroi est là. Comme face à cet homme morse
qui se fabrique des glaces aux insectes, des cornets
à pattes. Les enfants n’en reviennent pas, et nourrissent leur imaginaire. Jusqu’au bal final des moustiques,
joyeux…
Avant l’ingénieux Wouaf ! art, personne n’aurait pu
imaginer que la gent canine pouvait conduire à la
peinture ! Exceptée Jeannette (irrésistible Guandaline Sagliocco), grande amatrice d’art et amie des
bêtes, scotchée à sa petite Fiona comme un fil à la
patte. D’ailleurs, ça tombe bien, cette douce folle
dingue érudite s’est lancée dans une conférence sur
l’histoire de l’art à travers… la place du chien ! Une
idée délirante venue du grand nord (le Sagliocco Ensemble est installé en Norvège) qui permet d’initier
le jeune public à quelques chefs-d’œuvre avec légèreté. Et drôlerie. On pouvait craindre le pire : monologue rasant, diaporamas poussiéreux, jargon
universitaire… Bien au contraire, Wouaf ! art est
rythmé, inventif et poétique, servi par une comédienne généreuse, un langage imagé, un fil sonore et
musical qui tombe à pic. De Vélasquez à Picasso, en
passant par Renoir, Seurat, Warhol ou Jeff Koons, la
conférence va très vite déborder du cadre et dériver
vers d’étranges rivages parsemés de gags, d’inventions visuelles et de bruitages, d’effets illusoires. Le
tempo est enlevé, millimétré même, pour que les
images, les objets et les mouvements composent un
«beau» tableau. Surréaliste quand les figures des Ménines disparaissent l’une après l’autre de l’écran, fauviste quand les félins sortent leurs crocs. Pas sûr que
les musées se l’arrachent car Wouaf ! art est difficile
à classer dans les réserves, sans projecteur et loin
de sa niche (euh, de la scène), au risque de japper
indéfiniment.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Wouaf ! art a été joué du 10 au 13 novembre
au Massalia
Wouaf ! Art © Jorn Steen
AGNES FRESCHEL
La Puce de neige a été créé
au Massalia du 3 au 6 novembre
Machine à tambour
Pour Camille et Lucie, la figlia et la madre, c’est dans
la salle de bains que ça palpite, le matin entre 7 et 8
ou le soir à la même heure. En sortir ou s’en sortir,
c’est le même problème à 15 ans ou à 40 en Italie ou
ailleurs ! La baignoire est si accueillante, protectrice
pour l’une ; inaccessible pour l’autre et justement
objet du désir légitime de s’y plonger un peu, pour
oublier peut-être que la vie est dure pour une femme
à mi-parcours. Lieu clos où l’on se met à nu, où le
miroir est un interlocuteur implacable, où le linge sale
peut se laver en famille. Bien trouvé, bravo Laura
(Forti / auteur), bravo Antonella (Amirante / metteur
en scène) ; transparent comme cette baignoireutérus et malin comme ce tuyau de douche avec
lequel on communique avec les disparus «pronto
mamma» ; pas innocente non plus la béance de la
machine à laver, entrée du labyrinthe où dort le
monstre, bocca de la verità. Parfaits, le décor aux
couleurs apaisées des années passées, les murs
seconde peau tatoués de visages aux grands yeux
Mère fille © X-D.R
sortis tout droit des dessins animés japonais... ou
s’effeuillent comme un carnet de croquis. Plus
convenus, les dialogues, comme si l’universel ne
pouvait être atteint que par ce que chacun dit, fait et
sait déjà… Rôde le spectre de la «mauvaise mère» qui
percute le démon familier de la préadolescente ! Trop
fade, trop «en creux» le jeu des actrices au tempo
hésitant qui s’attire néanmoins toute la sympathie du
spectateur, juste un peu déçu de s’être vu si pâle en
ce miroir.
MARIE-JO DHO
La compagnie Anteprima
a présenté Mère fille
au Massalia
du 20 au 24 octobre
MASSALIA | LE MERLAN | THÉÂTRE DU TÉTARD
Les riches heures de Massalia
Mon Pinocchio © Pascal Deboffle
En connivence avec l’Officina-atelier
de production qui organise le festival
Dansem, le Théâtre Massalia invite
le jeune public à la découverte de deux
univers chorégraphiques. Celui des
italiens Federico Tardito et Aldo Rendina qui ont en commun d’avoir
travaillé avec Anna Sagna et Raffaella
Giordano -artistes régulièrement
invités à Dansem- avant de fonder leur
propre compagnie Tardito Rendina, et
de créer le spectacle Cercle éclaté en
2004. Empruntant au cinéma muet
son voca-bulaire humoristique, Cercle
éclaté est une chorégraphie «où s’entrechoquent cirque, théâtre et danse pour
dire sim-plement avec beaucoup de
poésie toutes nos difficultés à être et à
vivre ensemble.» Et celui du duo dansé
OHM 1.2 de la compagnie 2b2b, invitation ludique, exploration étrange et
sonore signée Laurence Giner, metteur
en scène et en espace de corps, de
textes et de musiques. Le tout dans un
mobilier scénographique qui déclenche les samples… Puis le Théâtre
Massalia tire le rideau sur la danse pour
accueillir l’un des maîtres du théâtre
d’ombres, Jean-Pierre Lescot (également à l’affiche du PôleJeunePulic au
Revest, voir page VII) dans une interprétation toute personnelle de l’œuvre
de Carlo Collodi, Pinocchio. Grand
classique de la littérature, personnage
incontournable pour un marionnettiste,
monter Pinocchio a été pour Jean-Pierre
Lescot l’occasion de raconter l’histoire
d’un enfant pas comme les autres, un
enfant «sauvage» qui doit découvrir le
monde. Et de passer de l’ombre à la
lumière…
SPECTACLES
XI
Le Cercle éclaté
Compagnie Tardito Rendina
à partir de 12 ans
mardi 1er et mercredi 2 décembre
20h
OHM 1.2
Compagnie 2b2b
à partir de 10 ans
mardi 8 décembre
et mercredi 9 décembre 20h
Mon Pinocchio
Compagnie Les Phosphènes
à partir de 5 ans
samedi 12 décembre 15h et 20h,
dimanche 13
et mercredi 16 décembre 15h
Spectacles présentés
à la Friche Belle de Mai
www.theatremassalia.com
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Hip-hop, la rage au corps
Avec sa compagnie Grupo de Rua,
Bruno Beltrão séduit par sa curiosité
chorégraphique pour des zones non
répertoriées, entre hip-hop et danse
contemporaine, et par la rage des
corps à l’énergie électrique. Dans H3,
il multiplie les zones de contact, de
frottement et de crissement entre duos
et trios, et compose un spectacle sans
cesse recomposé, en mouvement
perpétuel. Si Le Merlan a succombé à
cette force venue du Brésil, amplifiée
par ses neuf interprètes, parions que le
public aussi, tout âge confondu.
M.G.-G.
H3
Bruno Beltrão
à partir de 12 ans
vendredi 4 décembre 20h30
Le Merlan
04 91 11 19 20
www.merlan.org
H3 Bruno Beltrao © Lucie Vangerven
Dans la roulotte
de Liouba…
P'tites formes pour p'tits bouts © X-D.R
De sa roulotte sort un p’tit bout de
femme venue d’ailleurs, Liouba, pétillante et colorée, grande voyageuse et
rêveuse. De ses découvertes, elle garde
quelques traces : poussière d’étoile,
bout d’arc-en-ciel ou grains de sable...
Quand la roulotte tourne et retourne en
tout sens, des univers poétiques jaillissent où se bousculent danse, objets,
tissus, musique. Des p’tites cartes
postales en mouvement créées par
la comédienne-danseuse Charlotte
Smither, des p’tites aventures partagées, des p’tites comptines racontées.
Et les bouts d’hommes en raffolent.
M.G.-G.
P’tites formes pour P’tits bouts
Compagnie Bout d’Ôm
de 18 mois à 5 ans
mercredi 2, samedi 5 et dimanche 6
décembre 15h
Théâtre du Tétard
04 91 47 39 93
XII
SPECTACLES
LE LENCHE | MÔMAIX
Menu de Noël
Les minots et marmaille du Panier, et d’ailleurs, seront les
bienvenus au théâtre car Le Lenche leur a mitonné un
menu de Noël pour cette fin d’année : spectacles de théâtre,
danse, musique et séances de cinéma. C’est la fête donc,
grâce au Théâtre du Maquis qui présente Une Opérette de
salle de bain, petit voyage initiatique dans une baignoire d’un
canard en plastique prénommé Archimède. Le hic, c’est qu’il
déteste l’eau : alors, comment fera-t-il pour échapper à son
destin ? Avec la complicité de Fotokino, le jeune public et
leurs familles pourront prendre part à la manifestation
Laterna Magica (voir page VI) qui, cette année, évoque le
bricolage, le détournement d’objets, le recyclage et autres
bidouillages de créateurs… Pour les tout petits, dès 11 mois,
la plasticienne et auteur Caroline Tricard raconte comment
J’ai marché sur le ciel à partir d’un jeu d’ombres et de
transparences : un spectacle sans paroles à découvrir
allongé pour mieux perdre pied dans des mondes inversés.
Les petits comme les grands retirent leurs chaussures, se
lovent par terre, un oreiller au creux de la nuque… Entre ciel
et terre, c’est parti !
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Minots, marmaille & compagnie
du 9 décembre au 23 janvier
Une Opérette de salle de bain, Théâtre du Maquis
à partir de 6 ans
mercredi 9 et samedi 12 décembre 15h au Lenche
Laterna Magica
projection mardi 15 décembre 18h30 au Lacydon
Une Operette de salle de bain © X-D.R.
J’ai marché sur le ciel, Cie Anamorphose
à partir de 11 mois
samedi 19 décembre 14h30 et 16h30 au Lenche
Théâtre Le Lenche
04 91 91 52 22
www.theatredelenche.info
Zut pour de vrai
Quel affreux Jojo !
En quatre albums seulement (Chansons pour faire la fête, Zut Zut Zut, Mon
œil ! et Blablabus le tout dernier), Zut a
su conquérir le jeune public friand de
«vrais concerts sur scène». Et de vraies
chansons, tendres, drôles ou poétiques
qui parlent d’eux et de leur quotidien
sur des musiques d’aujourd’hui. Les
Concerts d’Aix, variant le tempo de
leurs samedis musicaux, invitent donc
les cinq musiciens complices à parta-
ger leur credo dans la bonne humeur.
Énergie sur vitaminée garantie!
L’auteur et metteur en scène Joël Jouanneau (voir page 63) n’a pas son pareil
pour se mettre dans la peau de ses jeunes héros ! Du coup, il n’a eu aucun mal à
se reconnaître dans Jojo, tête à claques imaginée par Joseph Danan qui donne
du fil à retordre à sa mère au point de devenir une machine à distribuer torgnoles
et gifles. Tantôt démonteur d’aspira© Julien Piffaut
teur, tantôt fossoyeur d’ours en
peluche, Jojo n’en est pas à son
premier galop d’essai côté sottises…
D’un ton intrépide et burlesque, entre
bande dessinée, film muet et cascade
de gags, ses petites mésaventures
sonnent vrai aux oreilles des petits et
des grands.
M.G.-G.
M.G.-G.
Zut en concert
à partir de 5 ans
samedi 28 novembre 17h
Théâtre du Jeu de Paume
à l’occasion de Mômaix
04 42 99 12 00
www.lestheatres.net
Jojo le récidiviste
Joël Jouanneau
à partir de 7 ans
mardi 8 décembre 19h
Théâtre du Jeu de Paume
à l’occasion de Mômaix
04 42 99 12 00
www.lestheatres.net
TOULON | BEAUCAIRE | GYPTIS | MARTIGUES
SPECTACLES
XIII
Week-end festif dans le Var
On ne le sait peut-être pas assez, mais les 3e
Rencontres artistiques méditerranéennes du
Var accueilleront à bras ouverts le jeune public
dimanche 29 novembre. En effet, s’appuyant sur le
PôleJeunePublic du Revest (voir page VII), le Conseil
général du Var lui offre l’occasion de se familiariser
avec les nouvelles écritures du spectacle vivant. À
l’Hôtel du Département, la compagnie Skappa !
s’adresse aux tout jeunes dès 9 mois avec sa pièce
de théâtre Uccelini qui, en 30 minutes chrono,
raconte comment l’art est «force vitale et mode de
vie». Place ensuite à La Petite Compagnie et son
spectacle de cirque contemporain, L’œil du voisin,
créé et interprété par Michaël Vessereau : l’histoire de
Pelo, perdu dans la ville, qui rêve d’un monde où il
serait dresseur d’un caniche mégalomane ou danseur
de claquettes génial… Changement de tempo avec
Les voilà voilà, duo swinguant formé par Cédric
Levaire et Marc Brébion qui «sont à la chanson pour
enfants ce que les bougies sont au gâteau». Et
changement de décor au Crep des Lices pour
terminer la journée en compagnie du jongleur à la
pointe de la balle, Jérôme Thomas, et du percussionniste Roland Auzet. Une rencontre virtuose en
perspective, et d’autres surprises encore dans les
rues de Toulon, la veille, animées par une farandole
d’artistes.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Uccelini © Cie Skappa !
e
3 Rencontres artistiques
méditerranéennes du Var
du 26 novembre au 2 décembre à Toulon
www.var.fr
Molière
époustouflant
L’amour impossible
Bête pour la Belle, le conte traite de la différence, des
apparences, de l’amour impossible et des préjugés.
Une histoire où s’affrontent la richesse malheureuse
de la Bête et la pauvreté vertueuse de la Belle. Un
conte de fées sans fée, surnaturel.
M.G.-G.
La Belle et la Bête
William Mesguich et Charlotte Escamez
à partir de 6 ans
Théâtre Gyptis, Marseille
mardi 8 décembre 20h30,
mercredi 9 décembre 14h et 14h15
04 91 11 00 91
La Belle et la bete © Theatre de l'Etreinte
Pour William Mesguich et Charlotte Escamez,
adapter La Belle et la Bête était comme un rêve à
réaliser. À la lumière du film de Jean Cocteau et de la
voix de Jean Marais… Ce rêve, le voici, qui met à
l’honneur la magie et la beauté du conte, et sa
cruauté aussi. Car derrière l’amour vertigineux de la
Théâtre du Casino, Beaucaire
vendredi 11 décembre 20h30
04 66 59 26 57
Moliere © Carla Kogelman
Dans chacun de ses spectacles, Neville Tranter
manipule des poupées à taille humaine avec un réel
talent d’illusionniste, offrant un théâtre très visuel.
Molière ne pouvait que l’inspirer et provoquer chez
lui l’envie d’inventer son destin, faisant de la mort de
l’acteur le début de son histoire : par la magie de ses
extravagantes poupées, il le rappelle à la vie, évoque
le travail de Jean-Baptiste Poquelin, sa course vers
l’amour… Pas d’inquiétude, nul besoin de maîtriser la
langue de Shakespeare pour se laisser porter par le
Stuffed Puppet Theatre.
M.G.-G
Molière
Stuffed Puppet Theatre
spectacle en anglais surtitré en français
jeudi 10 décembre 19h30
Les Salins, Martigues
04 42 49 02 000
www.theatre-des-salins.fr
XIV
SPECTACLES
OUEST PROVENCE | NÎMES | ARLES
Pas de répit dans l’Ouest-Provence
Comment Wang-Fô fut sauvé
Compagnie Mungo
à partir de 8 ans
vendredi 20 novembre 18h30
Espace 233 NN, Istres
Il n’y a pas une minute à perdre pour faire son choix quand
on habite dans l’Ouest-Provence. Le coup de cœur de
l’Espace 233 NN à Istres est un duo pour une comédienne
et un dessinateur inspiré d’une nouvelle de Marguerite
Duras, Comment Wang-Fô fut sauvé. Sur le plateau, le
texte se mêle habilement aux dessins réalisés en direct par
Benoît Souverbie et aux marionnettes manipulées avec
tendresse et légèreté par Isabelle Bach. À Istres toujours, le
Théâtre de l’Olivier réunit deux musiciens et deux
comédiens-bruiteurs pour accompagner la projection du
célèbre film muet Ali Baba et les quarante voleurs. Une
séance de ciné-concert qui fait revivre la magie du cinéma
comme au «bon vieux temps» !
Au Théâtre de la Colonne, à Miramas, le Théâtre des 4
mains & Théâtre Froe revisitent l’Avare de Molière avec des
marionnettes hideuses et difformes, des musiciens et des
acteurs manipulateurs. Déluge de gags et énergie assurés…
Mise en scène par Sylviane Fortuny, Abeilles, habillez-moi
de vous ! est la nouvelle création de la compagnie Pour
ainsi dire. Un texte écrit par Philippe Dorin à la manière d’un
vieux conte pour parler de pudeur aux enfants, où les fleurs
sont cultivées par les fées et où chaque fleur représente la
future robe de bal d’une fée. Une création théâtrale à
découvrir au Centre culturel Marcel Pagnol à Fos qui
accueillera ensuite le dernier spectacle de la compagnie
Clandestine, C’est pas pareil !, dans lequel Ester Bichucher
et Denis Fayollat retrouvent leur matériau de prédilection :
le papier découpé.
Avaar (l’Avare)
Théâtre des 4 mains & Théâtre
Froe
mardi 24 novembre 20h30
Théâtre de la Colonne, Miramas
Abeilles, habillez-moi de vous !
Compagnie Pour Ainsi dire
à partir de 7 ans
mardi 24 novembre 18h30
C’est pas pareil !
Compagnie Clandestine
mercredi 9 décembre 10h et 15h
Centre culturel Marcel Pagnol, Fos-surMer
Ali Baba et les quarante voleurs
Ciné-concert
à partir de 6 ans
Théâtre de l’Olivier, Istres
www.scenesetcines.fr
Avaar © Francois De Myttenaere
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
La maison de Pernette
Mélimélodrame
La Maison © Laurent Abecassis
Deux danseurs et un poste de radio
habitent la maison de Pernette (voir
page 26). Jusque là, rien d’étrange.
Sauf que les grésillements de la radio
et ses multiples changements de
fréquence se répercutent immédiatement sur les gestes des interprètes,
et réciproquement ! Même leurs
gestes les plus élémentaires prennent
une dimension surréaliste. Burlesque
et rêveur, le ballet chorégraphié par
Nathalie Pernette joue de la maladresse des corps et de l’incongruité
des situations pour construire un
«intérieur» étonnant.
Le potager d’Agnès Limbos n’a pas une seule fleur fanée depuis qu’elle l’a bêché
en 1987 ! C’est vrai qu’elle en prend soin : sous les traits d’une magicienne
farfelue, la comédienne, acrobate,
Petit pois © Luc d'Haegeleer
mime et clown aime ouvrir aux enfants
les grilles de son monde miniature,
habité par un petit pois égaré dans les
volutes d’un chou-fleur. Petit pois,
conçu comme un mélimélodrame en
cinq tableaux plus inventifs les uns que
les autres, déborde d’imagination et de
féerie. Il suffit de se laisser envelopper
par la rosée du matin pour y croire.
M.G.-G.
M.G.-G.
La Maison
Compagnie Pernette
à partir de 5 ans
mercredi 2 décembre 18h30
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
Petit pois
Agnès Limbos, compagnie Gare
centrale
à partir de 5 ans
mercredi 9 décembre 19h
Théâtre d’Arles
04 90 52 51 51
www.theatre-arles.com
MÔMAIX | FOTOKINO | GAP | BRIANÇON | AVIGNON
SPECTACLES
XV
Les bleus à l’âme d’Oliver Twist
Sensible au thème de l’enfance maltraitée récurrent
dans ses pièces, Josette Baïz a eu envie de recréer
avec dix-sept danseurs du Groupe Grenade, âgés
de 8 à 13 ans, le parcours d’Oliver Twist. Ce jeune héros
du célèbre roman naturaliste de Charles Dickens
dont la vie fut jalonnée de petits bonheurs, de drames
et de grandes souffrances… Un parcours initiatique
qui, pour Josette Baïz, «révèle de manière grandiose
tous les bleus de l’âme qui subsistent en chacun de
nous»… Cette fable du XIXe siècle, universelle et toujours actuelle, devrait toucher le cœur des jeunes
d’aujourd’hui grâce au regard de la chorégraphe et à
l’enthousiasme de ses jeunes interprètes. La première
de cette création de Josette Baïz et du Groupe Grenade
sera donnée sur la scène du Grand Théâtre de Provence particulièrement propice au décor épuré d’Oliver
Twist et à sa tension dramatique. Un événement.
M.G.-G.
Oliver Twist
Groupe Grenade
à partir de 7 ans
vendredi 27 novembre 20h30
Grand Théâtre de Provence
à l’occasion de Mômaix
04 42 91 69 69
www.legrandtheatre.net
Oliver Twist © Dominique Drillot
Promenons-nous !
La balade du Petit Chaperon rouge
s’avérant plus dangereuse que prévue,
sa rencontre avec le loup a traumatisé
plus d’un jeune lecteur. Heureusement,
sa candeur et sa fraîcheur l’ont protégé
de tous les dangers, et son amour pour
sa grand-mère a attendri toutes les
Le Petit Chaperon rouge © X-D.R.
âmes sensibles. Y compris celle de Joël
Pommerat qui a décidé d’écrire sa
propre version du conte rendant aux
personnages leur simplicité et leur
vérité. Celle du conte, qui parle bien du
danger et du plaisir qu’il y a, pour les
filles, à croiser le désir des loups.
M.G.-G.
Et patati et papotage
Papotages est une leçon d’anatomie dansée, une invitation à découvrir son corps
à travers le mouvement et la musique. Tiens, des gazouillis d’oiseaux, un roucoulement nocturne, le bruit des vagues ! Étrange ? Non, pas plus que cet air de tango
ou cette chanson de Bob Marley qui font danser Frédérike Unger et Jérôme
Ferron. L’un l’autre papotent ensemble naturellement, une jambe par-ci un buste
par-là. Pas de quoi s’agiter, leurs corps bavards dévoilent toutes les folles histoires
du monde. Même que parfois ils s’amusent et gigotent en tout sens et qu’ils sont
amoureux…
M.G.-G.
Le Petit Chaperon rouge
Joël Pommerat, mes Tiphaine
Anne Piffault
à partir de 8 ans
mercredi 16 décembre 14h30
Théâtre du Chêne noir, Avignon
04 90 82 40 57
www.chenenoir.fr
Chine animée
Proposé par Fotokino, le Petit cinéma
est le rendez-vous des cinéphiles en
herbe chaque premier mercredi du mois
à 10h au cinéma les Variétés. Le 2 décembre, trois courts métrages venus
de Chine, Attendons demain de Hu
Xiaonghua, Les Singes vont à la pêche
de Shen Zuwei et Le Petit singe turbulent de Hu Jingqing. Trois histoires issues
des studios de Shanghai, imaginées
dans la tradition de la peinture chinoise
et du théâtre d’ombres.
Cette séance, proposée dans le cadre
de Laterna Magica, sera précédée d’un
atelier «Singes de papier» et suivie d’un
apéro-sirop chinois.
Le film sera rediffusé l’après-midi du 5
décembre et le dimanche 6 en matinée.
A. G.
Le Petit cinéma
à partir de 3 ans
09 50 38 41 68
http://fotokino.org
Papotages
Compagnie Étant donné
à partir de 7 ans
mercredi 9 décembre 19h
La Passerelle, Gap
04 92 52 52 52
samedi 12 décembre 19h
Le Cadran, Briançon
04 92 25 52 52
Papotages © Cie Etant donne
XVI
REGARDS
CRDP | ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ | ALCAZAR
Un festival en partage
© M-Line
Échanger, questionner, comprendre et s’ouvrir à
l’autre, tel est l’objectif du festival Entre tradition et
modernité que l’Alternative Positive organise à
Marseille durant la Semaine de la solidarité internationale. Un temps de pause -comme une respirationà vivre en famille car les jeunes citoyens ont leur
programme spécifique. D’un côté «Le coin des
enfants», mercredi 18 novembre, avec «Quatre
ateliers pour cinq continents» encadrés par les
enseignants et assistants de l’école primaire Parc
Bellevue (contes des cinq continents, maquillage
Maori, coiffe indienne et coloriage Sioux Lakotas),
suivis d’une visite guidée de l’exposition photographique Enfants des cinq continents de Véra Tür.
Chaque série se concluant par la projection du court
métrage Si le monde était un village de 100 personnes
réalisé par Justine Simon avec les enfants du centre
social Val Plan Bégudes. Samedi 21 novembre, les
enfants découvriront la création théâtrale collective
de la compagnie Pachamama, Paroles de jeunes ou le
rêve des anciens, puis écouteront Irénée Karfazo
Domboue et ses Contes du pays des hommes
intègres. Les adolescents ne sont pas en reste avec
le documentaire Nikiéma, d’une Rive à l’Autre, projeté
en présence des enseignants et des élèves du lycée
René Gosse qui retracent leur voyage au cœur de
l’Afrique et de la vieillesse… Autant de rencontres
fertiles en perspective.
Collodi, Rodari, Calvino…, mais
encore ? Pour mieux connaître le
paysage de la littérature jeunesse
en Italie, rendez-vous jeudi 3
décembre à l’Alcazar-BMVR de
Marseille pour une journée de rencontre, d’information et d’échange.
Avec Anselmo Roveda, rédacteur
de la revue Andersen, qui dressera
un panorama de la littérature de
jeunesse en Italie, Marcia Corraini
et Paolo Cesari qui donneront leurs
points de vue d’éditeurs, l’auteur
Silvana Gandolfi et l’illustrateur
Roberto Innocenti qui témoigneront de leur art.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
M.G.-G.
La littérature
al dente
04 91 55 91 17
Festival Entre tradition et modernité
Association Alternative Positive
Collège Izzo et Théâtre la Baleine Qui Dit «Vagues»
jusqu’au 22 novembre
www.alternative-positive.org
Ressourcez-les !
Le Centre Régional de Documentation
Pédagogique de Marseille est bien connu
des enseignants. Mais ses ressources,
ouvertes à tous, devraient également
intéresser les lycéens, et les parents !
La Librairie d’Athènes contient des
ouvrages pédagogiques, mais aussi
des livres disques, des livres d’art, d’archi,
des documentaires, des pièces sonores, des dvd de théâtre, des cd
historiques… un trésor pour qui veut
offrir, à tous les enfants et ados de son
entourage, un peu d’intelligence et de
culture. À Digne, Gap et Avignon, les
librairies des CRDP accueillent également le public, et tous les ouvrages
édités par le réseau des centres pédagogiques (Scérén) y sont disponibles
directement ou sur commande.
Précieux également, pour ceux qui veulent préparer leurs ados au théâtre : les
dossiers pédagogiques, téléchargeables en totalité ou par parties, aérés,
illustrés, précis, donnent les informations culturelles nécessaires pour
comprendre les spectacles, et bien audelà : tout ce qui peut être appris d’une
œuvre, de son auteur, de ses personnages, de l’histoire et de l’Histoire qui
l’a vu naître est exposé en un dossier
épais, érudit, pas toujours franchement
attrayant mais à tous les coups
abordable.
Le CRDP de l’Académie d’Aix Marseille
éditant 26 de ces 91 publications
nationales, nombre des pièces que l’on
peut voir dans la région font l’objet de
dossiers pédagogiques : La Nuit des
rois, Médée, Philoctète, Yaacoubi et
Leidental, Questo Buio feroce qui
passent cette saison à La Criée, mais
aussi Un tramway nommé désir, ou les
Brèves de comptoir qui seront au
Gymnase, Casimir et Caroline aux
Salins et pour les plus jeunes le Peter
Pan d’Alexis Moati (Gymnase et
Istres), Le Bourgeois gentilhomme de
Philippe Car (Le Revest, Port-deBouc, Aubagne), Abeilles habillez-moi
de vous de Dorin (Fos, Le Revest, le
Massalia), les Contes de Grimm
d’Olivier Py (le Gymnase, Les Salins).
Pour leur donner des clefs, quand vous
aurez ouvert la porte…
A.F.
Pièce (dé)montée
Dossiers pédagogiques
www.crdp-aix-marseille.fr
LIVRES
XVII
Adolescence entravée
Le rapport Stein est un étrange livre qui nous plonge
dans l’Espagne franquiste des années 60. Le narrateur, un adolescent d’une quinzaine d’années,
fréquente un collège jésuite à la discipline de fer. Il vit
depuis 3 ans avec ses grands-parents et reçoit
régulièrement des cartes postales de ses parents,
perpétuellement en voyage. Pas de sorties, peu de
distractions, à part les visites hebdomadaires de
quelques relations et du frère de sa grand-mère. La
vie est aussi triste que la couleur «plumes de perdrix»
des vêtements tricotés main dans les familles,
l’enseignement des jésuites est insipide et le cours de
philosophie consiste surtout à mettre les élèves en
garde contre les idées de Hegel, le diable ! Et voilà
que survient sur sa belle bicyclette armoiriée le blond
Guillermo Stein aux vêtements colorés. Déchaînement de convoitise, de jalousie ! Notre narrateur
ébloui va devenir son ami, rencontrer sa soeur... Mais
le mystère règne et les autres élèves enquêtent. On
découvrira les dessous sombres de la guerre civile
d’Espagne et les raisons des voyages du père. Espionnage, trahison, turpitudes fascistes.
Les phrases très longues, les répétitions et une
abondance de coordinations font parfois entendre le
texte comme une sorte de litanie : malgré l’âge du
narrateur, de jeunes lecteurs peuvent avoir des
difficultés pour comprendre les rouages, mais
l’atmosphère de ces années de plomb nous étreint.
CHRIS BOURGUE
Le rapport Stein
Jose Carlo Llop
Ed. Jacqueline Chambon, 13,80 euros
sélectionné pour le Prix littéraire des lycéens
et des apprentis de PACA
La vie est un roman
La série fantastique de Le Tendre et Biancarelli, Le
livre des destins, illustre cette formule dans un récit
haut en couleurs et en péripéties. Le scénariste Le
Tendre à qui on doit, entre autres, La Quête de
l’Oiseau du Temps, dessinée par Loisel, est coutumier
de ces histoires à rebondissements multiples et à
sauts stupéfiants dans un espace-temps distordu.
Quant à Franck Biancarelli, le dessinateur, qui vit à
Marseille, il s’est aisément coulé dans son univers
pour ce Livre des destins, dont le 3e épisode est paru
il y a quelques semaines.
La BD met en scène un jeune homme au prénom
prédestiné, fou de récits d’aventures et de personnages fictifs. Roman Guénodon préfère largement
passer sa vie dans les romans d’action que dans une
réalité qui a de quoi effrayer : l’action débute dans
les années 30 ; l’élection d’Hitler à la chancellerie du
Reich est imminente. Dans ce contexte troublé,
Roman se voit proposer un livre magique, qui révèle
son futur à celui qui le lit. Cet ouvrage extraordinaire
attise les convoitises et c’est le premier pas, point
de départ d’une série de courses-poursuites et
d’aventures haletantes qui vont propulser le doux
rêveur dans une réalité encore plus rocambolesque
que celle que vivent ses héros de papier.
Le 3e tome, Silverman, complique encore la donne
avec la mise en abyme du scénario : 2 histoires
menées en parallèle et qui se font écho. De Berlin,
où Roman, désormais doté de super pouvoirs grâce
à sa métamorphose mais cerné d’affreux nazis,
cherche à récupérer le livre, à New York où 2 jeunes
auteurs de BD courent après le succès en dessinant
ses aventures… L’épisode se conclut sur la réplique
sagace de 2 comparses : «la vie de notre petit
Français est en train de devenir un véritable feuilleton.»
C’est sans doute ce qui peut arriver de mieux au
jeune homme, se muer en héros de fiction. Et pas
n’importe lequel… mais, chut ! À suivre…
La bande dessinée, artistement mise en scène et
colorisée, est une ode à la littérature d’évasion, aux
super héros américains et aux délices de la lecture.
À conseiller toutefois à de bons lecteurs adolescents,
la complexité de l’intrigue risquant de rebuter les plus
jeunes.
FRED ROBERT
L’apprentissage
Il a 45 ans, pour 110 kilos de muscles, et il fait partie
de ceux qui sont passés à côté de l’école. Il a, dit-il
avec lucidité, «la tête en friche». Germain Chazes se
raconte à la première personne. Pourquoi a-t-il décidé
«d’adopter Marguerite» ? Qui est-elle d’ailleurs ?
Comment a-t-il découvert ce «truc nouveau», les
«obligations familiales» ? C’est ce qu’il explique peu
à peu. Car le personnage dont chacun se moque
recèle des trésors de sensibilité. En jachère, son
esprit s’éveille progressivement, et ce n’est pas si
simple : la volonté ne sert pas à grand-chose si les
clés ne sont pas données !
La découverte du dictionnaire est magnifique. À quoi
sert un dictionnaire, par exemple, si l’on ne connaît
pas l’orthographe des mots que l’on cherche ?
Qu’est-ce qui va pousser notre illettré à découvrir le
plaisir de la lecture, changeant radicalement son
appréhension du monde ? Humour et poésie se mêlent
dans un récit vivant et attachant qui s’ancre totalement dans le quotidien. Un ton d’une remarquable
justesse, et une quatrième de couverture qui
dénonce avec humour les «mots à coucher dehors»
de la critique littéraire. Cette histoire d’une rencontre avec les mots est si belle qu’elle deviendra un
film en 2010, réalisé par Jean Becker !
MARYVONNE COLOMBANI
La tête en friche
Marie-Sabine Roger
Ed. du Rouergue (collection La Brune) 16,50 euros
Le Livre des Destins
scénario Le Tendre, dessin Biancarelli
t.1 : Le premier pas, t.2 : La métamorphose,
t.3 : Silverman.
Ed. Soleil
XVIII
LIVRES
COLLECTION TOTHÈME | LIRE ENSEMBLE | TOULON
De Shrek
à Hugues Capet
Gallimard Jeunesse lance une nouvelle collection
de livres documentaires pour jeunes adolescents :
les 9/12 ans sont le cœur de cible, mais étant
donnée la facture des ouvrages, ils pourront être
feuilletés jusqu’à 15 ans… Les quatre premiers
volumes (L’Environnement, Le Moyen-âge, L’Automobile, Les Religions) choisissent des thèmes qui
parlent aux ados, pour les séduire, puis les amener à
changer leur approche de ces domaines familiers.
Cela s’appelle donc Tothème, jeu de mots qui dit
bien l’esprit de la collection, ludique et transversale :
il s’agit de partir des représentations des jeunes,
glanées ça et là sur les écrans et dans les fictions,
pour les amener vers une connaissance réelle, qui
fasse le lien entre leur culture, le livre et l’école.
Attractifs sans être racoleurs, les livres sont rectangulaires mais arrondis aux angles, ajourés, aérés,
équipés de rabats pratiques, et illustrés d’une iconographie parfois savante et documentaire, parfois
fantaisiste et créative : de Shrek aux enluminures médiévales, avec juste ce qu’il faut pour faire comprendre
le Moyen Âge à des enfants curieux.
Le livre sur l’automobile, par exemple, décline en 60
parties le nom des champions, des marques et des
circuits, mais s’attache surtout à aborder l’histoire
industrielle, le Taylorisme, la Ford T, les conséquences
dans nos vies de ce véhicule somme toute récent. Il
démonte aussi le marketing, la publicité liés à cette
activité devenue essentielle, donne quelques leçons
de mécanique théorique et appliquée… Et il pourra
intéresser les filles comme les garçons, à l’âge de
leur cloisonnement selon des centres d’intérêt qui
sont censés définir leur identité sexuelle.
Le volume sur les religions, même s’il s’en tient aux
monothéismes (dommage pour les 800 000 bouddhistes français) donnera également à tous les ados
une vision globale de ce qui les lie et les différencie
dans leurs pratiques et leurs croyances. En s’attachant à des personnages clefs, des événements
historiques, mais aussi des rites, des traditions et
interdits alimentaires, des lieux de culte, ce volume
permet à tous les ados, y compris les athées, d’entrer
dans la culture de l’autre, et de mieux connaître la
leur, en empruntant la voie qu’ils ont choisie : les
renvois d’une rubrique à l’autre sont constants, et
chacun peut y construire un parcours de lecture
actif…
Cette collection vient donc à point nommé permettre
d’offrir à tous les enfants qui n’aiment lire que sur
Internet le moyen d’entrer dans des livres… sans
L’environnement
Jean-Baptiste
de Panafieu
13,90 euros
Gallimard Jeunesse
Les religions
Sandrine Mirza
13,90 euros
Gallimard Jeunesse
tomber dans les caricatures rose et bleue sur les
poneys, les tutus, le maquillage, les super héros ou le
sport. Même si le prochain volume sera consacré au
football, il y a peu de chances que l’approche en soit
simplificatrice !
AGNES FRESCHEL
Collection Tothème
Gallimard Jeunesse
Lire gourmand
À la Fête du Livre de Toulon, les
jeunes eux aussi ont «soif de lire !». Pour
preu-ves les nombreux rendez-vous qui
ponctuent le week-end, entre dédicaces-rencontres, contes, marionnettes
et animations ludiques. Démarrage en
fanfare vendredi 20 novembre à 14h30
avec la remise du Prix des collégiens
attribué à l’un des romans de littérature jeunesse sélectionnés : Le chagrin
du roi mort de Jean-Claude Mourlevat
(Gallimard jeunesse), Chasseur d’orages
d’Elise Fontenaille (Le Rouergue jeunesse) et À la poursuite de l’Olgoî-Khorkhoï
d’Alexandre Moix (Plon jeunesse).
Samedi 21 et dimanche 22 novembre,
le jeune public pourra assister aux
concerts de Robinson et Abel, aux
spectacles Les secrets de la B.D. par
Alain Ayme, écouter le conte Taptap le
loup par Leila Derwiche et les Contes
dits du bout des doigts. À quelques pas,
l’Hôtel des arts organise des «ateliers
enfants et familles» autour des arts de
la table (le potager idéal, le repas de
familial…) tandis que les associations
Équinoxe et Écrit Plume proposent des
ateliers d’écriture sur le thème «La sensibilité culinaire au service d’autres
nourritures».
«Soif de lire»,
13e Fête du Livre de Toulon
20, 21 et 22 novembre
www.var.fr
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Le masque et les plumes !
Une bouteille à la mer est le thème du nouveau concours de nouvelles Lire
Ensemble 2010 organisé pour les jeunes par Agglopole Provence et les
bibliothécaires des dix-sept communes concernées. Cette cinquième édition
se déroulera du 16 au 30 avril 2010, mais les écrivains en herbe peuvent d’ores
et déjà plancher sur leurs manuscrits, peaufiner leur prose avant la dernière
ligne droite. Ou plutôt la dernière vague car les collégiens et les lycéens sont
invités à envoyer leur texte dans une bouteille en plastique «customisée» à leur
goût ! Une manière de faire d’une pierre trois ricochets : plaisir de la lecture,
découverte des «affres» de l’écriture et éducation citoyenne. En effet, Agglopole
Provence lance simultanément une grande campagne de sensibilisation sur le
recyclage des déchets et, notamment, des bouteilles et flacons en plastique…
Lire Ensemble ayant pour objectif «d’encourager la pratique de la lecture et de
l’écriture et la fréquentation des bibliothèques, librairies, lieux culturels divers», les
adultes sont aussi concernés par cet espace d’expression libre à condition qu’ils
laissent courir leur imagination autour du thème Voyageurs en Méditerranée.
Enfin, pour la première fois, Lire Ensemble propose aux enseignants des écoles
primaires et des grandes sections de maternelles qui le souhaitent d’écrire avec
leurs élèves un texte court sur des cartes postales réalisées à partir de matériau
de récupération. Cartes postales, bouteilles à la mer, Grande Bleue : quoi de plus
romanesque ?
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Lire Ensemble 2010
Date limite d’envoi des textes : 15 mars 2010
www.agglopole-provence.fr