Charles Darwin, le grand retour

Transcription

Charles Darwin, le grand retour
d’admirer lui aussi le paysage. Les abondantes photos
du livre témoignent de l’extraordinaire beauté de la
nature en ces régions. Un poète en serait revenu
durablement ébloui.
‫ﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋ‬

e-mail : [email protected]

‟Ashtaroût
Cahier Hors-Série n°2 (décembre 1999)
Charles Darwin,
le grand retour !
Le livre se termine par les fiches techniques de
présentation du Thalassi et du Beagle. Dans ce volume,
les amoureux de la mer trouveront amplement de
quoi rêver.
Recension de
CAMPBELL, John
1997
In Darwin‟s wake, revisiting Beagle‟s south american
anchorages, Shrewsbury (U.K.), Waterline Books,
in-8°, 307p. abondamment illustré, avec 8 pl.
couleurs. [£ 19]
 Que d’émotions !
L’autre livre est une curiosité. L‟Expression des
émotions chez l‟homme et chez les animaux est un livre peu
fréquenté, mais c’est bien à tort si l’on fait profession
de psychanalyste. On ne saurait sous-estimer son
impact sur Freud. John Forrester (1980) et Lucille
Ritvo (1990) ne l’ignorent pas, mais c’est tout
comme. Ils me paraissent avoir mal cadré la place
qu’occupent les thèses de ce livre dans l’univers
mental de Freud. Ils croient à une application locale
alors que nous avons une vue générale. A mon sens
la théorie freudienne de l’inconscient est carrément
une théorie de l’expression. Elle est fixée dès avant
les Etudes sur l‟hystérie, et elle est tout simplement
reprise à Darwin. On peut dire que Breuer et Freud
ont travaillé dans le cadre du paradigme darwinien, et,
par la suite, Freud n’en est jamais sorti.
DARWIN, Charles
1998
The Expression of the emotions in man and animals, 3rd
ed. with an introduction, afterword and commentary by P. Ekman, and an essay on the history of
the illustrations by P. Prodger, New York,
HarperCollins ; London, Fontana Press, 1999,
XXXVI+473p. [£ 11]
TORT, Patrick
1997
Darwin et le darwinisme, Paris, PUF, collection
« Quadrige » n°239, petit in-8°, 128p. [49 F]
Voici trois livres absolument superbes, mais pas
pour les mêmes raisons.
Le premier est la relation du voyage du capitaine
John Campbell sur le yacht Thalassi, et dans le sillage
du Beagle, le bateau de Sa Majesté sur lequel Darwin
avait embarqué 150 ans plus tôt. Le Thalassi appartient à un riche armateur espagnol, propriétaire d’un
grand hôtel à Majorque. Celui-ci avait projeté une circumnavigation de l’Amérique du Sud, et son capitaine s’aperçut soudain qu’ils suivaient à peu près le
trajet du Beagle. Il proposa de le faire sciemment en
adoptant une croisière à thème.
On sait que la thèse de Darwin repose sur trois
principes. Les deux premiers sont très célèbres. Tout
le monde les comprend : 1° le principe de l’association des habitudes utiles, 2° le principe de l’antithèse. C’est le troisième qui fait problème. Il est très
rarement compris, c’est pourquoi on y fait rarement
référence. Il est amusant de constater l’embarras de
Liliane Maury (1993) à ce sujet, et cela justement dans
un livre intitulé : Les Emotions de Darwin à Freud. Car
c’est le troisième principe qui inspire Freud, et de ce
fait Liliane Maury rate proprement l’essentiel. Comme je pense traiter ailleurs de cette question, je me
contente de signaler ici le cœur du problème.
Il ne faut pas s’attendre à un livre rédigé du
point de vue du naturaliste, comme c’était le cas pour
Darwin. C’est ici un point de vue de plaisanciers. Et
nous voudrions espérer que Darwin n’a pas manqué
Revenons à l’édition qu’on nous propose aujourd’hui et qui est intitulée fièrement : 3ème édition.
L’édition originale, publiée du vivant de Darwin, date
de 1872. Au décès de l’auteur (1882), cette édition
 Quel voyage !
128
n’était pas encore épuisée, cependant Darwin avait
annoté un exemplaire pour une nouvelle édition. Ce
fut son fils Francis Darwin qui publia la 2ème édition
en 1889 en suivant plus ou moins scrupuleusement
les notes de son père. Paul Ekman a repris tout le
travail, et voudrait pouvoir se targuer que son édition,
par conséquent la troisième, correspond à ce que
Darwin aurait voulu qu’elle soit.
Société », et cinq ans plus tard il publiait les 5000
pages du Dictionnaire du darwinisme avec une pléiade
d’auteurs. Le volume qu’il nous donne en première
édition dans la collection « Quadrige » est une sorte
de compendium de vingt ans de travail. En 128 pages
nous faisons rapidement le tour de toutes les questions brûlantes. En connection avec le livre de Campbell, et pour ne prendre que ce seul exemple, nous
trouvons ici, pp. 10-16, le détail des étapes du périple
de Darwin sur le Beagle.
Quelle qu’ait pu être la volonté de Darwin, on
peut affirmer que cette 3ème édition est telle qu’un
lecteur très exigeant d’aujourd’hui voudrait, lui,
qu’elle soit. En effet, Paul Ekman est un psychologue
et un grand spécialiste de l’expression des émotions.
Il a édité en 1973 un ouvrage qui constitue une mine
de renseignements, et il n’a pas cessé depuis lors de
creuser la question. L’ouvrage de Darwin est encadré
de précieux commentaires. Mais l’éditeur a fait
encore mieux. Il a ’’entrelardé’’ le texte lui-même de
très précieuses notules en pleines pages, de façon à
accompagner notre effort de lecture avec toute la
générosité dont il est capable. Sur le plan de l’édition,
c’est une première. De plus, comme le livre de
Darwin est l’un des premiers à recourir à des photos
en sus des illustrations gravées, Ekman s’est adjoint
un spécialiste pour nous en parler.
Quant au darwinisme, en une phrase, et dès la
page de titre, nous sommes informés de la thèse de
Darwin remise sur ses pieds. Cette thèse la voici :
« Par la voie des instincts sociaux, la sélection naturelle
sélectionne la civilisation, qui s‟oppose à la sélection naturelle ».
Le grand coupable de la contre-façon, celui dont
procède l’exécrable idéologie du courant dit de la
« sociobiologie », nous est désigné Ŕ c’est Spencer Ŕ à
propos duquel on lira le Que sais-je ? que lui a également consacré Patrick Tort. D’ailleurs, la dénonciation de l’exécrable idéologie de la sociobiologie a été
elle-même l’objet d’un ouvrage collectif antérieur.
Maintenant, nous attendons une nouvelle édition anglaise et une nouvelle traduction française de
The Descent of man, en espérant qu’elles ne tarderont
pas trop.
 Quelle aberration !
La genèse du livre de Darwin sur L‟Expression
des émotions chez l‟homme et chez les animaux est nécessaire à connaître. Ce livre a bourgeonné à partir d’un
chapitre du précédent ouvrage de Darwin (1871), The
Descent of man and selection in relation to sex. Il n’est pas
bon de l’en séparer. Or c’est là l’ouvrage de Darwin
qui a conduit à une totale méconnaissance du Darwinisme, une méconnaissance tellement grave qu’on
attribue à Darwin exactement le contraire de la thèse
qu’il soutient. En effet, ce qu’on a convenu de dénommer le « darwinisme social » n’a, avec les thèses
de Darwin, que cette relation-là : que c’est tout le
contraire de ce que dit Darwin.
J’ai dit tout le bien que je pense de la nouvelle
édition anglaise de L‟Expression des émotions chez l‟homme et chez les animaux de Darwin, et j’en pense beaucoup. Néanmoins, aussi complète soit-telle, cette édition pouvait encore être améliorée. Paul Elkman se
serait acquis la reconnaissance des psychologues du
développement s’il nous avait fait le plaisir de
reprendre en appendice le texte de Darwin (1877)
intitulé : A biographical sketch of an infant (Esquisse biographique d‟un petit enfant).
Depuis ses conférences de 1980-1982 à l’École
Normale Supérieure d’Abidjan, Patrick Tort n’a pas
cessé de combattre sur ce front. Dix ans plus tard il
organisait le congrès international « Darwinisme &
Il s’agit là d’une observation méticuleuse de son
fils « Doddy » dans les toutes premières années de sa
vie. Naturellement, tout ce qui concerne l’expression
des émotions y est noté, et Darwin en a versé dans
 Quel dommage !
129
1996
son livre la substance. Elkman en prend acte pp. 261262, et, à la page suivante, il nous gratifie d’une belle
photo représentant Doddy dans les bras de son père.
Mais l’étude de Darwin sur « Doddy » est rédigée
dans une optique anthropologique beaucoup plus
large que l’expression des émotions, et elle mérite de
nous intéresser vivement ne serait-ce que par les
notations sur ce qui deviendra si célèbre, grâce à
Lacan, sous l’appellation de « stade du miroir ».
Spencer et l‟évolutionnisme philosophique, Paris,
Que sais-je ? n° 3214, in-12, 128p.
PUF,
TORT, Patrick (dir.)
1985
Misère de la sociobiologie, Paris, PUF, in-8°.
1992
Darwinisme et société, actes du congrès international des 4,
5, et 6 juin, Paris, PUF, grand in-8°, VI+693p.
1996
Dictionnaire du darwinisme et de l‟évolution, Paris, PUF,
3 vol., grand in-8°, XIV+4862p.
‫ﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋ‬
On trouvera dans un récent numéro de la
Psychiatrie de l‟Enfant une étude trés fouillée de Claude
Allard (1997) qui situe le texte de Darwin à la fois
dans ses propres préoccupations et dans les nôtres. Il
nous en annonce également une traduction française
pour paraître dans un volume collectif dirigé par
Patrick Tort aux Presses Universitaires de France et
qui sera intitulé : Pour Darwin.

e-mail : [email protected]

‟Ashtaroût
Cahier Hors-Série n°2 (décembre 1999)
Les sodalités
de Marc Fumaroli
Recension de
Aa
FUMAROLI, Marc
1994
L‟École du silence, le sentiment des images au XVII ème
siècle, réédition, Paris, Flammarion, « Champs »
n°633, in-12, 1998, 671p. illustr.
Références
ALLARD, Claude
1997
« Charles Darwin, précurseur de la psychologie
du bébé », in Psychiatrie de l‟Enfant, 1997, XL (2),
pp. 599-624.
« SODALITE » est un terme peu usité. On ne le
trouve plus dans les dictionnaires courants. Marc
Fumaroli l’utilise par deux fois dans sa préface à
L‟École du silence (nouvelle éd., pp. 12 et 19). Et je
voudrais m’y arrêter. Car il signifie une réunion de
compagnons, et, plus particulièrement, de compagnons de table. On comprend alors pourquoi Fumaroli aime l’utiliser. C’est une référence délicate à l’humanisme de la Renaissance, au genre littéraire des
« propos de table », dont la tradition remonte encore
plus haut, puisqu’elle inclut le Banquet de Platon.
ELKMAN, Paul (dir.)
1973
Darwin and facial expression : a century of research in
review, New York, Academic Press, in-8°.
FORRESTER, John
1980
Le Langage aux origines de la psychanalyse, trad. de
l’anglais par Michelle Tran Van Khai, préface de
Pierre Fédida, Paris, Gallimard, « Connaissance
de L’Inconscient », in-8°, 1984, 396p.
Rêvez d’avoir Marc Fumaroli comme convive
ou comme voisin de table. Toute réunion deviendrait
alors une fête de l’esprit. Les rééditions de ses
grandes œuvres dans des collections de poche permettront à un plus grand nombre de personnes de
l’inviter dans leur bibliothèque. Il ne faut surtout pas
hésiter à le faire.
MAURY, Liliane
1993
Les Émotions de Darwin à Freud, Paris, PUF, « Philosophies » n° 41, in-12, 128p.
RITVO, Lucille B.
1990
L‟Ascendant de Darwin sur Freud, trad. de l’anglais
et préfacé par P. Lacoste, Paris, Gallimard, « Connaissance de L’Inconscient », in-8°, 1992, 342p.
L‟École du silence est un recueil d’essais ayant une
unité organique. C’est un livre de combat en faveur
de la « Réforme Catholique », et qui balaye la période
qui va du règne du pape-soleil (Urbain VIII Barbe-
TORT, Patrick
1983
La Pensée hiérarchique et l‟évolution, les complexes discursifs, Paris, Aubier Montaigne, série Résonances,
in-8°, 557p.
130