L`utilisation abusive de la détention provisoire, ou le besoin d`une ré

Transcription

L`utilisation abusive de la détention provisoire, ou le besoin d`une ré
DEFENSA DE NIÑAS Y NIÑOS INTERNACIONAL DNI
DEFENSE DES ENFANTS INTERNATIONAL DEI
DEFENCE FOR CHILDREN INTERNATIONAL DCI
STOP A LA VIOLENCE!
L’utilisation abusive de la détention
provisoire, ou le besoin d’une réforme des systèmes de justice pour
mineurs
Collecte de preuves
1
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DEFENSE DES ENFANTS INTERNATIONAL
Stop à la violence!
L’utilisation abusive de la détention provisoire, ou le besoin d’une réforme des systèmes de justice pour mineurs
Collecte de preuves
Anna Volz
Genève, Jullet 2010
3
4
Remerciements
Ce rapport a été réalisé par le Secrétariat International de DEI à Genève entre juillet 2009 et juin 2010. Il
s’agit du troisième d’une série de rapports annuels sur la justice pour mineurs fondés sur une recherche
et des contributions concrètes de sections nationales et de partenaires de DEI, qui sont financés par la
fondation OAK et la Loterie Romande, auxquelles nous exprimons ici nos chaleureux remerciements.
Auteur :
Anna Volz, responsable du programme de justice pour mineurs au Secrétariat International de DEI
Rédaction:
Kate Stevenson, assistante, Secrétariat International de DEI
Traduction:
Jean Claude Walfisz
Nous adressons des remerciements particuliers à Benoît van Keirsbilk (DEI-Belgique) pour ses précieuses
contributions éditoriales.
©Illustration: Stéphanie Ganière
Publié par
Défense des Enfants International (DEI)
Rue de Varembé, 1
Case Postale 88
1211 Genève 20
Suisse
Copyright 2010
Défense des Enfants International
5
à propos de défense des enfants
international
Défense des Enfants International (DEI) est une organisation internationale des droits de l’homme qui
promeut et défend les droits des enfants depuis 30 ans.
DEI est présent dans plus de 40 pays du monde entier via des bureaux nationaux et membres associés.
Chacun travaille sur les problèmes concernant les droits des enfants qui touchent leur pays allant de la
suppression du travail des enfants, au trafic d’enfants et la violence faite aux enfants à la promotion de la
participation des enfants. La justice pour mineurs est la question essentielle du mouvement DEI avec 75%
des bureaux nationaux menant des actions dans ce domaine.
Le Secrétariat international de DEI, situé à Genève est le centre du mouvement. Il représente le mouvement
au niveau international et développe des projets destinés à promouvoir les droits des enfants dans
le monde et qui soutiennent des actions et la croissance des bureaux nationaux DEI et des membres
associés.
6
Table of Contents
Avant-propos
CHAPITRE
de
I:
Jean
Zermatten,
vice-président
du
Comité
des
Droits
de
l’Enfant___8
Introduction____________________________________________________________10
CHAPITRE II: Usage et abus de la détention provisoire de mineurs____________________________12
i) Faits et chiffres .................................................................................................................................13
ii) Conditions de détention :...................................................................................................................15
iii) Violence et abus............................................................................................................................17
iv) Autres sujets de préocupations............................................................................................................20
CHAPITRE III: Standards internationaux sur l’usage de la détention provisoire___________________22
CHAPITRE IV: Comprendre le fossé entre la réalité et les règles________________________24
CHAPITRE V: Pourquoi la détention ne sert à rien : conséquences pour l’enfant et la société___27
i) Conséquences physiques, sociales et psychologiques de la détention sur des efants............................ 27
ii) La détention en vaut-elle la peine? Prise en consideration des côuts et de la récidive........................... 29
CHAPITRE
VI:
CHAPITRE
VII:
Solutions
pour
rapprocher
la
réalité
des
règles___________________31
Conclusion___________________________________________________________38
Références______________________________________________________________________39
7
AVANT PROPOS
by Jean Zermatten 1
des stratégies de restriction, donc de réduction
Le Comité des droits de l’enfant, organe qui contrôle de l’usage de la détention avant jugement. Cela
l’application et l’avancée des droits de l’enfant dans parce que les cas d’arrestation, de garde à vue ou
les différents Etats parties à la Convention des Na- de maintien dans les locaux de police ne sont pas
tions Unies relative aux droits de l’enfant, (ci-après toujours répertoriés ; ou parce que les systèmes jula Convention) insiste très régulièrement, dans les dicaires ne disposent pas toujours des registres où
Observations finales qu’il émet pour les différents sont rapportés minutieusement les cas de détenEtats examinés par lui, sur la question de la déten- tion préventive. Dès lors, l’ampleur du phénomène
tion avant jugement. En effet, cette forme de priva- est difficile à cerner, même si les visites dans les
tion de liberté est certainement l’un des domaines différents pays, notamment celles des Rapporteurs
où se produit le plus grand nombre de violations spéciaux, et les rapports d’ONGs font état de très
des droits des enfants arrêtés, gardés à vue, voire nombreuses et lourdes violations des droits des
détenus préventivement. Qui plus est, ces viola- enfants en conflit avec la loi, dans cette phase délitions sont la plupart du temps le fait des agents de cate de l’intervention pénale. Bâtir des stratégies,
l’Etat eux-mêmes, ou du système d’intervention des politiques et des programmes est donc affaire
policière, voire de l’organisation judiciaire. L’Etat délicate, en l’absence de statistiques fiables.
viole donc les droits de ses enfants.
Il est généralement admis que la décision de
La détention avant jugement est une des formes de placer une personne (ici un enfant) dans une des
privation de liberté et, comme telle, soumise aux formes de la privation de liberté avant jugement,
contraintes suivantes par l’art 37 lit b de la Conven- est princièrement génératrice de risques, car elle
est souvent prise dans l’urgence, dans un moment
tion :
-
elle doit être réservée aux infractions les où le jeune soupçonné d’être en conflit avec la loi
n’est pas le plus coopératif, et où de vieux réflexplus graves,
-
elle doit être de la durée la plus courte pos- es d’emprisonnement subsistent. La tentation est
forte d’embastiller un adolescent pris sur le fait qui
sible,
-
elle doit constituer l’ultima ratio, c’est-à- s’obstine à nier la vérité… De plus, l’assistance juriddire n’être prononcée que lorsque le décideur n’a ique n’est pas toujours reconnue pour les enfants ;
dans un certains nombre de pays, elle n’existe tout
pas d’autres solutions possibles.
simplement pas comme garantie procédurale,
Là où la détention avant jugement diffère d’autres alors que d’en autres où le texte explicitement la
formes de privation de liberté, c’est que souvent prévoit sur le papier, elle n’est pas disponible dans
elle est décidée par des personnes qui ne sont pas la réalité, faute de défenseurs. L’intervention de
des magistrats, la plupart du temps des officiers l’avocat de la première heure reste l’exception dans
de police, qui n’ont pas toujours reçu la formation les dispositifs judiciaires nationaux.the other hand,
adéquate ; ou par des juges de mesures de con- remand in custody (whenever it is termed as such)
trainte, non forcément spécialisés ; ou encore par is subjected to more or less strict procedural rules.
des Procureurs qui agissent en général pour des
Dès lors, il y a un risque, très souvent avéré, de voir
adultes.
la première intervention pénale auprès d’un enDans ce domaine, comme dans tant d’autres, la fant soupçonné d’avoir commis une ou des infracCommunauté internationale manque cruellement tions, voire pour une enfant qui entre en contact
de données claires, ventilées, complètes et objec- avec la loi (comme victime ou comme témoin) de
tives qui permettraient de mieux appréhender la se voir privé de liberté sans que les critères pour
une détention avant jugement soient réalisés,
réalité, d’établir des comparaisons et de préparer
souvent même sans que le principe de la légalité
de la privation de liberté soit respectée.
1
Ancien président du Tribunal pour Mineurs de ValCette situation est préoccupante, car nous somais, directeur de l’institut international des droits de l’enfant
mes persuadés que la qualité de la première inà Sion, Suisse (www.childrights.org) et vice-président de la
tervention du système policier-judiciaire est déCommission des Droits de l’Enfant des Nations Unies.
8
AVANT PROPOS
terminante par rapport à l’attitude que l’enfant va
adopter dans la suite du processus judiciaire. Plus
même, les dégâts que peuvent causer les privations
de liberté sont souvent des dégâts à long terme,
voire irréversibles.
Car il ne faut pas oublier de mentionner les conditions dans lesquelles s’exécutent très souvent ces
privations de liberté : locaux exigus, non aérés, ni
ventilés, surchauffés ou extrêmement froids, sans
hygiène, sans lit parfois et très souvent au contact d’autres détenus, notamment des adultes. Ces
conditions ne sont pas brillantes pour les jeunes
garçons. Que dire des filles, souvent très fortement
discriminées par manque d’installations ad hoc, vu
le petit nombre de jeunes délinquantes ? La promiscuité est non seulement une école du crime, comme
on l’entend souvent, mais aussi l’occasion des pires
formes de violations diverses des droits des enfants
détenus.
Sans compter, les très longues périodes de détention
préventive, où les jeunes sont maintenus sans voir un
magistrat, sans être informés des charges qui pèsent
sur eux, sans pouvoir contester la décision, ou la faire
revoir, sans mécanisme de contrôle, de visites, sans
possibilité de plainte… Ces cas ne sont, hélas, pas
rares, loin s’en faut.
Dans le concret, nous pensons qu’il faut également
faire une distinction entre les cas où l’arrestation
mène à une garde à vue, qui se prolonge en une
forme d’arrêt qui n’est pas légalement ordonnée et
les cas où la détention préventive proprement dite
a été ordonnée par une autorité habilitée à le faire.
Dans la première de ces deux situations, les dérapages sont encore plus fréquents et plus communs,
car cette période est bien des fois « hors norme »,
alors que la détention préventive, lorsqu’elle porte
judicieusement son nom, doit répondre à des règles
procédurales, plus ou moins strictes.
C’est donc pour toutes ces raisons et encore, bien
d’autres que l’on pourrait lister, comme la question
des solutions de remplacement, du maintien des
liens familiaux, des programmes de prise en charge,
du souci éducatif ou occupationnel durant la privation de liberté, du respect du droit de l’enfant à sa
vie privée et à l’exercice de sports, de loisirs et de son
accès à l’information…. que le Comité des droits de
l’enfant s’en préoccupe de la détention avant jugement.
Il l’a énoncé de manière claire dans son Observation
générale no 102 , par. 80 :
« Le Comité note avec inquiétude que dans de nombreux pays les enfants sont maintenus en détention
avant jugement pendant des mois, voire des années,
ce qui constitue une grave violation de l’article 37 b)
de la Convention. Les États parties doivent disposer
d’un ensemble efficace de solutions de remplacement [.…] pour s’acquitter de l’obligation qui est la
leur, en vertu de l’article 37 b) de la Convention, de
ne recourir à la privation de liberté qu’en dernier ressort. [….]. Les États parties devraient en outre prendre
des mesures législatives ou autres propres à réduire
le recours à la détention avant jugement. Recourir à
la détention avant jugement à titre de sanction viole
la présomption d’innocence. La loi devrait clairement
indiquer les conditions encadrant le placement ou le
maintien en détention avant jugement d’un enfant,
notamment la garantie de sa présence au procès, le
fait qu’il représente un danger immédiat pour luimême ou pour autrui. La durée de la détention avant
jugement devrait être limitée par la loi et faire l’objet
d’un examen périodique ».
Dès lors, il faut saluer le travail effectué par Défense
des Enfants international qui a pris le pari de traiter
de cette thématique de manière séparée, qui cherche à donner une image objective de ce qui se passe
dans la réalité et qui propose un ensemble de règles
ou de standards pour diminuer le nombre d’enfants
qui se trouvent dans ces différentes situations et pour
améliorer les conditions de la privation de liberté
avant jugement, lorsqu’elle est prononcée, comme
solution du dernier recours.
Puisse ce document être largement diffusé, expliqué,
compris, admis, adopté et surtout appliqué, partout
dans le monde !
Sion, le 8 juillet 2010
Jean Zermatten
2
Observation générale n.10 (2007): les droits
de l’enfant dans le système de justice pour mineurs
(CRC/C/GC/10).
9
CHAPITRE I: INTRODuction
Situation générale et raisonnement
des droits de l’enfant et de la justice pour mineurs
afin de rassembler davantage d’informations et de
preuves. Toutes ces informations furent analysées,
comparées et regroupées afin de produire un rapport structuré.
Ce rapport traite de la question de la détention provisoire de mineurs, dont l’usage routinier (voire exagéré) est considéré par les experts des droits de
l’enfant et de la justice pour mineurs, y compris les
membres du Comité des Droits de l’Enfant3, comme Objectifs:
l’un des problèmes les plus graves aujourd’hui dans
L’objectif de ce rapport est de développer une comle domaine de la justice pour mineurs.
préhension approfondie de la question de la détenC’est dans les locaux de détention provisoire, inclu- tion provisoire des jeunes : comment ce type de
ant les cellules de police et des prisons, que l’on as- détention est-il utilisé et que se passe-t-il durant
siste le plus à la violation des droits de l’enfant et où cette détention ? Pourquoi la détention provisoire
les standards internationaux relatifs à la détention est-elle utilisée de façon routinière et non, comme le
et au traitement des jeunes en conflit avec la loi sont stipulent les normes et standards internationaux, en
le moins respectés. Il en résulte toutes sortes d’abus tant que mesure de dernier recours ? Quelles sont
et de violence (physique, psychologique et sexuelle) les conséquences de la détention sur les enfants ?
par le personnel et d’autres détenus.
Existe-t-il des moyens d’approche de solutions ? Que
peux recommander DEI ?
Il est curieux de constater que la détention provisoire des mineurs est rarement le sujet d’un rapport Définitions:
ou d’un document. On trouve des informations sur Dans ce rapport, le terme « détention provisoire »
ce sujet de façon « disséminée » dans des publica- est utilisé dans un sens large pour définir la détentions, des rapports et autres documents traitant d’ tion de différentes catégories de jeunes prisonniers
« autres» questions en relation avec la justice pour qui ont été arrêtés mais n’ont pas encore été jugés.
mineurs. Cette situation rend difficile la collecte La détention provisoire inclut donc :
de preuves à propos des conditions et des réalités
la privation initiale de liberté par la police,
uniquement dans la phase de la détention provi- -
suite à une arrestation
soire.
la période de détention d’un suspect ordonCompte tenu de la gravité du problème et de -
l’urgence à réagir à ce propos, Défense des Enfants née par une autorité judiciaire et préalable à sa
International (DEI) a décidé de préparer cette pub- condamnation.
lication. Il s’agit d’une collecte d’exemples et de
preuves devant être utilisée en tant que référence
pour de futures actions d’alerte de l’opinion, de lobbying et de plaidoyer sur ces questions par DEI et
ses partenaires aux niveaux national, régional et international.
Dans ce raport, le terme “détention provisoire”
sera utilisé comme synonyme d’autres termes utilisé dans le monde comme par exemple la garde à
vue, la detentation préventive, etc...
Méthodologie :
Structure du Rapport:
Le Secrétariat International de DEI a collecté des
informations sur la détention provisoire de jeunes
fournies par les sections nationales de DEI dans le
monde entier puis a étudié de façon approfondie
des documents et rapports produits par des organisations partenaires et d’autres sources. Par ailleurs,
nous avons organisé des consultations d’experts
3
Défense des Enfants International, « Panel
report : protecting the rights of Children in juvenile
justice systems », 5 juin 2008.
Le rapport commence par un chapitre général
présentant des preuves de la réalité de la situation de la détention provisoire. L’objectif est de
souligner l’étendue du problème. Les domaines
suivants de préoccupation seront examinés : disponibilité de chiffres et de données, conditions de
l’enfermement, actes de violence et abus. Les informations seront illustrées par des exemples trouvés
dans la documentation.
10
CHAPITRE i: INTRODUCTION
Le chapitre qui suit contient une présentation des
règles, standards et dispositions adéquats à propos
de l’usage de la détention provisoire et des conditions d’enfermement des mineurs.
« La réalité et les règles », notamment le fossé considérable existant entre les deux, seront le sujet du
chapitre 4. On soulignera toute une série d’éléments
qui peuvent contribuer à une compréhension des
raisons de ce fossé.
Dans le but de mieux prendre conscience de
l’importance de l’application des règles, les conséquences pour les enfants de l’usage exagéré de
la détention provisoire seront présentées dans le
chapitre 5, avec les impacts sur la communauté dans
son ensemble et sur les phénomènes de récidive.
Le chapitre suivant sera consacré aux solutions de
ces problèmes. Nous présenterons des recommandations et des pratiques appropriées.
Le chapitre 7 servira de conclusion à ce rapport.
11
CHAPITRE ii: Usage et abus de la
détention provisoire de mineurs
Aujourd’hui, dans le monde entier, les problèmes
réels concernant la détention (y compris durant la
phase préalable au procès) ne sont pas dus aux
normes mais plutôt aux pratiques existantes. Malgré
l’existence d’un certain nombre de règles et de protections dans les législations nationales et internationales, les documents disponibles indiquent que
la majorité des enfants en détention (leur nombre
est estimé à au moins un million4) attendent encore
d’être jugés. En France, par exemple, en 2008, 57,1%
des mineurs en détention sont en détention provisoire5. A Haïti, ce pourcentage atteint 80 pour cent6.
A Douala, Cameroun, 76 pour cent des mineurs en
détention attendent d’être jugés7.
Il s’avère difficile de trouver des données et informations spécifiques sur la détention provisoire, et les
conditions de vie spécifiques des mineurs en détention provisoire ont rarement été analysées séparément des conditions générales de détention. Les
sections nationales de DEI ont constaté les mêmes
problèmes. Nous avons ainsi décidé d’adopter une
approche plus qualitative pour décrire la situation
et l’illustrer avec des chiffres et exemples disponibles en provenance de pays sélectionnés.
La difficulté de trouver une information spécifique
sur les conditions et réalités de la détention provisoire résulte du fait que les rapports, documents et
autres sources traitent habituellement de « détention » sans spécifier si celle-ci s’est déroulée avant
ou après le procès. C’est la raison pour laquelle il n’a
pas été possible dans cette section de nous limiter à
la réalité de la détention provisoire. Ceci étant dit, il
4
Défense des Enfants International, « No kids
behind bars, a study on Children in conflict with the law
: towards investing in prévention, stopping incarcération
and meeting international standards », 2003, p. 3.
5
Rapport du Sénat à l’occasion de l’examen de la
Loi de Finances 2009 :
http://extranet.senat.fr/rap/a08-104-5/a08-104-58.
html.
6
Article « Haïti : des mineurs oubliés derrière les
barreaux », par Edgard Celestin, Claude Gilles, Février
2003 :
http://www.syfia.info/index.
php5?view=articlesetaction= voiretidArticle=2981.
7
Article « Prisons camerounaises : l’enfer des
mineurs », novembre 2006 :
http://www.syfia.info/printArticles.php5?idArticle=4565
convient d’avoir toujours à l’esprit que les conditions
sont souvent bien pires dans le cadre de la détention provisoire que dans celle intervenant après
jugement, comme l’indique le Rapporteur Spécial
de l’ONU sur la Torture dans l’un de ses derniers rapports : « Bien trop d’enfants étaient détenus dans
des cellules extrêmement surpeuplées, dans des
conditions sanitaires et hygiéniques déplorables.
Ceci était particulièrement vrai durant la période
de la détention provisoire, malgré l’intention que la
détention provisoire soit exceptionnelle pour des
enfants »8.
Dans cette section, nous présenterons l’information
disponible sur la détention provisoire sous une
forme structurée, thème par thème (faits et chiffres ; conditions de l’enfermement ; violence et
abus ; autres préoccupations) dans le but d’offrir un
aperçu exhaustif de la situation actuelle. Ces informations viennent de rapports et documents de DEI,
d’experts et d’autres organisations ainsi que de la
part des sections nationales de DEI.
Extrait de la documentation – France
« Comment les mineurs passent-ils leur temps en
prison ? Pour répondre à cette question, il est essentiel d’essayer de comprendre à quoi ressemble
réellement leur vie quotidienne, laquelle est très
éloignée de la législation qui est censée être appliquée durant la détention tout comme des discours
de l’administration. La vie en prison n’a pas de règles. La plupart des jeunes détenus considèrent en
effet que la prison est une « zone de non-droit ». Les
détenus imposent la loi du plus fort et extorquent
tout nouveau venu, lui prenant ses chaussures,
puis ses cigarettes et autres affaires personnelles.
De multiples façons, la vie en prison ressemble à
celle dans certaines cités pauvres. Des bandes se
reforment et les chefs s’imposent par la violence.
8
Interim report of the Special Rapporteur on Torture and other cruel, inhuman or degrading Treatment
or Punishment, Manfred Nowak, 2009, paragraphe 69 ;
UN reference : A/64/215.
12
CHAPITRE ii: Usage et abus de la
détention provisoire de mineurs
Extrait de la documentation – France- suite
Après avoir tenté de se défendre et parfois après
avoir été terriblement battus, ceux qui ne sont
pas de la « cité » et ne connaissent personne sont
rapidement forcés de s’incliner. Ceci peut paraître
curieux, car, après tout, le nombre de mineurs
dans une prison n’est pas si élevé, habituellement
quelques douzaines au maximum. Par ailleurs,
la prison est un espace limité et très structuré
et l’on pourrait penser qu’il ne devrait pas être
difficile de le contrôler. Dans la réalité, il y a des
moments (comme par exemple, les promenades
quotidiennes) et des lieux (comme les toilettes et
les douches) où les gardiens sont souvent absents et où « les choses se règlent ». Beaucoup
de jeunes tentent d’échapper à une telle situation
en restant enfermés dans leur cellule au prix d’un
isolement accru suscitant d’autres implications
psychologiques. »
(Article « Les quartiers pour Mineurs », Février
2008, http://pays-de-la-loire.emancipation.fr/)
i) Faits et chiffres :
Un manque de données ventilées et comparables
Comparer les données sur l’usage de la détention
provisoire de mineurs dans le monde n’est pas une
tâche facile. On peut obtenir des statistiques sur le
nombre de jeunes en détention provisoire en demandant à chaque gouvernement de fournir une telle
information. Toutefois, ces données sont rarement
ventilées et, même lorsqu’elles sont disponibles, difficilement comparables. Comme l’indique une étude
sur la détention provisoire en Europe9, ce continent
ne dispose même pas d’une notion commune de la
détention « provisoire ». De fait, certains pays incluent dans leurs statistiques différentes catégories de
prisonniers non condamnés (par exemple, des prisonniers non jugés/ des prisonniers qui ont été reconnus coupables mais n’ont pas encore été jugés/ des
prisonniers qui ont été reconnus coupables et jugés,
9
Christine Morgenstern, « Pre-trial/remand
détention in Europe : facts and figures and the need to
common minimum standards », dans ERA Forum (2009)
9, p. 527-542.
11 Open Society Justice Initiative, « pretrial detention
», 2008, p. 6.
mais qui n’ont pas entamé la procédure d’appel
ou sont encore dans les délais pour le faire/ etc…)
rendant difficile la comparaison de statistiques.
Extrait de la documentation
« Des informations nécessaires pour détecter et
analyser les problèmes de la détention provisoire
tout comme des données permettant de simuler des solutions ou de donner des indications de
progrès ou de détérioration n’existent pas. Dans
la mesure où les agences gouvernementales collectent des informations dans le but de perpétuer la routine et ne pas les changer, et parce
que le caractère des problèmes de la détention
provisoire varie considérablement à travers le
monde, il convient de réinventer chaque fois
la
base de mesures de la réforme judiciaire. »
(Open Society Justice Initiative, “Pretrial
Detention”,2008,p.6.)
L’usage routinier de la détention provisoire /la
détention provisoire n’est pas utilisée en tant que
mesure de dernier ressort.
Toutes les sources disponibles confirment le fait
que la détention provisoire des mineurs est utilisée
de façon routinière et non en dernier ressort, comme le recommandent les standards internationaux.
La détention provisoire devrait même être utilisée
plus rarement que la détention après jugement (qui
devrait n’être aussi utilisée qu’à titre exceptionnel)
parce que l’enfant n’a pas encore été condamné pour
le moindre délit.
Dans ses recommandations de conclusion, le Comité
des droits de l’enfant (CDE) recommande souvent
l’usage de la détention provisoire exclusivement en
tant que mesure de dernier ressort et pour le laps de
temps le plus court possible. Environ un tiers des pays
étudiés par le CDE entre 2008 et le milieu de l’année
200910se sont vu conseiller d’utiliser la détention provisoire en tant que mesure de dernier ressort.
10
L’Argentine, la France, le Kazakhstan, la Lettonie, la Lituanie, le Mozambique et l’Uruguay.
13
CHAPITRE II: Usage et abus de la
détention provisoire de mineurs
L’usage routinier (pour ne pas dire l’abus de l’usage)
de la détention provisoire fut également l’une des
principales constatations du Rapport annuel sur la
justice pour mineurs de DEI pour l’année 200711.
L’usage abusif de la détention provisoire fut en fait
une préoccupation commune des 15 sections nationales de DEI qui ont participé à l’étude.
Durée de la détention provisoire/ arrestation et
garde à vue, et détention provisoire qui n’est pas
utilisée pour le laps de temps le plus court possible
L’une des pratiques les plus préoccupantes concerne l’emprisonnement d’enfant pour des périodes
indéfinies. Les standards internationaux en matière
de justice pour mineurs ne spécifient pas de durée
maximale de détention provisoire ; ils indiquent
uniquement que cette durée devrait être « la plus
brève possible », laissant la porte ouverte à toutes
sortes d’interprétation par les autorités. Dans son
Obsérvation Générale N° 1012 (paragraphe 83), le
CDE indique qu’aucun enfant ne devrait être détenu
par la police plus de 24 heures sans une injonction
judiciaire et que, pour ce qui concerne la détention
provisoire, les tribunaux devraient prendre « une
décision finale sur les charges au plus tard six mois
après qu’elles ont été soumises”. La réalité révèle
que ces délais ne sont pas toujours respectés.
o
Garde à vue:
La durée excessive de la garde à vue est souvent un
problème. Elle varie de 24 ou 48 heures à trois ou
quatre jours selon les pays13. Des enfants sont souvent détenus dans des locaux de police pendant
plusieurs jours, ou même des semaines. .
Exemple de cas : le Kenya
« la période de détention, censée être de 24 heures
ou moins, peut en fait s’étendre sur des semaines,
voire des mois. De multiples facteurs contribuent à
11
Défense des Enfants International, « From legislation to action. Trends in juvenile justice législation
across 16 countries, 2007.
12
CRC/C/GC/10
13
André Dunant, « Préventive detention », Journal of the international association of juvenile and
family court and magistrates, N.1 vol.5, 1996, p.15.
cette situation, par exemple le fait que, si un enfant
est arrêté un vendredi, il sera maintenu en détention jusqu’au lundi suivant avant d’être présenté
au tribunal. Par ailleurs, la Constitution du Kenya
décrète que, si le délit dont est accusé l’enfant est
punissable de la peine de mort, le prisonnier peut
être alors détenu pendant une période pouvant
aller jusqu’à 14 jours avant d’être présenté devant
le tribunal. La majorité des enfants sont habituellement détenus dans des cellules pendant les 48
heures entre l’arrestation et la première présentation devant un tribunal. Il est rare que la police contacte les parents ou les tuteurs durant les
premières 48 heures après l’arrestation afin de les
informer de la première présentation devant le
tribunal. Des retards inutiles interviennent parce
que le tribunal reporte l’affaire pour quelques
jours en renvoyant l’enfant dans des cellules de
police afin de pouvoir « signaler » leurs parents ».
(CSC/CRADLE, The Undugu Society of Kenya:
«Street Children and JJ in Kenya», 2004, p. 24.)
o
Détention provisoire:
La législation de plusieurs pays contient des dispositions exécutoires permettant souvent la détention
de jeunes pendant de longues périodes au-delà des
six mois recommandés par le Comité. Dans certains
pays, la loi ne spécifie pas de durée maximale. Dans
la Loi sur la protection des mineurs en Belgique, par
exemple, la durée de la détention provisoire n’a pas
de limites dans le temps, bien qu’il y ait une limite
pour toute autre mesure temporaire décidée par
un juge avant le procès. Des enfants peuvent être
placés dans un centre de détention fermé pendant
une période de trois mois, qui peut être renouvelée pour trois autres mois puis de nouveau sur
une base mensuelle si cela est jugé nécessaire.
Le Comité des Droits de l’Enfant exprime régulièrement ses préoccupations dans ses observations
finales à propos de la durée de la détention provisoire. De telles préoccupations furent exprimées
dans les observations finales sur la moitié des
pays examinés par le CRC entre 2008 et le milieu
del’année 200914.
14
Ces pays sont les suivants : Burundi, Géorgie, RDC, Kazakhstan, Lettonie, Lituanie, Malaisie,
Monténégro, Uruguay, Timor Leste, Argentine, France,
14
CHAPITRE ii: Usage et abus de la
détention provisoire de mineurs
ii) conditions de détention :
Aucune séparation entre mineurs et adultes
Selon de nombreuses sources, les conditions de
détention pour les prisonniers en détention provi- Bien trop souvent, les mineurs en attente d’un procès
soire sont bien pires que pour les détenus condam- sont détenus avec des prisonniers adultes. Il s’agit
là d’un sujet de préoccupation particulier car le renés.
groupement de jeunes avec des adultes sans liens de
parenté entraine inévitablement la possibilité d’une
domination et d’une exploitation15.
Avec les longues périodes de détention provisoire, la
Extrait de la documentation : le Nigeria
détention avec des adultes représente la préoccupaDurant une visite au Département d’investigation
tion la plus courante soulevée par le CDE dans ses
criminelle à Lagos, Nigeria, le Rapporteur Spéobservations finales aux Etats partis. Plus d’un tiers
cial sur la torture rencontra un garçon de onze
des pays inspectés par le CDE entre 2008 et 200916
ans qui avait déjà passé deux semaines dans ce
se sont vus recommander de séparer les enfants des
lieu. Dans son rapport à l’Assemblée générale de
adultes dans la détention provisoire. Ce problème de
l’ONU, il décrit cette visite comme l’un des plus
la non-séparation des mineurs et des adultes n’est pas
obsédants exemples de mauvaises conditions
limité à des pays du « sud » : selon DEI-Suisse, la nonde détention :
séparation d’enfants et d’adultes dans des centres de
détention provisoire constitue le problème principal
« ce garçon était détenu dans une cellule dans
du système pénal pour les mineurs dans ce pays, car
les conditions les pires que l’on puisse imaginer
les centres de détention ne sont tout simplement
avec approximativement cent autres prisonpas adaptés aux besoins. Selon une étude du Bureau
niers adultes qui présentaient presque tous des
fédéral de la justice suisse réalisée en 2005, seuls 9
traces de coups. La cellule, bien trop petite pour
centres de détention sur 33 ont des ailes séparées
le nombre de personnes détenues, était recoupour les enfants.
verte d’un toit de fortune n’offrant aucune protection contre le soleil et rendant la température
et l’humidité insupportables. Un trou dans un
coin servait de toilette. Une nourriture de qualité insuffisante était fournie en quantités insuffisantes ; les prisonniers procédaient eux-mêmes
à la distribution. Il en résultait des parts encore
plus petites pour les plus faibles et les plus vulnérables. Lors de l’entretien entre le Rapporteur
Spécial et le jeune garçon, ce dernier était trop
faible pour se tenir debout. »
(Rapport Interimaire du Rapporteur Spécial sur
la torture et autres peines ou traitements inhumains et dégradants, op.cit,par.77.)
Azerbaïdjan et
Bangladesh.
Extrait de la documentation
« Alors que dans la plupart des Etats visités par
le Rapporteur Spécial, il existait une prise de conscience générale du besoin de séparer les détenus et de se conformer à des normes en résultant, l’application de tels principes se faisait, dans
le meilleur des cas, au coup par coup. Le manque
de séparation était particulièrement troublant au
cours des gardes à vue et des détentions provisoires, moments durant lesquels des enfants se
trouvaient confrontés à un environnement caractérisé par la tension, la peur, les abus et la vio
lence.
15
CPT, « 9th general report on the CPT’s activities
covering the period 1 January to 31 December 1998 »,
par. 25.
16
RDC, Liberia, Monténégro, Surinam, Timor
Leste, Djibouti, Malawi, Qatar, Philippines, Sierra Leone
et Venezuela.
15
CHAPITRE ii: Usage et abus de la
détention provisoire de mineurs
Une fois en prison, la séparation était dans certains cas appliquée seulement durant la nuit, laissant des enfants confrontés aux adultes durant
toute la journée. Dans d’autres cas, des enfants
n’étaient pas séparés des adultes à l’extérieur de
la cellule durant les périodes de récréation, par
exemple au Paraguay et en République de Moldavie. Dans quelques cas, les enfants étaient
laissés à la garde de détenus plus âgés qui non
seulement n’avaient pas la formation spécifique
mais risquaient d’abuser de leur position ».
(Rapport intermédiaire du Rapporteur Spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
Manfred Nowak, 2009, paragraphe 76.)
Surpeuplement
Le surpeuplement en prison est la première et la
plus directe conséquence de l’usage excessif de la
détention provisoire tout comme l’un des problèmes les plus urgents de la plupart des prisons dans
le monde entier17.
que celles déjà effroyables dans les prisons accueillant des personnes condamnées.
o Pendant la garde à vue : dans quelques pays, des
personnes sont détenues dans des commissariats
de police pendant de longues périodes et dans des
conditions atroces. Ces cellules de commissariat
sont crasseuses, souvent sombres et offrent rarement des possibilités d’exercice et de détente18.
o Pendant la détention provisoire : les locaux de
détention provisoire sont souvent considérés comme étant dans des états très mauvais. Par exemple,
en Albanie, les rapports de la section nationale de
DEI signalent que dans la plupart des lieux de détention provisoire, les murs sont fissurés, les lits sans
couverture et les locaux humides. La lumière n’est
jamais éteinte, rendant difficile le sommeil des enfants. Les toilettes sont partagées et peuvent être
uniquement utilisées à la suite les uns des autres à
un horaire déterminé. Selon DEI -Albanie, la situation est sensiblement meilleure dans les prisons où
les toilettes sont situées dans les locaux et peuvent
être utilisées par les enfants à tout moment19.
Négligence
Extrait de la documentation : le Pakistan
“la plupart des prisons au Pakistan ont été construites en fonction du taux de criminalité et du
niveau de la population il y a plus de cinquante
ans. Le boom de l’urbanisation et les procédures
de plus en plus lentes en matière d’investigation
policière et de justice ont entraîné une augmentation significative du nombre de personnes
détenues en prison.”
(The Consortium for street Children (CSC)/Amal
« street Children and juvenile justice in Pakistan
», 2004.)
Les administrateurs de prison considèrent que leur
principale tâche est la garde et la réhabilitation
de détenus condamnés. Les personnes en détention provisoire sont souvent considérées comme
un groupe dont l’emprisonnement est temporaire,
l’objet essentiel de la prison étant de s’occuper de
ceux qui ont été condamnés.
Une étude sur plusieurs pays a constaté que, dans
la pratique, la plupart des systèmes pénitentiaires
refusent à la population en détention provisoire un
accès à de nombreux équipements ainsi que des
droits et privilèges octroyés à des détenus condamnés20.
Des conditions matérielles effroyables
Les conditions matérielles de la détention provisoire
sont souvent très mauvaises et parfois bien pires
17
Penal Reform International, « réducing pre-trial
detention, an index on « good practices » developed in
Africa and elsewhere », 2005.
18
Open Society Justice Initiative, « Pre-trial detention », op.cit., p. 18.
19
Défense des Enfants International, « from legislation to action », op.cit., p. 40.
20
Open Society Justice Initiative, « Pre-trial detention », op. cit., p. 18
16
CHAPITRE II: Usage et abus de la
détention provisoire de mineurs
Usage de drogues et de médicaments
Les drogues s’obtiennent facilement dans la plupart des
prisons. L’administration pénitentiaire est parfois consciente de ce problème21. Les drogues semblent même
être un « facteur de paix sociale » dans des prisons. Des
jeunes gens affalés sur des lits avec des esprits brumeux
et des mouvements lents sont « plus faciles » à surveiller. Mais les choses s’empirent : les détenus prennent
souvent des médicaments virulents pour lutter contre
l’ennui et la dépression. Les médicaments sont ainsi
l’objet de trafic et d’échange de services.
Dans une prison à Lille (nord de la France), 52 pour cent
des jeunes détenus sont signalés comme dépendants
de la drogue. Selon le directeur de ce lieu, le nombre de
drogués est plus élevé parmi les personnes quittant les
prisons que parmi celles y entrant.
iii) violence et abus
Les problèmes et thèmes décrits préalablement et liés
aux mauvaises conditions de détention sont tous des
facteurs augmentant le niveau de la violence et des
abus en prison. La situation en détention provisoire
étant nettement pire que celle des détenus condamnés, nous pouvons imaginer que le niveau de violence
est également plus élevé pendant la détention provisoire.
Extrait de la documentation :
« Une part significative des abus dont sont
victimes les enfants détenus est infligée par
d’autres détenus, principalement par des adultes, mais aussi par d’autres enfants. Les formes
d’abus peuvent être verbaux et psychologiques,
mais également physiques, y compris le viol. (…)
Sans protection de l’Etat, les détenus mineurs
se retrouvent au niveau le plus bas de l’ordre
hiérarchique interne, enclins à l’exploitation par
d’autres. »
Torture et mauvais traitements
Les mineurs en détention provisoire sont souvent victimes de torture et d’autres mauvais traitements par la
police ou le personnel de la prison. Il semble toutefois
que c’est durant la période suivant immédiatement
la privation de liberté que le risque de torture et de
mauvais traitement est le plus grand. La garde à vue
policière est particulièrement visée, comme le révèle
le Comité Européen contre la Torture : « tout comme
pour les adultes, il apparaît que les mineurs courent
un plus grand risque de mauvais traitements délibérés
dans des locaux de police que dans d’autres lieux de
détention. Dans de multiples occasions, des délégations du CPT ont collecté des preuves crédibles que
des jeunes figurent parmi des personnes torturées ou
maltraitées par des officiers de police22. »
De sections de DEI ont signalé des exemples de méthodes d’interrogatoire dures incluant la torture physique et psychologique23. A Sambreville, Belgique, un
jeune délinquant âgé de 17 ans fut placé en garde à
vue pour un interrogatoire. Durant cette procédure, il
fut forcé de se tenir debout sur les genoux pendant
deux heures tout en étant frappé par des officiers de
police, qui ont également recouvert sa tête avec sa
chemise. DEI-Ghana et DEI-Bolivie ont signalé que le
passage à tabac et l’intimidation d’enfants placés en
garde à vue sont courants dans ces pays. En Albanie,
presque tous les jeunes interrogés par le personnel de
DEI dans le cadre de son étude ont indiqué qu’ils avaient subi de la violence et des traitements inhumains
durant leur arrestation par la police.
Extrait de la documentation : le Népal
« Selon un grand nombre de rapports fiables et
substantiels, y compris des témoignages directs
d’enfants, les méthodes les plus courantes de torture utilisées par la police sur des enfants incluent : les coups de pied, des coups de poing sur
le corps, l’insertion d’ongles métalliques sous les
ongles de pied des enfants
(Rapport intérimaire du Raporteur Spécial sur
la torture et les autres triatments inhumains et
dégradants, op.cit., paragraphe 74).
21
l’information dans cette section a été trouvée dans
l’article de Laurent Mucchielli, « France, les quartiers pour
mineurs », op.cit.
22
« 9th General Report on the CPT’s activities »,
op.cit., paragraphe 23.
23
Défense des Enfants International, « From législation to action », op.cit., p.
43-46.
17
CHAPITRE II: Usage et abus de la
détention provisoire de mineurs
et la frappe de la plante des pieds, des cuisses,
des avant-bras, du dos des mains et du dos avec
des bâtons de bambou et des tuyaux de plastique.
La plupart des enfants abusés par la police sont
suspectés d’avoir commis des délits mineurs ou
sont des mineurs vivant ou travaillant dans les
rues. Parfois, la torture est infligée pour obtenir
des aveux des enfants, mais, à d’autres moments,
il semble qu’elle soit pratiquée pour l’unique divertissement des officiers de police. »
(Human Rights Watch, « Nepal : End torture of
Children in police custody : Nepali Children’s Day
Marred by Ongoing Reports of Abuse », http://
www.hrw.org/en/news/2008/11/18/nepal-endtorture-children-police-custody)
Violence entre détenus
Comme l’a souligné l’étude de l’ONU sur la violence envers les enfants, ceux-ci courent aussi le risque d’être
victimes de violence par d’autres enfants détenus. Le
manque d’intimité, la frustration, le surpeuplement et
la non-séparation des prisonniers en fonction de leur
âge et de la gravité de leur délit sont tous des facteurs
pouvant exacerber la violence.
Selon DEI-Argentine24, dans de nombreux cas, la pure
violence constitue une stratégie de survie pour des
mineurs détenus, notamment lorsque les conditions
sont pauvres et qu’il y a une pénurie de nourriture et
d’eau.
DEI-France rapporte que des jeunes détenus forment
souvent des gangs au sein des centres de détention,
avec pour conséquence des brutalités, de l’extorsion
et d’autres formes d’abus contre d’autres enfants25.
d’abus de la part d’adultes détenus, d’autres enfants,
de la police et du personnel des prisons. Le peu de
données disponibles révèlent que des abus sexuels
se produisent très fréquemment et partout dans le
monde. A titre d’exemple, une étude récente en provenance des Etats-Unis indique que douze pour cent
de l’ensemble des mineurs détenus ont déclaré avoir
été victimes d’un ou de plusieurs abus sexuels26.
Extrait de la documentation : Haïti
« En octobre dernier, J.J.Natch, une détenue de 17
ans, a donné naissance à son premier bébé. Ceci
s’est produit à la prison de Fort National, où des
femmes et même des enfants accusées de crimes
graves sont incarcérées. La jeune fille, qui avait
été détenue pendant trois ans sans même avoir
été amenée devant un tribunal, fut violée par un
membre du service de santé de la prison. Il semble que le violeur, qui n’a jamais été arrêté, avait
déclaré explicitement qu’il voulait avoir une relation sexuelle avec la prisonnière. Ce n’était pas la
première fois que des mineurs incarcérées à la
prison de Fort National - un vieux baraquement
converti en une prison après le démantèlement
de l’armée haïtienne en 1994 – étaient victimes
de violence sexuelle par le personnel ou d’autres
détenues. Des cellules surpeuplées et de mauvaises conditions de détention exposent en permanence ces enfants à des abus sexuels, une situation courante jusqu’à ce que les mineures soient
récemment séparées des adultes. »
(« Haïti : des mineurs oubliés derrière les barreaux
» op.cit.)
Abus sexuels
Bien que l’on ne dispose pas d’informations détaillées
et de chiffres globaux, il est largement connu que les
enfants en détention sont victimes de toutes sortes de
mauvais traitements et
24
Défense des Enfants International, « From législation to action », op.cit.,p. 45
25
idem
o
Abus sexuels par des détenus adultes:
Selon Manfred Novak, Rapporteur Spécial sur la Torture, l’une des conditions plaçant des enfants en situation de plus grande vulnérabilité pour des abus est
26
Special report on sexual victimization in juvenile
facilities reported by youth, 2008-09, U.S. Department
of Justice, Office of Justice Program, Bureau of Justice
Statistics, January 2010, NCJ 228416
18
CHAPITRE II: Usage et abus de la
détention provisoire de mineurs
leur détention dans les mêmes lieux que des adultes,
voire même dans les mêmes cellules27.
Le rapport de DEI intitulé « Pas d’Enfants derrière des
Barreaux » indique que des enfants hébergés avec
des adultes risquent cinq fois plus d’être abusés sexuellement que ceux logés dans des centres réservés
aux mineurs. Ceci est stimulé par la situation des
cellules pour adultes qui se trouvent devant celles
des mineurs ainsi que par la mixité des douches et
d’autres lieux de détente. Il semble que ces abus sexuels se produisent notamment durant les moments
où il y a peu de surveillance policière des cellules28.
Extrait de la documentation : Cameroun
« Plusieurs saisissent l’opportunité de satisfaire
leur appétit sexuel sur ces enfants en les sodomisant », déclara un responsable d’une association
proche de la prison de Douala.
« J’ai entendu parler du cas d’un mineur qui avait
été jeté en prison et oublié pendant plusieurs années et qui ne pouvait plus supporter d’être violé
quotidiennement », déclara Alice Kom, avocate.
38
(Prisons camerounaises : l’enfer des mineurs
(2006), op.cit.)
Témoignage : Albanie
« Deux autres garçons, A.SH et G.M. furent violés en ma présence. Je me souviens que nous avions ces deux nouveaux gars dans la cellule. Nous
étions neuf dans la cellule. Une nuit, ils ont attrapé les deux gars, ils leur ont enlevé leurs vêtements et eurent des rapports sexuels avec eux.
Bien qu’ils aient tous les deux crié, personne n’est
venu à leur aide. Les plus vieux m’ont demandé
si je voulais avoir une relation sexuelle avec eux,
mais je ne l’ai jamais fait. Tous les autres gars (6
adultes) dans la cellule l’ont fait. Ceci a continué
pendant quelque deux ou trois mois. Les officiers
de police étaient au courant, mais ils n’ont rien
fait. Ce n’est que lorsqu’un nouveau chef du commissariat est arrivé, que la police a placé A.SH et
G.M. dans d’autres cellules. »
(Défense des Enfants International, « From legislation to action », op.cit., p. 44)
27
« Sexual violence in institutions, including in
détention facilities », statement by Manfred Novak, Special Rapporteur on torture and other cruel, inhuman or
degrading treatment or punishment, delivered during the
13th session of the Human Rights Council,
Annual full-day meeting on the rights of the child, 10
March 2010, Geneva.
28
Défense des Enfants International, « pas
d’enfants derrière des barreaux, op.cit., p. 40
o
Abus sexuels par d’autres enfants détenus :
Même s’ils sont mieux protégés que lorsqu’ils sont
détenus avec des adultes, des enfants courent le risque d’être abusés sexuellement par d’autres enfants
détenus. Selon le rapport de DEI « de la législation
à l’action », les vies sexuelles des enfants en conflit avec la loi restent un tabou pour les jeunes tout
comme pour les professionnels travaillant avec eux.
DEI-Albanie indique que ce n’est que dans un petit
nombre de prisons que l’on parle de cette question
et que l’on organise des classes sur l’éducation sexuelle. Une telle situation suscite de la crainte et de
la curiosité parmi les enfants et peut mener à des
abus sexuels d’enfants par des mineurs détenus plus
âgés.
o
Abus sexuels par le personnel des prisons :
Des allégations préoccupantes d’abus sexuels au
sein de prisons par la police ou d’autres membres
du personnel sont courantes avec des risques aussi
bien pour les garçons que pour les filles. Des enfants
arrêtés et détenus sont en position de faiblesse et
peuvent être facilement abusés en total impunité. Il
est probable que de telles pratiques soient bien plus
répandues que les cas isolés qui sont rapportés à une
plus large audience.
19
CHAPITRE II: Usage et abus de la
détention provisoire de mineurs
Témoignage : Kenya
« Les filles vont dans une cellule du commissariat
et doivent avoir des relations sexuelles avec les
policiers pour être libérées, mais elle n’est pas
libérée. Le policier a même 42 ans et la fille 16
ans. C’est vraiment très mal ». 39
(Témoignage d’une jeune fille participant à un atelier, mentionné dans : »street Children and JJ in
Kenya », op.cit., p. 24)
iv) autres sujets de préoccupation:
Pas d’accès à une assistance juridique
Beaucoup d’enfants se voient refuser le droit à une
assistance judiciaire après leur arrestation.Ceci est
systématiquement le cas pour des enfants palestiniens détenus selon le système judiciaire militaire
israélien dans les Territoires Palestiniens Occupés.
On leur refuse le droit à un avocat tout comme à des
visites de leur famille. Ces enfants ne sont généralement pas autorisés à voir un avocat avant d’avoir
fourni un aveu lors de l’interrogatoire29.
Aucun accès à l’éducation (interruption de
l’éducation : scolarité ou formation professionnelle)
Selon un rapport récent de DEI sur l’éducation en
prison30, les enfants en détention provisoire peuvent être confrontés à d’immenses obstacles pour
accéder à leur droit à l’éducation, car les Etats ne
fournissent pas d’offres éducatives dans ces lieux
étant donné que leur séjour est supposé être de
courte durée.
Dans le même rapport, DEI-Sierra Leone précise que
l’offre éducative à des enfants en détention provisoire est généralement bien plus difficile à fournir
que durant la détention suite à une condamnation, à cause de l’incertitude à propos de la durée
29
DEI-Palestine, « Palestinian child prisoners report 2009 », June 2009, p. 6
30
Défense des Enfants International, « Education
in chains : gaps in éducation provision to Children in
détention », 2009, p. 27
d’incarcération des enfants (ce qui rend difficile la
préparation de programmes scolaires) et à cause
du manque de motivation des enfants davantage
préoccupés par leur procès à venir. Au Nigeria, le
manque d’éducation « globale » dans des centres
de détention provisoire est une cause de préoccupation car ces foyers sont utilisés comme « centres
de transit» pour des enfants attendant leur procès.
A propos de la situation spécifique des jeunes
filles
En dépit du fait que le nombre de filles dans le système de justice pour mineurs s’est considérablement
accru au cours des dernières années31, celles-ci continuent d’être discriminées durant leur détention
provisoire. DEI- Suisse souligne, par exemple, qu’il
n’existe pas de centres fermés de détention provisoire pour les jeunes filles dans la partie occidentale
de la Suisse.
Les filles, compte tenu de leur nombre relativement
plus faible dans le système, sont parfois logées dans
les mêmes sections de prison que les femmes adultes. C’est le cas en France : selon des informations
fournies par DEI-France, quelques centres de détention pour mineurs récemment ouverts refusent
d’accepter des jeunes filles car on considère qu’il est
trop risqué de les mélanger avec des garçons. Les
filles sont ainsi détenues avec des femmes adultes
dans des prisons pour adultes. Selon un rapport du
gouvernement français32, toutes les « unités pour
filles » ne sont pas en service dans les nouveaux «
EPM » (centres de détention pour mineurs récemment créés ), à cause du faible nombre de filles incarcérées dans certaines régions ou parce qu’il n’y a
plus de places disponibles à cause du nombre élevé
de garçons détenus. La vulnérabilité à la violence
des filles dans une telle situation est manifeste. Au
Royaume-Uni, on a compté environ une centaine de
filles âgées de 16 à 17 ans partageant des cellules
avec des femmes adultes33.
31
World Health Organization, WHO Conference on
Women’s health in Prison, Correcting gender inequities
in prison health- Consultative document for discussion
at the WHO International Conference on Prison Health –
Kyriv, Ukraine 13 Novembre 2008, Paris 13-15, p. 11
32
Rapport du Sénat à l’occasion de l’examen de la
loi de finances 2009 (France), op.cit.
33
Quaker’s Submission to the UN Study on Violence against Children – violence against girls in detention (29 March 2005).
20
CHAPITRE II: Usage et abus de la
détention provisoire de mineurs
Les jeunes filles sont également confrontées à une
discrimination pour ce qui concerne les activités
de loisir et de formation professionnelle. Le CPT a
souvent rencontré des mineures auxquelles on proposait des activités stéréotypées comme étant «
appropriées » pour elles (telles que la couture ou
l’artisanat), alors que les garçons mineurs se voient
proposer une formation d’une nature bien plus professionnelle.
D’autres domaines de préoccupation que nous
avons identifiés incluent l’accès limité à des visites
et une pauvre nutrition dans certaines structures.
Remand Home in Uganda
21
CHAPTER III: standards internationaux
sur l’usage de la détention provisoire
Après avoir fourni un aperçu des défis actuels concernant l’usage de la détention provisoire dans le
monde, nous allons à présent nous pencher sur
les règles et standards indiquant quand et comment devrait être utilisée la détention provisoire.
Il n’existe pas d’instrument international spécifique sur la détention provisoire. La Convention
sur les Droits de l’Enfant et d’autres normes et
standards internationaux incluent un ou plusieurs
articles ou sections spécifiques sur l’usage de la
détention préventive, mais, en règle générale, il
est admis que les mineurs en détention provisoire
doivent obtenir tous les droits et garanties relatifs
à la détention d’une façon générale.
Tous les standards et normes internationaux indiquent clairement que la détention, y compris
la détention provisoire, doit être une mesure de
dernier ressort et qu’elle doit être utilisée pour
le laps de temps le plus court possible. Les alternatives socio-éducatives doivent toujours être
prioritaires à la détention. Si des jeunes doivent
être incarcérés, ceci doit être toujours fait dans
un contexte et des conditions garantissant le respect des droits des enfants, y compris leur droit à
l’éducation, aux soins médicaux et à la dignité. Par
ailleurs, les enfants doivent être toujours gardés
séparément des adultes.
Des textes internationaux contiennent certaines
dispositions spécifiques concernant le traitement
de mineurs en attente de leur procès. Des informations détaillées sont fournies dans l’article 13
des Règles standard minimale des Nations Unies
pour l’administration de la justice pour mineurs
(« les Règles de Beijing »), dans la section III des
Règles des Nations Unies pour la protection des
mineurs privés de leur liberté (45), dans la section
II des Règles standard minimales des Nations Unies pour des mesures sans privation de liberté (les
« Règles de Tokyo ») – voir encadrés ci-dessous.
Des dispositions dans ces instruments insistent sur
l’importance de l’usage de la détention provisoire
en tant que mesure de dernier ressort et pour un
laps de temps le plus court possible, et sur le choix
de mesures sans privation de liberté chaque fois
que cela est possible. Les Règles de Tokyo (article
5) recommandent même que chaque système judiciaire élabore une série de critères établis pour
décider dans quelle mesure il s’avère approprié
d’abandonner les charges ou la détermination de
procédures pour des délits « mineurs ». De plus,
les détenus en détention provisoire devraient toujours se voir accorder la présomption d’innocence
(46) et un accès à un conseil juridique ainsi qu’à une
assistance judiciaire gratuite. Enfin, les mineurs
en attente d’un procès devraient avoir les mêmes
droits que d’autres détenus (droit à l’éducation/à
un travail, accès aux soins médicaux, loisirs).
Règles standard minimales des Nations Unies
pour l’administration de la justice pour mineurs
(« les Règles de Beijing ») (1985)
Article 13. Détention en attente d’un procès
13.1 La détention en attente d’un procès doit être
utilisée uniquement en tant que mesure de dernier ressort et pour le laps de temps le plus court
possible.
13.2 Chaque fois que cela est possible, la détention en attente d’un procès doit être remplacée
par des mesures alternatives, telles que la surveillance étroite, le soin intensif ou le placement dans
une famille, une institution ou un foyer éducatif.
13.3 Les mineurs en détention en attente d’un
procès doivent obtenir tous les droits et garanties
des Règles standards minimaux pour le traitement
de prisonniers adoptés par les Nations Unies.
13.4 Les mineurs en détention en attente d’un
procès doivent être séparés des adultes et détenus dans une institution distincte ou dans une
partie séparée d’une institution détenant également des adultes.
13.5 Durant leur détention, les mineurs doivent recevoir des soins, une protection et toute
l’assistance individuelle nécessaire –sociale, éducative, professionnelle, psychologique, médicale et physique – dont ils peuvent avoir besoin
compte tenu de leur âge, sexe et personnalité.
22
CHAPTER III: standards internationaux
sur l’usage de la détention provisoire
Règles des Nations Unies pour la protection des
mineurs privés de leur liberté (1990)
III Mineurs en détention ou en attente d’un procès
17 Les mineurs qui sont détenus en garde
à vue ou en attente d’un procès (non-condamnés) sont présumés innocents et doivent être traités en tant que tels. La détention avant le procès doit être évitée le plus
possible et limitée à des situations exceptionnelles.
En conséquence, tous les efforts doivent être
fait pour appliquer des mesures alternatives.
Lorsqu’une détention préventive est toutefois
appliquée, les tribunaux de jeunesse et organes
d’investigation doivent accorder la plus haute priorité à la procédure la plus expéditive de tels cas
pour s’assurer d’une durée la plus courte possible de la détention. Les détenus non condamnés
doivent être séparés des mineurs condamnés.
18 Les conditions dans lesquelles un mineur noncondamné est détenu doivent être consistantes
avec les règles établies ci-dessous, avec des dispositions spécifiques additionnelles si cela s’avère
nécessaire et approprié, compte tenu de l’exigence
de la présomption d’innocence, de la durée de la
détention et du statut juridique ainsi que du contexte du mineur. Ces dispositions devraient inclure,
mais pas être nécessairement limitées à ce qui suit :
Règles
standard
minimales
des
Nations Unies pour des mesures sans privation de liberté (« les Règles de Tokyo »)
II Phase préalable au procès
5. Dispositions préalables au procès
5.1 Chaque fois que cela s’avère approprié et
compatible avec le système judiciaire, la police,
les services en charge de l’accusation et autres organismes traitant d’affaires criminelles devraient
avoir le pouvoir d’abandonner les charges contre
l’accusé s’ils considèrent qu’il n’est pas nécessaire
de poursuivre l’affaire pour la protection de la société, la prévention de la délinquance ou la promotion du respect de la loi et le droit des victimes. Afin
de décider de ce qui s’avère approprié pour abandonner des charges ou déterminer des procédures,
une série de critères établis devrait être élaborée
au sein de chaque système judiciaire. Pour des cas
mineurs, le procureur peut imposer des mesures
adaptées sans privation de liberté, selon les cas.
6. Eviter la détention provisoire
6.1 La détention provisoire doit être utilisée en
tant que mesure de dernier ressort dans des
procédures criminelles, en prenant en considération l’investigation du délit supposé ainsi
que la protection de la société et de la victime.
a)
les mineurs doivent avoir droit à un conseil juridique et pouvoir demander une assistance judiciaire gratuite. Si une telle aide est
disponible, ils doivent pouvoir communiquer
régulièrement avec leurs conseillers juridiques.
La confidentialité et le respect de la vie privée
doivent être garantis pour cette communication. ;
6.2. Des alternatives à la détention provisoire
doivent être appliquées le plus tôt possible.
La détention provisoire ne doit pas durer plus
longtemps que nécessaire pour atteindre les
objectifs établis dans la règle 5.1 et doit être
administrée humainement et dans le respect
de la dignité inhérente aux êtres humains.
c)
les mineurs doivent recevoir et conserver du matériel pour leurs loisirs et leur
détente qui est compatible avec les intérêts de l’administration de la justice.
6.3 L’accusé doit avoir un droit d’appel à
une autorité judiciaire ou autre autorité indépendante compétente dans les cas ou
la détention provisoire est appliquée.
23
CHAPITRE Iv:Comprendre le fossé existant
entre la réalité et les règles
Conformément aux règles, la détention provisoire
ne devrait être utilisée qu’en tant que mesure de
dernier ressort et pour un laps de temps le plus
bref possible. Elle devrait être appliquée qu’à titre
exceptionnel pour les besoins de l’enquête, pour
éviter des affrontements ou le risque de fuite.
Toutefois, comme nous l’avons préalablement
constaté, ceci est rarement le cas et la détention
provisoire est utilisée de façon routinière dans le
monde entier. Dans cette section, nous allons tenter
de comprendre pourquoi en fournissant un certain
nombre d’explications possibles complémentaires.
Le manque de ressources financières
Le manque de ressources financières représente
souvent la principale raison donnée par les Etats
pour expliquer l’usage abusif et les pauvres conditions de la détention provisoire. Il s’agit là certainement d’une raison essentielle, car cela signifie que
les organismes et les structures ne peuvent pas
être suffisamment équipées et le personnel pas
suffisamment formé pour accomplir leurs tâches. A
titre d’exemple parmi d’autres, il fut rapporté qu’au
Kenya le manque de moyens de la police pour assurer systématiquement le transport des détenus
de la prison aux tribunaux retarde la libération des
enfants, qui doivent ainsi attendre la prochaine audience, laquelle a lieu habituellement au minimum
un mois plus tard34.
Cependant, l’argent n’en constitue pas la seule
raison. Le manque de volonté politique, des politiques et des mentalités répressives tout comme
une information et une formation insuffisantes des
professionnels quant aux règles existantes doivent
être également pris en considération lorsque l’on
tente de comprendre le problème.
Nous présentons ci-après une série d’explications
possibles (d’une nature différente) pouvant, prises dans leur ensemble, contribuer à comprendre
pourquoi la détention provisoire est utilisée de
façon routinière dans le monde et non en tant que
mesure de dernier ressort conformément aux indications des standards internationaux et des législations nationales.
34
26
« Street Children and JJ in Kenya », op.cit., p.
Ces raisons sont manifestement liées entre elles
et se renforcent mutuellement ; il est toutefois intéressant d’isoler chaque élément afin de considérer le problème de différents angles.
Le manque de connaissance (parmi les professionnels de la justice pour mineurs
à tous niveaux et notamment les officiers de police) de mesures alternatives
Le manque de connaissance des besoins spécifiques des enfants et des standards internationaux en matière de justice pour mineurs est l’une
des principales causes de l’usage excessif de la
détention provisoire et des abus s’y produisant.
Réduire le nombre d’enfants en détention provisoire ne signifie pas que des jeunes accusés d’un
délit ne doivent pas être confrontés aux actes
qu’ils sont supposés avoir commis. Des mesures
alternatives à la détention devraient être systématiquement envisagées pour des enfants accusés de
délits mineurs et la détention provisoire ne devrait
être utilisée que pour le petit nombre d’entre eux
qui présente un risque. Si les professionnels de la
justice n’ont pas conscience de telles règles, il est
difficile d’imaginer qu’ils les respecteront.
Des magistrats et un système de justice pour
mineurs surchargés
Dans plusieurs pays, et pas seulement dans le sud,
des adolescents sont gardés pendant plusieurs
mois en détention provisoire pour des délits ou
crimes non contestés, simplement parce que les
magistrats sont surchargés35.
Par exemple, DEI-Sierra Leone rapporte que des
enfants se languissent souvent en détention provisoire pendant des mois en attente d’une audience
par manque de ressources, y compris un manque
de juges pour entendre leur cas36. Une fois de
plus, les enfants les plus pauvres semblent être
discriminés : si une famille peut se payer un bon
avocat, l’enfant détenu aura une chance d’obtenir
une audience de tribunal plus rapidement37.
35
« Preventive detention (pre-trial détention) »,
op.cit.
36
Défense des Enfants International, « from
legislation to action », op.cit., p. 34
37
« Haïti : des mineurs oubliés derrière les barreaux », op.cit.
24
CHAPITRE Iv:Comprendre le fossé existant
entre la réalité et les règles
provisoire.
Extrait de la documentation : Kenya
« Des enfants sont gardés dans des foyers en
détention provisoire pour des périodes bien plus
longues que vraiment nécessaires. Ceci est dû au
temps que prennent les professionnels responsables pour achever leurs rapports d’investigation.
Ceci s’explique en partie par le fait que le fonctionnaire responsable doit interroger l’enfant et,
chaque fois que cela est possible, les membres de
sa famille, qui sont parfois difficile à localiser. Des
charges de travail excessives contribuent aussi
lourdement au retard, avec pour conséquence
que quelques jeunes détenus « grandissent »
effectivement en détention provisoire pendant
plusieurs années. »
(« Street Children and JJ in Kenya », op.cit, p.
26)
L’utilisation de la détention provisoire en tant que
sanction ou mesure répressive
En dépit de la ratification de la CDE par presque tous
les pays, la détention provisoire est encore considérée aujourd’hui comme une sanction disciplinaire ou
une mesure répressive avant le jugement. Par exemple en Chine, un jeune peut être gardé en détention
pendant plusieurs mois si la police pense qu’il est un «
délinquant » , avant d’être officiellement arrêté dans
le contexte d’une détention appelée « détention de
protection avant l’investigation38 »
La « politisation » de l’approche judiciaire et la notion de « sécurité du citoyen » dans quelques pays 40
entrainent aussi des politiques plus répressives, ce
qui explique l’usage routinier de la détention provisoire41.
Extrait de la documentation:
« La détention provisoire est utilisée parfois comme une sanction ou une mesure répressive : elle
sert de moyen d’obtention d’un aveu ou de contrôle de personnes sans abri. Dans la pratique,
cela mène à un manque de clarté quant à la frontière entre la détention provisoire et la condamnation à l’emprisonnement. En d’autres termes,
l’abus de la détention provisoire, que l’on observe
également dans des pays européens où une
période de détention provisoire est considérée
comme une période courte d’emprisonnement
servie en anticipation, a évolué pour devenir une stratégie appliquée systématiquement par le système de justice criminelle. »
Open Society Justice Initiative, « pre-trial détention », 2008, p. 26.
Le manque d’assistance juridique
Beaucoup de ces abus se produisent à cause de
l’impunité et d’un manque d’outils permettant à
l’enfant de défendre ses droits. Des affaires sont
laissées sans procès pendant de longues périodes
juste parce que les jeunes n’ont pas accès à un avocat pouvant défendre leur cas et faire accélérer la
procédure.
De plus en plus de pays utilisent une approche répressive pour lutter contre la délinquance juvénile.
L’envoi de délinquants en prison avant leur jugement
représente une partie de cette politique. “ Plusieurs Le manque de structures/institutions pour des
magistrats font un usage abusif et illégal de la déten- mesures alternatives
tion préventive en la considérant comme un châtiment Le manque de structures pour des mesures préalaavant le jugement39”. Ceci est en totale violation du bles au procès autres que la privation de liberté est
principe fondamental de la présomption d’innocence. un autre élément permettant de comprendre l’usage
Un grand nombre d’enfants sont libérés sans la moin- routinier de la détention provisoire.
dre charge et sans compensation après leur procès
40
Harry Holman et Jason Ziedenberg, « The danparce qu’ils ont été jugés innocents,
après avoir passé de longues périodes en détention
38
39
idem, p. 26
André Dunant, op.cit., p. 15
gers of detention : the impact of incarcerating youth in
détention and other secure facilities », Justice Policy
Institute, 2006), p. 12.
41
Open Society Justice Initiative, « pre-trial detention », 2008, p. 26.
25
CHAPITRE Iv:Comprendre le fossé existant
entre la réalité et les règles
A titre d’exemple, en Suisse, seulement un tiers des une protection et n’ayant commis aucun délit46.
mille mineurs en attente d’un procès sont placés
dans une institution spécialisée où ils sont encadrés Arrestation arbitraire d’enfants
par des travailleurs sociaux et peuvent poursuivre
leur scolarité. Les autres sont détenus dans des La police utilise aussi la détention provisoire
prisons, souvent avec des adultes, et ne profitent pour « nettoyer » les rues de « mauvais éléments
d’aucune activité ni locaux ou loisirs appropriés42.
» (souvent les enfants des rues) qui peuvent
offrir une image négative de la société47. Ceci
La pauvreté/ la discrimination des pauvres
se produit souvent (mais pas seulement) juste
Les régimes de détention provisoire peuvent être avant des évènements internationaux tels que
particulièrement discriminatoires envers les pau- la Coupe du Monde, les Jeux Olympiques, la
vres. Les enfants pauvres n’ont pas accès à une as- visite du président d’un autre pays, etc.., car les
sistance judiciaire personnelle et beaucoup de pays gouvernements veulent montrer des rues propres.
ne disposent pas d’un système exhaustif d’aide judiciaire pour des accusés qui sont trop pauvres pour
Extrait de la documentation : le Rwanda
s’offrir leurs propres avocats43.
« Beaucoup d’enfants travaillant ou vivant dans les
Un autre problème est la mise en liberté sous caurues sont simplement considérés comme des élétion en tant que condition pour être libéré de la
ments asociaux et sont placés en détention par la
détention. Au Malawi, par exemple, une raison-clé
police sans preuves du moindre méfait. Au Rwande la surpopulation du système pénitentiaire fut le
da, comme dans plusieurs autres pays, les enfants
fait que les prisonniers ne pouvaient pas payer la
des rues sont ramassés et placés dans des ‘centres
caution ou fournir la moindre sûreté ; en Afrique
de rééducation’ où ils sont privés de leur liberté,
du Sud, environ un tiers des prisonniers en attente
qu’ils aient ou non commis un délit. Dans plusieurs
d’un procès qui pourraient profiter d’une mise en
circonstances, ils sont envoyés en détention dans
liberté sous caution ne peuvent pas payer le montdes institutions préventives ou des prisons pour
ant fixé44.
adultes où ils peuvent être gardés indéfiniment. »
Le système de justice criminelle utilisé comme un
(World Report on Violence against Children, op.cit.
substitut inadapté au manque ou au dysfonctionnep. 195)
ment du système de protection sociale
Dans plusieurs pays, le système de justice pour
mineurs fonctionne comme un substitut inadapté à
un manque ou au dysfonctionnement du système de
protection sociale. En conséquence, on y trouve en
détention des enfants qui n’ont commis aucun délit
mais qui nécessitent véritablement une assistance
sociale, comme par exemple les enfants des rues45.
A titre d’exemple, au Kenya, 80 à 85 pour cent des
enfants en garde à vue ou dans des maisons de correction étaient des jeunes nécessitant des soins et
42
« conditions de détention inappropriées pour les
mineurs », www.humanrights.ch,
actualisé le 16.11.2007.
43
Open Society Justice Initiative, « pre-trial
détention », op.cit., p. 28
44
Idem, p. 29
45
Rapport provisoire du Rapporteur Special sur la
Torture, Manfred Novack, op.cit., para. 66.
46
World report on violence against Children, 2006,
p. 195.
47
Francesca Boniostti, « La Convention des droits
de l’enfant et la détention préventive. Un échec ? »,
Programme pluri-facultaire en action humanitaire,
Genève, décembre 1999
(non publié), p. 25.
26
CHAPiTrE v: Pourquoi la détention n’en
vaut pas la peine:Conséquences pour les
enfants et la société
« La vie ne peut pas s’apprendre en prison : vous
pouvez seulement y apprendre à vous haïr vousmêmes et à haïr les autres. »
Pour comprendre pleinement pourquoi la détention provisoire devrait être évitée le plus possible,
il est important d’apprendre davantage sur les impacts négatifs que la détention peut avoir sur des
jeunes gens.
Selon des experts48, la détention a des impacts négatifs profonds, pas seulement sur le bien-être physique et mental des jeunes, leur éducation et leur
emploi, mais également sur la communauté dans
son ensemble. Si tous les enfants en détention
sont touchés par ces problèmes, ceux en détention
préventive sont encore plus affectés car, pour la
plupart d’entre eux, c’est la première fois qu’ils sont
privés de leur liberté et ils ne savent pas combien de
temps ils devront rester en détention.
La première partie de ce chapitre analysera l’impact
physique, social et psychologique de la détention
sur des enfants.
Le reste du chapitre traitera d’une question très importante : « tout cela en vaut-il la peine ? » La détention mène-t-elle à une baisse de la récidive ou, au
contraire, n’accroit-elle pas le risque d’une répétition de la délinquance ? Qu’en est-il des coûts de la
détention ? Est-il économiquement raisonnable de
privilégier la détention à des sanctions n’entraînant
pas une privation de liberté ?
i)
Conséquences physiques, sociales et psychologiques de la détention sur des enfants
Conséquences « physiques » (maladies)
cent des détenus étaient affectés par le SIDA en
200649.
Des maladies de la peau telles que la gale, la teigne
ou l’herpès et la fièvre sont également courantes
dans des prisons insalubres.
Conséquences « sociales » (scolarité et travail)
Un adolescent détenu est quelqu’un qui a dû interrompre sa vie de l’ »extérieur » : la scolarité, le travail
et les relations sont généralement stoppés jusqu’à
sa libération, et une fois libéré, il sera probablement
stigmatisé en tant qu’ »ex-détenu » et souffrira de
toutes sortes de discrimination.
Une fois libérés, certains jeunes ont du mal à retourner à l’école50. Selon DEI-Palestine51, plusieurs
anciens prisonniers sont incapables de poursuivre
leur scolarité à la suite de leur libération. Ceci est
notamment vrai pour ceux qui ont passé plus de
70 jours en prison, compte tenu de la décision du
Directoire Palestinien de l’Education qui exige des
élèves de redoubler l’année entière s’ils ont été absents pendant plus de 70 jours.
Cette situation est particulièrement préoccupante
car les jeunes qui quittent la prison et ne reprennent
pas l’école sont confrontés à des risques collatéraux
: ceux qui ont abandonné leur scolarité doivent
faire face à un chômage plus élevé, une santé plus
précaire (et une vie plus courte) et des gains substantiellement plus bas que pour ceux qui sont retournés à l’école et ont achevé leur scolarité.
L’abandon de la scolarité par le jeune détenu affecte aussi la sécurité publique. Le Département de
l’Education des Etats-Unis rapporte que les jeunes
abandonnant leur scolarité courent 3,5 fois plus
de risques d’être arrêtés que ceux qui sont restés à
l’école52.
La surpopulation des prisons, la pauvre nutrition,
l’accès limité aux soins médicaux, la violence, les Conséquences psychologiques
pratiques sexuelles à risques, les taux élevés de
drogues intraveineuses, le partage de lames de ra- Le plus grand impact de la détention sur les jeunes
soir et le tatouage font des prisons un foyer parfait est d’ordre psychologique : l’emprisonnement est
pour la diffusion de maladies infectieuses telles que connu pour avoir des effets négatifs sur le bien-être
la tuberculose (TB) ou le SIDA. Les taux de SIDA en
prison sont sensiblement plus élevés que la moy- 49
« Prisons camerounaises : l’enfer des mineurs »,
enne nationale dans de nombreux pays. Par exem- op.cit.
« The dangers of detention », op.cit., p.9.
ple, dans les prisons de Douala, Cameroun, 12 pour 50
48
« the dangers of detention », op.cit., p. 2.
51
DEI-Palestine « Conditions of detention and psychosocial effects on Children ».
52
« the dangers of detention », op.cit., p.9.
27
CHAPiTrE v: Pourquoi la détention n’en
vaut pas la peine:Conséquences pour les
enfants et la société
mental des prisonniers. Pour des enfants en détention provisoire, qui font peut-être pour la première
fois l’expérience d’une séparation de leurs parents
ou de leurs tuteurs et qui sont détenus souvent
dans des cellules insalubres, de tels sentiments
d’angoisse et de désespoir – courants parmi les prisonniers – sont exacerbés.
Une recherche aux Etats-Unis a révélé que pour un
tiers des jeunes incarcérés souffrant de dépression,
celle-ci a démarré après le début de leur incarcération53.
Par ailleurs, la détention semble empirer l’état de
jeunes souffrant de maladies mentales. Selon un
rapport nord-américain, « le type d’environnement
généré par les centres de détention (aux Etats-Unis)
ainsi que les conditions d’emprisonnement contribuent à créer un environnement malsain. Loin de
recevoir un traitement efficace, les jeunes avec des
problèmes médicaux de comportement voient leur
état simplement empirer en détention54».
Le Comité européen contre la torture a également
exprimé ses préoccupations quant au placement
de jeunes dans des conditions ressemblant à de
l’isolement, car ce type de détention peut compromettre leur intégrité physique et/ou mentale55.
Les tentatives de suicide et d’automutilation sont
malheureusement aussi courantes parmi les jeunes
prisonniers. Le suicide est souvent l’unique cause de
décès dans les maisons de correction. Une enquête
de 36 Etats-membres du Conseil de l’Europe révèle
que 2851 prisonniers sont morts dans des institutions pénales en 2003, dont 1520 (53 pour cent)
pour cause de suicide56. Une recherche américaine
a constaté que le taux de suicide est deux à quatre fois plus élevé parmi les jeunes incarcérés que
dans l’ensemble de la société57. Des chiffres sur les
tentatives de suicide en France confirment les constatations américaines : en 2007, il y a eu 72 tentatives de suicide parmi les 780 détenus mineurs.
On en déduit que le risque de suicide est quarante
53
Idem, p.8.
54
idem, p.8.
55
« 9th General Report on the CPT’s activities »,
op.cit., para.35.
56
Présenté à l’Open Society Institute, « Pre-trial
detention », op.cit., p. 19.
57
« the dangers of detention », op.cit., p.8.
fois plus élevé parmi les jeunes en prison (10%) que
parmi ceux vivant à l’extérieur (0,25%)58.
Extrait de la documentation:
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, les
prisonniers non seulement présentent les taux
les plus élevés de suicide par rapport au reste de
la communauté, mais les taux de suicide parmi
ceux en détention provisoire sont considérablement plus élevés que parmi les prisonniers déjà
condamnés. Par exemple, en 2002, plus d’un tiers
(38%) des suicides en prison en Angleterre et au
Pays de Galles furent commis par des personnes
en détention provisoire, alors qu’elles ne constituent que 19 % de la population totale incarcérée.
Ces prisonniers en détention provisoire risquent
notamment de tenter de se suicider durant la
période initiale de leur enfermement (car ils souffrent de facteurs de stress liés à leur détention et
au procès qui les attend.
Ces facteurs de stress, appelés globalement «
choc de l’enfermement », incluent, par exemple, l’expérience d’être éloigné de son environnement social familier, d’être isolé et de perdre
le contrôle de sa propre vie. De plus, ces prisonniers souffrent d’insécurités accrues résultant de
l’environnement inconnu de la prison et d’une
anxiété quant au résultat de leur procès.
Les brutalités, manifestement plus courantes parmi les prisonniers en détention provisoire, sont un
élément supplémentaire entrainant des suicides
et de l’automutilation parmi les détenus.
(Open Society Justice Initiative, « pre-trial detention », 2008, p.19.)
58
« Combien de mineurs laisserons-nous mourir en
prison ? », Communiqué du Groupe Départemental 44
de l’Emancipation, 16 octobre 2008, http://www.ldhtoulon.net/spip.php?article2913.
28
CHAPiTrE v: Pourquoi la détention n’en
vaut pas la peine:Conséquences pour les
enfants et la société
De plus, une fois libérés, plusieurs ex-prisonniers
souffrent de troubles nerveux59, rendant encore plus
compliquée leur réintégration dans la société. Ces
infirmités se caractérisent par une inaptitude à communiquer avec leur famille, collègues et le reste de la
communauté. Ceci est encore aggravé par l’incapacité
des autres (amis, familles, collègues) de comprendre
les problèmes et préoccupations de l’ex-détenu. Parmi
les effets de l’arrestation et de l’emprisonnement, on
trouve le trouble post-traumatique du stress (PTSD).
Les symptômes de cette maladie peuvent se résumer
ainsi : difficultés de concentration et de mémorisation tout comme difficultés de conceptualisation ; difficultés d’apprentissage dans le cadre scolaire ; repli
sur soi, incapacité à communiquer avec les autres ou
a entretenir des relations sociales naturelles ; troubles du sommeil (cauchemars ou sommeil irrégulier)
; sentiment d’hostilité et de vengeance, souvent lié à
la violence infligée aux enfants qui sont emprisonnés
ou blessés. Ces ressentiments se traduisent parfois
par une violence envers ses frères et sœurs, ses futures épouses ou dans le cadre d’autres relations ;
problèmes de santé dus aux périodes d’arrestation,
d’interrogatoire et au manque de soins médicaux appropriés.
ii) La détention en vaut-elle la peine ? Prise en considération des coûts et de la récidive
Extrait de la documentation
« Les adolescents qui ont commis des délits ont
fait l’expérience de profondes difficultés et de
situations de violence et de prise de risques.
L’incarcération, qui est une nouvelle rupture, accroit le risque d’un déclenchement de la violence
contre les autres et contre soi-même. Ceux qui parlent d’éducation par la prison oublient que celleci renforce l’exclusion et stimule la récidive. Des
jeunes gens ayant fait l’expérience de l’exclusion
sociale peuvent se construire une identité en tant
que délinquant et chercher refuge dans un statut
de « voyou ». Fernand Deligny a écrit : être un
voyou, c’est mieux qu’être rien du tout. »
(Article « faire passer les prisons pour des
écoles », juin 2008 : http://www.fsu.fr/spip.
php?article1179)
Il semble que l’usage excessif et arbitraire de la
détention provisoire peut entraîner des conditions
augmentant le nombre de délinquants potentiels
dans une société. Des études nord-américaines ont
révélé que la détention, au lieu de réduire la criminalité, aggrave la récidive des jeunes qui sont détenus62. Bien pire, l’expérience de l’incarcération est le
facteur le plus significatif d’augmentation des risques
de récidive.
Le coût de la détention
Comment expliquer cela ? Une recherche en proveLa détention est coûteuse, bien plus coûteuse que nance de nouveau des Etats-Unis63 a révélé que le redes mesures alternatives. Par exemple, à New York groupement de jeunes dans une structure pour leur
City en 2001, une journée de détention ($ 385) coûte prise en charge donnait un taux de récidive supérieur
quinze fois plus que l’octroi à un jeune d’une mesure et des résultats plus pauvres que pour des jeunes qui
alternative ($25)60. Par ailleurs, les centres de déten- n’ont pas été regroupés. Les chercheurs appellent ce
tion pour mineurs sont extrêmement coûteux à con- processus « école de la déviance par ses semblables
struire. En France, en 2007, les nouveaux centres de » et rapportent statistiquement des taux sensibledétention spéciaux pour mineurs ont coûté à l’Etat ment plus élevés d’usage de drogues, d’échecs scolaires, de délinquance, de violence et de difficultés
90 millions d’Euros61.
d’adaptation dans le monde adulte pour les mineurs
L’impact sur la récidive
traités au sein d’un groupe. On ne trouve dans aucun autre endroit que dans les centres de détention
et autres institutions fermées de « prise en charge »
59
« Conditions of detention and psychosocial effects on Children », op.cit.
un aussi grand nombre de jeunes déviants regroupés
60
the dangers of detention », op.cit., p. 10.
sous une forme aussi dense.
61
« Prisons pour mineurs : le risque de l’escalade
», février 2008 : http://pays-de-la-loire.emancipation.
fr/spip.php?article17
62
63
« the dangers of detention » op.cit., p.4.
Idem p.5
29
CHAPiTrE v: Pourquoi la détention n’en
vaut pas la peine:Conséquences pour les
enfants et la société
Le regroupement de jeunes délinquants affecte négativement leur comportement et augmente le risque de leur récidive.
Extrait de la documentation :
« Il existe des preuves significatives montrant que
l’environnement carcéral stimule le comportement
délictueux. Il s’agit là d’un effet secondaire et non
intentionné des prisons, elles servent d’écoles du
crime ou de terrains propices à la délinquance. La
prison fait psychologiquement du tort aux détenus, rendant leur adaptation à la société après
leur sortie plus difficile, le retour à la délinquance
en étant l’une des conséquences les plus probables. Tout comme pour des prisonniers déjà condamnés, ceux en détention provisoire subissent
invariablement des influences criminogènes semblables, notamment s’ils sont détenus pour des
périodes longues dans des conditions d’insalubrité
et de surpeuplement. Le risque est plus grand
dans les situations où les détenus condamnés et
non-condamnés ne sont pas séparés où lorsque
des détenus en détention provisoire suspectés de
délits mineurs sont incarcérés ensemble avec des
détenus suspectés de délits graves – un scénario
qui n’a rien d’exceptionnel dans un grand nombre
de systèmes pénitentiaires surpeuplés à travers le
monde ». (Open Society Institute, « Pre-trial detention », op.cit., p. 32)
La détention peut aussi ralentir ou interrompre le
processus naturel de « la sortie de la délinquance
avec l’âge »64 : Selon, de nouveau, une étude nordaméricaine, un tiers des jeunes ont des comportement délictueux durant l’adolescence puis, de façon
naturelle, abandonnent la délinquance en « grandissant ». Si ce taux de délinquance parmi les jeunes
hommes peut sembler élevé, leur taux d’abandon
du comportement délictueux (appelé le « taux de
désistance ») est tout aussi élevé. La plupart des jeunes abandonnent la délinquance d’eux-mêmes. Le
fait qu’un mineur soit détenu ou pas pour des actes
de délinquance mineurs a des ramifications durables
pour ses comportements et ses opportunités dans
l’avenir. Ainsi, incarcérer des adolescents peut ef64
« the dangers of detention », op.cit., p.6-7
fectivement interrompre ou retarder l’évolution normale de la sortie de la délinquance avec l’âge car la
détention entraîne une rupture avec leur environnement naturel que constituent la famille, l’école et la
vie professionnelle.
Des statistiques françaises révèlent qu’un mineur incarcéré pour la seconde fois commettra de nouveau,
dans 90 pour cent des cas, un délit au cours des cinq
années suivant sa libération65.
… Non, cela n’en vaut pas la peine !
Les informations fournies ci-dessus révèlent que la
détention n’est définitivement pas la meilleure solution pour la délinquance. De plus, selon les études,
des accusés en détention provisoire sont plus enclins à être trouvés coupables du délit dont ils sont
accusés que des accusés avec un passé et des charges similaires, mais qui ont été libérés en attente du
procès66.
Dernier point mais non le moindre, l’usage routinier
de la détention provisoire a aussi un impact négatif
sur le respect du droit car ce type de détention est en
contradiction avec l’une des pierres angulaires d’un
système de justice criminelle d’un Etat de droit : la
présomption d’innocence, c’est à dire le droit de tout
accusé à être présumé innocent des allégations contre sa personne avant d’être considéré coupable par
un tribunal compétent67.
65
Article « la récidive des mineurs » février
2008 : http://pays-de-la-loire.emancipation.fr/spip.
php?article21.
66
L’expérience de la détention provisoire affaiblit – par une perte du pouvoir due aux conditions
d’hébergement – les aptitudes des accusés à se présenter sous un jour favorable à recevoir une condamnation
sans incarcération. Les accusés détenus ont souvent
tendance à plaider coupable, même s’ils disposent d’un
dossier de défense valable, simplement pour retrouver
leur liberté – notamment s’ils peuvent recevoir une
sentence les condamnant au temps déjà servi en prison
ou en tenant compte. Source : Open Society Institute, «
pre-trial detention », op.cit., p. 27.
67
Idem, p. 25.
30
CHAPitre VI: Solutions pour rapprocher
la réalité des règles
Trouver des solutions pour réduire l’usage de la
détention provisoire n’est pas une tâche facile. « Car
pour avoir le moindre impact sur une réforme judiciaire et pénale, le secteur de la justice criminelle
doit être considéré et traité comme un ensemble,
incluant toutes ses sections. La congestion dans les
prisons résulte en effet de toute une chaine de décisions prises par une série d’acteurs différents. Par
ailleurs, le changement et la réforme prennent du
temps : elles exigent un processus qui souvent remet
en cause des attitudes enracinées et des pratiques
héritées, difficiles à changer. Des changements effectifs nécessitent un soutien de partenaires externes,
mais les solutions doivent être élaborées et adoptées
localement68. »
En d’autres termes, réduire l’usage de la détention
avant ou après un procès nécessite un changement
de mentalités, de législation et de pratiques. Tous les
acteurs engagés dans le système judiciaire doivent
être informés et formés et ils doivent collaborer. Un
travail important de prise de conscience doit aussi
être réalisé vis-à-vis de l’opinion publique et avec les
médias afin de faire face aux mentalités « pro-répressives ».
Durant notre recherche, nous avons rencontré
de bonnes pratiques ou des recommandations
précieuses qui peuvent contribuer à réduire le fossé
entre les règles et la réalité. Nous en présenterons
dix dans ce chapitre. Nous avons conscience qu’il
existe, bien entendu, beaucoup d’autres solutions
dans le monde entier, mais nous espérons que ces
dix (premières) solutions mettront en évidence que
la détention provisoire n’est pas inévitable.
Les huit premières recommandations soulignent
le besoin d’éviter autant que possible l’usage de la
détention provisoire et d’accorder des priorités à des
mesures alternatives. Les deux dernières recommandations révèlent la façon dont on peut réduire les
impacts négatifs de la détention provisoire lorsque
celle-ci est inévitable.
Eviter la détention provisoire
• Moins de jeunes dans le système de justice criminelle : améliorer la prévention
68
« Reducing pre-trial detention », op.cit.
Tout jeune délinquant est un enfant qui souffre. On
devrait se pencher d’abord sur les causes de sa souffrance plutôt que sur ses effets. Une prévention efficace inclut une assistance et un soutien et devrait
traiter les cas au sein du système judiciaire civil et
non criminel, en accordant la priorité à une approche
éducative plutôt que punitive ou répressive. Le
besoin d’inclure la prévention de la délinquance juvénile dans les politiques de justice pour mineurs est
mis en avant dans le Commentaire général N° 10 sur
les droits de l’enfant dans la justice pour mineurs69 du
Comité sur les Droits de l’Enfant (CRC). Selon le CRC,
la prévention est même l’un des éléments centraux
d’une politique exhaustive de justice pour mineurs70.
Extrait de la documentation :
« Le Comité soutient pleinement les Directives de
Riyad et est d’accord pour souligner l’importance
des politiques de prévention facilitant le succès
de la socialisation et de l’intégration de tous les
enfants, notamment grâce à la famille, la communauté, les groupes d’autres jeunes, la scolarité, la formation professionnelle et le monde du
travail, tout comme grâce à des organisations de
bénévoles. Cela signifie, entre autres, que les programmes de prévention devraient se concentrer
sur l’aide aux familles particulièrement vulnérables, l’engagement des écoles à un enseignement
des valeurs de base (y compris des informations
sur les droits et responsabilités des enfants et des
parents dans le cadre de la loi) ainsi que sur une
attention particulière pour les jeunes à risques. A
ce propos, il convient de s’occuper spécialement
des enfants qui abandonnent l’école ou ne finissent pas leur scolarité. L’utilisation de groupes
de jeunes venant en soutien et un engagement
fort des parents sont ici recommandés. Les États
69
CRC/C/GC/10(2007), para. 16-21.
70
Les autres éléments de base sont les suivants
: interventions sans faire appel à des procédures judiciaires et interventions dans le contexte de procédures
judiciaires ; l’âge minimum de la responsabilité pénale
et les limites supérieures de l’âge pour la justice pour
mineurs ; les garanties d’un procès équitable ; et la
privation de liberté, incluant la privation de liberté en
détention provisoire et en incarcération suite à une
condamnation.
31
CHAPitre VI: Solutions pour rapprocher
la réalité des règles
-parties devraient aussi mettre au point des services et des programmes adaptés localement qui
répondent aux besoins et aux problèmes spécifiques, aux préoccupations et aux intérêts des
enfants, notamment des jeunes régulièrement en
conflit avec la loi, et qui offrent des conseils et des
orientations appropriés à leurs familles ».
(Obsérvation Générale N° 1° du CEC, op.cit ; para 18.)
• Ne construisez pas de nouvelles prisons ; ne privatisez pas les prisons
« Les prisons modernes » ont toujours entrainé un
accroissement de l’incarcération. Les prisons sont
coûteuses et l’Etat ne « peut pas se permettre »
de gérer des institutions très coûteuses qui sont
à moitié vides. La détention est ainsi privilégiée
lorsqu’il y a des prisons à remplir. Cette situation est
même pire lorsque des prisons sont gérées par des
sociétés privées lucratives. Il est inutile de rappeler
que de telles compagnies feront tout leur possible
pour s’assurer que leurs établissements sont pleins.
Toutefois, comme nous l’avons vu dans le chapitre
précédent, les prisons sont bien plus coûteuses que
les mesures alternatives, et ceci devrait être parfaitement clair pour les citoyens et les autorités. En
France, par exemple, un « établissement pénitentiaire pour mineurs » accueillant 60 jeunes coûte
autant que six foyers de rééducation de dix places
plus huit services d’intégration professionnelle pour
250 mineurs et dix services sans privation de liberté
pour 1500 jeunes71. Ceci nous mène à la prochaine
recommandation.
tives à la détention provisoire peuvent être trouvées
dans la publication récente s’intitulant : « Réduire
l’emprisonnement des enfants en Angleterre et au
Pays de Galles : des leçons de l’étranger »72. Celles-ci
incluent des exemples d’un programme nord-américain de plaidoyer en faveur d’alternatives à la détention, de centres de soutien, d’activités post-scolaires
et de soirées (voir encadré ci-dessous) ainsi que des
alternatives résidentielles non sécurisées pour des
jeunes sans abris.
Extrait de la documentation : des centres de soutien, de soirées et d’activités post-scolaires- Etats
Unis
« Des centres d’activités après l’école et de début
de soirée ont été établis dans un certain nombre d’Etats américains en tant qu’alternatives à
la détention provisoire dans le but de contribuer
à réduire le nombre d’enfants en garde à vue et
d’économiser de l’argent. Ils sont gérés par des
organisations sans but lucratif qui ont une expérience du travail avec de jeunes délinquants. De tels
centres sont ouverts entre 15 heures et 21 heures,
fournissant une supervision d’enfants qui seraient
normalement en détention provisoire. L’objectif
est de s’assurer que les enfants retourneront au
tribunal au jour et à l’heure de leur audience sans
aucune nouvelle violation ».
(Enver Salomon et Rob Allen, « Reducing child imprisonment in England and Wales – lessons from
abroad », 2009.)
• Investir dans/ accorder la priorité à / des mesures
alternatives à la privation de liberté
Les sanctions alternatives à la privation de liberté,
permettant « un nouveau départ » à des enfants à
risques, se sont révélées moins chères que les solutions entraînant une privation de liberté et, en outre,
réduisent les risques de récidive. Il est essentiel de
souligner que les mesures alternatives devraient toujours respecter les droits de l’enfant.
Quelques pratiques réussies de mesures alterna71
« Faire passer les prisons pour des écoles »,
op.cit.
72
Enver Salomon et Rob Allen, « Reducing child
imprisonment in England and Wales – lessons from
abroad », 2009.
32
CHAPitre VI: Solutions pour rapprocher
la réalité des règles
Extrait de la documentation :La Namibie
« L’une des options en usage en Namibie est le
« service communautaire préalable au procès ».
Dans le cadre de cette option, le jeune « rembourse » à la communauté le mal qu’il lui a fait.
Ce mineur travaillera pendant un certain nombre
d’heures dans une organisation sans but lucratif.
Les conditions pour être accepté sont les suivantes : le mineur doit avoir au moins 14 ans, avouer
le délit et ne pas avoir un passé de déséquilibré
mental. Le jeune et ses parents signent un contrat
avec l’agence de placement et le travailleur social.
Ses jours et horaires de travail sont conservés sur
une feuille qui est retournée au tribunal en tant
que preuve que le jeune s’est soumis à l’injonction
et que l’affaire peut être classée ».
Plusieurs pays, lorsqu’ils mettent en place un système de justice pour mineurs, introduisent des juges
pour enfants ou des tribunaux pour enfants chargés
de traiter les cas des mineurs en conflit avec la loi.
Pour des pays qui n’ont ni un parquet ni des tribunaux pour enfants, une mesure immédiate sans entraîner de coûts pourrait être de faire traiter toutes
les affaires concernant des mineurs par le(s) même(s)
magistrat(s) plutôt que de les répartir entre tous les
juges et procureurs. Ces magistrats se spécialiseraient ainsi progressivement et profiteraient de sessions de perfectionnement professionnel73.
o Des procureurs spécialisés pour les enfants:
Quelques juridictions ont non seulement des procureurs spécifiques pour des enfants mais aussi des
officiers de police spécialisés dans la justice pour
mineurs. Ils agissent de façon semblable aux pro(Pre-trial community service orders, in « reduccureurs, prenant des décisions extrajudiciaires et se
ing pre-trial detention », op.cit.)
comportant comme les gardiens du système de justice pour mineurs. L’un des meilleurs exemples de
• Réduire ou supprimer la libération sous caution
police spécialisée pour les mineurs est le programme
financière pour les enfants
d’aide aux jeunes par la police en Nouvelle Zélande.
Comme nous l’avons constaté dans les chapitres Ce programme emploie des officiers de police qui ont
précédents, beaucoup d’enfants ne peuvent pas choisi de se spécialiser dans le traitement des jeunes
quitter la prison parce que leurs familles n’ont pas et de leurs familles74.
le moindre sou pour payer leur caution. Réduire le
montant de la caution à un niveau acceptable, voire
la supprimer pour des familles plus pauvres permet- o Une police spécialisée pour les mineurs:
trait de réduire le nombre d’enfants en prison en at- Quelques pays européens (l’Espagne, les Pays-Bas,
tendant leur procès.
l’Allemagne) disposent de procureurs spécialisés
• Introduire des unités spécialisées pour s’occuper qui traitent seulement des cas de mineurs. Ils agisdes jeunes au sein du système de justice crim- sent selon des directives spécifiques pour des affaires de mineurs, l’orientation étant nettement des
inelle
mesures alternatives précoces chaque fois que cela
Le fait d’avoir des professionnels spécifiques pour est possible (suivent des exemples de Hollande et
s’occuper des cas de mineurs en conflit avec la loi d’Allemagne)75.
est crucial si nous voulons nous assurer que les
standards internationaux de justice pour mineurs
soient connus et, ce qui est encore plus important,
73
« Preventive Detention (pre-trial detention) »,
appliqués.
o Des juges et magistrats spécialisés pour la jeunesse:
op.cot.
74
Idem.
75
Exempe fourni dans « Reducing child imprisonment in England and Wales », op.cit.
33
CHAPitre VI: Solutions pour rapprocher
la réalité des règles
• Inclure la phase de la liberté provisoire dans les
réformes du processus judiciaire ou légiférer sur la
détention provisoire
L’usage de la détention provisoire n’est pas toujours traité de façon adéquate dans les réformes de
la justice pour mineurs, ce qui a pour conséquence
un « flou » législatif qui ne diminue pas l’usage de
la détention. Au Canada, par exemple, la nouvelle
législation en matière de justice pour mineurs (le «
Youth and Children Justice Act », 2003-2004) a mené
à une baisse du nombre d’enfants emprisonnés, alors
que la détention provisoire continue d’augmenter.
Lorsqu’on lui demande pourquoi, le Département de
la Justice affirme que les dispositions sur la détention provisoire n’ont pas eu l’impact souhaité car,
contrairement aux dispositions concernant la condamnation, il n’y a pas eu de réforme exhaustive de
la phase de la détention provisoire dans le système
judiciaire. Ils affirment qu’une réforme législative
permettant une réduction de l’usage de la détention provisoire devrait inclure un code complet et
spécifique de la détention provisoire pour les enfants
avec une définition claire d’une base restrictive et
spécifique pour la détention, semblable aux restrictions existant pour les condamnations dans le YCJA.76
ou son adresse ou donne des informations fausses.
Au Pays-Bas, il y a aussi une restriction basée sur la
gravité du délit. La détention provisoire n’est permise que pour des délits punissables de plus de six
ans d’emprisonnement. En Allemagne, cette détention est restreinte à des délits spécifiques graves car
l’on considère que ce n’est que dans de tels cas qu’il
existe un plus grand risque que l’accusé commette
d’autres délits.
- L’âge : en France, la détention provisoire est exclue pour des enfants de moins de 16 ans s’ils sont
seulement accusés de délits mineurs.
- La preuve : dans un certain nombre de pays (Autriche, Belgique, Finlande et Allemagne), un enfant
ne sera gardé en détention provisoire que si l’on dispose de preuves tangibles d’un soupçon fondé que
celui-ci a commis le délit et qu’il sera condamné.
La nouvelle législation sur la justice pour mineurs
au Canada établit également des restrictions similaires77.
Il est toutefois essentiel que les changements dans
les législations s’accompagnent de changements
dans les mentalités des professionnels de la justice
afin d’éviter que des procureurs exagèrent délibérément la gravité du délit afin de pouvoir faire appliquer la détention provisoire.
• Introduire davantage de restrictions légales
Certaines bonnes pratiques concernant une législation spécifique pour l’usage de la détention provisoire proviennent d’un certain nombre de pays européens qui ont des restrictions légales strictes sur
l’usage de la détention provisoire pour des enfants.
Ces restrictions reposent sur une variété de critères
différents :
- la gravité du délit : Dans quelques pays, les délits moins graves sont exclus. En Finlande, la détention provisoire peut seulement être imposée si le
délit est punissable d’une sentence minimale de
deux années d’emprisonnement. Si la sentence
minimale est d’un an, la détention provisoire n’est
alors seulement possible que si un enfant n’a déjà
pas respecté la libération sous caution, n’est pas
résident dans le pays, refuse de divulguer son nom
76
Idem.
Lorsque la détention provisoire est inévitable : réduire les impacts négatifs de la détention
• Réduire la durée maximale de la détention provisoire
Afin d’éviter des abus, la durée maximale de la détention provisoire devrait être clairement indiquée dans
la législation.
Extrait de la documentation
« La détention provisoire ne devrait pas durer
plus d’un ou de deux mois au maximum. Ensuite,
pour obtenir une prolongation éventuelle de cette période, de nouveau pour une durée limitée,
le magistrat devrait consulter une autorité judi77
Idem.
34
CHAPitre VI: Solutions pour rapprocher
la réalité des règles
ciaire de supervision et devrait être obligé par la
loi d’exposer les circonstances ou des faits précis et concrets relatifs au danger de collusion ou
de fuite ainsi qu’à la gravité du délit afin de respecter le principe de proportionnalité.”Une fois
rendue obligatoire, la motivation circonstanciée
avec des faits précis représente un frein effectif
à toute prolongation de la détention. Dans plusieurs situations, le magistrat évitera de consulter une organisation de contrôle. Si la limite de
la durée n’est pas respectée, la libération devrait
être automatique et obligatoire. »
(« Preventive detention », op.cit.)
• Rendre la détention la plus brève possible en fournissant aux enfants une assistance juridique
Dans le but de prévenir et de lutter contre la violence envers des enfants en conflit avec la loi, il
est nécessaire de les « armer » de façon à ce qu’ils
puissent sauvegarder leurs droits. L’un des outils
est l’assurance que chaque enfant reçoit une aide
judiciaire gratuite et adéquate. Le fait de garantir
durant la phase de la détention provisoire que les
enfants ont accès à un avocat ou à un expert para
légal pour défendre leurs droits et s’assurer qu’ils
ne finissent pas par être « oubliés en prison » est un
moyen très important de réduire le surpeuplement
en prison ainsi que d’autres abus de la détention
provisoire.
DEI a une longue expérience dans le domaine de la
fourniture d’une assistance judiciaire à des enfants
en conflit avec la loi. Avec le temps, des « centres
de défense socio-judiciaires » furent créés par des
sections de DEI en Albanie, Argentine, Belgique,
Bolivie, Colombie, Ghana, Israël, Macédoine, Sri
Lanka, Togo et Ouganda. Une assistance judiciaire a
aussi été fournie par DEI-Bénin et DEI-Palestine78.
Extrait de la documentation : Ghana
S.A,A.A et S.S, âgés de 15 et 16 ans, tous deux
manutentionnaires au Kumasi Central Market
ont été arrêtés pour vol. Ils furent emmenés au
Foyer de détention provisoire pour jeunes au
début de l’année 2004 sans avoir jamais rencontré un procureur. Ils furent laissés à la merci des
responsables du foyer. L’affaire fut donnée par
DEI à un avocat pour les représenter, s’assurer
d’un procès plus rapide et défendre leurs droits.
Les enfants ont été depuis libérés sous caution.
Les parents des enfants furent contactés par DEI
pour les convaincre de leur apprendre un métier
en vue d’un avenir meilleur. Les familles furent
d’accord et assurèrent DEI qu’ils agiraient dans
le sens souhaité. S.A et S.S (qui vient de la partie nord du Ghana) ont été depuis renvoyés chez
eux pour apprendre une profession.
(Secrétariat International de DEI, Consolidated final report of activities. Project of the socio-legal
defence centres, Geneva 2005 : DCI International
Secretariat, Report by Ghana.)
• S’assurer de l’application de standards et normes
internationaux de la justice pour mineurs à propos
des conditions de détention.
S’assurer d’un contrôle indépendant des lieux de
détention provisoire
Plusieurs Etats manquent à leurs obligations de
prévenir la maltraitance durant la détention préalable ou postérieure à la condamnation pour cause
de pénurie de surveillance effective dans le système judiciaire. Afin d’améliorer progressivement
78
Une des leçons apprises est que des enfants
nécessitant une assistance judiciaire manifestent souvent d’autres besoins, tels qu’une thérapie familiale et
des services sociaux. C’est la raison pour laquelle des
sections de DEI offrent des services interdisciplinaires à
ces enfants et à leurs familles dans le cadre des ‘Centres de défense socio-judiciaires’.
35
CHAPitre VI: Solutions pour rapprocher
la réalité des règles
ces conditions, il serait hautement souhaitable pour
les Etats d’autoriser des organisations de contrôle
indépendantes à avoir accès à des institutions fermées et à d’autres types de prison.
En Europe, le Comité européen pour la prévention
de la torture (CPT)79 joue précisément ce rôle. Dès
1998, cet organisme dédia toute une section de
son rapport annuel à la question de la détention
de mineurs80 et présenta un certain nombre de recommandations pour limiter les effets négatifs de
la détention, y compris de la détention provisoire.
Ces recommandations incluent l’assurance de garanties judiciaires pour les enfants privés de leur liberté, l’amélioration des conditions de détention et
la garantie d’un personnel compétent dans les institutions fermées. Nous allons mentionner certaines
de leurs recommandations dans ces trois domaines,
car nous pensons qu’elles répondent à plusieurs des
questions soulevées dans ce rapport.
Assurer des garanties juridiques
o
Il est essentiel que toute personne privée de
sa liberté (y compris des mineurs) jouisse, dès le
moment où elle est obligée de rester dans les mains
de la police, du droit de notifier un parent ou une
autre tierce personne du fait de sa détention, du
droit à un accès à un avocat et du droit à la visite
d’un médecin. (para 23).
o
Toute forme de brutalité physique doit être
formellement interdite et évitée dans la pratique.
Les détenus qui se comportent mal doivent être
traités uniquement conformément aux procédures
disciplinaires prescrites. (para 24) Toutes procédures disciplinaires appliquées aux mineurs doivent
être accompagnées de protections formelles et être
correctement enregistrées. (para 34)
que les mineurs en détention doivent, en tant que
règle, être hébergés séparément des adultes. (para
25)
o
Les mineurs doivent avoir le droit d’être entendus à propos du délit qu’ils sont supposés avoir
commis et de faire appel auprès d’une plus haute
autorité contre toute sanction imposée ; des détails
exhaustifs de telles sanctions doivent être enregistrés dans un registre conservé dans chaque établissement où des mineurs sont privés de leur liberté.
(para 34)
o
Des plaintes effectives et des procédures
d’inspection sont des éléments de protection de
base contre des mauvais traitements dans des établissements pour mineurs. Les jeunes doivent avoir
de larges possibilités de se plaindre aussi bien à
l’intérieur qu’à l’extérieur du système administratif
de l’établissement et avoir droit à un contact confidentiel avec une autorité appropriée. (para 36)
o
Par ailleurs, des droits fondamentaux tels que
la présomption d’innocence, le droit d’être informé
des charges, le droit de rester silencieux, le droit à
une assistance, le droit à la présence d’un parent ou
d’un tuteur, le droit à une confrontation et à un contre interrogatoire des témoins ainsi que le droit de
faire appel auprès d’une autorité supérieure doivent
être garantis à toutes les étapes de la procédure81.
Améliorer les conditions de détention
o
Un centre de détention pour mineurs bien
conçu offrira des conditions de détention positives
et personnalisées à des jeunes gens privés de leur
liberté. Outre la nécessité d’un espace suffisant,
bien éclairé et ventilé, les zones de sommeil et de
vie des mineurs doivent être meublées de façon
adéquate, bien décorées et offrir des stimulants
visuels. Sauf dans les cas où le contraire s’avère
nécessaire pour des raisons de sécurité, les mineurs
devraient être autorisés à garder une quantité raisonnable d’affaires personnelles (para 29), y compris leurs propres vêtements.
o
L’expérience du Comité suggère aussi que lorsque des mauvais traitements de jeunes se produisent, c’est le plus souvent le résultat d’un manque
de protection adéquate des personnes contre des
abus qu’une intention délibérée d’infliger de la souf- o
Un manque d’activités motivantes est certes
france. Un élément important de toute stratégie
pour prévenir de tels abus est le respect du principe 81 Règles minimales standard des Nations Unies pour
79
www.cpt.coe.int
80
« 9th General Report on the CPT’s activities »,
op.cit.
l’administration de la justice pour mineurs (« les Règles
de Beijing »), article 7.1. (cette recommandation ne fait
pas partie du rapport du CPT).
36
CHAPitre VI: Solutions pour rapprocher
la réalité des règles
néfaste pour tout prisonnier, mais l’est particulièrement pour des mineurs qui ont un besoin
spécifique d’activités physiques et de stimulations
intellectuelles. Les jeunes privés de leur liberté
devraient se voir proposer un programme complet
de scolarité, de sport, de formation professionnelle, de détente et d’autres activités adaptées.
L’éducation physique devrait constituer une part
importante de ce programme. Il est notamment
important que les filles et jeunes femmes privées
de leur liberté jouissent d’un accès à de telles activités au même titre que leurs compagnons masculins. (para 31)
Utiliser des procédures de litige ?
« En Europe, nous avons visité un centre de détention préventive pour des garçons âgés de 13 à 18
ans, finalement séparés des adultes. Toutefois, ces
jeunes détenus sont maintenus dans des cellules
pendant des mois et même pendant plus d’un an
sans aucune activité : pas d’école ni atelier ni activités sportives. La raison légale invoquée est que
le code pénal n’autorise pas la moindre activité
avant le jugement car les détenus sont présumés
innocents. Dans un tel cas, un recours serait suffisant pour obtenir l’application de l’article 40, para
1 et 4 du CDE, car le pays en question a ratifié cette convention. »
(André Dunant, « Preventive Detention », op.cit.)
o
Tous les mineurs privés de leur liberté doivent être correctement interrogés et physiquement
examinés par un médecin le plus tôt possible après
leur admission dans le centre ; sauf dans des circonstances exceptionnelles, l’entrevue et l’examen
doivent être faits le jour de leur admission. Toutefois, le premier contact sanitaire d’un jeune nouvellement arrivé peut être avec un infirmier pleinement qualifié qui fait un rapport au médecin. (para
39) S’il est effectué correctement, un tel contrôle
médical au moment de l’admission devrait permettre aux services sanitaires de l’établissement
d’identifier des jeunes avec des problèmes potentiels de santé (par exemple, dépendance à la
drogue, tendances suicidaires). L’identification de
tels problèmes à une étape suffisamment précoce
facilitera une action préventive efficace dans le cadre du programme de soins médico-psycho-sociaux
de l’établissement.
o
Il est largement reconnu que des jeunes
privés de leur liberté ont une tendance à des comportements à risques, notamment en relation avec
les drogues (y compris l’alcool) et le sexe. En conséquence, l’offre d’une éducation sanitaire appropriée à des jeunes gens est un élément important
d’un programme préventif de soins. Un tel programme devrait notamment inclure des informations sur les risques des drogues et des maladies
transmissibles. (para 40)
S’assurer d’un personnel compétent
o
La garde et la prise en charge de mineurs
privés de leur liberté est une tâche ardue. Le personnel chargé d’une telle tâche devrait être sélectionné avec précaution en tenant compte de sa
maturité personnelle et de son aptitude à répondre aux défis d’un travail avec ce groupe d’âge
tout en sauvegardant le bien-être des jeunes. Ces
personnes devraient plus particulièrement être
motivées par un travail avec des enfants et être à
même de les guider et de les motiver. Tout ce personnel, y compris les personnes chargées simplement de les garder, devrait recevoir une formation
professionnelle aussi bien au moment de son recrutement que durant tout le temps de son activité et bénéficier d’un soutien et d’une supervision
externes dans l’exercice de ses tâches. De plus, la
gestion de tels centres devrait être accordée à des
personnes jouissant d’aptitudes de leadership,
pouvant répondre de façon efficace aux demandes complexes et contradictoires des mineurs et du
personnel. (para 33)
37
CHAPITRE vII: conclusion
La détention provisoire est un problème qui concerne, à des degrés variables, tous les pays du monde.
Ce rapport a révélé que l’abus de la détention provisoire n’est que la « pointe de l’iceberg » d’un système
de justice pour mineurs inefficace et en dysfonctionnement.
La solution d’un tel problème est simple : les Etats devraient commencer à appliquer sérieusement les
standards et normes internationaux de la justice pour mineurs. Nous avons vu à quel point le fossé est
grand entre les règles et la réalité. Seule une réforme approfondie du système de justice pour mineurs
peut stopper l’usage abusif et les abus de la détention.
D’ici là, la détention provisoire continuera malheureusement d’être la mesure la plus courante prise par
des magistrats et des enfants continueront d’être traités d’une façon contraire à leurs intérêts.
Ce rapport est une nouvelle preuve que les enfants n’ont rien à faire derrière des barreaux. La détention
a des conséquences graves sur des mineurs. La plupart d’entre eux en seront marqués à jamais. Bien
pire : la détention ne semble pas résoudre le problème de la délinquance juvénile ; au contraire, elle accroit les risques de récidive. Défense des Enfants International en appelle aux Etats pour qu’ils prennent
des actions immédiates visant à traiter ce problème et à s’assurer que des enfants en conflit avec la loi
reçoivent un traitement qui respecte leurs droits fondamentaux et leurs besoins.
Nous souhaitons conclure ce rapport par une question ouverte : « Est-il réellement fructueux pour la
société d’envoyer des enfants dans des prisons dont ils émergeront encore plus désespérés, plus isolés
et en conséquence plus violents que jamais ? »
38
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Autres
Rapport du sénat à l’occasion de l’examen de la loi de finances 2009 (France): http://extranet.senat.fr/
rap/a08-104-5/a08-104-58.html.
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Defence for Children
International
International Secretariat
Rue de Varembé 1, CP 88
CH-1211 Geneva 20
Switzerland
www.defenceforchildren.org
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