Migros Magazine N° 12 / 17 MARS 2008 (française)

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Migros Magazine N° 12 / 17 MARS 2008 (française)
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Reportage
Migros Magazine 12, 17 mars 2008
Un mégaprojet
divise le petit
village de Gryon
Les velléités de construction de complexes pharaoniques sont à
la mode. A Gryon (VD), un enfant du pays rêve d’un ensemble
immobilier 100% suisse. Dans la commune, la colère gronde.
L
e paisible village de Gryon (VD), proche de Villars-sur-Ollon, 1150 habitants à l’année, s’apprête à vivre un
grand chamboulement. Pas moins de
550 millions de francs ont été promis pour la
construction d’un hameau pouvant accueillir
2000 personnes (500 logements et un hôtel)
sur le plateau de Frience, à cinq kilomètres du
vieux bourg. Le Conseil national vient d’accorder, mercredi, un sursis à la Lex Koller, qui
limite la vente de biens immobiliers aux personnes résidant à l’étranger. En attendant, les
investisseurs des Alpes n’ont pas froid aux
yeux (lire les autres projets en encadré).
Encore un groupe étranger, russe ou britannique, qui veut coloniser les Alpes pour ses
citoyens? Que nenni! Cette fois il s’agit d’un
enfant du pays, Cédric Frossard, qui a grandi
à Gryon. Avec son associé José Marta, ils ont
monté leur entreprise Swissolution. «Partout,
on voit de grandes sociétés étrangères investir
des millions, on se dit pourquoi pas nous? Si
on ne le fait pas, quelqu’un d’autre le fera,
•
Ollon
•
Villars/ - Les Chaux
Solalex
Ollon
Frience
•
Gryon
•
Bex
estime Cédric Frossard. Les promesses qu’on
a faites, on va les tenir, sinon les Gryonnais
nous accueilleront avec des pierres. Au village,
tout le monde me connaît.»
Les promesses, c’est une unité d’architecture entre les chalets, un projet qui inclut les
entreprises régionales et utilise des énergies
renouvelables; «à plus de 90%», selon les promoteurs. Et le petit plus: des investisseurs suisses à 100%. Le hameau écolo est très loin du
projet russe de Crans-Montana (VS), qui –
outre la construction de gigantesques tours – se
voyait déjà racheter l’aéroport de Sion.
La commune de Gryon a préféré le projet de
Swissolution à trois candidats. Mais malgré son
enthousiasme pour le hameau de Frience, elle n’a
pas su rassurer pleinement sa population. Devant
le tollé général suscité par l’annonce du projet,
elle a fait venir Cédric Frossard pour une séance
d’information. Une séance à sens unique, les habitants n’ayant pas le droit de poser des questions. Seul le Conseil communal tranchera, le
14 avril. «On ne voulait pas court-circuiter le
débat au conseil par une séance publique», explique le syndic, Robert Jaggi.
Espoirs et inquiétudes
«Quand on voit tout ce qui est construit ici et qui
est fermé… s’énerve une habitante. Nous attendons des améliorations au village, pas à Frience.
La commune nous promet beaucoup de choses,
mais on demande à voir. Il y a un besoin de logements à prix modérés, pour des gens à l’année,
mais personne n’ira habiter là-haut 365 jours par
an. Et puis, le cachet du lieu sera affecté.»
La séance a permis de convaincre une
partie des autochtones, mais a aussi conforté
les opposants dans leur volonté de faire ca-
Cédric Frossard (à g.) et son associé José
Marta, promoteurs immobiliers.
Reportage
Migros Magazine 12, 17 mars 2008
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Le hameau de Frience pourra
accueillir 2000 personnes. Le
projet est devisé à 550 millions
de francs.
poter le projet. Rencontré au cœur du village,
Alain Favre est un farouche adversaire: «Il y
a trop d’incertitude. On nous dit que le financement se fera avec des fonds suisses, sans
nous dire de qui il s’agit. C’est utopique de
croire que ce projet sera accessible à des
Suisses, tout ce qui se vend ici, c’est à des
Britanniques ou à des Russes.» Cédric Frossard réplique: «On ne fait pas du haut de
gamme. Avec des gens qui viennent trois semaines par année, les commerces prévus ne
seraient pas viables. Le but est que le hameau
soit habité par des gens de la région, voire des
citadins du bassin lémanique qui monteraient
tous les week-ends.» José Marta est plus circonspect, en admettant «qu’il n’y ait pas assez de population locale pour tout acheter».
Dans leur projet, une rue commerçante a été
imaginée, dans laquelle le prix des logements
«sera modéré». Pour connaître les tarifs, on
patientera encore. A peine a-t-il terminé sa
phrase qu’un couple âgé passe sur le chemin
à côté et leur lance: «Mégalomanie!» Cédric
Frossard soupire: «On a reçu beaucoup de
remarques de ce genre. Mais la plupart proviennent de gens qui sont propriétaires d’un
chalet aux alentours du plateau de Frience.»
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Reportage
Migros Magazine 12, 17 mars 2008
Le syndic réplique
Robert Jaggi est syndic de
Gryon (VD), une commune
qui croît chaque année en
nombre de chalets, sans
que le nombre d’habitants
n’évolue.
Comment accueillez-vous ce projet de ville à la
montagne?
C’est un gros projet qui date de 1966, mais il
n’est réalisé que maintenant. Aujourd’hui, on
construit environ 80 chalets par année à Gryon,
ce qui représente 200 millions d’investissement. En regard de ça, 550 millions sur
dix ans, ce n’est pas une explosion. Et ça
amènera des places de travail. Je pense que le
hameau sera surtout touristique, à cause de la
distance au village. Mais l’hôtel amènera, lui,
une population résidant à l’année, par ses
employés. Enfin, c’est un avantage et une
garantie de travailler avec Cédric Frossard, car
il connaît bien la région, ses rouages, sa
mentalité.
La vente du terrain rapportera 40 millions à la
commune. Que compte-t-elle en faire?
Douze millions iront pour les infrastructures
nécessaires à la réalisation du hameau de
Frience, comme la route d’accès, qui doit être
élargie. Il y a déjà 3000 lits à l’Alpe des Chaux
voisine, nous devions donc de toute façon réaliser ces travaux. D’autre part, 14 millions iront
sur le compte logement de la commune. Nous
avons un grand problème d’habitations en
location pour les résidents à l’année. Dans
l’immédiat, 30 logements bon marché sont
prévus. En cas de nécessité, nous en construirons d’autres. Une crèche a aussi été budgétisée, mais la demande n’est pas énorme.
Malgré toutes les promesses et garde-fous, la
population reste inquiète. Comment la
rassurez-vous?
Nous avons fait une séance d’information sur
le projet et ses conséquences qui s’est bien
déroulée. Nous ne voulions pas partir dans des
débats peu constructifs, c’est pourquoi il n’y a
pas eu de place pour les questions. Nous
sommes prêts à répondre aux interrogations,
mais il ne faut pas que cela court-circuite le
débat au Conseil communal. Ainsi, nous avons
ouvert une permanence tous les jeudis soir, de
16 h 30 à 18 h 30. On vit à 80% du tourisme
et beaucoup de gens pensent que c’est
nécessaire au développement de la commune.
Bien sûr, quand quelqu’un a un chalet, il
trouve inadmissible qu’on construise devant
chez lui. Enfin, on estime que 27,5% des
chalets sont habités par des résidents à
l’année. Le reste appartient à des touristes
suisses ou étrangers.
Alain Favre, habitant de Gryon:
«Si la commune accepte ce projet, nous allons sans doute vers le
lancement d’un référendum.»
Gérald Bertholet, artiste local: «On voit
des projets énormes dans toutes les
régions, si ça ne se fait pas ici, ça se
fera ailleurs, alors bougeons!»
Les tenanciers du Buffet de la Gare, à Gryon,
illustrent bien, à eux deux, l’hésitation entre
espoirs pour la commune et craintes. Madame
est pour aller de l’avant, Monsieur se montre
beaucoup plus prudent. «Gryon a de plus en
plus de succès. Les constructions privées poussent comme des champignons et nous manquons de lits, constate Corinne Ribeiro. Au
village, on n’a pas d’hôtel qui pourrait accueillir un car de touristes. Si on a envie de se
développer et de survivre dans dix ans, il faut
des projets comme celui-là.» Son mari hausse
les épaules. «Il faudra adapter la route de Bex
jusqu’ici! Et si le projet se casse la figure, c’est
nous qui devrons casquer!» En aucun cas, selon les promoteurs. Quand le terrain sera vendu, ce sera une affaire privée, «on assumera
seuls une faillite. La commune n’aura aucuns
frais. Quant à la voie d’accès, elle sera élargie
sur les derniers kilomètres. Nous prenons en
charge une partie des coûts.» Et il y en aura,
car la petite route qui serpente jusqu’au plateau de Frience ne supportera pas le trafic attendu. D’autant plus qu’un parking de 1000
places (moitié souterrain) est prévu. Il servira
à la fois pour les gens du hameau, entièrement
piétonnier, et pour les skieurs. Un télésiège
pourrait rallier les installations de la station de
ski de Villars, le hameau devenant ainsi, de
facto, une des bases de départ pour les pistes.
«C’est aussi un moyen de faire vivre les futurs
commerces en attirant plus de monde.» Au fait,
qui viendra ouvrir un négoce à 1550 mètres
d’altitude? Pas de nom, mais encore des promesses: une boulangerie, une banque, des restaurants, des boutiques...
Cela ressemble furieusement à une ville à
la montagne, avec, comme à Verbier, un vieux
village et une ville touristique bien distincts.
Samuel Dixneuf, habitant de
Gryon: «J’aimerais que Gryon
garde sa quiétude et son
identité.»
«Non au contraire, on aimerait garder l’esprit
de Gryon», insiste José Marta. Le village est
en train de mourir, selon Corinne Ribeiro.
«Même s’il est trop grand, ce projet apportera
de nombreux emplois, qui feront vivre beaucoup de monde déjà pendant les dix années de
travaux.»
Menace de référendum
Plus bas dans le village, la Maison du Terroir
propose des produits et des créations d’artistes
de la région. Là aussi, Le hameau de Frience
est perçu comme une chance: «Nous vivons du
tourisme, il faut donc lui offrir des possibilités
de venir chez nous, explique Gérald Bertholet,
un montagnard qui tient la boutique ce jour-là.
Mais je ne pense pas que ce genre de projet
immobilier sera à la portée des gens qui vivent
ici. En plus, le site est décentré.»
En training, une baguette de pain dans la
main, un sac de commissions dans l’autre, Samuel Dixneuf n’a pas le look de celui qui déclare que tout était mieux autrefois, mais il
apprécie la tranquillité du village: «Je n’ai pas
envie que Gryon ressemble à Villars, qui est
trusté par les riches. Les prix ont flambé là-bas,
j’aimerais que Gryon garde sa quiétude et son
identité.»
L’identité du village, justement, Cédric
Frossard la connaît bien. Il fut d’abord scout,
puis pompier et conseiller communal, avant de
s’exiler à Ollon, faute d’avoir trouvé un logement pour sa famille à un prix correct. Son
rôle, c’est un peu celui d’Astérix contre l’envahisseur-promoteur étranger? «Oui, un peu
(rires). On n’est pas des Russes, mais on n’est
pas mieux accueillis par la population.»
Mais, comme le dit Alain Favre, «l’histoire ne s’arrêtera pas là.» Si le Conseil com-
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Migros Magazine 12, 17 mars 2008
Corinne Ribeiro, gérante du
Buffet de la Gare: «Pour se
développer, il faut à Gryon des
projets comme celui-là.»
munal accepte le projet, le 14 avril prochain,
un référendum risque d’être lancé par un groupe d’habitants. Un manifeste circule déjà dans
le village.
Mélanie Haab et Isabelle Kottelat
Photos Mathieu Rod
Les gros complexes touristiques arrivent
Villars-sur-Ollon (VD)
A deux pas de Gryon, chalets
individuels et résidences autour de
l’actuel Hôtel du Parc
Nombre de lits prévus: 700
Coût: 250 mios
Origine des investisseurs: Belgique
Montana-Aminona (VS)
Complexe hôtelier d’une quarantaine de chalets et quatre tours
contenant 220 appartements
luxueux
Nombre de lits prévus: 2500
Coût: 250 mios
Origine des investisseurs: Russie
Bruson/val de Bagnes (VS)
Village de 300 chalets rustiques
Nombre de lits prévus: 2000
Coût: 250 mios
Origine des investisseurs: Etats-Unis
… peuvent être dus à une carence en biotine.
contribue à combler cette carence.
La croissance de cheveux et d’ongles sains
Des cellules hyperspécialisées (les cellules épidermiques)
de la matrice pilaire
et de la matrice des ongles
se
multiplient par division et se déplacent lentement vers le
haut . Elles deviennent matures et produisent la protéine
kératine. La kératine est le principal constituant des
cheveux et des ongles. Elle leur confère leur résistance.
Mode d’action de la biotine
La biotine agit sur la multiplication des cellules de la matrice pilaire
et de la matrice des ongles
, stimule la
production de kératine et améliore la structure de celle-ci.
Anzère (VS)
Appartements
Nombre de lits prévus: 3000
Coût: 110 mios
Origine des investisseurs: France
Nendaz (VS)
Une trentaine d’appartements déjà
construits
Nombre de lits prévus: 1500
Coût: 200 mios
Origine des investisseurs: France.
Groupe actuellement en faillite.
Champéry (VS)
Complexe touristique autour du
Centre national de sports de glace,
16 chalets et 2 bâtiments
Nombre de lits prévus: 900
Coût: 100 mios
Origine des investisseurs: France
Andermatt (UR)
Complexe de haut standing
comprenant hôtels, chalets et
villas, golf, centre de wellness et
halle de sport.
Nombre de lits prévus: 3000
Coût: 1 mia
Origine des investisseurs: Egypte
Biotine 1 x par jour
> réduit la chute des cheveux
> améliore la qualité des cheveux et des ongles
> augmente l’épaisseur des cheveux et des ongles
Distribution: Biomed AG, 8600 Dübendorf
www.biomed.ch
La folie des grandeurs en matière
de projets immobiliers et hôteliers
gagne les montagnes suisses, du
canton d’Uri au Valais. Leurs points
communs? Une injection de
plusieurs centaines de millions de
francs pour chacun, par des
investisseurs tous étrangers qui
devraient, à terme, accroître la
capacité de plus de 13 000 lits
supplémentaires. Petit tour des
mégaprojets en cours d’étude.
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Reportage
Chute de cheveux…
Cheveux fragilisés…
Ongles cassants…
En vente dans
les pharmacies et
les drogueries.
Veuillez lire la notice d’emballage.