À quelles conditions une personne privée gère-t-elle un
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À quelles conditions une personne privée gère-t-elle un
DÉLÉGATIONS DE SERVICE PUBLIC À quelles conditions une personne privée gère-t-elle un service public du cinéma? Notion I Critères I Service public I Absence I Activité cinématographique assurée par une SEM en l’absence d’obligations fixées par la commune et de contrôle de leur réalisation. CE (7/2 SSR) 5 octobre 2007, Société UGC-Ciné-Cité, req. n° 298773 – M. de Nervaux, Rapp. – M. Casas, C. du G. – SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Boulloche, Av. ¯ Décision qui sera publiée au Recueil Lebon. Résumé L’action d’une société d’économie mixte, gestionnaire de cinémas, n’est pas regardée comme relevant d’une mission de service public pour la commune actionnaire, en l’absence d’obligations assignées par cette commune et de contrôle des résultats atteints au regard de telles obligations. CONCLUSIONS Didier CASAS, commissaire du gouvernement La société d’économie mixte (SEM) « le Palace », créée en 1989, dont la ville est l’actionnaire majoritaire, exploite à Épinal le cinéma local, un multiplexe de six salles. Le 19 janvier 2006, la SEM a demandé à la commission départementale d’équipement cinématographique des Vosges l’autorisation d’ouvrir un nouveau multiplexe de dix salles, pour remplacer le précédent. L’autorisation a été délivrée le 24 avril 2006. La société UGC-Ciné-Cité, qu’on ne présente pas, a fort mal pris la chose. Montrant un grand esprit d’à-propos ; elle a demandé le 4 août 2006 au maire de la commune de lui communiquer la convention de délégation de service public signée dans le cadre de cette opération. S’étant vu répondre qu’un tel document n’existait pas, la société a saisi sans délai le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Nancy. Par une ordonnance du 26 octobre 2006, dont la société vous demande l’annulation, le juge a rejeté la demande. Une absence de procédure concurrentielle Pour rejeter la requête, le premier juge a considéré que « la constatation d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative implique l’éviction d’un concurrent lors de la mise en œuvre d’une procédure de passation de marché public, de contrat de partenariat ou de délégation de service public ; que si la SEM Palace Épinal, déjà exploitante d’un cinéma, a été autorisée par la commission départementale d’équipe- ment cinématographique à créer… un nouveau multiplexe de dix salles, elle a obtenu cette autorisation en sa qualité de futur propriétaire des murs et d’exploitant du fonds de commerce ; qu’ainsi, alors même que la ville d’Épinal est majoritaire dans son capital, le projet n’est pas réalisé sur le fondement d’une délégation de service public ». Le juge en a déduit que l’article L. 551-1 ne pouvait donc être invoqué. La société requérante explique que la SEM devait être regardée comme délégataire de service public avant même le projet de multiplexe en cause. Elle en tire la conclusion que l’ampleur du projet de multiplexe par rapport à la nature des installations d’ores et déjà exploitées impliquait la signature d’un nouveau contrat de délégation de service public. Elle reproche longuement à l’ordonnance d’être entachée d’erreur de droit pour ne l’avoir pas jugé, en contradiction selon elle avec les règles du droit commun des délégations de service public. Elle affirme par ailleurs que l’ordonnance est insuffisamment motivée pour ne pas s’être expliquée sur cette question du bouleversement de l’économie du contrat. Un délégataire de service public ? Cette argumentation, vous le constatez, est à la limite de l’inopérance. Dans la limite où, comme il l’a fait, le premier juge écartait radicalement la qualification de délégation de service public, il n’avait certainement pas à s’interroger sur la régularité d’une procédure qui devenait inutile. Il est donc certain que le moyen d’insuffisance de motivation doit être écarté. B U L L E T I N J U R I D I Q U E D E S C O N T R AT S P U B L I C S N ° 5 5 Nous vous proposons de redresser légèrement le moyen d’erreur de droit et de considérer que la société requérante a voulu, en réalité, contester plus frontalement la logique de l’ordonnance selon laquelle la SEM Palace n’était pas délégataire de service public. Vue sous cet angle, la présente affaire retrouve tout son intérêt puisqu’il s’agit de se demander si une société d’économie mixte créée à l’initiative d’une commune pour y exploiter des cinémas sur le territoire de la commune peut être regardée comme délégataire d’un service public et, comme telle, soumise aux dispositions des articles L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Comme vous le savez, on reconnaît habituellement une délégation de service public à la réunion de plusieurs critères : l’activité en cause doit être un service public ; ce service public doit être délégable ; la collectivité publique doit avoir la volonté d’en déléguer réellement la gestion ; et la rémunération du délégataire doit reposer substantiellement sur les résultats de l’exploitation. Une rémunération incertaine En l’espèce, les pièces du dossier ne permettent pas de se faire une idée de l’équilibre financier de l’exploitation et du mode de rémunération de l’exploitant, de sorte qui si vous alliez jusqu’à ce stade du raisonnement, il vous serait bien difficile de vous déterminer sur le point de savoir si, comme c’est néanmoins assez probable, la rémunération de la SEM repose substantiellement sur les résultats de l’exploitation 483 DÉLÉGATIONS DE SERVICE PUBLIC du cinéma. En tout état de cause, il faut se demander si l’activité dont a été chargée la SEM Palace pouvait être regardée comme un service public. Avant de nous prononcer sur cette question, vous nous permettrez de faire les brèves observations suivantes. Nous pensons que si, d’aventure, vous parveniez à la conclusion que la SEM est chargée en l’espèce d’une mission de service public et que les autres critères de la délégation de service public sont réunis, il faudrait bien en déduire l’application des dispositions du CGCT issues de la loi Sapin. Cela nous paraîtrait nécessaire pour les motifs suivants. Les SEM sont dans le droit commun En premier lieu, il faut préciser qu’alors même que les SEM locales sont en général créées par les collectivités parce que celles-ci ont fait le choix de leur confier la gestion d’un service public, aucune des dispositions du CGCT ne soustrait à l’application des principes de publicité et de concurrence issus de la loi du 29 janvier 1993 les conventions par lesquelles leur est confiée une délégation de service public. La loi du 20 janvier 1993 a même été censurée en l’une de ses dispositions pour avoir prévu le contraire 1. Par comparaison, vous jugez d’ailleurs que le code des marchés publics s’impose aux contrats de prestation de service confiés par une collectivité territoriale à une SEM 2. En second lieu, si l’on se reporte au panorama dressé par la décision de Section Commune d’Aix-en-Provence 3, on voit mal, à part éventuellement celle de marché public, quelle autre qualification serait susceptible d’être retenue que celle de délégation de service public. En particulier, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes nous paraît exclure tout à fait l’hypothèse du contrat dit « in house » avec un opérateur dédié. Dès lors qu’une SEM comporte, par construction, un ou plusieurs actionnaires privés, fussent-ils minoritaires, on ne peut retenir une telle formule 4. La qualification d’une activité en activité de service public n’est pas une question 1 CC 20 janvier 1993, n° 92-316, p. 14. CE 30 décembre 2002, Département des Côtes-d’Armor : BJCP n° 29, juillet 2003, p. 273. 3 CE S. 6 avril 2007 : BJCP n° 53, juillet 2007, p. 283, concl. F. Séners. 4 CJCE 11 janvier 2005, Stadt Halle, point n° 50. 2 484 délicate seulement pour les étudiants en droit. À lire les tables de jurisprudence, elle semble receler une certaine difficulté y compris pour vous. À partir des trois critères traditionnels de la jurisprudence Narcy 5 – mission d’intérêt général, contrôle de l’administration et prérogatives de puissance publique – vous avez développé une jurisprudence d’une grande richesse et d’une grande variété. Tentons un petit inventaire. La diversité des missions de service public Organisation d’un festival de musique ? service public 6 ; d’un festival de bande dessinée ? service public 7 ; gestion des plages ? service public 8 ; distribution de carburant et activité de restauration sur les aires d’autoroutes ? service public 9 ; activité hôtelière sur les aires d’autoroute ? pas de service public 10 ; gestion des centres d’aides par le travail pour les travailleurs handicapés ? pas de service public 11 ; gestion d’un casino ? service public 12 ; gestion d’un restaurant dans le Bois de Boulogne ? pas de service public 13 ; organisation et gestion d’une activité de loterie créée par la loi ? pas de service public 14 ; création et exploitation d’un théâtre de verdure ? service public 15. De tout cela, on retire une impression de grande subtilité et, pour dire la vérité, il n’est pas très simple de trouver une ligne directrice ou des critères très sûrs. Récemment, vous avez néanmoins remis le travail sur le métier. Par la décision de Section précitée Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés, vous avez tenté de préciser un peu davantage les critères de la jurisprudence Narcy dans un sens qui, selon nous, est davantage marqué par la continuité que par la rupture. Vous avez en effet jugé que « même en l’absence de [prérogatives de puissance publique] une personne privée doit être regardée, dans le 5 CE S. 28 juin 1963, p. 401. 6 CE 2 juin 1995, Ville de Nice c/ Préfet des Alpes-Maritimes : Rec., T., p. 685. 7 CE 25 mars 1988, Commune d’Hyères : Rec., T., p. 668. 8 CE 21 mai 2000, SARL Plage chez Joseph : Rec., p. 282. 9 Avis d’assemblée générale n° 366.305 du 16 mai 2002, Rapp. public 2003, p. 201. 10 Même référence. 11 CE S. 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés, req. n° 264541 : à publier. 12 CE S. 10 mars 2006, Commune d’Houlgate : Rec., p. 138. 13 CE 12 mars 1999, Ville de Paris : Rec., T., p. 778. 14 CE S. 27 octobre 1999 : Rec., p. 327. 15 CE S. 12 juin 1959, Syndicat des exploitants de cinématographes de l’Oranie : Rec., p. 363. silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées, ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission ». Une absence de mission de service public Rapportée à l’espèce, cette grille de lecture nous conduit à penser qu’en l’espèce, la SEM n’était pas chargée d’une mission de service public. On ne peut nier que son objet social, dont témoignent ses statuts, n’est pas sans lien avec l’intérêt général en ce qu’il s’agit notamment de « prendre des participations dans toute société de gestion et d’exploitation de toute activité relevant du service public cinématographique ». Mais faut-il s’arrêter à cette seule qualification ? Une certaine hésitation est permise, mais en définitive, nous ne le pensons pas. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la ville d’Épinal ait fixé des obligations précises à la SEM, qu’elle ait pris les moyens de contrôler la réalisation de ces objectifs. Notre sentiment est que vous vous trouvez devant ce qu’il est convenu d’appeler un « cas limite » et que dans les circonstances de l’espèce, étant donné les pièces qui étaient soumises au premier juge, il est bien difficile de dire que la commune d’Épinal imposait des obligations concrètes à la SEM, lui fixait des objectifs et prenait les moyens de contrôler leur réalisation. Aussi bien, nous sommes d’avis que le premier juge n’a pas commis l’erreur de droit qui lui est reprochée en jugeant que les conditions posées par la jurisprudence pour qualifier une activité d’activité de service public n’étaient pas réunies en l’espèce. Nous en déduisons que le moyen suivant, tiré de ce que le premier juge a commis une erreur de droit dans le maniement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, doit évidemment être écarté car, à la vérité, la question ne se posait pas. Un cas d’espèce Permettez-nous une dernière remarque sur laquelle nous voudrions insister un peu plus. Si vous nous suivez dans nos propositions, cela ne signifiera pas, en tout cas à nos yeux, que dans toutes les communes B U L L E T I N J U R I D I Q U E D E S C O N T R AT S P U B L I C S N ° 5 5 DÉLÉGATIONS DE SERVICE PUBLIC de France les activités de cinéma confiées à des SEM ne peuvent jamais être qualifiées de service public. Nous espérons vous avoir montré que cela dépend de chaque espèce, de la nature concrète des relations entre la commune et la SEM. La solution que nous vous proposons d’adopter est donc avant tout, pragmatique. Si vous la suivez, elle vaudra par le caractère général des critères appliqués mais aussi par le caractère particulier des circonstances de l’espèce. Nous vous engageons à rejeter les conclusions de la société requérante tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; vous pour- rez en revanche faire droit à celle de la ville d’Épinal, à hauteur des 3 000 € qu’elle demande. Par ces motifs, nous concluons : – au rejet du pourvoi ; – à ce que vous mettiez 3 000 € à la charge de la société UGC-Ciné-Cité. I d’économie mixte « Palace Épinal », qui exploite à Épinal un cinéma composé de six salles, a demandé le 19 janvier 2006 à la commission départementale d’équipement cinématographique des Vosges l’autorisation d’ouvrir un nouveau multiplexe de dix salles, pour remplacer le précédent, autorisation qui lui a été délivrée le 24 avril 2006 ; que la société UGC-Ciné-Cité se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du 26 octobre 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, à ce qu’il soit ordonné à la ville d’Épinal d’organiser une procédure de passation de la délégation du service public de spectacle cinématographique respectant les obligations de publicité et de mise en concurrence préalable ; Considérant qu’indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l’inverse, exclure l’existence d’un service public, une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public ; que même en l’absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission ; Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que si la société d’économie mixte « Palace Épinal », qui n’est pas dotée de prérogatives de puissance publique, a, en vertu de ses statuts, une mission d’intérêt général en vue d’assurer localement l’exploitation cinématographique, son activité, eu égard notamment à l’absence de toute obligation imposée par la ville d’Épinal et de contrôle d’objectifs qui lui auraient été fixés, ne revêt pas le caractère d’une mission de service public confiée par la commune, qui n’avait ainsi à consentir aucune délégation à cet égard ; qu’il suit de là que le juge des référés n’a pas entaché d’erreur de droit son ordonnance, laquelle est suffisamment motivée, en jugeant que le projet de création de salles de la société d’économie mixte ne relevait pas de la procédure de délégation de service public ; Considérant que le juge des référés n’a pas considéré qu’il ne pouvait être saisi dans la mesure où la personne publique s’est abstenue de mettre en œuvre une procédure de délégation conforme aux exigences légales mais a jugé, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, que le projet de la société d’économie mixte « Palace Épinal » n’était pas réalisé dans le cadre d’une délégation de service public ; que doit ainsi être écarté le moyen tiré de ce que l’ordonnance attaquée aurait méconnu les dispositions de l’article L. 551-1 du code de justice administrative ; Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société UGC-Ciné-Cité n’est pas fondée à demander l’annulation de l’ordonnance du 26 octobre 2006 du juge des référés du tribunal administratif de Nancy ; DÉCISION Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 13 novembre, 27 novembre et 4 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État présentés pour la société UGC-Ciné-Cité […] représentée par ses dirigeants ; la société UGC-Ciné-Cité demande au Conseil d’État : 1°) d’annuler l’ordonnance en date du 26 octobre 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nancy, statuant en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant, en premier lieu, à ce qu’il enjoigne à la commune d’Épinal de différer la signature de tout document contractuel avec la société d’économie mixte « Palace Épinal » se rapportant à l’exploitation du service public du spectacle cinématographique à Épinal, en deuxième lieu, à ce que soit ordonnée la suspension de la procédure de passation de la délégation du service public du spectacle cinématographique de la ville, et enfin, à ce qu’il ordonne à la commune d’Épinal d’organiser une procédure de passation de ladite délégation respectant les obligations de publicité et de mise en concurrence ; 2°) de mettre à la charge du département une somme de 2 500 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; […] Considérant qu’aux termes de l’article L. 5511 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics […] et des conventions de délégation de service public. / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement […] / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu’il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu’au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours […] » ; Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société B U L L E T I N J U R I D I Q U E D E S C O N T R AT S P U B L I C S N ° 5 5 Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville d’Épinal, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société UGC-Ciné-Cité demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge de la société UGC-Ciné-Cité la somme de 3 000 € au titre des frais de même nature exposés par la ville d’Épinal ; DÉCIDE : Article 1er : La requête de société UGC-CinéCité est rejetée. Article 2 : La société UGC-Ciné-Cité versera une somme de 3 000 € à la ville d’Épinal au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. […] I 485 DÉLÉGATIONS DE SERVICE PUBLIC OBSERVATIONS Le Conseil d’État vient de faire une première application de sa jurisprudence de Section du 22 février 1997, Association du personnel relevant des établissements pour handicapés 16. Une personne privée exerçant une mission d’intérêt général et dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est regardée comme exerçant une mission de service public. Mais une personne privée, bien que non dotée de prérogatives de puissance publique, doit également être regardée « dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public, lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées, ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission ». Le service public est en effet, sauf exception, géré pour le compte d’une personne publique. Et cette gestion pour le compte de la personne publique est révélée par ce faisceau de critères, notamment les obligations assignées par la personne publique et le contrôle de ses résultats au regard de ces objectifs et obligations. 16 Dans l’affaire qui lui était soumise à raison du pourvoi en cassation de la société « UGC-Ciné-Cité », un fort doute pouvait exister sur l’action de la société d’économie mixte « Palace Épinal », gestionnaire de salles de cinéma. Il est incontestable que l’action en faveur du cinéma peut relever d’une mission d’intérêt général. Et l’intervention d’une société d’économie mixte, créée par la commune pour mener une action en faveur du cinéma, peut laisser subodorer l’existence d’une mission de service public. Toutefois, en l’absence d’obligations (de service public) assignées par la ville à la société d’économie mixte et de contrôle de ses résultats au regard de telles obligations, des critères essentiels permettant de qualifier la présence d’une mission de service public n’étaient pas satisfaits. La décision Société UGC-Ciné-Cité confirme que, sans ces deux critères, l’action d’une personne privée, bien qu’émanation de la personne publique, n’est pas regardée comme relevant du service public. I R. S. Req. n° 264541. 486 B U L L E T I N J U R I D I Q U E D E S C O N T R AT S P U B L I C S N ° 5 5