dossier fin de partie de samuel beckett

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dossier fin de partie de samuel beckett
DOSSIER FIN DE PARTIE DE SAMUEL
BECKETT
I. RÉSUMÉ DE L’ŒUVRE
La pièce s’ouvre sur une présentation de deux personnages (Clov et Hamm)
et de leurs rapports. Cette présentation peut être délimitée comme allant de la
page 8 à la page 18. On y retrouve plusieurs éléments qui renvoient à l’enjeu de
la partie, qui est également un thème de l’œuvre. À la page 18, un autre
personnage entre en scène et il s’agit de Nagg qui se trouve dans une poubelle.
De la page 18 à la page 20, Nagg se plaint pour avoir à manger et de 20 à 26,
Hamm et Clov discute et Nagg, toujours dans sa poubelle, écoute. Hamm et
Clov semble vivre une journée semblable à tant d’autres et ils en attendent la fin
qui apparemment tarde à venir. De la page 26 à la page 36, Beckett nous
présente les rapports de Nagg et de son épouse Nell (qui se trouve elle aussi
dans une poubelle). Les deux époux qui n’arrivent pas à se toucher sont aussi
tristes que les deux autres personnages de la pièce. Nagg raconte une histoire sur
un tailleur. Cette histoire qui jadis faisait rire sa femme la laisse à présent de
marbre, elle s’en est lassée. De la page 38 à la page 68, Hamm cherche à retenir
Clov. Hamm, qui est dans un fauteuil roulant et qui est aveugle, tyrannise Clov
sans qui il ne pourrait pourtant ni se déplacer, ni savoir ce qui se passe autour de
lui. Hamm cherche à retenir Clov: il demande un tour de chambre (38-42), il lui
demande de regarder dehors avec une lunette (des jumelles) (44-48), Clov à une
puce dans le pantalon et Hamm lui demande de la tuer avec l’insecticide (4850), il lui demande également un chien que Clov n’a pas terminé de fabriquer et
qui est estropié (56-60), il demande aussi des nouvelles de la mère Pegg à qui il
a refusé la lumière, qui est morte dans la solitude et dont seule l’odeur de
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putréfaction de son corps, a permis à Clov de savoir qu’elle était morte (60-62),
il demande sa gaffe à l’aide de laquelle il l’espère réussir à sortir de son fauteuil
roulant (62), il parle ensuite d’un fou qui pensait que la fin du monde était arrivé
(64). Seulement, rien n y fait et Clov semble décider à s’en aller. Hamm jette
l’éponge et lui dit qu’il souhaiterait savoir quand Clov s’en irait. Ce dernier
trouve alors l’astuce du réveil qui sonnerait quand il ne serait plus là (68). De la
page 68 à la page 84, Hamm raconte des histoires à Nagg. Il lui raconte d’abord
son histoire de Noël (72-78) et l’homme dans l’histoire pourrait être le père de
Clov qui l’aurait confié à Hamm alors qu’il n’était encore qu’un enfant. Clov
vient annoncer qu’il a trouvé un rat dans la cuisine (78) et comme pour la puce,
Hamm lui demande de l’exterminer. Ce dernier demande ensuite à son père et à
Clov de prier avec lui (78). Pas très motivés, ils abandonnent. Nagg demande la
dragée que son fils lui avait promise en échange de son attention et la dragée lui
est refusée (80). Clov décide de faire de l’ordre (82) et Hamm continue le récit
de son histoire à Clov (84-86). Hamm demande à Clov d’aller voir si sa mère est
morte et il s’avère que c’est le cas (88). De la page 84 à la page 110, l’on assiste
aux derniers moments de la pièce : Clov qui regarde dehors (88-92), Hamm qui
demande à Clov de l’embrasser (94), Clov qui chante et est sommé par Hamm
d’arrêter (100-102), Clov qui fait son bilan en gagnant la sortie (110-112) et
Hamm qui fait le sien au cours duquel Clov revient (114-118), chargé d’une
valise et apparemment prêt à partir, il revient se tenir à sa place, à côté du
fauteuil de son maître.
II. FICHE DE LECTURE
1. Présentation des personnages
 Hamm : Maître de Clov, fils de Nagg et Nell. C’est un personnage amer.
Il est handicapé et aveugle et semble ne souhaiter qu’une seule chose : la
fin du monde. Il ne veut voir subsister aucune créature vivante. Il méprise
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ses parents et pense que les vieilles personnes sont inutiles. Il se montre
odieux avec Clov, son valet qui est pourtant la seule personne sur laquelle
il peut se reposer.
 Clov, valet et « fils adoptif » de Hamm. Il n’arrive pas à se séparer de son
maître malgré tous les désagréments que ce dernier lui cause. Il est attaché
à cet homme et le prend peut-être en pitié car curieusement, il menace de
le quitter mais ne passe jamais à l’acte.
 Nagg, père de Hamm et époux de Nell. Tout comme son épouse, Nagg est
cantonné dans une poubelle tout au long de la pièce. Son fils le répugne et
l’affame. Il est malheureux et essaie en vain de toucher, de faire rire son
épouse.
 Nell, mère de Hamm et épouse de Nagg. Elle aussi se trouve dans une
poubelle à côté de son mari. Son époux tente de la faire rire avec une
histoire, qu’elle trouvait drôle jadis. Elle est malheureuse et décède au
cours de la pièce. Son fils reste de marbre lorsque Clov lui confirme le
décès de sa mère.
 En dehors de ces quatre personnages principaux, deux personnages
secondaires sont évoqués : la mère Pegg (décédé avant le début de
l’intrigue et dont seul l’odeur de putréfaction émanant de son corps a
permis à Clov de savoir qu’elle était morte) et l’homme dans l’histoire de
Noël de Hamm (il pourrait s’agir du père biologique de Clov).
2. Axes d’analyse de Fin de Partie
a. la question du langage
L’œuvre de Samuel Beckett est atypique et occupe une place de choix dans
l’histoire de la littérature. En effet, très sont rares les écrivains qui, comme lui,
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ont jugé nécessaire d’abandonner leur langue maternelle afin d’en adopter une
autre. L’absurdité chez Beckett s’exprime à travers la misère et la solitude, qui
semblent inhérentes à la condition humaine. Il utilise également l’impossibilité
d’agir pour exprimer l’absurdité de la vie. Cependant, Beckett ne s’exprime pas
exclusivement sur le ton de la résignation ou du ressentiment; il cherche, dans
ses œuvres, à faire face et à résister au malheur, au passage du temps, à
l’aliénation et à la déchéance. Ainsi, dans les univers désolés qu’il crée,
l’humour est constamment présent. Ses univers sont peuplés de clochards,
vagabonds, vieillards, malades, etc., qui ne semblent attachés à la vie que par un
fil fin, celui de leur bavardage. L’absurde chez Beckett dépend surtout des
situations et non des lieux. Ainsi, il peut arriver que le lieu où se déroule l’action
ne soit pas cité avec précision (dans En attendant Godot, on sait que l’action se
déroule dans une lande, sans plus de précision). De plus, le langage utilisé n’est
plus un moyen de communication mais il exprime plutôt le vide, l’incohérence
et représente la vie, qui est elle-même ridicule. Dans l’expression de l’absurde
chez Beckett, on note également une volonté de dresser un tableau de la
condition humaine prise dans son absurdité. L’absurde est surtout exprimé par
l’absence de changement. Cette absence de changement qui est visible dans le
quotidien de bon nombre des personnages beckettiens, a rendu certains
inconscients de l’absurdité de leur existence. C’est le cas de Vladimir et
Estragon dans En Attendant Godot. Éveillés, ils sont pourtant plongés dans
un sommeil stupide. Dans Fin de Partie, le langage beckettien est authentique et
assimilable à celle de ses autres pièces théâtrales Les personnages de Fin de
Partie:
[…] dévident et étirent ensemble le temps qui les conduit
vers une fin qui n’en finit pas, mais avec jeu et répartie,
comme le feraient deux partenaires d’une ultime partie
d’échecs. Ainsi, les mots triomphent, alors que les corps,
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dévastés et vieillis, se perdent. Hamm et Clov usent du
langage comme d’un somptueux divertissement, en des
échanges exaspérés et tendres. Beckett a su avec jubilation
écrire le langage de la fin, une langue au bord du silence,
qui s’effiloche et halète, transparente et sereine, dernier
refuge de l’imagination.
(Laura Pels : 2010).
b. Accablement et souffrance
Il convient de noter que Samuel Beckett, qui était féru d’échecs, semblait
concevoir la vie comme une partie triste et dont la fin tardait à venir. Hamm est
fatigué de cette existence dans laquelle il est malheureux, cantonné dans ce
fauteuil roulant dont il ne peut s’extirper. De plus, il est aveugle et forcé de faire
appel à Clov pour savoir ce qui se passe autour de lui. Il souffre de ces
handicaps et sa souffrance semble le remplir d’amertume. Il martyrise Clov et
dédaigne son père, n’acceptant de le nourrir qu’après que le vieil homme est
écouté son histoire. Clov semble considérer sa souffrance auprès de Hamm
comme étant son destin, sa fatalité. Il souffre mais ne s’en va pas. Nell et Nagg,
dans des poubelles n’arrivent pas à se toucher. Le fait qu’ils se trouvent dans les
poubelles montre à quel point leur vie est misérable. Ils sont vieux, et donc
cantonnés au rang de déchets. Nell décède au cours de la pièce, probablement
meurtrie par le mépris de son fils et la tristesse de leur existence (Nagg et elle).
La souffrance est partout présente dans Fin de partie, comme si les personnages
ne peuvent y échapper.
c. la peur de la solitude
La crainte de la solitude est surtout représentée par Hamm. En effet, il
martyrise Clov mais sait que sans son valet sa vie serait probablement encore
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plus miséreuse. Il se moque d’abord de Clov lorsque ce dernier lui dit vouloir
s’en aller. Il lui rappelle qu’il a toujours faite cette menace mais ne l’a jamais
mise en exécution. Seulement, il ressent le sérieux de son valet lorsque celui-ci
trouve l’astuce du réveil qui sonnerait quand il ne sera plus là. Il le menace et lui
fait croire que loin de lui, son valet mourra (à croire que la situation que Clov vit
sous son toit est plus heureuse). De plus, Hamm force Nagg, son père, à
l’écouter. Il veut un auditoire et craint sûrement de se retrouver seul si son valet
venait en aller. Face au refus de son père, il le conditionne et requiert son
attention en échange de nourriture. Clov ne s’en va plus. Lui aussi pourrait avoir
peur de la solitude vu qu’ayant observé qu’à l’extérieur règne le néant, il pense
que sa vie auprès de son maître sadique est préférable à une mort solitaire dans
un vacuum total.
d. L’ambigüité de l’absurde
Le mot « absurde » vient du latin absurdus qui signifie « dissonant »
(« drame et art dramatique», Encarta). C'est le caractère de ce qui est contraire
et échappe à toute logique ou qui ne respecte pas les règles de la logique. C'est
avant tout un degré de comique très élevé. Il signifie ce qui n'est pas en
harmonie avec quelqu'un ou quelque chose, par exemple, une conduite absurde
est un comportement anormal, un raisonnement absurde est un raisonnement
complètement illogique.
L’absurde c’est également une philosophie et un courant littéraire. Selon
Pierre Brunel, on peut définir le but de l’absurde en littérature ainsi :
Questionner et contester les conventions traditionnelles de la
société par le biais de l’humour. [De plus] Le sentiment de
l’absurdité de la condition humaine ainsi qu’un extrême
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pessimisme étaient déjà présents chez le philosophe
allemand Arthur Schopenhauer (1788-1860).
(Brunel : 2004)
Seulement, ce sentiment remonte à encore plus loin. En effet, Salomon,
couronné Roi d’Israël vers 970 avant Jésus-Christ, fait remarquer que « […] tout
est vanité et poursuite du vent, et il n’y a aucun avantage à tirer de ce qu’on fait
ici bas » (Ecclésiastes, 2 :11 ». Il ajoute « Et j’ai haï la vie, […] car tout est
vanité et poursuite du vent » (Ecclésiastes, 2:17). Pour Salomon, la vie que nous
menons ici bas est vaine, absurde car l’on ne peut rien en tirer. Revenons à
présent à Schopenhauer dont la philosophie va largement influencer les
philosophies existentielles, notamment celles des écrivains français Jean-Paul
Sartre (1905-1980) et Albert Camus (1913-1960). Camus fut révélé en 1942 au
public par L'Étranger, dans lequel « Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir
virent une sorte de manifeste de l'existentialisme. » (Brunel : 2004). Ces
philosophies existentialistes ont inspirés certains dramaturges des années
cinquante et soixante, comme Beckett, Ionesco, Albee ou Pinter, et leurs œuvres
sont classées sous le théâtre de l’absurde.
Dans Fin de Partie, cette immutabilité se traduit surtout par les thèmes de
la monotonie, du perpétuel recommencement et du perpétuel questionnement car
même si les personnages de Fin de Partie vivent dans une routine quotidienne et
sont conscients de l’absurdité des inepties qui constituent leurs existences, ils
essaient néanmoins d’en réchapper. Il cherche à comprendre pourquoi la vie est
ce qu’elle est : vaine, absurde et monotone. Pour fuir cette existence, il faut
d’abord la comprendre. Ainsi, tout commence par une question qui vient rompre
la continuité de la chaîne quotidienne : aussi bien « Qui suis-je ? » « Où suisje ? »
« Où vais-je ? » et « d'où suis-je tiré ? » de Voltaire que le simple
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« Pourquoi ? » Ce besoin de rompre avec la continuité de la chaîne et la routine
quotidienne est une caractéristique de l’absurde présente dans la pièce.
Si les personnages beckettiens se questionnent, ils sont néanmoins loin de
pouvoir donner un sens à leur existence absurde. Peut être est-ce à cause des
limites des mots. En effet, il est paradoxal que les dramaturges de l’absurde
veuillent exprimer rationnellement l'irrationnel et user d’un discours logique
pour suggérer l'absurde qui par définition même, échappe à la logique. Dès lors
que l’on prend en compte ce caractère illogique de l’absurde, la crise du langage
parait inévitable, d'autant plus que le sentiment de l'absurde révèle les tares des
mots, notre instrument de communication. Dans son essai sur Proust, Samuel
Beckett juge que :
La tentative de communiquer là où nulle communication
n'est possible est une pure singerie, une vulgarité ou une
abominable comédie, telle que la folie qui tiendrait
conversation avec le mobilier ». (Brunel : 2004)
3. Présentation et biographie de l’auteur
Samuel Beckett : Une Vie Singulière, Une Œuvre Atypique
Samuel Barclay Beckett est né en Irlande un vendredi saint, le 13 avril 1906.
Pour les superstitieux, si le treizième jour d’un mois tombe un vendredi, il peut
être marqué soit par la chance soit par la malchance. La vie de Samuel Beckett,
qui n’a pas été des plus heureuses, a-t-elle été conditionnée par le fait qu’il soit
né le jour de la commémoration de la crucifixion de Jésus-Christ, et par le mythe
du vendredi 13? Beckett, qui est issu d’une famille protestante, débute ses
études dans la même école qu’Oscar Wilde et en se remémorant son enfance, il
déclare « I had little talent for happiness» qu’on pourrait traduire par « Je suis un
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handicapé du bonheur ». Le malheur qui est très présent dans la vie de Beckett
est visible chez ses personnages notamment Hamm (handicapé et aveugle).
Beckett a surtout vécu en solitaire. Le garçon malheureux est devenu un
jeune homme solitaire et déprimé. Néanmoins, les femmes étaient très attirées
par ce jeune homme triste et taciturne. À croire que Beckett avait compris très
tôt les limites des mots, notre instrument de communication. Beckett ne voulait
laisser personne pénétrer la barrière de solitude qui l’entourait et après avoir
rejeté les avances de la fille de James Joyce, il a déclaré « I am dead and have no
feelings that are human/ Je suis mort et je n’éprouve aucun sentiment humain. »
Cette image de mort-vivant que Beckett peint de sa propre personne est aussi
visible dans ses œuvres. En effet, les personnages des romans et des premières
pièces de Beckett tel Hamm de Fin de partie (1957) « sont très courbés, voire
effondrés et réduits à la reptation. Ils semblent, selon une expression de l'auteur,
« mourir de l'avant » car même s’ils sont vivants, ils souhaiteraient être morts.
En 1928, Samuel Beckett s’installe à Paris et la Ville lumière ravit très vite
son cœur. Peu après son arrivée, un ami commun le présente à James Joyce dont
il deviendra presque un apôtre. À 23 ans, il publie un essai dont le but est de
défendre l’œuvre de Joyce. Un an plus tard, il gagne son premier prix littéraire
avec son Poème Whoroscope. Après avoir publié un essai sur Proust, Beckett est
arrivé à la conclusion que l’habitude et la routine sont « the cancer of time/ la
gangrène du temps ». Pour fuir cette routine, il abandonne son poste au Trinity
College et débute un long voyage au cours duquel il parcourt l’Europe. La
routine est également présente dans les œuvres de Beckett et ses personnages,
contrairement à lui, n’y échappe pas. Pour Hamm et Clov de Fin de Partie ou
même Vladimir et Estragon d’En Attendant Godot, les jours se suivent et se
ressemblent.
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Beckett a parcouru l’Irlande, la France, l’Angleterre et l’Allemagne. Au
cours de ses voyages, il a sans doute fait des rencontres qui ont inspiré certains
de ses personnages. Dès qu’il passait par Paris, il appelait Joyce et ils passaient
du temps ensemble. Selon certaines sources, les deux hommes restaient de
longues heures ensemble, silencieuses et tristes. Le silence, mieux que les mots,
pourrait finalement être la meilleure expression de l’absurdité de la vie telle que
l’on peut le voir dans Fin de Partie où le dialogue est sans cesse ponctué de
pauses et l’expression artistique parfois réduite au mime.
Beckett s’installe définitivement à Paris en 1937. Un jour, alors qu’il
marchait dans la rue, il est poignardé par un homme qui s’était approché de lui
en demandant de l’argent. Il est conduit à l’hôpital et on l’informe qu’il a un
poumon perforé. Après sa guérison, il va rendre visite à son agresseur en prison.
Lorsqu’il demande à cet inconnu pourquoi est-ce qu’il l’avait poignardé,
l’homme répond « Je ne sais pas, Monsieur ». Ce « je ne sais pas » qui montre
le caractère absurde de la vie est également présent chez les personnages
beckettiens. À titre d’exemple, dans Fin de Partie, Clov prétend ne pas savoir si
le chien à trois pattes qu’il a fabriqué pour son maître peut tenir debout (58).
Au cours de la Seconde Guerre Mondiale et même après l’occupation
allemande, Beckett reste à Paris. Il y prend part à des actions de résistance
jusqu’en 1942 lorsqu’il s’enfuit pour échapper à la Gestapo. En 1945, il retourne
à Paris. Les années qui suivent, il publie les pièces de théâtre Eleutheria, En
Attendant Godot, Fin de Partie, les romans Malloy, Malone Meurt,
L’Innomable, Mercier et Camier, deux recueils de nouvelles et une critique.
Les pièces de Beckett ne reposent pas sur les principes du théâtre classique. Il
troque l’intrigue, les personnages et l’enseignement, tels que perçus par le
théâtre classique, contre une série d’images concrètes. Pour lui, les mots sont
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inutiles et il crée des univers mythiques où les personnages sont solitaires et se
battent en vain pour exprimer l’inexprimable. Ses personnages vivent dans une
sorte de vacuum, de confusion et de tristesse.
Beckett est le premier dramaturge de l’absurde à acquérir une renommée
internationale. Ses œuvres sont traduites dans plus de vingt langues. En 1969, il
remporte le Prix Nobel de Littérature. Il continue d’écrire jusqu’à sa mort le 22
décembre 1989. Seulement, l’écriture devenait chaque jour plus ardue et vers la
fin, il a expliqué que pour lui chaque mot semblait être « an unnecessary stain
on silence and nothingness/ une tache inutile sur le silence et le néant».
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