Avis 50.094 du 8 octobre 2013

Transcription

Avis 50.094 du 8 octobre 2013
CONSEIL D'ETAT
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No 50.094
Projet de règlement grand-ducal
relatif à la dématérialisation et à la conservation de
documents.
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Avis du Conseil d’Etat
(8 octobre 2013)
Par dépêche du 6 février 2013, le Premier Ministre, Ministre d’Etat, a
saisi le Conseil d’Etat du projet de règlement grand-ducal sous objet élaboré
par le ministre de l’Economie et du Commerce extérieur.
Au texte du projet de règlement grand-ducal proprement dit étaient
joints un exposé des motifs, un commentaire des articles, une fiche
financière et une fiche d’évaluation d’impact.
L’avis de la Chambre de commerce est parvenu au Conseil d’Etat par
dépêche du 13 juin 2013 et celui de la Chambre des métiers par dépêche du
16 juillet 2013.
Considérations générales
Le projet de règlement grand-ducal sous avis a pour base légale d’une
part, l’article 1334 du Code civil et l’article 16 du Code de commerce et,
d’autre part, la loi en projet relative à l’archivage électronique (doc. parl. n°
6543) qui fait l’objet d’un avis du Conseil d’Etat adopté en date de ce jour.
Selon l’exposé des motifs, l’objet poursuivi par le texte sous examen
est d’adapter les dispositions du règlement grand-ducal du 22 décembre
1986 pris en exécution de l’article 1348 du Code civil et de l’article 11 du
Code de commerce aux besoins de l’archivage sous forme dématérialisée
des pièces et documents de tout genre et de déterminer des lignes directrices
claires et précises pour les opérateurs de dématérialisation et de
conservation numérique de tels pièces et documents. Pour le surplus, les
dispositions réglementaires en projet sont censées créer un cadre normatif
neutre du point de vue technologique.
Le défi à relever consiste, d’après les auteurs, à créer et à archiver des
documents numériques qui resteront disponibles dans une forme
correspondant en tous points à l’original et en préservant la lisibilité.
L’article 4 entend en outre déterminer les règles applicables en
relation avec la confection et la conservation des copies micrographiques
d’originaux de pièces ou documents établis sur support papier.
La base légale prévue pour le règlement grand-ducal en projet donne
lieu à plusieurs observations.
Contrairement à son intitulé, le règlement grand-ducal précité du 22
décembre 1986, qui est censé être remplacé, n’a plus pour base légale
l’article 1348 du Code civil. En effet, aux termes de son article 14, la loi
modifiée du 14 août 2000 relative au commerce électronique a remplacé
l’article 1348, alinéa 2, qu’elle a supprimé, par la nouvelle version qu’elle a
donnée à l’article 1334 du Code civil, tout en précisant que « Le règlement
grand-ducal du 22 décembre 1986, pris en exécution de l’article 1348 du
Code civil, continue à produire ses effets sur base de l’article 13 de la
présente loi » (article 13 qui a modifié l’article 1334 du Code civil en vue de
conférer à cet article son libellé actuel). C’est cet article 1334 qui, depuis
lors, sert avec l’article 11 du Code de commerce matériellement de base
légale audit règlement de 1986, et qui fournira également avec ledit article
11 du Code de commerce la base légale au règlement en projet.
Dans la mesure où le Conseil d’Etat sera suivi, quant à sa proposition
de traiter exclusivement dans le Code civil et dans le Code de commerce les
questions relatives à la valeur probante des documents dématérialisés et des
copies numériques, proposition qu’il a formulée dans son avis précité de ce
jour, la loi en projet sur laquelle porte cet avis ne pourra pas servir de base
légale au règlement en projet.
En outre, le règlement en projet déterminera uniquement les
conditions à remplir par les documents visés par l’article 1334 actuel du
Code civil en vue de pouvoir prétendre à la valeur probante dont il y est
question. La valeur probante des documents dématérialisés et des copies
numériques conservées par un prestataire certifié selon les règles de la loi en
projet sera, d’après ledit avis, renforcée par rapport à celle prévue à l’article
1334 actuel et circonscrite par les dispositions de l’alinéa 2 nouveau que le
Conseil d’Etat propose d’ajouter à cet article. Dans ces conditions, il y aura
désormais deux niveaux de valeur probante résultant respectivement des
exigences des alinéas 1er (l’actuel article 1334) et 2 (l’alinéa que le Conseil
d’Etat propose d’ajouter) de la future version de l’article 1334 du Code
civil. Le Conseil d’Etat a en plus proposé d’aligner en conséquence l’article
11 du Code de commerce.
Etant donné que la valeur probante des documents dématérialisés par
un prestataire certifié et des copies numériques conservées par un tel
prestataire sera fonction des critères de certification que ce prestataire devra
respecter au regard de sa certification, le règlement grand-ducal en projet
n’aura pas à se préoccuper de ce volet de la question.
Par contre, son objet consistera à déterminer nouvellement les
dispositions du régime réglementaire mis en place en 1986 et à prévoir les
exigences à respecter par les copies effectuées selon les modalités arrêtées
en exécution de l’article 1334 (désormais article 1334, alinéa 1er) du Code
civil en vue d’y conférer la valeur probante y attachée par ces dispositions.
Examen des articles
Observation préliminaire
2
Si les auteurs entendent conférer à chaque article du projet de
règlement grand-ducal un intitulé particulier, il échet de retenir la même
forme de présentation pour l’ensemble des articles en ajoutant pour les
intitulés des articles 5, 6 et 7 la préposition ablative « de la » ou en omettant
celle-ci pour les articles 1er à 4.
Préambule
Conformément à l’analyse faite à l’endroit des considérations
générales, il y a lieu de supprimer la loi en projet sur l’archivage
électronique comme base légale du règlement grand-ducal en projet.
Si le Conseil d’Etat n’était pas suivi sur ce point, il faudrait, selon les
usages légistiques en vigueur, mentionner les codes avant les lois servant de
fondement légal à un règlement grand-ducal et donc inverser les visas
afférents en évoquant le Code civil et le Code de commerce avant la future
loi relative à l’archivage électronique.
Article 1er
Le Conseil d’Etat propose de regrouper les dispositions des
paragraphes 1er et 2 de l’article 1er et de supprimer le paragraphe 3 dont les
dispositions s’avèrent redondantes par rapport au régime résultant de la loi
en projet précitée.
L’exigence que le traitement n’altère ni n’interprète les informations
contenues dans l’original apparaît comme redondante par rapport aux
dispositions de l’article 2 et peut partant être abandonnée dans le contexte
de l’article sous examen.
L’article 1er n’aura dans ces conditions pas besoin d’être subdivisé en
paragraphes, et il se lira comme suit:
« Art. 1er. Des copies
Constituent des copies conformes à l’original les copies qui
répondent aux conditions suivantes:
a)
elles sont effectuées de façon systématique et sans lacunes;
b)
elles sont effectuées selon des instructions de travail qui sont
conservées par l’opérateur responsable pendant la même durée
que les copies;
c)
elles sont conservées avec soin, dans un ordre systématique, et
protégées contre toute altération. »
Article 2
Le fond de l’article sous examen ne donne pas lieu à observation.
Quant à la forme, l’énumération insérée dans la deuxième phrase est à
proscrire alors qu’elle suggère celle retenue dans le cadre de la subdivision
d’un article en paragraphes. Le Conseil d’Etat propose de rédiger comme
suit cette deuxième phrase qui aurait avantage à former un alinéa 2:
3
« A ces fins,
a) le processus de transcription ne doit pas altérer le contenu et
l’apparence de l’original;
b) chaque copie doit comporter de manière systématique la date et
l’heure de sa création;
c) un historique détaillé et tenu à jour de la copie doit à tout moment
être disponible. »
Article 3
La phrase introductive est superfétatoire et doit être supprimée.
L’utilité d’une subdivision de l’article en paragraphes n’est pas
donnée; il suffit de prévoir des alinéas.
A l’alinéa 1er (selon le Conseil d’Etat), deuxième phrase, il échet de
faire abstraction du mot « notamment » qui enlèverait à la disposition son
caractère normatif.
Le Conseil d’Etat propose d’écrire:
« Le caractère durable des copies et originaux numériques est
garanti, à condition que soient respectées les prescriptions suivantes
en vue de leur conservation:
a) Les originaux et les copies numériques sont conservés de manière
à éviter toute modification ou altération.
b) Ils sont enregistrés … »
A l’alinéa 2 (selon le Conseil d’Etat), la fin de la phrase doit être
rédigée comme suit:
« … démontrer la concordance des supports en question. »
Au point a) de l’alinéa 3 (selon le Conseil d’Etat), il y a lieu d’écrire
par analogie au point a) de l’alinéa 1er « … pour éviter toute modification ou
altération ». Au point b) du même alinéa, il sera plus correct de rédiger
comme suit la fin de ce point: « … et de garantir la conformité à
l’original ».
Article 4
Ici de même, la phrase introductive est superfétatoire et doit être
supprimée.
L’énumération retenue par les auteurs suggère une subdivision de
l’article en paragraphes qui n’est pas admise en présence de la phrase
introductive.
Le Conseil d’Etat propose, à l’instar de son observation afférente à
l’endroit de l’article 3, de renoncer à l’énumération proposée au profit d’une
subdivision en alinéas de l’article sous examen.
4
En vue de respecter par ailleurs la concordance rédactionnelle avec les
autres dispositions du projet de règlement grand-ducal, l’alinéa 1er (selon le
Conseil d’Etat) devra dans ces conditions être rédigé de la manière suivante:
« Les travaux effectués pour effectuer des copies d’originaux
par micrographie doivent être surveillés par l’opérateur responsable
ou par une personne qu’il a mandatée à ces fins. »
A l’alinéa 3 (selon le Conseil d’Etat), une référence à l’article 1er
s’avère opportune. Le Conseil d’Etat propose d’écrire:
« Les diverses phases des travaux effectués pour créer la copie
doivent être réalisées dans le respect des instructions de travail
prévues à l’article 1er. »
A l’alinéa 4 (selon le Conseil d’Etat), la notion du « tiers compétent »
manque de la précision requise. Le Conseil d’Etat préférerait parler plutôt
de « professionnels de la dématérialisation et de la conservation numérique
de documents ». Par ailleurs, il y a lieu d’évoquer en début de phrase
« L’indexation (et non pas l’indexage) et le repérage des copies » plutôt que
d’évoquer les seuls principes y relatifs.
Dans la deuxième phrase de l’alinéa 5 (selon le Conseil d’Etat), il
convient d’écrire: « Cette déclaration, signée par l’opérateur responsable,
doit être conservée … ».
Même si les auteurs ont voulu proposer un cadre normatif neutre du
point de vue technologique, le règlement en projet doit fixer aux opérateurs
une obligation de résultat. Or, le Conseil d’Etat note que la qualification
« techniquement satisfaisante » d’une copie micrographiée ne répond pas à
ces exigences, alors que le texte sous examen ne permet pas d’établir de
façon objective et préalable quand une copie est « techniquement
satisfaisante ». Ou bien la disposition de l’alinéa 6 se contentera d’évoquer
comme seule condition le caractère « parfaitement lisible », ou bien il devra
être complété par des critères précis et préétablis permettant de cerner
l’exigence du caractère « techniquement satisfaisant ».
A l’alinéa 8 (selon le Conseil de l’Etat), le Conseil d’Etat préférerait
viser « les personnes qui ont accès aux informations qu’elle [= la copie]
comporte ».
Articles 5 à 7
Sauf à rappeler son observation préliminaire au sujet de la forme de
rédaction des intitulés des trois articles sous examen, le libellé de ceux-ci ne
donne pas lieu à observation.
Le Conseil d’Etat donne cependant à considérer que, dans la
perspective de l’abrogation du règlement grand-ducal précité du 22
décembre 1986, le fondement juridique pour reconnaître aux documents
établis sur base de ce règlement leur valeur probante définie à l’article 1334
du Code civil n’existera plus. La valeur probante reconnue jusqu’ici à ces
documents risquera d’en pâtir. Afin de prévenir des problèmes juridiques en
5
la matière, il s’avérerait dès lors opportun de prévoir une base normative
pour garantir la pérennité de cette valeur probante. Aussi le Conseil d’Etat
propose-t-il d’ajouter un alinéa 2 nouveau à l’article 5, libellé comme suit:
« Les documents et les copies établis sur base des dispositions
réglementaires prises en exécution des articles 1334 ou 1348 du Code
civil et applicables avant la prise d’effet du présent règlement, gardent
la valeur probante qui leur était conférée par ces dispositions
réglementaires. »
Ainsi délibéré en séance plénière, le 8 octobre 2013.
Le Secrétaire général,
Le Président,
s. Marc Besch
s. Victor Gillen
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