dossier enseignants cp-ce1 paris sous la revolu?
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Musée Carnavalet – Histoire de Paris. Classes culturelles Histoire de France Dossier pédagogique Paris sous la Révolution Séance 5 : PARIS AU XVIIIe SIECLE : UNE REVOLUTION ! L’histoire de la Révolution ne peut que ménager une large place à la Ville de Paris, acteur et théâtre des grandes scènes de cette période troublée. Le bouillonnement populaire qui a agité la capitale constitue en quelque sorte un « concentré » des mouvements révolutionnaires qui ont enflammé la France. En matière d’urbanisme, Paris gagne peu de nouveaux bâtiments. En revanche, il est marquant de constater que l’expression de l’exaspération des Parisiens s’exercera sur les édifices. Quoi qu’il en soit, l’histoire de la Révolution dans les programmes scolaires se confond souvent avec l’histoire de Paris. Plusieurs raisons expliquent cet état de fait. Le XVIIIe siècle, « siècle des Lumières » est aussi le siècle des villes. Elles attirent les populations des campagnes, mais surtout bénéficient des premiers aménagements réellement « urbanistiques », c’est-à-dire planifiés par une autorité dans le cadre d’une politique urbaine visant à maximiser la gestion et l’organisation de la ville. L’art urbain cède la place à un véritable urbanisme. A Paris, les nobles, les artistes, les philosophes, les étrangers qui ont délaissé la Cour de Versailles s’installent et animent la capitale. Cette diversité sociale favorise les rencontres et les débats. • La capitale du royaume est l’une des plus grandes villes d’Europe1. C’est une ville très dynamique, très riche et puissante : les artisans parisiens sont célèbres pour la qualité de leur travail (tapisserie, joaillerie, mobilier, etc.), les banquiers et les financiers sont désormais des personnages incontournables qui font et défont les fortunes. • Pour optimiser la répartition de toute cette population et surtout pour faciliter les échanges et la circulation des biens, le programme urbanistique parisien va désormais obéir à une logique dictée par la puissance royale. Pour le respect d’une religion dont ils sont les souverains Très Chrétiens, Louis XV et Louis XVI font construire des églises monumentales2. Pour affermir la domination militaire de la France, Louis XV fait construire l’Ecole Militaire3. Enfin, ils font aménager la place de la Concorde4 assez grande pour accueillir les cérémonies monarchiques glorifiant leur nom. Sous l’influence des idées des Lumières, les monuments de Paris s’insèrent désormais dans des ensembles cohérents : les quartiers. Les forteresses comme la Bastille ou le Châtelet sont devenues, dans les faits, inutiles et seront consacrées à d’autres usages. • La vie intellectuelle est intense à Paris, beaucoup de livres y sont écrits et publiés. Des idées nouvelles se répandent : libertés individuelles, égalité des droits, élection des dirigeants et partage des pouvoirs qui remettent en cause la monarchie absolue et les privilèges. Ces idées sont discutées dans les salons5 et les cafés (on parle de « littérature de salon et de café »). Dans une large mesure, les cafés ont servi d'alternative aux cours princières et aux ruelles du XVIIe siècle, puis aux salons de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie du XVIIIe siècle tenus par des femmes. Les cafés sont très prisés du public et ils permettent aux littérateurs de se rencontrer et d’observer le genre humain. Parallèlement, le peuple a lui aussi ses lieux de réunion : les clubs populaires, les auberges et les cabarets. Ils voient la naissance 1 Paris au XVIIIe siècle compte environ 700 000 habitants sur les 28 millions de Français. Lyon en compte 140000. La Madeleine (8e arr ; 1763-1842), Ste-Geneviève (5e arr ; 1758-1790) et la façade de St-Sulpice (6e arr ; 1732-1777). 3 L’Ecole Militaire : fondée en 1756 pour mieux préparer les cadets qui dirigeront les régiments royaux. 4 La place Louis XV, aujourd’hui de la Concorde (8e arr ; 1772). Elle est l’un des premiers aménagements urbains de style classique, s’inspirant de l’Antiquité. Il recherche les lignes nobles et simples, ainsi que l’équilibre et la sobriété du décor. 5 Salons : réunions mondaines et littéraires où l’on pratique l’art de la conversation. La plupart sont tenus par des femmes qui reçoivent « les beaux esprits » : Mme de Tencin (reçoit Marmontel, l’abbé Prévost…), Mme Geoffrin (Diderot, Marivaux…), Mme du Deffand (Voltaire, d’Alembert…), Mlle de Lespinasse (d’Alembert, Montesquieu…) et Mme Necker (Buffon, Rousseau…). Les salons ont permis d’affiner l’art de la conversation et de perfectionner le français. 2 Printemps 2012 Dossier enseignants 1 Musée Carnavalet – Histoire de Paris. Classes culturelles Histoire de France Dossier pédagogique Paris sous la Révolution d’une opinion publique : les Français, stimulés par les nombreux journaux, chansons et pamphlets diffusés par les colporteurs (marchands ambulants), expriment leur point de vue dans des débats publics. L’émergence d’une vie politique populaire touche toute la France, mais Paris reste non seulement le centre le plus actif, mais aussi le centre de gravité vers lequel tout converge et depuis lequel tout rayonne. De la mode aux idées, c’est Paris qui donne le ton. Le café Procope (6e arr) est le plus célèbre café littéraire de Paris qui en compte près de 380 en 1723. Ouvert en 1689, il doit son nom à son fondateur : Francesco Procopio dei Coltelli, dit «Procope». La proximité du théâtre de l’Odéon en fit d’emblée un lieu littéraire et artistique. Beaucoup d’intellectuels s’y retrouvent au milieu d’une foule animée : La Fontaine6, Molière7, Voltaire8, Rousseau9, Diderot10, d’Alembert11… Le Procope devient rapidement le lieu de réunion de ceux qui veulent changer les choses et faire entendre leur voix. Marat12 et Danton13 du Club des Cordeliers14, ainsi que Robespierre15 et les Jacobins16 y ont leurs habitudes. Procope, J.-F. Badoureau © Musée Carnavalet / Roger Viollet Par la force des choses, il devient un lieu d’agitations et de contestations politiques : le bonnet phrygien17 y sera montré pour la première fois. La légende dit que Diderot y écrivit des articles de l’Encyclopédie, que Benjamin Franklin y prépara « le projet d’alliance de Louis XVI avec la nouvelle République » selon une plaque commémorative, et qu’il y aurait conçu des éléments de la Constitution des États-Unis. Bonnet phrygien Le café Procope aujourd’hui. 6 La Fontaine (1621-1695) : poète célèbre pour ces Fables écrites dans une visée éducative et moralisatrice : « Je me sers d’animaux pour instruire les hommes ». 7 Molière (1622-1673) : dramaturge, comédien et chef de troupe de théâtre français. Il excelle dans la maîtrise du jeu scénique, la description de la société de son temps et la vérité humaine. 8 Voltaire (1694-1778) : écrivain et philosophe. Il représente la figure de l’intellectuel engagé au service de la vérité, de la justice et de la liberté de penser. Il défendra le chevalier de la Barre, Calas, Sirven… contre l’arbitraire et rédigera des pamphlets et des contes philosophiques. Il entretiendra aussi une riche correspondance avec l’intelligentsia européenne. 9 Rousseau (1712-1778) : écrivain, philosophe et musicien genevois. Philosophe des Lumières, il exercera indirectement une très grande influence sur la Révolution française, notamment avec le Contrat social (1762). Ces travaux sur l’Homme, la Société et l’Education prônent le respect de la liberté naturelle et de l’égalité. 10 Diderot (1713-1784) : écrivain, philosophe et encyclopédiste. Il supervise, avec d’Alembert, la rédaction d'un des ouvrages les plus marquants de son siècle, la célèbre Encyclopédie (1751-1772). 11 D’Alembert (1717-1783) : mathématicien, philosophe et encyclopédiste. 12 Marat (1743-1793) : médecin, journaliste et député. Dans son journal L’ami du Peuple, il anime le courage mais aussi la violence des sans-culottes dont il appel le patriotisme à s’exprimer contre les tyrans (nobles) et les traitres (les modérés). 13 Danton (1759-1794) : avocat et homme politique. D’un tempérament impétueux, au physique impressionnant, il possède un prodigieux talent oratoire. Faisant figure de « modéré » parmi les Montagnards (il est le chef des « Indulgents »), il refusera les mesures les plus extrêmes, comme la loi des suspects. Son attitude mécontente les sans-culottes partisans des réformes les plus dures qui s’appuieront alors sur Robespierre. Il sera guillotiné pour « complot ». 14 Club des Cordeliers : association qui tient son nom du réfectoire du couvent des Cordeliers de Paris, où se réunissaient ses membres. Proche des classes populaires, il prit une part très active aux mouvements insurrectionnels et entretint l’agitation démocratique. Membres célèbres : Choderlos de Laclos, Hébert, Marat, Desmoulins, Danton. 15 Robespierre (1758-1794) : avocat et homme politique. Surnommé « l'Incorruptible ». Il défendra l'abolition de l'esclavage et de la peine de mort, ainsi que le suffrage universel. Devenu très populaire et puissant, il sera l’un des principaux instigateurs de la Terreur. Mais son pouvoir effraie la Convention. Attaqué et isolé, il sera finalement guillotiné en juillet 1794. Sa mort marque la fin de la Terreur. 16 Club des Jacobins : club réunissant les députés de la « gauche » de l’Assemblée favorables aux réformes. Il doit son nom à son lieu de réunion, ancien couvent des Jacobins. Membres célèbres : Pétion, Brissot, St-Just, Robespierre. Printemps 2012 Dossier enseignants 2 Musée Carnavalet – Histoire de Paris. Classes culturelles Histoire de France Dossier pédagogique Paris sous la Révolution Le pays connait une période difficile et les Parisiens vivent les évènements aux premières loges : • Le prestige de la famille royale est entamé. En 1788, le roi Louis XVI a 34 ans et deux enfants. Il est intelligent mais timide et surtout il n’a pas été préparé à être roi18. Il ne parvient pas à s’imposer à la Cour et fait preuve d’une grave indécision dans la conduite des affaires de l’Etat. Pourtant, il est aimé de ses sujets. A l’inverse, la reine Marie-Antoinette est très impopulaire auprès du peuple qui la surnomme «l’Autrichienne» et la considère comme une étrangère ; • Les caisses de l’Etat sont vides : les rois Louis XV (1710-1774) et Louis XVI (1754-1793) sont contraints d’emprunter beaucoup d’argent et endettent le pays pour longtemps ; • Certains Français sont très riches mais la majorité reste très pauvre. Les nobles possède les meilleures terres. Ils vivent dans le luxe de grands hôtels particuliers aux décors magnifiques tels que le Palais de l’Elysée (7e arr), l’hôtel Matignon (7e arr, siège du gouvernement) ou l’hôtel de Villeroi (7e arr, aujourd’hui le ministère de l’agriculture). A l’inverse, les impôts pèsent surtout sur le Tiers-Etat19 qui n’a aucun privilège20. Hôtel d'Evreux vue d'optique le jardin et l'Hôtel d'Evreux appartenant à Madame la Marquise de Pompadour, Mariette © Musée Carnavalet / Roger Viollet Le Palais de l’Elysée (ou hôtel d’Evreux) est l’un des plus beaux hôtels de Paris. Edifié et décoré vers 1720, l’hôtel est un modèle d’architecture classique avec cour d’Honneur, Jardins à la française, Grand Appartement… Il a été habité pendant quelques années par la marquise de Pompadour, femme très puissante à la cour de Louis XV en raison de sa proximité avec le roi. L’hôtel changera souvent d’usage, comme beaucoup de bâtiments dans l’histoire : tour à tour résidence des Ambassadeurs, garde meuble, demeure de grands personnages ou encore salle de bals populaires. C’est à la toute fin du XVIIIe siècle qu’il prend son nom d'Elysée en référence à la promenade toute proche. Il est aujourd’hui, la résidence officielle des présidents de la République. Mais tous les Français ne sont pas aussi bien lotis… Le Tiers-Etat doit supporter des conditions de vie très dures : la misère et la pauvreté règnent parmi le peuple. Les paysans à la campagne et les ouvriers en ville ne parviennent plus à payer les impôts et les droits qu’ils doivent au roi, aux seigneurs et au clergé21. Or ces derniers refusent d’y renoncer. De plus, l’hiver 1788 est particulièrement froid : les récoltes de blé sont anéanties par la grêle et les rivières gelées ne permettent pas aux moulins de tourner et de produire de la farine. Le pain, aliment de base des Français de l’époque devient trop cher. Le peuple souffre alors cruellement de la faim : c’est la disette et des bandes de mendiants parcourent les campagnes en semant la peur sur leur passage. Or, les Français en ont assez. La colère monte et pour trouver une solution le roi convoque en réunion les Etats Généraux22 qui s’ouvrent le 5 mai 1789. Au préalable, le peuple français a été invité à rendre compte de ses vœux et plaintes dans des cahiers dits « de doléances »23. Il ressort de ces cahiers que les Français aiment leur roi et comptent sur lui pour mettre fin aux abus des riches seigneurs et du clergé. 17 Bonnet phrygien : coiffe des esclaves affranchis dans la Rome antique. A la Révolution il symbolise la liberté retrouvée. On ne le destinait pas à être roi, on ne l’y prépare donc pas jusqu’à la mort de son frère aîné, Louis de France, en 1761. 19 Tiers Etat : nom donné à ceux qui ne sont ni nobles, ni membres du clergé, c’est-à-dire la majorité des Français (97%) : bourgeois, peuple des villes et paysans. 20 Privilège : avantage particulier accordé à une catégorie de personnes (les nobles et le clergé ont des privilèges). 21 Le Peuple verse : au seigneur : le cens (impôt sur la terre), le champart (une partie de la récolte), la corvée (un travail non payé) et les banalités (taxe sur l’utilisation du four et du moulin commun) ; à l’Eglise : la dîme (1/10e de la récolte) ; au roi : la taille (un impôt direct) et la gabelle (un impôt sur le sel). 22 Etats Généraux : assemblée convoquée par le roi qui réunit des représentants des 3 ordres. 23 Cahiers de doléances : rédigés entre mars et mai 1789, il y en aura environ 60 000. Ils rassemblent les plaintes et les vœux des représentants des 3 ordres de la société de l’Ancien Régime à la veille de la Révolution. 18 Printemps 2012 Dossier enseignants 3 Musée Carnavalet – Histoire de Paris. Classes culturelles Histoire de France Dossier pédagogique Paris sous la Révolution L’art de la caricature24 Il peut être intéressant de montrer aux élèves le lien entre l’image et les mots car la caricature « illustre » des notions qui sont de l’ordre de la pensée. Il peut ainsi être indiqué aux élèves qu’un dessin, un tableau, une image peuvent avoir une signification dépassant l’esthétique. A l’âge où ils s’expriment beaucoup par l’image et où ils acquièrent les premières notions du mot en tant qu’objet et outil de l’expression de la pensée, de l’expérience et des sentiments, cette ressource didactique trouve tout à fait sa place en séance avec des élèves de CP-CE1. Les deux femmes représentant le Clergé et la Noblesse (la religieuse en prière et l’aristocrate en perruque et beaux habits) écrasent littéralement la paysanne sous leur poids. Elles ne semblent éprouver aucune émotion devant les souffrances de la jeune femme du peuple qui doit s’aider d’un bâton pour ne pas s’écrouler. Le caricaturiste dénonce la charge que représentent les deux premiers ordres pour le Peuple qui supporte presque entièrement le poids de l’impôt. A faut espérer q’eu se jeu là finira bientôt, anonyme, 1789. © Musée Carnavalet / Roger Viollet Au XVIIIe siècle, les contestations s’accentuent et les écarts se creusent au sein de la société d’ordres… Face à cette situation le pouvoir semble impuissant. Les arts sont le reflet du mécontentement, par la musique (opéras, chansons), le théâtre (Beaumarchais) et la caricature. Pendant plus d’un mois, les députés des Etats Généraux ne parviennent pas à se mettre d’accord. Les représentants du Tiers Etat finissent donc par se réunir dans la salle du jeu de paume25 à Versailles et jurent le 17 juin 1789 de ne pas se séparer avant d’avoir donné une Constitution26 à la France : c’est le « Serment du jeu de Paume ». L’Ancien Régime politique est terminé : pour la première fois, la France disposera d’un texte garantissant les règles de fonctionnement de l’Etat mettant fin à l’arbitraire du pouvoir. C’est « révolutionnaire » : le roi n’a plus le pouvoir de décider tout ce qu’il veut sans contrôle (« C’est légal puisque je le veux » : cette célèbre phrase de Louis XVI symbolise l’absolutisme qui permet au roi d’exercer un pouvoir total et sans partage). Le Serment du jeu de Paume, 20 juin 1789, J.-L. David (1748-1825), après 1791. © Musée Carnavalet / Roger Viollet Les lieux où se déroulent les épisodes révolutionnaires sont importants. Si le cœur de la Révolution, à savoir la bourgeoisie éclairée et le Peuple, est à Paris, politiquement tout se passe encore à Versailles où travaillent le roi, les ministres et l’Assemblée. Mais Paris va de plus en plus revendiquer d’être le principal théâtre d’opérations. Le roi et les privilégiés ont peur de ces changements, ils ne veulent pas perdre leurs avantages. Louis XVI décide donc de renvoyer le ministre Necker27 (le 11 juillet 1789) qui tentait de mettre en place des 24 Caricature : représentation illustrée d’une personne ou d’une situation destinée à ridiculiser ou à choquer. Jeu de Paume : jeu ancien consistant à renvoyer une balle avec la paume de la main. 26 Constitution : ensemble des lois qui déterminent le pouvoir d’un Etat. 27 J. Necker (1731-1804) : banquier fortuné, il dirige les Finances dès 1776. Il modernisera l’organisation financière du royaume en renforçant le pouvoir et l’efficacité de l’administration et en s’efforçant d’en diminuer l’arbitraire. Il sera renvoyé en 1781 à cause de l’opposition des nobles et du Parlement. Il sera rappelé en 1788 grâce au soutien de l’opinion publique. Il obtiendra la réunion des Etats Généraux et le doublement des députés du Tiers-Etat. 25 Printemps 2012 Dossier enseignants 4 Musée Carnavalet – Histoire de Paris. Classes culturelles Histoire de France Dossier pédagogique Paris sous la Révolution réformes favorables au Tiers Etat. Il était très aimé du peuple et cela provoque l’inquiétude et la colère des Parisiens28 qui entrent en scène pour obliger le roi à accepter la Révolution et ses changements. Il leur faut des armes pour se défendre et se protéger… Ils s’emparent donc des canons et des fusils de l’hôtel des Invalides (construit dès 1670 sous Louis XIV, 7e arr.), puis se rendent à la forteresse de la Bastille pour y chercher des munitions. Une journée révolutionnaire à Paris : la prise de la Bastille (14 juillet juillet 1789) La Bastille et la rue de Saint-Antoine en 1789 au champ de Mars. © Musée Carnavalet / Roger Viollet Un symbole Pour les Français, la forteresse de la Bastille devenue prison représente l’injustice du pouvoir royal : le cauchemar de l’enfermement sans jugement. En effet, c’est là qu’étaient emprisonnées les victimes des « lettres de cachet ». Ce nom vient du fait qu’elles portaient le « cachet du roi », c’est-à-dire sa marque en cire. Lorsque le roi rédigeait une lettre de cachet contre quelqu’un : celui-ci était arrêté sans savoir pourquoi, ni combien de temps il allait rester en prison et surtout, il lui était impossible de se défendre. La Bastille abrita de célèbres prisonniers qui ont contribué à construire sa légende tels Fouquet29, Sade30, Voltaire ou le Masque de fer31. 28 Dans les Jardins du Palais-Royal, un jeune homme, Camille Desmoulins, s’adresse alors à la foule : il faut se défendre contre les troupes amassées sur ordre du roi aux portes de la capitale… mais le rassemblement tourne à l’émeute. 29 Fouquet (1615- 1680) : procureur général au Parlement de Paris en 1650 et surintendant des Finances en 1653. Arrêté sur l'ordre de Louis XIV en 1661 pour malversations, condamné à la confiscation de ses biens, il mourra en prison. 30 Sade (1740-1814) : romancier et philosophe. Il fut conspué en raison de la part accordée dans son œuvre à l'érotisme, associé à des actes impunis de violence et de cruauté (fustigations, tortures, meurtres, incestes, viols, etc.). Sa littérature resta longtemps clandestine. L'expression d'un athéisme virulent est l'un des thèmes les plus récurrents de ses écrits. 31 Masque de fer : mort à la Bastille en 1703, son identité n’a jamais été éclaircie. La légende et la politique ont contribué à en faire, sous la plume de Voltaire, le symbole de l’horreur de l’absolutisme monarchique. Printemps 2012 Dossier enseignants 5 Musée Carnavalet – Histoire de Paris. Classes culturelles Histoire de France Dossier pédagogique Paris sous la Révolution Les évènements Après avoir tenté de négocier avec le gouverneur de la prison, M. de Launay32, qui refuse d’abaisser le pont-levis, les Parisiens attaquent la forteresse. Au bout de quelques heures, les soldats gardiens de la Bastille capitulent, mais le combat a fait beaucoup de morts et de blessés et le gouverneur a été décapité. Dès le lendemain, on nomme le premier maire de Paris, Jean Sylvain Bailly33, et La Fayette34 devient le commandant de la Garde Nationale35. Le poids du symbole En réalité, la prison de la Bastille est presque vide lorsque les Parisiens y pénètrent : elle ne contient que sept prisonniers. C’est donc bien le symbole de l’absolutisme que les Parisiens cherchent à détruire. Les chefs révolutionnaires comprennent tout de suite l’importance de l’épisode car dès l’année suivante ils organisent, au jour anniversaire de la prise de la Bastille le 14 juillet 1790, une grande fête nationale (Fête de la Fédération) au Champ-de-Mars. C’est en mémoire de cette fête célébrant l’union de tous les Français devenus des « citoyens » et non plus seulement des « sujets » que le jour de la fête nationale française a été fixé le 14 juillet (en 1879, en même temps que la Marseillaise sera instaurée hymne national) . Incroyable mais vrai La démolition de la Bastille, dirigée par M. Palloy36, a permis de récupérer les pierres pour terminer le pont de la Concorde ! De plus, des pierres furent sculptées pour représenter la forteresse-prison et furent envoyées dans les 83 nouveaux départements (créés en 1790) et à l’étranger (entre autre chez certains démocrates américains) pour rappeler l’horreur de l’absolutisme. A la fin de l’année 1789, la Bastille n’existait plus. Modèle de la Bastille taillé dans une pierre de la démolition, 1790. © Musée Carnavalet / Roger Viollet Le cœur de la Révolution bât de plus en plus à Paris. Les Sans-culottes37, militants révolutionnaires parisiens hostiles au roi, imposent leur rythme à la Révolution. Nous allons voir que les évènements qui vont précipiter le cours de la Révolution vont renforcer la place centrale de Paris. « C’est à Paris que se joueront les principaux actes du drame révolutionnaire et c’est de là qu’émaneront les grandes décisions » (Philippe de Carbonnières). 32 Marquis de Launay (1740-1789) : gouverneur de la Bastille. Le 14 juillet 1789, lors de la prise de la prison, il est massacré par les patriotes malgré une tentative de médiation. Procureur du roi, sa tête sera dit-on, promenée au bout d'une pique dans les rues de la capitale. Cet événement est l'objet d'une toile de Charles Thévenin, à Carnavalet. 33 Jean Sylvain Bailly (1736-1793) : député du Tiers aux Etats Généraux, il est élu président de l’Assemblée Nationale le 17 juin 1789. Il est le premier à prêter serment le 20 juin 1789 dans la salle du jeu de Paume et sera élu premier maire de Paris le 15 juillet 1789. Très populaire jusque là, sa décision de faire tirer sur la foule du Champs-de-Mars lors de l’agitation du 17 juillet 1791 provoquée par la tentative de fuite de la famille royale (nuit du 20 au 21 juin 1791) lui fait perdre sa légitimité. Il démissionne de toutes ses fonctions politiques le 12 novembre et se retire à Melun. C’est là qu’il sera arrêté en juillet 1793. Son procès est expédié et la sentence exécutée le 11 novembre 1793 : à cette occasion, la guillotine avait été symboliquement transportée à l'extrémité gauche du champ de la Fédération (dans le fossé qui entourait l'enceinte) car le peuple ne voulait pas que le sang de Bailly soit mélangé à celui des martyrs du Champ-de-Mars. 34 La Fayette, marquis de (1757-1834) : général et un homme politique et héros de la guerre d’indépendance américaine. 35 Garde Nationale : en 1789, milice formées pas les citoyens de chaque ville pour défendre les biens et les personnes. 36 P.-F. Palloy (1755-1835) : Maître-maçon et chef de chantier, c’est un riche bourgeois. Comme d’autres, après la prise de la Bastille il se déclare « patriote »... ! Dès le 15 juillet il envoie ses ouvriers à la Bastille pour commencer la démolition avant d’être officiellement investi de cette mission. Militant révolutionnaire, il se fera construire à Sceaux une maison avec des pierres de la Bastille ! 37 On les appelle les « sans-culotte » car ils portent le pantalon, par opposition à la culotte portée sous l’Ancien Régime. Printemps 2012 Dossier enseignants 6 Musée Carnavalet – Histoire de Paris. Classes culturelles Histoire de France Dossier pédagogique Paris sous la Révolution Paris sur le devant de la scène : les journées d’octobre 1789 Après l’adoption de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen38 le 26 août 1789, alors qu’ils attendent l’approbation de leur roi, les Parisiens affamés apprennent que celui-ci réunit à nouveau des troupes autour de Versailles. Cette nouvelle leur fait craindre un complot aristocratique et de plus grandes difficultés de ravitaillement, alors même que l’approvisionnement était déjà déficient. Ils sont révoltés. Les Parisiennes, vite rejointes par des ouvriers et la Garde Nationale, partent pour Versailles, forcent les portes du château et ramènent à Paris « le boulanger, la boulangère et le petit mitron »39, c’est-à-dire, le roi, la reine et le dauphin. Quelques jours plus tard, l’Assemblée rejoint Paris pour siéger au palais des Tuileries. Arrestation de Louis XVI à Varennes, 21-22 juin 1791. J.-B. Lesueur (1749 1826), juin 1791. © Musée Carnavalet / Roger Viollet Paris sur le devant de la scène : les journées d’octobre 1789 Paris trop « révolutionnaire » pour le roi ! La fuite de la famille royale, le 21 juin 1791. Louis XVI avait juré de défendre la Constitution mais en réalité, il cherche à rétablir son pouvoir absolu. Pour cela, il compte sur le soutien des armées étrangères (autrichiennes surtout) et sur les nobles émigrés en Europe. Dans la nuit du 20 au 21 juin 1791, Louis XVI et sa famille40, déguisés en bourgeois, fuient Paris en direction de l’Est. Mais, après de multiples péripéties (retards, imprudences, mauvaise organisation…) Louis XVI sera reconnu par le maître de poste de Ste-Menehoulde41, Jean-Baptiste Drouet42. Celui-ci se lance à la poursuite de la berline royale qu’il rejoint à Varennes dans la nuit du 22 juin. Le roi et sa famille sont arrêtés et ramenés à Paris sous les huées de la foule amassée sur leur chemin. Cet épisode sonne la fin de l’attachement et du respect du peuple pour son roi. Les Français ne lui font plus confiance et le voient comme un traitre… On commence à penser que le pays pourrait se passer d’un roi. Avant-garde de femmes allant à Versailles, anonyme. © Musée Carnavalet / Roger Viollet Paris sur le devant de la scène : les journées d’octobre 1789 38 Son adoption est considérée comme l’aboutissement de la « Révolution sociale » (J. Tulard). Cette phrase rappelle que l’un des devoirs du roi est de nourrir son Peuple. 40 Louis XVI décide de fuir avec la reine Marie-Antoinette, sa sœur Mme Elisabeth, le dauphin, sa fille Marie-Thérèse de France ainsi que leur gouvernante Mme de Tourzel. Ils sont aussi accompagnés de trois domestiques. 41 Ste-Menehoulde est située à l'est du département de la Marne, dans la région Champagne-Ardenne. 42 Drouet (1763-1824) : maître de poste à Ste-Menehoulde au moment de la fuite de la famille royale. Son action lui vaudra une récompense de 30 000 livres et le début d’une carrière politique qui l’amènera à siéger à la Convention. Commissaire à l’armée du Nord en 1793, il est fait prisonnier par les Autrichiens. Il ne revient en France qu’en 1795, échangé avec d’autres révolutionnaires contre Madame Royale (la fille de Louis XVI). Personnage embarrassant pendant le Directoire, décoré de la Légion d’Honneur par Napoléon Ier, il connaîtra une destinée mouvementée. Condamné à l’exil sous la Restauration, il finira ses jours clandestinement à Mâcon. 39 Printemps 2012 Dossier enseignants 7 Musée Carnavalet – Histoire de Paris. Classes culturelles Histoire de France Dossier pédagogique Paris sous la Révolution La prise des Tuileries par les sans-culottes, le 20 juin 1792. Pendant cette période d’intense activité politique, les Parisiens jouent encore un rôle déterminant ; comme ce 20 juin 1792. La France est alors en guerre contre l’Autriche et la Prusse43 et subit de graves défaites. Face à cette situation, l’Assemblée demande la levée de 20 000 volontaires, mais Louis XVI met son « veto »44 à cette décision. Indignés, armés de piques et coiffés du bonnet phrygien, des émeutiers parisiens envahissent le palais des Tuileries pour obtenir du roi le retrait de ce veto. En ce 20 juin 1792, le roi est forcé de boire à la santé de la Nation coiffé du bonnet rouge ! Mais il ne cède pas. En effet, il compte sur la défaite de la France et la victoire des monarchies européennes pour être pleinement rétabli sur son trône par les rois voisins. La méfiance envers le roi est à son comble et dans la nuit du 9 au 10 août 1792, les sans-culottes marchent sur les Tuileries. C’est un carnage45. Le roi et sa famille sont alors emprisonnés dans le donjon du Temple. Siège et prise du château des Tuileries, le 10 août 1792 J.-L. Prieur (1759-1795). © Musée Carnavalet / Roger Viollet. Le roi prisonnier du Temple : la chute de la monarchie. Louis XVI, prisonnier au Temple, est alors destitué et on ne l’appelle plus que Louis Capet en référence à son ancêtre Hugues Capet46. L’enclos du Temple (dont on peut voir des vestiges au 17 rue de Picardie et au 73 rue Charlot), se composait du Palais du Grand Prieur, d’un donjon, d’une église et d’une prison. Ce sont les templiers qui avaient rendu le terrain habitable et cultivable, ce qui explique le nom du lieu : quartier du Temple. Il ne reste rien aujourd’hui de la tour d’où Louis XVI partit pour l’échafaud et où mourut le dauphin de 10 ans. La tour du Temple, anonyme, vers 1795. © Musée Carnavalet / Roger Viollet. 43 La France entre en guerre contre l’Autriche en avril 1792, bientôt rejointe par la Prusse. Veto : mot latin signifiant « je m’oppose ». 45 Les 600 gardes suisses du roi périront. Les restes de certains d’entre eux seront inhumés dans la Chapelle expiatoire (8e arr) construite entre 1815 et 1826 sur ordre de Louis XVIII à l’emplacement de l’ancien cimetière de la Madeleine où avaient été inhumés les corps de Louis XVI et de Marie-Antoinette avant leur transfert à la basilique Saint-Denis en 1815. 46 Hugues Capet (940-996) : duc puis roi des Francs (987) il s’alliera à l’Eglise pour domestiquer les chevaliers et assoir son pouvoir dynastique. 44 Printemps 2012 Dossier enseignants 8 Musée Carnavalet – Histoire de Paris. Classes culturelles Histoire de France Dossier pédagogique Paris sous la Révolution Le roi est tombé, la France n’est plus une monarchie. Une nouvelle Constitution va être élaborée, la monarchie est abolie le 21 septembre 1792 et la première République débute le 22 septembre. L’une de ses premières décisions sera d’organiser le procès du roi pour trahison. Il est guillotiné le 21 janvier 1793 place de la Concorde. Notre dossier s’arrête ici, en 1792, avec la fin de la monarchie. C’est le terme de ce que les historiens considèrent comme la première phase de la Révolution : la « Révolution libérale » de 1789 à 1792. La « Révolution radicale » va prendre le relais, instaurant la Terreur et la domination de quelques grandes figures comme Robespierre, Marat ou Saint-Just. Enfin, la Révolution deviendra « bourgeoise » sous le Directoire (1795-1799), préparant l’avènement d’un nouveau dominateur : Napoléon Bonaparte (1804-1815). Si la Révolution a vu les sujets du Royaume de France devenir des citoyens en mettant à bas les « monuments » de l’Ancien Régime, elle ne sera pas que destruction. Ainsi, après la mort de Louis XVI qui provoque une coalition des rois étrangers et une révolte des partisans de la monarchie à l’intérieur même du pays, la Convention créés un grand nombre d’écoles et de musées : le musée du Louvre en novembre 1793 (ouvert à tous), le muséum d’Histoire naturelle, le Conservatoire des Arts et Métiers en octobre 1794 (par l’abbé Grégoire), la Bibliothèque nationale… Ces établissements, célèbres aujourd’hui encore, font de Paris un grand centre artistique et intellectuel. Activité pédagogique Etude d’un bâtiment de Paris au « siècle des Lumières » : La Bastille → Pourquoi une activité pédagogique sur la Bastille pour évoquer le XVIIIe siècle et la Révolution ? Le XVIIIe siècle est le siècle de la ville : elle représente la culture et le progrès47. En France, au XVIIIe siècle, la Ville par excellence c’est Paris. Mais partout les idées nouvelles induisent un changement de mentalité : les gens du peuple veulent donner leur avis. Ils ont exprimé leurs vœux dans les cahiers de doléances, ils exprimeront leur colère dans la rue contre un symbole de l’autorité sans partage du roi : la forteresse-prison de la Bastille. La prise de la Bastille n’est pas qu’un évènement fondateur de l’histoire politique de la France, le changement social que révèle cet épisode est immense. C’est en s’emparant de ce bâtiment, une forteresse symbole de l’arbitraire et de l’Ancien Régime, que les Français et en l’occurrence les Parisiens, affirment leur capacité à faire entendre leur volonté. → Problématique : Pourquoi est-ce ce bâtiment qui a été la première cible des Parisiens ? Pourquoi le Peuple de Paris a-t-il trouvé évident de s’attaquer à cette forteresse pour exprimer ses aspirations nouvelles à la liberté ? 47 Les grands penseurs des Lumières sont convaincus que l’avenir de l’Homme se joue en ville : l’évolution des techniques, les progrès de la Raison, la rencontre des intelligences et l’union des énergies, tout se fera au sein de la Cité. Printemps 2012 Dossier enseignants 9 Musée Carnavalet – Histoire de Paris. Classes culturelles Histoire de France Dossier pédagogique Paris sous la Révolution → Objectifs pédagogiques : - Montrer aux élèves ce qu’est une forteresse militaire datant du Moyen Age. Faire prendre conscience aux élèves qu’un bâtiment évolue au fil du temps (usage, aspect, espace, etc.). Rendre concret pour les élèves la récupération des bâtiments : cette forteresse médiévale devient, tour à tour, système défensif, prison d’état, lieu de réception ou coffre-fort ! Faire prendre conscience aux élèves qu’un bâtiment est un symbole (politique, économique, culturel). → En séance : - Etudier le plan de la Bastille et sa composition en tant que forteresse militaire. Perspectives possibles : montrer la force du symbole qui engendre le mythe, en observant des exemples de « produits dérivés » de la prise de la Bastille comme l’enseigne du restaurant « A la Bastille » (1800). ♫ Dansons la carmagnole, ♪ Vive le son, vive le son, ♪ Dansons la carmagnole, ♪ Vive le son du canon ! ♫ En séance avec les élèves : Etudions la forteresse-prison de la Bastille La Bastille, dite « Bastille St Antoine » (car construite dans la rue éponyme dont le prolongement aboutissait à Vincennes), était l’une des portes de la Ville de Paris, construite pour renforcer la défense des remparts de l’est parisien (rive droite) : à la fois tournée contre l’ennemi intérieur (la population révoltée) et assurant une protection avancée de Vincennes. C’est donc, à l’origine, une forteresse et un arsenal48. Elle fut bâtie sous le règne de Charles V49, de 1370 à 1383, selon le modèle à 4 tours d’angles de l’époque. Les 4 autres tours lui furent ajoutées ultérieurement. Elle faisait 66 mètres de long50, 34 mètres de large et 24 mètres de haut au niveau des tours. Elle permettait au roi d’entrer et sortir secrètement de la ville pour se rendre au château de Vincennes ; cet accès étant réservé au roi, la circulation de la population s’effectuait par la porte Saint-Antoine rejetée à l’extérieur, mais placée sous le contrôle de la forteresse. A l’origine elle était même entourée d’un fossé inondé et précédée, vers l’extérieur, d’une barbacane51. Les 8 tours se nommaient : tour du Coin, de la Chapelle, du Trésor, de la Comté, de la Bertaudière, de la Basinière, du Puits et…de la Liberté ! Elle s’avéra d’une utilité militaire décevante et son utilisation a évolué (sous Louis XI52 elle devint prison et sous François Ier 53 un coffre-fort et un lieu de réception). C’est le cardinal de Richelieu54 qui la transformera en prison d’État pour les victimes des lettres de cachet. 48 Arsenal : dépôt d’armes et de munitions. Charles V (1338-1380) : son règne marque la fin de la première partie de la guerre de Cent Ans. Il réussit à récupérer la quasi-totalité des terres perdues par ses prédécesseurs, restaure l'autorité de l'État et relève le royaume de ses ruines. 50 Environ la longueur de 4 autobus (13-15m de long chacun) 51 Barbacane : ouvrage de fortification avancé qui protégeait un passage, une porte ou poterne, et qui permettait à la garnison d'une forteresse de se réunir à couvert. 52 Louis XI (1424-1483) : roi de 1461 à 1483. La ligne directrice de sa politique fut le renforcement de l'autorité royale contre les grands feudataires, par l'alliance avec le petit peuple. 53 François Ier (1494-1547) : roi de 1515 à 1547. Monarque emblématique de la période de la Renaissance française, rival de Charles Quint (1500-1558), il a réformé l’Etat pour améliorer l’efficacité de l’administration publique et la perception des impôts. Il a ainsi beaucoup contribué à imposer la monarchie absolue. 54 Cardinal de Richelieu (1585-1642) : ecclésiastique et homme d'État, il fut le principal ministre de Louis XIII. 49 Printemps 2012 Dossier enseignants 10 Musée Carnavalet – Histoire de Paris. Classes culturelles Histoire de France Dossier pédagogique Paris sous la Révolution La Bastille était une prison plutôt confortable pour les personnes riches (nobles et grands bourgeois) qui pouvaient payer pour disposer de grandes pièces avec domestiques, repas fins, beaux meubles et bois de chauffage. Les prisonniers royaux sont même autorisés à correspondre avec l'extérieur et à recevoir des visites. La Bastille comportait également un quartier pour les prisonniers du commun, ainsi que des cachots (et non des oubliettes55), situés à six mètres de profondeur et qui servaient de punition aux prisonniers indisciplinés. C’est là que fut enfermé le fameux chevalier Latude après ses deux tentatives de fuites ratées. Il s’échappera avec une échelle de corde et de barreaux de chaise. Mais au XVIIIe siècle, ce symbole de l’arbitraire coûtait très cher au roi en raison de l’entretien du personnel et de la nourriture des prisonniers. Devenue inutile et d’un autre âge, elle était presque vide (sept prisonniers le 14 juillet 1789) et dès 1784 il était prévu qu’elle soit démolie pour en faire une place royale. Forteresse médiévale, la Bastille relève de l’architecture militaire du XIVe siècle. Après l’abandon des constructions en bois (trop vulnérables) et la généralisation du donjon en pierres de forme ronde (qui laisse moins d’angles morts), le XIIIe siècle est l’époque des forteresses (sous l’impulsion de Philippe Auguste56 et de Richard Cœur de Lion57). Véritables ensembles de défenses, les forteresses concentrent les tous derniers progrès de l’art militaire de l’époque : des balcons de tir pour défendre le pied des murailles (hourds, échauguettes ou mâchicoulis), des fentes dans les murs pour permettre le tir des archers (archères), des ponts-levis protégés par des barbacanes. Peu à peu, les progrès de l’artillerie rendirent les forteresses dépassées et au XVIIe elles ne servent plus que de garnisons ou de demeures. Pour les élèves : Observons ce château gothique ! Tous les noms sont définis plus bas dans le lexique à la fin de l’activité. Chemin de ronde Fenêtres Archères Courtines Façade Est de la Bastille (vers Vincennes). © Musée Carnavalet / Roger Viollet 55 Le terme d’« oubliettes » apparaît au XIXe siècle avec la vogue pour le Moyen Age revu par le romantisme. Philippe II Auguste (1165-1223) : roi de France de 1180 à 1223. Son règne fut marqué par de grandes victoires militaires et des progrès essentiels pour affermir le pouvoir royal et mettre fin à l’époque féodale. 57 Richard Ier d'Angleterre (1157-1199) : roi de 1183 à 1199. Il utilisera toutes ses ressources pour partir à la troisième croisade (1189-1192), puis pour défendre ses territoires français contre le roi de France, Philippe Auguste. 56 Printemps 2012 Dossier enseignants 11 Musée Carnavalet – Histoire de Paris. Classes culturelles Histoire de France Dossier pédagogique Paris sous la Révolution Tours rondes Terrasse sommitale arasée Tourelle en poivrière Tours semicirculaires Crénelage Tours d’angles Pont-levis Façade Ouest de la Bastille (vers Paris). © Musée Carnavalet / Roger Viollet Lexique : Archères : ouverture verticale permettant à l’archer de tirer à l’arc. L’archère formant un angle obtus à l’intérieur du mur permet de couvrir une large zone de tir. Chemin de ronde : chemin de surveillance au sommet d’un château ou d’une forteresse, courant le long des courtines et des tours. Courtines : rideau mural reliant les tours entre elles. Crénelage : système de protection composé de merlons (dents) et de créneaux (parties vides) couronnant les courtines et les tours d’un château ou d’une forteresse. Pont-levis : pont en bois actionné par un système à balance permettant l’accès à une porte fortifiée, un château ou une forteresse. Terrasse sommitale arasée : terrasse plane (arasée) au sommet d’un édifice. L’arasement est une évolution dans le système défensif permettant de disposer d’une artillerie amovible en haut des murs de fortification. Tour d’angle : tour placée à l’intersection de deux murs, défendant l’angle d’une structure. Tour ronde : tour complète, faisant sailli à la fois vers l’intérieur et l’extérieur d’un mur. Tour semi-circulaire : tour enchâssée dans le bâti, faisant sailli uniquement vers l’extérieur d’un mur. Tourelle en poivrière : petite tour, servant souvent d’échauguette (tour de guet où l’échauguette - le guetteurse positionne et s’abrite) et coiffée d’une toiture conique, dite en poivrière. Printemps 2012 Dossier enseignants 12 Musée Carnavalet – Histoire de Paris. Classes culturelles Histoire de France Dossier pédagogique Paris sous la Révolution Pour les passionnés : La construction de la légende : la prise de la Bastille et sa démolition vues après l’évènement. L’auteur de ce dessin, Claude Cholat marchand de vin de la rue des Noyers, a participé à la prise de la Bastille : il en est l’un des « vainqueurs ». Il a d’ailleurs publié un récit de l’évènement et réalise ce tableau comme un gage de son patriotisme. Siège de la Bastille représenté au naturelle 14 juillet 1789, Claude Cholat, 1791. © Musée Carnavalet / Roger Viollet S’il est un peu naïf, ce dessin est d’une grande exactitude topographique, ce qui encourage son utilisation pédagogique. Au premier plan, dans la cour du Passage, Cholat décrit le combat improvisé des civils mêlés aux gardes-françaises. Plus loin, au pont de l’Avancée, se prépare la prise du premier pont-levis. A l’arrière plan, dans l’allée de l’Arsenal, on voit Cholat lui-même qui installe une grande pièce d’artillerie avec l’aide du baron de la Giroflée. L’objectif de Cholat est bien de rendre hommage aux « vainqueurs de la Bastille », dont il fait lui-même partie. Beaucoup d’artistes ont représenté de manière diverse cette destruction. Elle revêt, avec Hubert Robert, une dimension à la fois colossale et emblématique. Cet artiste s’était fait une spécialité des paysages de ruines de l’Antiquité, réels ou fictifs, reflets d’un goût très répandus alors dans les Arts. Il fut également un véritable chroniqueur des chantiers parisiens. Ici, Hubert Robert se place à l’intersection des rues St-Antoine et des Tournelles. Il donne à la Bastille des proportions gigantesques. Cette hypertrophie est voulue et orchestrée par le savant contraste des éclairages. Ce vocabulaire iconographique se situe parfaitement dans l’esprit du temps, la poésie de l’ombre et de la lumière notamment. Nous avons l’impression que, dans le crépuscule de l’Ancien Régime, la Bastille offre ses débris au soleil couchant avant de s’écrouler définitivement. La Bastille dans les premiers jours de sa démolition, Hubert Robert (1733 -1808), 1789. © Musée Carnavalet / Roger Viollet Printemps 2012 Dossier enseignants 13 Musée Carnavalet – Histoire de Paris. Classes culturelles Histoire de France Dossier pédagogique Paris sous la Révolution Enseigne du restaurant « A la Bastille », vers 1800 Provenant d'un café auvergnat de la rue Saint-Sabin (11e arr), l'enseigne présente en haut-relief une maquette de la bastille. Les fenêtres sont complétées par des barreaux. Enseigne de restaurant "A la Bastille". Anonyme. Copyright © Musée Carnavalet / Roger-Viollet La réalisation, la vente et la diffusion dans tous le pays d’objets représentant la Bastille avait pour but de perpétuer le souvenir des « héros » qui ont contribué à renverser ce symbole de l’arbitraire. Il s’agissait aussi d’agiter le fantôme de la « tyrannie » aux yeux du Peuple. Enfin, ces objets contribuaient à renforcer le sentiment d’appartenance à une même communauté nationale : celle des citoyens français qui ont rejeté la monarchie et établi une République. Ceux qui se les procuraient et les affichaient aux yeux de tous s’en servaient comme preuve de leur patriotisme. Souvenir de la Révolution : l’apparition du drapeau tricolore Le drapeau tricolore qui flotte sur les écoles date de la Révolution. Il associe le rouge et le bleu, couleurs de la Ville de Paris, au blanc, traditionnellement associé à la monarchie. Les 3 couleurs sont d’abord associées sous forme de cocarde le 17 juillet 1789. C’est le 15 février 1794 qu’il prend sa forme définitive. Les drapeaux ont toujours été utilisés comme des symboles d’unité et de patriotisme. A plusieurs reprises il fut menacé de disparaître mais il est aujourd’hui le seul emblème national définit par l’article 2 de la constitution de la Ve République. La devise des Jacobins : Unité Indivisible de la République, Basset. © Musée Carnavalet / Roger Viollet Aux 3 ordres, enseigne d’un marchand de cocarde au Palais-Royal en 1789. © Musée Carnavalet / Roger Viollet Printemps 2012 Dossier enseignants 14