l`acceptation des risques sportifs n`est pas opposable
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l`acceptation des risques sportifs n`est pas opposable
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) Fait des choses : l’acceptation des risques sportifs n’est pas opposable le 2 juin 2015 AFFAIRES | Assurance | Contrat - Responsabilité CIVIL | Contrat et obligations | Responsabilité Le gardien d’une chose ne peut se dégager de sa responsabilité de plein droit en invoquant l’acceptation des risques par la victime. Civ. 2e, 21 mai 2015 F-P+B, n° 14-14.812 En l’espèce, lors d’un rallye automobile organisé par une association sportive, un véhicule a quitté la route, blessant mortellement le pilote et gravement son copilote. Ce dernier a donc invoqué sa garantie personnelle et celle de l’association sur le fondement de la responsabilité du fait des choses de l’article 1384, alinéa 1er, du code civil, dont la mise en œuvre a été contestée par les assureurs respectifs. D’une part, l’assurance de l’association contestait le principe même de la responsabilité de son assurée au motif que les risques encourus par l’activité avaient été acceptés en connaissance de cause par la victime. D’autre part, l’assureur personnel de la victime demandait la couverture de l’assurance du responsable, en application de l’article L. 131-2 du code des assurances, pour toutes les sommes qu’elle aura vocation à verser, conformément à la clause subrogative de sa police. Sur le premier moyen, la Cour de cassation rejette le pourvoi et retient que la victime ne peut jamais se voir opposer son acceptation des risques dès lors que la responsabilité du gardien est engagée sur le fondement du fait des choses. Sur le second moyen, la Cour casse l’arrêt d’appel qui avait admis la subrogation de l’assurance au motif que l’assurance « qui n’a pas encore versé l’indemnité d’assurance ne peut se prévaloir d’une subrogation dans les droits de l’assuré ». Acceptation des risques : le périmètre de l’abandon La Cour rappelle et conforte la solution posée par l’arrêt du 4 novembre 2010 (Civ. 2e, 4 nov. 2010, n° 09-65.947, Dalloz actualité, 23 nov. 2010, obs. I. Gallmeister ; D. 2011. 632, chron. C. cass. H. Adida-Canac et S. Grignon Dumoulin ; ibid. 690, chron. J. Mouly ; ibid. 703, obs. Centre de droit et d’économie du sport, Université de Limoges ; RTD civ. 2011. 137, obs. P. Jourdain ), qui a mis fin au recours à la théorie de l’acceptation des risques pour évincer la responsabilité du gardien sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1er. La portée de cette solution est néanmoins limitée à plusieurs égards. En premier lieu, par la loi n° 2012-348 du 12 mars 2012 adoptée en cas d’accident sportif, qui oblige à distinguer selon que le dommage à réparer est matériel ou corporel. En effet, craignant la surcharge financière des primes d’assurance à venir à la pratique de certains sports, surtout mécaniques, le parlement a fait voter un nouvel article L. 321-3-1 dans le code du sport qui évince les « pratiquants des dommages matériels causés à un autre pratiquant par le fait d’une chose qu’ils ont sous leur garde, au sens du premier alinéa de l’article 1384 du code civil, à l’occasion d’une pratique sportive, au cours d’une manifestation ou d’un entraînement […] ». La loi neutralise donc la présente jurisprudence mais seulement en ce qui concerne les dommages matériels, de sorte que, désormais, la réparation ne suit pas le même régime selon la nature du préjudice (Pour une critique de cette disposition, V. J. Mouly, Le nouvel article L. 321-3-1 du code du sport : une rupture inutile avec le droit commun, D. 2012. 148 ). En deuxième lieu, la victime d’un dommage matériel demeure dans tous les cas recevable à exciper d’une faute sur le fondement de l’article 1382 du code civil. Toutefois, en matière sportive, une simple faute ne suffit pas, les tribunaux exigeant une « violation caractérisée dans les règles du jeu » (V. Civ. 2e, 20 nov. 2014, n° 13-23.759, D. 2015. 394, obs. Centre de droit et d’économie Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017 Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) du sport ), ce qui revient à faire supporter à la victime à nouveau l’acceptation des risques lorsque celle-ci s’est exposée, en connaissance de cause, aux risques normalement liés à l’activité pratiquée. Enfin, si le sportif responsable ne peut plus s’exonérer sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1er, par l’acceptation des risques de la victime, rien ne lui interdit, outre les causes exonératoires classiques, de passer par le détour de la garde collective pour échapper aux effets de sa responsabilité. Cette hypothèse est parfaitement envisageable et conduit également à appliquer – indirectement – l’acceptation des risques normaux si la victime est elle-même blessée au cours d’une manifestation à laquelle elle a pris part. Tel était le cas dans une affaire où un joueur de football s’est trouvé grièvement blessé, au cours d’un match amical, par le choc du ballon frappé par le gardien de but de l’équipe adverse. La Cour de cassation a jugé dans cette hypothèse que « tous les joueurs avaient l’usage du ballon mais nul n’en avait individuellement le contrôle et la direction », de sorte que la victime était également gardien au sens collectif (V. Civ. 2e, 13 janv. 2005, n° 03-12.884, D. 2005. 2435 , note E. Cornut ; RTD civ. 2005. 410, obs. P. Jourdain ). Subrogation de l’assureur avant paiement : l’action directe n’est pas l’appel en garantie Reste à mentionner le dernier moyen de cassation. Il est constant que l’indemnité d’assurance doit être versée au préalable à l’assuré pour se prévaloir de la subrogation. Sur ce point, l’arrêt rappelle le principe classique de la concomitance de la subrogation et du paiement (V. Civ. 2e, 13 oct. 2005, n° 04-16.139, RCA 2005. Comm. 368, note H. Groutel). Néanmoins, les tribunaux ont admis de façon toute aussi constante, et ce afin d’éviter les recours en cascade, la recevabilité incidente de l’appel en garantie du coauteur assigné à l’encontre des autres par la voie subrogatoire sans avoir préalablement désintéressé la victime (V. Civ. 2e, 20 juill. 1987, n° 86-13.666, Bull. civ. II, n° 164, RTD civ. 1988. 351, obs. J. Mestre ; H. Groutel, Réflexions sur la subrogation anticipée, D. 1987. Chron. 283). Se posait donc la question de savoir si cette voie pouvait bénéficier à l’assureur de la victime. Sur ce point, la solution est classique. L’action directe de l’assureur de la victime n’est pas un appel en garantie contre un coauteur (ou son assureur) et doit dès lors justifier d’un paiement. En effet, la subrogation aurait eu, dans cette hypothèse, pour effet radical de dépouiller la victime de ses droits contre le responsable ou son assureur. Il est donc logique de préserver ses droits indemnitaires avant qu’elle ait été désintéressée et ce, d’autant que l’assurance de la victime est, par définition, une assurance de personnes et non de dommages. Les sommes à verser n’ont pas, par nature, un caractère indemnitaire car elles sont fixées par la police. Seules les prestations à titre indemnitaire en cas d’accident corporel peuvent faire l’objet d’une subrogation pour ce type d’assurance (C. assur., art. L. 131-2 préc.). Il est donc nécessaire d’effectuer le paiement préalable pour connaître la réalité des sommes contractuelles et voir si elles correspondent à la dette de responsabilité. par Thomas Coustet Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017