Louxor
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Louxor
Le magazine de l’égypte éternelle N°14 Louxor vue du ciel ! te Contre-enquntêre Sacré Archéoastronomie et orientation des temples Les catacombes sacrées du dieu Thot People Qui était Senenmout ? Exposition Le scribe des contours Août - Septembre - Octobre / 2013 Le sauvetage de Nabta Playa Découverte L 18776 - 14 - F: 6,95 - RD Archéologie Bel/Lux 7,50 € - Suisse 12 CHF Can : 12 $ CAD - Port.Cont. 7,90 € Vraie science co sciences occultes COMPLÉTEZ VOTRE COLLECTION Les derniers numéros de Pharaon Magazine encore disponibles Mlle £ Mme £ N°8 N°10 N°12 N°13 M. £ Dr £ Nom...................................................................................................... Prénom.................................................................................................. Adresse.................................................................................................. ! E G A K C O T S É D £ Pharaon N°8............................................... £ Pharaon N°10 ............................................ £ Pharaon N°12............................................. £ Pharaon N°13............................................. Code postal......................... Ville.......................................................... Pays..................................... Téléphone :.............................................. Total................................................................ 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Nous savons aujourd’hui que l’art tel que nous le définissons et l’apprécions de nos jours était connu des anciens Egyptiens ; l’art joue même un rôle très particulier dans les tombes et les temples. Le mot « hémou » désigne l’art, le concept de l’art et ceux qui font l’art. L’art se définit aussi par des traités théoriques et pratiques qui ne semblent pas exister en ancienne Egypte. Les ateliers d’artistes L’art égyptien est-il un art anonyme où l’artiste n’existe pas ? Dimitri Laboury, dans le remarquable catalogue de l’exposition du Louvre, corrige cette vision traditionnelle (photo1). Il faudrait utiliser le mot hémouou pour désigner un artiste, un spécialiste (ex. : spécialiste des meubles, des objets en or, etc.). On découvre aussi une profession, un métier hiérarchisé, comme tous les métiers dans l’Egypte ancienne. Nous avons les fameux scribes des contours, ceux qui dessinent les décors et forment les objets. Nous trouvons aussi les directeurs des scribes des contours (ainsi que des inspecteurs surveillant et supervisant leur travail). Nous avons le maître et l’apprenti, souvent le père et le fils, les métiers © F. Tonic Photo 1 Ouvriers et artisans fabriquent divers objets. Tombe de Rekhmirê. Pharaon N°14 3 Portfolio Scribe des contours. Tombe de El-Kab se transmettant souvent de père en fils. Point d’écoles, mais un apprentissage avec un maître et un perfectionnement dans une communauté d’ouvriers ou dans un atelier. Photo 2 L’atelier est un lieu important dans la production artistique. Il regroupe un certain nombre de scribes du contour mais aussi d’autres hémouou comme des ébénistes, menuisiers, maçons, bijoutiers, métallurgistes, vanneurs, etc. Ces ateliers produisent aussi bien des meubles que des statues, peut être des tombes entières (du creusement au mobilier funéraire). Ils possèdent un administrateur, un directeur. Ces ateliers peuvent être royaux dépendants de l’Etat ou provinciaux, voire, peut être privés, appartenant à un artiste, comme ce fut peut être le cas du fameux atelier de Thoutmosis à Amarna. Mais les artistes et artisans travaillant dans des ateliers royaux ou à Deir el-Médineh (le village des ouvriers à Louxor) peuvent aussi travailler sur des chantiers non royaux comme par exemple pour un prêtre, un temple, un haut fonctionnaire. Les artisans travaillent aussi pour d’autres artisans : l’un fait le décor d’une tombe de Deir el-Médineh en échange d’un meuble, etc… Des artistes reconnus ! L’ancienne Egypte avait ses Picasso, David, Michel Ange. Bien que l’artiste égyptien signe rarement ses œuvres, certains n’ont pas hésité à se faire représenter, à marquer leur nom sur une œuvre. Citons : Pahéry : scribe des contours, dans la tombe de Iahmès fils d’Abana à ElKab. (photo 2) Thoutmosis : artiste d’Amarna sous le règne d’Akhenaton © F. Tonic Irtisen : artiste 4 Pharaon N°14 Ankhenptah : chef sculpteur, peutêtre responsable de la décoration du mastaba de Ptahhotep (Saqqarah) Thoutmès : directeur des peintres (Memphis) © F. Tonic Portfolio Photo 3 Préparation de la paroi, quadrillage et mise en place du décor. Tombe de Meir. Du simple contour au décor terminé (l’exemple de la tombe) Comment les scribes des contours et les autres artisans travaillaient ? Comment les Egyptiens concevaient les décors ? Nous avons la chance de posséder de nombreuses tombes dont le décor est inachevé. Ces monuments montrent les différentes étapes de fabrication d’un décor. 1 - Avant toute chose, le programme iconographique (= décor), comprenant les textes et les représentations (hommes, femmes, enfants, paysages, animaux…) est défini par le directeur des scribes des contours, des scribes et/ou des prêtres. Pour chaque période, nous retrouvons toujours les mêmes thèmes décoratifs et textuels (chasse, pêche, divertissement, offrandes, liste des titres officiels, etc.) 2 - les parois de la tombe sont préparées afin de recevoir le décor. Les scribes des contours tracent à l’encre rouge un quadrillage. C’est la grille de proportion. Cette grille permet de placer textes et décors et surtout il permet de respecter les proportions des personnages et animaux. C’est un travail crucial pour la suite. Sans doute que le directeur du chantier vérifie attentivement la mise en place du quadrillage. (photo 3) 3 - Les scribes des contours, suivant le programme iconographique préalablement défini, mettent en place le décor. Cette ébauche est tracée à l’encre rouge. C’est à cette étape du chantier que les scribes voient si le décor rentre bien dans l’espace attribué. Si l’espace est Scribe des formes ou scribe des contours Un débat existe sur le sens à donner au mot égyptien sesh kedout. Aujourd’hui, les égyptologues utilisent la traduction « scribe des contours ». Car ils considèrent que l’art égyptien est un art du contour (1). Mais certains utilisent « scribe des formes », car finalement l’art égyptien est aussi (et surtout ?) un art des formes, tout autant que de contours… 1 Catalogue exposition « l’art du contour », introduction de G. Andreu-Lanoë Pharaon N°14 5 Portfolio ébauche de décor. Tombe Sud d’Amarna. © F. Tonic Photo 4 trop petit ou trop grand, il faudra reprendre le décor et l’adapter. 4 - L’esquisse en rouge est vérifiée. Les scribes des contours tracent plus finement le décor, et au besoin le corrigent, à l’encre noire (photo 4). On considère alors le décor comme définitif. 5 - Les scribes des contours laissent la place au chef sculpteur et à son équipe de sculpteurs. Le décor sera alors sculpté en relief, en suivant scrupuleusement le tracé noir. Les sculpteurs dégrossissent tout d’abord les contours et les volumes (photo 5). Puis, des sculpteurs plus expérimentés, voire, le chef, sculptent les moindres détails. C’est à ce moment là que le décor prendra sa forme définitive. 6 - L’ultime étape est la mise en couleurs du décor. Les sculpteurs laissent la place aux peintres. Ce sont eux qui vont « colorier » le moindre recoin de décor. Travail lent et minutieux. La qualité de la peinture va dépendre de la maîtrise des peintres et bien entendu de la qualité de la gravure. Dans un prochain numéro, nous expliquerons pourquoi les Egyptiens représentent les personnages et animaux de profils et nous verrons que la réalité est représentée selon des règles très précises. Mais nous verrons aussi que l’artiste égyptien avait une certaine liberté et qu’il savait en profiter… © F. Tonic Photo 5 6 Pharaon N°14 Exemple d’un décor en cours d’exécution mais resté inachevé. Tombe aux oiseaux. Saqqarah. Portfolio © F. Tonic Photo 6 Parfois, le décor est simplement peint. Tombe de Dra Abu el-Naga, Louxor. Tablette d'apprentissage avec grille de proportions d'une statue royale. Dra Abou el-Naga. Musée de Louxor. Objet découvert en 2007. © imaginegypt Bibliographie Collectif, l’art du contour - le dessin dans l’Egypte ancienne, Somogy Editions, 2013 DVD, Le scribe qui dessine, Musée du Louvre, 2013 Pharaon N°14 7 Actualité Amarna appel à l’aide pour sauver le Grand Temple d’Aton ! Le grand temple d’Amarna. Etat en novembre 2012. Bab al-wazir, dans Le Caire historique, a été purement et simplement détruite au bulldozer ! © F. Tonic Projet Karnak : un site internet documentaire sur les temples de Karnak ! L’équipe archéologique de Barry Kemp appelle à l’aide pour sauver le grand temple d’Aton au centre ville d’Amarna. Cet immense monument, longtemps laissé à l’abandon, est une des priorités des archéologues : dégagement des structures, établissement de nouveaux plans précis, préservation des vestiges en briques et en pierres. L’objectif premier est de sauver ce qu’il reste du grand temple. Les constructions modernes s’accélèrent depuis 5 ans et détruisent chaque année un peu plus le monument. Il faut arrêter au plus vite de nouvelles constructions. L’étude des ruines est vitale car le grand temple est mal connu. Le travail a débuté en 2012 et se poursuivra à l’avenir. Les moyens financiers étant limités, l’équipe cherche 40 680 £ pour poursuivre le chantier. Site : http://www.amarnatrust.com Le Caire : un patrimoine pharaonique qui se dégrade à Hélioplis Annoncé par le centre franco-égyptien d’étude des temples de Karnak, le projet Karnak est ambitieux et indispensable. «Ce travail est fondé sur un dépouillement exhaustif des documents et inscriptions de Karnak collationnées sur l’original. Toutes les informations relatives à un document seront accessibles à partir d’une notice unique. Cet outil en ligne autorise des recherches directes dans le contenu des notices et dans les inscriptions hiéroglyphiques par le biais de la translittération. Il fournira dans une prochaine version et divers indices permettant des recherches multicritères (noms des divinités, épithètes divines, toponymes, ethniques et lieux de cultes, éléments de titulatures, anthroponymes, éléments prosopographiques et vocabulaire des inscriptions)» précise l’annonce officielle. Le but est clair : créer une vaste base de données documentaire sur l’ensemble des monuments de Karnak : documentation, photos, dessins, plans, traduction des textes. Des milliers de documents ne sont pas accessibles, ou très difficilement. Or, le centre d’étude a amassé une documentation colossale, qui s’enrichit année après année. Ce projet doit s’étaler sur plusieurs années. Site : http://www.cfeetk.cnrs.fr/karnak © Monica Hanna La préservation et la sécurité des sites archéologiques sont deux problèmes importants, surtout en dehors des sites touristiques. Dans le quartier de Matariya (Héliopolis, près du Caire), les vestiges de temples pharaoniques ont été envahis de poubelles. Des bénévoles ont décidé de nettoyer le site pour mieux le préserver. Une heureuse initiative. Par contre une porte datant de Ramsès IX a été à plusieurs reprises endommagée : textes martelés, traces d’incendies. Ce n’est qu’un nouvel épisode de la dégradation rapide d’une partie du patrimoine égyptien. Récemment, la porte 8 Pharaon N°14 Site internet du projet Karnak Porte de Ramsès IX endommagée. Actualité Ramesseum mission archéologique 2012-2013 Les origines du temple de Touy et du Ramesseum Derniers travaux sur le colosse de Touy. (novembre 2011). © F. Tonic Depuis 2010, une équipe explore la zone du Mammisi, temple dédié à la reine-mère Touy. A l’origine, ce secteur était occupé par un temple fondé sous le règne de Séthy Ier, monument qui n’a sans doute pas dépassé le stade des fondations. Puis sous Ramsès II, les architectes créèrent ce petit temple et le Ramesseum. Les archéologues cherchent à comprendre l’histoire du monument et son lien avec le Ramesseum. Le travail est loin d’être terminé. La mission française de sauvegarde du Ramesseum, dirigée par Christian Leblanc, a eu une riche saison de fouilles entre octobre 2012 et janvier 2013. Après avoir remonté le socle de la statue de la reine-mère Touy (et le corps de la reine jusqu’au bassin), dans la première cour, les archéologues s’attaquent désormais à l’immense colosse de Ramsès II gisant au sol depuis bien longtemps. Les vestiges d’un escalier datant de Ramsès II ont été découverts. Il permettait d'accéder au 2e pylône et à la suite du temple. Toujours dans la première cour, Christian Leblanc a rouvert la fouille du palais royal. Durant cette mission, les aménagements et les limites du monument ont été dégagés. Les principales salles sont une salle de réception à 16 colonnes, une salle du trône et des appartements privés. Christian Leblanc a continué à dégager l’allée processionnelle. A l’origine, elle bordait le temple sur trois côtés. Plusieurs fosses servant aux statues de chacals et du pharaon ont été découvertes. Durant les prochaines années, la mission prévoit la publication de plusieurs ouvrages scientifiques sur le Ramesseum : étude sur l’école du temple de Ramsès II, publication des textes et des décors du monument. Pour en savoir plus : http://www.mafto.fr Le colosse géant de Ramsès II L’objectif n'est pas de remonter le colosse, son état est trop dégradé pour que ce soit pertinent et le coût en serait très élevé. Il s’agit tout d’abord de répertorier tous les fragments de cette statue, soit plusieurs centaines. Le but est de reconstituer le socle du monument et de replacer les pieds royaux à leur place… Une grue a été spécialement amenée pour manœuvrer les blocs de granit. © F. Tonic Les archéologues en ont profité pour nettoyer systématiquement la première cour. La récolte a été bonne : de nombreux fragments de statues et de décors, dont ceux provenant du 2e pylône du Ramesseum, aujourd’hui, totalement détruit. Fouille sur le temple de Touy (mammisi). Pharaon N°14 9 Ne ratez aucun numéro de votre magazine préféré ! Abonnez-vous à Pharaon Magazine 1 an : 4 numéros Je m’abonne (tarif France) 24 € au lieu de 27,80 € £ 1 an au prix de 24 € 2 ans : 8 numéros £ 2 ans au prix de 45 € 45 € au lieu de 55,60 € Mlle £ Mme £ M. £ Dr £ Tarifs abonnements SUISSE Nom......................................................................................................................... Prénom..................................................................................................................... Adresse..................................................................................................................... Code postal.............................................. Ville...................................................... 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Et le choix ne manque pas : Mougins, Avignon, Marseille, Grenoble, Lyon, Lille, Toulouse, Paris. C’est l’occasion ou jamais ! Si vous voulez profiter du soleil, nous vous proposons une petite sélection d’ouvrages sur l’ancienne Egypte. Vous serez incollable ! Pour ce numéro d’été, la rédaction vous propose de prendre de la hauteur ! Et si on découvrait Louxor du ciel ? Et cela change tout ! Les monuments changent d’aspect, vous comprenez comment ils s’insèrent dans le paysage. Et surtout, vous pouvez apprécier la campagne égyptienne : l’animation, les couleurs, le contraste saisissant entre désert et terres agricoles. Sensations garanties ! Actualités : appel à l’aide pour sauver le grand temple d’Aton........ 8 « Non, les extraterrestres n’ont pas construit les pyramides ! »........ 12 Archéologie : le sauvetage de Nabta Playa....................................... 26 Qui était Senmout ?........................................................................... 31 Louxor, vue du ciel !.......................................................................... 33 Les impératrices romaines absentes d’Egypte ?................................. 38 Tuna el-Gebel : les catacombes géantes............................................ 44 Archéoastronomie : l’orientation des temples égyptiens.................. 50 Le Rhinocéros égyptien...................................................................... 55 Un été pharaonique : expositions, livres…....................................... 60 Nos bonnes adresses au Caire........................................................... 64 Abonnez-vous à Pharaon Magazine (voir page 10) Il existe des dizaines de théories surréalistes concernant l’Egypte ancienne : les pyramides construites par des extraterrestres, l’invention de l’ampoule ou du laser, un 2e sphinx quelque part à côté de Guizeh, des pierres trop parfaitement taillées pour être vraies, l’Egypte a été créée par les Atlantes. La science officielle nous cache quelque chose, la théorie du complot, l’Egypte est au cœur de tous les fantasmes, bien plus que toute autre civilisation. Nous avons mené l’enquête : sur quelles preuves ces théories s’appuient-elles ? Certaines théories ne reposent sur rien, d’autres utilisent des documents, des traductions, des découvertes archéologiques. Et vous verrez qu’il n’est pas toujours facile de savoir ce qui est faux, de ce qui est vrai. De nombreux autres sujets sont abordés dans ce numéro : le scribe des contours, la carrière de Senenmout et ses relations obscures avec la reine Hatshepsout, les incroyables catacombes d’animaux sacrés de Tuna elGebel, les dernières nouvelles du Ramesseum… Bonne découverte ! Tous les compléments www.pharaon-magazine.fr Pharaon Magazine N°15, au sommaire • Philae et le sanctuaire d'Isis • Les grandes batailles de l'ancienne Egypte • Sacrifice humain : entre mythe et réalité En kiosque le 25 octobre 2013 François Tonic Historien, Rédacteur en chef [email protected] Pharaon N°14 11 Science L’Egypte ancienne selon le film Stargate (1993) e sur t ê u Enq ience la sc des ée cach ens ti égyp Non, les extraterrestres n’ont pas construit les pyramides ! Faut-il croire le film et la série Stargate ? Les extra-terrestres ont-ils construit la pyramide de Chéops ? Les anciens Egyptiens avaient-ils inventé le laser, l’ampoule électrique et l’hélicoptère ? Quel lien avec les Atlantes ? On peut lire et voir les théories les plus « folles » sur l’ancienne Egypte. Parfois, les documentaires sont si convaincants que l’on pourrait y croire, ou tout le moins, douter… Plus la théorie paraît folle, mieux on y croit. Nous avons mené une enquête sur ces théories et idées les plus folles concernant l’Egypte des Pharaons. Bonne découverte ! Par François Tonic Dans les cryptes du temple d’Hathor (Denderah, 60 km au Nord de Louxor), le visiteur peut observer d’étranges « ampoules » avec des serpents se tortillant à l’intérieur. Il n’en fallait pas plus pour y voir une ampoule électrique, le filament et les générateurs ou condensateurs. Ce décor est dans la crypte sud n°1, dans la chambre C (dernière salle, à droite). Il est dédié à Harsomtous, dieu-serpent vénéré à Denderah. Sous sa forme de serpent, c’est une divinité de la fécondité, sous sa forme de dieu-enfant, il est un dieu solaire. Le serpent (jeune), protégé dans une gangue (concombre ?), surgit d’une fleur de Lotus. Ce décor rappelle un des mythes de la Création du Monde surgissant d’un Lotus. Le serpent est aussi le premier 12 Pharaon N°14 © F. Tonic Et les Egyptiens inventèrent l’ampoule électrique… Les ampoules de Denderah sont en réalité une représentation de la Création du monde. Science animal de la Création. Ce décor peut être compris de deux manières : la naissance d’Harsomtous serpent, le cycle de la naissance quotidienne du soleil (Harsomtous, dieu solaire). La gangue est soutenue par le dieu Heh, le pilier Djed (= la stabilité du monde), ou les deux. La gangue serait Nout (ou le ventre du Nout ?), la déesse du ciel. Mais serait-ce possible que ce soit une évocation du Noun ? C’est à dire l’océan primordial d’où le monde va émerger et où la première terre (la butte première) va apparaître. Le serpent surgissant serait alors le soleil naissant, à l’aube. A l’aube, le soleil est serpent (Harsomtous) puis prend différentes formes au matin, à midi et le soir. Cette gestation est fragile d’où la présence d’un protecteur, prêt à égorger les ennemis (génie à tête de grenouille, Oupouty). On est bien loin de l’ampoule électrique ! Pour aller plus loin Sylvie Cauville, le temple de Dendera guide archéologique, IFAO, 1990 Le sphinx de Guizeh vieux de 8 000 ou 10 000 ans ? Le sphinx est antédiluvien ! Il est plus vieux de 6 à 7 000 ans par rapport à la datation des archéologues ! Une civilisation existait avant celle de l’Egypte ancienne et l’unique trace serait cette statue monumentale qui représentait à l’origine la tête d’un lion et celle d’un pharaon. Les importantes rainures d’érosions seraient dues aux pluies importantes, dans cette région quand elle n’était pas encore un désert… Les analyses géologiques ont déterminé trois couches géologiques différentes : • Couche 1 : socle rocheux et une partie de la base du sphinx. Pierre dure. • Couche 2 : elle alterne couches tendres et dures. Forme la majorité de la statue. • Couche 3 : pierre de bonne qualité et relativement dure. La tête a été sculptée dans cette couche (exceptée une partie le nez). L’érosion du sphinx de Gizeh provient de plusieurs facteurs : le sable, le vent et la pluie. La zone des grandes pyramides était encore une zone © F. Tonic Les archéologues n’ont trouvé aucun objet, aucun indice sur l’existence d’une civilisation plus ancienne que celle des Egyptiens à Gizeh. La pierre dans laquelle est taillé le sphinx est un calcaire (couche géologique : formation de Mokkatam). Ce calcaire est particulièrement tendre même si des couches plus dures alternent avec les couches tendres. L’observation de la roche autour du sphinx suffit pour constater l’érosion naturelle violente de cette roche. Le grand sphinx de Guizeh. On distingue parfaitement l’érosion de la pierre originelle et le revêtement antique. semi-humide lorsque le sphinx fut sculpté vers 2500-2550 av. JC. Cette zone devient désertique environ 400450 ans plus tard. Et depuis, l’érosion n’a jamais cessé. Très rapidement, les égyptiens, jusqu’à l’époque romaine, vont régulièrement restaurer et consolider la statue géante. Ainsi une maçonnerie protégeait le corps du sphinx. Le monument fut régulièrement ensablé jusqu’à la tête. Auguste Mariette va découvrir à Gizeh, une stèle, surnommée la stèle de la fille de Khéops (ou stèle de l’inventaire). Elle daterait du 7e – 6e siècle av. JC et dresse un inventaire des objets de culte d’un temple d’Isis à Gizeh. La stèle cite Khéops comme un roi qui aurait restauré le sphinx et qui aurait fondé un temple dédié à Isis. On peut supposer que plusieurs éléments sont faux pour rattacher le temple à une origine mythique et lointaine. Le sphinx fut sculpté soit sous Radjedef (fils et successeur de Chéops, 4e dynastie, vers 2500-2450 av. JC), soit sous Chéphren (autre fils de Chéops). Mark Lehner (égyptologue américain fouillant à Gizeh depuis plus de 30 ans) a noté sur le texte gravé, des anachronismes des fonctions et des titres officiels rendant une datation de la stèle à l’Ancien Empire douteuse. Donc, impossible d’utiliser cette stèle pour prouver que le sphinx est antérieur à Chéops ! Pour aller plus loin Zahi Hawass, the secrets of the Sphinx, AUC Press, 1999 (réédition) R. & O. Temple, the sphinx mystery, Inner Traditions Bear and Compagny, 2009 Pharaon N°14 13 Science Des salles secrètes sous le Sphinx de Guizeh ! Oui, les archéologues ont découvert aux 19e et 20e siècles deux tunnels dans et sous le Sphinx. Le premier se situe sur le dos de la bête, derrière la tête et s’enfonce dans le corps de pierre. Son exploration n’a rien fourni de significatif. Son creusement date sans doute de la 26e dynastie. Le second tunnel se situe à l’arrière de l’animal, sa découverte remonte à 1926 par l’archéologue Baraize. Le tunnel s’enfonce assez profondément dans le sol rocheux. Mais il semble mener à un cul-de-sac. Une nouvelle fouille y a été menée en 1980, par Mark Lehner et Zahi Hawass. Aucune trouvaille. Il semblerait que ce tunnel date d’avant la première grande restauration (Thoutmosis IV, ou alors juste avant la pose de pierres de protection). Sa fonction reste inconnue : tunnel de voleur, projet inachevé… En 1987, une équipe japonaise mena une prospection géomagnétique à l’avant du Sphinx, et entre les pattes. Une masse métallique (?) y a été détectée à 2 ou 3 mètres de profondeur. Il n’en fallait pas plus pour parler de nouveaux tunnels ou d’une salle secrète sous le Sphinx. Mais jusqu’à présent, rien ! Et ce, malgré de nombreuses études et prospections… Pour aller plus loin Zahi Hawass, the secrets of the Sphinx, AUC Press, 1999 (réédition) R. & O. Temple, the sphinx mystery, Inner Traditions Bear and Compagny, 2009 La théorie des salles secrètes sous le sphinx coupe du sphinx, de la chaussée de Chéphren et des hypothétiques salles souterraines "la porte des étoiles" de L. Picknett & C. Prince, 2006 14 Pharaon N°14 Science Deux sphinx pour le prix d’un ! La promotion d’été de Chéops ! © imaginegypt Il y a 3-4 ans, une polémique, vite oubliée, a suscité une tempête médiatique : il y aurait un 2e sphinx à Gizeh, plus petit que le Grand Sphinx. Une des preuves pour les partisans de ce 2e sphinx est la fameuse stèle du songe de Thoutmosis IV (le prince Thoutmosis s’endormit un jour à l’ombre du géant et le sphinx lui promit le trône d’Egypte s’il le sauvait des sables…) ainsi que des récits d’Historiens et géographes arabes du Moyen Age. La stèle du songe montre deux sphinx posés sur un tabernacle (à façade de palais), le pharaon faisant une offrande à chaque sphinx. Il ne s’agit pas de deux sphinx différents mais un seul et même sphinx, celui de Guizeh. Il est le dieu Harmakis (« Horus dans l’Horizon »). La stèle ne fait donc pas référence à la statue monumentale mais au dieu qu’elle représente. Les deux sphinx de la stèle sont identiques et appelés Harmakis, dans les deux légendes. L’art égyptien pratique souvent la symétrie. On remarque aussi que le pharaon fait une offrande différente : à gauche : le roi offre un vase à libation à droite : le roi brûle de l’encens et fait une libation (Thoutmosis IV verse un liquide) Les socles des deux sphinx n’ont rien d’une porte vers un autre monde ou d’indications de galeries souterraines. Il s’agit d’un banal tabernacle. Les partisans d’un second Sphinx (en briques et en pierres ?), quelque part sur la rive droite du Nil, disent que des auteurs arabes du Moyen Age (10-11 siècles) l’évoquent. La preuve absolue ! Problème : aucun texte égyptien ancien, aucun document gréco-romain n’évoque ce fameux second sphinx monumental du Caire ! Hérodote, Pline ou encore Strabon n’auraient pas manqué d’en parler. El-Makrizi, célèbre auteur arabe, évoque dans ses écrits le Grand Sphinx, mais La stèle du rêve de Thoutmosis IV et la double représentation du dieu et non pas du sphinx en tant que statue. Dessin de la stèle du rêve, d’après Lepsius. aucune trace d’un second Sphinx. Al-Idrisi, Ibn Iyas évoquent bel et bien un sphinx sur la rive droite mais il est probable qu’ils évoquent les sphinx de l’ancienne Memphis (20 km au Sud du Caire) ou ceux de la grande ville d’Héliopolis (Ouest du Caire). Ces auteurs reprennent aussi des traditions orales et du folklore local. Bref, difficile d’utiliser ces écrits médiévaux pour affirmer l’existence d’un autre sphinx ! Pour aller plus loin Traduction de la stèle du Songe : http://projetrosette.info/ page.php?Id=799&TextId=164 Pharaon N°14 15 Science La malédiction des pharaons défunt qui compromettrait sa survie dans l’au-delà. C’est aussi pour cela que la profanation des momies est particulièrement grave. Le pillage d’une tombe faisait perdre à celle-ci son caractère sacré. Les prêtres devaient resacraliser les lieux et la momie. Exemple d’une malédiction (vers 2550 av. JC, dans la tombe de Petety, Guizeh) : toute personne pénétrant dans la tombe pour y faire un acte malveillant, le dieu (par l’intermédiaire d’un prophète d’Hathor, une catégorie de prêtres) s’occuperait du visiteur et un lion le dévorerait… Le canari de Lord Carnavon mangé dans sa cage, les lumières du Caire qui s’éteignent brusquement à la mort de Carnavon, les dizaines de morts suspectes suite à visite de la tombe de Toutankhamon découverte en novembre 1922 par Howard Carter. La malédiction du pharaon avait frappé. Ou encore des archéologues qui tombent malades ou meurent après avoir trouvé une vieille tombe… Une formule de malédiction était écrite dans la tombe de Toutankhamon, formule qui se révéla être un faux… Pénétrer dans une tombe fermée depuis 3 000 ans n’est pas sans risque pour un archéologue. Il doit laisser l’atmosphère de la tombe se purifier. Microbes et bactéries peuvent flotter dans l’air. Et pour vérifier s’il y a suffisamment d’air respirable, les archéologues procèdent toujours au test de la bougie allumée. Si elle s’éteint, il ne faut pas entrer car la tombe contient trop de CO2 (substance mortelle). Existe-t-il réellement une malédiction des pharaons ? Oui et non. Non, Toutankhamon ne s’est pas vengé. Et si c’était le cas, pourquoi Howard Carter n’a-t-il pas subi cette malédiction ? Les journalistes de l’époque ont tout inventé et la moindre occasion était bonne pour discréditer Carter et Carnavon à cause de l’exclusivité donnée au Times (janvier 1923). Oui, il existe une malédiction contre les pilleurs de tombes et tous ceux qui dérangent le mort dans sa tombe. Il existe des formules magiques inscrites dans les tombes. Ces formules s’appellent des formules d’imprécations. L’imprécation est un souhait de malheur, une malédiction contre une personne. Il s’agit de jeter une malédiction sur le profanateur de la tombe. Ces inscriptions se situent à l’entrée des tombeaux. L’un des buts est d’éviter tout dérangement de la momie du Et je vous rassure, il n’y a pas non plus de malédiction de la momie… Pour aller plus loin Toutankhamon Magazine hors-série n°5, spécial magie (Héka) Comment ont-ils fait ? C’est une question qui revient souvent. Le polissage, le percement des vases en pierre des anciens égyptiens semblent trop parfaits. Impossible que cela ait été fait à la main sans outils modernes. Il suffit que l’on observe des stries parfaitement alignées sur une statue, un vase pour qu’on affirme : les Egyptiens utilisèrent un laser, une scie à diamants digne de nos meilleures machines outils ! Non, bien évidemment, les anciens Egyptiens n’avaient pas inventé le rayon laser ! Pour rappel, les fondements du laser (et de son précurseur, le maser) ont été posés par Albert Einstein en 1917 avec son fameux article « Zur Quantentheorie der Strahlung ». La maîtrise technique des Egyptiens est parfaite dans le façonnage et le polissage des pierres les plus dures. Pour travailler une pierre dure, il faut utiliser une pierre plus dure. Ainsi pour le granit ou le grès, les Egyptiens utilisèrent © F. Tonic Des vases trop précis pour être vrais ! Oui, les Egyptiens avaient inventé le laser ! Façonnage de vases par des artisans. Tombe de Rekhmirê. des percuteurs en diorite pour retirer millimètre après millimètre la matière en trop… Nous connaissons de nombreux décors montrant le travail de la pierre. Par exemple, pour creuser des vases en pierre dure, les Egyptiens utilisaient une sorte de perceuse manuelle. Une longue tige de bois avec plusieurs « mèches » de pierres lestées par des poids. Et l’ouvrier tournait inlassablement la perceuse… Nous connaissons aussi les forets métalliques. C’est long, très long. Mais d’une redoutable efficacité. Les stries visibles sont les marques de ces outils. Nul besoin de laser ! © imaginegypt Pour aller plus loin 16 Pharaon N°14 Aude Gros de Beller, les anciens égyptiens : guerriers et travailleurs, Errance, 2006 La perceuse égyptienne. Simple et diablement efficace ! Science L’Arche d’Alliance est quelque part en Egypte Faut-il considérer une différence de compréhension ou d’utilisation entre Moïse et l’après-Moïse ? L’Arche futelle mal utilisée, provoquant ainsi décharges et éclairs (si l’Arche est un accumulateur) ? À en croire la Bible, l’Arche possède un pouvoir terrifiant capable de fendre les eaux en deux ou encore de faire écrouler des murs de puissantes murailles comme celles de Jéricho. Malgré l’importance religieuse de l’Arche, nous en connaissons bien peu de choses. Elle était conservée au Temple mais après le règne de Salomon, les textes parlent vaguement de l’objet comme dans Le Livre des Rois I. Il semble bien qu’elle disparaisse définitivement au plus tard au début du VIIe siècle av. J.-C. lorsque les Babyloniens, sous le règne de Nabuchodonosor, prennent Jérusalem. La ville est pillée, le Temple saccagé. Que vient faire l’Egypte dans cette Histoire ? Régulièrement, l’hypothèse que ce soit un pharaon égyptien qui pille le Temple de Jérusalem et emporte l’Arche est avancée. Ce roi serait Shéshanq Ier, premier pharaon de la 22e dynastie (945 - 924 av. JC). D’origine libyenne, il était un des principaux généraux de l’armée égyptienne à la fin de la 21e dynastie. Il serait le pharaon Shishak de la Bible. L’Arche d’Alliance fait tomber les murs ! © D.R. / gravure ancienne. Un autre mythe que l’on rencontre souvent : l’Arche d’Alliance a été rapportée par un pharaon en Egypte après le pillage du Temple de Jérusalem. Cette « tradition » a été popularisée par le film « Indiana Jones et l’arche perdue ».L’Arche d’Alliance est le « coffre » dans lequel Moïse dépose les Tables de la Loi (les 10 commandements donnés par Dieu, YHWH). L’Arche est construite selon une description précise de YHWH. Objet d’un pouvoir dévastateur, condensateur statique, boîte de communication (avec Dieu), tout a été imaginé pour décrire l’Arche. l’affaiblissement des royaumes d’Israël (royaume du Nord) et de Juda (royaume du Sud), l’Egypte accueille les dissidents du roi Salomon. L’agitation de Bédouins aux Lacs Amers est le prétexte égyptien pour intervenir. L’armée de Pharaon fait tomber de nombreuses villes. Jérusalem se soumet au pharaon et livre le trésor de Salomon. Shéshanq voulait aussi s’en prendre au royaume d’Israël mais n’avança pas plus au nord. Jéroboam, exilé en Égypte avant de rentrer en Israël pour prendre le trône, a peut-être reconnu implicitement sa vassalité à l’Egypte. Selon la Bible, le royaume de Juda aurait été vaincu car son roi, Roboam, s’était détourné de Dieu… La réalité historique est un peu différente. La Bible dit que Shishak a pris la ville de Jérusalem. Nous avons la chance d’avoir à Karnak, un grand décor racontant la guerre de Shéshanq, avec une liste de 150 villes et peuples vaincus par le pharaon. Manque de chance, Jérusalem ne fit pas partie des 150 noms. Les partisans de la vérité biblique, disent que le nom de Jérusalem avait été gravé sur les parties détruites du décor de Karnak. Ou alors les Egyptiens ne l’ont pas indiqué mais la Bible dit vrai… Si Jérusalem était mentionnée dans la partie manquante du décor, cela rendrait l’ordre des villes conquises incohérent. Or, les 150 noms s’organisent selon un ordre précis et une cohérence par région. Et si Shéshanq avait pris Jérusalem avec toutes ses richesses, pourquoi ne pas le dire ? Oui, plusieurs villes localisées dans la région de Jérusalem sont indiquées car elles représentaient un objectif militaire. L’absence de Jérusalem s’explique par le fait que la cité n’est sans doute qu’un petit village sur une colline sans importance. Nous sommes au 10e siècle et l’archéologie prouve que la ville n’était pas la puissante et riche ville décrite par la Bible. Paradoxalement, la ruine du royaume du Nord par les Egyptiens favorise le royaume de Juda et donc Jérusalem. Pour aller plus loin Revenons aux sources de cette théorie. K. Wilson, Campaign of Pharaoh Shoshenq I into Palestine, Mohr Siebeck, 2005. Ce pharaon mène une grande campagne militaire vers 925 av. JC au Proche-Orient. Profitant de Pharaon Magazine hors-série n°1, spécial « les pharaons à la conquête du monde » Pharaon N°14 17 Science Drogues et tabac chez les Pharaons Notre affaire débute avec l’analyse et le traitement de la momie de Ramsès II (1975-1976) à Paris. Surprise, ou stupeur, l’équipe scientifique découvre des fragments de feuilles végétales : de la nicotina. La variété la plus connue est le tabac… Problème : le tabac est censé avoir été découvert en Amérique après 1492… Faut-il en déduire que les Egyptiens sont allés en Amérique et en sont revenus ? Dans un article très détaillé, paru dans Pharaon Magazine n°6, Nicolas Manlius avait repris le dossier. En réalité, la nicotina représente une grande diversité d’espèces. En Namibie, les explorateurs ont découvert en 1975, la Nicotina africanum, une variété africaine. Un peu loin de l’Egypte mais rien ne dit que cette espèce n’existait pas au Nubie (Soudan actuel). Surtout, Nicolas Manlius rappelle que la nicotine est aussi un alcaloïde relativement fréquent dans les légumes comme l’Aubergine, d’origine asiatique. Malgré la prudence des égyptologues, la présence de nicotine, qui semble prouvée, n’est pas liée au tabac mais sans doute à des plantes contenant cette substance… Autre affaire, plus embarrassante : la présence de cocaïne. La polémique démarre en 1992 suite aux analyses réalisées par S. Balabanova sur neuf momies (fragmentaires et une complète). Elle découvre des traces de cocaïne, de haschich et de nicotine… Pour le haschich, la découverte n’est pas réellement une surprise. Les Egyptiens connaissaient le chanvre. C’est à partir de la résine de cette plante que l’on produit le haschisch. Pour la cocaïne, sa présence pose un sérieux problème. Car la coca, dont est extraite la drogue, poussait à l’époque des momies (Nouvel Empire, 1550-1070 av. JC) en Amérique du Sud. La publication des résultats a provoqué des réactions parfois très négatives. Balabanova reprit son analyse pour déterminer si ces traces de drogues et de nicotine pouvaient être une contamination moderne. Elle décida d’analyser la gangue des cheveux qui conservent de nombreuses informations comme la présence de drogues. Résultat : nicotine et cocaïne ! Il existe bien des plantes africaines apparentées à la coca mais elles ne produisent pas de cocaïne… alors ? A ce jour, aucune explication satisfaisante n’a pu être donnée par les chercheurs. Il faudra poursuivre l’enquête. Pour aller plus loin Nicolas Manlius, quart d’heure américain, Pharaon Magazine n°6 http://www.faculty.ucr.edu/~legneref/ethnic/mummy.htm http://fr.scribd.com/doc/99787532/First-Identification-of-Cocaine-inEgyptian-Mummies-Dr-Balabanova © F. Tonic Les momies contiennent-elles des drogues ? Momie du British Museum. 18 Pharaon N°14 Science Des momifications vivantes et la revanche de la momie ! Dans le film « La momie », le pharaon punit Imhotep en le momifiant vivant. Cette pratique a-t-elle existé en ancienne Egypte ? La réponse est non. La momification se fait toujours sur des personnes décédées. Une momie pose cependant un sérieux problème : la momie de l’inconnu E, surnommée la momie hurlante. Cette momie a été officiellement découverte en 1881 dans la cachette royale de Deir el-Bahari, découverte par les frères Rassoul, célèbres pilleurs de tombes du 19e siècle. La momification de cette personne est très particulière. Les embaumeurs n’ont pas vidé le cadavre comme ils le faisaient habituellement. Le visage déformé montre que sa mort fut violente, sans doute un empoisonnement. La momie était entourée d’une peau animale ce qui est inhabituel, indiquant un rituel spécifique pour bannir le mort de la vie éternelle ou pour marquer sa disgrâce. Depuis de nombreuses années, les égyptologues pensent qu’il pourrait s’agir du prince royal Pentaour, un des conspirateurs visant à tuer Ramsès III. Récemment, des analyses ADN entre cette momie et celle de Ramsès III prouvent qu’elles sont liées. L’hypothèse que ce soit Pentaour est fortement plausible… Tête de la momie de l’inconnu E. d’après Smith. Pour aller plus loin Enquête sur la momie de Ramsès III : Pharaon Magazine n°12 & 13 Nouveau ! Découvrez les Cahiers supplémentaires de Pharaon Magazine Ces suppléments proposent des articles et photographies exclusives. Cahier n°1 : spécial Akhenaton - Toutankhamon Cahier n°2 : spécial pyramides uniquement disponible en PDF. 3,95 € seulement pour les commander : http://pharaon-magazine.fr/catalog/ebooks/suppl-ments Pharaon N°14 19 Science Les Egyptiens « inventèrent » le nombre Pi et le nombre d’or Oui, sans le savoir, les anciens Egyptiens avaient trouvé le nombre pi. Les mathématiques égyptiennes sont des mathématiques pratiques répondant à des problèmes réels et concrets. C’est pour cela qu’ils n’ont jamais théorisé les mathématiques comme les Grecs. Car ce sont les Grecs qui vont théoriser et comprendre Pi et les théorèmes fondamentaux même si les Egyptiens en connaissaient plusieurs parfois 1500 ou 2000 ans avant les Grecs. Le papyrus Rhind est l’un des très rares documents mathématiques que nous possédons. Il s’agit d’une copie (vers 1650 – 1550 av. JC) d’un document plus ancien de plusieurs siècles. Il contient plus de 80 problèmes mathématiques (géométrie, algèbre, arithmétique) avec les solutions. Ce papyrus est en fait un manuel pour les élèves… © Paul James Cowie (Pjamescowie) Ce document apporte la preuve que les Egyptiens savaient calculer la surface d’un cercle. Et surtout, 20 Pharaon N°14 il indique clairement la valeur approximative de Pi : 3,16 (au lieu de 3,14) ! Nous ne savons pas à quelle époque les Egyptiens avaient découvert le calcul des surfaces circulaires. Certaines théories veulent croire que les Egyptiens connaissaient Pi dès la construction de la Grande Pyramide de Chéops (avec un rapport de 14/11)… Quoi qu’il en soit, 3,16 est l’approximation de Pi la plus propre de la réalité de l’Antiquité. de Chéops. Il est de 1,618. Le nombre d’or exerce une véritable fascination sur les Alchimistes, certaines sectes et l’ésotérisme. Il est aussi appelé la divine proportion ou encore le nombre Phi. Pour l’art, l’architecture, il représente la proportion parfaite et est caché dans la géométrie de la Grande Pyramide de Chéops… D’autres pensent que le plateau de Guizeh est organisé sur le principe du Nombre d’Or… Le nombre d’or est une « réalité » des calculs cachés de la Grande Pyramide Pour aller plus loin http://www.univ-paris-diderot.fr/philomathique/Ritter.pdf http://www.univ-irem.fr/commissions/geometrie/livre/site/egypte.pdf S. Gouchoud, mathématiques égyptiennes, le léopard d’or, 1996 Extrait du papyrus mathématique Rhind (British Museum). Science L’hélicoptère d’Abydos Sans doute le plus connu de la science secrète des Egyptiens, l’hélicoptère d’Abydos. C’est ce que l’on appelle un palimpseste. Palimpseste vient du grec palimpsestos signifiant « gratté de nouveau ». Le terme désigne un papyrus, un parchemin réutilisé dont le texte originel a été gratté, effacé. C’est une technique courante car le papyrus coûtait cher. Dans © F. Tonic Dans la 1ere salle hypostyle du temple de Séthy Ier, on peut voir une série de hiéroglyphes ressemblant à des machines modernes : un char, une soucoupe volante, un hélicoptère. Aucune invention extraordinaire des Egyptiens, juste des signes hiéroglyphiques qui se superposent. Les scribes de Ramsès II ont regravé un texte sur un précédent texte datant de Séthy I. Le faux hélicoptère d’Abydos. En réalité, les ouvriers de Ramsès II ont regravé sur une inscription de Séthy Ier… l’Ancienne Égypte, il arrivait parfois que des textes, des reliefs de temples ou de tombes soient modifiés ou tout simplement remplacés. Il arrive aussi que l’usure, les siècles forment des « fantômes » mais dans ce cas, on ne peut pas parler de palimpseste. Pour aller plus loin François Tonic, Les temples d’Abydos, 2010 « Le palimpseste d’Abydos », Toutankhamon Magazine n°39 Les Atlantes au temple d’Edfou, selon Platon L’Egypte et l’Atlantide, une grande histoire d’amour et de toutes les théories. Les Atlantes sont venus se réfugier en Egypte après la disparition de leur île, l’Atlantide. Certains auteurs ont même voulu voir dans l’ancienne Egypte, l’Atlantide… Pourquoi faire le lien entre les Atlantes et l’Egypte ? La faute en revient à Platon. Platon évoque l’Atlantide dans Le Timée, le Critias et l’Hermocrate. © F. Tonic Ces livres reprennent les souvenirs de Critias le Jeune. Tout commence vers 570 av. JC, lorsque Solon, un grand politicien d’Athènes, voyage en Egypte. Dans la ville de Saïs (Delta), les prêtres lui racontent l’Histoire de l’Atlantide. Solon revient peu après à Athènes. Critias l’Ancien, neveu de Solon, écrit le récit de son oncle. Solon dit aussi avoir entendu la langue atlante, sans doute une forme de la langue égyptienne qu’il n’avait pas entendue ailleurs. Platon aura le temps d’écrire entièrement Le Timée et une partie du Critias. Le Timée raconte l’origine du monde, Le temple d’Edfou est souvent cité dans les théories atlantes. les fonctions de l’âme, de la physique, de la chimie. Le véritable récit sur les Atlantes se trouve dans le Critias. Platon y aborde les colonies, les rois et la destruction. Les « Atlantistes » pensent que le récit de l’Atlantide serait caché dans les textes de la Création gravés sur les murs du temple d’Edfou. Solon tiendrait le récit de l’Atlantide des prêtres de Saïs (Delta du Nil). Si le temple d’Edfou possède des textes relatant la Création du monde selon les Egyptiens, aucune mention de l’Atlantide n’y a jamais été découverte… Platon. © D.R. Pharaon N°14 21 Science L’avion du musée du Caire Saqqarah, 1898. Un modèle réduit en bois d’un oiseau est découvert dans une tombe. Les ailes sont droites et déployées comme celles d’un avion. L’objet daterait du 3e siècle avant notre ère. Le modèle est surnommé l’oiseau de Saqqarah. Il n’en fallait pas plus pour y voir u n modèle d’avion. Khalil Messiha, chercheur égyptien qui examina l’objet, pensait que les Egyptiens avaient inventé l’aviation ou la notion de voler. Des reproductions furent créées pour tester si oui ou non l’oiseau de Saqqarah pourrait voler. Les expériences ne furent pas très concluantes. © Dawoud Khalil Messiha L’avion de Saqqarah. En réalité, les hypothèses les plus probables sont : un objet rituel ou votif lié à une divinité (Horus, Rê ou Amon), un jouet en forme d’oiseau. Les esclaves construisent les pyramides ! La faute à Hérodote Le mythe de l’esclavage dans l’ancienne Egypte est encore et toujours évoqué, notamment pour la construction des pyramides de Guizeh (près du Caire). La faute à Hérodote (vers 484-420 av. JC) ! Et encore régulièrement, on peut lire et voir des documentaires et films évoquant l’esclavage chez les pharaons. « Rien ne prouve l’existence de l’esclavage en Egypte pendant la durée du régime pharaonique… » Voilà comment Bernadette Menu, égyptologue spécialiste du droit pharaonique, décrit la question dans le dictionnaire de l’antiquité (2005). L’idée de l’esclavage était répandue jusqu’au 20e siècle. En réalité, il existe une servitude et une dépendance, plus ou moins forte, de certaines personnes. Mais, les serviteurs et domestiques gardaient une liberté et surtout des droits juridiques (mariage, héritage, etc.). Le maître n’avait pas tous les droits. Ils étaient soumis à la fiscalité (taxes et impôts). Des personnes pouvaient se vendre pour un certain temps (ce temps est défini par contrat) pour rembourser une dette, payer quelque chose. Il semblerait que le maître d’une 22 Pharaon N°14 maison pouvait vendre des serviteurs mais dans un cadre juridique précis. La population devait, chaque année, participer à la corvée pour réaliser des grands travaux. Concernant les ouvriers des pyramides de Guizeh, la découverte du village des ouvriers et de leurs tombes a définitivement prouvé qu’ils étaient nourris, logés et payés. Il s’agissait d’hommes libres. L’esclavage, tel qu’il existait en Grèce ou à Rome, n’a jamais existé dans l’Egypte pharaonique. Les Grecs vont l'introduire après la conquête du pays par Alexandre le Grand (332 av. JC). Les prisonniers de guerre, les étrangers ne possédaient pas les mêmes droits qu’un Egyptien. Mais là encore, il n’était pas permis de tout faire. Et ces étrangers pouvaient recevoir une éducation égyptienne et devenir fonctionnaires, prêtres et parfois, exercer de très hautes fonctions dans le royaume. L’Etat pouvait prêter ces individus pour des travaux précis. Même si les serviteurs et les dépendants d’un maître possédaient des droits et une certaine liberté, ce n’est pour autant que la vie était facile. L’examen de dizaines de corps dans les cimetières populaires d’Amarna (époque d’Akhenaton, 14e siècle av. notre ère) prouve que les conditions étaient difficiles : espérance de vie faible, malnutrition, multiples traumatismes, traces de sévices corporels. Pour aller plus loin Toutankhamon Magazine hors-série n°1 « la vie quotidienne » N. Grimal & B. Menu, le commerce en Egypte ancienne, IFAO, 2008 (2e édition) Bernadette Menu, Egypte pharaonique : nouvelles recherches sur l’histoire juridique, économique et sociale de l’ancienne égypte, L’Harmattan, 2004 Science Les Egyptiens inventent le zodiaque et défient la date biblique de la création du monde On croit souvent que ce sont les Egyptiens qui inventèrent le zodiaque. Eh bien non ! Ce sont les Babyloniens. Le zodiaque est l’aboutissement d’une lente évolution de la pensée astronomique et de la manière de représenter le ciel. Ils vont définir les principaux signes et les fixer au 7e siècle avant notre ère même si nous connaissons plusieurs signes zodiacaux bien avant dès le 19e siècle avant notre ère. Le zodiaque arrive tardivement en Egypte. Le plus ancien exemple connu, et aussi le plus complexe, est le Zodiaque de Denderah, actuellement visible au Musée du Louvre. Il fut rapporté d’Egypte en 1821. Il suscita, dès son arrivée, de violentes polémiques : l’Eglise et le Pape en personne s’en mêlent. Cet étrange objet égyptien remettrait en cause la datation biblique de la création du monde : environ 4 000 ans avant l’ère chrétienne. Stupeur ! Les scientifiques ne savaient pas comment dater le zodiaque : 5000 ans avant le Christ ? 2500 ans ? Champollion va rassurer le Pape. Il va découvrir que les cartouches royaux sont d’époques gréco-romaines, donc pas antérieurs au 4e siècle avant notre ère. La Bible est sauvée ! Le Zodiaque de Denderah est une carte figée du ciel à une date précise tel qu’il pouvait être observé à Denderah. Le décor céleste a été fixé définitivement durant l’été 50 av. JC même si les prêtres et scribes travaillant au zodiaque mirent plusieurs années à concevoir l’ensemble du décor. Ainsi, l’éclipse lunaire serait celle de septembre 52 et l’éclipse solaire d’août 50. Pour aller plus loin Le zodiaque de Denderah, Pharaon Magazine n°7 Le plafond astronomique de Denderah, Pharaon Magazine n°10 © F. Tonic Le zodiaque de Denderah. Louvre. Pharaon N°14 23 Science Et si la pyramide Chéops avait été construite avec de fausses pierres : des pierres reconstituées moulées sur place ! C’est l’idée de Joseph Davidovits (1974), ingénieur chimiste. Depuis le débat n’a jamais cessé : idée totalement folle pour les uns, pourquoi pas pour d’autres. Et parfois, des publications parlent de nouveaux indices, des preuves pour conforter la théorie de la pierre reconstituée. Les anciens égyptiens auraient reconstitué du calcaire à partir de calcaire concassé. Un liant est alors utilisé pour agglomérer le tout… © F. Tonic Les pyramides sont construites avec de fausses pierres ! © F. Tonic Là, s’opposent deux visions : d’un côté les scientifiques et de l’autre les égyptologues. Et chacun défend son travail et se dit seul compétent. La quantité de pierre, la précision diabolique des découpes et la pose constituent un problème pour les scientifiques et notamment Davidovits. Ils s’appuient sur quelques échantillons (provenant de la pyramide ?) et des indices archéologiques. Cependant, notons que la théorie des fausses pierres n’a jamais été prouvée pour une analyse précise des pierres de la pyramide (portant sur de nombreux échantillons parfaitement identifiables). Davidovits affirme que des textes égyptiens prouvent les fausses La Stèle de la Famine sur l’île de Séhel. Ce monument serait la preuve que les Egyptiens savaient créer de fausses pierres. Manque de chance, si on prend une traduction scientifique et fiable du texte, il n’est JAMAIS question de la moindre fausse pierre. pierres. L’exemple le plus connu est la stèle dite de la famine (île de Séhel, près d’Assouan). L’ingénieur cite cette phrase : « avec les produits (minéraux) ils ont bâti… la tombe royale. ». Intrigué, nous avons donc consulté la documentation scientifique de la stèle de la famine. Surprise ! En examinant les traductions de la stèle, nous trouvons effectivement l’indication de la tombe royale. Le projet rosette propose la traduction suivante : Les Egyptiens ont-ils utilisé des pierres moulées pour construire les pyramides ? Pour les partisans de cette théorie, les pierres seraient trop parfaites… 24 Pharaon N°14 Science « il y a un ensemble (appelé) les deux falaises de pierres dans son emplacement du côté oriental et qui sont chargées de toutes sortes de pierres fines et de pierres dures des carrières et toutes choses que l’on recherche pour construire chaque temple de Haute et Basse Egypte et les étables d’animaux (= « qui sont pour les animaux sacrés »), les tombes royales (= « qui sont pour le roi »)… ». Ensuite, plusieurs pierres dures sont citées par leur nom égyptien. Selon Davidovits, seules les matières minérales sont citées et aucune pierre dure. Or, la traduction prouve l’inverse. Notre ingénieur invoque comme (autre) preuve que les Egyptiens fabriquaient de fausses pierres (« elle présente la technique de fabrication des statues en pierres synthétiques »), la stèle d’Irtysen, chef des artisans, vers 2000 av. JC (musée du Louvre). Irtysen y indiquerait posséder un secret permettant de créer des statues en fausses pierres et il a la connaissance pour créer les mélanges… Pour s’en convaincre, il suffit de lire la traduction (sérieuse) du texte de la stèle : il connaît le secret des hiéroglyphes, il sait faire des pigments qui ne s’effacent pas avec de l’eau, il connaît les proportions. Seul hic avec cette preuve, nulle part Irtysen ne dit fabriquer des statues avec des moules ou faire de mélanges pour créer de la pierre. Bref, c’est un artiste, un scribe du contour qui connaît son métier. Mais point de recettes secrètes. Pour aller plus loin « Dossier pyramides », Pharaon Magazine n°13 http://vincent.euverte.free.fr/Rosette/index.php?Lang=F&Style=_ dark&Page=7 http://projetrosette.info/page.php?Id=799&TextId=191 http://www.geopolymer.org/fichiers_pdf/pyramid_chapt1-fr.pdf http://www.unamur.be/sciences/philosoc/revueqs/textes-en-ligne/ RQS_181_1franchir.pdf événement ! Les Editions Neptune Diffusion présentent : t Seulemen 25 m€pris port co 25 Euros le CD port compris CR-Rom pour PC&Mac Fichiers PDF imprimables Coupon(ou photocopie) à joindre à votre chèque ou mandat libellé à l’ordre des Editions Neptune Diffusion à : E.N.D - Service abonnement Pharaon Magazine 74 rue du Gros Chêne - 54410 Laneuveville En vertu de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification aux données vous concernant. 18 numéros de Pharaon sur CD Rom Au format PDF imprimables en couleurs Du N° 1 au N° 13 + 5 hors-séries Nom................................................................. Prénom............................................................. adresses............................................................ ar Chèque P (bancaire, postal) ar Mandat P Postal Code postal...................................................... Ville.................................................................. En vertu de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification aux données vous concernant. Pharaon N°14 25 Le sauvetage Cercles de Nabta Playa au musée de Nubie à Assouan. de Nabta Playa Vous qui êtes passionnés par l’Égypte ancienne, savez-vous où se trouve NABTA PLAYA ? En réalité, bien peu de visiteurs de l’Égypte connaissent ce site, situé, il est vrai, loin des sentiers battus. Raymond Betz vous y emmène et vous le raconte avec passion. Nabta Playa est situé à 100 km à l’ouest d’Abou Simbel, et à 30 km au nord de la frontière entre l’Égypte et le Soudan. Aujourd’hui une route part du village de TOSCHKA pour atteindre UWEINAT Est, très proche de la frontière libyenne. Ce dernier endroit est connu pour ses immenses fermes qui produisent et exportent en Europe notamment, des fruits et légumes cultivés grâce à l’eau souterraine. Visiter Nabta Playa nécessite aujourd’hui une petite expédition (4x4, tentes, nourriture) car la ville la plus proche qui peut fournir le véhicule et le matériel est…Assouan ! 26 Pharaon N°14 Pourquoi « Playa » dans le nom du lieu ? L’origine espagnole du mot ne vous aura pas échappé et veut évidemment dire « plage » (beach ou « pan » en anglais), qui représente une étendue asséchée au bord d’un (ancien) lac, ou encore un bassin de drainage qui n’a aucune sortie d’eau vers d’autres éléments hydrographiques tels qu’une rivière ou une mer. On estime que l’ancien lac de Nabta Playa devait avoir une dimension d’environ 7 x 10 km. « Nabta » est le nom de la montagne proche (Gebel Nabta) et veut aussi dire « graines ». Le cadre historique Nous sommes en 11 000 avant Jésus-Christ. De la Méditerranée au Soudan, une immense plaine herbeuse se déroule sur des dizaines de milliers de kilomètres carrés, bordée par le Nil qui coule du lac Victoria en direction du nord, en passant par Khartoum et Assouan (qui n’existaient certainement pas à cette date). À huit cents kilomètres du delta du Nil, une peuplade primitive y fait paître les premiers bovins, immortalisés par les splendides gravures rupestres que l’on a retrouvées notamment un peu plus au nord, à Qurta(1) par exemple (région du Gebel el-Silsileh). © R. Betz Site Site Si aujourd’hui un gigantesque désert couvre l’ouest de l’Égypte et l’est de la Libye, au Pléistocène ou au début de l’Holocène (de 12 000 à 5 000 ans av. J.-C.), il n’en était pas de même puisqu’on a pu établir qu’il pouvait tomber jusqu’à 100 mm d’eau chaque année, favorisant la création d’une végétation sahélienne, herbage, buissons et arbres clairsemés après ces pluies. Wendorf et Schild(2) ont déterminé que cette savane était occupée par des bergers qui étaient sans doute établis dans la vallée du Nil au départ, (notamment dans la région d’Abou Simbel – Ouadi Halfa, ou encore plus au sud) mais qui conduisaient paître leurs troupeaux sur le plateau après les moussons d’été. Aux environs de 6000 avant J.-C., un changement apparut avec le creusement de puits, qui permirent une nomadisation partielle de ces populations : elles pouvaient dorénavant rester dans cette savane tout au long de l’année (et notamment pendant la saison sèche – en hiver). Les lieux d’établissement devinrent également plus importants, regroupant jusqu’à 15 ou 20 huttes rondes ou ovales (voir dessin). Après une nouvelle saison sèche (vers 4700-4500 av. J.-C.), la pluie plus importante ramena de nouveaux groupes de populations sur le plateau, classées comme néolithique tardif. De nombreuses preuves permettent d’établir aujourd’hui que ces groupes humains avaient déjà un système social très évolué que l’on ne connaissait pas encore en Égypte. Un centre cérémoniel En plus des différents sites d’habitation de Nabta Playa, on retrouva un certain nombre de « localités » présentant des structures architecturales que l’on put attribuer à des centres de culte, ou plutôt de « cérémonie », car évidemment il n’y a aucune trace écrite permettant d’établir la distinction! Toutefois, Nabta Playa reste un lieu unique par la diversité des structures retrouvées dans une même zone, ce qui en fait sans doute un centre régional important. Nous nous concentrerons dans ce texte sur les quatre plus importants éléments cérémoniels retrouvés sur un alignement d’environ 2500 m pointant vers le nord: des tumuli recouvrant une grande pierre, des alignements de mégalithes, des groupes de pierres dressées (stèles) et finalement le fameux « Cercle Calendrier ». Les tumuli Wendorf et Schild ont retrouvé huit tumuli, qui une fois creusés, ont fait apparaître des restes de bovins, moutons, gazelles et peut-être des restes humains – une des structures contenait un veau entier enterré dans une chambre souterraine, recouverte d’un « toit » de branches de tamaris(3). Ce dernier tumulus remonte à 5400 ans avant J.-C. Vu © R. Schild Dessin du Cercle Calendrier de Nabta Playa » Pharaon N°14 27 © R. Schild « Hutte telle qu’utilisée par les bergers de Nabta Playa » le caractère sacrificiel de ces tumuli, la vallée où ils furent retrouvés fut appelée la « Vallée des Sacrifices ». où se lève l’étoile la plus brillante de la Grande Ourse (Ursa Major), appelée Dubhe. Alignements de mégalithes Plusieurs autres lignes de menhirs dressés ont depuis lors été identifiées au sud de ces trois alignements. Pour le détail, nous vous renvoyons à l’article de Schild et Wendorf (p.12) (3). Au sud de cette vallée, les deux archéologues ont découvert un alignement de mégalithes, ou menhirs, d’environ 600 m de long. Le paléoastronome J. McKim Malville contacté, détermina qu’il s’agissait en fait de trois sous-alignements, datés entre 4700 et 4000 avant J.-C., et dirigés vers un point de l’horizon Groupes de pierres dressées Au-delà des alignements de menhirs, deux groupes de pierres dressées en grès ont été placés sur deux élévations dominant la plaine. Ces groupes, identifiés comme étant ceux de l’Ouest et ceux de l’Est, sont composés de blocs entiers ou cassés, horizontaux et pesant, pour certains, plusieurs tonnes. Ce ne fut que dans les années 1990 que les auteurs purent déterminer qu’il s’agissait de structures mises en place par l’homme, et pouvant éventuellement repérer l’emplacement de tombes de chefs de tribus. Il fut décidé de creuser sous trois de ces mégalithes, sans succès toutefois. La seule chose très Controverse soulevée par Robert Bauval et Thomas Brophy Ces dernières années, une controverse est survenue entre des membres de l’ »Expédition combinée préhistorique » d’une part, et Robert Bauval et Thomas Brophy d’autre part. Ces deux personnes ont en effet critiqué les dirigeants de l’ »Expédition Combinée Préhistorique » pour une mauvaise gestion du site de Nabta Playa ; en réalité, la visite de Robert Bauval sur le site semble être postérieure à la dégradation du cercle calendrier…ce qui n’est certainement pas le fait de Romuald Schild ! Celui-ci ajoute : « Des discussions ont également eu lieu au sujet d’un prétendu dépôt d’immondices que nous aurions laissé à Nabta Playa ; s’il est exact que nous avons enterré quelques détritus, ils ont entièrement été évacués au début de 2009. » 28 Pharaon N°14 Le Cercle Calendrier La quatrième structure cérémonielle est la plus remarquable. Wendorf et Schild ont retrouvé un ensemble de petites « stèles », disposées en cercle, et présentant une structure unique. Tout d’abord le cercle de pierres de 4 mètres de diamètre est interrompu à 4 endroits par une « porte » composée de deux stèles dressées. Deux par deux, ces portes pointent respectivement vers le nord et vers un point de l’horizon situé à 70° Est par rapport à la ligne de visée nord. Au centre on observe des pierres supplémentaires qui sont disposées de part et d’autre de la ligne de visée à 70°. Il y en a 4 x 2 au total. La ligne de visée à 70° correspond à la position du soleil à son lever au solstice d’été, c’est-à-dire au début de la période des pluies(4). Des mesures au radiocarbone faites sur des foyers trouvés aux alentours du calendrier indiquent une date approximative de 4000 ans av. J.C. Si l’on peut éventuellement oser une comparaison avec le cercle de Stonehenge en Grande-Bretagne, qui est beaucoup plus grand (110 m de diamètre et 3100 av. J.-C.), il faut toutefois noter que le cercle calendrier constitue jusqu’à présent le plus ancien monument de ce type au monde. Le monument original en danger et son sauvetage Plusieurs archéologues passant au début des années 2000 près du site ont constaté que l’endroit n’était nullement protégé, sans aucune clôture ou piquets de marquage. Le désert sud-égyptien était de plus en plus souvent traversé par des expéditions et des caravanes de touristes, à la suite de la plus grande liberté de mouvement qui a suivi les événements de Deir el-Bahari en 1997. La création de la nouvelle route vers Uweinat Est n’a pas arrangé les choses et l’ »Expédition Combinée Préhistorique(5)», dirigée par Wendorf (1963-1999), Schild (19992007) et Kobusiewicz (2007-2009), a tiré la sonnette d’alarme très tôt, et surtout après avoir constaté que les pierres formant le cercle avaient été renversées et déplacées ! Romuald Schild et le Conseil Suprême des Antiquités (SCA) ont décidé à ce moment une action immédiate © R. Schild curieuse retrouvée, fut une énorme pierre en forme de champignon, enfoncée profondément dans le sol, et datant probablement d’avant la formation de couches sédimentaires superficielles. Cette pierre en forme de champignon, qui semble être un phénomène naturel, avait toutefois été taillée partiellement en légère pointe. Après plusieurs années de fouilles, un schéma commença à émerger, indiquant que toutes les pierres avaient été initialement dressées, mais étaient ultérieurement tombées à cause de trous creusés par le vent au pied des mégalithes. Toutes les pierres ont été travaillées et pointaient vers le nord, à nouveau en direction de la Grande Ourse. Elles ont donc, d’après les auteurs, servi de stèles, commémorant les morts. Le poids de ces pierres, le fait qu’elles aient été taillées, la présence de mégalithes dressés en surface, pointent vers une société déjà très structurée, basée sans doute sur plusieurs noyaux familiaux, groupés et représentés par les alignements. On semble donc avoir affaire ici à un cérémonialisme néolithique déjà avancé chez ces bergers, phénomène sans précédent en Afrique. « Le Cercle Calendrier à son emplacement d’origine dans le désert de l’ouest » Pharaon N°14 29 et drastique : le déplacement du cercle vers le musée de la Nubie à Assouan. de l’hôtel Cataract que l’on peut apercevoir dans la verdure visible à l’arrière-plan du jardin. En mars 2009, lors d’une visite au musée, à l’occasion du 50e anniversaire de l’appel lancé par l’Égypte et le Soudan à l’UNESCO pour sauver les monuments de Nubie(6), nous avons pu interviewer Romuald Schild et prendre connaissance des détails de l’opération : Le nouvel emplacement des monuments de Nabta Playa «La réinterprétation de nos découvertes par MM. T. Brophy, astrophysicien, et Robert Bauval en 2002 parlant de « visiteurs venant de l’espace » a amené des flopées de touristes illégaux adeptes de la « Religion du Nouvel-âge(7) ». Ces touristes très particuliers ont entamé une destruction systématique et massive des « monuments », en reconstruisant notamment le cercle calendrier suivant des vues non scientifiques et en édifiant de nouveaux cercles et de nouvelles zones « cérémoniales », indique R. Schild. « Il était impossible pour le SCA de maintenir une garde permanente dans cette partie totalement désertique de l’Égypte. Dès lors, le cercle calendrier et d’autres monuments sélectionnés de Nubie ont été déplacés le 8 février 2008, en ma présence ainsi qu’en présence d’autres membres de l’Expédition Combinée, et également en présence du Haut Comité du SCA représenté par M. Atia Radwan, Sous-secrétaire d’État pour la Haute Égypte. L’enlèvement des monuments fut entièrement filmé et largement photographié. Les antiquités ont été chargées sur un camion et transportées sous escorte policière au musée de la Nubie à Assouan. Le Dr. Osama Abdel Meguid, Directeur du Musée, a décidé de ré-ériger les différents mégalithes et le calendrier dans le jardin. » Les pièces originales du calendrier à Nabta Playa ont été remplacées par des répliques afin de marquer leur emplacement d’origine. Les photos de cet article montrent le Cercle Calendrier et les mégalithes dans leur nouvelle demeure, dans le jardin du musée et à proximité 30 Pharaon N°14 Lors de notre visite en 2009, toutes les pièces ramenées de Nabta Playa avaient été disposées dans un environnement sableux jaune/ocre destiné à représenter le désert de l’Ouest. Toutes les pierres avaient été préalablement inventoriées dans le musée ; un panneau d’explications en arabe et en anglais donne un minimum d’informations et un historique de ce site, sponsorisé par l’ « Expédition Combinée Préhistorique ». Voici donc un nouveau centre d’intérêt qui ajoute un réel « plus » aux collections de ce très beau musée. La décision de déplacer ces monuments en réel danger n’est jamais facile, mais il est clair que les laisser en place constitue la façon la plus directe pour ne retrouver qu’un tas de pierres qui n’auraient plus aucune signification. Le point important est que le Cercle Calendrier est maintenant en lieu sûr au musée d’Assouan, et que des milliers de personnes peuvent en apprendre plus sur ce site extraordinaire, en espérant que les visiteurs respectent plus ces originaux que les répliques dorénavant visibles à Nabta Playa ! A propos de l’auteur: Raymond Betz, Docteur en sciences, vit en Belgique et en France ; il est à la tête du « Groupe d’Études Égypte », une communauté d’amis tous profondément intéressés par l’Égypte Ancienne. Les photographies non attribuées sont de l’auteur. Nous remercions M. R. Schild d’avoir autorisé la publication de plusieurs de ses photographies et le dessin du Cercle Calendrier, comme indiqué. Bibliographie 1 D. Huyge, D.A.G. Vandenberghe, M. De Dapper, F. Mees, W. Claes & J. Darnell – Premiers témoignages d’un art rupestre pléistocène en Afrique du Nord : confirmation de l’âge des pétroglyphes de Qurta (Égypte) par datation OSL de leur couverture sédimentaire – International Colloquium « The Signs of Which Times ? Chronological and Palaeoenvironmental Issues in the Rock Art of North Africa », Royal Academy for Overseas Sciences, Brussels, 3-5 June, 2010, pp. 257-268 2 F. Wendorf et R. Schild, Prehistory of the Eastern Sahara, Academic Press, 1980. 3 R. Schild and F. Wendorf, The Megaliths of Nabta Playa, Academia n°1 (1), 2004 http://www.academia.pan.pl/pdfen/beginnings_10-15+Schild. pdf 4 J.M. Malville, F. Wendorf, A.A. Mazar et R. Schild – Megaliths and Neolithic Astronomy in Southern Egypt – Nature 392 (pp. 488-490), 1990. 5 R. Schild et F. Wendorf, Forty years of the Combined Prehistoric Expedition, Archeologia Polona, vol. 40:2002, 5-22: http://www.iaepan. edu.pl/archaeologia-polona/article/617 6 50th Anniversary of the Appeal launched in Egypt and Sudan to UNESCO for an international campaign to save the Monuments of Nubia, conférence et exposition au Musée de la Nubie à Assouan, Mars 21-24, 2009. 7 http://www.sullivan-county.com/nf0/nov_2000/new_age_rel.htm 8 Robert Bauval et Thomas Brophy, Black Genesis: The Prehistoric origins of Ancient Egypt, Bear and Company, 2011. Robert Bauval est principalement connu pour la « Théorie de la Corrélation d’Orion », regardé par les égyptologues comme de la « pseudo-science » ; voir : http://en.wikipedia.org/wiki/Robert_Bauval ; Thomas Brophy est physicien et archéo-astronome ; sa biographie : http://www.cihs.edu/ cihs/Dr_Thomas_Brophy_bio.htm . People Senmout : architecte, confident et ami de la reine Hatshepsout Senmout est un des dignitaires les plus importants du Nouvel Empire. Personnage central du règne d’Hatshepsout, nous ne connaissons quasiment rien de sa vie et de ses origines. Sa proximité avec la reine a été souvent interprétée comme intime. Futil réellement l’amant de la souveraine ? Cependant, la carrière de Senmout n’est réellement connue qu’à partir du règne de Thoutmosis II. Il est alors un des précepteurs de la jeune fille du roi, Néférourê. Nous connaissons plusieurs statues représentant l’éducateur et la princesse. Mais comme l’écrit Claude Vandersleyen, il ne faut surtout pas se limiter à ce rôle d’éducateur. Très tôt, il acquiert une place importante au cœur du pouvoir royal. © imaginegypt En effet, il est trésorier et intendant. Il est responsable de plusieurs chantiers royaux et en particulier de l’extraction d’obélisques à Assouan. Il va devenir, en quelques années, le chef de tous les travaux du roi. C’est lui qui organise et surveille les chantiers du roi (Thoutmosis II puis Hatshepsout). Portrait réaliste ( ?) de Senmout, dans sa tombe à Deir el-Bahari. La famille de Senmout (ou Senenmout) serait originaire du sud de Louxor, peut-être Ermant, ville dédiée au dieu Montou. Nous ne lui connaissons ni femme, ni enfant. Ses parents sont Ramose et Hatnefer. Nous lui connaissons plusieurs frères et sœurs. Tout semble indiquer une origine égyptienne. Parfois, une origine nubienne est évoquée. Le futur haut dignitaire est éduqué dans une des plus prestigieuses écoles pharaoniques : le Kep (ou Kap). Là, une véritable élite est formée et éduquée. On les appelle « les enfants du Kep ». On y trouve des enfants de princes étrangers, les jeunes princes et quelques enfants de puissants officiers et fonctionnaires. Comment et pourquoi le jeune Senmout intègret-il une telle institution ? Nous ne le savons pas, mais cette éducation a sans doute favorisé sa carrière. Il était sans doute un camarade de classe du prince Thoutmosis (futur Thoutmosis II) et même peut être de la princesse Hatshepsout. Une carrière longue et prospère La carrière du jeune Senmout débute sous le règne de Thoutmosis Ier, au plus tard. Il eut quelques activités militaires. Sans que l’on en soit totalement certain, il n’est pas impossible que l’officier devienne intendant de la princesse royale Hatshepsout. Nous savons maintenant que les premiers travaux au temple d’Hatshepsout, à Deir el-Bahari, débutèrent en réalité sous Thoutmosis II. On dit souvent que Senmout en fut l’architecte. Nous ne connaissons pas le rôle exact du dignitaire sur ce temple, mais il y joua un rôle important. Il a voulu marquer sa présence dans le temple, en faisant même creuser une de ses tombes sous le domaine sacré du monument… Notre personnage fut très lié au dieu Amon : il était intendant du dieu et responsable des greniers. Il a peut être joué un rôle dans le couronnement de la reine Hatshepsout vers l’an 7 de Thoutmosis III. Souvent, on lit que Senmout disparaît (mort ou disgrâce) entre la 16e et 22e Pharaon N°14 31 Plafond astronomique de sa tombe à Deir el-Bahari. Premier plafond de ce type jamais découvert à Louxor ! Malheureusement, il n’a laissé aucun texte pour expliquer sa motivation. Autre mystère, il semble que sa momie ne reposa jamais dans une de ces tombes. Pourquoi ? Autre signe des privilèges exceptionnels, Hatshepsout l’autorisa à se faire faire un sarcophage dans la même pierre que celle des sarcophages royaux. © imaginegypt Qui était réellement Senmout ? année de règne de Thoutmosis III, alors que Hatshepsout est encore pharaon. Mais rien ne permet d’affirmer cette chronologie. Il est même fortement possible que Senmout meure après l’an 22, alors que Thoutmosis III règne, désormais, seul. Bien que son nom fût parfois effacé sur les décors et les statues le représentant, il est difficile de savoir si Thoutmosis III eut la volonté d’effacer le souvenir de ce dignitaire… Une tombe remarquable Senmout se fit creuser deux tombes : une à Gournah, numérotée 71, très dégradée et une autre à Deir el-Bahari, numérotée 353. Cette dernière présente un plan complexe, digne d’une tombe royale. Inachevée, cette tombe possède le premier plafond astronomique jamais découvert. On y trouve de nombreuses constellations et plusieurs planètes. Nous pouvons y voir le nom et les représentations de Mars, Vénus, Jupiter, Saturne, la Grande Ourse, Orion, etc. Les artistes ont aussi représenté le calendrier lunaire et les phases de la lune. Pourquoi Senmout fit peindre un plafond astronomique dans sa tombe ? 32 Pharaon N°14 Vous serez déçu, mais rien ne permet d’affirmer qu’il fut l’amant d’Hatshepsout, aussi puissant et important fut-il durant le règne de la reine. De sa vie, nous ne connaissons que très peu de choses. Il devait être assez âgé (40 à 50 ans sans doute) quand il mourut à une date inconnue sous Thoutmosis III. Outre les 80 titres officiels qu’il portait, il supervisa les plus importants monuments de la reine et bénéficia de privilèges inouïs : un sarcophage, une tombe sur le domaine sacré du temple d’Hatshepsout, plusieurs dizaines de statues de sa personne. Bibliographie Peter F. Dorman, monuments of Senemut : problems in historical methodology, 1988 F. Maruéjol, Thoutmosis III, Pygmalion, 2007 C. Vandersleyen, L’Egypte et la vallée du Nil, PUF, 1995 Statue de Senmout avec la princesse royale. visite Louxor, vue du ciel ! © V. Turmel L’aube se lève sur le village de Habou et le temple de Ramsès III de Médinet Habou. Le vol en montgolfière est un moment magique pour celles et ceux qui visitent Louxor. Le réveil est parfois difficile. A 6 heures au plus tard, il faut être sur site, si vous prenez le « premier vol ». Un café rapidement bu, avec cake aux fruits un peu sec. Et le responsable de l’excursion, vous donne une fiche à remplir : votre poids. Pas de chichi, vous l’indiquez. Il ne faut pas dépasser le poids limite… Votre commandant de bord, François Tonic. immédiat. Pas de numéro de porte à repérer. Nous sommes déjà sur le tarmac. Tout est prêt. Il ne reste plus qu’à entasser les 17-20 personnes dans la nacelle. Et c’est parti pour environ 60 minutes de survol de la rive gauche de Louxor… enfin, si les vents le permettent. Car parfois, il faut arrêter le vol rapidement. Et parfois ils nous trainent bien loin du Ramesseum, bien au-delà de Médinet Habou… en plein désert. Sans doute mieux que d’atterrir dans un champ de cannes à sucre. Le retour au sol est parfois brutal ! Un panorama imprenable sur 1 500 ans d’Histoire ! Le survol de la rive gauche est un moment unique pour voir les sites archéologiques autrement, mais aussi découvrir la campagne égyptienne entre maisons, bétails et les familles qui s’activent à la maison, aux champs, sur les routes. Aujourd’hui, il est possible de trouver un vol à 35-40 €. Le choix ne manque pas. Malgré toutes les mesures de sécurité, les accidents peuvent arriver. Il y a quelques mois, un ballon s’est écrasé, faisant plusieurs morts. Mais ces drames sont heureusement très rares. pa Dé ge ta c la s p hez vi ou le si r s te fa ! ire Sur site, un champ, parfois au pied du Ramesseum, sur la rive gauche de Louxor, une équipe s’active. On déploie le ballon, on commence à y envoyer une immense quantité d’air chaud. La nacelle est préparée. Les groupes de touristes regardent, prennent des photos… Le soleil pointe son nez. Khépri pousse le soleil hors du monde des ténèbres. Un petit vent fait frissonner les plus frileux. Le capitaine rassemble les troupes et donne les instructions, en Anglais. Il y a toujours une bonne âme qui traduit et mime les gestes de notre commandant de bord. Le vol est visite © F. Tonic, 2006. D’après La tombe de Ramose, de François Tonic (2012). Panorama complet de Thèbes Ouest (rive gauche de Louxor). © V. Turmel • 1 Vallée des reines • 2 Vers Médinet Habou et le palais de Malqatta • 3 Village des artisans (Deir el Médinet) • 4 Temple de Mérenptah •5 Temple de Taousert • 6 Temple d’Aménophis II • 7 Temple de Ramsès II (Ramesseum) • 8 Temple de Thoutmosis III • 9 Deir el Bahari (temples de Mentouhotep II / Hatshepsout / Thoutmosis III) • 10 Nécropole de l’Assassif Le temple romain de Deir el-Shelouit. A quelques kilomètres de Médinet Habou. s le ire ez fa ch ur ! ta po ite Dé es vis g a pa l visite • 11 Nécropole de l’Assassif Sud (principalement Karakhamon) • 12 Vallée des Rois • 13 Cîme thébaine • 14 Tombes des nobles (Gournah) •1 5 Tombe de Ramose pa Dé ge ta c la s p hez vi ou le si r s te fa ! ire Tout le contraste de la rive gauche de Louxor : champs bigarrés, les habitations. © F. Tonic Quelques sites / monuments non indiqués : temple de Séthy Ier (Gournah), Dra Abu el-Naga, maison Carter, Thot Berg, el-Tarif, colosses de Memnon. visite Impassible, le commandant surveille les manœuvres de démontage. © F. Tonic © V. Turmel Vue imprenable sur Deir el-Bahari et l’immense montagne thébaine… © F. Tonic Photo à ne pas rater. Médinet Habou léché par les premières lueurs du jour… s le ire ez fa ch ur ! ta po ite Dé es vis g a pa l Forum Lecteur Réponse : cette 2e cachette est Texte dédicatoire. Temple de Louxor. © F. Tonic Photo 1 Jean-Michel et le temple de Louxor Question : Jean-Michel nous écrit pour savoir où se situent exactement le texte dédicatoire et l’inscription mentionnant l’année d’inauguration du grand pylône de Louxor de Ramsès II, que Claude Obsomer mentionne dans son ouvrage « Ramsès II » Réponse : l’inscription avec la date d’achèvement sous Ramsès II se situe sur la face intérieure du pylône (pylône de gauche en entrant). On y trouve un long texte dédicatoire avec l’indication de l’an 3. Ce texte est sur la partie basse du mur. Malheureusement, cette zone est interdite au public. (photo 1) que j’ai référencé dans mon article. Il donne les traductions et des commentaires fort utiles, mais c’est en allemand. François et la 2e cachette de Deir el-Bahari Question : en lisant un ouvrage sur la vie de Gaston Maspéro, j’ai trouvé une brève description du contenu de la “deuxième cachette de Deir el bahari” mais sa situation n’est pas précisée ! Connaitriez-vous le numéro de la tombe ? Y-a-t-il un ouvrage accessible traitant du sujet. localisée dans la zone de Deir elBahari. Elle fut découverte, par hasard, par le célèbre voleur de tombe Rassoul, reconverti en inspecteur des antiquités. Cette découverte fut faite en 1891 et l’archéologue Grébaut s’occupa de la fouille. Cette cachette est appelée Bab el-Goussous (ou Bab el-Gasus). La cachette date de la fin de la 21e dynastie et contenait des cercueils et des momies de plusieurs grands prêtres d’Amon de Karnak et d’importantes femmes liées au clergé d’Amon. Au total, les archéologues dégagèrent : 153 cercueils, des centaines de serviteurs funéraires et de nombreux autres objets. Malheureusement aucune étude complète n’a été faite sur l’ensemble de la trouvaille. Et l’Etat égyptien avait rapidement dispersé le contenu de la cachette à travers le monde. Cette cachette se situe à quelques mètres du centre des visiteurs, elle est enclose dans un petit mur (photo 2). Quelques lectures : G. Daressy, les sépultures des prêtres d’Ammon à Deir el-Bahari, ASAE 1, Le Caire, 1990 L. Aubert, les statuettes funéraires de la 2e cachette à Deir el-Bahari, Cybèle, 2000 Enclos de l’entrée de la 2e cachette de Deir el-Bahari. Photo 2 Une lectrice cherche des informations sur le décret de Horus Netjerybaou Question : Dans Pharaon Magazine n°11, page 54, vous parlez du décret de Horus Netjerybaou. Où trouver une traduction ? Empire et de la 8e dynastie sont assez difficiles à traduire car il y a beaucoup de difficultés, de vocabulaire entre autres. J’en ai traduit deux dans le cadre d’une association mais pas celui-ci ou du moins pas complètement. Vous pouvez consulter N.C Srudwick parue dans Texts from the Pyramid Age en anglais. La traduction française de R.Weill est un peu dépassée (1912). Sinon il y a le livre de H. Goedicke © F. Tonic Réponse de l’auteur (Michel Brandt) : Les décrets de l’Ancien Contactez la rédaction Une question, un commentaire, envoyez-nous un message : [email protected] Pharaon N°13 : Précision Les photos de l'article Tahtib sont de Sonia Labetoulle Pharaon N°14 37 Enquête Les impératrices Julio-Claudiennes en égypte : une mystérieuse absence La dynastie Lagide avait connu moult souveraines influentes. Les Arsinoé, Bérénice, Cléopâtre, … avaient fait l’objet de cultes populaires, de divinisations et étaient représentées en statuaire, en numismatique, dans les temples. Après la conquête romaine, l’empereur devient pharaon d’Egypte. On compte plus d’une soixantaine d’édifices (de la simple chapelle oraculaire au grand temple) mis en chantier sous Auguste ! (1). La famille impériale Julio-Claudienne passe pour compter en ses rangs de nombreuses dames influentes: Livie, Agrippine la Jeune, Poppée, ...Vont-elles apparaître sur la scène politico-religieuse égyptienne? Des preuves archéologiques de leur « aura » existent-elles? Certaines princesses (Poppée) sont présentées comme garantes d’une certaine égyptomanie des Césars. Cette hypothèse se confirme-t-elle dans le berceau même de cette culture? Par Déborah Moine, doctorante à l’Université Libre de Bruxelles Les dames de la cour JulioClaudienne apparaissent dans les écrits des auteurs anciens comme des vecteurs de pouvoir et de propagande. Certaines des « fantaisies » de Caligula, comme ses noces avec sa sœur Drusilla, ont souvent été interprétées comme une volonté d’imposer un pouvoir impérial influencé fortement par la royauté égyptienne (2). Il serait donc intéressant de comprendre si ces informations sont pertinentes et si elles se traduisent dans le matériel égyptien. Ajoutons que lorsque la femme romaine est présentée comme ayant des accointances avec l’Orient, il s’agit d’un motif remettant en cause sa vertu. (photo 1). L’Egypte est placée sous le signe des amours scandaleuses – aux yeux des Romains – d’Antoine et de Cléopâtre et demeure la patrie de la lascivité. La thématique se retrouve même dans les récits comiques : lorsque Juvénal se moque du culte d’Isis à Rome, il remarque que la déesse compte parmi ses fidèles de nombreuses courtisanes (3). Une impératrice méconnue La jeune sœur de l’empereur Caligula, Drusilla, est une des figures les plus souvent citées dans le contexte de ladite égyptomanie de son frère. La 38 Pharaon N°14 jeune femme (née le 16/9/16, décédée le 10/6/38) est pourtant très mal connue. Elle épousa deux consuls (Lucius Cassius Longinus en 33 et Marcus Aemilius Lepidus en 37). Les inscriptions la mentionnant (4) font croire qu’il s’agissait d’une jeune femme souffreteuse, très populaire dans le petit peuple à cause de sa générosité (des inscriptions évoquent de nombreuses distributions de vivres en son nom). Intéressons-nous (outre Suétone !) aux sources antiques la mentionnant. Sénèque, proche de Néron, en contact avec l’Egypte (5) est inspiré pour son Apocoloquintose du récit d’un curateur de la voie Apienne ayant vu monter Drusilla aux Cieux. L’auteur latin a la vision de Claude, devenu la risée des dieux et des êtres divinisés tel Auguste, être jugé pour ses crimes et finir aux Enfers, jouant avec un cornet de dés sans fond avant d’être donné en esclave à Caligula qui lui administre des coups de pied dans les fesses (6). Dans In Flaccum, Philon d’Alexandrie narre les imbroglios politiques entre Flaccus, préfet d’Egypte, les Juifs, Agrippa et Caligula. Dans Legatio ad Gaium, il donne des détails plus précis sur la politique et sur la propagande du troisième César : Caligula s’assimile à Apollon, à Arès, aux Dioscures, à Dionysos, à Hercule, à Hermès et à des héros. Il revendique des épithètes telles que σωτήρ καὶ εὐεργέτης (épithètes Lagides) (7). Il se moque du tabou alimentaire des Juifs sur la viande de porc. Cette gausserie semble anodine, elle est pourtant significative. Le cochon a une image ambivalente en Egypte : le porc noir est identifié à Seth ; périodiquement, sous cette forme, le dieu avale la lune qui est l’œil d’Horus. La viande de porc était consommée d’ailleurs à la pleine lune, sans doute lors de la fête lunaire du mois de Pachôn, citée à Dendérah. La truie, elle, est considérée comme une déesse-mère nourricière qui, de temps à autre, avale ses propres petits! Ce comportement l’assimile alors à Nout, la déesse du ciel, qui avale les étoiles le matin pour les réengendrer le soir. De plus, les porcins sont les animaux sacrifiés par les Egyptiens à Osiris-Dionysos et Isis-Séléné (8), divinités que l’empereur et sa sœur Drusilla incarnent volontiers. Ils adoptent souvent sur les monnaies orientales l’iconographie du couple gémellaire du Soleil et de la Lune (9). Pourtant, lorsque Philon évoque Enquête AULA ISIACA. L’aula Isiaca sur le Palatin. Photo 1 Ces informations sont devenues des symboles ou des vérités chez les auteurs modernes. En effet, certains historiens, suivant mot à mot les textes antiques, vont jusqu’à tenter de déceler les pathologies psychologiques des empereurs (12). Un exemple exprime très bien ce type d’analyse. Photo personnelle. Selon Dion et Suétone (13), Caligula plaça sa fille Drusilla sur les genoux de Jupiter du Capitole et recommanda à Minerve de la nourrir. Le passage fut interprété comme une allusion aux mammisis par M. Malaise (14). Néanmoins, le rituel peut être simplement romain. Scholars trouve certes l’hypothèse d’une allusion aux mammisis séduisante mais remarque que Minerve, dans son hypostase de Panthea (qui est une déesse-mère) est incarnée par Drusilla sur les monnaies orientales (15). Drusilla, elle apparaît comme une personnalité pleine de doigté qui désamorce la colère de son frère et évite l’exécution de l’ambassade. Néanmoins, les récentes études ne considèrent pas cet inceste comme un emprunt à la culture égyptienne. En effet le mariage frère/sœur, longtemps considéré comme une constante de la civilisation égyptienne semble être un cas d’union exceptionnelle. De plus, le vocabulaire amoureux égyptien montre les amants s’appeler sn et snt, frère et sœur. Il y aurait donc eu confusion entre le lien fraternel « de coeur » et le « sanguin ». Si Caligula a vraiment entretenu une liaison avec Drusilla, son modèle aurait donc été plus vraisemblablement les couples divins tels Soleil et Lune, évoqués plus haut (10). Janine Gillis (11) remarque que les récits concernant Caligula sont souvent un ramassis d’anecdotes qui font de l’empereur une sorte de personnage de mythe maléfique. Même si ces hypothèses sont séduisantes, il faut relativiser cette passion pour l’Orient : il s’agit, pour moi, d’un topos littéraire visant à entacher la réputation des empereurs en les comparant à Antoine, qui est l’image du Romain impie par excellence : il abandonne Rome pour les fastes de l’Orient et veut devenir roi (ce qui est immoral pour la mentalité romaine, où la figure du rex est présentée comme une sorte d’épouvantail rappelant avec effroi la tyrannie de l’époque des Tarquin). Ce thème du souverain indigne, quittant la capitale de ses ancêtres afin de satisfaire ses ambitions personnelles, n’est pas gratuit. En effet, il naît dans les milieux de l’opposition comme moyen de fustigation du pouvoir politique dominant et y devient un leitmotiv. Ainsi, il est décelable dans le camp des adversaires politiques de César, dans le camp d’Octave face à Antoine, ou dans les classes sénatoriales sous Caligula (16). Pharaon N°14 39 Enquête Vestiges de la porte de Tibère à Médamoud. © F. Tonic Photo 2 La prosopographie confirme cette hypothèse. Les seuls personnages invités à la cour impériale et représentants d’un pouvoir politique en contact avec l’Orient sont d’origine romaine ou attachés à la maison d’Antoine : familles de roitelets clients du triumvir, descendants de ses frères d’armes, parents (17),… En effet, dès Caligula, les empereurs qui montent sur le trône romain ont dans leurs veines le sang d’Auguste mais aussi celui de son ennemi. Pour légitimer leur pouvoir, ils vont donc réhabiliter ce dernier. On a donc plutôt affaire à un retour en grâce de la maison d’Antoine qu’à un phénomène d’orientalisation, l’épisode égyptien de la vie du général étant devenu l’image même de l’impiété. Les dédicaces L’épigraphie latine livre en Egypte les principaux témoignages sur les impératrices. A Athribis (Basse Egypte) il y a une série de dédicaces (18), datées de 23 après J-C, en l’honneur de Livie, l’épouse 40 Pharaon N°14 d’Auguste, alors veuve. Elle est, comme souvent dans l’empire, citée à la suite de la déesse Aphrodite. L’impératrice n’était pas inconnue en Egypte puisqu’elle possédait des domaines aux abords de Karanis et peut-être dans les oasis de Baharia et de Dakhleh. Pourtant, malgré son influence, elle n’apparaît sur aucun relief de temple et les dédicaces en son honneur sont très rares en Egypte. Néanmoins, dans le maigre corpus d’inscriptions mentionnant les impératrices JulioClaudiennes en Egypte, elle est la plus citée. Il est intéressant d’étudier le contexte de ces documents pour tenter de comprendre le rôle des dames de la famille impériale en Egypte. Dans le cas d’Athribis, la dédicace à Aphrodite pourrait s’expliquer par la présence d’Hathor dans le panthéon du temple érigé par Auguste. Le site d’Akôris (également en Basse Egypte) nous ouvre une piste concernant l’identité des dédicants. Une inscription (19), en grec, datant du 1er avril 29, localisée entre le temple de Néron et le sanctuaire ptolémaïque d’Hathor, est très intéressante. Elle mesure 52cm sur 52 cm et dit : « Pour Tibère César Auguste et Iulia Augusta, à Héra, à Aphrodite, de la part de Cossinia Paula, fille de Caepio, en l’an 15, le 6 Pharmouthi ». Comme souvent dans l’empire, Livie est associée à la déesse Aphrodite. L’endroit de la dédicace s’explique donc aisément par la proximité de l’édicule consacré à Hathor. Quant à la dédicante, il s’agit peutêtre d’une épouse ou fille d’officier, caserné sur place ou de passage. On notera que l’on trouve une famille Caepio ayant fourni plusieurs stratèges à l’oasis de Dakhleh. L’intérêt majeur de l’inscription reste le sexe de son auteur. Les inscriptions laissées par des femmes en Egypte sont très rares (on a une dédicace à Aphrodite par Tertia au temple d’Hathor de Philae et une autre pour la même déesse par Petronia Enquête Sur la porte de Médamoud (20) (région thébaine), Tibère est associé à une reine Cléopâtre, mais il s’agit certainement d’un relief de remploi ou d’un graveur qui a tracé le nom de la reine par habitude. Mais le bloc est dans un état trop déplorable pour une analyse stylistique qui en permettrait une datation plus fine. (photo 2) La même association se retrouve dans le Dodécaschène, au temple d’el Dakka. Le relief est situé dans la chapelle d’Ergaménés. Elevée par un roi méroëtique (sans doute Arkamani dans les sources nubiennes, 207-186 av. J-C ), elle fut redécorée par les Lagides et les Césars. Au mur ouest de l’entrée, sur le linteau, une curieuse scène représente l’empereur Tibère offrant Maât à Isis et Osiris à droite et à Thot et Wepset à droite. Il est suivi d’une reine portant le cartouche de Cléopâtre. D’après Porter et Moss, il s’agirait d’une scène usurpée aux Lagides (21). A Bigeh (Haute Egypte), temple « satellite » de Philae, Tibère est également associé à une « Cléopâtre ». Ces scènes sont situées aux registres inférieurs de la Grande Arche. Cette association à un personnage féminin suscite la réflexion. Tibère n’était pas marié à une impératrice influente ou connue en Egypte (possession de domaines), ce qui expliquerait une évocation de cette Magna à Kôm Ombo). Il est donc très pertinent de constater qu’une des rares dédicaces à une impératrice en Egypte soit le fait d’une femme. Remplois ou représentations personnalité. Sa dernière épouse, Julia, fille d’Auguste est exilée à Pandataria (actuelle île de Venotene) depuis 2 après J-C. L’hypothèse d’une spolia ou de l’erreur reste donc la plus plausible. Or, l’étude du corpus documentaire m’a fait remarquer que ce « couple » Tibère/Cléopâtre était toujours représenté sur des portes. Ce sont les parties du temple les plus accessibles aux fidèles. Il est certain que les images étaient conçues en fonction du public qui pouvait les observer. Ces représentations avaient-elles une volonté de préserver une certaine tradition, gommant la réalité politique ? L’époque lagide était riche en représentations de couples royaux. Même Cléopâtre VII, qui était en réalité la seule titulaire du pouvoir politique, est représentée Nouveau ! La tombe de Ramose Redécouvrez la plus belle tombe de Louxor, celle du vizir Ramose. 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Et sur www.amazon.fr Pharaon N°14 41 Enquête Relief de Latopolis (Esna) représentant l’empereur Septime Sévère suivi de son épouse Julia Domna. Mur intérieur sud, registre 3, scène 1. © V. Turmel Photo 3 avec son fils Ptolémée XV Césarion à Dendérah. Il serait intéressant d’étudier ces représentations de Tibère dans la même optique. Ce contexte relance une fois de plus la question de l’identité des concepteurs de ces images. Julia Domna, impératrice à Esna Esna a la caractéristique de posséder un des rares reliefs mettant en scène une impératrice : il s’agit de Julia Domna, épouse de Septime Sévère, suivie de ses fils, Caracalla et Geta (martelé). (photo 3) L’empereur précède sa famille pour adorer Khnoum, Nebtou et Héka (22). L’impératrice, d’origine syrienne, passe pour avoir un grand intérêt pour les cultes solaires orientaux (23). John Grafton Milne note l’emprunt de la tiare isiaque aux reines Lagides (24). Le relief ne semble pas être une création 42 Pharaon N°14 ptolémaïque usurpée (pas de traces d’abrasion sur les cartouches). Pour Francis Coppens et Harco Willems, il s’agit de la seule image représentant une épouse impériale (25). D’autres reliefs aux murs nord et sud montrent les deux frères Caracalla et Geta offrant des aiguières, des bouquets montés ou du vin aux dieux d’Esna. Chacun est représenté seul devant les dieux. Conclusion Avant Julia Domna, aucune image féminine ne peut être versée au corpus avec certitude. La représentation de Drusilla à Coptos est trop mutilée et trop peu documentée pour être identifiée. Si l’empereur est accompagné d’un personnage féminin, ce dernier est souvent doté du cartouche de Cléopâtre (voir Bigeh ou el Dakka), témoignant Pharaon Magazine N°15, au sommaire • Philae et le sanctuaire d'Isis • Les grandes batailles de l'ancienne Egypte • Sacrifice humain : entre mythe et réalité En kiosque le 25 octobre 2013 Enquête d’une habitude de graveur ou de remplois de reliefs Lagides. Pourtant, de nombreuses dames de la famille impériale possédaient des domaines en Egypte, notamment dans la zone de Karanis. Livie, Agrippine la Jeune et Poppée possèdent des domaines privés οὐσίαι (26) à Eumeria, Karanis, Oxyrrhynchus, Tebtynis, … Elles ne devaient donc pas être inconnues des Egyptiens. Si les Julio-Claudiennes apparaissent en Egypte, c’est surtout via un maigre corpus de dédicaces. La majorité est en l’honneur de Livie et souvent le fait de dames romaines. Les impératrices ont-elles été considérées comme bibliographie et notes (1) Les éphémères successeurs de Néron, Othon et Galba, ont laissé leur cartouche dans l’édifice modeste de Deir Chellouit en Moyenne Egypte. Ch. Zivie-Coche, « Entre Thèbes et Erment : Le temple de Deir Chellouit », BSFE, 80, 1977, p. 31. (2) Notamment dans les ouvrages de Lucien Jerphagon. (3) Juvénal, Satires, VI, 489. (4) Le dépouillement du CIL nous montre que Drusilla est citée dans les sources épigraphiques en particulier en Germanie (elle est née près de l’actuelle Coblence) et dans le monde oriental où elle est associée à Isis Panthéa. (5) L’oncle maternel de l’auteur, Gaius Galerius, fut préfet d’Egypte. (6) Sénèque, L’Apocoloquintose du divin Claude. (7) Le terme employé par Philon désignerait une substance translucide, donc peut-être de l’albâtre. Provenant d’Egypte, il afflua sur le marché romain sous Caligula. Voir M. Grant, Roms Cäsaren. Von Cäsar bis Domitian (traduit de l’anglais par K. Eberhardt et G. Felten), Munich, 1978, p. 147. (8) Philon d’Alexandrie, Legatio ad Gaium, Paris, 1972 (coll. Oeuvres de Philon d’Alexandrie, vol. 32), p. 166-177, 361, 364. Le commentaire est de E. M. Smallwood, Philonis Alexandrini legatio ad Gaium, Leiden, 1961. Le tabou sur la viande de porc chez les Juifs est dans Lv 2, 7-8. Voir J. Mélèze-Modrzejewski, Les Juifs d’Egypte. De Ramsès II à Hadrien, Paris, 1991, p. 140. Sur l’image du porc en Egypte, voir B. Letellier, « Le cochon », dans Les animaux dans l’Egypte ancienne (exposition du 6/11/1977 au 31/1/1978 au Musée national du Louvre), Paris, 1977, p. 37. (9) Je pense que le couple soli-lunaire est le référent le plus envisageable de la propagande de Caligula et de Drusilla. Voir S. Lunais, « Recherche sur la Lune », dans M.J. Vermaseren (éd.), Etudes préliminaires aux religions orientales dans l’empire romain, tome 72, Leiden, 1979, p. 100-103. En règle générale, les impératrices adoptent l’iconographie de la déesse-lune. (10) Théorie défendue par G. Achard, La femme à Rome (Quesais-je ?, 2950), Paris, 1995, p. 102 et J.-M. Engel, L’empire romain (Que sais-je ?, 1536), Paris, 19736, p. 44. Sur les mariages frère/ sœur en Egypte, voir K. Hopkins, « Le mariage frère/sœur en Egypte romaine », dans P. Bonte (éd.), Epouser au plus proche. Inceste, prohibitions et stratégies matrimoniales autour de la Méditerranée, Paris, 1994, p. 79-95. (11) J. Gillis, Caligula, Les études classiques, XLII, 4, 1974, p. 393-403. (12) Citons par exemple J. Lucas, « Un empereur psychopathe. Contribution à la psychologie du Caligula de Suétone », dans L’Antiquité classique, 36, 1967, p. 159-189 ; V. Massaro – I. Montgomery, « Gaius : Mad, Bad, Ill or All Three ? », dans Latomus, 37, 1978, p. 894-909 ; P. Somville, « Psychographie de Tibère », dans L’Antiquité Classique, 71, 2002, p. 85-92. appartenant davantage à la sphère privée qu’à celle du pouvoir ? Il faut certainement chercher la réponse dans l’identité des concepteurs des images des temples d’époque romaine et le degré d’influence de la cour impériale sur eux. (13) Dion Cassius, Histoire romaine, LIX, 28, 7. L’épisode de la naissance de la princesse impériale se retrouve chez Suétone, Vie des douze Césars, IV, 25. (14) M. Malaise, Les conditions de pénétration et de diffusion des cultes égyptiens en Italie dans M.J. Vermaseren (éd.), Etudes Préliminaires aux religions orientales dans l’empire romain, tome 22, Leiden, 1972, p. 397-398. Il interprète aussi les sacrifices d’oiseaux, tels des flamants roses (Suétone, Vie des douze Césars, IV, 57, 8-9), par Caligula comme une adoption du culte journalier égyptien. Pour A. Vigourt, Les présages impériaux d’Auguste à Domitien, Paris, 2001, l’empereur prenait les auspices. (15) Cité par D. Wardlee, Suetonius’ Life of Caligula. A Commentary (Latomus, 225), Bruxelles, 1994, p. 23 (16) Une étude très pertinente de cette thématique apparaît chez P. Ceausescu, « Altera Roma. Histoire d’une folie politique », dans Historia, 25, 1976, p. 79-108. (17) Voir, par exemple, la généalogie des dignitaires nommés sous Caligula dans J. Colin, « Les consuls du César-Pharaon Caligula et l’héritage de Germanicus. A propos des Fastes consulaires de l’Empire Romain par Attilio Degrassi », dans Latomus, 13, 1954, p. 394- 416. (18) G. Wagner, « Epigraphie grecque d’Egypte : A propos d’une nouvelle inscription d’Akôris », dans N. Fick – J.-Cl. Carrière (éd.), Mélanges Etienne Bernand, Paris, 1991, p. 387-392. (19) Cfr note précédente. (20) C. Robichon – A. Varille, Description sommaire du temple primitif de Médamoud, IFAO , Le Caïre, 1940 ; D. Valbelle, « La porte de Tibère à Médamoud. L’histoire d’une publication », BSFE, 81, 1978, p. 18-26 et Id., « La porte de Tibère dans le complexe religieux de Médamoud », dans Hommages à la mémoire de Serge Sauneron, I (BiEtud, 81), Le Caire, IFAO, 1979, p. 73-85. (21) B. Porter – R.L.B. Moss, Topographical bibliography, VIII, Oxford, 19752, p. 44-46. (22) S. Sauneron, Le temple d’Esna, VI, 1, Le Caire, IFAO, 1975, p. VII, p.69-70. Les princes impériaux n’apparaissent pas sur mon illustration qui est un gros plan sur les profils de leurs parents. (23) W. Fauth, Helios Megistos (Religions in the Graeco-Roman World, 125), Leiden, 1995, p. XXVIII. (24) J. Grafton Milne, A History of Egypt Under Roman Rule, Londres, 19243, p. 60. (25) F. Coppens – H. Willems, « Chenhour et la région coptite », dans H. Willems – W. Clarysse (éd.), Les empereurs du Nil, Louvain, 2000, p. 112. (26) G.M. Parassoglou, Imperial estates in Roman Egypt, New Haven, 1978, p. 71-73. Pharaon N°14 43 Reportage Les catacombes géantes de Tuna el-Gebel : des millions de momies ! Voilà un site archéologique que peu de touristes visitent : les catacombes de Tuna el-Gebel. Situées à quelques kilomètres d’Amarna, en Moyenne Egypte, il s’agit d’un des plus beaux sites de la région, surtout connu, par les stèles-frontières d’Akhenaton et l’exceptionnelle tombe de Pétosiris. Et pourtant, à quelques centaines de mètres de l’entrée, un des plus grands cimetières d’animaux sacrés de l’Egypte ancienne y a été creusé ! Reportage. Par François Tonic 44 Pharaon N°14 Reportage Pénétrer dans les catacombes du dieu Thot de Tuna el-Gebel est une expérience. Et encore, les gardiens ne montrent qu’une partie des kilomètres de galeries souterraines ! Les archéologues les répartissent en 4 grandes galeries : A, B, C et D. Ce lieu exceptionnel est appelé : Ibiotapheion. Il rappelle les oiseaux Ibis, animal sacré du dieu Thot, avec le babouin. Thot était vénéré dans la ville antique toute proche d’Hermopolis, en référence à Hermès, les Grecs voyaient en Thot leur dieu Hermès. Durant l’antiquité, deux entrées principales existaient dans les temples d’Osiris-Babouin et d’OsirisIbis. Aujourd’hui, l’entrée se fait par les ruines de plusieurs bâtiments : le temple d’Osiris-Babouin, les maisons des prêtres et un édifice que l’on surnomme la maison des archives. C’est là que les prêtres et embaumeurs momifient Ibis et Babouins. L’accès était caché, seules les personnes autorisées pouvaient y descendre. Cette entrée donne accès aux galeries Nord (galeries C et D). Les premières galeries datent des dernières dynasties égyptiennes (5e – 4e siècle av. JC), juste avant la conquête du pays par Alexandre le Grand, en 332 av. JC. Durant le règne d’Alexandre IV (317-305), le temple d’Osiris Babouin fut construit. Les galeries ne cessèrent plus se s’étendre sous les Ptolémée. Cependant, la fondation remonte à la 26e dynastie (664-525 av. JC), plusieurs objets de cette période furent découverts durant les fouilles archéologiques. Le culte de Thot se développa considérablement durant la période gréco-romaine, les galeries se multiplièrent afin de créer de nouvelles tombes aux animaux sacrés. Une roche dangereuse Les catacombes de Tuna el-Gebel souffrirent des tremblements de terre. Durant le 1er siècle avant notre ère, un séisme détruisit partiellement le temple principal ainsi que les habitations des prêtres et plusieurs galeries s’écroulèrent. Les zones écroulées furent condamnées et le sable les ensevelit rapidement. totalement remplie, elle est murée et les prêtres en ouvrent une nouvelle… Le visiteur est toujours impressionné par ces dizaines de milliers de poteries encore présentes dans les salles. Certaines galeries sont percées d’alvéoles (loculi). Elles contenaient un petit cercueil ou sarcophage d’un babouin ou d’un ibis. Les prêtres ne plaçaient pas au hasard les momies sacrées. Le pèlerin (la région était un lieu de pèlerinage important) ou tout Egyptien pouvait acheter une momie en l’honneur du dieu Thot (pour une prière, une offrande, une demande particulière). Sur le bon de commande, on précisait l’animal et surtout le prix ! Eh oui, en ancienne Egypte, l’offrande aux dieux était une affaire d’argent. Moins le prix était élevé, moins la momie était de qualité (voire parfois il s’agissait d’une fausse momie, plus rentable pour le temple), plus le prix était élevé, plus la momie sacrée était de qualité, avec cercueil ou sarcophage luxueux. Ptolémée I, dès 310 – 305 av. JC, fait construire un nouveau temple et réaménage entièrement l’entrée aux catacombes. C’est aussi à cette époque que le culte devient journalier dans les catacombes avec le creusement et l’aménagement de plusieurs chapelles dédiés au babouin Thot. Le visiteur peut visiter la plus belle. C’est aussi à ce moment là qu’apparaissent les oracles du dieu Thot. Les archéologues ont découvert plusieurs réponses de l’oracle sur papyrus. Les premières fouilles systématiques débutèrent seulement en 1933 avec l’archéologue égyptien Sami Gabra. La fouille prit fin en 1953 et malheureusement de «Lieu de repos de l’ibis, du babouin, du faucon, et les dieux qui reposent avec eux» (nom supposé des galeries souterraines) Tombe collective ou individuelle : combien tu paies ? Dans ces catacombes, nous trouvons deux types de tombes : des salles collectives et des alvéoles individuelles. Les salles collectives sont profondes mais étroites. Les momies, placées dans des poteries, s’entassent du sol au plafond. Quand une salle est Petites alvéoles contenant de petits sarcophages pour les momies d’ibis. Pharaon N°14 45 © J. Decoudun Reportage Chapelle dédiée à Thot. Plusieurs ont été creusées sous les Ptolémée. Plan des catacombes, d’après Dieter Kessler. 46 Pharaon N°14 Reportage Des maternités à animaux sacrés Chaque année, ce sont des dizaines de milliers d’animaux qui étaient momifiés et déposés dans les catacombes. Pour alimenter les prêtres, de nombreux élevages d’ibis furent créés autour de Tuna el-Gebel. Une véritable industrie sacrée prospéra sous les Ptolémée. Ptolémée I créa de nouveaux cultes et réorganisa les temples d’Hermopolis. Les babouins avaient leur propre nom dès la naissance. Non loin de la tombe de Pétosiris, un complexe était spécialement dédié aux animaux sacrés : un temple, un puits très profond et une sakia, un système pour remonter l’eau. Il fallait bien faire boire nos ibis… De là, une allée pavée reliant ce complexe (ou Tropheïon) aux catacombes). Les poteries servant aux momies provenaient sans doute d’ateliers propres de Tuna el-Gebel. Salle de momification des animaux sacrés. nombreuses informations ne furent jamais publiées, ou partiellement. Depuis 1989, une mission commune de l’université du Caire et de Munich exploite le sous-sol. Un travail long et lent : dégagement des salles à momies, confortement des plafonds, étude du matériel découvert (poteries, momies, objets divers). Les conditions de travail sont difficiles : pénombre, poussière épaisse, chaleur et moiteur des galeries. Les ouvriers travaillent avec des masques pour ne pas respirer poussière et décomposition des momies… Les galeries dépassent les 2,5 mètres de largeur pour une hauteur d’environ 4 mètres. Il faut imaginer le travail des ouvriers égyptiens il y a 2300 ans… Des puits de lumière étaient aménagés pour éclairer le dédale souterrain. Durant 700 ans, les prêtres y déposèrent les momies sacrées. De nombreux sarcophages et des momies sont visibles dans le musée de Mallawi, à quelques dizaines de kilomètres de Tuna el-Gebel. Ces objets montrent la diversité des inhumations : du coffre à peine débité au cercueil entièrement peint. les temples. C’était un moyen pour les Ptolémée d’avoir une relative tranquillité dans le pays et que les clergés soient conciliants envers eux. Mais l’administration romaine, peu après l’invasion du pays (30 av. JC), va couper les dépenses envers de nombreux cultes d’animaux. Tuna el-Gebel en est une des victimes. Le culte des babouins s’arrête en premier, tout comme les chantiers en cours. Le culte et l’élevage d’ibis disparaissent dès le 1er siècle de notre ère et les derniers prêtres désertent Tuna durant le 2e siècle. L’Etat ne veut plus payer Le gouvernement d’Alexandrie finance énormément les cultes et Bibliographie Salima Ikram, divines creatures, AUC Press, 2005 Collectif, L’Egypte restituée, tome 3, éditions errance, 1997 Nouveau ! Abonnement PDF 1 an (4 numéros) : 15€ seulement !* DISPONIBLE POUR LE MONDE ENTIER abonnez-vous directement sur le site internet : http://pharaon-magazine.fr/catalog/abonnement-pdf * offre spéciale de lancement Pharaon N°14 47 Hiéroglyphes Les principales prépositions et les adverbes Comme en français, la plupart du temps, la préposition sert à réunir deux mots, le second complétant le premier et indiquant un rapport particulier selon les circonstances. Ce mois-ci, nous abordons les prépositions et adverbes en ancien Egyptien… Par Damien Reculé (1) / Xr = sous / Dr = depuis (quelque part, une période de temps). Ainsi que : / mm = parmi. / Hna = en compagnie de, avec (qqn), ainsi que. / n = à, en faveur de, pour (qqn). / r = par rapport à, pour (qqch), à propos de, en direction de, jusqu’à (une période de temps). / m = dans, (provenant) de, au moyen de, par (quelque chose), en tant que. / mj = comme, conformément à, selon. / jn = par (qqn). Exemples / Hr = sur, au-dessus de, à propos de. m p.t Dans le ciel. / tp = sur. Hna=Tn Avec vous. (1)Titulaire du certificat de langue et grammaire égyptienne de l’Institut Khéops de Paris et Administrateur du site Internet : « Paroles sacrées : Forum dédié à l’apprentissage de l’égyptien ancien » (http://parolessacrees.xooit.fr/index.php) 48 Pharaon N°14 Hiéroglyphes Xr nh.t Sous le sycomore. jw bAk Xr nX.t. Les principaux adverbes (Ici et maintenant), le serviteur (est) sous le sycomore. Les adverbes précisent les circonstances de lieu, de temps ou de manière dans lesquelles se déroule l’action. Comme les prépositions, les adverbes ne s’accordent ni en genre ni en nombre. Adverbes de lieu jw Apd Hr jmw (Ici et maintenant), l’oiseau (est) sur la barque. / aA = ici Exemple avec un adverbe: (l’adverbe est noté en orange) / jm = là, y, dedans Adverbes de temps jw bAk jm (Ici et maintenant), le serviteur est là. Jw bAk Hna nb=f mjn (Ici et maintenant), le serviteur est avec son maître aujourd’hui. Utilisation dans une phrase simple L’égyptien possède un mot, servant à indiquer le temps et le lieu de l’énonciation, / / ‘jw’ = ‘ici et maintenant’, et que l’on nomme ‘indicateur d’énonciation’. Il se place en début de phrase et est invariable en genre et en nombre. Intraduisible, il est utilisé pour indiquer que l’action n’est pas située dans le passé ou le futur. Dans le prochain numéro, nous parlerons des adjectifs. Bibliographie Exemples avec une préposition: (la préposition est notée en violet) Grandet (Pierre) et Mathieu (Bernard), Cours d’égyptien hiéroglyphique, Paris, Khéops, 1991, 2003 Obsomer (Claude), Grammaire pratique du moyen égyptien, Paris, Safran, 2003 jw ssm.t m sb.ty (Ici et maintenant), le cheval (est) dans l’enclos. Fonte hiéroglyphique : Projet Rosette (http://projetrosette.info/page.php?Id=1) Pharaon N°14 49 Sacré © F. Tonic Fondation du temple. Le roi fixe les limites et l’orientation du temple avec une incarnation de la déesse Seshat. Ils plantent les pieux. Karnak. Archéoastronomie et la symbolique de l'orientation des temples e ie rt a p 3 de l'ancienne égypte La mission égypto-espagnole d’archéoastronomie de l’ancienne Egypte a réussi, ces dernières années, à mesurer l’orientation de plus de 330 temples, du Delta à Assouan, des Oasis au Sinaï. Les anciens égyptiens utilisaient-ils des alignements astronomiques pour orienter les temples ? Par FERNAND SCHWARZ 50 Pharaon N°14 Sacré Canopus (Canope) sur le plafond astronomique de Denderah (au centre). A gauche, Sirius, à droite, Orion. © V. Turmel visible, presque autant que Sirius. Elle est probablement symbolisée par le faucon royal perché sur un sceptre papyrus situé entre Orion et Sirius. Dans l'étude citée, 7 types d’orientation ont été identifiés : • l’équinoxiale, ou orientale • la solsticiale • la saisonnière du soleil, en rapport avec « l’Année errante » • celle de l’Etoile Sirius • celle de l’Etoile Canope • celle du méridien, septentrionale • celle des cardinales quatre ou la directions L’interprétation stellaire est très compliquée du fait que nous ne sommes pas en condition actuellement de comprendre la symbolique complète de Canopus pour les anciens Egyptiens. L’étoile Canopus est la seconde plus brillante étoile du ciel égyptien. Elle est l’étoile la plus méridionale du ciel osirien, située dans l’hémisphère sud céleste. L’étude de Sylvie Cauville sur le zodiaque de Denderah rappelle qu’elle est très brillante l’hiver et disparaît au petit matin. Dans le texte du zodiaque, elle est « l’étoile visible » et est assimilée à Osiris ; Canopus à l’automne, est bien A cet égard, un cas très intéressant de cette famille pourrait être celui du complexe d’Isis à Philae. L’axe principal du temple d’Isis pourrait avoir été orienté vers le coucher de Canopus. Cependant, l’axe perpendiculaire (et celui du temple d’Hathor) s’accorde parfaitement avec la déclinaison de Sopdet (Sirius), la manifestation céleste d’Isis (et d’Hathor durant cette période). Nous pourrions spéculer que Philae était situé en un lieu © F. Tonic Les chercheurs ont déterminé trois protocoles d’orientation : cardinale, solaire et stellaire. Abordons les 3 dernières catégories d'orientation. 5 – La famille de l’étoile Canopus On est encore incapable d’identifier clairement son nom, à l’exception de la référence très tardive de M. Capella qui l’appelait Ptolemaeus, en l’honneur du roi Ptolémée Lagos. Curieusement, une relation possible entre Canopus et Osiris (et par conséquent la mythologie d’Isis) est mentionnée par Plutarque, bien qu’on ne puisse pas savoir si le texte se réfère à l’étoile ellemême ou au pilote du vaisseau Argo. Cependant, Argo Navis, clairement la constellation cette fois, est mentionnée comme le bateau d’Osiris dans le même paragraphe. Le nom copte traditionnel de l’étoile peut également l’associer à la navigation. En outre, cette corrélation peut également être déduite d’un passage controversé du Livre du Jour et de la Nuit, qui mentionne Osiris, qui est « derrière » Sah. Ainsi l’étoile Canopus pourrait être liée d’une façon ou d’une autre à la triade Osirienne. Les temples égyptiens peuvent présenter une orientation très différente selon la topographie des lieux. Au Ramesseum, Christian Leblanc a clairement mis en évidence un double axe sacré et royal : Est-Ouest (cycle solaire par excellence, en rouge) et Nord-Sud (axe royal avec le palais royal). Pharaon N°14 51 Sacré © carte Google Alignement volontaire entre le temple d’Hatshepsout (Deir el-Bahari) et le temple de Karnak. Le premier monument étant fortement lié au dieu Amon. présentant une phénoménologie très particulière : un endroit singulier en Égypte où le lever de Sirius et le coucher de Canopus étaient presque perpendiculaires. 6 – La famille du méridien (ou septentrionale), à la recherche d’étoiles dans le Nord Les statistiques sur les orientations des temples indiquent la grande importance des orientations proches des Méridiens, pour ne pas dire précisément N-S, dans l’ancienne Egypte. En fait, il est hautement probable que les familles 1 et 6 soient les « deux faces de la même monnaie ». En effet, toutes les deux sont représentatives de la prédominance des orientations cardinales en accord avec la manière dont les anciens Egyptiens organisaient le cosmos. Nous pensons que cette tradition du Nord était effectivement atteinte à travers l’orientation vers certaines configurations d’étoiles proches du pôle céleste, et que la constellation circumpolaire de Meskhetyu était sans aucun doute l’un des plus importants astérismes (figure remarquable dessinée par des étoiles particulièrement brillantes.) de la religion égyptienne, depuis l’Ancien Empire, si ce n’est avant, où elle apparaît dans les Textes des Pyramides comme « l’étoile 52 Pharaon N°14 impérissable » par excellence, jusqu’à la période Ptolémaïque. Les quatre trous alignés pour des mâts dressés probablement situés devant la façade du bâtiment connu comme la structure HK29A sur le site de Hierakonpolis pourraient être le plus ancien exemple connu d’un bâtiment orienté à la fois topographiquement et astronomiquement. Les étoiles circumpolaires étaient associées à l’idée de poteaux d’amarrage, qui permettaient de s’orienter, comme on vient de le voir par rapport aux étoiles de la constellation de la Grande Ourse. On peut distinguer deux ensembles de poteaux d’amarrage, connus, dans l’ancien firmament égyptien. Deux formaient un double positionnement entre les mains de la déesse Reret et occupaient la région de la Queue du Dragon et une partie de la Petite Ourse. L’étoile polaire de l’Ancien Empire, Thuban, qui était dans la constellation du Dragon était l’étoile pivot, avec Kochab dans la Petite Ourse qui était l’étoile la plus brillante du groupe. Les autres poteaux d’amarrage, mentionnés à l’époque ramesside, étaient Menit, le pendant d’Arcturus qui était l’étoile la plus brillante du couple. Il y a une paire de monuments qui pourraient être considérés comme de vrais paradigmes du groupe : le temple d’Horus à Edfou et le sanctuaire d’Amon à Qasr Zaiyan. Leurs axes sont très proches de la ligne des méridiens, bien que, dans les deux cas, la porte du temple ouvre vers le Sud. Cependant cette orientation en fonction des méridiens était atteinte par l’observation des étoiles du nord. De fait, dans le cas d’Edfou, les inscriptions mentionnent de manière répétitive et obsessionnelle l’observation de Meskhetyu par le roi, en présence de Thot, durant une certaine nuit lorsque la Lune était dans son 6ème jour, les calculs modernes suggérant que le temple d’Horus était aligné sur le point culminant le plus bas, soit de Merak, soit de Phecda, aux alentours de minuit le 23 août 253 avant JC, lorsque la minuscule lumière du coucher de la Lune montante offrait une atmosphère parfaite pour célébrer la cérémonie de l’étirement de la corde. 7 – La famille des quart-de-cardinal La famille quart-de-cardinal est définie comme un groupe de temples dont l’orientation est proche de 45° (NE), 135° (SE), 225° (SO) ou 315° (NO). Nous pensons qu’il s’agit d’un sous-groupe de la super-famille cardinale. Cette orientation était atteinte en déterminant tout d’abord un alignement nord, dont l’axe Sacré était ensuite dévié de 45° ou 135°, soit dans le sens des aiguilles d’une montre pour les temples ouverts vers le côté est de l’horizon, qui sont les plus fréquents, soit dans le sens inverse des aiguilles d’une montre pour les temples ouverts vers le côté ouest de l’horizon. En agissant ainsi, une orientation simultanément astronomique et par rapport au Nil a pu être réalisée dans plusieurs cas. Certains des Temples des Millions d’années des rois du Nouvel Empire, en particulier à Abydos et Thèbes Ouest, sont de bons représentants de ce groupe. On a obtenu différentes configurations célestes de l’astérisme de Meskhetyu, observées depuis deux localisations importantes et différentes époques : (a) Transit méridien simultané de Phecda (gUMa) et Megrez (dUMa) dans les temps prédynastiques à Kom el Ahmar pour l’alignement de la Structure HK29A. Cette configuration particulière de Meskhetyu aurait été utilisée à Kom el Ahmar peut-être parce que la constellation n’était pas circumpolaire sur le site aux temps prédynastiques, étant donné que Merak (bUMa) aurait légèrement disparu derrière l’horizon local. (b) Point culminant bas de Merak (bUMa) dans les premiers temps dynastiques au cimetière royal de Umm el Qab (Abydos), expliquant peut-être le caractère sacré du site. (c) identique au premier cas, mais vers 1290 avant JC afin d’expliquer l’orientation anormale de l’Osireion et du temple associé de Sethy I à Abydos qui aurait été ajusté selon la visibilité de Phecda et Megrez, lorsque le transit vertical de ces deux étoiles eut lieu assez loin du méridien en raison de la précession. (d) Transit méridien bas de Alkaid (hUMa) à Abydos durant une période où le caractère circumpolaire de Meskhetyu touchait à sa fin sur le site après deux millénaires à cause de la précession. Cependant, il est plausible que le « lever » ou « coucher » d’Alkaid (hUMa), presque plein Nord, était la configuration céleste choisie le plus communément pour établir la ligne méridienne durant le Nouvel Empire à Abydos. Il est intéressant de noter que, comme dans le cas de Hierakonpolis, en faisant pivoter de 45° l’axe déterminé astronomiquement, les entrées des temples dans la zone d’Abydos seraient presque perpendiculaires à la vallée du Nil dans cette région (pas nécessairement au fleuve luimême), une fois de plus globalement en accord avec l’hypothèse Nil. La double orientation Néanmoins, le groupe de monuments le plus intéressant est celui formé par le temple des Millions d’Années et les temples adjacents de Thèbes Ouest (rive gauche de Louxor). L’horizon nord des temples, à l’exception du cas du temple de Seti I, est masqué par les collines thébaines. Cependant, on constate que la majorité des bâtiments aurait eu un lien raisonnable avec le lever ou le coucher de certaines étoiles de Meskhetyu durant le Nouvel Empire et au-delà. Parmi ces temples, il y a plusieurs cas intéressants et des exceptions. Dans les exceptions, nous pouvons inclure le Temple des Millions d’Années d’Amenhotep III qui était orienté vers le soleil levant au solstice d’hiver. L’archéologue Betsy Bryan a suggéré que ce temple était une sorte d’immense diagramme céleste. L’horizon nord vu depuis la cour extérieure du temple de Ramsès III à Medinet Habu montre un trait topographique particulier qui se détache du reste du paysage, l’aspect « plateau » d’une section des falaises de Deir el Bahari. © carte Google Umm el Qab, en Abydos, était le site d’un immense cimetière prédynastique et contenait également les tombes des premiers rois d’Egypte, alors que l’Etat égyptien était en formation et peut-être que certains aspects métaphysiques relatifs au roi se développaient. Nous pouvons imaginer que, d’un côté, Umm el Qab fut sélectionné comme emplacement du cimetière royal parce qu’il s’agissait du premier endroit en voyageant vers le Nord où Meskhetyu aurait été circumpolaire ou bien, d’un autre côté, que l’importance relative des étoiles de Meskhetyu, telles que ikhemy seku (étoiles « impérissables ») par excellence, était due au fait qu’elles étaient circumpolaires sur le site de la nécropole royale. Les deux solutions sont possibles, mais la première, semble certainement en accord avec la relation intime entre l’astronomie et le paysage. À cet égard, T. Wilkinson a suggéré que les rois qui unifièrent l’Egypte étaient originaires de Hierakonpolis, mais qu’ils établirent leur cimetière royal à quelques centaines de kilomètres au nord à Umm el Qab, à Abydos. Ceci pourrait supporter l’idée que l’emplacement de la nécropole royale fut choisi délibérément dans un but religieux. Alignement parallèle au Nil, exemple avec le temple d’Edfou, le temple de Denderah est orienté perpendiculairement et selon un axe astronomique Pharaon N°14 53 Sacré Alkaid se serait levée au-dessus de cette particularité pour fournir l’orientation du temple d’Amon (à Médinet Habou) sur le site à l’époque de Toutmosis III, le constructeur de ce temple conjointement à Hachepsout en 1450 avant JC. Un quart de millénaire plus tard, le Temple des Millions d’Années de Ramsès III fut construit à proximité. A cette occasion, cependant, une bien meilleure orientation fut obtenue par l’observation du lever d’une autre étoile de Meskhetyu (peut-être Phecda) sur la même particularité topographique. Le Ramasseum Le Ramasseum a un plan trapézoïdal qui rend difficile la définition d’un axe de symétrie pour le complexe. Les chercheurs ont défini deux axes principaux sur le site : le premier est celui qui permet une vue dégagée depuis le sanctuaire et tout le long jusqu’à l’entrée du complexe (Axe Principal) et le second est la ligne perpendiculaire au pylône principal. Ils diffèrent d’environ 2°, ce qui montre que Ramsès II a peut-être rencontré deux alternatives possibles pour définir l’orientation de son temple. Une des causes possibles de cet axe double pourrait être l’ancien temple construit sur le site par Seti I avec la même orientation que l’axe principal du Ramasseum… On n’a pas pu trouver, pour aucun des deux cas, une hypothèse raisonnable pouvant expliquer cette double orientation si les directions actuelles sont prises en compte, ni en regardant vers l’extérieur (vers la rivière), ni en regardant vers l’intérieur (vers les montagnes), pas même en considérant les directions perpendiculaires (±90°). Les interprétations prosaïques, par exemple en arguant que le Ramasseum est orienté vers le temple de Louxor, doivent être abandonnées car elles sont incapables d’expliquer la dichotomie ou sont simplement fausses. Il est possible qu’une fois de plus la famille quart-de-cardinal soit la solution. Depuis le Ramasseum, les collines thébaines s’étendent presque plein nord. A l’époque de Ramsès II, quatre étoiles de Meskhetyu étaient circumpolaires dans cette direction, une autre étoile (Alkaid) offrirait un faux alignement et deux, Merak et Phecda, offrent des alternatives raisonnables pour obtenir une orientation proche du Méridien. Nous estimons que l’axe principal, ou son parallèle pour le temple de Bibliographie « In search of cosmic order », de Juan Antonio Belmonte et Mosalam Shaltout, Edition Supreme Concil of antiquities press, 2009. “The ancient egyptian monuments and their relation to the position of the sun, stars and planets III, key points at lower Egypt and Siwa oasis”, In Publications du conseil suprême des antiquités de l’Egypte. “The ancient egyptian monuments and their relation with the position of the sun, stars and planets II New experiments at the oases of the western desert” In Publications du conseil suprême des antiquités de l’Egypte. « The ancient egyptian monuments and their relation to the position of the sun, stars, and planets : report on the first phase, upper Egypt and lower Nubia february 2003 », par Magdy Fekri, Juan Antonio Belmonte, Mosalam Shaltout In Supplément aux annales au service des antiquités de l’Egypte, Cahier n°35. 54 Pharaon N°14 Séti, pourrait avoir été obtenu par l’observation du coucher de Phecda et la perpendiculaire au pylône par le coucher de Merak. Conclusion Dès les origines de la civilisation égyptienne, l’orientation des temples devait remplir deux objectifs, afin de remplir les exigences religieuses : (i) un temple devrait être orienté selon le royaume céleste, et aussi (ii) un temple devrait être orienté selon le Nil. La famille d’orientations quartde-cardinal était la solution trouvée à ce problème dans de nombreuses zones du pays, en particulier en Haute-Egypte. Un axe préliminaire (généralement une ligne Nord-Sud) était établi par observation astronomique (principalement en fonction des étoiles de Meskhetyu) et ensuite en faisant pivoter ceci de 45° ou 135° (ou même 90°), l’axe définitif du temple, perpendiculaire ou presque perpendiculaire au Nil (parfois parallèle), était obtenu. Il s’agit là d’une étude passionnante et importante pour mieux comprendre l’implantation des monuments et la raison de leur orientation. « La lumière et la répartition des textes dans la pyramide », Gertie Englund, In Hommage à Jean Leclant, BdE 106/1, 1993. « Nouvelles observations relative à l’orientation de la pyramide de Khéops », G. Goyon, revue d’égyptologie n°22, 1970. « Le grand château d’Amon de Sesostris 1er à Karnak », L. Gabold, IFAO, 1998. « Le lieu du temple », Fernand Schwarz, Albin Michel, 1988. « Aspects de géographie sacrée : l’orientation solsticiale et équinoxiale dans l’ancienne Égypte », M Maistrocchi, Ed Arche, 1981. « Du caractère religieux de la royauté pharaonique à Amon Rê », Ed Leroux, 1902. « Le zodiaque d’Osiris », S Cauville, Peeters, 1997. « L’esprit du temps des pharaons », Erik Horning, Hachette, 1998. égyptologie Le rhinocéros est (une) licorne en égypte Les preuves de la présence du rhinocéros en Egypte sont issues de l’une des trois sources suivantes : ostéologique, iconographique ou écrite. Des trois, les sources ostéologiques sont généralement celles qui remontent le plus loin dans le temps, et les sources écrites sont a contrario les plus récentes. Par Nicolas Manlius (1) Fig. 1 C'est quoi un rhinocéros ? Les rhinocéros (classe des mammifères, ordre des périssodactyles, famille des rhinocerotidaes) peuvent mesurer 5 m de long pour 1,80 m au garrot, et atteindre un poids avoisinant les trois tonnes. Le nom rhinocéros est composé des mots grecs rhinos et keras, qui signifient respectivement « nez » et « corne ». Ces deux mots furent choisis à bon escient pour le nommer, car il est le seul mammifère terrestre à porter de une à deux cornes sur le nez, les autres mammifères cornus les portant tous sur le front (exception faite du narval, dont l’unique corne - la canine gauche hypertrophiée est située en position nasale). Cinq espèces de rhinocéros actuels ont été décrites. Deux, pourvues chacune de deux cornes, vivent en Afrique : le rhinocéros blanc (Ceratotherium simum), et le rhinocéros noir (Diceros bicornis) (figure 1). Les trois autres espèces vivent en Asie : elles ont soit deux cornes, avec le plus petit et le plus poilu des rhinocéros, le rhinocéros de Sumatra (Dicerorhinus sumatrensis), soit une seule corne, avec le rhinocéros de Java (Rhinoceros sondaicus) et le rhinocéros indien (Rhinoceros unicornis). En haut, rhinocéros blanc, reconnaissable à sa bouche droite (due à deux lèvres de même taille), à sa corne postérieure très réduite et à la présence d’une bosse sur sa nuque. En bas, rhinocéros noir, reconnaissable à sa bouche de forme crochue (due à sa lèvre supérieure développée et rabattue sur le devant pour devenir plus préhensile). D’après Haltenorth & Diller (1985, pl. 22). Les sources ostéologiques se résument en la découverte d’ossements néolithiques de rhinocéros blancs dans le Désert Ouest, plus précisément en son centre dans l’oasis de Dakhla (dents) et en son sud-ouest dans la région d’El Nabta (Bir Tarfaoui et Sahara). Les sources iconographiques ne sont guère plus nombreuses et montrent une unique représentation néolithique d’un rhinocéros noir, figurant au côté d’un éléphant d’Afrique (Loxodonta africana), en Haute-Egypte à l’est du Nil, entre le village d’El Hoch (situé à une trentaine de En réalité, les cornes des rhinocéros ne sont pas toutes disposées sur leur nez : si les rhinocéros unicornes la portent bien sur le nez, les bicornes ne portent que l’antérieure sur leurs os nasaux, la postérieure étant disposée au niveau de leur os frontal. Par ailleurs, leurs cornes ne sont pas faites d’os mais de cellules agglutinées constitués de kératine (protéine constitutive des cheveux, des ongles ou des sabots). Le fait que les accouplements de rhinocéros puissent durer plus d’une demi-heure a fait attribuer à leurs cornes (bien entendu à tort) des vertus aphrodisiaques. Ainsi, pour en extraire les principes supposés, les Chinois et les Japonais les broyaient pour les consommer en infusion. Le fait également que leurs cornes possèdent la forme suggestive d’un phallus les a faites considérées par les Yéménites comme des symboles de virilité, et utilisées en guise de fourreaux à poignards. Par ailleurs, leur cuir fournissait d’excellents boucliers à certaines peuplades africaines, et sous de nombreuses cultures, leurs cornes avaient la réputation de contrecarrer les effets du poison, réputation peut-être due au fait que la kératine (présente en très forte quantité dans les cornes) ne peut être attaquée par les alcaloïdes de certains poisons. Conséquence logique : partout, en Egypte comme ailleurs, les populations de rhinocéros furent décimées par une chasse à outrance. (1) Docteur en biogéographie historique, spécialiste de la faune d’Egypte. Pharaon N°14 55 égyptologie Fig. 2 Gravure de rhinocéros découverte en Haute Egypte entre El Hoch et le Ouadi Saba Errigal, sur la rive ouest du Nil, à 27 km au nord de Kom Ombo (Osborn & Osbornová,1998, p. 139, cf. Winkler, 1938, pl. XXI). Ses deux cornes bien visibles et son absence de bosse au dessus du cou plaide pour un rhinocéros noir. kilomètres au sud d’Edfou) et le Ouadi Saba Errigal (figure 2). De facto, les deux espèces africaines de rhinocéros (le blanc et le noir) vivaient encore en Egypte à une époque antérieure au Prédynastique (le Prédynastique correspond au Néolithique le plus récent, qui couvre la période de 4500 à 2910 av. J.-C.). Les représentations égyptiennes Le rhinocéros blanc, en tant que brouteur d’herbe rase _ comme en témoignent ses lèvres droites _, fréquente de préférence les plaines de savane. Or, avant le Prédynastique, le Désert Ouest était pourvu de plaines ouvertes. Il est donc logique de penser que cette espèce devait vivre à cette époque dans le Désert Ouest, comme le confirment d’ailleurs les découvertes ostéologiques dans ce désert. Le rhinocéros noir, en tant que consommateur de plantes plus hautes en forme de buisson - comme en témoigne sa lèvre supérieure préhensile -, fréquente préférentiellement les forêts ouvertes. Il est par conséquent logique de penser que cette espèce devait vivre le long des rives boisées du Nil, comme le confirme la représentation d’un rhinocéros noir en Egypte précédemment citée, ainsi que dans certains oueds fournis en végétation du Désert Est (voir la carte de distribution, figure 3). Cette distribution égyptienne prédynastique suit celle de l’éléphant d’Afrique et de la girafe (Giraffa camelopardalis), respectivement parues dans Toutankhamon Magazine, 39 et dans Pharaon 5 ; ce qui n’a rien d’étonnant en soi car 56 Pharaon N°14 ces trois grandes espèces partagent le même habitat. Sauf que des trois, ce fut le rhinocéros qui se maintint le moins longtemps dans le pays. La seconde représentation dont on est certain qu’il s’agit d’un rhinocéros noir est une gravure portée par un pylône du temple d’Armant (à 16 km au sud-ouest de Louxor) qui daterait du règne de Thoutmosis III (XVIIIe dynastie) (figure 4). Cependant, il ne s’agit plus ici d’un rhinocéros à l’état sauvage car cet animal apparaît clairement en tant que tribut ramené au pharaon en provenance du royaume de Koush (pays s’étendant entre la première et la quatrième cataracte du Nil) en signe d’allégation du peuple de ce pays envers le pharaon conquérant. Il n’existe que deux autres représentations datant de l’Egypte pharaonique qui soit assimilables au rhinocéros. Mais toutes deux sont sujettes à caution. La première a été décrite par Hilzheimer, zoologue connu dans le monde de l’égyptologie pour ses études sur certains grands mammifères improbables de l’ancienne Egypte (il rédigea par exemple une étude sur le daim en ancienne Egypte). Cette représentation correspond à un animal énigmatique d’un bas-relief du temple solaire de Niouserrê (5e dynastie) à Abou Gorob (figure 5). Le fait que sa corne soit placée entre le nez et le front et qu’il ne présente pas de pavillons auriculaires l’a fait interprété, par la plupart des auteurs, comme étant un animal fantaisiste. Toutefois, les autres caractéristiques physiques de son corps font nettement penser à un rhinocéros, et il est par conséquent très possible que l’artiste, à défaut de l’avoir observé de visu, ait pu se faire décrire un rhinocéros ; ce qui reviendrait à dire que le rhinocéros pouvait encore se rencontrer à l’époque, si ce n’est en Egypte, du moins non loin de ses frontières sud. La seconde représentation prêtant à caution, et que certains auteurs ont tenté d’interpréter comme étant celle d’un rhinocéros, est un animal fabuleux peint sur les murs du tombeau de Bakht, à Béni Hassan (11e dynastie, de 2130 à 1785 av. J.-C.) (figure 6). Il faut savoir qu’en vue d’évoquer un animal fabuleux les anciens Egyptiens utilisaient le moyen simple consistant à réunir la tête et le corps d’animaux d’espèces différentes. Le corps de cet animal chimérique est manifestement Fig. 3 Carte prédictive de la distribution géographique des rhinocéros noirs et blancs en Egypte durant le Néolithique ancien (de 10 000 à 4500 av. J.-C.). Les zones colorées en orange (long du Nil et Désert Est) correspondent à la présence du rhinocéros noir ; les zones en vert, dans le Désert Ouest, à celle du rhinocéros blanc. égyptologie Fig. 5 Fig. 4 celui d’un bovidé, peut-être un capriné (il pourrait s’agir de celui d’un bouquetin de Nubie, Capra ibex, espèce encore fréquente en Egypte), mais nullement celui d’un rhinocéros. De plus, sa tête ne présente pas de pavillon auriculaire et n’a pas le profil de celle d’un rhinocéros ; seule sa corne nasale pourrait, vaguement, évoquer l’idée de rhinocéros, mais de façon très imparfaite (car cette corne est longue et étroite, et non de forme conique comme le sont celles des rhinocéros). La forme très particulière de cette corne ouvre tout naturellement la voie aux spéculations discursives sur la licorne, que nous allons donc aborder dans le chapitre suivant. LICORNE, GENERALITES La représentation précédente d’un animal fantastique muni d’une longue corne sur le nez (celle du tombeau de Bakht, figure 6), rappelle la silhouette de la licorne telle qu’elle est perçue de nos jours en Occident, à savoir un cheval blanc immaculé porteur d’une longue corne droite torsadée sur le chanfrein du nez. Par conséquent, il est légitime de penser que dans l’inconscient occidental, cette représentation put être considérée comme une possible image inspiratrice du célèbre cheval blanc à corne. Gravure d’un rhinocéros dans le temple solaire de Niouserrê (Ve dynastie) à Abou Gourab, près d’Aboussir. D’après Hilzheimer (1926, 167, fig. 25). La corne placée entre le nez et le front et l’absence de pavillons auriculaires ne contribuent pourtant pas à rendre cet animal facilement identifiable. licorne : la première prône une pure création de l’imaginaire, la seconde une confusion avec des animaux réels. Dans chacune de ces deux grandes hypothèses, plusieurs sous théories existent. Cette diversité des explications témoigne de l’attrait que cet animal mythique exerce sur les esprits, sans doute du fait de son côté mystique et ésotérique non dénué d’une dimension sexuelle (sa couleur blanche synonyme de virginité, son attirance pour les jeunes filles et sa corne dressée constituent, à ce titre, des occurrences troublantes). L’explication la plus consensuelle à l’origine de la licorne avance que son nom et son image sont nés de récits transmis de génération en génération, et dans lesquels figure le rhinocéros. Tout commence avec le médecin grec Ctésias de Cnide, qui résida à la cour de Perse d’environ 416 à 398 av. J.-C. Mélangeant probablement des récits dont il eut connaissance sur le rhinocéros indien et sur l’âne sauvage, il décrivit un « monoceros » ayant la forme d’un onagre sauvage au corps blanc et a la tête couleur de pourpre portant une corne s’élevant au milieu du front. Cette création chimérique fut par la suite relayée par plusieurs auteurs grecs (Aristote) et latins (Pline l’Ancien, Philostrate l’Athénien, Elien). Les traducteurs juifs hellénisés d’Alexandrie prirent le relais vers le IIe siècle av. J.-C. en réalisant une mauvaise traduction grecque du Livre des Psaumes (écrit en hébreu à partir du Xe siècle av. J.-C.). Ayant sans doute entendu parlé du « monoceros » de Ctésias de Cnide et d’Aristote, ils auraient traduit le nom hébreu « re’em » (désignant un animal de trait, probablement un bœuf), mentionné dans le Livre des Psaumes, en « monokeros ». Cette mauvaise traduction fut par la suite reprise et traduite dans la version latine des Psaumes en « unicornis », nom qui servit alors de base aux traductions ultérieures Les anciens égyptiens, en vue d’évoquer des animaux fabuleux, utilisèrent un moyen qui consiste à réunir une tête et des parties de corps d’animaux d’espèces différentes. Cette chimère peinte sur les murs du tombeau de Bakht, à Béni Hassan (XIe dynastie), portant sur le nez ce qui peut ressembler à une corne de rhinocéros, en est un exemple. D’après Manlius & Schneider Fig. 6 Toutefois, pour mieux percevoir la relation liant des représentations anciennes à la licorne occidentale, il faut au préalable retracer l’historique de la genèse de celle-ci. Deux grandes hypothèses ont été formulées pour tenter d’expliquer l’origine de la Pharaon N°14 57 égyptologie Fig. 7 Oryx algazelle photographié par l’auteur au Jardin Zoologique de Gizeh en avril 1999. des flancs colorés en roux avec des marques brun rouille sur le front et le mufle, et enfin, possède deux longues cornes pointues en forme de cimeterre (figure 7). pour, finalement, aboutir à la prononciation altérée de « licorne » de l’italien et du français moyenâgeux. Au VIe siècle de notre ère, l’animal prototype de la licorne possède bien une longue corne droite, mais a encore le corps d’une chèvre au pelage noir ou blanc. Elle se différenciera progressivement au cours des siècles en acquérant des caractères chevalins _ remplaçant peu à peu les caractères caprins _ pour finalement se transformer, à la Renaissance, en ce fin cheval blanc à longue corne torsadée, ne gardant de ses origines caprine qu’une mince barbichette et des sabots fendus. Ceci étant, si émotion il y a bien eu, l’origine, la source matérielle, reste à déterminer. En d’autres termes, quel animal réel a inspiré à Fabri l’image d’un être aussi fabuleux que la « licorne d’Egypte » ? Certains auteurs estiment qu’ayant entendu parler de la description donnée par Ctésias de Cnide, Fabri aurait aperçu une antilope algazelle (Oryx dammah), qui est à peu près du même gabarit que l’onagre, a une coloration générale claire, un ventre blanc, une encolure et Toutefois, l’algazelle n’était pas présente dans le Sinaï durant l’époque de Fabri. En réalité, les seuls ongulés à cornes encore présents dans la péninsule au XVe siècle étaient le bouquetin de Nubie (Capra ibex) , animal rupicole par excellence, ou bien des gazelles (soit la gazelle dorcas, Gazella dorcas, soit plus vraisemblablement la gazelle d’Arabie, Gazella gazella, espèce beaucoup plus montagnarde). Si donc Fabri observa un individu de ces espèces, il n’existe que trois possibilités. Première possibilité : il n’est pas exclu qu’il ait simplement aperçu un individu de profil dont l’une des cornes masque l’autre. Seconde possibilité : il n’est pas impossible non plus qu’il ait pu voir un animal possédant une corne cassée. Troisième possibilité : Fabri aurait vu un individu présentant une pathologie de croissance des cornes Fig. 8 Fabri indique avoir aperçu en 1483 dans le Sinaï, au sommet d’une colline, un « rhinocéros », qu’il nomme ensuite « unicorne », puis « licorne ». Il n’a évidemment pas aperçu de rhinocéros puisque, comme nous venons de le voir, ces animaux avaient depuis bien longtemps disparu d’Egypte. Bien sûr, il n’a pas non plus aperçu de licorne, et a donc très probablement observé un animal qu’il reste à déterminer. Comme le remarque Jean Meyer, l’intervention d’un animal aussi fantastique que la licorne dans le récit d’un voyageur occidental isolé dans un lieu aussi grandiose et inconnu que les montagnes du Sinaï, « vise à transmettre (…) l’émotion et l’admiration que purent ressentir les pèlerins dans le désert ». 58 Pharaon N°14 © Urban, 2005. Photographie libre de droit provenant du site Licence Creative Commons. LES LICORNES EN EGYPTE Photographie d’une mosaïque de sol de la série Grande Chasse, de la Villa del Casale près de Piazza Armerina (Enna, Sicile, Italie) montrant un rhinocéros indien à une corne. égyptologie pour laquelle l’une d’elle pousse vers le bas, perpendiculairement aux os nasaux, cas se produisant parfois chez les antilopes, les gazelles et les bouquetins, et donnant, de profil, l’impression de deux cornes nasales : tout comme chez les rhinocéros africains. Ce qui donnerait, de loin, l’impression d’une unique corne frontale. En soi, un tel animal serait déjà, zoologiquement parlant, pour partie fabuleux. LE RHINOCEROS REDECOUVERT PAR L’EUROPE Albrecht Dürer. Cette apparition fit grand bruit en Europe car elle confirmait la description laissée par Pline l’Ancien dans son Histoire naturelle. La gravure que fera Dürer la même année du Rhinocerus, aujourd’hui conservée au British Museum (figure 9) sur la seule base des descriptions faites de l’animal de Lisbonne, permettra au rhinocéros de faire un retour en force dans l’iconographie européenne. Bien que peu réaliste, avec son armure et sa petite corne de licorne sur l’épaule, cette image sera fidèlement reproduite par presque tous les peintres, illustrateurs, ou sculpteurs. Et ce jusqu’au milieu du 18eme siècle. Dessin réalisé à l’encre en 1515 par Albrecht Dürer (British Museum of London, 5218/161). Dürer a transformé la peau du corps en plaques de crustacés, ajouté une queue d’éléphant, et sur le garrot, une petite dent de narval, ainsi que des écailles de reptiles sur les membres. Photographie libre de droit. Fig. 9 Des rhinocéros probablement originaires du Soudan furent importés dans la Rome antique, comme le montre la mosaïque romaine de la villa del Casale, en Sicile, représentant un rhinocéros indien à une corne (figure 8). Mais il faudra attendre le 12ème siècle pour que le rhinocéros fasse de nouveau parler de lui en Europe. L’individu à l’origine de cette renaissance est un rhinocéros indien offert en 1514 par le sultan de Cambay (Gujarat, Inde) au roi du Portugal, et qui fut ramené à Lisbonne en 1515. On en fit plusieurs dessins, dont un en particulier servit de modèle à Bibliographie Churcher, C. S. (1980). Dakhleh Oasis Project. Preliminary observation on the geology and vertebrate palaeontology of northwestern Dakhleh Oasis. A report on the 1979 fieldwork’. The journal of the society for the study of Egyptian antiquity, 10 : 378-395. Ctesias de Cnide (2004) - La Perse - L’Inde - Autres fragments. N° 435. Texte établi, traduit et commenté par D. Lenfant. Les belles Lettres, Paris. Keimer, L. (1948). Note sur les rhinocéros de l’Egypte ancienne. Annales du service des antiquités de l’Égypte, 48 : 47-54. Fabri, F. (1483). Le voyage en Egypte de Félix Fabri. Collection « Voyageurs occidentaux en Egypte », IFAO, Le Caire, 1975, T. 1-3. Faiduti B. (1996). Images et connaissance de la licorne. T. 1 et 2. Thèse de doctorat de l’Université Paris XII. http://www.faidutti.com/unicorn/unicorn.htm Gautier, A (1993). The Middle Paleolithic Archaeofaunas from Bir Tarfawi (Western Desert, Egypt). In Egypt during the Last Interglacial. The Middle Paleolithic of Bir Tarfawi and Bir Sahara East. F. Wendorf, R. Schild & A. E. Close (éd.), Plenum Press, New York & London : 121-143. Haltenorth, T. & H. Diller (1985). Mammifères d‘Afrique et de Madagascar. Delachaux & Niestlé, Neuchâtel. Hilzheimer, M. (1926). Saugetierkunde und Archaeologie. Zeitschrift fur Saugetierkunde, 1: 140-169. Litingre, P. (1964). La Licorne, animal d’Afrique. Notes africaines, 103 : 83-90. Manlius N. & Schneider J. - L’oryctérope et le phacochère, éléments de deux animaux fabuleux de l’Egypte ancienne. ArchæoZoologia, 9 : 103-112 Meyers J. (2008). Le « rhinocéros » de Frère Félix Fabri. Rursus, 3. http://rursus.revues.org/221 Mond R. & Myers O. H. (1940). Temples of Armant : a Preliminary Survey : The Plates. The Egypt Exploration Society, London. Osborn, D.J. & J. Osbornová (1998). The Mammals of Ancient Egypt. Aris & Phillips, Warminster. Winkler, H. A. (1938). Rock-Drawings of Southern Upper Egypt I. Sir Robert Mond desert expedition, season 1936-1937, preliminary report. The Egypt exploration society & H. Milford, Oxford University Press, London. Pharaon N°14 59 été La rentrée égyptologique 2013 ! Les associations égyptologiques proposent aussi dès septembre / octobre des cours et ateliers sur la civilisation égyptienne et les hiéroglyphes. N’hésitez pas à les contacter. Association égyptologique du Gard (Nîmes) Dès le 17 septembre, reprise des cours et ateliers au centre Pablo Neruda sur “ Les oiseaux emblématiques de l’Egypte ancienne” et “Le masque funéraire égyptien: évolution et symbolique”. 18 janvier 2014 : 9e rencontre égyptologique de Nîmes sur « la parenthèse amarnienne », de 9h à 18h. Les intervenants seront : Marc Gabolde, Dimitri Laboury, Rémo Mugaioni, Stéphane Pasquali et Robert Vergnieux. Une conférence à ne pas manquer ! Association « les amis de Champollion » (Troie) 4 octobre : la Maât, par Christian Cannuyer 18 octobre : « les secrets d’Abydos, par Cécile Bernal 13 septembre : “ Cléopâtre, du mythe à la réalité”, par Alexandra Nespoulous-Phalippou 28 octobre : la 30e dynastie, par Hélène Virenque 24 septembre : Nadine Guilhou proposera deux modules de six séances chacun autour de “Les fêtes de l’Egypte ancienne “ et “ les statues de dieux”. 10/11 octobre : L’Alexandrie des Ptolémée Association Thot (Nancy / Metz) 14/15 novembre : conférences de Dimitri Laboury, pas de précisions sur le thème abordé Association dauphinoise d’égyptologie Champollion (Grenoble) 5/6 octobre : fête de l’égyptologie sur le thème « Champollion et l’égyptologie en Dauphiné ». De nombreuses activités seront proposées : conférences, ateliers, lectures, exposition. Pharaon Magazine sera présent. Cette année, la fête se tiendra à Vif, à quelques kilomètres de Grenoble. AEREA (Le Chesnay) 8 octobre : conférence de J-P Corteggiani sur Marguerite Yourcenar et l’Egypte. Organisée par la mairie du Chesnay. Lieu : la Grande Scène du Chesnay. Pour en savoir plus : [email protected] Centre languedocien d’égyptologie (Béziers) 7 septembre : trésors littéraires de l’Egypte ancienne (sous les Ramsès), par Bernard Matthieu 16 novembre : pratiques funéraires prédynastiques en Egypte, un sujet peu connu mais passionnant ! Pour en savoir plus : centrelanguedocien-egyptologie@ wanadoo.fr Les amis de Thot (Avignon) Tous les 3e vendredis du mois, l’association se rassemble et un membre prend la parole sur un thème qu’il aura proposé. N’hésitez pas à découvrir cette association ! Pour en savoir plus : http://www.lesamisdethot.net Un événement égyptologique à annoncer ? Envoyez-nous un mail : [email protected] 60 Pharaon N°14 Pyramidion de Khoufou (Chéops), au pied de sa pyramide été Votre été pharaonique ! Plusieurs belles expositions se déroulent en France et à l’étranger durant tout l’été. Si vous avez raté la superbe exposition du musée du Louvre sur « l’art du contour », rien n’est perdu ! Pèlerinage au temps de l’Egypte pharaonique, trésors cachés du Louvre (Puy en Velay) Une occasion unique de découvrir des objets inédits et rares des collections du Louvre. L’exposition s’articule autour de plusieurs thèmes : l’art funéraire, l’espace des hommes et l’espace des dieux. Quelques objets à ne pas rater : un cercueil de chat, le cercueil de la dame Henout, la troupe funéraire de 229 serviteurs d’Horemakhbit, la statue du scribe Khâ. Statuette du dieu Thot babouin (Ptol), Faïence égyptienne, argent et or Le musée Crozatier possède aussi une collection funéraire pharaonique : cercueils, vases canopes. Une restauration va être lancée sur ces délicats objets. Ce travail permettra d’exposer ces merveilles dans les nouvelles vitrines égyptiennes qui seront installées dans le nouveau musée Crozatier. Informations pratiques : HotelDieu, tous les jours de 10h à 18h30 (changement d’horaires à partir du 1er octobre). © Musée du Louvre - Georges Poncet Exposition rare et exceptionnelle ! Jusqu’au 11 novembre, découvrez quelques-uns des nombreux objets égyptiens du musée du Louvre qui ne sont jamais montrés au public. Statue Naophore de Kha avec un hymne à Osiris Du Nil à Alexandrie, histoires d’eaux (musée royal de Mariemont, Belgique) L’exposition itinérante du Centre d’études alexandrines s’arrête jusqu’au 29 septembre en Belgique. Le musée de Mariemont reprend les ingrédients qui ont fait le succès de l’exposition mais change certains éléments : objets différents, exposition complémentaire de cartes et de livres sur Alexandrie et le Nil. Alexandrie est bien entendue au cœur des salles et notamment l’approvisionnement en eau douce, éternel problème de la ville. Parmi les questions abordées dans l’exposition figurent aussi les différents usages de l’eau (la navigation, les machines de l’eau...) ainsi que le Nil et sa crue qui rythme les saisons. flore, à la place qui lui est accordée dans le culte ou dans les pratiques funéraires, sont autant de thèmes abordés pour l’occasion à Mariemont et illustrés par une centaine d’objets archéologiques, des statuettes, des gravures, des plans, des récits de voyages, des photographies, ... L’héritage pharaonique, l’imaginaire et les métaphores liées aux sources du fleuve divin, à sa faune et à sa Pharaon N°14 61 été Les idées de lectures pour l'été ! Claude Carrier, anthologie des écrits de l’Egypte ancienne, Thélès, 25 € Claude Carrier est un nom connu des passionnés des textes funéraires (des Textes des Pyramides au Livre des Morts), parus aux Editions Cybèle. Cette fois-ci, l’auteur s’attaque aux textes littéraires : contes, sagesses, textes historiques et royaux, textes juridiques, etc. Chaque texte est placé dans un genre littéraire précis et une courte introduction replace le contexte du texte et le résume. Cette anthologie de presque 900 pages, illustre parfaitement la diversité et la richesse des genres littéraires égyptiens. Le lecteur y découvre aussi bien des compositions connues et méconnues. Et on apprécie ainsi l’évolution du style, de la rhétorique selon le genre et l’époque de la rédaction. Si vous en avez assez des romans policiers ou plus ou moins historiques, nous vous conseillons vivement cette passionnante lecture. Sur le même thème, vous pouvez aussi dévorer l’excellent ouvrage de Pascal Vernus, les sagesses de l’Egypte pharaonique (Actes Sud, 2010). On y retrouve toute la verve du chercheur et sa rigueur dans l’explication et la traduction. Tout public Public averti collectif, Radiocarbon and the chronologies of Ancient Egypt, Oxbox Books Depuis la naissance de l’égyptologie, avec Champollion, la chronologie a considérablement évolué. Les techniques pour dater un objet s’améliorent régulièrement. Un projet international pour utiliser la datation par radiocarbone a été lancé sur plus de 200 objets. L’ambition est d’établir une nouvelle chronologie de l’Egypte ancienne basée sur des résultats scientifiques récents. La chronologie s’établit à partir de différents éléments : chronologie comparée avec d’autres civilisations, étude de la stratigraphie archéologique, les textes historiques, etc. Parfois des événements tels que des éclipses, la mention d’une comète, peuvent fixer une date autour de laquelle, nous pouvons construire la chronologie. Mais nous restons sur une chronologie relative avec des marges d’erreurs parfois de plusieurs dizaines d’années. Mais l’utilisation du radiocarbone pour la datation est un art délicat. Il faut disposer de nombreux échantillons, propres et non pollués par des éléments externes. Cette technique ne fournit pas forcément une datation précise mais va permettre d’ajuster ou de confirmer les chronologies existantes. Mais plus on remonte le temps, plus l’incertitude est potentiellement grande. Pour le couronnement de Djoser, le projet international évoque 2670 av. JC, alors que la chronologie utilisée par Erik Hornung propose 2592. Pour Pépi II, sa mort est fixée à 2170 contre 2153 av. JC. Un ouvrage intéressant mais pas toujours facile à comprendre. 62 Pharaon N°14 été Découvrir l'ancienne égypte au soleil ! Pierre Tallet, 12 reines d’Egypte qui ont changé l’Histoire, Pygmalion, 19,90 € Voici un livre ludique et historique ! Pierre Tallet, égyptologue explorant les ports égyptiens de la Mer Rouge et le Sinaï, propose ici la vie et le destin de 12 reines d’Egypte. Vif et très vivant, l’auteur s’appuie sur les documents, les fouilles archéologiques et les dernières découvertes. Surtout, le lecteur découvre des reines rarement évoquées : MerytNeith, Khentkaous, Mérytaton, Taousert. Le livre s’arrête volontairement à la fin de Ramsès III. Olivier Tiano, 100 fiches d’histoire égyptienne, Bréal Voilà une manière amusante et didactique d’aborder l’ancienne Egypte ! Grâce à cent fiches, l’auteur parle de tout ou presque : tombe, temple, le rôle de pharaon, l’art, la chronologie, les principaux sites… Une bonne introduction pour celles et ceux qui veulent découvrir, en douceur, cette civilisation ! La bibliographie, à la fin de l’ouvrage, permettra de trouver des livres complémentaires. Claude Vandersleyen, L’Egypte et la vallée du Nil tome 2, PUF, 47 € Sorti en 1995, le second tome de l’Egypte et la vallée du Nil, est une mine d’or pour celles et ceux qui veulent en savoir plus sur l’Egypte ancienne de la fin de l’Ancien Empire à la fin du Nouvel Empire, soit 1 000 ans d’Histoire ! Bien qu’il date de 1995, l’ouvrage reste une référence historique par la rigueur de l’écriture, les sources et documents utilisés, une marque de fabrique de Claude Vandersleyen. La richesse des notes et de la bibliographie permet d’aller plus loin. Malgré les récentes découvertes et les dernières analyses, ce livre est toujours d’actualité ! A lire et à relire. Le premier volume, écrit par Jean Vercoutter couvre la préhistoire et l’Ancien Empire. Il est très difficile à trouver ou à des prix exorbitants. collectif, le dessin dans l’Egypte ancienne, Louvre éditions, 39 € Il s’agit du catalogue de l’exposition de l’art du contour du musée du Louvre. Sa lecture est un véritable plaisir pour le cerveau et les yeux. Qu’est-ce que le dessin ? Qui s’en occupe ? Quels sont les principes de l’art en Egypte ancienne ? L’écriture est-elle du dessin ? La notion de liberté et de parodies, comment le comprendre ? Les questions ne manquent pas. Et les auteurs répondent très clairement à celles-ci. Par exemple, le papyrus érotique de Turin est longuement présenté et décortiqué par Pascal Vernus, un des grands spécialistes du domaine. L’ouvrage explique aussi très bien les anormalités du dessin égyptien même si elles sont rares. Il est tout aussi passionnant de comprendre les travaux des apprentis et s’ils disposaient de modèles de références. Vous ne serez pas déçu(e). Le DVD est le même documentaire diffusé par Arte. Un excellent complément au livre. Pharaon N°14 63 Voyage Quelques (bonnes) adresses au Caire Le Caire est une ville qui ne dort jamais. Il y a toujours quelque chose à voir, à découvrir. Nous vous proposons quelques bonnes adresses où nous avons l’habitude d’aller lors d’escapades cairotes… Texte de François Tonic, photos de Valérie Turmel l’appétit, demandez un mélange de toutes les spécialités. Vous ne serez pas déçu par ce voyage culinaire. La variété et la qualité des mezzés sont un pur régal ! Sehraya (Gizeh, route d’Alexandrie) En face du Mena House, au début de la route d’Alexandrie, à quelques mètres d’une grande station à essence, le Sehraya Café & Restaurant. En plein air, le cadre est très agréable même en été. Ambiance conviviale, personnel efficace, le restaurant propose une sélection de plats égyptiens et internationaux. Très bonnes tagines et koftas. Les jus frais sont excellents (parfois un peu trop sucrés). Les fallafels sont frais, peu huileux et très bons. Prix raisonnables. Les souks du Caire sont incontournables pour l’ambiance, l’atmosphère, à condition de sortir des sentiers touristiques. Vendeur de mélasse. Des restaurants à tester ! Abou El Sid (Zamalek) Il en existe plusieurs au Caire mais le meilleur est sans aucun doute celui de Zamalek, au milieu du Nil. Arrêtons-vous à la librairie Diwan et prenons la petite rue, sur la droite. L’entrée ne se rate pas. Ambiance feutrée, sur fond musical, il y a toujours beaucoup de monde. Beaucoup viennent de Zamalek, mais il attire bien au-delà de l’île… Si vous êtes en groupe, mieux vaut réserver. Si vous n’êtes pas pressés, patientez au bar. Vous y trouverez un large choix de toutes les cuisines orientales : de la Turquie au Maghreb. Si vous avez de 64 Pharaon N°14 Si vous avez une grosse faim et que vous rêvez d’un large panorama gastronomique oriental, testez d’urgence Abu el Sid de Zamalek. Un pur délice, dans une ambiance feutrée. Attention : appelez avant ! Voyage Fishawi, ce simple nom évoque un des lieux les plus mythiques du Caire. Là les intellectuels cairotes venaient discuter autour d’un thé, d’un jus de citron frais. Ambiance confortable à l’intérieur, ambiance « souk » dehors, c’est le plaisir du Fishawi. On se prend facilement au jeu. Un de nos endroits préférés au Caire ! Felfela (Gizeh, route d’Alexandrie) A quelques minutes du Sehraya et du Caviar (excellent restaurant de poissons et de fruits de mer), vous trouverez le Felfela. Il s’agit d’une chaîne de restauration rapide. Carte égyptienne. Nous vous conseillons les fallafels, les soupes, les koftas… Une bonne adresse. Autre excellent Felfela, celui rue Talat Harb, tout près de la place Tahrir. Grand choix et très bon quand on veut manger pour pas cher et rapidement. Excellents sandwichs. Livres de France (Zamalek) Une des meilleures librairies françaises du Caire, Livres de France se situe à Zamalek, rue Barazil. On pourrait y rester des heures à découvrir rayon après rayon de vieilles éditions françaises. Grande variété. Grand choix de livres d’archéologie. grand choix de livres d’archéologies au Caire. Les presses américaines sont parmi les plus actives. La librairie de Zamalek est au calme mais l’ambiance est assez froide. La librairie de Tahrir offre un plus grand choix. Librairie de l’Université américaine (Zamalek / Tahrir) La librairie de l’université américaine est le lieu où vous trouverez le plus Une envie de pizza locale ? Facile à trouver au Khan Khalili… Soirée (au cœur du Caire) Entre deux sites cairotes, Soirée offre un large buffet (entrée, plat, dessert). Le décor est quelconque. On choisit ce que l’on veut. La qualité est très correcte, serveurs très efficaces. Les plats sont régulièrement changés et le buffet réapprovisionné. Il y a du monde, Egyptiens et touristes. Un bon choix quand on est pressé. Déjeuner ou diner en 45 minutes chrono ! Les librairies Diwan (Zamalek) Diwan est au cœur de l’île de Zamalek et propose une grande variété de livres, majoritairement en Anglais. Un peu d’archéologie mais beaucoup de littérature et de parutions récentes. Accès wifi et cafétéria. L'incontournable Fishawi Au cœur du Khan Khalili, le café Fishawi est incontournable. On s’y assoit pour quelques minutes ou quelques heures. On boit d’excellents jus, on discute, on lit, on regarde les artistes célèbres qui ont fait sa légende. Pour les amateurs, un grand choix de shisha. Pharaon N°14 65 Décryptage Reconnaître une enseigne divine, d’une province, d’un génie du Nil Odette, fidèle lectrice de Pharaon Magazine, nous a envoyé une photographie d’un décor du temple de Ramsès III à Karnak (situé dans la première cour). Dans le sanctuaire, paroi de gauche, on distingue une série de 11 « pieux » terminés par des têtes de divinités. En haut, une petite statuette du pharaon posée sur un support. Le pieu est soutenu, alternativement, par un sceptre ouas (voir l’article sur le dieu Seth, Pharaon Magazine n°13), une croix ankh et un pilier djed. souvent une forme humaine et portent sur la tête un rectangle quadrillé surmonté du nom de la province. Exemple : province de l’Oryx. Autre forme possible : un pavois surmonté du nom de la province, comme nous pouvons l’admirer sur les célèbres triades de Mykérinos (musée du Caire). Les enseignes du sanctuaire d’Amon, temple de Ramsès III (Karnak). Ce type d’enseignes est généralement placé sous une barque sacrée, ici, celle du dieu Amon. Il s’agit le plus souvent de fétiches, c’est à dire des représentations divines ou des objets divins très anciens, encore utilisés durant le Nouvel Empire. L’un des plus caractéristiques est le fétiche d’Abydos. Les provinces pharaoniques L’Egypte était découpée en provinces (appelées « nomes »). On les voit souvent dans les temples en procession. Elles prennent On peut confondre le génie du Nil et la province. Ce qui nous aide à les différencier, est la coiffe. Le génie du Nil ne porte jamais un rectangle quadrillé mais un fourré de roseaux et/ou de papyrus. Le personnage a un ventre énorme et des seins pendants. © F.Tonic 66 Pharaon N°14 Directeur de la rédaction : Christian Gustin Rédacteur en chef : François Tonic Mise en page & Graphisme : Franck Toussaint Secrétaire de rédaction : Sylvain TENDAS Ont collaboré à ce numéro : Nicolas Manlius, Deborah Moine, Damien Reculé, Raymond Betz, Fernand Schwarz Crédits photos : François Tonic, imaginegypt, Valérie Turmel, Nicolas Manlius, Deborah Moine, Josette Decoudun, Google, Damien Reculé, Raymond Betz, M. Schild, M. Hanna, D.R. Crédits couverture : Valérie Turmel (Louxor, ballons), Josette Decoudun Impression : Artes Gráficas Jiménez Godoy, s.a. Carretera de Alicante, Km. 3 30160 MURCIA - España Publicité : Objectif Plus Martine et Alain Perro 6 route de Beurey 55000 Tremont Tél. : 03 29 75 45 70 Fax : 03 29 75 42 96 Mail : [email protected] Service des ventes et réassorts : ACP : 01 64 66 16 39 Pharaon Magazine est une publication trimestrielle éditée par E.N.D, Sarl au capital de 26000 euros Rédaction, administration, au siège social : 74, rue du Gros Chêne 54410 Laneuveville-devant-Nancy Directeur de la publication : Christian Gustin Principaux associés : C. Gustin, E. Bertelle, N. Abboud, J.C Bertrand Exemple de génies du Nil. 5e dynastie. Abousir. Musée égyptien de Berlin. Pharaon N°15, au sommaire Exemple de provinces. Temple de Ramsès II à Abydos. 74, rue du Gros Chêne 54410 Laneuveville-devant-Nancy Tél. : 03 83 55 53 49. Fax : 03 83 51 20 08 E-mail : [email protected] http://www.pharaon-magazine.com Les propos exprimés dans les articles n’engagent que leurs auteurs © F.Tonic © F.Tonic Génie du Nil Magazine Août/septembre/octobre - 2013 • Philae et le sanctuaire d'Isis •L es grandes batailles de l'ancienne Egypte •S acrifice humain : entre mythe et réalité En kiosque le 25 octobre 2013 Imprimé en espagne Printed in Spain Distribution MLP. Dépôt légal à parution. n° commission paritaire : 1017 K 82239. n° ISSN : 1636-5224. Les documents, manuscrits et photographies transmis à la rédaction ne sont pas retournés et leur envoi implique l’accord des auteurs pour leur publication. Copyright : Pharaon Magazine. Toute reproduction intégrale ou partielle des textes et/ou photographies, illustrations, est interdite sans l’accord préalable écrit des auteurs et du directeur de la publication. L’envoi de textes ou d’illustrations implique l’accord des auteurs pour une utilisation libre de droit et suppose que l’auteur soit muni des autorisations éventuellement nécessaires à la diffusion. Le prix de vente indiqué en couverture inclut la TVA de 2,1%. Les 30 numéros de ! complète ction La colle Toutankhamon magazine Les 52 numéros format PDF de au Toutankhamon magazine au format PDF imprimables, imprimables, en couleur. en couleur, Du n°1 au n°27 du n°1 au n°47 hors-séries. etet5 3hors-séries s o r é m u 52 n magazine ent m e l u Se ros u E 0 69,9 ris khamon n a t u o T e d imables, r p im F D tP 7 au forma °1 au n°4 n u d , r u en coule -séries et 5 hors omp c t r o p Je commande un cd rom à 69,90 euros - port compris. Délai de livraison : 15 jours. 69,90 Euros le CD, port compris, livré sous pochette matelassée Distingo suivi. CD Rom pour PC & Mac. Fichiers PDF imprimables. Coupon(ou photocopie) à joindre à votre chèque ou mandat libellé à l’ordre des Editions Neptune Diffusion à : E.N.D - Service abonnement Toutankhamon magazine 74 rue du Gros Chêne - 54410 Laneuveville En vertu de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification aux données vous concernant. Mlle Mme M. Dr Nom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Par CHÈQUE (bancaire, postal) Adresse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Par MANDAT POSTAL Code postal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . En vertu de la loi informatique et libertées du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification aux données vous concernant. Actuellement en Kiosques — BIMESTRIEL N°34 AOÛT › SEPTEMBRE 2013 LE GUIDE DES TENDANCES SCRAP Recyclage BROCANTE & RECYCLING La tendance du moment LE PROJECT LIFE, PARTIE 4 : UN PEU DE TOUT... Inspi SAVEURS SUCRÉES MOUSTACHE PARTY technique UNE PAGE EN PAS A PAS LA SYMÉTRIE OSEZ LE DÉCOUPAGE astuce CRÉEZ VOS CARTES POSTALES France METRO : 6,95 € - BEL : 7,20 € - DOM : 7 € ESP : 7,20 € - CAN : 11 $ cad - CH : 13 FS - NCAL/S : 970 CFP - POL/S : 980 CFP MAR : 75 mad Revue éditée par les éditions Neptune Diffusion