Position de thèse - Université Paris

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Position de thèse - Université Paris
UNIVERSITÉ PARIS IV- SORBONNE
ÉCOLE DOCTORALE : Littératures françaises et comparée
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(N° d’enregistrement)
THÈSE
pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS IV
Discipline : Littérature comparée
Présentée et soutenue publiquement par
M. BARBOUCH RACHID
Le 21 Juin 2007
Titre :
« RENCONTRES ET VIOLENCES DANS NADJA D’ANDRÉ BRETON
ET BEAUTÉ BAROQUE DE CLAUDE GAUVREAU »
Directeur de thèse : M. Jacques Chevrier
Le jury est composé de :
M. Jacques CHEVRIER
Mme. Beïda CHIKHI
M. Claude FILTEAU
Mme. Yannick RESCH
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Notre modeste thèse s’assigne pour objectif l’étude des rapports
complexes mais néanmoins teintés de violences entre l’Homme et la Femme
dans Beauté baroque de Claude Gauvreau et Nadja d’André Breton.
Par un souci de clarté, nous avons entrepris, dans un premier temps, de
mettre en lumière le genre littéraire auquel appartient chacune des deux œuvres
étudiées tout en faisant disparaître les ambiguïtés qui peuvent les entourer.
Nous avons ainsi tenté de cerner les particularités propres au roman. Dans ce
même esprit et de manière schématique, nous avons étudié son histoire, son
évolution et ses liens avec les autres genres littéraires. Nous avons évoqué en
même temps les positions des surréalistes – et plus particulièrement d’André
Breton- par rapport au roman et les nombreuses « imperfections » qu’il lui
reproche. Par un plus au moins long raisonnement, nous avons essayé de lever
toute équivoque sur la nature de Nadja. Breton était hostile à toute idée de
roman dans le sens classique du terme. On le voyait alors mal écrire un roman.
Nadja était assimilé à un récit autobiographique. Dans le mouvement surréaliste,
cette œuvre était plutôt un manifeste anti-roman.
Dans un second temps, nous nous sommes attachés à donner un bref
aperçu sur l’histoire de la littérature
québécoise pour mieux connaître le
contexte dans lequel est apparue Beauté baroque et mieux en saisir la portée.
Cela nous semblait indispensable pour une parfaite connaissance de cette œuvre.
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Cela nous a conduit naturellement à son analyse générique. Dans notre approche
nous nous sommes employés à respecter la définition que donne Gauvreau à
cette œuvre, à savoir qu’il s’agit là d’un « roman moniste ». En littérature
générale, cette appellation est plutôt unique. Gauvreau voulait certainement se
démarquer, lui aussi, par rapport au roman traditionnel. Beauté baroque est un
« roman » à la fois philosophique et existentiel. Il est l’expression profonde d’un
éclatement (un / multiple). Beauté baroque est une sorte de coupure dans le
genre romanesque communément admis.
Beauté baroque et Nadja ont au moins ce point commun qui consiste à
transgresser les règles pour mieux les dépasser par une rénovation originale des
procédés d’écriture. L’un et l’autre peuvent être considérés aussi comme des
récits de rencontre, point de vue que nous partageons avec André G. Bourassa
( cf : André G. Bourassa, Surréalisme et littérature québécoise,éd. l’étincelle,
Montréal ).
Dans un troisième lieu, il nous a paru important de dégager les
mouvements de chaque texte pour les rendre plus intelligibles. Nous avons
constaté ainsi que Nadja est composé en trois temps (nous avons parlé d’un
mouvement ternaire) et que Beauté baroque l’est en quatre temps (mouvement
quaternaire). Cette « division » nous a aidé à mieux percevoir les messages
implicites et explicites que véhiculent ces deux œuvres.
Après avoir dégagé le mouvement de chacun des textes étudiés, nous
avons étudié le style d’écriture des deux écrivains tout en relevant leurs
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conceptions respectives du langage. Nous avons ainsi évoqué l’écriture de
Breton tout en relevant ses caractéristiques. Nous avons parlé de l’écriture
automatique chère à Breton et également pratiquée dans une large mesure par
Gauvreau. Dans ce même ordre d’idées, nous nous sommes appesantis sur le
langage tel qu’il était vu, vécu et senti par l’auteur de Beauté baroque. Notre
visée était de découvrir jusqu’à quel point le langage peut être porteur de
violences explicites ou implicites.
Dans la dernière partie de notre recherche, nous avons essayé de déceler à
quels niveaux se situent les violences subies par les héroïnes des deux récits et
jusqu’à quels points elles les ont marqué.
Nous avons vu que ces deux héroïnes, Nadja et Muriel en l’occurrence,
ont mené l’une et l’autre des vies extrêmement difficile. L’histoire de Muriel
ressemble à un cauchemar. Ses rapports avec autrui furent conflictuels, et ce,
depuis son jeune âge. Son enfance a été dramatique du fait que les gens de son
entourage ne l’aimaient pas. Muriel gardera toute sa vie les traces de ces
désamours qu’elle n’arrivait pas à expliquer. A cause en partie de son rapport
avec son père, qui lui non plus ne l’aimait pas, elle se lance à la recherche de
l’homme parfait. Ses rencontres avec les hommes se soldent par des échecs
répétés qui ne la feront que souffrir davantage. L’écrivain, qui fut l’une de ses
rencontres, se voulait protecteur à son égard. Inconsciemment, il cherchait luimême un réconfort de type maternel. Loin de l’aider, il ne faisait qu’accentuer
les violences qu’elle a subies de ses rencontres avec les autres hommes. La vie
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de Muriel est donnée en spectacle aux lecteurs pour les besoins de l’édification
d’un mythe surréaliste à l’image de la jeune Nadja. Nous avons pu constaté que
presque à chaque page de Beauté baroque, il est fait allusion à cette
sempiternelle violence qui semble poursuivre la jeune héroïne. Cette violence
atteindra son point culminant par le suicide de Muriel. La jeune femme est
donnée comme un objet-sacrifice pour cette œuvre. Sa vie est décrite comme
un témoignage des violences qu’elle a endurées. Le livre est en lui-même un
livre-témoignage pour la postérité, exactement comme le fut Nadja d’André
Breton, à la seule différence que dans ce dernier livre, les violences faites à
l’héroïne sont perceptibles dans une moindre mesure.
Dans Nadja, en effet, cette violence est relativement moins mise en
évidence. Elle est seulement suggérée, parfois même ignorée. Pourtant Nadja a
connu un passé tout aussi violent que celui de Muriel, du fait des mauvaises
rencontres qui ont ponctué sa vie. Et plus spécialement, sa rencontre avec
l’écrivain ne changera rien à sa condition. Breton se conduit avec elle
exactement comme les autres hommes qu’elle a connus. Pire encore : il se
servira même d’elle comme d’une victime pour fonder un mythe surréaliste. Il
va allégoriser la violence faite à Nadja sur l’autel du surréalisme. Tout comme
Muriel, Nadja va connaître un sort tragique puisqu’elle va sombrer dans la
« folie ». A l’identique de Muriel, sa vie sera comme un témoignage comme elle
le dira elle-même à Breton : « Tu écriras un roman sur moi » (P708).
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