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ÉTUDE DE CAS – CONTEXTE
Cascades Groupe Tissu
Un important projet de modernisation
Les 19 et 20 mars 2010 avait lieu le vingt-quatrième tournoi Excalibur.
Les étudiants de vingt-trois universités québécoises et canadiennes
étaient en lice. Les sept équipes finalistes ont eu à analyser une situation réelle, celle de Cascades Groupe Tissu. Le cas a aussi été étudié
par un professeur après le tournoi.
F
ondée en 1964, Cascades évolue dans les domaines de la
fabrication, de la transformation et de la commercialisation
de produits d’emballage et de papiers tissus composés principalement de fibres recyclées. Le style de gestion de Cascades est
fondé sur la simplicité, l’ouverture et la tolérance, des conditions
qui sont soutenues par une attitude de respect. Sa philosophie
de gestion, ses 45 ans d’expérience en matière de recyclage, ses
efforts soutenus en recherche et développement sont autant de
forces qui lui permettent de créer des produits novateurs pour
ses clients.
L’un des secteurs d’activité de Cascades est le Groupe Tissu. Ce
groupe nord-américain est réputé dans la fabrication et la transformation de papiers tissus : papier essuie-mains, essuie-tout, papier
hygiénique et mouchoirs, serviettes de table et chiffons.
Fort de son expertise en matière de produits respectueux de
l’environnement, le Groupe Tissu offre à ses clients une gamme
de papiers tissus recyclés à 100 %. Certifiés PSC (procédé sans
chlore) et fabriqués avec 80 % moins d’eau que ceux de l’ensemble
de l’industrie canadienne, ces produits sont également compostables et biodégradables. Leader dans le domaine, le Groupe Tissu
applique aussi sa philosophie de respect de l’environnement depuis
des décennies, bien avant que l’environnement devienne un sujet
d’intérêt commercial et une préoccupation à l’échelle de la planète.
Aujourd’hui, Cascades Groupe Tissu est le quatrième plus
important producteur de papiers tissus en Amérique du
Nord. L’entreprise emploie près de 2000 personnes réparties dans
16 unités de fabrication et de transformation situées au Canada et
aux États-Unis.
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Cas de l’usine de Cascades
Groupe Tissu de Lachute
Cascades Groupe Tissu a démarré un important projet de transformation de ses usines pour les rendre plus productives et pour
assurer leur pérennité. Un projet de transformation majeure et qui
vise l’usine de Lachute a été déclenché en décembre 2007. Il s’agit
de l’implantation d’une nouvelle machine et d’une nouvelle technologie, qui convertit le papier tissu, ainsi que d’un agrandissement
de la surface de l’usine.
L’inauguration de l’agrandissement et de la nouvelle machine
était prévue deux ans après le début des travaux. L’équipe de direction espérait que cette aventure s’avèrerait une réussite sur toute
la ligne. Mais ce succès n’était pas garanti, puisqu’un tel projet
d’implantation a échoué dans une autre usine de Cascades Groupe
Tissu aux États-Unis.
Le directeur des ressources humaines de l’usine de Lachute, en
poste depuis maintenant vingt-cinq ans, a participé à l’évolution et
à la progression de la compagnie Cascades et plus précisément du
Groupe Tissu. Il comprend donc très bien les défis du marché. Jamais
auparavant il n’avait vécu un événement aussi déterminant pour
l’usine même et pour le Groupe Tissu.
Voici une rétrospective des événements importants qui ont eu lieu
pendant l’année 2007. D’abord, la convention collective est arrivée à
échéance en mai. Après les négociations entreprises quelques mois
avant cette échéance, la nouvelle convention collective est entérinée
et signée en septembre pour une période de quatre ans.
En octobre 2007, le directeur de l’usine convoque le directeur
des ressources humaines dans son bureau, pour lui annoncer une
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décision déterminante de Cascades concernant l’usine de Lachute. Il
s’agit de moderniser l’usine pour lui permettre de se positionner plus
avantageusement sur le marché des produits recyclés. Un investissement de 15 millions de dollars canadiens permettra d’agrandir l’usine
afin d’installer une nouvelle machine, fabriquée en Italie, à la fine
pointe de la technologie. Cet important investissement constitue une
formidable occasion qui permettra à l’usine de Lachute de demeurer
un maillon important du Groupe Tissu, de poursuivre sa mission
de développement durable et de continuer d’être un chef de file.
Dans le cadre de ce projet, le Groupe souhaite d’ailleurs obtenir la
certification LEED (Leadership in Energy and Environmental Design)
octroyée en reconnaissance de la haute qualité environnementale des
bâtiments. Le projet s’étalera sur à peu près deux ans.
Il s’agit donc d’un investissement d’importance. La direction
demande au directeur des ressources humaines de planifier la réouverture immédiate de la convention collective, car l’investissement
ne pourra se faire qu’en obtenant de nouvelles concessions de la
part des employés syndiqués. Elle lui donne un mois seulement pour
arriver à une conclusion satisfaisante pour Cascades, c’est-à-dire
l’acceptation de certaines concessions par le syndicat.
Le directeur RH sait très bien que toute démarche auprès du syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier sera
difficile. En effet, bien que les relations et le climat de travail soient
bons à l’usine, la dernière négociation, dont l’encre n’est pas encore
sèche, a duré plusieurs mois. À l’occasion de la dernière négociation,
les conseillers syndicaux au niveau de la centrale se sont montrés
très réticents, notamment sur des enjeux qui vont au-delà de ceux de
Cascades Groupe Tissu et du syndicat local de Lachute.
Pendant cette négociation, l’abolition du régime de retraite à
prestations déterminées a constitué le principal point de désaccord.
La direction de Cascades Groupe Tissu proposait de le remplacer
par un programme de retraite à cotisations définies. Alors que la
direction envisageait cette modification pour mieux gérer ses coûts
à long terme, le syndicat l’avait clairement considérée comme étant
irrecevable. Or, la direction veut maintenant rouvrir la convention
collective en demandant expressément cette concession, et ce, un
mois seulement après la signature de cette convention.
Cascades Groupe Tissu est reconnu pour s’être toujours écarté
des enjeux et du mode de négociation prévalant dans l’industrie. Au
fil des années, les négociations se sont généralement avérées plus
difficiles, puisqu’elles remettaient en question certaines pratiques
considérées comme usuelles dans l’industrie. Cascades Groupe
Tissu préfère adopter des pratiques de relations du travail qui sont
en harmonie avec ses visées environnementales et basées sur les
besoins d’affaires respectifs des parties, plutôt que sur les normes
générales de l’industrie.
En décembre 2007, Cascades Groupe Tissu réclame les conditions
suivantes pour investir dans l’usine de Lachute :
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le programme de retraite à prestations déterminées pour
tous les employés, anciens et nouveaux, sera remplacé par un programme de retraite à cotisations définies ;
l’employeur choisira les employés qui seront formés pour
travailler sur la nouvelle machine ;
la mobilité dans l’usine des techniciens formés à l’utilisation
de la nouvelle machine sera réduite, car la formation est
longue, pointue et très coûteuse ;
un programme structuré d’augmentations de salaire et de
bonis basés sur la productivité de la nouvelle machine et de l’usine sera instauré ;
la durée de la convention collective sera prolongée de 2011
jusqu’à 2015.
La négociation doit être conclue dans les trente jours suivant la
date de son déclenchement, afin d’éviter une hausse des coûts du
projet. Le directeur des ressources humaines sait que l’enjeu est
extrêmement crucial pour l’avenir de son usine et ses employés.
Pour avoir commencé chez Cascades en tant que simple manœuvre
il y a vingt-cinq ans, il sait bien que l’usine est l’un des plus importants employeurs de Lachute et de ses environs. Il connaît tous les
employés et leurs familles. Il se sait très apprécié d’eux. Il pressent
que, si les conditions demandées sont rejetées par le syndicat et
les employés, cela pourrait mettre l’usine en péril par défaut de
futurs investissements.
Un cahier des charges très explicite est soumis au syndicat local.
Une rencontre avec le président local du syndicat et des représentants
de la centrale est planifiée d’urgence. Le syndicat comprend bien
les enjeux et est prêt à revoir la convention collective, mais il n’est
absolument pas question d’abolir le régime de retraite à prestations
déterminées ; c’est en effet un élément que la partie syndicale tient
à garder pour ses membres et qui est présent dans toutes leurs
conventions collectives à l’échelle nationale. Voilà donc comment la
situation se présentait en octobre 2007…
Cascades Groupe Tissu continue la réalisation de son important
projet de modernisation de ses usines et prévoit vivre des situations similaires à celle de 2007 dans ses autres usines au Canada et
aux États-Unis. Vous êtes engagés, vous et votre équipe, à titre de
consultants, afin de planifier une intervention en vous basant sur
votre analyse de la situation qui a été vécue à l’usine de Lachute.
Voici votre mandat…
1) Faites une analyse de la situation et identifiez les facteurs de succès qui permettraient d’en arriver à un plan de gestion
positif et satisfaisant pour toutes les parties en présence.
Identifiez trois facteurs essentiels et expliquez-les.
2) Identifiez cinq facteurs de risques qui pourraient faire
dérailler le projet. Établissez une stratégie de négociation qui tient compte de trois des facteurs représentant les plus
importants risques pour l’organisation.
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ÉTUDE DE CAS – ANALYSE DES ÉTUDIANTS
Une négociation
fondée sur les intérêts
Voici l’analyse du cas de Cascades Groupe Tissu, telle qu’elle a été présentée par l’équipe de l’université Concordia, gagnante
du tournoi, composée de Rebecca Golt, Mitchell Robitaille et Scott
Fisher. Les concurrents disposaient d’une heure et demie pour étudier le cas qui leur était soumis.
Cascades Groupe Tissu doit tirer parti des leçons apprises de l’usine
de Lachute, où on a connu des problèmes importants avec le syndicat, et ce, pour aider d’autres entreprises du groupe. Les principaux
problèmes éprouvés concernent les négociations.
Le contexte
La convention collective est arrivée à échéance en mai 2007 et une
nouvelle convention a été signée au mois de septembre suivant,
mais sans atteindre le but ultime de Cascades, à savoir la modification des régimes de retraite. Un mois plus tard, la direction
a annoncé qu’elle voulait effectuer un important investissement
dans l’usine de Lachute pour la moderniser et en faire une des plus
concurrentielles du secteur. Avant de procéder, il fallait négocier
de nouveau avec le syndicat pour amener les deux parties à faire
… il faut s’assurer que l’équipe de
négociation connaît bien l’orientation que prend l’entreprise.
certaines concessions. Une nouvelle entente entre le syndicat et
la direction a finalement été conclue en décembre 2007.
Quelles leçons peut-on tirer du cas de l’usine de Lachute ? En
premier lieu, on a privilégié les positions plutôt que les intérêts.
La direction a adopté la position voulant que le régime à prestations déterminées devait être remplacé par un régime à cotisations
déterminées. Or, cette position était totalement inacceptable pour
le syndicat. Ce changement est-il réellement avantageux pour la
modernisation de l’usine ? Le changement de régime de retraite
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vise à réduire les coûts. Cependant, il y a d’autres façons de procéder, qui seront indiquées plus loin dans le texte.
En outre, le fait qu’une nouvelle convention a été signée à
la satisfaction des employés puis rouverte un mois plus tard n’est
pas de nature à établir un climat de confiance entre les employés
et la direction. En effet, les employés peuvent craindre que
la direction décide de modifier ses plans encore une fois. Une
simple note de service pouvait tout changer, ce qui créait un sentiment d’insécurité.
Enfin, précurseur à cet égard, Cascades se préoccupe de l’environnement. Pour sa part, le syndicat des communications, de
l’énergie et du papier ne comprend pas vraiment cet aspect parce
qu’il s’occupe d’un très grand nombre d’autres usines qui n’ont
pas les mêmes visées que Cascades. Par conséquent, les représentants du syndicat ne comprennent pas réellement les intérêts
de Cascades.
Les facteurs de succès
Trois facteurs de succès importants permettront de conclure
la négociation rapidement dans d’autres usines de Cascades
Groupe Tissu, à la satisfaction de toutes les parties prenantes.
D’abord, il faut s’assurer que l’équipe de négociation connaît
bien l’orientation que prend l’entreprise. Ensuite, elle doit
bien comprendre la stratégie globale de l’entreprise pour éviter
de signer à nouveau une con­vention qui ne répond pas aux
besoins futurs.
Enfin, il faut maintenir en tout temps de bonnes relations de
travail pour que la négociation puisse être conduite rapidement
et de façon équitable, le moment venu. On doit veiller à justifier
les concessions demandées, sans quoi elles seront jugées inacceptables par le syndicat. La simple présentation d’une liste de
concessions ne permet pas de créer un climat qui va inciter les
parties présentes à la table de négociation à travailler à obtenir la
meilleure entente possible.
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La négociation
La précédente négociation à l’usine de Lachute a duré environ sept
mois. Aussitôt signée, la convention a été rouverte, parce que l’entreprise voulait investir quinze millions de dollars pour l’installation
d’une machine à la fine pointe de la technologie. De toute évidence,
cela complique la négociation et ce n’est pas de nature à créer la
relation solide dont l’entreprise aura besoin à l’avenir.
La solution est simple, mais il est important de la mettre en
œuvre avant d’entreprendre toute négociation. L’équipe de négociation va devoir rencontrer le syndicat et la haute direction de
Cascades, qui doit lui faire part des changements éventuels de
stratégie ou d’orientation de l’entreprise. Il est important que toutes
les parties présentes à la table de négociation sachent exactement
à quoi s’attendre. Le résultat sera bien sûr une convention collective qui servira au mieux les intérêts de la société pendant toute
sa durée.
Le maintien de bonnes relations en tout temps
C’est un aspect important parce que Cascades fonctionne d’une
façon différente des autres entreprises de son secteur. L’importance
accordée au respect de l’environnement suppose en effet une façon
différente de fonctionner. Si l’entreprise maintient des lignes de
communication ouvertes avec les représentants des travailleurs, elle
aura l’assurance qu’au moment de négocier, le syndicat comprendra
ses besoins et travaillera avec elle à trouver des solutions.
La communication doit être régulière, ouverte et honnête.
Lorsqu’il y a des doléances, il ne faut pas attendre des semaines ou
des mois avant de réagir. Le résultat ? La négociation sera fondée
sur la situation propre à Cascades plutôt que sur celle qui prévaut
dans son secteur.
Les concessions
Le syndicat ne va pas accepter tout simplement les concessions
demandées, en particulier si elles concernent des questions aussi
cruciales que le régime de retraite de ses membres. Il est très important d’expliquer clairement le pourquoi de ces demandes et préciser
que, sans ces concessions et une réduction des coûts, l’avenir de la
société est en danger. Ainsi, Cascades démontrera qu’elle pose des
bases essentielles pour son avenir et s’assurera que tous comprennent qu’il faut procéder à ces changements pour garantir cet avenir.
Il faut donc axer l’argumentation sur les intérêts des parties,
plutôt que sur des questions précises. Le syndicat des communi­
cations sera ainsi mieux disposé à écouter les suggestions.
Les risques
Cinq risques pourraient éventuellement nuire à l’un ou l’autre des
nouveaux projets. Le premier risque est la durée de la convention
collective. Pour investir dans l’usine de Lachute, la convention
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collective devait être prolongée de 2011 à 2015 et s’étendre sur une
période de huit ans. Or, le problème réside dans le fait que Cascades
a déjà essayé sans succès de faire ces changements dans d’autres
usines. Cascades a en effet déjà tenté de mettre en place une nouvelle
machine dans une usine aux États-Unis, à ces conditions, et cela n’a
pas fonctionné. Il y a maintenant un risque parce que le Groupe a
fait des concessions.
L’ennemi n’est pas dans la
salle, il est à l’extérieur,
chez les concurrents.
Naturellement, pendant la négociation, il n’a pas été mentionné
que, pour que les coûts demeurent faibles, il fallait que cette négociation dure environ un mois plutôt que pendant sept ou huit mois,
comme cela se produit fréquemment.
De plus, la négociation des questions techniques, entre autres
les régimes de retraite, risque de tomber dans une impasse, comme
l’a confirmé l’exemple de l’usine de Lachute. Il est important de
s’assurer que les négociations ne soient pas interrompues et d’éviter
le risque que chaque partie campe sur ses positions. Un retard
important n’est pas acceptable.
Par ailleurs, la nouvelle orientation de l’entreprise implique la
formation du personnel, ce qui peut entraîner une réaction négative
des employés. Bon nombre d’employés travaillent pour l’entreprise
depuis longtemps. Veulent-ils recevoir une nouvelle formation ?
Enfin, si les choses ne se passent pas bien, il est toujours possible
que le syndicat opte pour la grève.
Parmi tous ces facteurs de risque, les trois plus importants sont
la contrainte de temps, l’impasse dans les négociations relatives
aux questions techniques et, naturellement, la menace de grève.
La solution
Une négociation basée sur les intérêts est la stratégie la plus efficace pour résoudre ces trois problèmes. Ainsi, pour ce qui est des
contraintes de temps, la solution qui s’avère la plus efficace consiste
à opter pour un processus extrêmement rapide. En fait, la période de
négociation devrait durer deux semaines tout au plus.
En ce qui a trait à l’impasse relativement aux questions techniques, une négociation sincèrement fondée sur les intérêts de
toutes les parties permet de se concentrer sur les préoccupations
par opposition à une négociation où chacun campe sur ses positions.
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Ainsi, il faut tenir compte de l’ensemble des préoccupations et
non pas simplement de la nécessité de réduire les coûts de la
rémunération et du régime de retraite. Cette approche, qui favorise
la créativité et la collaboration, a aussi une incidence sur l’autre
facteur de risque, soit la possible grève.
La première étape, très importante, consiste à déterminer ce
qu’est une négociation sur les intérêts. Avant d’entamer une telle
négociation, il faut s’assurer que les deux parties présentes à la
table de négociation ont reçu une formation sur la façon dont ce
processus fonctionne. Il importe de bien faire comprendre aux deux
parties, la direction et le syndicat, qu’il faut aborder la situation
sous l’angle des préoccupations globales. En d’autres mots, elles
doivent faire preuve d’un esprit de collaboration plutôt que de
s’opposer sur des questions précises.
La deuxième étape est le processus même de la négociation. Il
est très important que chaque partie présente des préoccupations
claires. La principale préoccupation de la direction concerne la
réduction des coûts. Il est plus important d’aborder la négociation
en exposant cette préoccupation plutôt qu’en demandant à l’autre
partie d’accepter de modifier le régime de retraite. Et l’autre partie
doit faire de même. En fait, tous doivent démontrer qu’ils travaillent
pour l’entreprise, pour qu’elle continue de prospérer et qu’elle
demeure concurrentielle. L’ennemi n’est pas dans la salle, il est à
l’extérieur, chez les concurrents.
Conclusion
Naturellement, la viabilité à long terme de l’entreprise doit aussi
être prise en considération dans le processus de négociation.
Même si Cascades s’est assurée que la société est en mesure de
prospérer à l’avenir, une solide relation avec le syndicat est tout
aussi importante.
Pour que l’entreprise puisse implanter une nouvelle machine à la
fine pointe de la technologie dans d’autres usines aux États-Unis et au
Canada, les négociations doivent être rapides et efficientes. En ayant
recours à une négociation basée sur les intérêts efficace, l’entreprise
pourra mener les négociations à bien en deux semaines environ.
Mais il ne suffira pas de dire que les négociations se sont déroulées rapidement ; il faudra aussi que le processus lui-même et, en
dernier ressort, le résultat, soient acceptables pour les deux parties,
c’est-à-dire les employés et la direction.
ÉTUDE DE CAS – ANALYSE DU PROFESSEUR
Pour atténuer les risques…
Cascades Groupe Tissu se propose d’investir dans ses installations de Lachute, ce qui devrait améliorer la viabilité et la durabilité à long terme de l’usine, mais les conditions nécessaires à cet
investissement et le moment choisi pour l’effectuer ont entraîné
une série de difficultés pour le directeur des ressources humaines.
par Neil Fassina, CHrp, Ph. D., professeur agrégé, chef de département, administration des affaires, université du manitoba
— traduit
par sylvie gauthier, traductrice agréée, polytraduction
En effet, la direction de Cascades a demandé à ce dernier de rouvrir
une convention collective signée un mois auparavant afin de renégocier des questions litigieuses et potentiellement dangereuses dans
un contexte de détérioration des négociations et à l’intérieur d’un
délai serré, tout cela dans un climat d’incertitude quant aux effets
de la dépense en immobilisations envisagée.
Si l’entreprise veut favoriser la réussite de cet investissement
et peut-être offrir un modèle pour de futures usines canadiennes,
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il lui faut élaborer un plan opérationnel non contextuel qui
allie les intérêts des multiples parties prenantes, à savoir les
employés, l’entreprise Cascades, le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (SCEP) et la population
de Lachute, dans le cadre d’un plan de communication opérant,
d’une approche coopérative des négociations et d’une stratégie
de changement efficace qui tienne compte de la gestion des
risques d’entreprise.
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de la signature d’une nouvelle convention ou de la dépense en
immobilisations envisagée pourra transmettre des messages de
manière efficace.
La réussite par la communication
et les relations
Malgré les limites de temps, il est capital pour la réussite de cette
initiative que la communication se déroule de manière ouverte,
constante et transparente et de préférence face à face entre toutes
les parties prenantes. Bien que les spécifications aient été envoyées
au SCEP, l’équipe de direction de Cascades Groupe Tissu et celle
du SCEP devraient se rencontrer pour discuter d’un certain nombre
d’aspects techniques et de questions relationnelles et arriver à une
décision à leur sujet. Au nombre des aspects techniques pourraient
figurer l’établissement des délais, les conditions du Code du travail
qu’il est nécessaire de respecter pour rouvrir la convention collective et en conclure une nouvelle ainsi que la création d’une équipe
conjointe de communication et de gestion du changement. Au
nombre des questions relationnelles pourrait figurer l’élaboration
d’un plan de communication portant entre autres sur les motifs
des changements proposés, sur ce à quoi les employés devraient
s’attendre au cours des négociations et sur les changements qui s’ensuivront. Ce plan pourrait également préciser quand et comment il
sera le plus efficace de communiquer des informations aux diverses
parties prenantes, ainsi que la manière dont celles-ci pourront
communiquer avec l’équipe de gestion du changement.
En plus d’établir et de favoriser une communication bilatérale
entre les parties prenantes, la mise en place d’une stratégie de
communication et de relations rapporte des avantages secondaires liés à deux autres des facteurs de réussite de cette initiative.
Premièrement, elle lance des échanges de négociation préliminaires,
ce qui donne à la direction de Cascades Groupe Tissu la possibilité
non seulement d’aborder la réouverture de la convention collective
comme une possibilité de coopération, mais aussi d’apaiser les
craintes que les membres du SCEP sont susceptibles d’éprouver
face au précédent que la réouverture de cette convention pourrait
créer. Deuxièmement, elle fournit une voie de communication par
laquelle l’équipe responsable des changements qui découleront
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La réussite par des négociations
fondées sur les intérêts des parties
L’écart grandissant entre les besoins d’affaires de la société Cascades
et les normes générales de l’industrie a créé des tensions quant aux
pratiques de travail appropriées et aux conditions connexes de la
convention collective. Étant donné que Cascades et le SCEP ont tous
deux énoncé leur position de principe, en particulier au sujet des
régimes de retraite, il est impératif que l’équipe de négociation de
Cascades Groupe Tissu tente d’engager le SCEP dans des négociations coopératives abordant plusieurs points en litige et axées sur les
intérêts sous-jacents tant à la position de Cascades Groupe Tissu qu’à
celle du SCEP et sur la viabilité à long terme de l’usine. On ne saurait
exagérer l’importance de négociations fondées sur les intérêts des
parties quand on considère qu’un certain nombre des conditions de
Cascades peuvent être interprétées comme une menace pour la rémunération des membres du SCEP (par exemple le régime de retraite et
On ne saurait exagérer l’impor­
tance de négociations fondées
sur les intérêts des parties…
la rémunération au rendement), pour leur ancienneté (par exemple
le choix des techniciens par l’employeur) et pour la souplesse des
modalités d’emploi (mobilité des techniciens et contrat d’une durée
de huit ans). Comme il s’est révélé difficile de parvenir à une entente
au mois de septembre, on pourrait soutenir que Cascades et le SCEP
arriveront à conclure une nouvelle convention uniquement s’ils
sont en mesure de définir des clauses d’exception ou des compromis
possibles, ce que seules des négociations fondées sur les intérêts des
parties permettront.
La réussite par la planification du changement
En plus des préoccupations que nourriront probablement les
membres du SCEP face à la réouverture de la convention collective,
le directeur des ressources humaines à l’usine de Lachute doit être
prêt à aborder et à apaiser les craintes liées aux changements technologiques et contractuels qui suivront les négociations. Comme ces
préoccupations ou ces craintes feront sans doute immédiatement
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surface, il serait bien avisé d’élaborer sans tarder une stratégie afin
d’orienter le processus de changement et de fournir un cadre dans
lequel répondre aux inévitables questions sur la nécessité du changement, sur le moment où les changements possibles s’effectueront,
sur les changements qui demeurent encore incertains et sur les
répercussions que les changements sont susceptibles d’avoir. Dans
… le directeur des ressources
humaines aurait peut-être intérêt
à entamer une opération de
gestion des risques d’entreprise…
le cadre d’une stratégie de changement, le directeur des ressources
humaines aurait peut-être intérêt à entamer une opération de gestion
des risques d’entreprise afin de cerner les risques liés à la réouverture de la convention collective et aux changements qui pourraient
résulter de l’investissement envisagé et afin d’établir un plan pour
y faire face.
Les facteurs de risque
Une opération de gestion des risques permettra sans doute de
déceler tout un ensemble de risques liés aux changements que la
convention collective et le milieu de travail pourraient tous deux
subir. La rupture des communications entre Cascades Groupe Tissu
et le SCEP constitue un risque immédiat, à probabilité moyenne et
à forte incidence. Elle pourrait avoir pour conséquence que le SCEP
soit réticent à rouvrir et à renégocier la convention collective. Étant
donné les difficultés que pose la renégociation de la convention collective conclue récemment, un risque à probabilité élevée et à forte
incidence se pose, à savoir celui que les négociations deviennent
rapidement catégorielles et conflictuelles et mènent à une grève, à un
lockout ou pire. Le processus de négociation comporte un troisième
risque, à probabilité élevée et à incidence modérée, soit celui que les
négociations ne soient pas terminées à temps, ce qui entraînerait des
dépassements de coûts.
Tout changement s’accompagne d’incertitude. Dans le cas de
l’usine de Lachute, le risque qu’une incertitude se manifeste et
entraîne un manque de flexibilité face aux changements requis
pourrait persister longtemps à cause du contrat d’une durée de huit
ans que la direction de l’entreprise demande. En dernier lieu, l’opération de gestion des risques révélerait sans doute un autre risque à
probabilité moyenne et à forte incidence, celui que les modifications
apportées à la convention collective et au milieu de travail n’entraînent une baisse de productivité.
Une stratégie de négociation
pour atténuer les risques
Comme nous l’avons mentionné plus haut, la meilleure façon de
favoriser la stratégie de négociation avec le SCEP à l’usine de Lachute
serait d’établir une communication face à face, ouverte, constante
et transparente. Bien qu’elle ne suffise pas, la communication est
nécessaire pour susciter à tout le moins la possibilité d’entamer les
négociations de manière coopérative et en se fondant sur les intérêts
des diverses parties en présence. De plus, il serait bon que l’équipe
de négociation travaille en collaboration avec l’équipe de direction
élargie de Cascades Groupe Tissu afin de mieux comprendre les
motifs des exigences formulées par l’entreprise. Seule la compréhension des intérêts sous-jacents permettra aux membres de l’équipe de
négociation d’élaborer efficacement une stratégie de concession et de
déterminer s’il leur sera possible de satisfaire les intérêts de Cascades
Groupe Tissu sans avoir à passer à la négociation positionnelle ou
catégorielle. Au nombre des questions ou des clauses sur lesquelles
l’équipe de négociation pourrait se pencher figure une clause qui
prévoirait la révision de la convention au bout de quatre ans, malgré
sa durée de huit ans. Bien qu’elles n’empêchent pas le processus de
se prolonger au-delà du délai prévu, des négociations face à face
fondées sur une communication efficace, sur la coopération et sur
les intérêts des diverses parties réduisent au moins la probabilité que
cela ne se produise.
Pour obtenir plus d’information sur le tournoi Excalibur, visitez le site Internet www.orhri.org/excalibur
orga ni sé p a r
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