Basiques instincts, quand masques et genres se mêlent

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Basiques instincts, quand masques et genres se mêlent
VIE, MORT et MASQUES :
« Basiques instincts, quand masques et
genres se mêlent »
« Que le masque tombe »
Dossier de presse
CommuniquE de presse
Vie et mort dans un même cycle d’exposition
au Musée international du Carnaval et du Masque
« Basiques Instincts, quand masques et genres se mêlent »
« Que le masque tombe »
A partir du 25 octobre au Musée international du Carnaval et du Masque de Binche
Vie et mort dans un même cycle d’expositions
A partir du 25 octobre 2008, le Musée international du Carnaval et du Masque à Binche
présente deux expositions temporaires où vie et mort seront représentées.
L’exposition « Basiques Instincts, quand masques et genres se mêlent », ouverte jusqu'au
19 avril 2009, met en scène la question des relations entre les hommes et les femmes. En
effet, cette question du « genre » est revenue sur le devant de la scène. Plutôt ringarde dans les
années 1980, elle nourrit à nouveau largement le débat scientifique et public. La notion de
genre et, plus encore, celle de la sexualité sont passionnantes à explorer; leur vécu,
l’iconographie et la mythologie qui les entourent varient autant qu’on compte de cultures
humaines. Elles jouent un rôle fondamental dans les représentations collectives des rapports
entre les sexes, la façon dont les individus se construisent, vivent leur intimité, envisagent
l’acte sexuel, comprennent la conception d’un enfant et acceptent la distinction entre relations
licites ou non (l’inceste, par exemple), sans oublier, par extension, les rapports face au
pouvoir, au travail, à la richesse et aux rites. Dans toute société, la sexualité fonctionne aussi
au « profit » de multiples réalités (économiques, politiques, religieuses, etc.), qui ne sont pas
directement liées au sexe et aux sexes.
C’est dans ce contexte général que l’ensemble d’une société éduque, conditionne, transmet,
ordonne, sanctionne et sexualise par le masque, même si celui-ci relève a priori d’un univers
majoritairement masculin.
Près de 200 pièces – photographies, masques, costumes et accessoires- occupent le rez-dechaussée mais également une partie du premier étage ; certaines sont prêtées par le Musée
Royal de l’Afrique Centrale de Tervuren, le Musée d’Ethnographie d’Anvers, le Musée du
quai Branly de Paris mais également par des collectionneurs privés.
Aussi, si notre culture occidentale judéo-chrétienne considère souvent les représentations
sexuelles ou érotiques comme vulgaires et pornographiques dans l’espace quotidien ou le
champ du religieux, il n’en va pas de même pour toutes les cultures.
Dès lors, toute forme de censure a été écartée et le langage et le fond se sont gardés de toute
forme de racolage.
Le samedi 25 octobre est organisé un colloque au cours duquel les auteurs du catalogue et
scientifiques ; les artistes et prêteurs donneront une conférence sur un des thèmes abordés
dans l’exposition. Ce colloque aura une dimension largement internationale. En effet, les
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intervenants sont de nationalités diverses. Comme Monsieur Felipe Ferreira, professeuradjoint de l’Institut des Arts de l’Université de l’État de Rio de Janeiro avec qui le musée
signera un accord de coopération en tant que centre de recherche international sur les
traditions carnavalesques et deviendra ainsi un partenaire scientifique pour les chercheurs et
professeurs de cette université de renommée.
En cours d’exposition, Monsieur Pedro Inácio Pinheiro Ngematücü, indien Ticuna
(Amazonie) donnera une conférence sur la fête de la nouvelle fille ou de la fertilité sur les
indiens Ticuna. Il joua un rôle important dans la démarcation du territoire ticuna et la
reconnaissance de sa culture et reçut également le prix Nobel alternatif (Roma Brasilia, Citta
Della Pace), en 1991, à Rome.
En clôture de soirée, en collaboration avec les femmes prévoyantes socialistes, la troupe
Rara F Exhibition (Haïti) présentera leur pièce qui mêle musique et danse : « Quand les
femmes s’emparent de la tradition populaire pour transgresser les rôles dédiés aux hommes »
Pour boucler la boucle et à l’occasion de la Toussaint, la seconde exposition « Que le
masque tombe » est accessible gratuitement du 25 octobre au 14 décembre. Celle-ci est
essentiellement composée de photographies de Monsieur André Chabot et prendra place sous
les arcades de la cour de musée. Celui-ci a pris plus de 160.000 clichés de sépultures dans le
monde entier En parallèle, l’Académie des Beaux-arts de Binche expose les travaux réalisés
par les étudiants sur le thème de la mort, les 25 et 26 octobre, dans le Vieux-Cimetière de la
ville et le parc communal.
Vie, mort et masques constituent un trio a priori peu conciliable. Pourtant, à y regarder de plus
près, les trois semblent souvent indissociables et, ce, depuis l’aube des temps.
Bref, un automne multiculturel décidemment bien chargé pour un MuM bien vivant qui outre
les activités intra-muros, présente également en collaboration avec le Musée d’Histoire
naturelle et la Ville de Mons, l’exposition « Bas les masques, quand l’homme se prend
pour un animal », du 27 septembre au 23 novembre, en la salle Saint-Georges de Mons.
Renseignements pratiques
Musée international du Carnaval et du Masque de Binche
Rue Saint Moustier, 10
7130 Binche
Responsable presse : Sandrine Baron
Tél. : 064/23.89.21
Fax : 064/34.14.30
E-mail : [email protected]
Collaboratrice scientifique : Emilie Botteldoorn
Tél. : 064/23.89.22
Fax : 064/34.14.30
Email : [email protected]
Scénographie : Olivier Desart
Tél. : 064/23.89.32
Fax : 064/34.14.30
E-mail : [email protected]
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Edito
Le masque est universel et l’homme a, de tout temps, ressenti la nécessité de changer
d’apparence pour invoquer les dieux ou les esprits de la nature, pour affirmer sa différence ou
souligner son pouvoir, pour marquer les moments importants qui jalonnent sa vie, ou encore
pour se divertir dans un espace-temps où tout semble permis… Par le masque, les cultures –
on le sait – transmettent, ordonnent et sanctionnent. Elles sexualisent aussi…
Dans les rites et les carnavals, en effet, les représentations sexuées ou érotiques deviennent
vecteurs de fécondité, de socialisation ou de libération des instincts; les genres se mélangent,
se confondent ou se distinguent davantage. Le carnaval est un univers où la séduction, qui se
joue des notions de masculin et de féminin, est généralement exacerbée.
A l’heure où l’on ne met plus de feuilles de vigne aux statues, pourquoi ne pas lever un coin
du voile sur les aspects sexués ou sexuels des traditions masquées, réalité connue de beaucoup
mais rarement avouée. Osons! Présentons nos masques sans tabou!
Si certaines pièces exposées peuvent choquer, c’est parce que nous avons voulu nous interdire
toute forme de censure, dans un souci constant d’objectivité. Nous avons pris soin, par contre,
tout au long de la préparation de cette exposition – depuis la sélection des pièces jusqu’à
l’élaboration des notices – d’éviter tout effet visuel ou de style qui aurait pu être apparenté à
du racolage.
Cette visite tentera de nous rappeler l’importance sociale de la notion de genre ainsi que la
diversité des échanges entre les hommes et les femmes… à une époque où l’étalage gratuit
des corps est devenu la règle.
Exposition pornographique? Ethnographique, plus sûrement.
Didier Dehon
Président de l’asbl Patrimoine du Musée international du Carnaval et du Masque
Christel Deliège
Directrice de l’asbl Patrimoine du Musée international du Carnaval et du Masque
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1. Introduction
Que le masque dissimule, métamorphose, induise la joie ou l’effroi, qu’il serve aux
rituels d’initiation, saisonniers ou mortuaires, le masque reste une des plus fabuleuses
créations humaines.
Le masque est un accessoire extraordinaire. Seule production culturelle quasiment universelle,
cet accessoire étonnera toujours même l’observateur le plus blasé par son infinie variété
stylistique, chromatique et ses multiples usages.
Depuis l’aube des temps, le masque est une création hybride, paradoxale, troublante.
L’une de ses fonctions premières, apparue dès l’avènement des rituels, est d’être le médiateur
entre deux univers, le monde physique et celui des esprits. Esprit terrestre et matière
transfigurée, à la fois l’un comme l’autre, mais n’appartenant à aucun de ces deux univers, il
incarne et assure le passage entre intériorité1 et extériorité 2. Outre cette étonnante propriété, le
masque captive également par le pouvoir qu’il exerce sur la nature. Par son port, l’homme
s’affirme en tant qu’être humain et se distingue du reste des vivants.
Dès la préhistoire, l’homme s’est masqué. Si les causes de ce comportement divisent
encore les chercheurs, les uns y voyant la preuve de pratiques rituelles déjà vivaces alors que
d’autres penchent plutôt en faveur de complexes déguisements servant lors des chasses à
approcher plus aisément le gibier, il n’en est pas moins vrai que ces masques existaient.
Si, comme nous l’avons déjà dit, le masque est présent dans toutes les cultures, le
visage en est le diapason. Puisque le visage sert à communiquer, évoquer peine et joie, c’est
en le transformant, en le modelant, que l’homme s’est rendu capable de modifier cette
communication, la désorienter pour ensuite la réorienter. L’individu, dès lors qu’il se masque,
peut s’extraire de sa condition de citoyen, de son rôle de gendre ou de père, pour devenir tout
autre, divinité ou démon, acteur du surnaturel comme du naturel. Le masque permet donc aux
forces surnaturelles d’entrer en contact avec l’humanité. Parallèlement, l’homme qui le porte
atteste de sa propre existence en tant que membre d’une société. Le masque est donc homme
et tout autre chose, médiateur entre société et cosmos.
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Âme, esprit, conscience, intentionnalité, subjectivité, réflexivité, affects, etc.
Forme, substance, processus physiques, etc.
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Il est facile d’imaginer quand, à la genèse de l’humanité, le premier masque fut porté,
aussi simple fut-il, fait de feuilles ou de cheveux hirsutes et sans doute porté par simple
fantaisie ou amusement, l’homme a dû prendre conscience que, derrière ce subterfuge, le
regard qu’il a sur lui-même a changé. Le masque agit soudainement comme un vase clos dans
lequel il fait alors l’expérience de sa propre conscience, de sa propre subjectivité transformée
ou sur le point de l’être. Plus signifiant encore, l’homme a dû se rendre compte que la
perception que les autres avaient de lui s’en est aussi trouvée changée. Dès lors, ils perçoivent
un autre visage que celui qu’ils connaissaient. Quelqu’un vient de disparaître alors qu’un
autre, inconnu jusque là, vient d’apparaître. Mais est-il quelqu'un ou quelque chose d’autre ?
Acteur et spectateur viennent d’assister à la naissance du masque, peut-être même à la vraie
naissance de l’humanité et des sociétés humaines.
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2. Evénements
En cette fin d’année, le Musée international du Carnaval et du Masque à Binche présentera
deux expositions.
Du 25 octobre 2008 au 19 avril 2009, l’exposition « Basiques instincts, quand masques et
genres se mêlent » fera découvrir l’aspect sexué et sexuel des traditions masquées.
Les pièces exposées (masques, costumes et outils) mettront en scène les rites de passage chez
les filles et les garçons ; le rôle de la femme tantôt séductrice, tantôt sensuelle et de l’homme
séducteur ou en femme. L’usage et la symbolique des accessoires accompagnant certains
masques tels que le balai de sorcière, les vessies de porc ou encore le « Happe-châr » de la
Haguète seront présentés.
Plus de 200 pièces occuperont le rez-de-chaussée mais également une partie du premier
étage… Certaines de ces pièces nous seront prêtées par d’autres musées (le Musée Royal de
l’Afrique Centrale de Tervuren, le Musée d’Ethnographie d’Anvers, le Musée du Quai Branly
de Paris et le Musée de la Médecine de Bruxelles) mais aussi par des collectionneurs privés.
Outre les pièces de collection, dès le mardi 04 novembre, une exposition des photos de
Monsieur Marco Bertin prendra place au premier étage. Monsieur Bertin a eu le privilège
d’accéder aux « coulisses » du carnaval de Venise en participant aux soirées privées
organisées dans les palais anciens et les résidences nobles du Canale Grande au cours
desquelles il a photographié des artistes et invités en costumes somptueux et dans des poses
érotiques lascives…(in : Marco Bertin, Antonio Giarola, Masquerade : una festa privata
veneziana).
Cette exposition ne se veut en rien choquante ou osée, la visite cherchera à montrer le rôle
essentiel de la sexualisation des individus dans leur socialisation que revêtent les traditions
masquées et carnavals. Les représentations de la sexualité humaine n’étant dès lors que des
moyens d’éducation ou d’exutoire dans la fête ou la cérémonie initiatique, bien loin de notre
vision actuelle de l’acte physique entretenue par le mercantilisme toujours grandissante.
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Dès le 25 octobre également, et ce jusqu’au 14 décembre 2008, l’exposition « Que le
masque tombe », présentée sous les arcades de la cour du musée, sera exclusivement
composée de photos de Monsieur Chabot.
Dans le cadre de cette exposition, un ouvrage est édité en collaboration avec la Maison de la
Culture de Tournai. Ce septième tome dont le titre est le même que celui de l’exposition
reprend une sélection de photos de Monsieur Chabot qui a pris plus de 160.000 clichés de
sépultures dans le monde entier et qui est l’auteur de plusieurs ouvrages tels que « Le Petit
Monde d’Outre-tombe, Erotique du Cimetière (Pris de l’humour noir en 1991).
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3. « Basiques instincts, quand masques et genres se
mêlent »
Les traits que nous qualifions de masculins ou de
féminins sont pour un grand nombre d’entre eux, sinon
en totalité, déterminés par le sexe de manière aussi
superficielle que le sont les vêtements, les manières ou
la coiffure qu’une époque assigne à l’un ou l’autre
sexe. (…) [Ils] apparaissent de toute évidence être le
résultat d’un conditionnement social.
Margaret Mead
Concepteurs: Christel Deliège, Olivier Desart et Sabine Mäuseler
Collaboratrice scientifique: Émilie Botteldoorn
Scénographie: Olivier Desart
Graphisme: Benoît Bouffioux
Montage: équipe technique du MUM sous la direction de Marc Meurant
Photographies: Marco Bertin, Daniel De Vos et Olivier Desart
Traductions: Sabine Mäuseler
Auteurs invités pour le catalogue:
Jacques Nanema, Corps, sexes, masques et paroles – quand la parole tourne le dos à la
nature
Dr. Johan J. Mattelaer, Le phallus dans l’art et la culture et La circoncision dans les
différentes cultures
Daniel De Vos, Worecü et la démarcation du territoire – la fête de la Nouvelle Fille ou la fête
de la fertilité chez les Indiens Ticuna
Mieke Renders, La circoncision féminine, un regard anthropologique sur l’origine et la
motivation de la circoncision chez les femmes
Monique Gessain, La femme et le masque chez les Bassari et les Coniagui
Felipe Ferreira et Gustavo Borges Correa, Rio de Janeiro – carnaval et sexualité
Céline Maqua, La séduction dans le carnaval de Venise
in Basiques Instincts. Quand genres et masques se mêlent, catalogue qui accompagne
l’exposition temporaire du même nom, MUM, 2008 (cité ultérieurement: Basiques Instincts).
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La question des relations entre les hommes et les femmes dans notre société est revenue sur le
devant de la scène. Plutôt ringarde dans les années 1980, elle nourrit à nouveau largement le
débat scientifique et public. La notion de genre et, plus encore, celle de la sexualité sont
passionnantes à explorer; leur vécu, l’iconographie et la mythologie qui les entourent varient
autant qu’on compte de cultures humaines. Elles jouent un rôle fondamental dans les
représentations collectives des rapports entre les sexes, la façon dont les individus se
construisent, vivent leur intimité, envisagent l’acte sexuel, comprennent la conception d’un
enfant et acceptent la distinction entre relations licites ou non (l’inceste, par exemple), sans
oublier, par extension, les rapports face au pouvoir, au travail, à la richesse et aux rites. Dans
toute société, la sexualité fonctionne aussi au «profit» de multiples réalités (économiques,
politiques, religieuses, etc.), qui ne sont pas directement liées au sexe et aux sexes.
C’est dans ce contexte général que l’ensemble d’une société éduque, conditionne, transmet,
ordonne, sanctionne et sexualise par le masque, même si celui-ci relève a priori d’un univers
majoritairement masculin. « Outil d’humanisation, […], le masque permet de passer de
l’inceste à la conjugalité, de la gémellité à l’individualité, de l’hybride à l’humain, de
l’aphasie au langage. Encore ce frayage a-t-il été avant tout une aventure masculine, la femme
étant désignée pour receler tout ce que, de ce frayage, le mâle perdait » (Jean Thierry
Maertens, 1993, p. 39). La différence entre les genres intrigue, en effet; elle effraie aussi parce
qu’elle est universellement vécue comme un danger pour l’ordonnance de la société, voire du
cosmos. Le masque et le sacré sont liés à la vie et à la mort. C’est sans doute une des raisons
pour lesquelles les femmes sont généralement exclues de toutes les activités où interviennent
l’intangible et le masque, l’un et l’autre tabous pour celles qui portent la vie. Cette absence,
du reste, ne fait que renforcer leur présence symbolique.
La sexualisation de la socialisation est l’apprentissage d’une identité sexuée, liée à un genre
construit socialement et culturellement – le sexe vécu dans le groupe –, en corrélation avec le
sexe biologique. Elle occupe une place prépondérante dans l’éducation puisqu’elle permet la
subordination générale de la sexualité au profit de l’ordre social, par l’élaboration d’un socle
de croyances et de symboles liés au corps et aux sexes. A chaque sexe, un parcours sui
generis, somme toute… « […] Pour les Ankave (Nouvelle-Guinée), il faut en quelque sorte
que les parents confirment l’appartenance de leur enfant au sexe masculin ou au sexe féminin
en effectuant des gestes codifiés et symboliquement riches de sens » (Pascale Bonnemère et
Pierre Lemonnier, 2007, p.116).
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Maurice Godelier émet l’idée que: « le social ne peut s’établir que sur la base du sacrifice de
quelque chose qui est intérieurement, profondément, contenu dans la sexualité humaine, et qui
est son caractère fondamentalement « asocial ». L’humanité doit faire du social avec du
sexuel. On pourrait dire, avec Lacan, qu’il y a peu de sexe dans un acte sexuel » (Maurice
Godelier, 2007, p. 172). Mais le danger réside dans la force même de cet acte, dans le plaisir
et la frustration qu’il génère «D’où les multiples tabous qui l’entourent. Les représentations
du corps déterminent ainsi dans chaque société une sorte d’anneau de contraintes sociales et
culturelles qui enserrent l’individu, un anneau qui constitue la forme sociale, paradoxalement
partagée avec d’autres membres de sa société imprégnés des mêmes représentations de son
intimité. Et c’est dans cette forme, en quelque sorte impersonnelle, de l’intimité à soi qui lui
est imposée dès la naissance, et qui organise à l’avance ses rencontres avec l’autre, dès que
l’enfant va commencer à vivre ses désirs d’autrui » (Maurice Godelier, 2007, p. 141).
Ce mécanisme de sexualisation est déjà présent dans l’éducation familiale et plus encore dans
les rites initiatiques de passage – où garçons et filles, à la fin du cycle d’épreuves, rempliront
classiquement les conditions de l’union. Il se vérifie aussi dans les exutoires que constituent
nos carnavals. Tous ces moments forts du collectif sont de la plus haute importance, car ils
définissent ce que la société attend de ses membres adultes en fonction de leur genre et jettent
aussi les bases des comportements sexués admis ou refusés par l’ordre social et, par-là, les
bases de tout ce qui concerne les rapports entre les deux sexes.
Si notre culture occidentale judéo-chrétienne considère souvent les représentations sexuelles
ou érotiques comme vulgaires et pornographiques dans l’espace quotidien ou le champ du
religieux, il n’en va pas de même pour toutes les cultures. Paradoxalement cependant, même
si dans bon nombre de sociétés, on illustre abondamment – voire très ouvertement – l’union
charnelle ou les fantasmes qui y sont associés, on n’en parle pas pour autant; le sujet semble
universellement tabou.
Pourtant, dans les carnavals, la « bagatelle » ou l’exhibition des corps désinhibés par la joie et
la chaleur humaine (et couramment par l’alcool) deviennent conditionnements ou libérations
des instincts, une catharsis nécessaire à la société moderne où individualité et plaisirs
deviennent la quête de chacun, un réceptacle où les genres se fondent et se confondent certes,
mais pour revenir toujours, le calme retrouvé, en amants plus stéréotypés.
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Les hommes se déguisent en femme pour le caractère subversif de l’acte; ils en exagèrent les
attributs et fonctions pour exprimer davantage leur désir. Aussi, le carnaval est-il un monde
où cette notion de genre est fondamentale, où la séduction est permanente et exacerbée, où le
grotesque se joue des tabous et des normes.
Cournonterral, dans le Languedoc, est un exemple représentatif d’un carnaval où le grotesque
est porté à son paroxysme dans une joyeuse folie scatologique. Des hommes appelés
Pailhasses y poursuivent les spectateurs dans une marre de lie de vin (!): « Entre chasseurs et
proies, la relation est ambiguë. Les filles hurlent et hoquètent à la limite de l’évanouissement
lorsque dix bras virils les saisissent, lorsque les mains enduites de lie leur malaxent les seins,
les fesses, le sexe, lorsque la boue vineuse bouche les yeux, les oreilles, coule dans la gorge
mais, auparavant, elles sont sorties, prêtes, elles ont rôdé autour de la place, elles ont
longuement défié leur amical bourreau » (Daniel Fabre, 1976, p. 62).
C’est dans le même ordre d’idée que de nombreux personnages de carnaval disposent
d’instruments divers et variés, qu’ils utilisent pour « dialoguer » avec le public et,
principalement, avec les jeunes femmes qu’ils partent conquérir, enlacer ou encore fouetter.
C’est ce dernier mot que hurlent les Sauvages du Noirmont, dans le Jura suisse, après avoir
«arrosé» les demoiselles à l’aide de leurs sonnailles (symboles de fertilité, comme la lie de vin
des orgies dionysiaques) dans la fontaine du village, les souillent de graisse noire...
A Malmedy, la Haguète attrape ses victimes avec un Zigzag (Happe-chair).
A Stavelot, en Belgique, ou à Limoux, en France, les confettis pleuvent, généreusement
dispensés par les masques… Les femmes non ciblées seraient moins appréciées… que celles
criblées de la « semence » du masque, symbole de joie et de fertilité…
La niçoise Josyane Guillemaut est l’auteur d’une interprétation psychanalytique de cet aspect
du carnaval: « Les fantasmes sous-tendent le simple combat de confettis, pour prendre un
exemple: plaisirs d’un niveau oral (j’enfourne dans sa bouche, on m’enfourne dans la
bouche); anal (je souille, je barbouille, je suis tout sale, je fais exploser); urétral (j’inonde);
phallique (regardez-moi, je suis le plus fort ou le plus beau) […]. Le voyeurisme et
l’exhibitionnisme y trouvent leur compte. Enfin les tendances sexuelles peuvent se satisfaire
par les jeux, combats ou déguisements permettant d’entrer en relation avec l’un ou l’autre
sexe. […] Libido et agressivité sont constamment intriquées, chacune donnant un élan à
l’autre et augmentant le plaisir de chacun dans la cohésion du groupe » (Josyane Guillemaut,
1984, p. 540).
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Parallèlement à sa fonction sexualisante – presque pédagogique –, le carnaval joue un rôle
extrêmement important dans la protection de la communauté contre le Mal et, par voie de
conséquence, appelle au bonheur et à la prospérité. Il incarne la vie repoussant la mort, le
printemps contre l’hiver, avec des accessoires, dont certains présentent une forme suggestive,
qui ont pour but de symboliser ce caractère apotropaïque et fécondant. Aujourd’hui, la
fonction ludique a probablement remplacé en grande partie la fonction sacrée mais des traces
subsistent… Son rôle positif pour la collectivité reste primordial. « Le carnaval et son
déroulement est une œuvre de salubrité publique et privée: il agit à titre préventif et curatif.
En effet, il permet à toutes les tendances de la personnalité de s’exprimer (l’agressivité et la
libido sous leurs différentes modalités), à toutes les instances, conscientes et inconscientes, de
se faire plaisir. Chacun y trouve son niveau de jeu, de symbolisation, dans un moment et un
lieu prescrits par la société. C’est un jeu structurant. […] Qu’adultes et enfants fréquentent les
fêtes de carnaval et s’y mêlent activement, ils s’en porteront beaucoup mieux et en feront
bénéficier le groupe humain tout entier » (Josyane Guillemaut, 1984, pp. 533 et 541).
Pour couronner le tout, l’apothéose de ces fêtes est fréquemment interprétée par les
anthropologues comme un instant « orgasmique » pour la collectivité, laquelle tombera
bientôt en dépression… « post coïtume»… quand le carême reprendra ses droits.
Messages camouflés, jeux des corps, danses et accessoires parfois phalliques, déguisements
licencieux sont au coeur même des traditions masquées pour mieux « supporter » le silence
dans lequel est plongé notre «nature ».
« […] Les corps, les sexes, le sexe sont bien des poupées ventriloques qui tiennent à des
interlocuteurs qu’elles ne voient pas des discours qui ne viennent pas d’elles. [...] Car le corps
déborde le langage, et en s’enfouissant dans le corps, l’ordre qui règne dans la société et celui,
plus imaginaire encore, qui est supposé être celui du cosmos, s’y travestissent et s’y occultent,
jusqu’à pousser les individus, finalement, au silence » (Maurice Godelier, 2007, p.170).
Silence ou pas, nos fêtes masquées sont bien plus « roses » qu’il n’y paraît!
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L’exposition
(L’ensemble des pièces exposées sont reprises dans le catalogue de l’exposition ci-joint)
Salle d’introduction : Existence sexuée: vénérables vagins et phallus sacrés
A l’entrée de l’exposition, les premières pièces exposées montrent que les représentations
sexuées sont présentes dans l’art et les cultures depuis très longtemps, en effet, certaines
remontent à l’Antiquité.
Symboles de fécondité et fertilité, les objets exposés montrent également au visiteur que
phallus, vagins et acte sexuel sont représentés sous toutes formes comme des fauteuils, des
tabatières, des appuie-têtes ou encore des bougeoirs, et toutes matières comme les phallus en
bois, en pierre ou en ivoire.
Si notre culture occidentale judéo-chrétienne considère souvent les
représentations sexuelles ou érotiques comme vulgaires et pornographiques
dans l’espace quotidien ou le champ du sacré, il n’en va pas de même pour
toutes les cultures. Paradoxalement cependant, même si, dans bon nombre
de sociétés, on illustre abondamment – voire très ouvertement – l’union
charnelle ou les fantasmes qui y sont associés, on n’en parle pas pour
autant; le sujet semble universellement tabou.
Extrait de Christel Deliège, Basiques Instincts, quand genres et masques se mêlent
in Basiques Instincts.
La notion de genre et, plus encore, celle de la sexualité sont passionnantes à explorer; leur
vécu, l’iconographie et la mythologie qui les entourent varient autant qu’on compte de
cultures humaines. Ces notions jouent un rôle fondamental dans les représentations collectives
des rapports entre les sexes, la façon dont les individus se construisent, comprennent la
conception d’un enfant et acceptent la distinction entre relations licites ou non (l’inceste, par
exemple). Dans toute société, la sexualité fonctionne aussi au « profit » de multiples réalités
(économiques, politiques, religieuses, etc.), qui ne sont pas directement liées au sexe et aux
sexes.
La sexualisation de la socialisation (apprentissage d’une identité culturellement sexuée)
occupe une place prépondérante dans l’éducation. Elle permet, en effet, la subordination
générale de la sexualité au profit de l’ordre social, par l’élaboration d’un socle commun de
croyances liées au corps et aux sexes. « Le social ne peut s’établir que sur la base du sacrifice
de quelque chose qui est intérieurement, profondément, contenu dans la sexualité humaine, et
qui est son caractère fondamentalement « asocial ». L’humanité doit faire du social avec du
sexuel. (…) D’où les multiples tabous qui l’entourent » (Maurice Godelier). Une société
éduque, contrôle et sexualise par le masque, même si celui-ci relève a priori d’un univers
majoritairement masculin.
La différence entre les genres effraie parce qu’elle est universellement vécue comme un
danger pour l’ordonnance de la société, voire du cosmos. « Par sa structure physiologique, le
modèle féminin dispose d’un poids considérable face auquel le monde masculin se constitue
essentiellement par négation. L’individu mâle, né d’une femme et nourri par elle, est dès sa
naissance imprégné d’éléments féminins (…). Contraint de construire son identité en se
proclamant différent de la femme, l’homme doit développer et s’attribuer un rôle socioculturel susceptible de lui conférer une importance au moins égale à celle de la femme. Il se
réserve donc, plus ou moins, exclusivement certains domaines (relation au sacré, rapport avec
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la mort et les ancêtres) et certaines activités ou techniques.» (Henry Pernet). En outre, « les
femmes sont généralement exclues de tout ce qui touche aux activités où interviennent les
masques qui, ayant trait à la mort, portent atteinte à la fécondité, préoccupation majeure, s’il
en est, de toute société traditionnelle en Afrique » (Germaine Dieterlen).
Phallus sacrés d’Occident
La vénération et le culte du phallus comme source de vie et symbole de virilité et de fertilité,
de courage et de pouvoir, se retrouvent tout au long de l’histoire de l’humanité, du
Paléolithique à nos jours, et à peu près dans toutes les cultures du monde. L’éjaculation du
sperme masculin, source de vie, n’est possible que lorsque le pénis est en érection. Il s’appelle
alors phallus et, depuis la plus lointaine Préhistoire, il est considéré comme l’image du
principe créateur.
Le Paléolithique supérieur offre les premiers exemples de représentations phalliques, bien que
celles-ci ne peuvent être associées indubitablement à une symbolique précise. Quant à la
Grèce et à l’Empire romain, entre les ex-voto, les piliers hermaïques et les figurations sur les
façades des maisons, l’importance du phallus ne fait pas de doute et son action apotropaïque
est encore renforcée par son étymologie latine, fascinum (du verbe fascinare, ensorceler).
Cette fonction de protection contre le mauvais œil semble se maintenir pendant tout le Moyen
Âge chrétien; églises et emblèmes de pèlerinage en témoignent.
Suite à la Réforme et à la Contre Réforme, les anciennes mœurs médiévales sont modifiées et,
peu à peu, la sexualité devient un tabou. Dans le domaine artistique, les parties génitales des
œuvres antérieures sont retouchées ou cachées pudiquement derrière une feuille de vigne.
Aujourd’hui, quoique le phallus ait souvent perdu sa symbolique de fertilité, de virilité et de
puissance, il est redécouvert par les arts contemporains. Toutefois, les tabous des Temps
Modernes sont bien loin d’avoir été oubliés et ils conditionnent encore très largement l’image
que nous avons de la culture phallique dans le monde.
D’après le Dr. Johan J. Mattelaer, Le phallus dans l’art et la culture in Basiques Instincts.
Le corps en Afrique
Les sociétés traditionnelles en Afrique de l’Ouest sont des aires culturelles où le corps des
hommes et des femmes n’est visible qu’en mode « clair-obscur ». Le sexe est une affaire trop
sociale, trop culturelle pour être livrée aux paroles individuelles qui en dévoilent les secrets,
au risque de le banaliser. Celui qui parle vertement ou librement du sexe est soit l’enfant soit
le fou. En parler, c’est plonger dans l’indécence. En effet, l’homme et la femme adultes, bien
qu’ils en soient les praticiens par excellence, n’ont de rapport à la sexualité que celui du
silence, du rejet ou encore de l’indifférence. Muets, ils le sont au sujet du sexe, dont ils sont
des pèlerins nocturnes… Pudeur ou hypocrisie ? Le sexe est tabou et le tabou est d’ordre
sexuel. Il est comme le temps, en marge de tout discours, sans doute parce qu’ils sont tous
deux les conditions fondamentales de tout le reste. Par eux, la vie est donnée, nourrie,
cultivée. C’est donc, pourrait-on dire, le paradoxe fatal majeur de nos quotidiens et de nos
corps que d’être surexposés à la visibilité sociale tout en étant condamnés à une invisibilité
sociale qui prolonge le règne du mystère.
Extrait de Jacques Nanema, Corps, sexes, masques et paroles - quand la parole tourne le dos
à la nature in Basiques Instincts.
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Salles 2 et 3 : De la nature sauvage à l'ordre social
L’initiation marque un tournant dans la vie du jeune qui passe du statut d’enfant à celui
d’adulte et devient homme ou femme.
Rites d’initiation chez les filles
Dans cette salle sont illustrés les rituels d’initiation des filles parmi lesquels la fête de la
nouvelle fille organisée chez les Ticuna à l’occasion des premières menstrues, la circoncision
féminine chez les Mendé, étape préliminaire de l’initiation.
Outre les masques, on retrouve aussi dans cette salle, des accessoires comme un couteau
d’excision, une chaise ou encore des déflorateurs.
Rites d’initiation chez les garçons
Ici sont principalement exposés des masques qui interviennent lors du rituel de circoncision,
première étape de l’initiation du garçon qui lui donne accès au monde des adultes. Comme
pour les filles, on retrouve des accessoires tels qu’un couteau, un collier mais aussi des
vêtements par exemple un bonnet.
Education
Les rites d’éducation consistent à apprendre à chaque individu son rôle dans la société en
fonction de son sexe.
Cette troisième salle clôture la partie concernant l’éducation en présentant notamment la
prohibition de l’inceste. Sont présentées également des coiffes de plumes portées lors des
cérémonies de clôture d’initiation en Amazonie.
[Les masques] sont souvent engagés dans un processus
éducatif. Ils transmettent un savoir, enseignent des lignes
de conduite, conseillent et influencent. Ils représentent
des modèles admirables à suivre ou à approcher.
Ils concentrent l'éthique d'une société, soulignent les
choses importantes à faire ou à éviter.
Anne-Marie Bouttiaux
Dans la plupart des sociétés d’Afrique, d’Océanie et d’Amérique du Sud, la sexualité, en tant
que domaine socialisé, occupe une place prépondérante dans l’éducation des jeunes gens et
s’inscrit, dès lors, au premier plan des rituels d’initiation qui en constituent le condensé. Un
autre apprentissage de la plus haute importance, lui aussi socialement défini, est celui du rôle
de chaque individu en fonction de son sexe.
L’initiation marque un tournant dans la vie du jeune qui passe du statut d’enfant à celui
d’adulte et devient homme ou femme. Les masques interviennent très souvent au cours des
rituels qui l’entourent, principalement pour les garçons. Ils sont présents à toutes les étapes:
depuis la circoncision des adolescents jusqu’à la cérémonie de clôture. La révélation des
masques appartient d’ailleurs aux secrets de l’initiation.
Les masques apparaissent également lors des cérémonies féminines même s’il est fort rare que
les femmes portent des masques semblables à ceux des hommes (il s’agit plus souvent de
peintures corporelles ou de costumes en matériaux non pérennes). L’initiation féminine
présente d’autres spécificités par rapport à celle des garçons: liée plus strictement à la puberté
16
– plus facilement définissable – elle peut, par exemple, s’accompagner du mariage de la jeune
initiée.
La circoncision, à la fois féminine et masculine, fait partie de la série de mises à l’épreuve que
les jeunes gens doivent subir au cours de leur initiation. Plus étroitement liée au sexe que
toutes les autres, celle-ci permet au jeune de franchir l’étape la plus importante dans son
accession au statut d’adulte: celle qui lui autorise l’accès à la sexualité et lui confère le droit
de procréer.
L’éducation par l’initiation
Pour que le jeune individu puisse être pleinement
intégré au clan, à la tribu, il faut, premièrement qu’il
cesse d’y appartenir d’une façon médiate et indirecte.
(…) Séparés des leurs pendant des semaines et même
pendant des mois, soumis à des épreuves prolongées
et parfois terribles, les novices mourront donc, mais
pour renaître presque aussitôt, membres désormais
complets. (…) Ce sont, dans toute la force du terme,
des nouveau-nés.
Lucien Lévy-Bruhl
Les rituels d’initiation organisent le passage de l’enfance à l’âge adulte, transforment l’enfant,
objet de nature, en un homme, objet de culture. Ils endossent une fonction capitale dans la
détermination des rôles sexués au sein des diverses sociétés. Cette séparation entre les sexes,
ce sexionnement (Jean-Thierry Maertens), se manifeste au cours d’une période
d’apprentissage plus ou moins longue, au cours de laquelle les néophytes sont strictement
tenus – principalement dans le cas des jeunes hommes – à l’écart de la communauté et
principalement des femmes.
Au cours de la réclusion initiatique, les individus des deux sexes apprennent quels doivent
être leurs rôles dans la société, leurs attitudes vis-à-vis des autres membres, qu’ils soient
hommes ou femmes. Les jeunes gens sont initiés aux connaissances de leurs clans, qu’il
s’agisse des secrets du culte, de l’histoire des ancêtres mythiques, de l’usage des masques, des
danses et chants sacrés, ou, plus pratiquement, de leurs droits et de leurs devoirs en tant
qu’adultes. Parmi ces derniers, la procréation occupe une place prépondérante. Des
enseignements aussi fondamentaux que ceux concernant les comportements sexuels et la
nécessaire prohibition de l’inceste sont également transmis.
Les masques interviennent tout au long des rituels d’initiation des garçons et sont, très
souvent, présentés en apothéose lors de la cérémonie de clôture, car ils manifestent le nouvel
état de l’initié, désormais devenu un homme détenteur des connaissances du groupe.
• Indiens Ticuna – la Fête de la Nouvelle Fille
Montage de photographies de terrain de Daniel De Vos
1984-2007
Les Ticuna vivent sur le territoire du Brésil, principalement, de la Colombie et du Pérou. En
1984, après plus de onze ans, une Fête de la Nouvelle Fille est à nouveau organisée à
Vendaval, signifiant le renouveau de la culture ticuna qui, suite à de nombreux évènements,
périclitait.
Chez les Ticuna, les personnages masqués sont toujours des hommes. Ils prennent d’assaut
une première fois la case de fête, le deuxième jour, obéissant à un signe de l’oncle de la fille.
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Le père de la fille invite des parents à se produire avec des costumes pendant le rituel de
passage. Les personnes qu’il a sélectionnées peuvent choisir librement quels êtres
anthropomorphes ou zoomorphes ils vont représenter. Les masques sont soit exclusivement
fabriqués à l’aide de Tururi peint avec des colorants naturels, soit ils consistent en une
armature tressée, sur laquelle on enfile du tissu de raphia. Puis, à l’aide d’une petite baguette
en bois, on applique sur le raphia un visage fait d’une couche épaisse de résine. Souvent, les
masques se caractérisent par de grandes oreilles, un nez important (représentant le pénis) et
des dents menaçantes. A la fin de la fête, après l’arrachement des cheveux, chacun retire son
masque dans la case de fête, à l’imitation de Metare, une figure mythologique qui ôta son
déguisement.
Extrait de Daniel De Vos, Worecü et la démarcation du territoire – la fête de la Nouvelle
Fille ou la fête de la fertilité chez les Indiens Ticuna in Basiques Instincts.
La Fête de la Nouvelle Fille est organisée à l’occasion des premières menstrues d’une des
jeunes filles du village. Sa préparation peut être longue: il faut bâtir le Turi – le lieu où la
future initiée sera isolée et qui symbolise l’utérus d’où elle renaîtra –, préparer les ornements,
la nourriture et le Pajuaru (boisson à base de manioc doux). La fête dure plusieurs jours au
cours desquels la musique ne s’interrompt jamais.
JOUR 1: Les jeunes filles à initier sont logées dans le Turi. Le chaman joue du To’cu (longue
corne faite d’une seule pièce) afin de conseiller les filles et leur transmettre les secrets de
l’initiation.
JOUR 2: Lever du soleil - Les peintures corporelles sont appliquées aux jeunes filles, en
dehors du Turi, afin de les protéger.
17h30 – Les jeunes filles sortent une deuxième fois de leur abri pour être revêtues des
ornements de perles et de plumes. Les participants au rituel les frappent de feuilles de
Tapereba, afin de chasser le Mal.
JOUR 3: L’arrachage des cheveux commence à l’intérieur du Turi. C’est à ce moment que les
masques interviennent. Incarnant démons et êtres surnaturels, ils cherchent à enlever les
jeunes filles. Après avoir été mis en fuite par les participants, le rituel se poursuit: on colle du
duvet sur le visage des jeunes filles et on leur applique de l’Urucum, colorant rouge. Enfin,
elles sont libérées de leur « utérus » et renaissent. L’arrachage des cheveux se poursuit. En
une ultime purification, les Nouvelles Filles sont ensuite jetées dans la rivière, après avoir été
promenées dans le village sur une natte.
Ce rituel revêt une importance capitale pour la jeune fille (il marque la fin de l’enfance et
l’accès à ses droits d’adulte, comme le mariage et la procréation), mais aussi pour la
communauté toute entière, à qui il apporte fertilité et régénération.
Extrait de Daniel De Vos, Worecü et la démarcation du territoire – la fête de la Nouvelle
Fille ou la fête de la fertilité chez les Indiens Ticuna in Basiques Instincts.
Circoncision féminine
On ne connaît pas l’origine de la circoncision féminine; si elle est très largement associée à
l’Islam, elle est attestée bien avant l’émergence de cette religion et est pratiquée, aujourd’hui,
dans des pays non musulmans. C’est l’Afrique qui présente le plus fort taux de femmes
circoncises bien que cette pratique soit présente ailleurs.
La circoncision féminine est une affaire de femmes. Elles transmettent et entretiennent, ellesmêmes, cette pratique. Les rituels sont d’ailleurs exécutés par des femmes disposant d’un
statut particulier et, en règle générale, les hommes en sont complètement absents.
D’après Mieke Renders, La circoncision féminine, un regard anthropologique sur l’origine et
la motivation de la circoncision chez les femme in Basiques Instincts.
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Circoncision masculine
La circoncision est attestée, en Égypte, depuis l’Ancien Empire, mais c’est la tradition juive
qui en est le plus illustre témoin. Cette pratique – imposée par Dieu dans la Genèse (17, 1014), avant même qu’il ne remette les Tables de la Loi à son peuple – symbolise son union
avec l’homme, le Brit Milah.
Les sociétés traditionnelles d’Australie et d’Afrique noire pratiquent également la
circoncision. Considérée, dans le premier cas, comme une mort rituelle suivie d’une
renaissance, elle est, dans le second, l’évènement le plus solennel de la vie de tout homme,
l’évènement qui marque son entrée dans le monde adulte. Dès lors, elle va généralement de
paire avec les écoles d’initiation, qui isolent les jeunes circoncis pour leur inculquer le savoir,
avant de les « libérer » au cours d’une grande fête. Les masques interviennent très souvent au
cours de ces diverses étapes.
D’après le Dr. MATTELAER Johan J., La circoncision dans les différentes cultures in
Basiques Instincts.
Documents audiovisuels :
• Tabou (1931)
Tabu, A Story of The South Seas, réalisé par Friedrich W. Murnau, scénario de Friedrich W.
Murnau et Robert Flaherty, produit par Friedrich W. Murnau et Robert Flaherty
Avec Matahi, Reri, Hitu, Jean, Jules et Kong ah
Tabou, dernier film de Friedrich W. Murnau (Nosferatu, Faust), est aussi l’un des derniers
films muets d’Hollywood.
Dans l'île de Bora-Bora, un jeune pêcheur de perles, Matahi, et une jeune fille, Reri, tombent
amoureux. Mais Hitu, le sorcier, a choisi la jeune fille pour devenir prêtresse. Elle est donc
déclarée tabou et l’amour des jeunes gens est prohibé. Les amants s’enfuient pourtant
ensemble, mais Hitu les rattrape.
Ce film nous délivre la vision que l’on avait en Occident, dans les années 1930, de la vie sur
les « îles » et de la sexualité des Indigènes. Bien plus, il témoigne d’une certaine projection
des modes de pensée occidentaux sur ces populations de l’île de Bora-Bora, encore
méconnue, mais à la notoriété grandissante.
• Femmes et masques chez les Bassari et les Coniagui (Sénégal et Guinée)
Si les masques ne peuvent être portés que par des hommes initiés, ils ne sortent jamais en
l’absence des femmes. En effet, hors de la présence des non initiés, ils n’ont pas de raison
d’être.
En outre, les femmes peuvent être, selon leur âge, associées aux masques (Lokweta pour les
plus âgées et Lènèr pour les plus jeunes) qu’elles appellent «leurs maris». Elles peuvent
également s’y adjoindre dans un rôle thérapeutique, celui de veiller à la santé des enfants.
Dans ces partenariats entre les femmes et les masques, le pouvoir et l’activité sexuelle
semblent ne pas pouvoir cohabiter. En effet, par principe, les femmes qui peuvent découvrir
l’identité d’un masque sont ménopausées. Les porteurs de masques sont, quant à eux, soumis
à des interdits sexuels pendant une période de purification précédant leur sortie. Un pouvoir
maximal doit naître de cette association paradoxale de sujets soumis respectivement à des
interdits.
D’après Monique Gessain, La femme et le masque chez les Bassari et les Coniagui in
Basiques Instincts.
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Monique Gessain, spécialisée dans l’étude des ethnies Tenda (principalement des Coniagui
de Guinée et des Bassari du Sénégal), a effectué toute sa carrière au Musée de l’Homme à
Paris. Elle a réalisé ces films avec Robert Gessain, médecin-anthropologue spécialisé dans
l’étude des Inuits d’Ammassalik et directeur du Musée de l’Homme de 1968 à 1979.
Masques bassari et coniagui: un exemple de l’usage des masques dans les rituels d’initiation
Extraits des films Les Fils du Fleuve (1969) et Les Enfants du Caméléon (1965), de Robert et
Monique Gessain
Les Bassari et les Coniagui vivent à la frontière du Sénégal et de la Guinée. Les femmes de
ces deux ethnies ont de nombreuses responsabilités rituelles: elles érigent les autels de lignées
(chez les Bassari), accomplissent des rituels funéraires, etc. Elles sont d’ailleurs réputées être
investies de pouvoirs magiques.
Il existe quatre masques Bassari qui incarnent tous des esprits nés dans le fleuve féminin
Gambie, trois masculins et un féminin:
- Lokweta incarne l’esprit qui fait germer les plantes. Il est lié à la fécondité et participe aux
rituels d’initiation des garçons, parfois en leur donnant des coups.
- Lènèr fait pousser les plantes
- Gwangwuran
- Pena, l’épouse de Lènèr
Les Coniagui ne disposent que d’un seul masque, le Lokweta.
Extrait de Monique Gessain, La femme et le masque chez les Bassari et les Coniagui in
Basiques Instincts.
• Exogamie et prohibition de l’inceste
Extrait de Claude Lévi-Strauss. Entretien de Jean-José Marchand avec Claude Lévi-Strauss
(1972). Un film de Pierre Beuchot. (ARTE)
Claude Lévi-Strauss a renouvelé la discipline de l’ethnologie en lui appliquant un modèle
d’analyse inspiré des méthodes utilisées en linguistique; ce modèle est appelé structuralisme.
Dans son livre, les Structures élémentaires de la parenté (1949), Claude Lévi-Strauss
s'interroge sur l'universalité de la prohibition de l'inceste. Refusant de définir cette prohibition
comme un fait biologique, il propose une théorie qui la définit comme la démarche
fondamentale par laquelle s'accomplit le passage de la nature (régie par des lois universelles)
à la culture (soumise à des règles non universelles). Ce sont ces règles qui constituent l’objet
de l’ethnologie.
« Le problème de la prohibition de l'inceste n'est pas tellement de rechercher quelles
configurations historiques, différentes selon les groupes, expliquent les modalités de
l'institution dans telle ou telle société particulière. Le problème consiste à se demander quelles
causes profondes et omniprésentes font que, dans toutes les sociétés et à toutes les époques, il
existe une réglementation des relations entre les sexes. » La prohibition de l’inceste, face
négative de l’exogamie, implique qu’un jeune en âge de procréer doit rechercher un conjoint
en dehors de sa famille. Ces échanges matrimoniaux, « passages du fait naturel de la
consanguinité au fait culturel de l'alliance », sont les fondements de toute société.
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Salles 4 : Tentatrice et archétype féminin
Rose, cette salle présente des costumes de carnavals où la femme joue de ses atouts comme
dans le carnaval de Rio de Janeiro, de la Nouvelle-Orléans, de Tahiti, … mais aussi en Europe
tels que le costume de Fiorella de Venise, de Bouquetière de Limoux ou encore la Reine du
Bal Blanc de Fayt-lez-Manage.
Jeux de genres dans le carnaval
Dans des sociétés d’où la sensualité est encore
officiellement bannie, où s’aimer n’est jamais un
sujet de conversation, le carnaval et désormais la
Saint-Valentin sont l’occasion de libérations
érotiques.
Jacques Attali
« Si l’on veut comprendre la sexualité présente dans le carnaval, il ne faut pas la voir comme
intrinsèquement révolutionnaire, mais comme un élément caractéristique de l’ambivalence de
la fête, à la fois espace de transgression de l’ordre établi (il impose de nouvelles approches du
corps et de la sexualité) et garant de la permanence des coutumes » (Felipe Ferreira et
Gustavo Borges Correa).
Dans les carnavals, la « bagatelle » ou l’exhibition des corps désinhibés par la joie et la
chaleur humaine (et couramment par l’alcool) deviennent conditionnements ou libérations des
instincts; une catharsis nécessaire à la société moderne où individualité et plaisirs deviennent
la quête de chacun; un réceptacle où les genres se fondent et se confondent certes, mais pour
revenir toujours, le calme retrouvé, en amants plus stéréotypés. Les hommes se déguisent en
femme pour le caractère subversif de l’acte; ils en exagèrent les attributs et fonctions pour
exprimer davantage leur désir. Parallèlement à sa fonction sexualisante – presque
pédagogique –, le carnaval joue un rôle extrêmement important dans la protection de la
communauté contre le Mal et, par voie de conséquence, appelle au bonheur et à la prospérité.
Il incarne la vie repoussant la mort, le printemps contre l’hiver, avec des accessoires, dont
certains présentent une forme suggestive, qui ont pour but de symboliser ce caractère
apotropaïque et fécondant.
Son rôle positif pour la collectivité reste primordial. « Le carnaval et son déroulement est une
œuvre de salubrité publique et privée: il agit à titre préventif et curatif. En effet, il permet à
toutes les tendances de la personnalité de s’exprimer (l’agressivité et la libido sous leurs
différentes modalités), à toutes les instances, conscientes et inconscientes, de se faire plaisir.
Chacun y trouve son niveau de jeu, de symbolisation, dans un moment et un lieu prescrits par
la société. C’est un jeu structurant. […] Qu’adultes et enfants fréquentent les fêtes de carnaval
et s’y mêlent activement, ils s’en porteront beaucoup mieux et en feront bénéficier le groupe
humain tout entier » (Josyane Guillemaut).
Alors promenons-nous dans la fête, à la rencontre des exhibitions, des mélanges et des
confusions de genres que le carnaval génère…
Document audiovisuel : Si j’étais lui …
Carnaval de Binche, Trouilles de Nouilles 2007
Film de Benoît Bouffioux et Philippe Heysmans
Des pirates à l’abordage de la cité des Gilles. Une fois par an, les femmes profitent de la
licence de cette seule et unique nuit pour se masquer et se faire hommes.
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Rio de Janeiro – carnaval et sexualité
La réalité du carnaval n’est pas le contraire de la vie
quotidienne, mais l’exposition exacerbée des décisions,
indécisions, négociations, tensions et récompenses, vécues de
manière diffuse dans notre quotidien. Le carnaval exprime le
plaisir sensuel de se sentir vivant à un moment donné et dans un
espace précis, de se reconnaître comme une partie
contemporaine d’anciennes traditions et de nouvelles sensations.
Felipe Ferreira et Gustavo Borges Correa
Document audiovisuel : Carnaval et sexualité (Felipe Ferreira)
Le Brésil est internationalement reconnu comme le « pays du carnaval », le lieu où les
hommes comme les femmes, adeptes de l’hédonisme, sont toujours prêts à danser la samba.
Cette vision remonte au 16ème siècle, lorque l’encyclique de Paul III, d’intention pourtant
évangéliste, diffusa l’image d’un Brésil, sensuel et voluptueux, « paradis sur Terre ». Les
Brésiliens eux-mêmes intégrèrent cette image de leur pays.
Si la présence dominante de la sexualité ne fait aujourd’hui aucun doute dans les grands
caranavals brésiliens, il n’en a pas toujours été de même: ce n’est qu’au 19ème siècle que la
bourgeoisie de Rio importa le carnaval parisien et son indissociable débauche.
A partir de 1920, se développent les écoles de samba et apparaissent les trois personnages
porteurs de cette sensualité forte et désormais au centre du carnaval: la Mulâtre, le Malandro
et la Bahianaise. L’exhibition des corps des jeunes danseuses de samba (les Mulâtres), bien
qu’en net recul durant la période 1960-1980, va aujourd’hui croissant et les costumes se
réduisent comme peaux de chagrin.
Le carnaval populaire des rues illustre également cette tendance. Suite à la mise sur pied de
bals très privés par la junte militaire, au milieu des années 1960, la Banda Ipanema,
encourage une « politique populaire du corps », en guise de résistance tacite au pouvoir en
place. Dès lors, les moeurs se libèrent et le carnaval des rues se « sexualise ». Parallèlement
sont apparus les transformistes, ou Caricatas – à l’origine exclusivement homosexuels – qui
parodient la femme en exaltant ses caractéristiques physiques.
D’après Felipe Ferreira et Gustavo Borges Correa, Rio de Janeiro – carnaval et sexualité
in Basiques Instincts.
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Salle 5 : Fusion des genres
Ces costumes portés par des hommes sont constitués d’une représentation de la femme et de
l’homme. Par exemple, une Hotte de Lobbes ou un déguisement mi-homme mi-femme de
Slovaquie.
Si j'étais elle...
Le masque est affaire d’hommes, certes. Cependant, ceux-ci s’encanaillent parfois sous
couvert d’artifices féminins. Le travestissement en femme exerce sur les hommes une
fascination presque universelle.
On retrouve ici des masques d’Afrique, des costumes d’Europe représentant des femmes
tantôt belles et courtisées tantôt laides et fuies.
Confusion des genres
Le masque est affaire d’hommes, certes. Cependant, ceux-ci s’encanaillent parfois sous
couvert d’artifices féminins. Le travestissement en femme exerce sur les hommes une
fascination presque universelle. Par celui-ci, la fécondité et la fertilité – et l’indissociable
procréation, condition sine qua non au renouvellement des sociétés – passe d’un statut
d’affaires de femmes à celui de responsabilités d’hommes. « Persiste en tout cas dans cette
androgynie du masque, une nostalgie sociale d’un état antérieur au sexionnement de
l’humanité et le rêve d’une harmonie entre les deux sexes. Cette mélancolie est rendue soit
par le comportement du porteur adoptant une démarche féminine caricaturale soit par la
physionomie même du masque affublé des caractéristiques propres aux deux sexes » (JeanThierry Maertens). Les hommes ainsi féminisés se permettent d’ailleurs des comportements et
des propos que les femmes ne sont pas autorisées à tenir.
Ces costumes de femmes, portés par des hommes, témoignent de l’image qu’ils ont d’elles.
« Les hommes représentent les femmes comme ils les voient ou comme ils les désirent,
définissant la femme dans un monde d’hommes » (John W. Nunley). D’ailleurs, « la
physionomie des masques féminins est modifiée dans les sociétés où le pouvoir mâle s’est
davantage affirmé (…). Dans ce cadre, le masque féminin devient hideux et la tête prend
souvent l’apparence des organes génitaux de la femme. (…) Sans doute, en ces occurrences,
les mâles porteurs de masques féminins méprisent-ils moins la femme qu’ils ne se préservent
de leur propre féminité » (Jean-Thierry Maertens). En résumé, l’homme peut incarner le fruit
de ses fantasmes ou le produit de ses cauchemars, la femme idéale qu’il convoite ou qu’il
désirerait être ou celle qui cumule ce qu’il ne voudrait jamais connaître.
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Salle 6 : Descente aux enfers: mascarades et pulsions animales.
Quand le carnaval se fait grotesque, masques et costumes sont utilisés au cours d’un jeu entre
les acteurs du carnaval et le public principalement les jeunes femmes. Ces jeux à caractère
parfois sexuel confèrent à leurs proies bonheur et fertilité.
On retrouve entre autre dans cette partie, le déguisement de Cochonne de Limoux et le
déguisement d’Ours de Salcedo.
Dans cette section, une vitrine reprend différents accessoires utilisés lors du carnaval comme
des confettis, des plumes, des fouets ou le Happe-Chair utilisé à Stavelot par la Haguète pour
attraper ses victimes.
Quand le carnaval se fait grotesque
Le carnaval est un monde où la notion de genre est fondamentale, où la séduction est
permanente et exacerbée, où le grotesque se joue des tabous et des normes.
Cournonterral, dans le Languedoc, est un exemple représentatif d’un carnaval où le grotesque
est porté à son paroxysme, dans une joyeuse folie scatologique. Des hommes appelés
Pailhasses y poursuivent les jeunes femmes, victimes volontaires, dans une marre de lie de
vin (!) : « Entre chasseurs et proies, la relation est ambiguë. Les filles hurlent et hoquètent à la
limite de l’évanouissement lorsque dix bras virils les saisissent, lorsque les mains enduites de
lie leur malaxent les seins, les fesses, le sexe, lorsque la boue vineuse bouche les yeux, les
oreilles, coule dans la gorge mais, auparavant, elles sont sorties, prêtes, elles ont rôdé autour
de la place, elles ont longuement défié leur amical bourreau » (Daniel Fabre). C’est dans le
même ordre d’idée que de nombreux personnages de carnaval disposent d’instruments divers
et variés, qu’ils utilisent pour « dialoguer » avec le public et, principalement, avec les jeunes
femmes qu’ils partent conquérir, enlacer ou encore fouetter. C’est ce dernier mot que hurlent
les Sauvages, dans le Jura suisse, après avoir « arrosé » les demoiselles à l’aide de leurs
sonnailles (symboles de fertilité, comme la lie de vin des orgies dionysiaques) dans la fontaine
du village, lorsqu’ils les souillent de graisse noire... A Malmedy, en Belgique, la Haguète
attrape ses victimes avec un Zigzag (Happe-chair). A Stavelot, en Belgique, ou à Limoux, en
France, les confettis pleuvent, généreusement dispensés par les masques… Les femmes non
ciblées seraient moins appréciées… que celles criblées de la « semence » du masque, symbole
de joie et de fertilité…
Pour couronner le tout, l’apothéose de ces fêtes est fréquemment interprétée par les
anthropologues comme un instant « orgasmique » pour la collectivité, laquelle tombera
bientôt en dépression… « post coïtum »… quand le carême reprendra ses droits.
Messages camouflés, jeux des corps, danses et accessoires parfois phalliques, déguisements
licencieux sont au cœur même des traditions masquées pour mieux « supporter » le silence
dans lequel est plongé notre « nature ». « (…), Les corps, les sexes, le sexe sont bien des
poupées ventriloques qui tiennent à des interlocuteurs qu’elles ne voient pas des discours qui
ne viennent pas d’elles. (...) Car le corps déborde le langage, et en s’enfouissant dans le corps,
l’ordre qui règne dans la société et celui, plus imaginaire encore, qui est supposé être celui du
cosmos, s’y travestissent et s’y occultent, jusqu’à pousser les individus, finalement, au
silence » (Maurice Godelier).
Les masques bouffons […dont le babouin des Guro fait partie] ont une
fonction cathartique. Ils reproduisent souvent, en public, des comportements
relevant essentiellement de la vie privée. En provoquant le rire, ils banalisent
des pratiques jugées impudiques ou honteuses et stigmatisent des attitudes
spécifiques en les imitant.
Anne-Marie Bouttiaux
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Salle Venise - Le dernier jour du carnaval (à partir du 04 novembre)
La séduction dans le carnaval de Venise
La cité des Doges connaît, pendant le Settecento, une situation économique et politique
médiocre. Malgré cela – ou peut-être, en conséquence de cela –, la société vénitienne n’obéit
plus qu’à une seule loi: celle du plaisir. Le carnaval ne connaît plus de fin: il s’étend de la
Saint-Étienne (26 décembre) au Mardi gras, de la quinzaine de l’Ascension au 10 juin, du 5
octobre au 16 décembre… sans compter les fêtes extraordinaires! Les valeurs morales s’en
ressentent et la décadence contamine toute la population vénitienne, sans exception… Les
récurrentes fêtes galantes, portes ouvertes à la débauche et au dévergondage, en sont de
lumineux exemples.
Le masque se fait le complice des débordements de la Sérénissime. La Bautta, masque
vénitien par excellence, est d’usage dans toutes les classes sociales, à la fois chez les femmes
et chez les hommes. Portée tous les jours, elle est le compagnon de toutes les aventures
vénitiennes importantes, qu’il s’agisse de fêtes, de pièces de théâtre, de jeux de tripots ou de
rencontres amoureuses licencieuses.
La Gnaga est également symptomatique de la vie vénitienne, drapant à la fois les jeunes gens
efféminés, les homosexuels notoires et les hommes qui souhaitent simplement, pour un temps,
être femmes. Ce déguisement vulgaire aux propos obscènes permet aux uns d’afficher leur
nature véritable et aux autres d’assouvir leurs fantasmes.
Parallèlement à cette évolution des mœurs, les Lumières éclairent la Ville et les femmes
gagnent en pouvoir ce que la religion perd en influence. On assiste également à l’apogée de
l’esthétique du charme et du plaisir dans la peinture, le théâtre et la musique, esthétique qui
culmine dans l’opéra Buffa. La Sérénissime y est merveilleusement décrite en tant que cité de
la comédie et du divertissement. Mais, à travers ces scènes effervescentes, se dessine une
image décadente d’une cité qui perd ses valeurs et se réfugie dans le superficiel.
D’après Céline Maqua, La séduction dans le carnaval de Venise in Basiques Instincts.
Cet escalier vous emmène dans la Venise libertine du Settecento. Ne montez qu’à vos risques
et périls…
Vu le contenu quelque peu osé de cette salle, nous en déconseillons l’accès aux personnes
sensibles. Il est, par ailleurs, interdit aux moins de 16 ans d’y accéder non accompagnés d’un
adulte.
Photographies de Marco Bertin.
En début de chaque année, Venise se transforme en un théâtre gigantesque. La cité lagunaire
se distancie de son rôle principal et devient la scène d’un spectacle très particulier: le
carnaval. Les allées et places sont envahies de masques et costumes donnant naissance à une
oeuvre extravagante de textures et couleurs.
Cependant, en coulisses, un autre carnaval est célébré – celui qui prend vie la nuit, dans les
soirées privées des palais anciens et des résidences nobles du Canale Grande.
Le photographe Marco Bertin a participé à l’une de ces fêtes exclusives. Il a été inspiré par
cette ambiance époustouflante et a photographié des artistes et invités, en costumes
somptueux, et dans des poses lascives, voire érotiques…
Marco Bertin, Antonio Giarola, Masquerade: una festa privata veneziana.
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Collaborateurs
De nombreux intervenants participeront à la rédaction du catalogue de l’exposition:
- Nanema Jacques, professeur de philosophie à l’université de Ouagadougou et coordinateur
de la Chaire Senghor de la francophonie en Afrique, « le rapport au corps et le judéochristianisme en Afrique ;
- Felipe Ferreira Cruz, professeur d’anthropologie de l’université de Rio de Janeiro, « Le
mélange des genres dans les carnavals brésiliens » ; qui est venu avec une proposition de
collaboration avec l’Université de Rio de Janeiro pour laquelle le musée deviendrait, en tant
que centre de recherche international sur les traditions carnavalesques, un partenaire
scientifique pour les chercheurs et professeurs ;
- Daniel Devos, chercheur en Amazonie depuis 25 ans chez les indiens Ticuna, « L’initiation
des filles chez les Indiens Ticuna » sera accompagné lors de la conférence d’un Indien
Ticuna ;
- Monique Gessain, anthropologue et collaboratrice scientifique au musée de l’Homme de
Paris durant 40 ans, « La femme et le masque au Sénégal » ;
- Celine Maqua, docteur en musicologie et spécialiste de la musique libertine du 18ème siècle
dans les bals vénitiens, « La séduction dans le carnaval de Venise » ;
- Johan Mattelaer, urologue, collectionneur et auteur de trois ouvrages sur le sujet, « Le
phallus dans l’art » et « La circoncision »
- Mieke Renders, docteur en histoire de l’art, spécialisé dans l’excision, « L’excision »
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Colloque
Un colloque sera organisé le samedi 25 octobre au cours duquel, certains auteurs du
catalogue et scientifiques ; artistes et prêteurs donneront une conférence sur un des thèmes
abordés dans l’exposition.
9h30 – 10h00
Petit-déjeuner
10h00
Introduction par Madame DELIEGE Christel, directrice du Musée
international du Carnaval et du Masque
10h15
Corps, sexes, masques et paroles. Quand la parole tourne le dos à la
nature par Monsieur NANEMA Jacques, maître de Conférences en
Philosophie et coordonnateur de la Chaire Senghor de la Francophonie
à l’Université d’Ouagadougou – Burkina Faso
11h00
Le phallus dans l’art et la culture par Monsieur MATTELAER
Johan, urologue - Belgique
11 h 45
Visite commentée de l’exposition avec DELIEGE Christel et
BOTTELDOORN Émilie, collaboratrice scientifique
13h00 – 14h00
Dîner
14h00
Worecü et la démarcation du territoire – La fête de la Nouvelle
Fille ou de la Fertilité chez les Indiens Ticuna par Monsieur DEVOS
Daniel, chercheur en Amazonie - Belgique
14h45
Rio de Janeiro: carnaval et sexualité par Monsieur FERREIRA
Felipe, professeur-adjoint de l’Institut des Arts de l’Université de l’État
de Rio de Janeiro - Brésil
15h30-16h00
Pause café
16h00
La séduction dans le carnaval de Venise par Madame MAQUA
Céline, docteur en musicologie de l’Université de La Sorbonne - France
16h45
Le carnaval de Venise: bals et masques par Monsieur
BERTIN Marco, photographe - Italie
19h00
Représentation théâtrale : (en collaboration avec les femmes
prévoyantes socialistes) : la troupe Rara F Exhibition présentera leur
pièce mêlant musique et danse : « Quand les femmes s’emparent de la
tradition populaire pour transgresser les rôles dédiés aux hommes » Haïti
21h00
Cocktail de clôture
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Frais de participation
Colloque (conférence, repas, catalogue de l'exposition)
Prix: 30
Prix réduit: 25 (étudiants, demandeurs d'emploi, membres)
Colloque (conférence, catalogue, pas de repas)
Prix: 15
Prix réduit: 10 (étudiants, demandeurs d'emploi, membres)
Inscription souhaitée pour les repas pour le mercredi 22 octobre par tél, fax ou courriel :
Musée international du Carnaval et du Masque
Rue Saint-Moustier 10
7130 Binche
Té. 064/23.89.21
Fax 064/33.14.30
[email protected]
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4. « Que le masque tombe »
Vie, Mort et masques constituent un trio a priori peu conciliable. Pourtant, à y regarder de
plus près, les trois semblent souvent indissociables et, ce, depuis l’aube des temps.
Dans nos fêtes masquées, la mort est bien vivante. Costumes de squelettes, de morts, de
diables, un univers bien macabre… édifié pour en rire. Sans oublier que le masque est
l’accessoire de médiation privilégié avec les êtres de l’au-delà qu’il s’agisse d’ancêtres, de
dieux, de démons ou de défunts. Inversement lorsque ces derniers veulent revenir dans notre
monde, ce sont les masques qui leur en donnent le prétexte ou qui les dissimulent.
Sans s’appesantir sur le sujet, on peut encore citer, dans ce jeu qui lie la Mort et le carnaval,
les mises en scène de décès, de funérailles et parfois de résurrection qui sont sous-jacentes à
de nombreuses fêtes masquées traditionnelles. Le personnage condamné à mort – sort, en
définitive, peu enviable – devient souvent le pivot de ces fêtes, qu’il s’agisse du Carnaval luimême ou de la chèvre, en Roumanie, par exemple.
Que les masques et la Mort sont profondément et indéfectiblement liés et cela à plus d’un
titre, qu’il s’agisse de masques funéraires ou que ceux-ci interviennent dans les rituels
funéraires, que ce soit la Mort elle-même qui soit représentée ou ceux qu’elle a emporté avec
elle. Cette association est en définitive assez naturelle. En effet, les masques sont présents à
toutes les étapes délicates de la vie d’une société : changements d’année ou de saison,
récoltes, rites d’initiation, etc. Ils ne pouvaient donc pas être absents des rituels funéraires –
moments critiques, s’il en est – qui impliquent le passage ultime pour l’homme d’un état,
celui de vivant parmi ses semblables, à un autre, largement mystérieux. Par ailleurs, ces
carnavals et mascarades qui synthétisent et incarnent toutes les peurs et craintes des sociétés
dans un but qui n’est autre qu’apotropaïque ne pouvaient faire l’économie d’intégrer la Mort
et les défunts dans leurs catalogues de forces à se concilier. En d’autres termes, cette Mort,
irréversible, inévitable et inconnue, ne pouvait pas ne pas être liée à cet artefact qui
accompagne l’Homme dans sa vie depuis ses origines : le masque.
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Exposition
« Que le masque tombe » est une exposition née de la collaboration entre le Musée
international du Carnaval et du Masque, Monsieur André Chabot, et la Maison de la Culture
de Tournai. Celle-ci sera accessible gratuitement sous les arcades de la cour du musée.
Monsieur André Chabot a pris plus de 160.000 clichés de sépultures dans le monde entier et
est l’auteur de plusieurs ouvrages : « Le Petit Monde d’Outre-tombe, Erotique du Cimetière
(Pris de l’humour noir en 1991), etc. Dans l’ouvrage édité à l’occasion de cette exposition,
vous retrouvé une sélection de ces 160.000 clichés.
Sept reproductions « géantes » de photos de Monsieur Chabot seront installées entre les
arcades et seize photos au format légèrement plus petit seront présentées sur des stèles.
En parallèle, l’Académie des Beaux-arts de Binche expose les travaux réalisés par les
étudiants sur le thème de la mort, les 25 et 26 octobre, dans le Vieux-Cimetière de la ville et
le parc communal.
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5. Agenda
Le musée, en collaboration avec le Musée d’Histoire naturelle de Mons et la Ville de Mons, présente
du 27 septembre au 23 novembre 2008, l’exposition « Bas les masques, quand l’homme se prend pour
un animal ». Elle met en parallèle des masques zoomorphes du Musée du Masque (MUM) et
des exemplaires naturalisés d’animaux issus des collections du Musée d’Histoire naturelle.
Quarante-cinq animaux naturalisés et quarante-trois masques zoomorphes sont ainsi exposés.
Tout comme les animaux naturalisés, les masques zoomorphes se composent aussi bien
d’animaux terrestres, aquatiques que volants. Les pièces sont donc présentées selon 3 grandes
catégories : le milieu terrestre, le milieu marin et le milieu aérien.
Les animaux représentés au travers de ces masques ne sont pas forcément imaginaires et
souvent ils s’inspirent d’animaux réels, sauvages comme le Puma, le Varan, la Roussette, …
ou domestiques comme le Mouton, le Coq, …, animaux que l’homme côtoie, craint, élève ou
chasse.
Toutefois, dans les masques zoomorphes, il existe une quatrième catégorie que l’on appelle
les masques hybrides. Ceux-ci mélangent les caractéristiques de plusieurs animaux, comme le
masque d’Antilope qui possède une mâchoire de crocodile et est surmonté d’un caméléon, ou
de l’être humain et de l’animal, comme les masques faciaux ornés de reptile.
Cette exposition permet de découvrir des témoins des relations entre les hommes et les autres
animaux, relations faites d’amour et de craintes et, de toucher du doigt la symbolique
complexe sous-jacente aux masques et les croyances de nombreuses populations. Mais aussi
de sensibiliser les visiteurs aux problèmes environnementaux tels que les espèces en voie de
d’extinction et les changements climatiques.
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6. le MUM
Binche… A 50 km au Sud de Bruxelles, cette petite cité, encore empreinte de son passé
médiéval et résonnant au pas cadencé des Gilles, une fois l’an, abrite, depuis 1975, le Musée
international du Carnaval et du Masque. Idée en gestation dès la veille de la deuxième guerre
mondiale, ce musée accueille aujourd’hui plus de 30 000 pièces, soit près de 9 000 costumes,
issus de Binche et Wallonie, bien sûr, mais aussi d’Europe et du monde entier. Autriche,
Allemagne, Nigeria, Burkina Faso, Japon, Népal, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Canada,
Mexique, Guatemala, Amazonie, pour ne citer que quelques régions dont les témoins des
coutumes rituelles et carnavalesques ont trouvé, dans le musée de Binche, un écrin à leur
hauteur.
Le bâtiment
Entre le parc où s’érigeait jadis le palais de Marie de Hongrie et la collégiale Saint-Ursmer,
saint patron de la ville, s’élève le majestueux collège des Augustins, aujourd’hui reconverti en
musée, le MUM.
Rachetée en 1570 au Comte de Lalaing, chevalier de la Toison d’Or, par le chanoine maître
Jacques Duquesne, binchois d’origine, la bâtisse devient un collège d’enseignement
secondaire dont la gestion sera confiée, en 1727, à la congrégation religieuse enseignante des
Augustins. Leur marque indélébile constitue l’âme du bâtiment et son cœur ! (Le cœur est le
symbole de cet ordre religieux ; on le retrouve gravé dans la boiserie du linteau de la porte
donnant dans l’ancienne chapelle du collège et sur la girouette du clocheton.) En 1738, le
bâtiment principal est reconstruit et, quarante ans plus tard, c’est au tour d’une de ses ailes ;
en témoigne l’escalier en chêne de style Louis XV.
En 1794, les Augustins se retirent et le bâtiment devient un lieu de rencontre, de casernement
et une gendarmerie. En 1802, il retrouve sa fonction scolaire ; il accueille désormais le collège
communal puis, à partir de 1881, l’École moyenne de l’État pour garçons. Athénée royal en
1946, l’établissement scolaire sera progressivement transféré à la périphérie de la Ville. En
1956, décision est prise de créer, au sein de l’ancien collège des Augustins, un musée du
Carnaval.
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L’histoire des collections
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, c’est un musée d’archéologie qui est créé à
Binche. Particularité : celui-ci réunit également des pièces ayant trait au folklore local :
affiches, costumes de Gilles du dernier quart du 19ème siècle, masque d’Arlequin antérieur à
1850,… Autant de pièces qui constitueront le substrat des collections du futur Musée du
Masque de Binche.
Que ne faire un musée du Carnaval de Binche, dans ce cas ? Mais bien sûr ! L’idée a germé et
n’aura de cesse de se développer. Soutenue par le folkloriste Albert Marinus dès 1949, elle
prendra forme sous la plume et grâce aux efforts de Samuel Glotz.
En 1962, l’exposition « le Carnaval traditionnel en Wallonie » organisée, au sein du théâtre
communal, dans le cadre du 25ème anniversaire de la Commission royale belge de folklore est
un succès. Un colloque la complète. Le musée était sur les rails. Les premières collections
sont assemblées par les apports des populations binchoises et régionales et des sociétés
carnavalesques de Wallonie. Les premiers objets européens s’y ajoutent et les collections
mondiales s’ébauchent.
En 1970, l’exposition « Le Masque et le Carnaval dans le Monde » ne fait que solidifier le
musée encore à ses balbutiements. Inauguré en 1975 dans les bâtiments de l’ancienne école
des Augustins, le musée démarre sur les chapeaux de roues en proposant l’exposition « Le
masque dans la tradition européenne », intervenant dans le cycle d’exposition ayant pour
thème l’Europe, initié par les autorités belges, le Conseil de l’Europe et l’UNESCO. Au terme
de celle-ci, de nombreuses pièces de collection sont confiées à la bonne garde du Musée. Mais
il reste alors à combler les lacunes; de multiples contacts sont pris et les collections prennent
une croissance exponentielle, débordant largement de l’Europe, vers l’Amérique latine, l’Inde
ou l’Asie, par exemple.
Le musée continue depuis lors à se développer et à concevoir des outils, des expositions et des
publications exploitant les collections qui n’ont de cesse de croître. Il s’agit pour le musée,
tout à la fois, de préserver la vocation première du musée (être un musée comparatif des
traditions masquées à l’échelle européenne) tout en couvant ses racines locales et régionales et
en développant ses collections ethnographiques extra-européennes, objectifs inconciliables de
prime abord mais fort bien accordés, en définitive.
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Les expositions organisées à l’étranger ne font que sceller la réputation scientifique d’un
musée qui se veut à la fois conservateur du patrimoine et ouvert vers l’extérieur. Inscrit dans
une dynamique sans pareil, le Musée international du Carnaval et du Masque (MUM) s’ouvre
vers un avenir radieux et prometteur.
Florilège de pièces
Les collections du MUM témoignent de l’usage des masques, des déguisements et autres
figures d’ombre et marionnettes lorsque leur usage s’assimile à celui des masques, à travers le
monde mais aussi à travers les époques. Bien loin de succomber à la tentation de ne présever
les masques les plus locaux ou les plus précieux, elles ont une vocation d’exhaustivité et
présentent aussi bien des pièces-phares de carnavals reconnus internationalement ou de rituels
largement diffusés que des personnages secondaires de fêtes très locales ou de rites largement
ignorés.
Le MUM : un outil pédagogique inépuisable !
Parce que les enfants sont les adultes de demain, il convient de les inciter à fréquenter les
institutions muséales dès leur plus jeune âge.
Révolus les musées poussiéreux où rien ne bouge : l’heure est à l’interactivité entre la
connaissance de soi et des autres, la réflexion et la créativité.
L’étage spécialement consacré aux enfants permet cette approche différente de la vie d’un
musée et du monde des traditions masquées. Le voyage au cœur des cinq continents les initie
à l’universalité et aux multiples fonctions du masque, les emmène au cœur des matières et
dans les coulisses d’un musée, véritable malle aux trésors de rites d’ici et d’ailleurs.
Empreints d’images, de couleurs, de connaissances et de rythme, les enfants peuvent
prolonger leur périple dans les salles d’animation où la confection d’un masque leur permet
de laisser libre cours à leur créativité et de devenir à leur tour un personnage masqué.
Pendant les vacances, pas question de prendre l’avion pour découvrir des contrées lointaines :
des stages multi-découvertes font la joie des jeunes de 8 à 12 ans qui jouent avec les mots, les
images, les matières et s’expriment par les sons et le mouvement.
Livre ouvert sur les peuples du monde, le MUM est une source inépuisable d’exploitation
pédagogique et une manière authentique et humaniste d’aider nos enfants à grandir.
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7. Renseignements pratiques
Musée international du Carnaval et du Masque de Binche
Rue Saint Moustier, 10
7130 Binche
Contact presse : Sandrine Baron
Tél. : 064/23.89.21
Fax : 064/34.14.30
E-mail : [email protected]
Horaire :
Le musée est ouvert du mardi au vendredi de 9h30 à 17h00, le samedi et le dimanche de
10h30 à 17h00.
Fermé le lundi, le mercredi des Cendres, le 1er novembre et du 24 décembre au 02 janvier
inclus.
Réservation :
Tél. : 064/33.57.41 – 064/23.89.29
Email : [email protected]
Tarif :
PRIX D’ENTREE
INDIVIDUELS
GROUPES (20 personnes minimum)
Adultes
Etudiants &
Adultes
Enfants (‡
Scolaires (‡ 18 ans)
ème
3 âge
12 ans)
6
5
3,50 5
3
Gratuité d’entrée tous les premiers dimanches du mois (tout public) et pour les établissements
scolaires reconnus par la Communauté Française.
Pour la galerie binchoise, audio-guide en français, anglais et néerlandais.
PRIX DES VISITES GUIDEES (par groupe de 20 personnes)
ADULTES
SCOLAIRES
Visite thématique (1 heure 15)
35 25
Visite en dehors l’horaire d’ouverture habituel 40 40 Visites guidées – uniquement sur réservation - en français, néerlandais, anglais, allemand,
italien, espagnol (selon disponibilité).
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