Réchauffement global et propagation des maladies transmises par
Transcription
Réchauffement global et propagation des maladies transmises par
Lien entre le réchauffement global et la propagation de maladies transmises par vecteurs Travail présenté à Dr Daniel Martineau par Soulyvane Nguon Vétérinaire, Faune et Environnement – PTM4411 Faculté de Médecine Vétérinaire Université de Montréal 26 février 2003 La Terre est présentement en train de subir un phénomène appelé le changement global, impliquant entre autre le réchauffement global de la planète amorcé il y a 300 ans. Le climat global a subi une hausse d’environ 0,6 oC durant le dernier siècle avec deux périodes de réchauffement, soit entre 1910 et 1945 et de 1976 à aujourd’hui. Cette dernière période aurait connu jusqu’à maintenant le plus haut taux de réchauffement comparativement à n’importe quel autre période depuis le dernier millénaire.1 Bien que le phénomène soit normal, l’activité humaine semble accélérer le processus. Si aucune action n’est intentée pour limiter l’émission des gaz à effet de serre, la température globale peut augmenter de 2 oC d’ici 2100, ce qui est énorme pour une si courte période de temps.2 La situation sera pire dans les régions à plus haute latitude. Ces régions subissent une augmentation de température démesurée comparativement à d’autres régions des latitudes plus basses. Des scientifiques prévoient que l’émission de gaz à effet de serre serait pour doubler d’ici la fin du présent siècle. Certaines régions nordiques au Canada risquent de connaître une augmentation allant jusqu’à 12 oC.3 Plusieurs personnes de la communauté scientifique sont d’avis que le réchauffement global troublerait le délicat équilibre de la nature et contribuerait à l’émergence et à la propagation de plusieurs maladies dans des régions qui en étaient exemptes.4 Les maladies transmises par vecteur semblent particulièrement affectées par la hausse de température moyenne de certaines régions. Ce phénomène semble plus problématique dans les régions tempérées. Pour analyser cette hypothèse, les effets du changement de température seront étudiés à travers les différents facteurs influençant la transmission des agents infectieux. Ensuite, des exemples connus, dont la maladie de Lyme qui implique une tique et l’encéphalite causée par le virus du Nil occidental (VNO) qui implique un moustique, seront survolés pour mieux illustrer la problématique. Selon Jacques May dans son livre The Ecology of Human Disease, il faut considérer les maladies infectieuses comme des complexes en soi.5 Il a classé les maladies selon le nombre de facteurs impliqués. Les maladies à 2 facteurs comprennent l’agent infectieux et l’humain. Celles à trois facteurs comprennent les mêmes facteurs auxquels on ajoute le vecteur. Finalement, l’hôte animal constitue le quatrième facteur de la dernière classe (zoonose). L’environnement affecte chacun de ces facteurs et les 2 complexes à trois et à quatre facteurs seront les plus touchés par le changement climatique. La distribution de ces maladies est généralement limitée par la disponibilité du vecteur et la disponibilité d’hôtes constituant le réservoir. Ces deux éléments sont directement ou indirectement limités par la température ou les précipitations.6 Pour justifier le lien entre le réchauffement et l’émergence de nouvelles maladies transmises par vecteur, nous pouvons évaluer l’influence de l’augmentation de la température sur les facteurs et l’interaction entre ceux-ci (complexe à quatre facteurs). Tout d’abord, il a été démontré qu’une température plus chaude affecte directement plusieurs aspects des vecteurs.7 Premièrement, la température influence la distribution géographique du vecteur (et de donc de la maladie). Les agents infectieux des maladies transmises par vecteur passent une bonne partie de leur cycle dans des arthropodes à sang froid. L’arthropode étant influencé par les changements environnementaux, le schéma de transmission de ces maladies peut être affecté par la température ambiante (bien que celle-ci ne soit pas l’unique facteur).8 En effet, selon Wittmann et Baylis, qui ont effectué une revue des impacts possibles du climat global sur Culoïdes en Grande-Bretagne, affirment qu’un des impacts les plus immédiats et observables du changement climatique est la modification de la distribution géographique et de l’abondance de plusieurs espèces d’insecte.9 Une expansion de la distribution et une population plus abondante affectent nécessairement la prévalence des maladies transmises. Par exemple, Culoïdes, un vecteur majeur d’arbovirus, cause plusieurs épisodes de Bluetongue (BT) et d’African horse sickness (AHS) dans le sud de l’Europe. Il n’y a présentement aucune maladie transmise par Culoïdes en Grande-Bretagne, mais le vecteur semble monter vers le nord. La limite nord de la distribution géographique du virus du BT et de l’AHS est définie par les saisons. Cette distribution est limitée aux régions et saisons présentant des vertébrés susceptibles et des Culoïdes compétents comme vecteurs. L’incidence du BT et de l’AHS est donc restreinte à la période de l’année où des morsures sont possibles par les vecteurs adultes présents. Ainsi, l’hiver joue un rôle primordial pour limiter l’établissement d’une endémie puisque le froid affecte la survie des adultes. Pour qu’une maladie soit endémique d’année en année, le vecteur doit être présent durant l’année complète. Par exemple, C. imicola adulte, vecteur le plus important du BT et de l’AHS en Europe, ne survie à l’hiver que dans les régions 3 où la température moyenne quotidienne durant les mois les plus froids ne descend pas sous 12,5 oC. Dans cette optique, le changement climatique permet aux moustiques de se répandre à de nouveaux territoires. Comme il a été mentionné plus haut, en plus de l’expansion géographique de la distribution des vecteurs, le climat influence aussi grandement la physiologie et la densité de la population de ces derniers. Par exemple, une population d’adultes considérés vecteurs compétents dépend en partie du recrutement à partir des immatures en développement. Une température ambiante froide déclenche une diapause qui inhibe le développement des immatures, ce qui occasionne une population d’adultes compétents plus restreinte.10 Par contre, une température plus élevée accélère le cycle de vie du vecteur. Barry Alto, de l’Université de Floride, avait examiné comment la température affecte le cycle complet des moustiques Aedes albopictus en cage. Il avait examiné le développement de ces moustiques à différents niveaux de température, soit à 22, 24 et 26 o C. Il conclut qu’une population exposée à une température plus élevée grandit plus rapidement et que les moustiques ont un temps de développement plus court.11 Un temps de développement plus court augmente le nombre de générations et d’adultes pouvant être produits au cours d’une seule saison. 12 Ainsi, un été plus chaud occasionne une production plus rapide de vecteur adulte. En modifiant la physiologie, le réchauffement global modifie aussi le comportement des vecteurs.13 Une augmentation de la température ambiante augmente aussi la vitesse de développement des œufs des moustiques. Ce temps de développement étant plus court, plus de lots d’œufs peuvent être produits pour une même période donnée. Ceci résulte en une augmentation de la fréquence des repas de sang pour fournir les protéines nécessaires au développement des œufs. En général, chaque lot d’œufs nécessite un repas de sang afin devenir mature. L’augmentation des morsures par les vecteurs résulte donc en une augmentation de la possibilité de transmission d’une maladie à des hôtes susceptibles.14 Bref, les différences régionales de température affectent probablement l’habilité de ces populations à coloniser de nouvelles régions. Plus l’air ambiant est chaud (jusqu’à une certaine limite), plus la population de moustiques s’établit facilement. Tout ceci permet alors une meilleure propagation du vecteur et de la maladie. Par contre, il est à noter qu’une hausse de la température ambiante n’est pas 4 nécessairement significative de facilitation de la transmission des maladies nécessitant des vecteurs. En effet, une chaleur excessive tue les insectes, tout comme un froid excessif. Cependant, dans les limites de température qui permettent leur survie, l’air plus chaud pourrait permettre une prolifération plus rapide des moustiques et ainsi plus de morsures.15 Les facteurs ``humain`` et ``hôte animal`` sont aussi affectés par le réchauffement global. Un agent infectieux nouvellement introduit peut persister dans le nouvel environnement grâce à la présence importante de vecteurs (présence favorisée par le réchauffement global, comme il a été expliqué plus tôt). Les facteurs ``humain`` et ``hôte animal`` du complexe sont souvent immunologiquement naïfs à ces nouvelles maladies, puisque jamais ces populations n’avaient été exposées.16 Ceci pourrait expliquer l’expansion du VNO en Amérique du Nord. Justement le VNO démontre bien l’importance de l’effet possiblement néfaste du réchauffement global en influençant la distribution géographique des maladies transmises par vecteur. Le premier cas sur le continent nord américain était reconnu durant l’été 1999. Après cet épisode de 1999, les prédictions étaient qu’il y avait 50% des chances que le VNO ne s’installe pas à cause de l’hiver (ce qui était espéré), et l’autre 50% des chances étant que le virus soit déplacé vers le sud par les oiseaux migrateurs. Or, aucun de ces scénarios ne s’est produit. En effet, contre toutes attentes, des chercheurs du CDC (Center for Disease Control) ont trouvé des moustiques qui ont survécu à l’hiver dans des égouts sous-terrains et des édifices abandonnés à New York. Un des échantillons de moustiques recueillis était infecté. Puis, comme de fait, il y eut d’autres cas d’encéphalites l’été suivant et le virus s’était même propagé vers le nord.17 Ceci a pris plusieurs personnes par surprises. Un des facteurs important favorisant l’implantation du virus en Amérique du Nord est la disponibilité de plusieurs espèces de moustique pouvant servir de vecteur potentiel. Turell et al.18 ont tenté d’évaluer en laboratoire le potentiel de différentes espèces de moustique à devenir infectées avec et à transmettre le VNO, parce que peu était connu sur le potentiel des moustiques nord américains à ce moment là. L’étude a démontré que plusieurs espèces nord américaines pouvaient servir de vecteur potentiel dont Culex pipiens et Aedes albopictus (une espèce étudiée par Alto). C. pipiens ne serait qu’un vecteur modérément efficace en laboratoire. Par contre, il serait 5 le facteur enzootique le plus efficace puisqu’il se nourrit primairement à partir d’hôtes aviaires, ce qui permet le maintien du cycle enzootique dans la nature. Ceci est logique puisque la maladie enzootique en Afrique, Asie et dans le sud et centre de l’Europe est principalement transmise par Culex pipiens. A. albopictus serait le vecteur idéal pour transmettre le virus aux humains et chevaux puisqu’il se nourrit sur une variété d’hôtes. Ce qui se passe depuis l’été 1999 avec le VNO peut être considéré comme un reflet des impacts du réchauffement global. En effet, sans ce réchauffement accéléré que l’on connaît depuis ces dernières décennies et intensifié dans les régions à haute latitude, il n’y aurait peut-être pas eu cette propagation fulgurante de la maladie suite à l’introduction du virus en 1999 (voir annexe : graphique 1). En 2002, une personne de Los Angeles a été diagnostiquée infectée par le VNO. Ceci indique qu’après seulement trois ans, le virus a déjà atteint la côte ouest du continent.19 De plus, le virus est aussi arrivé au Québec. Il a été retrouvé chez 139 oiseaux sauvages et 2 chevaux. Les deux foyers les plus importants se retrouvent sur l’Île de Montréal et en Montérégie.20 La disponibilité importante de vecteurs compétents (population importante grâce à la hausse de température) pourrait expliquer cette facilité qu’a eu le VNO à s’installer en Amérique du Nord. Le réchauffement de la planète semble aussi jouer dans l’importance de la maladie de Lyme aux États-Unis. Cette maladie est la maladie transmise par vecteur la plus rapportée chez les humains aux États-Unis.21 Borrelia Burgdorferi se transmet surtout par la tique Ixodes scapularis. Cette maladie est devenue un problème de santé publique important dans les régions où la tique est abondante, soit le nord-est et le haut mid-ouest des États-Unis Il y a aussi des cas dans l’ouest du pays et la transmission se fait par I. pacificus. 22 La distribution géographique de la maladie de Lyme semble se répandre de plus en plus largement aux États-Unis Ceci pourrait être expliqué par la distribution de moins en moins limitée de son vecteur. Une étude en Suède a été effectuée pour déterminer si l’expansion de la distribution géographique de la maladie de Lyme vers le nord de ce pays et l’augmentation de la densité du vecteur dans le pays entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990 (voir annexe : schéma 1) étaient reliées aux changements climatiques.23 Pour évaluer la distribution géographique, les auteurs se sont fiés sur un sondage/questionnaire (auquel il y eut plus de 1000 répondants) adressé aux 6 chasseurs, propriétaires de chiens, de chats et de maison dans le nord et centre du pays et sur des études publiées antérieurement. Ce sondage de 1994 faisait appelle aux souvenirs des gens (il y avait des questions au sujet des années `80 et 1992-1993). Les réponses pouvaient donc avoir été biaisées par l’inexactitude des souvenirs. Malgré ce défaut, les observations et théories demeurent tout de même intéressantes et logiques. Le vecteur primaire de la maladie en Suède est Ixodes ricinus. Les conclusions obtenues peuvent sûrement s’appliquer à la situation en Amérique du Nord. Les auteurs ont d’ailleurs fait le lien entre la situation en Suède et celle retrouvée en Amérique du Nord avec I. scapularis. Selon eux, la distribution géographique et la densité de la population de la tique sont influencées par plusieurs facteurs d’interaction biotiques et abiotiques. Par exemple, l’accès à une population d’hôtes et à une végétation adéquate servant d’abris sont des facteurs importants pour la survie et le développement de la tique. Par contre, le climat représenterait la limite absolue quant à la distribution géographique possible de la tique et influence directement ou indirectement la densité de la population. En effet, il existe un seuil de température bioclimatique (température limite) permettant l’activité de la tique (4-5 oC), le développement et déposition des œufs (8-11 oC). Les nymphes et adultes résistent au gel, mais les œufs et larves y sont plus sensibles. Un hiver plus léger et une augmentation du nombre de jours avec une température entre 5-8 oC (due à un prolongement du printemps et de l’automne) ont été notés dans les années `90 (comparativement aux années `80). Leurs observations sont entre autre que la limite de la distribution de la tique repoussée vers le nord est relié à une diminution du nombre de jours en hiver avec une température inférieure à 12 oC, qu’une densité importante de tiques dans une région donnée semble reliée à un hiver plus léger combiné à une prolongation du printemps et de l’automne. Ainsi la limite nord de la distribution des tiques serait déterminée par le nombre annuel de jours au-dessus du seuil de température bioclimatique. Étant donné que le changement climatique est suspecté d’affecter d’avantage la température minimale que la température maximale dans les latitudes nordiques, les tiques peuvent se répandre dans des régions à plus haute latitude et aussi de devenir plus abondantes dans les régions où une population était déjà établie si le climat est plus doux. Ainsi, il n’est pas faux de croire que le réchauffement global affecte les maladies transmises par des tiques. Il influence la propagation de la tique (donc du 7 spirochète) et influence la période saisonnière permettant la transmission. La situation au Canada n’est pas aussi problématique qu’aux État-Unis, mais elle demeure à surveiller. En effet, il existe quelques populations d’Ixodes scapularis portant Borrelia Burgdorferi identifié en Ontario : Long Point (qui fut longtemps la seule population connue au Canada), Pelee National Park et Rondeau Provincial Park. 24 Il est soupçonné que des contraintes climatiques au développement de plusieurs stades de vie de la tique préviennent l’établissement de population plus au nord. Par contre, si le réchauffement global a bel et bien un impact assez important dans la distribution de la maladie de Lyme comme l’affirmaient Lindgren et al., il est possible de croire que la situation au Canada sera modifiée au cours des années à venir. Comme il a été mentionné, le lien entre le réchauffement global et l’émergence de maladies transmises par vecteur est très complexe et reste encore à prouver. Plusieurs affirment d’ailleurs que cette hypothèse est trop simpliste et que les adeptes de cette théorie sautent trop facilement aux conclusions. Par exemple, Uriel Kitron, professeur épidémiologiste à l’Université de l’Illinois, affirme que malgré ses nombreuses recherches concernant la propagation des maladies transmises par vecteur (malaria, fièvre Dengue,…), il n’a pas réussi à établir clairement le lien entre le réchauffement global et la propagation de ces maladies. L’écologie des maladies transmises par des vecteurs est extrêmement complexe, ce qui rend la transmission et le mécanisme de production des maladies difficiles à comprendre. Selon lui, il y a d’autres facteurs que les moustiques et les causes sociales sont des facteurs de risque aussi, sinon plus importants que la hausse de température.25 Paul Reiter du CDC a cité plusieurs cas historiques d’épidémies durant des périodes froides. Par exemple, des moustiques A. aegypti auraient survécu l’hiver dans les sous-sols où de l’eau était entreposée durant la première épidémie importante de fièvre Dengue lors des années 1780 à Philadelphie. 26 Il y a donc toujours eu des distributions assez importantes de maladies transmises par moustique dans les régions tempérées. Ceci suggère donc que les récentes émergences de maladies transmises par vecteur ne soient pas dues au réchauffement global que l’on connaît en ce moment. Selon lui, la perception publique est faussée par des gens qui connaissent peu au sujet de ce domaine d’étude. L’hypothèse trop facile est trop attirante. De plus, il est à noter que la relation entre les indices climatiques et la capacité des vecteurs à transmettre les maladies 8 est non linéaire parce qu’il existe plusieurs autres facteurs : augmentation de la pauvreté, augmentation de l’urbanisation, augmentation des voyages internationaux, croissance de la population, etc.27 En effet, le fait qu’il y ait des moustiques compétents en hiver n’est peut-être pas dû au réchauffement global, mais plutôt à l’existence de nombreux égoûts servant d’abris aux moustiques durant l’hiver (urbanisation). Le réchauffement global peut être certes un facteur de risque, mais on ne peut savoir à quel point. Souvent, les épidémies coïncident avec un déclin du contrôle des moustiques (due par exemple à la pauvreté, un facteur social)28 Par contre, on peut aussi supposer que le réchauffement global, phénomène que l’on est en fait en train de comprendre, entraîne nécessairement une perte de contrôle sur les vecteurs. La température est un paramètre que l’on ne peut contrôler. De plus, l’augmentation de l’incidence de ces maladies n’est pas seulement rencontrée chez les humains (qui eux subissent beaucoup les facteurs dits sociaux), mais aussi dans la faune. Pourtant, les animaux sauvages sont probablement moins exposés à ces facteurs. Ceci est donc un signe qu’il y a un phénomène dans la nature qui mérite d’être étudié parce qu’il est peut-être plus important que l’on pense. Étant donné qu’un nombre inimaginable de facteurs peuvent influencer l’émergence des maladies transmises par vecteur et que l’impact du réchauffement global n’est pas totalement prouvé, des études plus poussées concernant cette hypothèse sont encouragées parce que des informations obtenues jusqu’à présent semblent appuyer cette hypothèse. Il faut mieux comprendre le phénomène du réchauffement global afin de mieux apprécier tous les impacts néfastes. Étant donné la complexité de la problématique et les nombreux facteurs inconnus et connus intervenant, des recherches écologiques bien conçues au sujet des maladies et de leur cycle en nature doivent être menées. Ces études doivent être multidisciplinaires (incluant la botanique, foresterie, zoologie, entomologie, microbiologie, climatologie, épidémiologie, etc.) afin de mieux discerner les effets de la température sur le maintien du cycle naturel, sur l’incidence de la maladie et le potentiel épidémique.29 Les études doivent se faire à la fois sur le terrain et à la fois en laboratoire. Il faut aller récolter des échantillons de vecteurs survivants (moustiques, tiques, …) et étudier leur adaptation. En laboratoire, il faut étudier comment les agents et vecteurs survivent aux changements climatiques, se multiplient et continuent de se développer sous les conditions changeantes.30 Les recherches concernant l’interaction complexe entre 9 les facteurs climatiques et les vecteurs constituent une étape importante parce que sans cette compréhension, les projections des effets potentiels du changement climatique sur les maladies demeureront insaisissables. Pour déterminer le rôle de la tendance du climat à long terme, il faudra d’abord comprendre comment ces maladies persistent dans la nature. De plus, le développement de système de surveillance et de moyens d’identification des maladies exotiques est extrêmement important.31 Les systèmes de surveillance permettent de suivre l’étendue de la propagation dans l’espace et le temps. Aux États-Unis en 2000, ArboNET32, un système coopératif de surveillance a été implanté pour monitorer la propagation géographique et temporelle du VNO, identifier les régions à risque, développer des stratégies pour prévenir les infections chez les humains ou animaux et déterminer la distribution et l’incidence d’autres arbovirus. Ce système développé par plusieurs états, le district de Columbia et le CDC met l’accent sur la surveillance des oiseaux, des moustiques, des chevaux, humains et autre mammifère. ArboNet a d’ailleurs démontré une propagation géographique de l’activité du virus en 2000. Les systèmes de surveillance ne doivent pas impliquer seulement les régions affectées, mais aussi toutes les régions avoisinantes puisqu’elles sont à haut risque d'être atteintes dans plus ou moins de temps. Une surveillance rapide des moustiques d’une région donnée lorsque l’on a des cas d’oiseaux morts dans cette dite région est recommandée.33 Cet aspect est capital étant donné que le vecteur est un élément important dans le complexe de la maladie. Il faut continuer à suivre les populations de vecteurs. Par exemple, le suivi des populations de tiques en est un bon exemple. Il faut faire de même pour les populations de moustiques. Ceci risque d’être un peu plus complexe puisqu’il y a si grand nombre d’espèces de moustique pouvant transmettre le VNO et elles n’ont sûrement pas encore été toutes identifiées. Après avoir identifié les espèces transmettant le virus, il faut suivre de déplacement de ces moustiques. Comment était la distribution de ces moustiques auparavant? Est-ce qu’il y a une expansion de la distribution des moustiques comme c’est le cas de la tique? Si tel est le cas, l’effet d’une hausse de la température sur la propagation du VNO pourrait être suspecté. Finalement, les études épidémiologiques sont malheureusement surtout accentuées sur du court-terme. Les études ne concernent souvent que des épisodes ou 10 épidémies isolées. Pour comprendre un phénomène aussi global que réchauffement planétaire qui s’étend sur des siècles et l’effet de l’activité humaine accélérant ce réchauffement, il est évident que des études à long terme sont essentielles. De plus, il faudrait aborder la problématique avec une vue d’ensemble, i.e. évaluer l’ensemble des maladies transmises par vecteurs afin de mieux en apprécier les effets du réchauffement global sur ces types de maladies. Surtout, il faut analyser les cas humains avec ce qu’il se passe dans la nature (animaux sauvages), on peut en retirer beaucoup d’informations. En résumé, nous ne possédons que très peu de donnée et d’information, il est donc évident qu’on ne peut faire de conclusion précise sur l’impact du réchauffement global. Par contre nous ne pouvons nier l’influence du réchauffement global sur les maladies transmises par vecteur puisqu’il affecte les vecteurs, composants importants dans la transmission de l’agent infectieux et donc de l’établissement d’une endémie. La modification du climat accentuée durant ces dernières décennies à cause de l’activité humaine influence l’émergence des maladies transmises par vecteur, surtout à cause de son impact sur le vecteur même (distribution géographique, densité de la population) qui favorise les probabilités de transmission. Ce n’est sûrement pas la hausse globale de moins d’un degré qui affecte les vecteurs, mais bien le changement climatique régional résultant (dont les effets sont surtout notables dans les régions à haute latitude). Bien que l’on ne sache pas encore comment le changement global climatique puisse influencer l’émergence de ces maladies à travers le monde, comment il affecte le risque de l’introduction de vecteurs étrangers et de maladies exotiques et comment il augmente la dispersion des ces vecteurs, le problème est tout de même là. Si l’augmentation de CO2 atmosphérique et d’autres gaz à effet de serre accélère la tendance du réchauffement de ces trois siècles derniers, le changement régional associé pourrait avoir des effets importants dont la distribution des maladies transmises par vecteur qui n’en est qu’un exemple. Les effets potentiellement sérieux du changement climatique sur la santé augmentent l’urgence et l’importance du besoin de politiques pour limiter l’émission des gaz à effet de serre. Il est important de bien cerner le problème, de continuer les études parce que le risque du lien est là et ceci a un grand impact sur la santé publique. 11 ANNEXE Graphique 1. Nombre de personnes diagnostiquées infectées par le VNO et de mortalités aux État-Unis selon les années. 34 Schéma 1. Distribution de Ixodes ricinus en Suède dans les années 1980 (gauche) et le milieu des années 1990. 35 12 1 WALTER, Gian-Reto et al. Ecological responses to recent climate, Nature, vol .416, mars, 2002, p. 389. WITTMANN, E.J. et Baylis, M. Climate Change: Effects on Culoïdes-Transmitted Viruses and Implications for the UK, The Veterinary Journal, vol. 160, 2000, p. 107. 3 Global Warming and Terrestrial Biodiversity Decline (WWF) : http://www.panda.org/resources/publications/climate/speedkills/index3.cfm 4 BROWER, Vicki. Vector-borne diseases and global warming: are both on an upward swing?, EMBO reports, vol. 21, no. 19, 2001, p. 755. 5 SHOPE, Robert. Global Climate Change and Infectious Diseases, Environmental Health Perspectives, vol. 96, 1991, p. 171. 6 Ibid, p. 171. 7 LIANG, Stephen. Climate Change and the Monitoring of Vector-borne Disease, msJAMA, vol.287, no.17, mai, 2002, p. 2286. 8 GUBLER, Duane J. et al. Climate Variability and Change in the United States: Potential Impacts on Vector- and Rodent-Borne Diseases, Environmental Health Perspectives, vol. 109, Supplement 2, mai, 2001, p. 223 9 WITTMANN, E.J et Baylis. Op.cit. p. 107-109. 10 Ibid, p. 109-110. 11 BROWER, Vicki. Op. cit., p. 756 12 WITTMANN, E.J et Baylis. Op.cit. p. 109-110. 13 JONSSON, N.N. et Reid, W.J. Global Climate Change and Vector Borne Diseases, The Veterinary Journal, vol. 160, 2000, p. 87. 14 WITTMANN, E.J et Baylis. Op.cit. p. 108. 15 BROWER, Vicki. Op. cit., p. 755. 16 PATZ, Jonathan A. et Reisen, William K. Immunology, climate change and vector-borne diseases, TRENDS in immunology, vol. 22, no. 4, avril, 2001, p. 171. 17 ENSERIK, Martin. The Enigma of West Nile, Science, vol.290, no.5496, novembre, 2000, p. 1482 18 TURELL, Michael J. et al. Vector Competence of North American Mosquitoes (Diptera : Culicidae) for West Nile Virus, Journal of medical entomology, vol. 38, no 2, mars, 2001, p. 130-132. 19 ENSERIK, Martin. Op.cit. p. 1988. 20 Surveillance de l’infection par le Virus du Nil Occidental au Québec : http://www.medvet.umontreal.ca/cqsas/vno/page/accueil%20vno.htm 21 FRANK, Christina et al. Mapping Lyme Disease Incidence for Diagnostic and Preventive Decisions, Maryland, Emerging Infectious Diseases, vol. 8, no. 4, avril, 2002, p. 427. 22 MAGNARELLI, Louis A. et al. Infections of granulocytic ehrlichiae and Borrelia burgdorferi in whitetailed deer in Connecticut, Journal of Wildlife Diseases, vol.35, no.2, 1999, p. 266. 23 LINDGREN, Elisabet et al. Impact of Climatic Change on the Northern Latitude Limit and Population Density of the Disease-Transmitting European Tick Ixodes Ricinus, Environmental Health Perspectives, vol.108, no.2, février, 2000, p.119-123. 24 BAKER, Ian K. et Lindsay, L. Robbin, Lyme borreliosis in Ontario : determining the risks, CMAJ, vol.162, no.11, 30 mai, 2000, p. 1574. 25 BROWER, Vicki. Op. cit., p. 755. 26 Ibid, p. 756. 27 JONSSON, N.N. et Reid, W.J. Op.cit. p. 88. 28 BROWER, Vicki. Op. cit., p. 755 29 GUBLER, Duane J. et al. Op.cit. p. 231 30 SHOPE, Robert. Op.cit., p. 173 31 JONSSON, N.N. et Reid, W.J. Op.cit. p. 88 32 MARFIN, Anthony A. et al. Widespread West Nile Virus Activity Eastern United States, 2000, Emerging Infectious Diseases, vol7, no.4, juillet-août, 2001, p. 730-734. 33 Ibid, p. 734. 34 ENSERIK, Martin. Op.cit. p. 1989 35 LINDGREN, Elisabet et al., Op.cit., p. 119. 2 13