Noblesses et nations à l`époque moderne

Transcription

Noblesses et nations à l`époque moderne
Martin Wrede (Université Grenoble 2) – Laurent Bourquin (Université du Maine)
Colloque « Noblesses et nations à l’époque moderne :
loyautés, hiérarchies et égalité du 16e au 20e siècle »
Institut historique allemand, 22 mai 2013-24 mai 2013
(IHA, Hôtel Duret de Chevry, 5, rue du parc-royal, 75003 Paris)
Associer les deux termes, « Noblesses » et « Nations », ne va pas de soi, d’autant que
ce colloque envisage de les penser sur la longue durée.
D’une part, l’idée même de nation, si elle a émergé à la fin du Moyen Âge, ne s’est
véritablement affirmée en Europe qu’à partir de la Révolution française. D’autre part et
surtout, la noblesse a entretenu avec les nations des relations souvent conflictuelles tout au
long du 19e siècle. À la veille de la Première Guerre mondiale, bon nombre de maisons nobles
transnationales durent encore choisir leur camp, et/ou s’intégrer dans une nation qui,
jusqu’alors, ne représentait pour elles qu’une option parmi d’autres. Elles durent se soumettre
à une double logique d’unité et d’égalité à laquelle elles étaient restées, jusqu’au début du 20e
siècle, fort étrangères. L’aristocratie austro-hongroise elle-même, qui avait pu espérer un
temps être épargnée par ce dilemme, dut se résoudre à prendre de douloureuses décisions
après la guerre.
Cette tension entre l’identité noble et l’intégration nationale ne concernait pas
seulement la très haute noblesse, habituée depuis des siècles à s’affranchir des frontières pour
contracter des alliances matrimoniales, faire carrière ou réaliser des investissements fonciers
de dimension européenne : elle concerna aussi des noblesses plus modestes et tiraillées entre
plusieurs loyautés, telle que la noblesse balte, de souche allemande, fidèle à la dynastie des
Romanov mais menacée, dans la seconde moitié du 19e siècle, par un nationalisme russe de
plus en plus puissant.
Nous avons choisi d’étudier les rapports entre noblesses et nations sur la longue durée,
en faisant l’hypothèse qu’ils avaient créé des tensions depuis longtemps et qu’ils plongeaient
leurs racines dans une époque moderne parfois perçue comme « proto-nationale ». En France,
à la fin du 16e siècle, une partie de l’opinion catholique choisit ainsi de se rallier à Henri IV
dans les dernières années de la Ligue, non seulement par fidélité au principe dynastique, mais
aussi par rejet d’une solution « espagnole » soutenue par les Guise, qui aurait porté au pouvoir
la fille de Philippe II. Un siècle plus tard en Allemagne, les exactions commises par les
troupes de Louis XIV outre-Rhin déclenchèrent de violentes réactions francophobes et le rejet
d’une cour et d’une noblesse toutes deux jugées « francisées ». De même outre-Manche, le
mode de vie des aristocrates et des courtisans anglais fut parfois dénoncé, au 18e siècle,
comme trop proche du modèle culturel français.
Si les nobles eurent souvent du mal à se couler dans le moule national qui était en train
de se constituer, il serait réducteur de ne les considérer que comme un facteur de résistance.
En effet, ils adhérèrent largement au monopole de loyauté qui était exigé par les États
modernes à prétention absolutiste et qui servit de terreau à l’idée nationale : servir le roi, dans
la France du 18e siècle, signifia de plus en plus souvent servir la nation, ce qui posa des
problèmes de conscience à de nombreux aristocrates lorsque les deux loyautés entrèrent en
conflit dans les années 1790.
N’oublions pas, enfin, que les noblesses d’Europe, dans leur grande majorité, n’étaient
ni internationales, ni nationales. Nombre de lignages avaient une dimension régionale, voire
locale, ce que reflétait l’aire géographique de leurs propriétés, de leurs mariages et de leur
influence. Des familles très provinciales et repliées sur leurs territoires n’étaient pas
considérées comme nobles par leurs pairs : songeons aux hidalgos du Nord de la Castille
ridiculisés dans les pièces de théâtre françaises, ou aux nobles rhénans et westphaliens qui
regardaient de haut leurs homologues néerlandais. Même si la noblesse voulait se croire et se
voir comme une « nation » à part entière, transnationale et transfrontalière, elle se trouvait
sans cesse confrontée à son irréductible hétérogénéité.
Notre colloque entend poser et discuter de deux questions fondamentales. En premier
lieu, lorsque la noblesse s’auto-percevait en tant que nation distincte, sur quelles bases
fondait-elle son identité, et surtout comment la transforma-t-elle pour devenir une élite
nationale ? En second lieu, comment la noblesse a-t-elle progressivement intériorisé l’idée de
nation, en tant que valeur et référence qui lui fussent propres ? La réponse à cette question
devra notamment tenir compte des loyautés dynastiques ou confessionnelles préexistantes.
Le colloque sera structuré en quatre parties :
1) La noblesse en tant que nation politique et/ou race distincte ;
2) L’internationale de la noblesse européenne, c’est-à-dire les familles qui se pensent
et se vivent comme transfrontalières et transnationales ;
3) Les migrations nobiliaires et l’éclosion d’un sentiment national nouveau dans les
familles déracinées ;
4) La noblesse à l’âge de la nation, ses résistances et ses adaptations aux nécessités
nationales au cours du 19e siècle.
Programme
mercredi 22 mai 2013
14.00 directeur IHA/SAS duc Léopold d’Arenberg : Bienvenue
14.10 Martin Wrede/Laurent Bourquin : Introduction
Section I – La noblesse en tant que nation politique et/ou race distincte
14.30 Les débats du 16e siècle sur l’origine étrangère de la noblesse – Arlette Jouanna,
Montpellier
15.15 Adelige, Polen, Sarmaten und welche Nation ? (Nobles, Polonais, Sarmates et quelle
nation ?) – Hans-Jürgen Bömelburg, Gießen. Communication en allemand
Pause
16.30 La noblesse hongroise en tant que nation politique – Marie-Françoise Vajda, Paris
17.15 ‚West Britons’ oder ‚Irish Patriots’ ? – Die Identifikationsoptionen des irischen Adels
im 17. und 18. Jh. (Les options identitaires de la noblesse irlandaise aux 17e et 18e siècles) –
Ronald G. Asch, Freiburg i.B. Communication en allemand
18.00 Hoher Adel und alte Teutsche. Zur konjunkturellen Germanizität des Reichsadels (Le
très conjoncturel caractère allemand de la noblesse du Saint-Empire) – Martin Wrede,
Grenoble. Communication en allemand
18.45 Commentaire: Lothar Schilling, Augsburg
19.30 RECEPTION IHA: BUFFET
jeudi 23 mai 2013
Section II – L’internationale de la noblesse à l’époque moderne
09.00 Adel in Estland und Livland in der Frühen Neuzeit (Les noblesses baltes à l’époque
moderne) – Michael North, Greifswald. Communication en allemand
09.45 L’internationale nobiliaire protestante au 16e siècle – Hugues Daussy, Le Mans
10.30 L’ouverture aux étrangers de la petite noblesse champenoise : migrations, mariages et
carrières (16e-17e siècles) – Laurent Bourquin, Le Mans
Pause
11.30 Les sociétaires des princes – Jonathan Spangler, Manchester. Communication en
anglais
12.15 Les identités nationales de la noblesse habsbourgeoise au 18e siècle – Christine Lebeau,
Paris
DEJEUNER, IHA: BUFFET
Section III – Migrations nobles
14.30 The Flemish Cavalier : Noble Identities at the Crossroads of Europe – Luc Duerloo,
Antwerpen. Communication en anglais
15.15 Noblesse et patriotisme territorial dans les pays de la couronne de Bohême après 1620 –
Olivier Chaline, Paris
Pause
16.30 Hugenottische Adlige zwischen Frankreich und Preußen – Silke Kamp, Potsdam.
Communication en allemand
17.15 Le pouvoir princier délocalisé : errances de la noblesse lorraine et sentiment national au
17e siècle – Anne Motta, Metz/Le Mans
18.00 Commentaires: Heinz Schilling, Berlin – Lucien Bély, Paris
19.00 Conférence ouverte au public : Les Arenberg en France et en Europe au 19e siècle –
Bertrand Goujon, Reims
vendredi 24 mai 2013
Section IV – Les noblesses à l’heure de la nation
9.00 Nobels and nation : France about 1800 – Jay Smith, Chapel Hill, NC – Communication
en anglais
9.45 Petite noblesse entre région et nation. La Bretagne au 19e siècle – Michel Nassiet,
Angers
Pause
10.45 Preußischer Adel und deutsche Nation im 19. Jh. (Noblesse prussienne et nation
allemande au 19e siècle) – Ewald Frie, Tübingen. Communication en allemand
11.30 Der Adel und die Nationen der Habsburgermonarchie im 19. Jh. (Noblesses et nations
dans la monarchie des Habsbourg au 19e siècle) – William Godsey, Vienne. Communication
en allemand
DEJEUNER, IHA: BUFFET
14.15 Adel und Nationalbewegungen im Baltikum um 1900 (La noblesse balte et les
mouvements nationaux autour de 1900) – Ralph Tuchtenhagen, Berlin. Communication en
allemand
15.00 Deutscher Adel, französischer Adel und ihre Nationen nach 1914 (Noblesse allemande,
noblesse française et leurs nations après la Grande guerre) – Eckart Conze, Marburg.
Communication en allemand
Pause
16.30 Commentaires : Robert von Friedeburg, Rotterdam – Michel Figeac, Bordeaux
18.00 fin du colloque
soutenu par
CERHIO, Le Mans
DFG – Deutsche Forschungsgemeinschaft
Fondation d’Arenberg, Enghien
Institut historique allemand, Paris
Justus-Liebig-Universität, Gießen
LARHRA, Lyon/Grenoble