Le principe de l indivisibilite de la Republique

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Le principe de l indivisibilite de la Republique
Tatiana GRÜNDLER
Fiche de niveau 1. Droit constitutionnel (les institutions de la Vème République) /
Fiche de niveau 1. Institutions administratives /
6 avril 2007
Le principe de l’indivisibilité de la République
Le principe d’indivisibilité est inscrit depuis longtemps dans les constitutions françaises. Il a
fait son apparition dans les textes fondateurs au lendemain de la Révolution française, la
Constitution de 1791 disposant que « le Royaume est un et indivisible ». Il a ensuite été
repris par nombre de constitutions et est aujourd’hui considéré comme un principe
républicain. La Constitution de 1958 comporte en effet un article 1er qui dispose que « La
France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale (…) ».
Au-delà de cette tradition historique, plus délicate est la question de la signification du
principe constitutionnel d’indivisibilité.
Le principe
Il est traditionnellement appliqué à chacun des éléments constitutifs de l’Etat que sont le
territoire, le peuple et l’organisation politique (ou souveraineté).
S’agissant d’abord du territoire, le principe de l’indivisibilité est vu comme empêchant une
division du territoire constitutif de l’Etat français.
Ensuite, il implique une souveraineté unique et, notamment, une source unique du pouvoir
normatif initial. Il exclut ainsi toute transformation de la France en un Etat fédéral.
Enfin, l’indivisibilité appliquée au peuple préserve son unicité. En vertu de ce principe, le
Conseil constitutionnel a censuré la référence législative à un peuple corse (n° 91-290DC
du 9 mai 1991, Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse) et s’est opposé à la
ratification par la France de la Charte des langues régionales ou minoritaires élaborée dans
le cadre du Conseil de l’Europe (n° 99-412DC du 15 juin 1999, Charte des langues
régionales ou minoritaires).
Cette position relative au peuple français a trouvé plus récemment un prolongement avec
l’insertion, au sein de la Constitution, lors de la réforme constitutionnelle de 2003 portant
sur la décentralisation, de l’expression « populations d’outre-mer » (article 72-3 alinéa
1er). Ces populations ne sont que des composantes du peuple français et respectent de ce
fait l’unicité de celui-ci.
Les tempéraments
D’abord, le principe de l’indivisibilité n’a pas empêché l’admission par le Conseil
constitutionnel de la pratique des sécessions pendant la décolonisation (n° 75-59DC du 30
décembre 1975, Loi relative aux conséquences de l’autodétermination des îles des
Comores). Il n’a pas davantage fait obstacle à une organisation administrative de la
République non homogène (n° 91-290DC du 9 mai 1991, Loi portant statut de la collectivité
territoriale de Corse) (citée ci-dessus).
Ensuite, concernant la souveraineté, le principe d’indivisibilité n’a pas été interprété par le
juge constitutionnel comme s’opposant à la construction communautaire et aux transferts de
compétences de l’Etat à l’Union européenne qu’elle suppose (n° 76-71DC 30 décembre
1976, Décision du Conseil des Communautés européennes relative à l’élection de
l’Assemblée des Communautés au suffrage universel). Toutefois, ces transferts de
compétence doivent être autorisés expressément par la Constitution (comme en témoigne
l’article 88-2 introduit dans la Constitution pour permettre la ratification du traité de
Maastricht, modifié en 1999, pour permettre celle du traité d’Amsterdam).
Les dérogations
Lorsque les pouvoirs publics ont souhaité mettre en place des dérogations à ce principe
constitutionnel, il a logiquement fallu procéder à une révision de la constitution. Ainsi la
Nouvelle-Calédonie, engagée dans la voie de l’indépendance, bénéficie-t-elle d’un statut
spécifique en vertu duquel, par dérogation au principe d’indivisibilité, elle dispose d’un
pouvoir normatif initial. Elle peut en effet adopter des « lois de pays », « qui ont force de
loi », et dont la conformité à la Constitution est contrôlée par le Conseil constitutionnel.
Aussi, existe-t-il depuis 1999 une autre source du pouvoir normatif initial (Loi organique 99209 du 19 mars 1999). La Constitution autorise également depuis 2003 les collectivités
territoriales à procéder à des expérimentations leur permettant de déroger, sur autorisation
du pouvoir législatif ou du pouvoir réglementaire, aux lois et règlements. Ce pouvoir
normatif local est toutefois strictement encadré puisque, outre l’habilitation initiale, la durée
– au maximum de 5 ans – et l’objet doivent être précisés. En outre, cet objet ne peut
concerner les conditions essentielles d’exercice des libertés publiques ou des droits
constitutionnellement garantis. Une révision de la Constitution a été sur ce point nécessaire
en raison, notamment du principe d’indivisibilité.
Bibliographie
- R. Debbasch, « L’indivisibilité de la République », in : B. Mathieu, M. Verpeaux (Dir.), La
République en droit français, Economica, PUAM, Droit public, 1996, p. 75.
- M.-N. Fabre, « L’unité et l’indivisibilité de la République, réalité ? Fiction ?, RDP 1982, p.
603.
- T. Gründler, « La République française, une et indivisible ?, RDP 2007 à paraître
- F. Lemaire, « Les évolutions du principe d’indivisibilité de la République », Revue de la
recherche juridique. Droit prospectif, 2001-2, Vol. 1, p. 756
- T. Michalon, « la République française, une fédération qui s’ignore ? », RDP 1982, p. 625.