L`impact du piratage numérique sur les modèles d`affaires des
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L`impact du piratage numérique sur les modèles d`affaires des
Institut d’Etudes Politiques de Toulouse Mémoire de recherche présenté par M.Gilles Flaischaker Directrice du mémoire : Mme Céline Castets-Renard Date : 2004 2 Institut d’Etudes Politiques de Toulouse Mémoire de recherche présenté par M.Gilles Flaischaker Directrice du mémoire : Mme Céline Castets-Renard Date : 2004 3 Remerciements Je tiens à remercier Céline Castets-Renard pour son soutien et son aide dans la direction de ce mémoire. Je remercie également pour leurs contributions (directes ou indirectes) : Mme Sylvie Forbin (Vivendi Universal) M. Emmanuel Paquette (Les Echos) M. Frédéric Delacroix (Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle) M. Vincent Florant (EMI) 4 AVERTISSEMENT : L’I.E.P de Toulouse n’entend donner aucune approbation, ni improbation, dans les mémoires de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur 5 Abréviations : CD : Compact Disc CD-R : Compact Disc Recordable CNIL : Commission nationale Informatique et Libertés CPI : Code de la Propriété Intellectuelle CSPLA : Conseil Supérieur de la Propriété Intellectuelle DMCA: Digital Millenium Copyritht Act DRMS: Digital Rights Management Systems (Systèmes de gestion des droits numériques) DVD : Digital Versatile Disc DVD-A : Digital Versatile Disc-Audio DVD-R : DVD Recordable (DVD enregistrable) IFPI: International Federation of the Phonographic Industry IP: Internet Protocol IVF : International Video Federation LCEN : Loi pour la confiance dans l’économie numérique MP3 : Mpeg audio Layer 3 MPAA : Motion Picture Association of America RIAA: Recording Industry Association of America SACD: Super Audio Compact Disc SCPP : Société civile des Producteurs Phonographiques SNEP : Syndicat national des éditeurs de phonogramme TGI : Tribunal de Grande Instance 6 PREMIERE PARTIE – L’IMPACT DE LA REVOLUTION NUMERIQUE SUR LES INDUSTRIES CULTURELLES CHAPITRE I – PEER-TO-PEER : LES PREMICES DE L’ « AGE DE L’ACCES » CHAPITRE II – LA REMISE EN CAUSE DES MODELES D’AFFAIRES ACTUELS DEUXIEME PARTIE – PROSPECTIVE ET STRATEGIE – L’IMPACT DES INDUSTRIES CULTURELLES SUR LA REVOLUTION NUMERIQUE CHAPITRE I – L’APPLICATION DU DROIT D’AUTEUR ET DES DROITS VOISINS DANS LA SOCIETE DE L’INFORMATION ET LA RESPONSABILISATION DES INTERMEDIAIRES TECHNIQUES CHAPITRE II – LES STRATEGIES EN DEVELOPPEMENT ET LES NOUVEAUX ENTRANTS. VERS UN E-MODELE D’AFFAIRES ? 7 ! " # $ $ % & ' $ ) * ( ' ( ' + -,% ( % , -.% % ! 1 " # Extrait d’une interview parue dans L’Express du 29 mars 2004. 8 Note de méthodologie « Le chemin est long du projet à la chose. » Molière Ce mémoire a été rédigé dans le cadre d’une démarche transversale – pluridisciplinaire- visant à mieux cerner l’ensemble des problèmes affectant actuellement les modèles d’affaires des industries culturelles. Il s’agit ainsi de mettre en perspective l’intelligence de l’ensemble des défis lancés aux industries culturelles mais également d’analyser les solutions éventuelles qui paraissent les plus pertinentes. Plusieurs disciplines ont ainsi été utilisées pour la rédaction de ce mémoire : le droit de la propriété intellectuelle, la finance, l’économie et le management. En outre, ce mémoire traite également d’aspects techniques qui ne peuvent être négligés dans le contexte actuel de la révolution numérique. Ce mémoire s’attache également à évoquer de manière récurrente les questions de stratégie afin de mieux rendre compte de la complexité des situations et de la variété des choix possibles. La question des sources est cruciale dans le domaine traité par ce mémoire. Le piratage numérique repose en effet soit sur les réseaux (Internet et réseaux privés) soit sur la gravure de supports physiques (DVDR, CDR). Si dans le cas de la gravure industrielle, les estimations de piratage sont relativement fiables, il n’en est pas de même en revanche lorsque la gravure fait l’objet d’un commerce artisanal. Plus essentiellement, le piratage opéré via les réseaux ne correspond en réalité qu’à des échanges de flux de données numériques. Or, paradoxalement, il n’est pas si aisé que cela de mesurer les échanges de flux numériques. Cela pose donc un problème de fiabilité des sources pour les estimations de piratage numérique via les réseaux. En outre, les questions traitées dans ce mémoire souffrent de leur relative jeunesse : les économistes, financiers et juristes n’en ont toujours pas fait le tour. D’ailleurs, leur tâche n’est pas facilitée par l’évolution régulière des réseaux, des formes de piratage, des comportements des utilisateurs-consommateurs (etc.). Corrélativement, le fait que ces questions soient toujours en partie irrésolues a incité l’auteur de ce mémoire à se pencher sur le sujet, notamment en raison du défi qu’il représente. 9 De plus, les sources posent globalement problème : les principales sources d’information concernant les ventes des industries culturelles sont fournies, pour l’essentiel, par les organismes chargés de les représenter. Des cabinets spécialisés dans l’audit ou le conseil ont publié des études, toutefois celles-ci sont réservées de fait aux professionnels car leur coût d’acquisition est élevé (plusieurs milliers d’euros pour certaines d’entre elles). Le piratage est source de problèmes variés et complexes pour les industries culturelles mais il peut également avoir des répercussions, qui ne sont pas forcément négatives, sur d’autres secteurs industriels. Cela renvoie donc à l’idée que deux groupes de lobbys puissants, aux intérêts divergents, se faisant face dans ce domaine, il n’est pas commode de travailler dans un contexte où les sources elles-mêmes prêtent à de fortes controverses scientifiques et journalistiques. L’ensemble de ces limites justifient donc une certaine prudence mise en oeuvre au sein de ce mémoire. 10 Depuis plusieurs années, les grands quotidiens français, européens et américains évoquent régulièrement dans leurs colonnes les questions de piratage. Les journaux informatiques font régulièrement leur une sur les réseaux peer-to-peer. La question du piratage a aussi envahi les sites Internet : tous les sites consacrés à l’informatique publient régulièrement des informations sur ce sujet et Le Monde.fr a publié en ligne un dossier entier consacré à cette question. Derrière ce phénomène de fond, quelle réalité recouvre le piratage ? Le piratage peut être défini comme un acte de contrefaçon commis dans l’univers des réseaux, et de manière plus large, dans l’environnement numérique. Ainsi l’environnement numérique née de la révolution numérique ne se restreint pas aux fichiers informatiques et aux réseaux : les supports physiques des oeuvres culturelles sont devenus numériques. En 1984, Sony et Philips lancent un nouveau format : le CD. Premier format numérique pour les oeuvres culturelles, le CD achève rapidement le vynile et la cassette audio. Au milieu des années 1990, un puissant consortium d’industriels, dénommé DVD Forum, met au point un nouveau format devenu un standard en un laps de temps très bref : le DVD. Le DVD est en train de remplacer complètement la cassette VHS. Le point commun existant entre le CD et le DVD est ainsi clairement identifié : ces deux formats numériques ont remplacé les standards analogiques précédents pour véhiculer les productions culturelles. Il existe des différences majeures entre une oeuvre sur support numérique et cette même oeuvre sur support analogique. En premier lieu, le numérique permet l’absence de détérioration de la qualité de l’oeuvre. En second lieu, les technologies numériques permettent de reproduire de manière strictement identique ces mêmes supports numériques : alors que dans l’environnement analogique, les oeuvres culturelles se dégradaient au fil des reproductions, dans l’environnement numérique, elles demeurent identiques même au bout de milliers de copies. Ces évolutions couplées à l’essor de l’informatique individuelle et des réseaux d’accès Internet à haut débit ont produit un mini big bang pour les industries culturelles. Les coûts de reproduction étant faibles voire nul dans l’environnement numérique, et les coûts de distribution étant également proche de zéro sur les réseaux à haut débit, les particuliers ont commencé à échanger massivement des copies de produits culturels (musique,films, jeux etc.) via Internet ou en utilisant des graveurs 11 de CDR puis de DVDR. Outrepassant le cadre de la copie privée, tolérée en France et dans certains pays, le piratage engendre des répercussions inévitables sur les modèles d’affaires des industries culturelles. Les industries culturelles comprennent l’industrie du disque et l’industrie cinématographique. Certains ajoutent également l’industrie des jeux vidéo parmi les industries culturelles. Dans le cadre de ce mémoire, le cas du piratage des jeux vidéo ne sera pas abordé car il renvoie à des problèmes trop différents tandis que les industries du disque et du cinéma connaissent des difficultés relativement proches. Le terme d’industries culturelles semble étrange : la culture serait-elle une industrie comme une autre ? En fait, derrière cette dénomination se cache la notion d’organisation industrielle (au niveau de la fabrication des supports, du financement, du marketing etc.) qui reflète parfois mal le caractère artisanal de la création d’oeuvres culturelles. En outre, la logique industrielle est nettement plus utilisée dans l’industrie cinématographique, en particulier à Hollywood, que dans l’industrie de la musique. Par ailleurs, bien que cela soit relativement méconnu, les oeuvres sont la propriété de leurs créateurs : le droit de la propriété intellectuelle a vocation à encadrer l’exploitation économique des oeuvres ainsi que les prérogatives accordées tant aux auteurs, artistes et producteurs qu’aux utilisateurs. Ainsi, les oeuvres culturelles sont protégées par le droit d’auteur et les droits voisins sur tous supports : or en la matière les reproductions numériques informatiques sont assimilées à des supports, elles n’échappent donc pas à cette règle. C’est pourquoi il est absurde d’évoquer un improbable vide juridique sur Internet dans ce domaine. La première véritable loi sur le droit d’auteur apparaît en Angleterre en 1709 : c’est le statut d’Anne. Les philosophes des Lumières ont ensuite réclamé une protection spécifique dans la ligne des théories du droit naturel. En France, un arrêt du 30 août 1777 a opéré une distinction fondamentale entre les droits des libraires et ceux des auteurs. Les révolutionnaires produisent ensuite deux lois majeures : la loi du 19 janvier 1791 sur le droit de représentation et la loi du 19 juillet 1793 qui accorde à l’auteur un monopole pour la représentation de ses oeuvres. Entre ces deux lois et la loi du 11 mars 1957, la jurisprudence a bâti un socle important pour combler les lacunes de la législation mais aussi pour répondre aux problèmes pratiques posés par l’invention du disque, du cinéma, de la radio et de la télévision. Les deux grandes lois françaises contemporaines du 11 mars 1957 et du 3 juillet 1985 sont adoptées en réponse aux problèmes posés par de nouvelles technologies de communication et de nouveaux moyens de reproduction (photocopieurs et magnétoscopes notamment). Le législateur 12 a ensuite codifié le droit de la propriété intellectuelle. Le Code de la propriété intellectuelle (CPI) est très récent : la partie législative a été adoptée en 1992 (loi du 1er juillet 1992) et la partie réglementaire en 1995 (loi du 10 avril 1995). Ces différentes lois ont eu pour finalité de protéger l’auteur. C’est l’objet même du droit d’auteur qui consiste à assurer la rémunération des auteurs mais également à leur permettre de contrôler et de maîtriser leurs oeuvres. Il s’agit ainsi d’offrir des conditions propices à la production de biens intellectuels. L’objet du droit d’auteur porte sur l’oeuvre. La notion d’oeuvre est toutefois très imprécise - d’un point de vue juridique- car les textes ne définissent que de manière indirecte ce qu’est une oeuvre. Les oeuvres bénéficient d’une protection, à condition de remplir certaines conditions, et ce sans formalités. Le droit de la propriété littéraire et artistique, contrairement au droit de la propriété industrielle, ne subordonne pas la protection légale à l’accomplissement de formalités. L’article L.111-1 du CPI précise ainsi : « l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle opposable à tous ». Dans le domaine de la protection des oeuvres, il existe un grand principe, à savoir que seule la forme peut être protégée à l’exclusion des idées2 qui sont de libres parcours. L’oeuvre doit également présenter une originalité, c’est un critère fondamental qui ne figure pas dans le CPI mais résulte principalement d’une création jurisprudentielle. Il est communément admis qu’une oeuvre n’est originale que si elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur. L’originalité est une notion subjective (contrairement à la nouveauté en droit de la propriété industrielle) et binaire (il n’y a pas de degré d’originalité3, une oeuvre est originale ou ne l’est pas). En outre, l’auteur dispose de fortes prérogatives. Les droits patrimoniaux permettent à l’auteur d’autoriser ou d’interdire toute exploitation de ses oeuvres. Toute violation de ces droits constitue un acte de contrefaçon. Le piratage affecte principalement le droit de reproduction accordé exclusivement à l’auteur. En effet, l’auteur dispose du droit d’autoriser ou d’interdire toute reproduction de ses oeuvres et ce en vertu du monopole d’exploitation qui lui est conféré. L’article L.1224 du CPI énonce ainsi que : « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l' auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. (...) ». Outre les droits patrimoniaux, l’auteur bénéficie également d’un droit moral. Le droit moral est une des caractéristiques majeures différenciant le système français du droit d’auteur et le copyright anglo-saxon nettement plus orienté 2 Il existe de nombreuses illustrations jurisprudentielles, par exemple le cas opposant deux films utilisant le même thème (Le Prix du danger et The running man). Cf. l’arrêt de la Cour de Cassation, première Chambre civile, du 25 mai 1992, n° 90-19.460 P, Boisset c/ World Vision Inc. 3 Cf. Linant de Bellefonds (Xavier), droits d’auteur et droits voisins, Paris, Dalloz, 2002, p.46 13 vers les aspects pécuniaires. Le droit moral est né du lien étroit existant entre l’auteur et sa création du fait de l’empreinte de la personnalité sur l’oeuvre. De plus, afin de protéger les auxiliaires de la création (artistes interprètes, producteurs, entreprises de communication audiovisuelle) le législateur a instauré des droits voisins du droit d’auteur par la loi du 3 juillet 1985. Les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes disposent notamment du droit d’autoriser – ou non – la reproduction, la mise à disposition du public par la vente, l’échange ou le louage et la communication au public du phonogramme ou du vidéogramme selon les articles L.213-14 et L.215-15 du CPI. Le droit d’auteur et les droits voisins rappellent ainsi que l’exploitation des oeuvres culturelles n’est pas libre lorsque les oeuvres culturelles sont protégées. L’objet de ce mémoire est d’évaluer l’impact du piratage numérique6 sur les modèles d’affaires des industries culturelles dans une perspective interdisciplinaire. La démarche centrale consiste donc à déterminer cet impact, comprendre ses origines, examiner les stratégies employées par les différents acteurs concernés et mettre en perspective les solutions et stratégies qui pourraient permettre d’endiguer le piratage. Ce mémoire s’articule autour de trois problématiques centrales et de plusieurs sous-problématiques connexes. La première problématique concerne la confrontation des industries culturelles au piratage : comment ces industries sont-elles affectées par le piratage alors que la musique est de plus en plus consommée et que le cinéma connaît également un certain essor (notamment via le DVD) ? La sous problématique connexe concerne la difficulté d’évaluer l’impact du piratage : les consommateurs téléchargent-ils des oeuvres massivement sur les réseaux P2P en les substituant aux supports légaux ? L’autre problématique centrale concerne l’évolution des modèles d’affaires des industries culturelles : comment ces industries peuvent-elles limiter le piratage dans un environnement numérique ouvert ? De quelle manière ces industries pourraient-elles tirer profit des enseignements tirés des nouveaux modes de consommation numérique des produits culturels ? La troisième problématique rejoint les deux précédentes : comment les industries culturelles peuvent-elles faire évoluer 4 Article L.213-1 du CPI, 2ème alinéa : « L’autorisation du producteur de phonogrammes est requise avant toute reproduction, mise à disposition du public par la vente, l’échange ou le louage, ou communication au public de son phonogramme autres que celles mentionnées à l’article L.214-1. » 5 Article L.215-1 du CPI, 2ème alinéa : « L’autorisation du producteur de vidéogrammes est requise avant toute reproduction, mise à disposition du public par la vente, l’échange ou le louage, ou communication au public de son vidéogramme. » 6 A l’exclusion, par conséquent, du piratage analogique qui s’est raréfié de toute façon. 14 leurs modèles d’affaires afin de profiter pleinement de la révolution numérique ? La première sous problématique connexe concerne les transferts d’utilité pouvant exister entre le secteur des industries culturelles et le secteur des industries des télécoms et réseaux. La deuxième sous-problématique traitée est relative aux choix stratégiques visant à l’adoption de la distribution en ligne des oeuvres et des nouvelles technologies numériques : une inflexion stratégique est-elle impérative ? La première partie de ce mémoire est consacrée à l’impact de la révolution numérique sur les industries culturelles. Le premier chapitre traite du peer-to-peer envisagé comme prémices de « l’âge de l’accès » tandis que le deuxième chapitre vise à évaluer le degré de remise en cause des modèles d’affaires des industries culturelles. La seconde partie est consacrée à l’impact des industries culturelles sur la révolution numérique. Cette seconde partie s’insère dans une démarche de prospective et d’évaluation des stratégies possibles visant à limiter l’impact du piratage sur les modèles d’affaires des industries culturelles. Cette démarche comprend également une mise en perspective des évolutions législatives internationales récentes afin de mieux prendre en considération l’impact de ces évolutions législatives sur les modèles d’affaires. Le premier chapitre traite de l’application du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’informatique et de la responsabilisation des prestataires. Le second chapitre de cette deuxième partie se focalise sur les stratégies en développement et sur les nouveaux entrants, s’interrogeant ainsi sur la possible émergence d’un « e-modèle » d’affaires pour les industries culturelles. 15 PREMIERE PARTIE – L’IMPACT DE LA REVOLUTION NUMERIQUE SUR LES INDUSTRIES CULTURELLES Les industries culturelles sont les premières industries à être confrontées à la révolution numérique dans une perspective dangereuse. La révolution numérique est une des principales composantes de la Troisième Révolution industrielle. Elle se caractérise par une étroite association liant le développement de l’informatique au développement des réseaux de télécommunication (et plus spécifiquement les réseaux de données tels qu’Internet ou les Intranet). Depuis le milieu des années 90, on observe une forte croissance des équipements informatiques au sein des foyers des pays développés ou des « tigres » asiatiques associée au développement exponentiel des connexions Internet à haut débit7 à partir de 1999-2000. Au sein des grands pays développés, la part des internautes disposant d’une connexion à haut débit s’élève déjà en moyenne à environ 30% (voir le graphique ci-dessous). - Proportion d’internautes disposant d’une connexion à haut débit en avril 2003 : Source : Nielsen / Netratings Ces nouveaux moyens de communication, d’information et de divertissement ont modifié les comportements des consommateurs de produits culturels. La numérisation des oeuvres se réalise de manière assez chaotique, en grande partie impulsée et produite par le consommateur lui-même. De fait, la diffusion des contenus est lourdement impactée par l’irruption de la société de l’information : la logique sur laquelle repose les modèles d’affaires de l’industrie du disque est inadaptée tandis que celle de l’industrie du cinéma semble plus en adéquation avec la révolution numérique. La révolution numérique a introduit un profond changement organisationnel et philosophique dans la diffusion de contenus. Les contenus se dématérialisent et se transmettent d’un point à l’autre du globe en quelques minutes 7 Connexions Internet à haut débit de type ADSL et câble, offrant des débits allant de 0.512 Mb/s à 5 Mb/s. Deux pays leaders en matière de connexion à Internet ont même déjà franchi le cap de la deuxième génération des connexions à très haut débit : le Japon et la Corée, les débits offerts étant de 20 Mb/s. 16 via les réseaux de télécommunication couplés aux réseaux informatiques. La logique du contrôle de la production associée au contrôle de la distribution physique des biens culturels s’avère dépassée. En somme, « l’âge de l’accès » (Jeremy Rifkin) modifie complètement les comportements de consommation, et ce faisant, rend impératif une réorganisation de la logique industrielle de production et de diffusion des biens culturels. C’est dans cette perspective qu’il faut analyser la période transitoire actuelle : faute d’avoir anticipé le changement profond apporté par les réseaux et leur organisation, les industries culturelles sont amenées à se restructurer en profondeur. Le peer-to-peer8 (P2P) constitue un des problèmes majeurs posés par la diffusion illicite des contenus sur Internet même si le piratage ne se limite pas aux réseaux P2P. Le P2P représente les prémices de l’âge de l’accès : en cela le P2P est emblématique de l’organisation en réseaux et de ses effets sur les contenus. Néanmoins il convient de préciser que le piratage ne se limite en aucune manière au P2P9. CHAPITRE I – PEER-TO-PEER : LES PREMICES DE L’ « AGE DE L’ACCES » Jeremy Rifkin soutient dans son ouvrage L’âge de l’accès10 une thèse selon laquelle la société capitaliste est entrée dans une période de transition l’amenant à remettre complètement en cause la fonction structurante de la propriété. Sa théorie, dont les soubassements sont à la fois économique et sociologique, propose ainsi d’analyser les fondements de la « nouvelle frontière capitaliste ». Il postule ainsi que le couple marché et propriété va probablement éclater de telle manière que la valeur des choses sera de plus en plus une valeur d’usage et non plus une valeur de possession. Il attribue ce phénomène au raccourcissement des cycles de vie des produits, à la nouvelle dynamique née des réseaux et au passage d’une société industrielle à une société de production culturelle. Le raccourcissement du cycle de vie des produits les rend obsolètes de plus en plus rapidement, ce qui affecte l’intérêt de posséder le bien. En fait, le consommateur se tourne de plus en plus vers la notion d’expérience au détriment de la propriété, particulièrement dans le cas de la production culturelle. Ainsi l’utilisation des réseaux, de l’interactivité renvoie à l’enjeu central de l’accès, une nouvelle problématique dont la société est encore peu familière : c’est l’accès à des expériences (musique, cinéma, tourisme etc.) qui devient central et non plus le patrimoine. Par conséquent la problématique de la 8 Ou réseaux pair-à-pair Voir le chapitre II pour les autres formes de piratage. 10 Rifkin (Jeremy), L’âge de l’accès, Editions La Découverte, 2000. 9 17 connectivité11 devient un enjeu central à travers le prisme de la dichotomie inclusion / exclusion de l’accès (accès – ou non - au réseau Internet, à la téléphonie mobile etc.). Cette logique de l’accès exposée par Jeremy Rifkin permet de mieux cerner les tenants et aboutissants des nouveaux modes numériques de consommation des produits culturels, notamment via les réseaux peer-to-peer. Ces réseaux peer-to-peer constituent ainsi les prémices de l’âge de l’accès : les internautes utilisateurs de P2P ne recherchent pas à acquérir la propriété des supports matériels (CD, entre autres) des oeuvres culturelles mais l’accès à des expériences – musicales ou cinématographique – au moyen d’oeuvres dématérialisées grâce aux technologies numériques. 1. Le réseau est un jukebox12 Cette expression « Le réseau est un jukebox » renvoie à l’idée que le réseau (Internet mais également les réseaux domestiques privés) devient un gigantesque jukebox mondial diffusant les oeuvres culturelles en permanence, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. La puissance des réseaux P2P s’avère sans commune mesure en termes de capacité de stockage des oeuvres et de bande passante (capacité de débit sur Internet). Afin de comprendre l’impact du phénomène du P2P, il convient de le définir précisément et de spécifier les caractéristiques techniques de ces réseaux P2P et d’analyser les usages. Il faut également noter que les réseaux P2P ne sont pas intrinsèquement des réseaux pirates : le P2P est une architecture informatique complexe permettant l’utilisation de nombreuses applications informatiques et de nombreux usages. 1.1 Définition et caractéristiques techniques du P2P Dans un premier temps, l’informatique grand public s’est développé essentiellement autour d’architecture client / serveur. Le serveur diffuse les données et le client peut les lire ou les télécharger. Le peer-to-peer a révolutionné l’informatique et l’utilisation du réseau Internet en brisant cette hiérarchie client/serveur. Au sein d’un système P2P, ou littéralement pair-à-pair, chaque ordinateur relié occupe à la fois les fonctions de client et de serveur en même temps. L’informatique P2P permet le partage des ressources (documents mais aussi tous 11 Voir le plan RESO 2007 établi par le gouvernement français : ce plan témoigne de la volonté du gouvernement de réduire l’exclusion de l’accès à Internet et souligne ainsi l’enjeu que constitue l’accès à Internet pour les économies dites post-industrielles. 12 Expression inventée par la rédaction du site internet Grandlink Music News et traduite en français. L’expression originale est « the network is the jukebox ». Cette expression est dérivée du slogan de la firme Sun Microsystems : « the network is the computer ». 18 types de fichiers numériques : mp3, divX etc.) par échange direct entre les ordinateurs. Le peer-to-peer désigne donc une classe d’applications logicielles, et par extension les réseaux issus de ces applications, mutualisant les ressources matérielles (puissance des processeurs, capacités de stockage etc.), les ressources numériques (fichiers), les ressources de réseau (capacités de bande passante) et des ressources humaines. Les caractéristiques techniques des réseaux P2P sont triples13 : - Le système P2P permet à chaque pair de se connecter de manière intermittente au moyen d’adresses IP14 variables. - Le système P2P confère à ses utilisateurs une autonomie significative. - Le système P2P repose essentiellement, voire totalement, sur les ressources informatiques des utilisateurs eux-mêmes. Le premier réseau peer-to-peer ayant contribué à répandre ce type d’applications et de réseaux est Napster. Napster était organisé autour d’une architecture P2P centralisée. Dans ce type d’architecture, il existe toujours des serveurs centraux dont la seule fonction est d’indexer les fichiers disponibles et leurs coordonnées sur le réseau Internet. L’utilisateur A se connecte alors à Napster via une interface logicielle simple et partage ses fichiers. Dans le même temps, il effectue une recherche d’un fichier quelconque : sa requête est alors envoyée à l’un des serveurs centraux qui va communiquer à l’ordinateur de l’utilisateur A les coordonnées du fichier recherché, localisant ainsi les différentes machines proposant ce fichier. Ces machines ne sont autres que celles d’autres utilisateurs B,C,D (etc.) partageant leurs fichiers. - Schéma d’un réseau P2P centralisé de type Napster : (Source : OpenFiles www.open- 13 Voir Budan (N.), Tedeschi (B.), Vaubourg (S), “Les réseaux peer-to-peer. Fonctionnement, exemples, limites. », http://www.open-files.com. 14 IP : abréviation pour Internet Protocol , l’adresse IP d’un ordinateur donne les coordonnées d’un ordinateur connecté à Internet. 19 La faille de ce type de systèmes est leur architecture centralisée car elle suppose de lourds investissements mais surtout elle induit une responsabilité juridique. Les serveurs centraux répertoriant le contenu proposé par les centaines de milliers d’internautes connectés, on en déduit que la société éditrice de Napster est en mesure de savoir précisément si les contenus échangés sont licites ou non. Par conséquent, la responsabilité juridique de la société peut être engagée. C’est en utilisant ce lien que la RIAA (Recording Industry Association of America) a réussi à interdire et à faire fermer Napster dans sa première version. En décembre 1999, la RIAA porte plainte contre Napster pour violation de copyrights. En juillet 2000, le juge Marilyn Hall Patel de la Cour de San Francisco ordonne la fermeture du service sous trois jours en attendant l’ouverture du procès. Napster fait appel et la Cour suspend la décision précédente. En septembre 2000, le département de la Justice du gouvernement fédéral soutient la procédure juridique engagée par la RIAA. Finalement la Cour d’Appel de San Francisco confirme l’activité illégale de Napster en 2001 et la fermeture impérative des serveurs. En juin 2001, Napster abandonne finalement son service de téléchargement et se met à développer une architecture sécurisée et payante d’un prochain service légal de téléchargement15 : Napster 2.0. (Voir également la section 2 consacrée à une analyse détaillée de la responsabilité sur Internet). Peu avant la fermeture de Naspster (première version), de nouveaux systèmes P2P entièrement décentralisés font leur apparition. Leur architecture décentralisée leur évite de tomber dans l’écueil de Napster, de la sorte ils échappent également à la jurisprudence Napster. L’économiste américain Stan Liebowitz souligne dans une étude parue en mai 2002, intitulée « Policing Pirates in the Networked Age »16, que ces nouveaux systèmes décentralisés représentent une menace bien plus sérieuse pour les industries culturelles que Naspter première version. Il affirme ainsi : “The record industry has won the battle against Napster, but it may be losing the war against decentralized copying.” - Tableau des principaux systèmes P2P décentralisés d’échange de fichiers : E-donkey et Système Fastrack : Kazaa, Grokster GNutella E-mule Plus, Morpheus Blubster PeerCast BearShare LimeWire DirectConnect WinMx Dans le cadre d’un réseau P2P décentralisé, l’absence de serveur central oblige l’utilisateur A qui se connecte au réseau à trouver la topologie du réseau. Pour trouver 15 Voir Rédaction du Journal du Net, « 1998-2002 : La saga Napster », http://www.journaldunet.com/dossiers/musique/napster.shtml 16 Liebowitz (S.), « Policing Pirates in the Networked Age », Policy Analysis, mai 2002. 20 les autres membres du réseau, A va envoyer une demande d’identification des noeuds du réseau. Les noeuds qui reçoivent la demande vont ensuite la répercuter aux autres noeuds voisins. Un noeud renvoie alors la trame d’identification à A. Dès lors A peut identifier et créer un annuaire des noeuds existants. Bien entendu cette procédure est semi automatisée. - Schéma décrivant le principe de fonctionnement d’un réseau P2P décentralisé : (Source : OpenFiles www.open-files.com) - Schéma de l’architecture de Kazaa (et autres logiciels-réseaux utilisant le système FastTrack) : (Source : OpenFiles www.open-files.com) 21 Le réseau FastTrack, dont le client P2P le plus connu n’est autre que Kazaa, repose sur une architecture légèrement différente du schéma général proposé cidessus. Kazaa utilise ainsi le principe des supernoeuds (supernodes) : les utilisateurs disposant des connexions les plus rapides sont d’emblée reconnus par le système comme des supernoeuds et occupent donc la fonction de serveur sans intervention de l’utilisateur lui-même. Si tous les utilisateurs refusent que leur machine officie en tant que supernoeuds, le réseau s’écroule. Loin de constituer une activité marginale, le peer-to-peer est devenu la fameuse « killer app »17 de l’Internet à haut débit : les experts techniques des fournisseurs d’accès à Internet estiment que le trafic issu du peer-to-peer ne représente pas moins de 60% du trafic total en journée et probablement plus le soir. Ces statistiques semblent confirmées par Le Journal du Net18 qui a interrogé plusieurs experts techniques19 : « Au minimum, le P2P représente 60% du trafic haut débit en journée, explique l’un d’entre eux, qui a souhaité conserver l’anonymat car prestataire régulier auprès des FAI. La nuit, le phénomène atteint même des pointes avec 80% à 90% du trafic. » Le Président de l’association française de l’Internet Mobile, Sébastien Crozier, confirme lui aussi cette tendance dans ce même article tout en mettant en garde contre la précision toute relative de ces chiffres : « En l’état, nous pourrions dire que 60% des téléchargements réalisés par ADSL proviennent de services peer-to-peer. Mais cela reste une estimation car personne ne tient à regarder la vérité en face. ». Ces estimations traitent le P2P comme phénomène global et ne distinguent par le P2P légal des échanges P2P illicites. Le peer-to-peer renvoie en effet à une classe d’applications très étendues, certaines favorisant les usages légaux (Seti@Home ; Skype etc.) tandis que d’autres oeuvrent implicitement en sens inverse. Plus spécifiquement, ce sont les applications P2P d’échange de fichiers qui sont mises en cause car elles permettent l’échange d’oeuvres protégées par le droit d’auteur et les droits voisins (ou le copyright dans les pays anglo-saxons). Ces applications P2P d’échange de fichiers ont pour caractéristique de permettre l’échange de fichiers sans opérer de contrôle des droits afférents. Ces logiciels n’opèrent pas de distinction entre 17 Killer app (abréviation de killer application) : termes très usités dans l’univers de l’informatique et des réseaux pour désigner une classe d’applications très attractives, permettant ainsi de convertir de nombreux utilisateurs à de nouveaux usages. 18 Le Journal du Net : http://www.journaldunet.com 19 Voir Guerrier (P.), “Les FAI croulent sous le trafic P2P”, le Journal du Net, 04/02/2003 http://www.journaldunet.com/0302/030204peerfai.shtml 22 un fichier libre de droit, sous licence GNU, sous licence de libre diffusion, ou protégé par le droit d’auteur et les droits voisins. 1.2 Les types d’usage des réseaux P2P d’échange de fichiers En premier lieu, il convient de quantifier les usages du peer-to-peer afin de mieux cerner l’ampleur du phénomène et les différents types d’usages. Pour mémoire, la part des services légaux sur les réseaux P2P est très marginale, voire négligeable, ce qui implique que les études quantitatives citées ci-dessous renvoient presque systématiquement à des usages pirates, en violation des droits d’auteur et les droits voisins. D’un point de vue méthodologique, il est très difficile de pouvoir agréger des données très cohérentes car les différentes études parues sur ce sujet sont relativement éloignées les unes des autres, voire contradictoires. La plupart sont réalisées à partir d’estimations, ce qui explique le manque de précision. Ainsi, l’étude ci-dessous (réalisée par l’IDATE) ne table que sur 57 milliards de fichiers tandis que l’étude du CERNA table sur un volume de 150 milliards de fichiers échangés en 2003 sur les réseaux peer-to-peer. Sources : Idate / Le Journal du Net Fin 1999 Fin 2000 Nombres d'utilisateurs connectés aux réseaux de P2P à chaque instant (Millions) 0.1 1.2 Fin 2001 Fin 2002 Fin 2003 1.6 3.25 5 Nombres de fichiers téléchargés (Milliards) 3 36 48 97.5 150 Source : étude du CERNA « Enjeux économiques de la distribution de contenus » (2004) D’autres études quantitatives réalisées à partir du type de requête effectuée (et non d’estimations) soulignent le rôle majeur de la musique (38% des requêtes) mais, fait nouveau, les internautes utilisateurs de P2P semblent rechercher prioritairement des films et vidéos (47% des requêtes). ! "# $ % ! & 23 Sources : Palisade Systems / Le Journal du Net ; étude réalisée en 2003 à partir de 22 millions de requêtes. Un tiers des consommateurs européens disposant d’une connexion à Internet téléchargeraient de la musique via Internet, parmi eux 38% seraient des utilisateurs réguliers, téléchargeant plus de sept titres par semaine (voir graphique page suivante). Ce type d’étude réalisée à partir des déclarations des internautes eux-mêmes doit néanmoins être relativisées dans la mesure où ces derniers peuvent avoir tendance à avouer moins facilement les usages qu’ils font de leur connexion à Internet, notamment en raison des velléités judiciaires des majors à l’encontre des internautes pirates. - Consommateurs européens : les téléchargements de musique via Internet. Sources : Forrester Research / Le Monde Les internautes utilisent ces fichiers piratés de produits culturels de multiples manières. Une étude20 menée en 2003 par le Forum des droits sur Internet en collaboration avec la Fondation Internet nouvelle génération (FING) synthétise les différents usages du P2P en s’appuyant sur les témoignages des internautes euxmêmes. Il en ressort que tous les usages ne se valent pas en terme d’impact et de préjudice porté aux industries culturelles. En outre, cette étude soulève une problématique concernant le coût d’accès à la culture, les internautes pirates se justifiant à plusieurs reprises par le fait que le coût d’acquisition d’une copie légale d’une oeuvre leur semble trop élevé : « Un grand nombre d’intervenants critique le coût de vente, dans les circuits de distribution actuels, des oeuvres musicales ou cinématographiques, voire des logiciels. Pour beaucoup, si l’internaute pirate, c’est 20 Le Forum des droits sur Internet a organisé au début de l’année 2003 un forum dédié aux usages du p2p ouvert à l’ensemble des internautes (y compris les professionnels des médias et des télécoms). Cet organisme a ensuite publié une synthèse issue de ce forum de discussion. Voir Forum des droits sur Internet, Peer-to-peer : quelle utilisation pour quels usages ? , juin 2003, www.foruminternet.org 24 qu’il « a choisi de commettre un acte illégal face à la pression du prix actuel de la culture (...). »21 L’étude du Forum des droits sur Internet permet de faire ressortir deux grands types d’usage des réseaux P2P : le piratage « pur » entendu comme la violation des droits d’auteur et des droits voisins sans volonté d’acquérir ensuite une copie légale de l’oeuvre originale, et le piratage « test » dont la fonction n’est autre que de tester les produits culturels avant l’acte d’achat. Par analogie, ce comportement s’apparente à l’écoute d’un album à une borne d’écoute placée dans une enseigne de grande distribution spécialisée (telle que la FNAC) sauf que l’internaute choisit lui-même d’effacer – ou non – le fichier de musique stocké sur son disque dur : « C’est ce besoin de tester, d’écouter, qui constitue l’une des premières raisons invoquées par les internautes pour justifier le téléchargement d’oeuvres protégées sur des réseaux P2P. (...) L’utilisation des réseaux P2P serait le meilleur moyen de se faire une idée de ce que l’on veut acheter. »22 Cette fonction de test rejoint parfaitement le concept de l’utilisation d’oeuvres culturelles comme expérience développé au sein de l’étude « Piracy of digital Products »23 des économistes Martin Peitz et Patrick Waelbroeck : “ Also, many digital products are complex in the sense that the amount of information required to desbribe them is large. As a consequence, consumers need to test them in order to correctly value them. In other words, some digital products are experience goods and a copy can be useful in providing information on its characteristics.” Le piratage ne comporte donc pas que des effets négatifs mais ceux-ci ne doivent pas être sousestimés pour autant. La section suivante propose une analyse de l’impact économique et du préjudice financier engendré par les réseaux P2P. 2.L’impact économique et le préjudice financier du P2P Les réseaux d’échange de fichiers peer-to-peer n’ont pas que des effets négatifs. La fonction de test évoquée ci-dessus peut contribuer selon certains économistes à augmenter les ventes des oeuvres culturelles sur des supports légaux. Plusieurs études soulignent également que ces réseaux promeuvent d’une certaine manière les nouveautés sans que les producteurs n’aient à supporter des coûts de promotion sur ces réseaux P2P. Toutefois ces quelques effets positifs s’avèrent 21 Voir Forum des droits sur Internet, Peer-to-peer : quelle utilisation pour quels usages ? , juin 2003, page 6. 22 Voir Forum des droits sur Internet, Peer-to-peer : quelle utilisation pour quels usages ? , juin 2003, page 8. 23 Peitz (M.) et Waelbroeck (P.), “Piracy of digital products : a critical review of the economics literature”, CESifo Working paper n°1071, novembre 2003. 25 largement contrebalancés par de très lourds effets négatifs, dont celui de réduire les incitations à la création et à la production d’oeuvres. Le piratage sur les réseaux peerto-peer inverse certaines propriétés économiques des oeuvres culturelles, ce qui déstabilise très fortement l’organisation de la chaîne de valeur au sein des industries culturelles. 2.1 Le P2P bouleverse les propriétés économiques des oeuvres culturelles Les fondements économiques de la propriété intellectuelle repose sur un compromis entre incitation et usage24. Le mécanisme d’incitation repose sur une juste rémunération des créations afin d’encourager la production, en ce sens, ce mécanisme rejoint celui des brevets. Si une création ne peut être correctement protégée et rémunérée, certains créateurs se détournent de la production faute d’intérêts économiques à poursuivre cette activité. Toutefois, en corollaire, il faut trouver un compromis pour que l’usage ne soit pas en situation de sous-optimum. Ce fondement économique a été mis en évidence par Arrow (en 1962) en considérant les oeuvres de l’esprit comme production d’information. Ce type de biens présente deux caractéristiques rendant relativement délicates l’allocation des ressources. Ainsi, l’information est un bien non excluable dans la mesure où il est impossible d’exclure de l’usage un utilisateur même si celui-ci ne concourre pas au financement du bien. Or, si les producteurs savent qu’ils auront dû mal en pratique à vendre suffisamment d’exemplaires des oeuvres créés, et donc à rentrer dans leurs frais, certaines oeuvres ne seront pas produites faute d’incitation. « Du point de vue de la richesse, la collectivité est perdante puisque des biens qui auraient pu trouver un débouché ne vont pas être produits »25. Dans un tel cas, tous les acteurs sont perdants : l’entrepreneur ne maximisera pas son chiffre d’affaires, les auteurs et artistes ne sont pas autant rétribués qu’ils auraient pu l’être et la collectivité bénéficie d’un accès moindre aux fruits de la création car certaines oeuvres ne seront pas produites, reproduites et diffusées. Le peer-to-peer s’inscrit exactement dans ce cas de figure : les fichiers numériques d’oeuvres sont reproductibles sans aucune limitation (actuellement) et les producteurs ne peuvent exclure des utilisateurs qui ne participent pas au financement de la chaîne de valeur. L’information possède une seconde propriété, celle d’être un bien non rival : « sa consommation par un individu ne diminue pas la quantité qui reste disponible 24 Voir Lévêque (F.) et Menière (Y.), « Economie de la propriété intellectuelle », Editions La Découverte, 2003. 25 Idem, voir page 8. 26 pour les autres »26. Ainsi des milliers d’individus peuvent écouter le même morceau de musique ou visionner le même film sans empêcher d’autres individus de faire de même. De fait, le coût additionnel pour le producteur est nul ou quasiment nul selon les cas de figure. Dans le cadre d’une représentation d’une oeuvre (diffusion hertzienne d’un film par exemple) ce coût additionnel est nul tandis que dans le cadre de la reproduction d’une oeuvre, le coût additionnel correspond au coût de fabrication d’une copie supplémentaire. Il en résulte un rationnement artificiel du bien être collectif : « Des consommateurs, ceux dont le consentement à payer est inférieur au prix demandé, sont exclus de l’usage du bien alors qu’ils en auraient retiré un bénéfice sans qu’il en coûte à quiconque. »27. Ce rationnement n’est pas aussi inutile qu’il peut paraître puisqu’en permettant aux producteurs et créateurs de tirer des rémunérations de leurs oeuvres, il crée une incitation à la création et à la production. Le monopole conféré aux créateurs et aux producteurs des oeuvres, à durée limitée, tend à faire des oeuvres des biens semi-rivaux, notamment à travers la commercialisation des copies de celles-ci (l’exemple du DVD est particulièrement emblématique à cet égard). Les modèles d’affaires de l’industrie du disque comme de l’industrie du cinéma reposent principalement sur la commercialisation de copies des oeuvres, la commercialisation pour diffusion radio ou télévisée (ou représentation des oeuvres en droit d’auteur) ne représente qu’une part relativement faible des revenus des industries culturelles (voir le deuxième chapitre, section 1 et 2 concernant les modèles d’affaires actuels des industries culturelles). Or dans l’univers numérique des réseaux peer-to-peer, les oeuvres sont reproduites sans donner lieu à une compensation financière aux producteurs et auteurs. Le coût de reproduction est nul tout comme le coût de distribution28. Par conséquent, le P2P annihile la propriété artificielle de rivalité d’une oeuvre et la transforme en quelque sorte en un bien public : « En effet, dans l’univers d’Internet, le détenteur d’une copie peut, sans coût ni perte de son bien, le disséminer sans 26 Idem, voir page 8. Idem, voir page 8. 28 En fait, en approfondissant le raisonnement sur le fondement des coûts de partage de fichiers pirates, il apparaît que les coût de reproduction et de distribution sur les réseaux P2P sont très négligeables mais rarement nuls. Ainsi pour reproduire et distribuer les fichiers, les pirates utilisent leur ordinateur et consomment donc de l’électricité, de même ils tirent partie de leur connexion Internet et le coût de celle-ci pourrait donc être également pris en compte. 27 27 limites à tous les participants du réseau. Autrement dit, il suffit qu’un individu accède au bien pour que celui-ci devienne un bien public. »29. Le P2P renverse donc la propriété artificielle de rivalité des oeuvres culturelles pour en faire un bien public. Ce phénomène engendre des conséquences très importantes sur les modèles d’affaires des industries culturelles en sapant les fondements de ces modèles d’affaires : « Cependant, la rivalité, autrement dit le fait que la mise à disposition d’un tiers de son bien par son propriétaire ait un coût significatif ou soit impossible, est une condition fondamentale du modèle économique de la création, de l’exploitation et de la distribution des œuvres. C’est sur cette propriété que reposent d’ailleurs tous les mécanismes institutionnels - droits d’auteurs, copyright, licences, avances, soutiens – des politiques publiques dans les industries de contenus. »30 L’impact du P2P sur les ventes d’oeuvres culturelles a longtemps été sujet à controverses, néanmoins les réflexions de nombreux économistes travaillant sur ce sujet ont permis d’établir récemment que le P2P est loin d’être sans incidence sur le fonctionnement du marché des oeuvres culturelles. 2.2 Mise en évidence de relations entre la baisse des ventes et le P2P « Soyons clair : il ne fait aucun doute qu’il existe un lien entre, d’une part, la diffusion des graveurs de cédéroms et des réseaux d’échange de fichiers de pair-à-pair (P2P) et, d’autre part, la baisse des ventes de disques. Dire le contraire, quoi que l’on pense des acteurs de l’industrie musicale et de leur attitude vis-à-vis du P2P, serait se mentir à soi-même. » Daniel Kaplan , directeur général de la FING31. Le graphique, met en évidence une forte corrélation entre le taux de décroissance annuel du marché du disque et le nombre d’utilisateurs de réseaux P2P. Il serait péremptoire d’affirmer que seul le phénomène des réseaux P2P explique la crise du marché mondial du disque toutefois cela semble constituer un des facteurs majeurs de cette crise. Parmi ces autres facteurs figurent les graveurs de CD-R et de DVD-R lorsqu’ils ne sont pas utilisés dans le cadre de la copie privée mais également 29 Bomsel (O.) et Le Blanc (G.), « Distribution de contenus sur Internet. Analyse économique des remèdes au contournement des droits de propriété intellectuelle », Centre d’économie industrielle de l’Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris, 8 mars 2004, page 2. 30 Idem, page 3. 31 Kaplan (D.) pour la Fondation Internet nouvelle génération, « Musique, numérique, propriété et échange : 8 millions de délinquants ? », 21 novembre 2003, voir www.fing.org. 28 une possible crise de l’offre due – entre autres – à l’utilisation trop massive des outils de marketing de la part des majors. - Graphique mettant en évidence la relation croisée entre le taux de décroissance du marché mondial du disque et le nombre d’utilisateurs des réseaux P2P : Sources: IFPI / RedShift / IDATE / étude du CERNA Le tableau ci-dessous, établi par le site internet BigChampagne32, dresse un classement des hits des chansons échangées sur les réseaux P2P. Toutes les chansons issues de ce classement font également parties des meilleures ventes américaines en singles et des chansons les plus diffusées par les radios américaines33 selon les classements de référence établis par Billboard34 durant la même période. 32 www.bigchampagne.com : ce site établit toutes les semaines des classements répertoriant les chansons et films les plus échangés sur les réseaux peer-to-peer. 33 Les classements utilisés sont uniquement américains car il n’existe pas d’outils comparables en Europe, ou tout du moins accessible au grand public, bien que les marchés américains et européens soient assez proches en termes de chiffres des ventes et en volume. 34 Billboard est un des magazines anglo-saxons de référence sur la musique et le cinéma, les tendances et les charts. Voir www.billboard.com 29 Source : BigChampagne Le même phénomène se répète concernant le cinéma (voir le graphique page suivante) toutefois certains films (Intolerable Cruelty, the Rundown et The Matrix Revolutions) sont beaucoup plus piratés que d’autres lorsque l’on fait la comparaison des revenus générés par le film en salle et du taux de piratage de ce même film durant la même période. Source : ITIC Digital Intelligence Center Le tableau ci-dessus prouve que les chansons les plus piratées sont également celles qui se vendent le mieux. Cette corrélation entre les charts des ventes et les charts des chansons les plus piratées témoigne d’une erreur d’appréciation commises par certains : le P2P ne favorise pas forcément les artistes marginaux mais tend à suivre la tendance des ventes de disque35. Ces deux phénomènes (corrélation entre la décroissance du marché du disque et le nombre d’utilisateurs de réseaux P2P et corrélation entre charts des ventes et charts des musiques piratées) mettent en lumière l’impact du piratage sur le marché du disque. La problématique afférente consiste donc à déterminer quel est le degré de cet impact. Autrement dit, les pirates auraientils acheté les morceaux de musique en question ou n’auraient-ils pas acheté de toute façon ces morceaux ? Cela rejoint donc la problématique plus générale développée dans le paragraphe précédent concernant le financement de la création. Dans ce cadre les récentes réflexions économiques sur l’effet de substitution des fichiers pirates 35 Ce qui n’empêche pas, à la marge, que ces réseaux puissent permettre la découverte de nouveaux artistes. 30 issus du P2P apportent des réponses nuancées bien que dans l’ensemble les avis des spécialistes convergent sur l’effet de fond. 2.3 L’effet de substitution : l’impact négatif du P2P sur les ventes en ligne et hors ligne L’effet de substitution d’un produit par un autre est un phénomène bien connu par les économistes. L’effet de substitution désigne un phénomène selon lequel, lorsque le prix d’un bien augmente en comparaison avec d’autres biens, ou l’inverse (lorsque le prix d’un bien baisse tandis que le prix des autres biens demeure inchangé), les consommateurs ont tendance à substituer d’autres biens au bien le plus cher afin d’obtenir la satisfaction recherchée à moindre prix. Paul A. Samuelson et William Nordhaus expliquent ainsi que : « les consommateurs se comportent comme les entreprises, qui remplacent un facteur de production dont le prix vient d’augmenter par des facteurs de production plus avantageux. (...) De manière semblable, les consommateurs, en substituant des biens moins chers, se procurent une satisfaction à moindre coût. »36 Les fichiers numériques échangés via les réseaux P2P sont, en général, de bonne qualité toutefois leur qualité intrinsèque s’avère légèrement inférieure à la qualité d’un CD original. Les fichiers en question utilisent principalement le format de compression MP3 (d’autres formats sont également utilisés tels que WMA ou Orgg Vorbis) qui altère légèrement la qualité par essence puisqu’il s’agit d’un format de compression. En outre, les MP3 n’apportent pas certains éléments fournis par un CD original tels que les paroles des chansons souvent incluses sur les livrets fournis avec les CD. Il en résulte que les fichiers musicaux diffusés sur les réseaux P2P constituent des produits assez similaires des produits originaux, sans toutefois être strictement conformes. Concernant le prix, l’écart entre une copie MP3 et un CD original est énorme : le MP3 a un coût d’acquisition quasi nul pour le consommateur tandis que le prix moyen de vente d’un CD se situe aux alentours de 16 euros en Europe. Il en résulte que les fichiers numériques pirates (de musique) constituent des produits de substitution quasiment parfaits. L’économiste américain Stan Leibowitz confirme cela : “But given the fact that files downloaded from the Internet are, or at least soon will be, very good substitutes, and since they can be “burned” onto CDs and copied to increasingly popular MP3 players, it seems likely that these files will 36 Samuelson (P.A.) et Nordhaus (W.D.), « Micro-économie », Les éditions d’organisation, 1995. 31 substitute for the actual purchase of authorised CDs.”37 Le P2P a donc théoriquement un impact majeur sur les ventes de CD. Cela contredit totalement les déclarations des individus en faveur des réseaux P2P affirmant souvent qu’ils n’achèteraient pas de toute façon les oeuvres qu’ils piratent. Les travaux des économistes invitent au contraire à penser que, majoritairement, les oeuvres piratées auraient été achetées par les pirates. L’effet de substitution met en évidence, sous un angle théorique, qu’un consommateur raisonnant en homo economicus a tendance à vouloir se procurer une oeuvre pirate en raison de son coût d’acquisition inférieur au coût de l’original. Stan Leibowitz démontre ainsi dans son étude « Piracy in the networked age » que les pirates appartiennent essentiellement au groupe de consommateurs censés acheter les oeuvres, il en conclut : « The people making the copies are the very group that was expected to purchase originals (which is why surveys that indicate that Napster users are amoung the heaviest purchasers of CDs are so worrisome to copyright holders) »38. Cet effet de substitution tend à démontrer l’impact réel du P2P sur les ventes de musique puisque les consommateurs habituels se détournent des produits originaux. Ce phénomène engendre donc un impact conséquent sur le chiffre d’affaires de l’industrie du disque pour laquelle il existe un manque à gagner : « Getting music from peer-to-peer systems is likely in many cases to substitute for the purchase of a CD. For this reason, it is not just a case of Napster creating additionnal value without payment but one of Napster reducing payments in the original markets. »39 L’effet de substitution des fichiers pirates de films échangés sur les réseaux P2P diffère du cas de la musique en raison des différences de qualité existant entre l’oeuvre originale et l’oeuvre piratée. Un film stocké sur DVD occupe un espace compris entre 6Go et 9Go ; afin de pouvoir procéder à des échanges de fichiers relativement rapidement, les films piratés sont extrêmement compressés, les ratios de compression sont très variés , ils correspondent à 1/5e voire à 1/10e selon les cas. Il en résulte une différence notable entre l’original et sa copie numérique tant en termes de qualité d’image que de qualité sonore. Cela signifie donc que l’effet de substitution est faible dans le cas des fichiers pirates de films car la différence de qualité ne permet pas aux consommateurs d’avoir un produit identique à celui recherché. Il convient toutefois de noter que les ratios de compression peuvent évoluer à la baisse, 37 Liebowitz (S.), « Policing Pirates in the Networked Age », Policy Analysis, 15 mai 2002. idem 39 idem 38 32 ce faisant l’oeuvre étant moins compressé elle se rapproche de plus en plus de l’oeuvre originale. En fait les ratios de compression sont probablement fonction de la puissance de la bande passante (ou débit) proposée par les fournisseurs d’accès aux particuliers et de l’espace de stockage moyen disponible. Plus la bande passante est élevée et l’espace de stockage important, plus le consommateur pirate peut être tenté de s’approprier des films pirates de meilleure qualité. Or la tendance actuelle montre que la bande passante proposée aux particuliers est amenée à augmenter régulièrement, notamment du fait de la déréglementation du secteur des télécoms et de la concurrence tarifaire forte existant sur le haut débit. De ce fait, l’industrie cinématographique pourrait être impactée dans les prochaines années par le développement du piratage de films sur les réseaux peer-to-peer. Par ailleurs, cette industrie est confrontée à d’autres moyens de piratage disponibles pour les particuliers, autrement plus efficaces que les réseaux P2P en la matière, à savoir les graveurs de DVD. (Voir le chapitre 2 à ce sujet). L’effet de substitution des fichiers pirates échangés via les réseaux P2P est donc réel pour la musique mais n’existe encore que marginalement pour les films. Cet effet de substitution se traduit par une forte baisse du chiffre d’affaires des majors du disque. (Voir le chapitre 2). Les réseaux P2P d’échange de fichiers sont l’expression du syndrome du passager clandestin transposé à l’échelle d’Internet : les consommateurs pirates souhaitent écouter de la musique sans participer à son financement40. Ils profitent de cette musique grâce à la propriété économique des oeuvres numériques pirates de non exclusivité, laissant la charge financière aux majors et aux consommateurs qui achètent les albums de musique et les singles. Pour autant, dans le même temps, le phénomène du P2P n’est pas un jeu à somme nulle : les sociétés éditrices de logiciels de P2P en retirent des revenus et font dans certains cas des profits. 3- Le P2P : une activité génératrice de revenus pour certaines firmes Le développement du P2P poursuit une dynamique quasi industrielle : à la fin 2001, environ 560 millions de dollars avait été investis dans les technologies P2P par les fonds de capital-risque, dont 160 millions de dollars pour la seule année 2001, 40 A noter que l’idée développée dans ce paragraphe ne concerne que les utilisateurs de réseaux pirates. Il faut ainsi préciser que certains utilisateurs achètent de la musique (légalement) sur Internet. Ce n’est pas le téléchargement sur Internet qui engendre en soi le comportement global du passager clandestin mais uniquement les téléchargements massifs et récurrents de millions d’utilisateurs des réseaux pirates qui ne paient pas pour télécharger des oeuvres culturelles. 33 selon un recensement mené par O’Reil Publisher. Ces statistiques comprennent tous les types d’application de P2P, dont celles d’échange de fichiers. Parmi les logiciels P2P d’échange de fichiers, il faut distinguer deux types d’application : celles reposant sur une interface dite propriétaire et disposant d’un modèle d’affaires (par exemple : l’emblématique Kazaa), ayant vocation de générer des revenus et des profits, et celles fondées sur le modèle du logiciel libre ne comportant pas de modèle d’affaires et n’ayant pas vocation à générer des revenus (tels que Gnutella et FreeNet). Gnutella41 est un logiciel dit « open source » dont le téléchargement est gratuit. Gnutella ne vend pas de publicité et ne fait pas payer d’abonnement à ses utilisateurs. Gnutella n’a pas été créée dans une perspective commerciale42. A contrario Kazaa, édité par la société Sharman Networks, dispose d’un modèle d’affaires précis. Kazaa est l’application P2P d’échange de fichiers la plus utilisée : le site américain Download.com recense plus de 337 millions de téléchargements43 du logiciel Kazaa depuis sa création. Le modèle d’affaires de Kazaa s’est singulièrement étoffé durant l’année 2003. A présent, il existe deux versions de Kazaa : l’une est toujours gratuite, elle est dénommée « Kazaa » (actuellement en version 2.6), l’autre est payante (« Kazaa Plus »). Plus précisément, Sharman Networks vend son logiciel « Kazaa Plus »44, version améliorée et optimisée de Kazaa sans pour autant rétribuer les détenteurs de droits d’auteur et droits voisins. Cette version vendue 29,95 dollars (US $) est distribuée par la société Avalon Online Distribution (filiale de la société française Titus Interactive). La société Sharman Networks a choisi de ne pas communiquer de résultats concernant Kazaa : elle ne rend publique ni les chiffres de ventes de Kazaa Plus ni les revenus globaux générés par Kazaa. Cela s’explique notamment par le fait que cette société fait face à de nombreuses poursuites judiciaires émanant des industries culturelles. Toutefois, compte-tenu du succès mondial de Kazaa, il est probable que la société Sharman Networks en retire des revenus substantiels. Cela est d’autant plus probable que Kazaa peut être considérée comme une des plus grandes réussites du 41 www.gnutella.com Voir Ahmad (S.), « Business Models of P2P companies. An outlook of P2P architecture usage in business today.”, Université Humboldt de Berlin, 2003. 43 Chiffre total du nombre de téléchargements du logiciel Kazaa, depuis son lancement jusqu’en mars 2004, sur le seul site américain Download.com 44 Voir Rédaction du Journal du Net, « Kazaa Plus : plus fort que Kazaa...mais payant », 1er septembre 2003. http://www.journaldunet.com/0309/030901kazaaplus.shtml 42 34 secteur des dotcom, au même titre que Yahoo et Google, étant donné sa grande popularité auprès des internautes qui lui confère une notoriété majeure. Il faut également noter que Sharman Networks n’a pas eu à réaliser d’investissement en marketing pour établir Kazaa : les utilisateurs eux-mêmes s’en sont faits les chantres, relayés par la presse spécialisée dans l’informatique et les nouvelles technologies. Sharman Networks a conclu un contrat de partenariat avec la société Altnet, portant sur la commercialisation (légale) de contenus sur Kazaa via l’architecture d’Altnet45. - Schéma de l’organisation de la firme Sharman Networks pour distribuer et commercialiser Kazaa : Société éditant Kazaa Produits « Kazaa » (version simple) Distribution directe par Sharman Networks sur le site kazaa.com « Kazaa Plus » : version payante et optimisée Distribution via la société Avalon Online Distribution CONTENUS DIFFUSES VIA LES 2 VERSIONS Distribution Musique, films, jeux, logiciels, documents.. -Contenus illicites -Contenus licites vendus en association avec la plateforme légale Altnet -ventes d’espaces publicitaires sur Kazaa -Collecte de données sur les utilisateurs par les « spywares » et revente de celles-ci Vente du logiciel Kazaa Plus (sans publicité, sans « spyware ») Sources de revenus (pour la société Sharman Networks) Altnet utilise un autre modèle d’affaires que Sharman Networks reposant sur la technologie P2P mais uniquement dans le cadre d’une commercialisation légale de produits culturels. La société Altnet est une filiale de Brilliant Digital Entertainment et de Joltid (un fournisseur de solutions P2P fondé par l’un des créateurs de Kazaa)46. Altnet propose la vente de fichiers numériques sécurisés par un procédé de cryptage et un référencement privilégié des contenus licenciés sur le réseau Kazaa. Bien 45 Voir Rédaction du Journal du Net, « Kazaa, nouveau chantre du téléchargement payant... », 5 juin 2003, http://www.journaldunet.com/0306/030605kazaa.shtml 46 Voir Bomsel (O.), « Enjeux économiques de la distribution de contenus », CERNA, janvier 2004. 35 entendu le téléchargement de ces fichiers est payant. Ceux-ci se distinguent des contenus illicites ou libres de droits diffusés sur Kazaa par un onglet doré signalant qu’il s’agit d’un contenu légal disponible uniquement à la vente47. Bien qu’Altnet se soit clairement positionné en tant que fournisseur de contenus légaux, sa stratégie commerciale prête à confusion dans la mesure où son principal canal de vente n’est autre que le logiciel de P2P le plus utilisé pour télécharger illicitement des oeuvres, Kazaa. Cette confusion des genres pourrait justifier le choix de plusieurs studios de cinéma et majors du disque de refuser48 de vendre leurs produits par l’intermédiaire d’Altnet49. De plus, la sécurisation des fichiers sur la plateforme d’Altnet peut également être discutée, ce qui ne peut que dissuader les titulaires de droits ou leurs cessionnaires de distribuer en ligne des oeuvres via Altnet. Pour conclure cette section consacrée au business du P2P, il convient de noter l’existence une dualité entre les différentes éditeurs. Deux catégories d’éditeurs s’opposent : les tenants de l’open source et de la gratuité, sans modèle d’affaires, et les partisans de la valorisation économique du P2P tels que Kazaa et Altnet. En outre, une partie des éditeurs de logiciels de P2P tirant des revenus de cette activité alors que la plupart des fichiers échangés sont illicites, il semble que le P2P ne soit pas un jeu à somme nulle. Dans ce cas de figure, les gagnants apparaissent clairement comme étant les éditeurs de logiciels de P2P ayant fondé un modèle d’affaires sur cette activité spécifique50. Pour conclure ce premier chapitre consacré au peer-to-peer envisagé dans la perspective de la théorie de « l’âge de l’accès », il apparaît que le P2P a atteint une certaine maturité. Son impact sur les ventes de disque est attesté tant par les données financières que par différentes études d’économistes, européens et américains, experts dans le domaine de l’économie de la propriété intellectuelle. Il s’avère très difficile de produire des estimations sérieuses de l’impact financier du peer-to-peer sur les industries culturelles toutefois la rédaction du Journal du Net s’y est essayée. 47 « Altnet se présente donc comme un fournisseur de contenus payants sur un réseau P2P dominé par le gratuit. ». Idem. 48 « Altnet et Sharman Networks ont conjointement assigné les majors d’Hollywood pour collusion et refus de vente » Idem (voir p.25). 49 Voir Rédaction du Journal du Net, « Kazaa, nouveau chantre du téléchargement payant... », 5 juin 2003, http://www.journaldunet.com/0306/030605kazaa.shtml 50 Concernant la responsabilité juridique possible des éditeurs de logiciels de P2P, voir le chapitre 1 de la deuxième partie. 36 -Montant des pertes estimées pour l’industrie du disque occasionnées par les réseaux P2P : Source : Le Journal du Net (2003) En outre, le P2P n’est pas la seule technologie susceptible de nuire aux industries culturelles car les graveurs (de CDR et de DVD-R) sont également utilisés partiellement en dehors du cadre strict de la copie privée (voir le chapitre 2). Le P2P s’est largement bâti sur l’échange de fichiers d’oeuvres culturelles contrefaites, néanmoins ce phénomène peut également être appréhendé partiellement comme le résultat des lacunes des industries culturelles. Celles-ci ont en effet tardé à mettre en place des plateformes en ligne de vente légale de produits culturels et ont réalisé peut-être trop tardivement l’enjeu majeur que constitue Internet pour leur avenir. De la sorte, ces industries ont pris du retard sur un saut technologique fondamental : la numérisation. Or ce changement de paradigme s’accompagne de profondes mutations dans la distribution des contenus et des comportements de consommation. Certes, le P2P occasionne des effets importants sur les industries culturelles (et en premier lieu l’industrie du disque) mais il ne constitue que la partie émergée de la révolution numérique. La révolution numérique contribue à remettre en cause le modèle d’affaires de l’industrie du disque tandis que des menaces pointent pour le modèle d’affaires de l’industrie du cinéma. Cette question sera traitée dans le chapitre suivant consacré à la remise en cause des modèles d’affaires actuels. Le chapitre suivant met en évidence un impact nettement plus prononcé pour l’industrie du disque que pour l’industrie cinématographique. CHAPITRE II – LA REMISE EN CAUSE DES MODELES D’AFFAIRES ACTUELS Les technologies numériques permettant le piratage ne se résument en aucun cas au P2P même si cette technologie est particulièrement influente. Il convient en effet de mentionner le rôle non négligeable des graveurs (de CDR, DVD-R, DVD+R etc.) et leur impact sur les industries culturelles. Les graveurs permettent de dupliquer numériquement des oeuvres culturelles (entre autres) sans aucune dégradation de qualité, contrairement aux technologies de compression numérique (MP3 etc.). Les 37 copies, dites clones, ainsi réalisées sont donc parfaitement identiques aux supports originaux. Dans ce domaine, toute copie n’est pas un acte de piratage. Deux cas de figure se présentent : les reproductions par gravure réalisées dans le respect du cadre strict de la copie privée et les reproductions effectuées en-dehors de ce cadre. Ces dernières constituent des contrefaçons. La copie privée est autorisée en France, tolérée51 dans le cadre communautaire mais très limitée en pratique dans le système américain du fair use par le Digital Millennium Copyright Act52. Le principe de la copie privée a été adopté lorsque les enregistrements originaux ne pouvaient être dupliqués que sur des supports analogiques, ce qui entraînait de fortes pertes en termes de qualité de reproduction. Le principe d’autorisation de la reproduction d’une oeuvre culturelle est très encadré. Il ne peut s’agir de copie privée, donc légale, qu’à condition que celle-ci soit réalisée par le copiste lui-même et exclusivement pour son usage propre (ou à la rigueur dans le cadre très restreint de sa famille). Cela signifie que le copiste ne peut reproduire pour autrui une oeuvre culturelle en sa possession. La copie privée est définie en droit français dans le Code de la Propriété intellectuelle, aux termes du deuxième alinéa de l’article L.122-5. L’article L.122-5 énonce : « Lorsque l' oeuvre a été divulguée, l' auteur ne peut interdire : (...)2º Les copies ou reproductions strictement réservées à l' usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective (...) ». Il s’agit donc de bien délimiter la copie privée de la copie illégitime et illicite. En ce sens l’avocat Germain Latour rappelle dans un article53 publié dans un grand quotidien que : « La loi dit que l’auteur ne peut interdire la reproduction « strictement réservée à l’usage privé du copiste » de son oeuvre divulguée, elle n’instaure nullement un droit concurrent inaliénable du copiste à copier. Acheter un CD ou un DVD c’est avant tout – et exclusivement – acheter le droit illimité d’écouter et de visionner une oeuvre de création sur un support donné, et non acheter un droit « illimitable » de copier cette oeuvre. » Dans ce contexte, les copies 51 Le Droit communautaire envisage en effet la copie privée comme une exception, tout comme le droit français, sauf que la transposition de cette exception est laissée au libre arbitre des Etats membres. La directive du 22 mai 2001 (2001/29/CE) « sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information » affirme ainsi au deuxième alinéa de l’article 5 que « Les Etats membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations au droit de reproduction prévu à l’article 2 (...) ». 52 Voir le premier chapitre de la deuxième partie pour une mise en perspective de la copie privée en droit comparé. 53 Latour (G.), « La copie : du vol en famille. Reproduire des CD et des DVD, même pour un usage privé, n’est pas un droit. », Libération, 18 décembre 2002. 38 échangées en-dehors de la famille apparaissent comme illicites et causent un préjudice aux industries culturelles. Ces copies illicites provoquent un manque à gagner. Le secteur de l’édition musicale a été le premier touché par ce phénomène de masses réalisé dans le cadre des relations amicales ou professionnelles. Le CD n’est pas un support conçu nativement pour être protégé, c’est pourquoi lorsque les graveurs de CDR sont apparus au milieu des années 1990, les utilisateurs ont pu facilement abusé de la possibilité de copier à l’identique des CD de musique. Les graveurs de DVD sont apparus récemment mais commencent à se démocratiser, c’est pourquoi une menace sérieuse pèse sur les studios de cinéma et leurs distributeurs (voir la section 2 du chapitre 1 de la deuxième partie). Outre ce phénomène circonscrit en principe à des reproductions effectuées dans un cadre non commercial, non lucratif, un autre phénomène impacte aussi durement les industries culturelles : la contrefaçon organisée. Ce type de contrefaçon, relativement méconnu lorsqu’il s’agit de produits culturels, est largement le fait de bandes organisées qui utilise des moyens techniques de très grande ampleur pour dupliquer illégalement des produits culturelles. Leurs contrefaçons sont souvent réalisées au sein même d’usine de pressage de supports. Dans l’univers musical, la contrefaçon industrielle voit tendantiellement ses volumes légèrement baisser sur les dernières années selon les estimations publiées par l’IFPI, toutefois l’impact demeure fort conséquent. - Statistiques54 de la contrefaçon industrielle mondiale de musique entre 1998 et 2002 : Source : IFPI 54 Ces statistiques peuvent être considérées comme fiables : les représentants des producteurs ont une méthode éprouvée qui repose notamment sur un calcul de différentiel entre les capacités de production des usines de pressage douteuses et leurs productions déclarées. 39 Concernant les statistiques du piratage industriel des films, la MPAA55 et la MPA56 estime à 3 milliards de dollars (US $) les pertes engendrées par le piratage industriel des films américains à l’échelle mondiale (à l’exclusion du piratage par Internet, pour lequel la MPAA déclare rencontrer des difficultés à livrer des statistiques viables). Cet essor de la contrefaçon numérique (piratage des particuliers par gravure, via le P2P, piratage industriel) engendre un fort manque à gagner pour les industries culturelles. Dans le cadre du cinéma, le succès du DVD et sa sécurisation native (par cryptage notamment) permettent actuellement de limiter assez fortement le piratage des particuliers sans arrêter le piratage industriel (qui dispose évidemment de moyens techniques autrement plus conséquents). Le piratage, qu’il soit réalisé par des particuliers ou par de façon industrielle par des bandes organisées amènent donc les industries culturelles à adapter profondément leurs modèles d’affaires à ces nouveaux défis. Tout d’abord, il convient de déterminer globalement le périmètre économique des secteurs étudiés, ces périmètres étant présenté et analysé ensuite de manière plus détaillée. - Le poids économique des secteurs de l’audiovisuel et de la musique en Europe, 1999-2001 : (en milliards d’euros) 1999 2000 2001 Croissance moyenne 1997-01 Diffuseurs publics radio-TV 25,1 25,8 26,9 4,6% Télévisions privées 2,9 3,2 3,3 14,9% Radio privées 16,3 18,3 17,9 7% Télé-achat 0,8 1 1,4 31,6% Chaînes à péage (films et thématiques) 5,2 5,7 6,1 12,3% Ensembliers de programmes 5,5 6,8 7,8 26,1% 55,8 60,9 63,4 8,7% Recettes salles cinéma 4,3 4,6 5,3 8,8% Cassettes vidéo (location et achat) 5,7 5,9 5,6 1% DVD (location et achat) 0,4 1,4 3,2 174,1% Disques 10,8 11,1 10,9 1,5% Logiciels de loisirs 5 5,1 5,3 5,8% 26,1 28,1 30,2 6,3% Total diffuseurs Total ventes au détail 55 MPAA : motion picture association of America, syndicat américain représentant l’industrie cinématographique américaine. 56 MPA : motion picture association, pendant international de la MPAA 40 Subventions Total 0,9 1 1,1 9,7% 82,8 90 94,7 7,9% Source: Observatoire Européen de l’Audiovisuel, Annuaire 2003, vol.1, pp 34-35. Le poids économique des secteurs de l’audiovisuel et de la musique aux Etats-Unis sera présenté dans les sections suivantes. La section suivante analyse le modèle d’affaires de l’industrie du disque en constatant que celui-ci est remis en cause par le piratage. 1. La remise en cause du modèle d’affaires de l’industrie du disque Le piratage sous toutes ses formes affecte durement l’industrie du disque dont les chiffres de ventes ont nettement chuté durant ces trois dernières années. Dans le même temps, cette industrie commence à entamer son adaptation au nouvel environnement numérique et profite du succès du DVD pour diversifier les supports vendus et les revenus. Dans un premier temps seront présentés dans cette section le marché du disque et l’organisation de cette industrie. Dans un deuxième temps, le modèle d’affaires actuel sera analysé. 1.1 Un marché du disque en récession Depuis l’année 2000, l’industrie musicale mondiale connaît une récession d’une grande ampleur. En 2002, les ventes mondiales de musique, tous supports confondus (CD, cassettes audio mais aussi DVD vidéo musical) ont chuté de 7,6 % en valeur et de 8,6 % en volume selon l’IFPI57. Cette tendance s’est poursuivie en 2003 selon les statistiques de ventes du publiées par l’IFPI et la RIAA58. Les éditeurs de phonogrammes ont profité du MIDEM59 2004 pour dresser un état des lieux. Ils estiment que le marché mondial a reculé de 10 milliards de dollars en quatre ans, s’établissant à un peu moins de 30 milliards de dollars en 2003. Le support CD est particulièrement touché par cette récession : il souffre d’un retard technologique par rapport aux nouveaux formats (SACD, DVD etc.) et de l’absence de sécurisation native rendant très simple sa duplication numérique. 57 IFPI: International Federation of the Phonographic Industry. L’IFPI est une organisation représentant l’industrie mondiale du disque : elle comprend 1500 membres (producteurs et distributeurs) provenant de 76 pays. Son secrétariat international est situé à Londres. Source : le site de l’IFPI : www.ifpi.org 58 RIAA : Recording Industry Association of America. La RIAA est le “syndicat” de representation et de défension de l’industrie musicale états-unienne. 59 MIDEM : Marché international de l’industrie musicale. Le MIDEM a lieu chaque année au mois de janvier à Cannes, il réunit l’ensemble des professionnels de l’industrie musicale mondiale. 41 -Statistiques des ventes mondiales de Compact Disc de 1984 à 2002 : - Statistiques des ventes de l’industrie musicale aux Etats-Unis, de 1999 à 2003 : (En millions, solde net des retours pour invendus) Ventes en 1999 2000 2001 2002 2003 2003/199960 869,7 788,6 733,1 675,7 658,2 -211,5 +2,2% -9,3 % -7 % -7,8 % -2,7 % -24,3 % 13.048 12.705 12.388 11.549 11.053 -1995 +7 % -2,6 % -2,5 % -6,8 % -4,3 % -15,2 % volume Ecart avec l’année précédente Ventes en valeur (en millions de dollars US $) Ecart avec l’année précédente Source : RIAA, 2003 Yearend Statistics. Note : les statistiques des ventes mondiales comprennent tous les supports édités par l’industrie musicale : CD, CD single, cassette audio, vinyl, Vhs musicale, SACD, DVD audio, DVD vidéo de musique. Les statistiques des ventes américaines sont très claires : entre 1999 et 2003, le marché a baissé de 24,3% en volume et de 15,2% en valeur. La différence relevée 60 Comparaison entre l’année 2003 et l’année 1999 (année durant laquelle le piratage réalisé par les particuliers a commencé à prendre son essor). 42 entre la baisse en valeur et la baisse en volume s’explique notamment par l’effet des DVD musicaux et autres SACD : leurs prix de vente nominaux sont plus élevés que les CD mais leur valeur ajoutée l’est également (son Dolby Digital 5.1 ou DTS ; séquences vidéos pour les DVD etc.). La chute des ventes en France est moins visible sur les cinq dernières années par rapport aux statistiques américaines. Cela se justifie – entre autres – par une expansion plus tardive du haut-débit en France mais aussi par la spécificité du répertoire musical français : la France est un des rares pays au monde à vendre majoritairement des productions issues du répertoire national. Or ces productions nationales se propagent moins vite sur les réseaux P2P que les derniers albums d’Eminem ou de Madonna par exemple. - Les ventes de disques en France, de 1998 à 2003 : ' /0% 1( &2 ' '%1(3 4 2 5 & 3 & ' - % (3 ( &-(3 4 5 & 3 & ' & (( )**+ ))678 9 ) 8 ** 8 9 ' (( )*** )) 6 ) 8 7 *668 9 )8 :+ 68 + )6 8 )778 ) : 68 : ' ' (( )) 7 ' (( (( ' (( ( ,!%, *+. ) ) :6 ) ) :8 7 ) +8 9: ) 7+8 9) ) *78 9 ::8 ): 7 8 *) )678 9 )9) )7) .98 :+; . 78 ; )))8 .68 +; :6)8 7: ; )7:8 68 + ))+8 : )):8 9 )) 8 9 )8 )8 9 )8 + 98 7 ) 8 * 8 6 ) 8 + * 8 ) .:8 6); . 8 97; *6 8 ) :8 9 ) ))) *8 ) 78 9 8 + 98 Source : SNEP Le marché français a résisté à cette tendance mondiale récessive avant de subir un contrecoup majeur en 2003, chutant de 14,6% en valeur, à 1,1 milliards d’euros contre 1,3 milliards d’euros en 2002. En parallèle, le haut débit a connu une croissance exponentielle durant l’année 2003... (voir section 3 de ce chapitre). En outre, le marché des singles s’est complètement effondré en cinq ans (-25%), or ce sont les singles qui sont le plus facilement accessibles dans leurs versions illicites sur Internet. La seule tendance positive, conforme d’ailleurs à la tendance mondiale, est une augmentation conséquente des ventes de vidéo musicale grâce au format DVD (+88% entre 2002 et 2003). 43 .+8 +:; 6 :+8 67 ; - Les ventes de disques en France, années 2002 et 2003 : 2002 2003 Evolution 1302 1112 -14.6 % - dont singles : 133,6 100,8 -24,5 % - dont albums : 1095,7 903,1 -17,6 % - dont vidéo : 53,3 91 +70,8 % Unités vendues (en millions) 171 151 -11,5 % - dont singles : 39,3 30 -23,7 % - dont albums : 125,7 111,2 -11,6 % - dont vidéo : 3,8 7,3 +88 % Chiffre d’affaires (en millions d’euros) Source : SNEP 1.2 Des majors en crise financière Le marché du disque est caractérisé par une organisation oligopolistique à l’échelle mondiale. Plus précisément, il s’agit d’un oligopole à frange concurrentielle puisque les majors occupent l’essentiel du marché tandis que les indépendants se réfugient sur des marchés de niche (par exemple : la musique électronique, house, techno etc.). En outre, les maisons de disques indépendantes sont très atomisées : ce sont généralement des petites entreprises dotées de moyens financiers relativement modestes61. Les majors constituent les acteurs dominants de ce marché avec une part de marché agrégée de 75% contre 25% pour les indépendants. Le secteur est en profond bouleversement et amorce une phase de recomposition capitalistique. Les cinq majors (Universal Music, Sony Music, BMG, EMI, Warner Music) pourraient ainsi se réduire au nombre de quatre si la fusion entre le japonais Sony Music et l’allemand BMG était approuvée par les autorités de la concurrence62. Cette fusion placerait l’entité SonyMusic-BMG au deuxième rang mondial avec 25% de parts de marché (contre 26% pour Universal Music). Dans le cadre de cette redistribution du contrôle capitalistique des majors, le groupe de communication TimeWarner a décidé en 2003 de céder sa filiale Warner Music à un consortium d’investisseurs dont le chef de file est Edgard Bronfman Junior. 61 Voir Cocquebert (A.), « Le financement de l’industrie du disque », rapport établi à la demande du Ministère de la Culture, mars 2004. 62 Cf. notamment : Rédaction de Grandlink Music News, Sony BMG : les autorités européennes vont ouvrir une enquête approfondie, newsletter du 9 février 2004. 44 - Les parts de marché des majors et indépendants sur le marché mondial du disque en 2002 : Sources : IFPI, RIAA, Le Monde D’un point de vue capitalistique, les majors européennes (Universal Music63, EMI, BMG) exercent un leadership en détenant 49% du marché mondial (en 2002). - Tableau : la baisse des CA des majors du disque (C.A. en millions Universal Music Warner Group Music C.A. 2001 6560 C.A. 2002 C.A. 2003 d’euros) 64 C.A. 2003/2001 BMG Sony Music EMI 4036 2982 4651 3981 6276 4205 2714 4879 3643 4974 NC65 2712 4290 3240 -24,2 % NS -9 % -7,7 % -18,6 % Sources : Vivendi Universal - Documents de référence (2002, 2003) ; Time Warner Yearbooks 2002 ; Bertelsmann Yearbooks ; Sony Annual Report 2003 ; EMI Annual Reports (2002 , 2003). Note : la conversion en euros des CA de Warner Music, Sony Music et EMI peut légèrement fausser les perspectives à cause des effets de changes induits (fortes fluctuations des devises en 2004). - Tableau : estimations des pertes occasionnées par les réseaux P2P pour l’industrie du disque en 2003 et projection sur 2008 : Source : Le Journal du Net (2004) 63 Universal Music dont l’origine est américaine a été rachetée par l’entreprise française Vivendi en décembre 2000, lors de la fusion Vivendi – Seagram, Vivendi ayant été renommé depuis Vivendi Universal. 64 Certaines données financières étant à l’origine en dollars (Warner Music), livres sterling (EMI) ou en Yen (Sony Music), elles ont été converties en euros sur la base du taux de change en vigueur le 21 mars 2004. 65 Time Warner a cédé Warner Music à un consortium d’investisseurs emmené par Edgard Bronfman Jr en novembre 2003 45 Les chiffres d’affaires des majors sont fortement impactées toutefois Sony Music se distingue par une baisse moins prononcée de son CA entre 2001 et 2003. Les résultats d’exploitation sont très contrastés (voir tableau ci-dessous). Bien que Sony Music ait réussi à limiter la baisse de son CA, ses bénéfices ont chuté très rapidement. Dans le même temps, la restructuration d’EMI semble avoir porté ses fruits puisque sa rentabilité s’améliore nettement entre 2002 et 2003. UMG reste rentable mais se trouve dans une position très délicate puisque son résultat d’exploitation a chuté de 87% entre 2002 et 2003. La comparaison entre les CA et les résultats nets montrent que ces grosses structures s’adaptent à la forte récession de leur marché toutefois certaines (notamment EMI) le font mieux que d’autres, en tout état de cause plus rapidement. En outre, la tableau ci-dessus (estimations des pertes occasionnées par les réseaux P2P) semblent très cohérent avec les tableaux synthétisant l’évolution des C.A. des majors et leurs résultats d’exploitation. Néanmoins, il ne faut pas oublier que d’autres facteurs peuvent également contribuer à expliquer la récession du marché du disque. - Tableau : résultats nets des majors du disque : Résultat d’exploitation (en millions d’euros) Universal Music Warner Music BMG Sony Music EMI Group 2002 556 (-1050) 125 157 284 2003 70 NC 110 (-59) 378 -87 % NS -12% -138% +33 % Variation (2003/2002) Sources : Vivendi Universal - Documents de référence (2002, 2003) ; Time Warner Yearbooks 2002 ; Bertelsmann Yearbooks ; Sony Annual Report 2003 ; EMI Annual Reports (2002 , 2003). Note : la conversion en euros des CA de Warner Music, Sony Music et EMI peut légèrement fausser les perspectives à cause des effets de changes induits (fortes fluctuations des devises en 2004). 1.3 L’organisation de l’industrie du disque L’industrie musicale se structure autour des labels et de la dichotomie majors / indépendants. Un label est une entité – souvent sous forme de filiale – d’une maison de disques dont les fonctions principales consistent à rechercher de nouveaux talents et à les produire. Il arrive fréquemment qu’une maison de disques se structure autour d’un vaste ensemble de labels spécialisés sur un voire deux styles musicaux, à 46 l’exemple d’Universal Music Group66. En principe le label ne s’occupe pas des fonctions de distribution et de marketing. Les majors sont les entreprises qui cumulent les fonctions de production, de distribution et de promotion. En outre, elles ne se cantonnent pas à distribuer leurs propres productions mais distribuent également les productions des labels indépendants. Les majors possèdent plusieurs labels. Un label est dit indépendant lorsqu’il n’appartient pas à une major : outre la production et la recherche de nouveaux talents, le label indépendant assume également la fonction marketing et parfois celle de distributeur. En raison de problèmes d’économies d’échelle et de barrières à l’entrée, en pratique il est fréquent que le label indépendant fasse distribuer sa production par une entité de distribution appartenant à une major, voire par un distributeur indépendant. Le distributeur remplit un rôle classique : sa fonction principale consiste à acheminer la production des labels vers le vendeur final. La plupart du temps, les majors intègrent cette fonction mais il existe aussi quelques distributeurs indépendants. Le vendeur final est l’intermédiaire final chargé de vendre le disque aux consommateurs. Ce rôle est assumé par les disquaires indépendants, les entreprises de grande distribution spécialisée (telles que la Fnac ou Virgin Megastore) et les entreprises de grande distribution généraliste (Carrefour notamment). Labels de major Distributeur de major Prescripteur Acheteur final Label indépendant Vendeur final Label indépendant Label indépendant Distributeur indépendant Le prescripteur établit le lien entre les labels et les consommateurs : il a pour fonction de promouvoir les biens culturels auprès du grand public. Cette activité 66 Cf. le site Internet d’UMG : www.umusic.com 47 repose sur l’utilisation des médias (télévision, radio, presse et Internet) mais aussi sur la promotion sur le lieu de vente (affiches, évènementiels etc.). 1.4 Le modèle d’affaires actuel : du « brick and mortar67 » accompagné parfois d’e-commerce Le schéma suivant met en évidence les différents intervenants de la chaîne de valeur au sein de l’industrie du disque. Selon les maisons de disque impliquées, le modèle d’affaires incorpore ou n’incorpore pas une section dédiée à l’e-commerce. Dans la pratique, les majors tentent d’évoluer afin de proposer des offres de vente en ligne de plus en plus abouties ou passent des contrats avec des firmes spécialisées dans la distribution de contenus numériques (OD2, E-compil, Itunes Music Store). Les indépendants utilisent relativement moins ce canal de vente qu’est l’e-commerce. - Schéma de la chaîne de valeur de l’industrie du disque : Artiste Auteur Agent(s) Majors ou labels indépendants Fabrication Production Edition Promotion DISTRIBUTION Fréquent mais non systématique Distributeurs physiques Distributeurs ‘virtuels’ Distributeur appartenant à une major Distributeur ‘indépendant’ (ex : Itunes Music Store) Consommateurs E-commerce Diffusion directe via Internet (rare) 67 « Brick and mortar » : modèle d’affaires traditionnel, qualifié ainsi pour signifier qu’il n’a pas de fondements dans l’e-commerce mais uniquement dans « la brique et le ciment », autrement dit, les emplacements de vente et de production sont tous situés dans la sphère physique matérielle (boutiques, usines etc.). Ce modèle est artificiellement opposé au modèle de l’e-commerce. Dans les faits, depuis plusieurs années les entreprises (multinationales mais aussi PME..) ont intégré progressivement les nouvelles technologies dans leurs modèles d’affaires. De la sorte, cette distinction relativement artificielle est vouée à s’éteindre dans les années qui viennent. 48 Le marché de la musique légale en ligne commence à se développer même si ce marché demeure assez faible comparé au nombre de fichiers téléchargés pirates ou au marché de la musique distribuée sur des supports matériels. Il n’existe encore que peu d’offres de vente de musique en ligne en Europe, au contraire des Etats-Unis où ce marché comprend beaucoup plus d’acteurs. Ainsi l’Itunes Music Store d’Apple n’est pas encore disponible en Europe mais Apple projette toutefois de lancer ce service en Europe. Le schéma ci-dessous illustre l’impact du piratage numérique sur la chaîne de valeur de l’industrie de la musique. Il est construit à partir du premier schéma cidessus. - Schéma de la chaîne de valeur des maisons de disque : Source : IDATE (2001) -Le département Artiste et Répertoire est en charge de la découverte de nouveaux talents. Il finance les groupes ou artistes recrutés. Il est également chargé de gérer l’ensemble du répertoire (fond de catalogue et nouveautés). La probabilité d’être édité par un label est relativement faible. Les labels réceptionnent des centaines de maquettes par semaine mais n’en conservent que très peu, seulement 5 à 10 selon Harold Vogel68. -Vient ensuite la phase d’enregistrement. Les labels des majors possèdent leurs propres studios d’enregistrement, ce qui n’est pas toujours le cas pour les labels indépendants (faute de moyens). Les coûts varient selon les équipements utilisés. A noter que cette phase peut éventuellement être externalisée. 68 Vogel (H.), Entertainment Industry Economics: A guide for financial analysis, Cambridge University Press, 2001. 49 -La troisième phase consiste à fabriquer les supports de diffusion (CD, DVD musical, fichiers numériques). Au préalable il faut fixer l’enregistrement sur un « master ». -La quatrième phase est celle de la promotion, du marketing. Les dépenses en marketing connaissent une inflation. Les coûts de marketing représentent environ 2,69 euros par CD vendu (selon le SNEP), soit presque 15% du prix de vente final. Les activités de promotion sont assez variées et empruntent les canaux des médias de masse (télévision, radio, presse) mais sont également réalisées au moyen d’évènementiels et autres opérations de relation publique. -La cinquième phase dite de distribution comprend la logistique et la marge du disquaire (grandes surfaces spécialisées comme la FNAC, disquaires indépendants..). La distribution représente 22% du prix de vente HT d’un CD. La marge d’exploitation, en moyenne, d’une maison de disque représente approximativement 17% du prix de vente HT d’un CD. -Graphique : la répartition des postes sur le prix de vente final d’un CD (hors taxes). (Note : le prix de vente retenu étant proche du prix de vente moyen d’un CD soit 16.72 HT). Source : le SNEP -Graphique : détail des coûts et de la marge d’une maison de disque (en moyenne) par CD vendu : (source : SNEP) 50 1.5 La remise en cause de la chaîne de valeur de l’industrie du disque par le piratage La chaîne de valeur de l’industrie du disque repose pour l’essentiel sur la vente de supports physiques et depuis peu de temps sur la vente de fichiers numériques sécurisés. Toutefois la vente de fichiers numériques ne représentent pour l’instant qu’une fraction très faible des revenus globaux de l’industrie du disque. Le piratage a un double effet sur la chaîne de valeur. En premier lieu, en proposant ‘gratuitement’ des morceaux de musique, il entraîne un effet de substitution précédemment évoqué. Cet effet de substitution amène une partie des consommateurs à se détourner des supports physiques. Cet effet de substitution a une deuxième conséquence, toute aussi importante que la première : il entraîne une baisse du consentement à payer du consommateur. Le consommateur disposant gratuitement (et illicitement) d’albums via un simple téléchargement sur les réseaux P2P, cela provoque une dévalorisation des supports physiques. Cette dévalorisation engendre une baisse du consentement à payer (voir l’analyse détaillée de Stan Leibowitz sur ce point) pour un support (légal) n’apportant aucun avantage supplémentaire comparé aux supports numériques illicites. - Schéma de l’impact du piratage en P2P sur la chaîne de valeur de l’industrie du disque : Artiste Auteur L’utilisateur du réseau P2P dispose alors d’un album de musique reproduit sur son disque sans avoir versé un centime au(x) créateur(s), aux artistes et aux producteurs. Agent(s) Majors ou labels indépendants Fabrication Production Edition Etape 1 Fréquent mais non systématique Distributeurs ‘virtuels’ Un internaute achète le CD puis le numérise grâce à son ordinateur. Ensuite il peut le diffuser sur les réseaux P2P Distributeur appartenant à une major Distributeur ‘indépendant’ (ex : Itunes Music Store) Consommateurs Le coût d’acquisition pour les utilisateurs de P2P est quasi nul. Promotion DISTRIBUTION Distributeurs physiques Conséquences des étapes 1 et 2 E-commerce Etape 2 Les utilisateurs de P2P se connectent et téléchargent les fichiers du CD piraté. 51 Le deuxième effet induit par le piratage est de fausser la compétition économique et commerciale avec les offres légales. Celles-ci ne peuvent lutter même en ne vendant que 0.99 cents (US) un morceau de musique numérique car dans le même temps ce morceau peut être téléchargé gratuitement sur un des nombreux réseaux P2P. Ce phénomène pourrait d’ailleurs s’apparenter à une forme de concurrence déloyale étant donné qu’une seule des deux parties en cause supporte les coûts de financement et de diffusion des créations culturelles. En outre, le piratage peut avoir des répercussions majeures sur la création artistique. En effet, la production de musique reste, dans l’ensemble, un travail à caractère assez artisanal, c’est une activité à risque requérant des investissements financiers importants69. Or peu d’albums sont rentables : environ deux disques sur dix parviennent à atteindre le seuil de rentabilité. Cela signifie que les deux disques rentables doivent non seulement compenser les pertes des huit autres albums (sur dix) mais doivent également permettre de générer des profits. Les maisons de disque de taille importante (majors ou importants labels indépendants) utilisent en effet un modèle d’affaires spécifique. Le risque propre à la création musicale est amorti par les albums très rentables : or ces albums sont également les plus exposés au piratage. La réduction des revenus et des profits entraîne donc une baisse des fonds disponibles pour le lancement de nouveaux artistes ou d’albums d’artistes qui n’ont pas encore connu de succès auprès du public. En somme, la part de risque consentie est fonction de la rentabilité de la maison de disque et de l’évolution de son chiffre d’affaires. Ce en quoi la récession actuelle pose un problème fondamental car certaines maisons de disque sont amenées à moins investir dans les nouveaux artistes tout en réduisant le nombre de contrats en faveur d’artistes déjà produits mais non encore confirmés (n’ayant pas encore connu un succès certain). Ainsi EMI a annoncé qu’elle réduisait de 20% le nombre de ses contrats avec les artistes à cause de la récession actuelle70. Le piratage peut influer sur la capacité des labels à financer la production artistique : il amène les labels à réduire les risques encourus sur certains artistes qui n’arrivent pas à s’établir une notoriété. De la sorte, il contribue à compromettre la diversité culturelle. 69 Voir Guez (M.), SCPP, « Economie de la production phonographique », mars 2004, site de la DDM. Voir Grandlink Music News, « L’action d’EMI dynamisée par la poursuite de la restructuration », N°349, 2 avril 2004. 70 52 Globalement, le piratage tant industriel (en bandes organisées) que non commercial (gravure et P2P) rompt la chaîne de valeur car celle-ci repose majoritairement sur le système de vente de supports physiques aux consommateurs ou de ventes par accords contractuels (dans le cas des compilations par exemple). Dans ce contexte, les perdants apparaissent clairement comme étant les auteurs, les artistes interprètes et les producteurs. Cela n’est pas sans conséquence sur l’emploi dans l’industrie du disque puisque les revenus diminuant, et la rentabilité s’érodant, les maisons de disque sont obligées de se restructurer. La plupart des majors (75% du marché mondial) appartiennent à de grands groupes de communication. Ceux-ci doivent rendre des comptes à leurs actionnaires et éventuellement aux fonds de pension présents dans leur capital. Une des majors est même directement cotée en Bourse, EMI, celle-ci doit donc rendre directement des comptes à ses actionnaires sous peine de voir son cours boursier s’effriter, ce qui fragiliserait sa structure capitalistique et la rendrait plus facilement opéable. Les groupes de communication répercutent les exigences des actionnaires en terme de rentabilité sur toutes leurs activités. Cela amène donc les majors à se restructurer et à licencier afin d’adapter la structure de l’entreprise à la baisse des ventes et à l’érosion de la rentabilité. EMI a ainsi procédé à plusieurs plans de licenciement dont le dernier en date vise à supprimer 1500 emplois au sein du groupe71. Le piratage n’est pas un phénomène isolé : il impacte ainsi l’économie réelle et le marché de l’emploi. Toutefois d’autres facteurs peuvent contribuer à expliquer la crise du disque : ces facteurs annexes associent probablement partiellement leurs effets à ceux engendrés par les téléchargements illicites. Le paragraphe suivant propose ainsi d’analyser des hypothèses autres que liées au piratage comme facteurs explicatifs de la crise du disque. 1.6 Les autres facteurs de la crise du disque « Le marché va mal, notamment à cause du téléchargement illégal, mais il y a d’autres raisons qui expliquent sa baisse et qui font qu’il va encore baisser en 2004. »72 Rodolphe Buet, directeur du secteur disque de la FNAC. 71 Voir Grandlink Music News, « L’action d’EMI dynamisée par la poursuite de la restructuration », N°349, 2 avril 2004. 72 Astor (P), ZDNET, « Rodolphe Buet (FNAC) : le disque va mal mais le téléchargement illégal n’est pas le seul responsable », 29 mars 2004, www.zdnet.fr 53 Si le piratage semble constituer le principal facteur de la crise du disque, il n’en demeure pas moins que d’autres facteurs non négligeables peuvent être évoqués. Il est possible de dresser une typologie des autres facteurs explicatifs. La première hypothèse renvoie à la technologie : le principal format de vente de la musique étant le CD, celui-ci s’avère quelque peu obsolète. Plus précisément, l’essor des nouvelles technologies a créé cette obsolescence technologique du format CD en comparaison avec les nouveaux formats que sont le DVD musical, le SACD et le DVD-Audio. Ceux-ci offrent pour un prix de vente légèrement supérieur (de l’ordre de 28 euros contre 18 à 20 euros pour un CD) un rendu sonore multicanal (six canaux en Dolby Digital par exemple contre deux canaux en stéréo). En outre, le DVD vidéo musical offre des séquences vidéo en plus de la musique et un ensemble de bonus. En fait, il y a une certaine dualité entre les formats de vente : le CD semble en fort déclin tandis que le DVD vidéo musical connaît un essor important, le SACD commençant à se développer dans le même temps. Le marché des DVD vidéo musicaux a connu en 2002 et en 2003 une forte croissance mondiale. La France a suivi cette tendance : en 2003 les ventes ont augmenté de 88% en volumes (et de 71% en valeur). # ) ( < ( < 8 * 8 ) 8 + 98 8 ) 7 8 *) Source : SNEP La seconde hypothèse est imputable aux stratégies marketing des distributeurs et des éditeurs. Ceux-ci utilisent souvent le schéma suivant : lors du lancement d’un nouvel album, le prix de vente final se situe aux alentours de 18 euros, ensuite 6 à 12 mois après sa sortie intervient le lancement d’offres promotionnelles destinées à relancer les ventes de l’album : le prix de vente est diminé d’environ 45% et se situe alors aux alentours de 9,99 euros. En opérant ainsi, le consommateur intègre dans sa stratégie d’achat (qui implique la recherche du meilleur rapport qualité/prix) cette future baisse de prix. En somme, les économistes parleraient de choix intertemporel : le consommateur est susceptible de reporter son achat à une autre période s’il sait que le prix d’achat de ce dernier sera réduit73. Rodolphe Buet, directeur du secteur disque de la FNAC, expose ce problème dans un article paru sur ZdNet.fr : « La dérégulation des prix a été mal perçue par les clients, 73 « Lorsqu' un nouvel album sort, il y a toujours un phénomène d' achat instantané, mais certains se disent que c' est n' est pas le moment d' acheter, qu' il sera moins cher dans trois mois, ou fera l' objet d' une promotion à moitié prix, etc. Les prix peuvent varier de un à trois. Dans l' incertitude, les clients peuvent être amenés, soit à ne pas consommer, soit à consommer plutôt du DVD musical ou du DVD film. ». Astor (P), ZDNET, « Rodolphe Buet (FNAC) : le disque va mal mais le téléchargement illégal n’est pas le seul responsable », 29 mars 2004, www.zdnet.fr 54 vis-à-vis desquels il me paraît important de retrouver des références de prix cohérentes. Les éditeurs ont utilisé le prix comme un des éléments du marketing, ce qui leur a permis d’accompagner l’accroissement en volume des années 2000 à 2002. Mais désormais nous sommes arrivés au terme des aspects positifs de cette stratégie, et les effets négatifs commencent à se faire sentir. » La troisième hypothèse réside dans la possibilité de transferts de postes au sein du budget des consommateurs. Durant ces dernières années, les offres liées aux nouvelles technologies ont été très importantes. Celles-ci peuvent concourir partiellement à expliquer la crise du disque par une réduction du budget affecté à la musique par une frange de consommateurs au profit des films en DVD, des jeux vidéo, de la téléphonie mobile ou des abonnements à l’Internet à haut débit. Rodolph Buet affirme ainsi : « Une autre raison [à la crise du disque] est le transfert de budget. Il ne faut pas se voiler la face. Le marché du livre a fait +6 % l' an dernier, le marché de la vidéo a fait +18,8 %. C' est clair qu' il y a un transfert de pouvoir d' achat du produit musical vers d' autres produits de loisirs. »74 De fait le marché des connexions Internet à haut débit a connu une croissance de +121% en France durant l’année 2003 tandis que le marché du DVD a progressé de 71% en 2002. Les budgets n’étant pas extensibles à l’infini, il est possible que certains consommateurs délaissent la musique au profit des télécoms, de l’Internet et de l’édition vidéo en DVD. 1.7 Conclusion : l’inadaptation relative du modèle d’affaires de l’industrie musicale à l’environnement numérique (une période transitoire déjà bien amorcée) Le piratage, ainsi que les autres hypothèses évoquées expliquant la crise du disque, nous amènent à mettre en évidence que le modèle d’affaires actuel de l’industrie du disque est relativement inadapté à l’environnement numérique. Ce modèle d’affaires s’appuie trop fortement sur la vente de supports physiques alors que les comportements de consommation ont évolué vers un mode hybride incluant la diffusion en ligne des oeuvres. En outre, le support physique le plus développé actuellement, celui-ci sur lequel repose l’essentiel des ventes de musique (le CD) est en train d’être frappé d’obsolescence. Les nouveaux formats que sont le SACD et le DVD-Audio peinent encore à décoller. Le salut pourrait venir partiellement du DVD vidéo musical dont les ventes témoignent de l’engouement des consommateurs pour 74 Idem 55 les avantages procurés par ce support. L’industrie du disque commence à s’intéresser à la musique en ligne. Les majors ont ainsi signé des contrats de distribution avec de nouveaux acteurs indépendants (tels qu’OD2, Itunes Music Store d’Apple etc.). Néanmoins, le marché légal de la vente en ligne de musique reste cantonné à un stade embryonnaire à l’heure actuelle. Des pistes de solution existent pour sortir de la crise actuelle (voir le chapitre deux de la deuxième partie). La récession actuelle du marché du disque pourrait être être un prélude à un redéploiement du marché vers de nouveaux modes de distribution et de diffusion des oeuvres. A la fin des années 70, l’industrie du disque avait été confrontée à une crise, certes moins importante, due à la saturation du marché des supports analogiques (cassettes audio et vinyles). L’arrivée du CD quelques années plus tard avait redynamisé le marché, les consommateurs ayant adopté cette nouvelle technologie. Le changement technologique les avait amené – entre autres - à dépenser plus d’argent pour reconstituer et étoffer leur discothèque. L’industrie cinématographique est pour le moment encore relativement épargné par le piratage toutefois cela ne signifie pas qu’aucune menace ne pèse sur cette industrie. La section suivante présente une analyse des menaces qui plantent sur le modèle d’affaires de l’industrie cinématographique. 2. Les menaces cinématographique planant sur le modèle d’affaires de l’industrie « Je pense que le piratage des films aura effectivement une influence sur la chaîne de valeur des industries culturelles, du cinéma et de l’audiovisuel. Les salles risquent d’en être les premières victimes. Je suis persuadé que la diminution des entrées en salles en 2003 est en partie imputable au piratage. Toutefois c’est difficilement quantifiable. » Extrait de l’entretien réalisé avec Frédéric Delacroix, Délégué général de l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle.75 Le modèle d’affaires de l’industrie cinématographique76 repose sur cinq types d’acteurs. Les producteurs (majors américaines ; sociétés de production de taille assez 75 Voir la retranscription de cet entretien en annexe. La finalité de cette étude n’est pas d’analyser en détail le modèle d’affaires de l’industrie cinématographique mais d’évaluer l’impact du piratage sur ce dernier et l’évolution du modèle dans l’environnement numérique. En outre, une analyse détaillée du modèle d’affaires de l’industrie cinématographique ne peut se concevoir qu’au sein d’une étude entièrement dédiée tant ce modèle est complexe et diversifié. 76 56 importantes telle qu’Europa Corp ; petites et moyennes sociétés de production) occupent un rôle central dans l’industrie cinématographique. Olivier Bomsel et Gilles Le Blanc rappellent, dans leur étude consacrée à la numérisation de l’industrie du cinéma77, l’essence du rôle de producteur. Ils affirment ainsi que « les producteurs ont vocation à syndiquer les droits, les financements et les savoir-faire pour mener à bonne fin la fabrication des films. »78 Les distributeurs sont chargés de vendre les droits d’exploitation des oeuvres pour le compte des ayants droits (la distribution des films est segmentée territorialement). La majorité des distributeurs oeuvrent à l’échelle internationale. Les distributeurs se rémunèrent en commission sur les ventes et doivent prendre à leur charge les frais d’édition (reproduction du master) et les frais de promotion79. La troisième catégorie d’acteurs est constituée des exploitants. Ceuxci « commercialisent la version cinéma du film dans les infrastructures dont ils sont propriétaires. Ce sont des acteurs locaux qui offrent au distributeur la desserte d’une zone de chalandise. »80 Suite à la concentration intervenue au sein des exploitants, il existe des exploitants de taille très importante, parfois transnationaux (tels qu’UGC ou Gaumont en Europe) et des exploitants de taille modeste (propriétaires de quelques salles ou d’un petit réseau de salles tel que L’Utopia). Cette concentration capitalistique s’explique notamment par l’augmentation des coûts des infrastructures et par la capacité de négociation commerciale ainsi renforcée face aux distributeurs. La quatrième catégorie d’acteurs est composée des diffuseurs. Ceux-ci acquièrent les droits de diffusion d’une oeuvre pour un territoire donné. Ces acteurs sont constitués de chaînes payantes (telle que Canal+) et de chaînes gratuites. En France, certains diffuseurs participent au financement direct de la production cinématographique, et ce de manière très conséquente pour Canal+81. La dernière catégorie d’acteurs est chargée de l’édition vidéo des oeuvres sur différents supports (DVD, VHS). Il convient de noter que certains grands groupes de communication incorporent à la fois une filiale de production, une filiale d’édition et une filiale de télédiffusion. Time Warner, News Corporation ou Vivendi Universal procèdent ainsi. Les menaces qui planent sur le modèle d’affaires sont doubles. L’industrie cinématographique est confrontée au piratage industriel réalisé en bande organisée mais aussi depuis peu par le piratage opéré par les consommateurs. Il existe deux 77 Bomsel (O.) et Le Blanc (G.), « La numérisation de l’industrie du cinéma », CERNA, mai 2002. Idem, voir page 9. 79 Source : idem 80 Idem, page 10. 81 Voir le rapport du CNC sur le financement de la production cinématographique en 2003. 78 57 moyens principaux utilisés par les consommateurs pour pirater des films : le peer-topeer et les graveurs de DVD dont les prix ont chuté fortement. Evidemment, dans ce contexte, il convient de ne pas faire d’amalgame entre le piratage et la copie privée. Ainsi si le téléchargement de films protégés via le P2P relève de facto du piratage (voir le chapitre 1 de la deuxième partie), il n’en est pas de même concernant la duplication de films au moyen d’un graveur de DVDR. Tant que le copiste se situe dans le champ d’application de la copie privée, il ne peut s’agir de piratage. Dès le moment où celui-ci réalise des copies pour ses connaissances ou dans un but lucratif, l’acte de piratage semble caractérisé. De manière plus marginale, mais non dénuée de conséquence, certains pirates enregistrent et numérisent des contenus diffusés par les chaînes hertziennes, le câble ou le satellite afin de les mettre ensuite à disposition sur les réseaux P2P. Toutes ces formes de piratage pourraient à terme avoir un impact non négligeable sur la chaîne de valeur ajoutée de l’industrie cinématographique. La chaîne de valeur ajoutée de cette industrie repose en effet de plus en plus sur l’édition vidéo. Aux Etats-Unis la vente de vidéo représente ainsi plus du double du chiffre d’affaires généré par le Box Office. La France a rejoint les Etats-Unis sur cette tendance puisque depuis deux ans, les recettes issues de la vidéo ont dépassé les recettes provenant des entrées en salles. En conséquence, l’édition vidéo revêt un intérêt particulièrement stratégique sur lequel plane la menace d’un piratage qui serait de plus en plus massif, notamment via les réseaux de P2P. 2.1 Un modèle d’affaires de plus en plus orienté vers l’édition vidéo L’industrie du cinéma est loin d’être homogène : l’industrie européenne fonctionne différemment de l’industrie américaine et chaque film constitue en soi un prototype. C’est pourquoi Olivier Bomsel et Gilles Le Blanc considère l’industrie du cinéma comme « une industrie de prototypes versionnables »82. Chaque protype – ou film – est ensuite exploité en versions différentes et dans le respect du principe de la chronologie des médias. 82 • Les différentes versions d’un film : - 1. Version cinéma, haute définition et son numérique Bomsel (O.) et Le Blanc (G.), « La numérisation de l’industrie du cinéma », CERNA, mai 2002. 58 - 2. Version vidéo, VHS et DVD. (Qualité très supérieure du DVD sur la VHS et sur la télévision hertzienne analogique). Selon la chronologie des médias, six mois séparent la sortie en vidéo de la sortie en salles. - 3. Version diffusée par les chaînes de télévision « Premium » (première diffusion à la télévision du film) puis par les chaînes généralistes. L’apparition de la télévision numérique par câble et par satellite puis l’apparition du DVD a profondément modifié la chaîne de valeur ajoutée de l’industrie cinématographique. Ainsi les consommateurs ont modifié leurs comportements, de sorte que les recettes provenant des entrées en salle sont devenues nettement inférieures aux recettes provenant de l’édition vidéo et des télévisions comme le montre les tableaux ci-dessous. - Evolution des dépenses des ménages français consacrées à l’audiovisuel et fréquentation des salles de cinéma : Dépenses des ménages consacrées à l’audiovisuel (%) 1950 1960 1970 1980 1990 2000 Cinéma 100 66,5 46,3 41,6 19,3 13,1 DVD et vidéo (hors location) - - - 0,3 13,9 22,2 Télévision - 33,5 53,7 58,1 66,8 64,7 Fréquentation des salles de cinéma (en millions de 416 426 230 205 130 166 spectateurs) Sources : Malègue 2002, CNC / Etude du CERNA « La numérisation de l’industrie du cinéma ». Le marché de l’édition vidéo repose largement sur le dynamisme impulsé par les ventes et locations de DVD. (Voir les statistiques sur la page suivante). - Evolution du chiffre d’affaires des éditeurs vidéo entre 1993 et 2002 : Source : SNEV 59 - Statistiques des ventes et location de vidéo en France, 2002-2003 : CUMUL.LOCATION+VENTE C.A. H.T. en Euros Quantités Année 2003 1 210 737 170 101 381 634 Année 2002 1 073 909 780 84 466 251 Evolution 12,74% 20,03% Source : SNEV (2004) Le deuxième tableau témoigne à la fois du fort essor du DVD et de son impact sur le marché de la vidéo en France. Entre 1997, année de la sortie des premiers films sur support DVD et 2003, le chiffre d’affaires total des éditeurs vidéo a plus que doublé, passant de 572 millions d’euros en 1997 à 1 210 millions d’euros en 2003 (soit + 111% d’augmentation en six ans). En outre, le marché européen suit la même tendance (avec quelques nuances en fonction des pays) tout comme le marché américain, assez précurseur dans le domaine de la vidéo à domicile (ou home video). Le graphique ci-dessous montre que dès la fin de l’année 2001, le DVD a supplanté la VHS en Europe de l’Ouest. Graphique : dépenses des consommateurs européens (en Vhs et DVD) en Europe de l’Ouest, 1998-2002 : (en milliards d’euros) Sources: International Video Federation / Screen Digest La vidéo à domicile est une tendance particulièrement prédominante aux Etats-Unis : en 2003, le montant des ventes et locations de vidéo représente plus du double du montant total des entrées en salle (box office). -Tableau des revenus de l’industrie cinématographique aux Etats-Unis en 2003 et nombre de titres disponibles en DVD (2002) : Film Industry Revenues Box Office Année US 2003 Revenus $9.3 bil. Sources : PriceWaterhouseCoopers 60 DVD/VHS Rentals and Sales at Retail US 2003 $23.8 bil. PriceWaterhouseCoopers Pay Per View- Gross Revenues US 2003 $2.2 bil. Premium TV Channel Royalties US 2003 $10.4 bil. PriceWaterhouseCoopers Number of DVD Titles Available US 2002 20,000 PriceWaterhouseCoopers Motion Picture Association of America Sources: Plunkett Research Ltd. / PWC / MPAA 2.2 Le piratage des DVD : une menace pour le modèle d’affaires « Piracy, including copying of physical products and the creation of pirated copies from screenings, as well as online downloading of material and peer-to-peer file swapping, presents an increasing threat to the film industry.” Extrait du rapport publié par l’IVF (International Video Federation) intitulé « Western Europe : the industry overview » (2003)83. Le piratage des films est de plus en plus réalisé à partir des copies originales en DVD. Les copies réalisées bénéficient des avantages des technologies numériques : il n’y a pas de déperdition de qualité dans le cas d’une copie intégrale (copie d’un DVD vidéo vers un DVDR). Dans le cas d’une copie faisant intervenir des procédés de compression (via des codecs Divx par exemple), la déperdition de qualité est fonction du taux de compression choisi. Contrairement à la compression de musique, la compression d’oeuvres audiovisuelles et cinématographiques implique par essence une déperdition de qualité plus ou moins grande, les informations stockées sur un DVD étant extrêmement denses. 2.2.1 Des techniques de piratage relativement sophistiquées a) Connexion avec le peer-to-peer Le piratage des DVD doit être mis en connexion avec l’essor continu des réseaux peer-to-peer mais d’autres méthodes off line sont utilisées par les pirates. Il faut ainsi noter une tendance croissante du piratage des films lors de leur sortie en salle84 puis lors de leur sortie en DVD. Les pirates utilisent des logiciels servant à contourner ou briser les protections techniques installées (essentiellement basées sur des algorithmes de cryptage) pour ensuite copier le DVD tel quel sur le disque dur de leur ordinateur. Une fois cette 83 Voir le site de l’IVF : www.ivf-video.org Celle-ci est rendue possible grâce à la complicité d’un projectionniste ou par l’intrusion d’une caméra numérique lors de la projection en salle du film. Dans certains cas nettement plus rares, la personne à la source de la contrefaçon peut même être un salarié du studio du cinéma. 84 61 opération réalisée, ils utilisent des logiciels de compression afin de réduire considérablement la taille des fichiers vidéo. Un DVD de 9 Go (norme DVD9) se transforme ainsi en un fichier de 700 Mo, ce qui facilite ensuite sa reproduction/distribution par Internet, via les réseaux peer-to-peer. Le format de compression le plus répandu est le DivX mais d’autres formats existent. Cette technique de compression ne reproduit pas l’oeuvre dans une qualité identique à celle de l’original comme cela a été précédemment évoqué. b) La duplication à l’identique de DVD vidéo L’autre tendance, en pleine phase de développement, consiste à dupliquer un DVD à l’identique grâce à des logiciels intégrés gérant l’ensemble du processus de piratage. Ces logiciels (tels que DVDXCopy édité par 321 Studios) automatisent le piratage, brisent les dispositifs de protection, copient le contenu du DVD sur le disque dur puis procèdent ensuite à la gravure à l’identique (sans altération) du film sur DVD-R85. La copie réalisée sur DVD-R est non seulement lisible sur un ordinateur équipé d’un lecteur de DVD mais également sur un lecteur DVD standard de salon. La baisse continue du prix des graveurs de DVD-R va engendrer une utilisation croissante de cette forme de piratage, d’autant plus inquiétante qu’elle s’opère sans dégradation de qualité86. A cet égard, cette alliance entre la baisse du prix des graveurs de DVD et l’apparition de logiciels permettant de reproduire à l’identique ce support peut être comparée par analogie au phénomène passé relatif à la copie de CD audio via un graveur de CD-R. Il semble qu’en l’état actuel de la technique, le Divx ne puisse pas constituer un bon substitut tandis que le DVD reproduit quasiment à l’identique sur un DVD enregistrable en soit un. Etant donné la bande passante disponible et la forte densité des DVD, l’effet de substitution est encore limité dans le cadre de l’industrie cinématographique. Toutefois cela ne signifie part qu’il n’y ait aucun effet à la marge. En outre, les évolutions technologiques pourraient renforcer l’effet de substitution dans le cadre des oeuvres cinématographiques, notamment lorsque l’ADSL 2 sera commercialisé. 2.2.2 Les effets éventuels du piratage : un affaiblissement des revenus générés par la vidéo et une répercussion en cascade sur l’ensemble de la filière 85 Voir notamment l’article suivant : Guillemin (C.), « Les logiciels de copie de DVD profitent encore d’un havre de paix en France », www.ZDNet.fr, 23 février 2004. 86 Voir notamment l’article suivant : C.J., « Copier un DVD-vidéo sur un DVD vierge », L’ordinateur individuel www.01net.com, 1er mars 2004. 62 « Les ventes de graveurs de DVD représentent forcément un danger pour l’industrie cinématographique mais il faut peut être aussi faire le parallèle avec la VHS qui finalement n’a pas coulé l’industrie cinématographique. Je pense simplement qu’il faut réguler et contrôler les moyens de reproduction des oeuvres. » Extrait de l’entretien réalisé avec Frédéric Delacroix, Délégué général de l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA).87 L’édition vidéo représente un enjeu stratégique (pour l’ensemble de la filière cinématographique) car elle génère des revenus croissants et occupe une part croissante parmi les sources de revenus d’exploitation. La part de l’édition vidéo représente approximativement 52 % des revenus totaux générés par l’exploitation des films aux Etats-Unis. En France, l’édition vidéo contribue légèrement plus aux revenus globaux d’exploitation que les entrées en salle depuis deux ans. Ces données fournissent un élément d’information primordial : la part principale des revenus générés par les oeuvres cinématographiques étant réalisé par l’édition vidéo, une déstabilisation de ce secteur aurait des répercussions majeures sur l’ensemble de la filière. Le piratage des DVD est donc pris très au sérieux par les acteurs de cette industrie : « Véritable fléau, le piratage met à terme en péril une économie du cinéma et de l’audiovisuel qui s’appuie désormais de façon significative sur les recettes liées aux exploitations vidéographiques des oeuvres »88. La MPAA estime que le préjudice subi engendrerait un manque à gagner pour la seule industrie cinématographique américaine évalué à 3,5 milliards de dollars (US), et ce, sans comptabiliser les pertes potentielles résultant du piratage en ligne. La MPAA estime en effet ne pas être en mesure de pouvoir quantifier précisément l’impact du piratage en ligne : « Concernant le cinéma, j’ai fait une interview de Jack Valenti qui est le patron de la RIAA, il m’a dit qu’il ne pouvait pas faire d’estimation parce que ce sont des flux numériques. En outre, il y a beaucoup de systèmes de peerto-peer, donc c’est difficile de le déterminer précisément. » (Extrait d’un entretien avec Emmanuel Paquette, journaliste aux Echos)89. M. Delacroix, délégué général de l’ALPA, chargé de représenter la plupart des acteurs de l’industrie cinématographique française, m’a également confirmé qu’il était fort difficile d’estimer précisément le préjudice subi du fait du piratage :« Il est difficile de vous donner un chiffre, je 87 Voir la retranscription de cet entretien en annexe. Propos de Jean Paul Commin rapporté dans un communiqué de l’IVF intitulé « Marché européen video/DVD IVF 2003 : Phase de maturité », http://www.ivfvideo.org/MarcheEuropeenVideoDvd2003.pdf 89 Voir la retranscription complète de cet entretien en annexe. 88 63 l’évaluerais pour la France à plusieurs centaines de millions d’euros, tant dans l’univers virtuel que pour les supports physiques. »90. Bien qu’une menace sérieuse pointe pour l’industrie cinématographique, celle-ci paraît mieux armée pour faire face aux défis lancés par le nouvel environnement numérique (voir le deuxième chapitre). Cette industrie est en effet très demandeuse, et par là même quelque peu dépendante, des nouvelles technologies. De la sorte, cette industrie est accoutumée aux changements technologiques relativement rapides. Elle parvient même souvent à les anticiper voire à les impulser (notamment dans le cas du DVD née au sein de l’alliance DVD Forum). L’industrie cinématographique dispose de capacités fortes pour faire évoluer son modèle d’affaires en un laps de temps réduit. Elle l’a démontrée ces dernières années en s’adaptant à l’essor du cinéma à domicile et aux technologies numériques. La section suivante propose une analyse globale, économique et financière, du processus de transfert d’utilité entre les industries culturelles et les industries des réseaux et de l’informatique91. 3. La dynamique du transfert d’utilité des industries culturelles vers les réseaux Plusieurs chercheurs du CERNA92 réunis sous la direction d’Olivier Bomsel ont étudié le développement du haut-débit et son impact sur les industries culturelles93. Ils ont constaté qu’il existe une relation de complémentarité et de concurrence, entre les industries culturelles et les réseaux (Internet etc.). Plus précisément, ils analysent le déploiement des réseaux Internet à haut-débit comme un facteur destabilisant les industries culturelles : selon eux, ce phénomène résulte d’un transfert d’utilité des industries de contenu vers les industries des réseaux. 3.1 La thèse du transfert d’utilité « Les applications décentralisées de partage de fichiers — issues des technologies de Peer-to-Peer (P2P) — permettent aux réseaux numériques de diffuser des contenus en contournant les droits de propriété intellectuelle et en abaissant les coûts de diffusion. Les bénéfices apparents pour le consommateur constituent une incitation puissante au développement industriel du P2P et à l’adoption irréversible des technologies induites sur les réseaux. Ce processus engendre une dynamique de transfert d’utilité entre 90 Voir la retranscription complète de cet entretien en annexe. Cette analyse ne doit pas être interprétée comme la stigmatisation de comportements intentionnels des acteurs en présence mais entendue comme un constat des conséquences induites par l’agrégation de comportements d’intervenants variés. Parmi ces intervenants figurent également les consommateurs eux-mêmes. 92 Centre d’économie industrielle de l’Ecole des Mines de Paris. 93 (sous la direction de) Bomsel (O.), « Enjeux économiques de la distribution des contenus », CERNA, janvier 2004. 91 64 les industries de contenus, à commencer par la musique, et celles de l’accès à Internet : ce transfert procède d’une évasion massive de contenus via le P2P, et de la capture par les réseaux d’un consentement-à-payer additionnel pour l’accès. »94 Le raisonnement des chercheurs est double : en premier lieu ils constatent que le P2P constitue une évasion des contenus distribués et/ou produits par les industries culturelles. En second lieu, ils dressent un autre constat : celui de la croissance très forte du nombre des connexions à haut-débit (en Europe, en Amérique du Nord etc.). Le liant tiré de ces deux constats résulte du consentement des consommateurs à payer pour disposer de connexions à haut débit : ceux-ci acceptent d’autant plus facilement le paiement dans la mesure où ils savent qu’ils peuvent ‘amortir’ le coût de revient de leur connexion en téléchargeant gratuitement, et souvent illicitement, des contenus. La thèse des chercheurs du CERNA consiste donc à analyser ces deux phénomènes comme étant intégrés au sein d’une même dynamique. Cette dynamique globale est celle d’un transfert d’utilité des industries de contenu vers les industries des réseaux (dont les FAI). Leur raisonnement n’est pas discriminant : ils se contentent de dresser une perspective globale et ne visent pas spécialement les industries des réseaux. Ils ne font que constater un phénomène économique, contrairement à ce que certains ont pu leur reprocher. 3.2 La théorie de la dynamique de complémentarité contenus/réseaux « La numérisation des contenus crée de nouvelles versions (nouveaux codages, nouveaux supports, nouveaux accès) présentant des utilités nouvelles. (...) Si les utilités apportées par ces versions se différencient trop peu des versions existantes, elles ne font que concurrencer les versions et réseaux en place et réduisent la valeur des marchés adressables. Inversement, si les utilités offertes par les nouvelles versions sont différenciantes, et que leur prix permet d’étendre les marchés, une dynamique de développement complémentaire des contenus et des réseaux peut alors s’engager. »95 Cette autre citation de leur étude illustre la dynamique de la complémentarité existant entre contenus et réseaux. Les réseaux et contenus ne sont stricto sensu réellement complémentaires que lorsque l’équilibre entre les acteurs économiques est possible. Cela implique également que les versions des contenus soient différenciantes car dans le cas contraire, ce sont de parfaits substituts. Or l’effet de substitution, comme cela a été précédemment évoqué, détourne les consommateurs (lorsque la qualité et la version sont 94 95 Idem, page 4. Idem, voir page 9. 65 très proches) des offres légales. Le P2P engendre en partie cet effet de substitution pour les oeuvres musicales simples (i.e. non filmées). Cet effet est pour l’instant assez faible pour les oeuvres cinématographiques et audiovisuelles. Par conséquent, les auteurs de cette étude pensent qu’il est souhaitable de rétablir les conditions recréant des versions différenciantes et licites en limitant au maximum le P2P. Ils proposent une solution originale dont la mise en oeuvre pourrait s’avérer complexe. Elle n’est pas sans soulever de sérieux problèmes. 3.3 La tarification de l’upload comme ultime solution ? Cette solution consiste à taxer l’upload. La finalité de cette tarification serait de contribuer à un rééquilibrage entre les réseaux et les contenus : « Une menace réglementaire de tarification de l’upload favoriserait la mise en oeuvre volontaire de partenariats réseaux-contenus subventionnant l’accès par d’autres moyens. »96 Actuellement, l’upload (ou flux montant, allant de l’ordinateur d’un particulier ou d’une entreprise vers Internet) n’est pas tarifé ni limité de quelque manière que ce soit. La solution des chercheurs du CERNA vise à taxer l’upload car en procédant ainsi, les émetteurs de fichiers illicites seraient fortement dissuadés de continuer leurs activités. En effet, dans le cadre d’une tarification de l’upload, ils seraient alors amenés à payer pour que d’autres utilisateurs puissent télécharger des oeuvres à partir de leur disque dur. Il est évident que la plupart des pirates arrêteraient de diffuser les oeuvres protégées sur les réseaux P2P si cette tarification était suffisamment élevée pour devenir un facteur répulsif. En conséquence, les oeuvres dupliquées ne sortiraient plus de la seule sphère où elles sont légalement admises (cf. l’exception pour copie privée) : la sphère privée. Cette proposition de solution a le mérite de faire nettement avancer le débat économique concernant le piratage et les parades éventuelles. Toutefois elle semble fort délicate à mettre en oeuvre. En effet, l’upload ne sert pas qu’à transmettre des fichiers pirates. 96 Idem, page 5. 66 • Quelques exemples d’usages licites mobilisant des flux d’upload : -Simple connexion à Internet : le fait de surfer implique de petits flux récurrents d’upload (échanges client/serveur). -Correspondance privée par email (impliquant souvent l’échange de documents). -Création et actualisation d’un site Internet : upload du site à partir de l’ordinateur du webmestre vers le serveur de l’hébergeur. Plus la taille du site est importante, plus le flux d’upload l’est également. -Communication : vidéoconférence (par webcam), téléphonie (par IP), messagerie instantanée -Echanges de fichiers légaux (l’émetteur est titulaire des droits ou le créateur a concédé une licence de type copyleft ou de diffusion libre) par FTP, P2P, messageries instantanées et email. Cette liste non exhaustive des usages légaux de l’upload témoigne de la difficulté d’application de la solution de tarification de l’upload. Cela reviendrait en effet à renverser la conception même de l’Internet : par défaut, les flux d’upload seraient considérés comme véhiculant des contenus illicites, les contenus (légaux) et communications privées étant l’exception. Ceux-ci ont confirmé cette conception dans un article paru dans Libération97 : « La pénalisation de l’upload rétablirait de facto une rivalité des fichiers accessibles. Dans un tel dispositif, la communication privée, considérée comme dérogatoire, pourrait bénéficier d’exemptions. » La mise en place d’une telle tarification reviendrait ainsi à restreindre la liberté de communication et la liberté d’expression par le biais d’une contrainte financière98. Pour communiquer ou échanger des documents ou des oeuvres (licitement), le citoyen devrait alors payer. Cela aboutirait également à freiner l’essor de la société de l’information. Il semble pourtant assez bien établi que celle-ci concourre à la croissance économique des nations. En outre, si la France appliquait seule cette solution, cela constituerait un facteur fort discriminant tant pour les entreprises que les particuliers dans le contexte de l’intensification de la compétition économique internationale. Si l’on fait abstraction de ce délicat renversement de paradigme, la mise en place de cette solution semble plus que complexe. Pour parvenir à créer les 97 Bomsel (O.) et Le Blanc (G.), « Nouvelle économie des contenus, nouvelle utopie. », Libération, 17 février 2004. 98 Les webmestres les moins argentés pourraient être dissuadés de créer ou d’actualiser leurs sites Internet à cause de la tarification de l’upload. Cela contribuerait ainsi indirectement à restreindre la liberté d’expression en lui conférant un coût artificiel qui n’existe pas actuellement, les flux d’upload n’étant pas tarifés actuellement. 67 exemptions évoquées par les auteurs, il faudrait en effet instaurer un système général de filtrage intégral99 des flux d’upload afin de déterminer notamment les extensions des fichiers, le type de protocole utilisé etc. Même en admettant que ce filtrage soit accepté par les citoyens de la République Française, comment pourraient être distingués les contenus légaux des contenus illégaux ? Il n’y a pas de solution permettant réellement de procéder à une telle distinction dans le contexte actuel. Cela reviendrait donc à taxer tous types de contenus, y compris ceux créés par l’émetteur ou véhiculés par celui-ci en conformité avec la législation. Or, il convient de rappeler que si le piratage nuit fortement aux industries culturelles (et contribue à détruire des emplois), la majorité des internautes ne pirate pas. La plupart des études s’accordent à donner une fourchette d’internautes pirates comprise entre 30% et 38%100. Cette solution s’avère donc originale mais soulève beaucoup de problèmes relatifs à la préservation des libertés fondamentales et de l’intérêt général. CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE Le piratage entraîne des effets majeurs sur le modèle d’affaires de l’industrie du disque tandis que l’industrie cinématographique semble encore relativement épargnée. Le piratage impacte réellement l’économie des industries culturelles : la récession du marché du disque et les apports théoriques corroborent cet effet. Toutefois le véritable débat se situe peut-être ailleurs : pourquoi l’industrie du disque est-elle autant affectée par le piratage alors que l’industrie cinématographique ne l’est que dans de faibles proportions ? L’effet de substitution, nettement plus fort dans le cas des oeuvres musicales pour le moment, ne justifie pas entièrement ce décalage. En fait, en recadrant le débat dans la perspective des stratégies à long terme menées par les industries culturelles, ce décalage pourrait être la conséquence d’importantes erreurs stratégiques. L’industrie du disque n’a pas suffisamment régénéré elle-même son modèle d’affaires : elle n’a pas assez anticipé la demande des consommateurs en faveur d’oeuvres disponibles en ligne et à un moindre coût. Ce faisant, elle a dû s’adapter ces dernières années aux tendances en développement au lieu de les impulser ou de les accompagner. Dans le même temps, l’industrie cinématographique, de plus en plus liée aux évolutions technologiques, semble avoir procédée à l’inverse. Cette industrie a en effet impulsé l’innovation technologique nécessaire au 99 Aucun pays démocratique n’a mis en place un tel système. En fait, hormis la Chine, aucun pays ne filtre totalement l’Internet. 100 Voir les estimations publiées en ligne par le Journal du Net. www.journaldunet.com 68 dynamisme de son marché (via le DVD, entre autres) et adaptée en conséquence son modèle d’affaires (essor de l’édition vidéo et promotion intensive du home cinema). Dans la deuxième partie, les nouvelles stratégies en cours de développement seront abordées. Celles-ci s’accompagnent obligatoirement d’évolutions réglementaires majeures permettant d’encadrer juridiquement et de sécuriser techniquement de nouveaux produits, de nouveaux modes de diffusion et de distribution des oeuvres culturelles. La finalité de ces stratégies est essentiellement orientée vers l’adoption de l’environnement numérique en ligne, ce qui induit donc très probablement une évolution des modèles d’affaires. La deuxième partie est ainsi consacrée à l’impact des industries culturelles sur la révolution numérique. Cette partie est empreinte d’une démarche se focalisant essentiellement sur la prospective, les enjeux stratégiques et les choix stratégiques des industriels. DEUXIEME PARTIE – PROSPECTIVE ET STRATEGIE – L’IMPACT DES INDUSTRIES CULTURELLES SUR LA REVOLUTION NUMERIQUE Dans le cadre de la lutte antipiratage, et de manière plus générale, de l’adaptation des industries culturelles à l’environnement numérique, deux logiques complémentaires sont mises en oeuvre. La première repose sur l’adaptation à l’environnement numérique de la législation européenne en matière de droit d’auteur et des droits voisins (les Etats-Unis ayant déjà procédé à une telle adaptation en 1998, via le Digital Millennium Copyright Act). La seconde logique vise vise à instaurer de fortes protections techniques sur tous les types de supports - physiques ou numériques – ainsi qu’à faire évoluer les modes de distribution des oeuvres, créer de nouveaux marchés via les nouvelles technologies, et proposer de nouveaux standards numériques très performants et sécurisés. Ces deux logiques sont tellement complémentaires qu’elles semblent indissociables : sans la légalisation des dispositifs techniques anti-copie et des DRM, les industries culturelles ne pourront pas faire évoluer leurs supports (physiques et numériques). Ces deux logiques soulèvent toutefois quelques problèmes complexes. Ainsi, une des problématiques centrales propre à la sécurisation intégrale des supports concerne la copie privée. Dans un contexte où toutes les oeuvres seront protégées techniquement, comment les industries culturelles pourront-elles se conformer aux lois en vigueur dans plusieurs pays européens (dont la France) qui reconnaissent l’exception pour copie privée ? En d’autres termes, comment l’exception pour copie privée pourra-t-elle être préservée alors que les dispositifs techniques n’ont qu’une seule vocation : empêcher toute 69 copie numérique ? La question de la copie privée pourrait être paradoxalement plus facile à régler pour les supports numériques que pour les supports physiques (CD, DVD, SACD..). En effet, les DRM qui s’appliquent aux supports numériques autorisent toute une palette d’actions de protection des oeuvres. Les producteurs peuvent alors autoriser une seule copie numérique de l’oeuvre, plusieurs, ou aucune : les DRM autorisent une certaine flexibilité. Par ailleurs, les législateurs européens ont réagi rapidement afin d’aider les industries culturelles à endiguer le piratage. Les directives récentes concernant le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information visent avant tout à permettre l’application dans l’environnement numérique du droit d’auteur et des droits voisins. L’autre pendant a consisté à responsabiliser les acteurs de l’Internet afin que ceux-ci concourent plus activement à la lutte antipiratage menée par les industries culturelles. La directive dite commerce électronique a posé les fondements de la responsabilisation des intermédiaires techniques des réseaux. Les parlementaires français sont en train de terminer la transposition de cette directive, via la loi pour l’économie numérique (LEN), qui va être examinée prochainement en commission mixte parlementaire. Les évolutions réglementaires récentes (ou en cours d’élaboration) ouvrent donc la voie à de nouvelles formes d’exploitation des oeuvres dans l’univers des réseaux mais visent également à légaliser la sécurisation des supports physiques. En parallèle, les évolutions techniques permettent de concrétiser l’adoption des technologies numériques par les industries culturelles. Toutefois, ce tableau idyllique est imparfait : il subsiste encore de nombreux problèmes à résoudre. Notamment, les modèles d’affaires de distribution numérique actuellement en phase de test ne sont pas encore très satisfaisants. De même, les industries culturelles doivent également parvenir à convaincre les consommateurs d’acheter des versions légales des oeuvres, en proposant à ces derniers des niveaux de prix jugés acceptables. Or en la matière, l’équation ne semble pas si facile à résoudre. Le chapitre suivant traite de l’application du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information et souligne également la responsabilisation des intermédiaires techniques. CHAPITRE I – L’APPLICATION DU DROIT D’AUTEUR ET DES DROITS VOISINS DANS LA SOCIETE DE L’INFORMATION ET LA RESPONSABILISATION DES INTERMEDIAIRES TECHNIQUES L’application du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information a induit deux évolutions réglementaires complémentaires. La première évolution a consisté à responsabiliser les acteurs de la société de l’information afin 70 que ceux-ci contribuent à faire respecter la réglementation et qu’ils puissent ainsi concourir à la lutte antipiratage (indirectement). La seconde évolution vise à renforcer le droit d’auteur et les droits voisins afin de pouvoir les appliquer réellement dans l’univers numérique. Toutefois, ce renforcement des réglementations soulève plusieurs problèmes, à commencer par la nécessité de faire cohabiter une protection technique forte tout en autorisant conditionnellement la copie privée. 1. La responsabilisation des acteurs de la société de l’information 1.1 La responsabilisation des intermédiaires techniques des réseaux a) Les origines La problématique centrale des législateurs européens et français a été de déterminer la manière d’établir la responsabilité compte-tenu des enjeux techniques propres à l’Internet. Média déterritorialisé, Internet diffère complètement du modèle de la responsabilité en cascade en vigueur au sein de la Presse « traditionnelle ». Si un directeur de la publication peut procéder à un contrôle des textes avant publication, ce n’est pas du tout le cas sur Internet (hormis pour les grands groupes de communication présents sur Internet). Le contrôle ne peut se faire qu’a posteriori et n’importe quel internaute est susceptible de publier sur Internet, que ce soit via des forums ou en créant son site web personnel. La deuxième difficulté réside dans les caractéristiques même du réseau des réseaux : par définition sur Internet le contenu est transmis quasiment instantanément, il peut être modifié par la suite et peut changer de localisation virtuelle en un laps de temps très réduit. La troisième difficulté est d’identifier l’auteur du contenu litigieux étant donné que l’on peut publier anonymement ou au moyen d’un pseudo. Il faut noter que cette troisième difficulté d’identification a joué un rôle non négligeable dans la responsabilisation des hébergeurs car le législateur partant du principe que l’auteur étant difficilement identifiable, il doit alors être possible d’agir via un acteur économique facilement identifiable : l’hébergeur. b) Une responsabilisation à l’échelle internationale (droit comparé) Le régime de responsabilité des intermédiaires techniques tel que défini par la directive sur le commerce électronique en Europe est relativement proche du régime 71 défini par le DMCA101. Ces deux textes utilisent, avec certaines nuances, la même analyse. Ils partagent une distinction tripartite entre les activités de simple transport102 (comprenant également les opérations de stockage automatique induites par ce simple transport), les activités de stockage des données au moyen de caches informatiques nécessaires au bon fonctionnement des réseaux informatiques, et les activités d’hébergement. Le DMCA ajoute une quatrième activité relative à la recherche et au traitement d’information et de référencement. Les intermédiaires opérant une activité de simple transport ou de caches sont exonérés103 de toute responsabilité sous réserve de respecter des conditions de neutralité, autrement dit ils ne doivent pas interférer dans le processus d’échange sous peine de perdre cette exonération de responsabilité. La responsabilité des hébergeurs est un sujet autrement plus pertinent du fait de la mise en ligne de contenus illicites sur des sites Internet via ces hébergeurs. La directive sur le commerce électronique conditionne fortement leur exonération de responsabilité, tout comme le DMCA. Au niveau communautaire, cette exonération suppose que l’hébergeur n’ait pas eu effectivement connaissance d’activité ou d’information illicites. Dès le moment où il acquiert de telles connaissances, il doit agir promptement pour faire cesser ce préjudice (article 14 de la directive). La directive s’avère plus floue que le DMCA sur la procédure à suivre pour qu’un titulaire ou cessionnaire de droits puisse porter à la connaissance de l’hébergeurs l’existence de contenus illicites sur ses serveurs. Le DMCA détaille en effet une procédure spécifique aux activités d’hébergement (et de référencement) : le notice and take down104. Cette procédure repose sur une notification d’un titulaire de copyright portant sur un contenu transmis en violation des droits de ce même titulaire. L’intermédiaire technique est tenu d’ agir promptement afin d’empêcher l’accès au contenu litigieux. Cette procédure est bien entendu très encadrée : le prestataire technique notifié doit ensuite informer la personne à l’origine de la transmission du contenu litigieux que celui-ci sera supprimé. En cas de réponse sous forme de contre notification, le prestataire a l’obligation de rétablir l’accès au contenu litigieux sous dix jours, sauf si le titulaire de copyright a intenté une action judiciaire durant ce délai. 101 Sur cette question, cf. notamment l’article suivant : Begue (S), Cohen-Tanugi (L) : « droit d’auteur et copyright face aux technologies numériques : comparaisons transatlantiques » , Légipresse n°178, janvier/février 2001. 102 Les activités dites de simple transport correspondent à celles réalisées par les opérateurs de télécommunication dans le cadre de l’acheminement d’informations par leurs réseaux de communication. 103 Voir notamment les articles 12 et 13 de la directive sur le commerce électronique. 72 c) Les choix français en matière de responsabilisation : la LCEN Le projet de loi pour la confiance dans l’économie numérique105, adopté en seconde lecture par le Sénat le 8 avril 2004106, précise (entre autres) la responsabilité des prestataires techniques de la société de l’information. En ce sens, il s’avère à la fois complémentaire et indissociable du projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information107. Ce processus de responsabilisation limitée vise notamment à donner aux producteurs culturels, aux auteurs, artistes, et à leurs représentants respectifs, des moyens d’action adaptés à l’univers numérique. En effet, jusqu’à présent et contrairement à ce qui a été affirmé, il n’existe pas à proprement parler de vide juridique en matière de droit de propriété intellectuelle sur Internet puisque le droit d’auteur et les droits voisins s’appliquent sur tous supports, physiques ou virtuels. En revanche ce sont des dispositions juridiques permettant d’appliquer aux réseaux (dont Internet) l’ensemble du droit de propriété intellectuelle qui ont fait défaut. A travers ce projet de loi pour la confiance dans l’économie numérique, le législateur a donc souhaité combler ce manque de moyen. Il convient de noter que cette transposition a lieu hors délai, comme l’a rappelé M. Devedjian (Ministre délégué à l’Industrie) : « L' adoption de ce texte mettra fin au retard de la France dans la transposition de la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique, prévue au plus tard pour le 17 janvier 2002, et sur laquelle la France a reçu un avis motivé de la Commission européenne. La France a pris un retard préjudiciable dans la prise en compte de l' impact de la révolution numérique en cours. L' explosion de la bulle financière de l' internet et des télécommunications, ne doit pas occulter le développement fulgurant des usages du numérique. »108 Le législateur entend donc conférer une responsabilité limitée aux hébergeurs109 à travers le deuxième alinéa de l’article 2 bis de la LCEN110. « 2. Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le 105 Voir le projet de loi tel qu’adopté par les sénateurs en seconde lecture, projet de loi n°71 de la session ordinaire 2003-2004, http://ameli.senat.fr/publication_pl/2003-2004/144.html. 106 Voir notamment : Rédaction de ZDNet France, « Economie numérique et liberté d’expression : avant-dernier cap franchi pour la LCEN », 9 avril 2004, www.zdnet.fr 107 Ce projet de loi vise à transposer la directive du 8 juin 2001. 108 Voir le compte-rendu analytique officiel de la séance du 8 avril 2004 sur le site internet du Sénat. 109 Un hébergeur est une personne physique ou morale réalisant des prestations de stockage de données (sites web notamment), à titre gratuit ou onéreux. 110 LCEN : projet de loi pour la confiance dans l’économie numérique 73 stockage [ ] de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d' un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible. »111 Le législateur français a donc transposé strictement la directive sur le commerce électronique en ce qui concerne les hébergeurs en instaurant une procédure de notification comme l’autorise la directive (article 2 al. 5). Contrairement à la procédure américaine de notice and take down, le législateur français ne retient que la procédure de « notice » ou notification. La deuxième étape (le « take down américain ») doit faire l’objet d’une procédure judiciaire. L’article 2 bis permet également aux producteurs ou aux auteurs de notifier, selon une procédure contractuelle, la présence de contenus illicites à un hébergeur. En parallèle à ce processus de responsabilisation des hébergeurs, le législateur a prévu aux termes de l’article 2 bis, alinéa 4, de sanctionner les abus de notification afin d’encadrer au maximum cette procédure et d’éviter ainsi que certains demandeurs n’engagent ce type de procédure à la fin intentionnelle de faire retirer volontairement un contenu qui ne serait pas illicite. Enfin, il convient de préciser que la LCEN transpose strictement la directive sur le commerce électronique en ôtant toute obligation de surveillance générale des contenus par les hébergeurs (alinéa 7 de l’article 2 bis)112. Ceux-ci peuvent néanmoins être amenés à procéder à des mesures de filtrage ciblé à condition que la requête émane de l’autorité judiciaire (alinéa 7 de l’article 2 bis). Le législateur français est en train de créer un cadre juridique spécifique à Internet, en le différenciant finalement de la communication audiovisuelle. La seule responsabilisation des intermédiaires techniques ne suffit pas à endiguer le piratage toutefois elle paraît être une condition importante du succès de la lutte antipiratage 111 Voir le site du Sénat : www.senat.fr Alinéa 7 de l’article 2 bis du projet de loi LCEN adopté en 2ème lecture par le Sénat : « 7. Les personnes mentionnées aux 1 et 2 ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu’elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites. Le précédent alinéa est sans préjudice de toute activité de surveillance ciblée et temporaire demandée par l' autorité judiciaire. Le ministre en charge des communications électroniques encourage les personnes mentionnées au 2 à élaborer une charte de bonne conduite afin d' empêcher les infractions visées aux cinquième et huitième alinéas de l' article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et à l' article 227-23 du code pénal. » 112 74 menée par les industries culturelles. Dans la section suivante sera analysée la responsabilité sur les réseaux P2P. 1.2 La responsabilité sur les réseaux P2P La responsabilisation des intermédiaires techniques ne peut suffire en matière de P2P. Les fournisseurs d’accès à Internet se bornant en principe à transmettre des contenus sans interférer dans le processus (condition de neutralité), il convient d’envisager la responsabilité des acteurs directs des réseaux P2P. En outre, la responsabilité des hébergeurs ne peut être envisagée : les logiciels P2P n’utilisent pas d’intermédiation technique, au contraire : les logiciels répertorient les adresses IP des utilisateurs et les contenus proposés. Ces contenus sont uniquement stockés sur les disques durs des millions d’utilisateurs de ces réseaux et non sur les serveurs des hébergeurs. Seul un cas particulier peut être relevé : certains webmestres créent des liens hypertextes sur leur site web (stocké sur un serveur d’hébergeur) vers des contenus protégés distribués sur les réseaux P2P. Dans ce contexte, l’hébergeur pourrait voir sa responsabilité engagée. Par ailleurs, la directive du 8 juin 2000113 sur le commerce électronique exonère les opérateurs de télécoms de toute responsabilité à condition que ceux-ci respectent le principe de neutralité. Ce principe de neutralité suppose que l’opérateur se limite à des activités de simple transport : cela implique que l’opérateur de télécoms ne soit pas à l’origine de la transmission, qu’il ne sélectionne pas le destinataire et qu’il ne modifie pas les informations transmises114. En outre, le projet de loi LCEN (qui transpose cette directive) retient également ce dispositif juridique mais précise tout de même que les fournisseurs d’accès à Internet doivent être en mesure de fournir l’identité de leurs clients aux autorités judiciaires (article 2 bis paragraphe II). Il semble ainsi plus opportun de se focaliser sur les personnes à l’origine des délits plutôt que sur des intermédiaires qui peuvent néanmoins jouer un rôle non négligeable dans la lutte contre le piratage. La responsabilité sur les réseaux P2P est partagée entre deux catégories d’acteurs : les éditeurs de logiciels de P2P qui fournissent le moyen de contrefaçon et les utilisateurs eux-mêmes. Au sein des utilisateurs, il faut distinguer les émetteurs des fichiers de ceux qui les téléchargent. 113 Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 « relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (directive sur le commerce électronique) ». 114 Voir l’article 12.1 de la directive commerce électronique du 8 juin 2000. 75 1.2.1 La responsabilité des éditeurs de logiciels P2P La responsabilité des éditeurs de logiciels P2P a déjà été étudiée par des autorités judiciaires aux Etats-Unis et aux Pays-Bas. Curieusement, cette responsabilité n’a pas été mise en cause en France alors que la législation française pourrait s’avérer plus favorable aux industries culturelles115. Les solutions jurisprudentielles étrangères actuelles sont toutes favorables aux éditeurs de logiciels de P2P, y compris aux Etats-Unis. La Cour du district central de Californie a estimé le 25 avril 2003 que les sociétés Grokster et Streamcast Networks ne pouvaient être tenus responsables116. Le juge a justifié sa décision par le fait que ces logiciels permettent de distribuer des oeuvres protégées illicites comme des oeuvres licites. En outre, à l’inverse de Napster qui était centralisé, les juges ont estimé que le caractère décentralisé de ces réseaux empêche les éditeurs de logiciels P2P d’agir sur les contenus transmis. La Cour d’Appel d’Amsterdam (Pays-Bas) avait rendu un arrêt assez similaire le 28 mars 2002 dans une affaire opposant l’équivalent local de la Sacem à Kazaa. Mme Castets-Renard explique ainsi dans son étude consacrée à la responsabilité sur les réseaux d’échange de fichiers illicites que « Cassant le jugement de première instance, qui avait condamné la société Kazaa, distributrice du logiciel P2P, la Cour d’appel a estimé que Kazaa ne pouvait être tenue pour responsable de l’utilisation illégale de son logiciel par les internautes qui l’ont téléchargé, tant au plan de la reproduction que de la distribution. La Cour considère en effet que la fourniture de moyens permettant la reproduction d’œuvres protégées n’est pas un acte de reproduction en soi. En outre, la société Kazaa n’avait pas de possibilités techniques de contrôler et d’empêcher l’échange de fichiers illicites. »117 1.2.2 La responsabilité des utilisateurs En matière de responsabilité des utilisateurs, il existe des jurisprudences étrangères, notamment aux Etats-Unis et au Canada. En outre, aucune affaire n’a été portée devant les tribunaux français pour l’instant mais le SNEP entend agir prochainement. 115 Voir Castets-Renard (C.), « La responsabilité sur les réseaux d’échange de fichiers illicites (peer-topeer) », Legalis, à paraître. 116 Voir Dumout (E.), « Morpheus et Grokster non coupables : les internautes bientôt dans le collimateur ? », 28 avril 2003, www.zdnet.fr 117 Voir Castets-Renard (C.), « La responsabilité sur les réseaux d’échange de fichiers illicites (peer-topeer) », Legalis, à paraître. 76 Un juge canadien de la Cour Fédérale d’Ottawa a rendu récemment une décision, le 31 mars 2004, dans le cadre d’une affaire opposant la CRIA (Canadian Recording Industry Association) et ses membres à des utilisateurs de Kazaa. La CRIA a demandé la communication de l’identité de 29 utilisateurs de Kazaa. Le juge a débouté la CRIA pour de nombreux motifs. Le juge a contesté la procédure retenue par la CRIA pour relever les adresses IP en notant qu’aucune explication concernant cette procédure n’a été fournie. Le juge a également contesté le caractère illégal du P2P en affirmant notamment que l’émetteur ne fait ni la promotion des fichiers placés dans le dossier de paratage du logiciel de P2P et qu’il ne réalisé par lui-même l’action visant à envoyer les dits fichiers. La décision de la Cour Fédérale d’Ottawa mentionne ainsi : “[28] The mere fact of placing a copy on a shared directory in a computer where the copy can be accessed via a P2P service does not amount to distribution. Before it constitutes distribution, there must be a positive act by the owner of the shared directory, such as sending out the copies or advertising that they are available for copying. No such evidence was presented by the plaintiffs in this case. They merely presented evidence that the alleged infringers made copies available on their share drives.”118 Cette décision est en partie imputable au fait que le Canada n’a pas encore signé les accords de l’OMPI119. A l’inverse du Canada, aux Etats-Unis la Justice a donné raison à la RIAA120 à plusieurs reprises. Une ordonnance de la Cour du District de Columbia du 21 janvier 2003121 a ainsi donné raison à la RIAA contre le fournisseur d’accès à Internet Verizon. La RIAA avait saisi la Justice afin d’obtenir l’identification de deux utilisateurs abonnés au fournisseur d’accès à Internet Verizon. Verizon refusait de donner les coordonnées de deux utilisateurs visés « en estimant qu’une telle pratique portait atteinte au droit constitutionnel à la vie privée de l’internaute et que le DMCA ne s’appliquait que si le matériel contrefait était stocké ou contrôlé sur les systèmes ou réseaux du fournisseur. »122. Depuis l’ordonnance du 21 janvier 2003, la RIAA a multiplié les procédures de demande d’identification. En France, la responsabilité des utilisateurs peut être envisagée en opérant une distinction entre l’émetteur et le destinataire qui télécharge les fichiers illicites. En 118 Extrait du jugement de la Cour Fédérale d’Ottawa du 31 mars 2004 dans l’affaire opposant la CRIA et ses membres à certains utilisateurs de Kazaa. 119 OMPI : Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle 120 Recording Industry Association of America 121 Dumout (E.), « Etats-Unis : un opérateur internet contraint de dévoiler l’identité d’un de ses abonnés. », 22 janvier 2003, www.zdnet.fr 122 Voir Castets-Renard (C.), « La responsabilité sur les réseaux d’échange de fichiers illicites (peer-topeer) », Legalis, à paraître. 77 outre, ni l’émetteur ni l’individu qui télécharge ne peuvent se prévaloir de l’exception pour copie privée définie aux termes de l’article L.122-5 du CPI. En effet, la copie privée dispose d’un champ d’application restreint à l’usage privé du copiste, or les réseaux P2P font une utilisation collective des oeuvres. L’article L.122-5 du CPI (au deuxième alinéa) n’autorisent ainsi que : « Les copies ou reproductions strictement réservées à l' usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective ». Par conséquent, toutes les oeuvres transmises sur les réseaux P2P, dont l’utilisateur n’est pas le créateur ou dont le créateur n’a pas donné une autorisation expresse de reproduction, sont illicites conformément à l’article L.122-4123 du CPI. Dans ce contexte, les fichiers illicites constituent des contrefaçons selon l’article L.335-3124 du CPI. La contrefaçon est durement sanctionnée : aux termes de l’article L.335-2 du CPI, il apparaît que « toute contrefaçon125 est un délit » puni de deux ans d’emprisonnement et de 150000 euros d’amende126. Lorsqu’un auteur estime que son oeuvre a été contrefaite, il peut saisir la Justice en intentant une action en contrefaçon. Les demandeurs peuvent également être ses ayants droits à condition qu’ils puissent prouver leur qualité. Il convient de noter que le ministère public peut également saisir le juge correctionnel. Dans la pratique, les sociétés d’auteurs sont également amenées à agir en contrefaçon lorsque celles-ci sont cessionnaires ou mandataires des droits de l’auteur. Si la législation française couvre assez pleinement les titulaires de droits contre l’exploitation illicite des oeuvres sur les réseaux P2P, il n’en demeure pas moins que les poursuites demeurent délicates tant d’un point de vue juridique que médiatique. En outre, de nouveaux réseaux P2P sont en cours de développement : ils visent à contrer toute attaque juridique des utilisateurs en rendant complètement anonyme les échanges. Ainsi les adresses IP ne sont pas vérifiables dans de tels réseaux. 123 Article L.122-4 du CPI : « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l' auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l' adaptation ou la transformation, l' arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. » 124 Article L.335-3 : « Est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une oeuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi. » 125 Les termes de contrefaçon et de piratage renvoient à la même idée de violation du droit d’auteur, néanmoins le concept de contrefaçon correspond à une définition juridique précise. Le terme « piratage » vient du langage courant, il indique en principe que la contrefaçon s’opère exclusivement dans l’univers numérique. 126 En cas de récidive, les peines encourues sont doublées (article L.335-9). 78 La loi relative à l’ informatique, aux fichiers et aux libertés du 6 janvier 1978 empêchait encore récemment de collecter les adresses IP des internautes contrefacteurs (ou pirates en langage commun). Or sans cette collecte d’adresses IP, les sociétés ou associations représentant les titulaires de droits ne pouvaient attaquer en justice les contrefacteurs. La CNIL considère que par la loi du 6 janvier 1978 les adresses IP sont indirectement des données nominatives, et relèvent donc de la vie privée des personnes. Elles ne peuvent être relevées sans porter atteinte à la vie privée. La CNIL s’oppose donc à toute collecte d’adresses IP visant à poursuivre les auteurs d’infractions. Les sénateurs ont toutefois adopté le 1er avril 2003 un projet de loi127 conférant la possibilité à certaines personnes morales de relever des informations nominatives. Le projet de loi en question énonce ainsi qu’il autorise certaines personnes morales à : « «procéder au traitement automatisé des informations nominatives concernant les infractions, condamnations ou mesures de sûreté». Or un amendement128 introduit par les sénateurs élargit la portée du projet de loi aux «personnes morales victimes d' infractions (...) pour les stricts besoins de la lutte contre la fraude». Par conséquent, ce projet de loi qui doit être examiné en seconde lecture par l’Assemblée Nationale pourrait permettre aux représentants des industries culturelles de collecter légalement les adresses IP des contrefacteurs. Néanmoins, il faut souligner que si des poursuites judiciaires semblent légitimes pour les importants contrefacteurs, elles peuvent induire des effets médiatiques contreproductifs. En agissant ainsi les industries culturelles et leurs représentants attaquent leurs propres clients. Cette situation pourrait amener un effet de fronde et générer ainsi une forte contreproductivité des investissements en marketing des industries culturelles. Aux Etats-Unis, les industries culturelles ont déjà lancé des poursuites judicaires contre environ deux milles contrefacteurs utilisant les réseaux P2P. Toutefois les effets dissuasifs voulus par la RIAA et les autres représentants risquent de n’avoir des effets qu’à court terme. En outre, une petite fronde est née en réaction à ces poursuites judiciaires. Parmi les principaux acteurs de cette fronde figure le site américain Downhill Battle129 qui tente de faire de l’activisme musical. 127 Projet de loi N° 762 du 2 avril 2003 « relatif à la protection des personnes physiques à l' égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l' informatique, aux fichiers et aux libertés ». 128 Voir Dumout (E.), « Le Sénat prépare la chasse aux adeptes des réseaux peer-to-peer », www.zdnet.fr, 25 avril 2003. 129 www.downhillbattle.org 79 De plus, ces actions judiciaires ont peut-être une certaine portée, une certaine efficience à court terme en dissuadant les internautes de devenir des contrefacteurs sur les réseaux P2P mais la technologie évolue plus vite que le droit actuellement. Or, plusieurs projets en développement visent à contrer (entre autres) la possibilité de relever les agissements des utilisateurs des réseaux P2P en rendant totalement anonymes ceux-ci. Les auteurs de ces projets tentent ainsi de créer des logiciels P2P reposant entièrement sur des échanges cryptés et incontrôlables, ce qui empêcherait de connaître l’adresse IP des utilisateurs. En opérant ainsi, sans adresse IP identifiée, les représentants des titulaires de droits ne pourraient identifier les contrefacteurs et ne pourraient alors plus procéder à des poursuites judiciaires. Parmi les projets de ce type, The Free Network Project130 semble être le plus avancé. Pour conclure cette section, il convient de souligner l’adaptation du droit aux nouvelles technologies et aux réseaux. Cependant, la mise en cause des éditeurs de logiciels de P2P semble très difficile compte-tenu des échecs successifs des derniers procès intentés tandis que la mise en cause des utilisateurs semble plus accessible actuellement. Stratégiquement, il serait plus intéressant pour les industries culturelles de fermer la source du piratage en faisant interdire les éditeurs de logiciels P2P. Cette stratégie de mise en cause de la responsabilité des contrefacteurs des réseaux P2P est actuellement mise en oeuvre par la RIAA mais comprend des limites non négligeables. Parmi celles-ci figurent l’impossibilité financière et juridique de poursuivre les millions d’internautes qui téléchargent illicitement des fichiers ainsi que la grande adaptabilité technologique actuelle qui va aboutir à la création de réseaux P2P décentralisés, cryptés et incontrôlables. C’est dans cette perspective qu’il faut lire cette citation de Jacques Vallée, cofondateur d’Arpanet, l’ancêtre d’Internet : « A San Francisco, où je vis, je rencontre régulièrement des hommes politiques français qui me demandent comment contrôler Internet. A tous, je fais la même réponse : vous ne pouvez pas le contrôler sans en freiner le développement. Internet n’est pas le minitel, qu’on fermait d’un coup de clef, mais un réseau organique, par essence incontrôlable. $%$ Les solutions répressives semblent peu adaptées aux enjeux majeurs que doivent affronter les industries culturelles. Ces solutions peuvent être utilisées en complément d’autres solutions traitant réellement le fond du problème. En réalité, d’un point de vue stratégique, la question n’est pas tant de défendre en aval les industries culturelles que de les protéger au maximum en amont. 130 131 www.freenetproject.org Extrait d’un entretien avec Jacques Vallée paru dans l’Express du 29 mars 2004. 80 Or des législations ont été adoptées récemment, ou sont en cours d’adoption, afin d’autoriser et de légaliser de meilleurs protections techniques des oeuvres culturelles en amont de la chaîne. 2- Les directives enforcement : vers un retour au respect des droits exclusifs sur les réseaux Face au déséquilibre des rapports qui s’est instauré entre les créateurs, artistes, producteurs d’une part et les utilisateurs pirates d’autre part, Bruxelles a souhaité donner des armes aux industries culturelles afin que celles-ci puissent protéger correctement les oeuvres en amont de la chaîne de valeur. 2.1 La légalisation des dispositifs techniques anti-copie, des DRM et l’interdiction de leur contournement « (11) Un système efficace et rigoureux de protection du droit d’auteur et des droits voisins est l’un des principaux instruments permettant de garantir à la création et à la production culturelles européennes l’obtention des ressources nécessaires et de préserver l’autonomie et la dignité des créateurs et interprètes. » Considérant 11 de la directive du 22 mai 2001132 « (25) L' insécurité juridique qui entoure la nature et le niveau de protection des actes de transmission à la demande, au moyen de réseaux, d' œuvres protégées par le droit d' auteur et d' objets relevant des droits voisins doit être supprimée par la mise en place d' une protection harmonisée au niveau communautaire. Il doit être clair que tous les titulaires de droits reconnus par la présente directive ont le droit exclusif de mettre à la disposition du public des œuvres protégées par le droit d' auteur ou tout autre objet protégé par voie de transmissions interactives à la demande. Ces transmissions sont caractérisées par le fait que chacun peut y avoir accès de l' endroit et au moment qu' il choisit individuellement. » Considérant 25 de la directive du 22 mai 2001133 2.1.1 L’esprit de la directive du 22 mai 2001 La directive du 22 mai 2001 relative à l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information vise à adapter la législation européenne, en matière de droit d’auteur et de droits voisins, à la société 132 Directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 « sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information ». 133 Idem. 81 de l’information. En procédant ainsi, le législateur a souhaité restaurer une certaine capacité de contrôle de l’exploitation des oeuvres pour les créateurs, artistes et producteurs. Les deux considérants cités ci-dessous (numéros 11 et 25) témoignent de l’esprit de cette directive. Le législateur européen entend ainsi encadrer rigoureusement l’exploitation numérique des oeuvres sur les fondements mêmes du droit d’auteur et des droits voisins. La directive rappelle134 aux termes de l’article 2 que le droit de reproduction est un droit exclusif qui consiste à autoriser ou à interdire la reproduction des oeuvres sur tous les types de support. Le droit de reproduction est au fondement même du droit de la propriété littéraire et artistique, il est accordé aux créateurs, artistes et producteurs et organismes de radiodiffusion. La finalité de cette directive est d’adapter la législation aux nouveaux modes de consommation et d’exploitation numérique des oeuvres. Considérant que les oeuvres peuvent être assez facilement contrefaites dans l’univers numérique et que les technologies numériques permettent par définition une reproduction identique au support original, le législateur européen entend ainsi définir les modalités d’exploitation des oeuvres dans l’environnement numérique. Cette directive revêt un intérêt fondamental car elle autorise les dispositifs techniques anti-copie135 sur les supports ainsi que les systèmes de contrôle des droits numériques (Digital Rights Management Systems ou DRMS). Le législateur ayant pris conscience que les nouvelles technologies permettent aisément de contourner ces protections, il a également décidé d’instaurer une interdiction du contournement des protections. Cette directive légalise ainsi l’utilisation des dispositifs techniques protégeant les oeuvres numériques, tout en reconnaissant des limitations au droit de reproduction, notamment dans le cadre de la copie privée (article 5 de la directive, paragraphe b, deuxième alinéa). Il convient de souligner que les dispositifs anti-copie visent à empêcher toute reproduction numérique d’une oeuvre tandis que les systèmes de DRM visent à contrôler l’utilisation de l’oeuvre. Le contresens parfait serait d’affirmer que les systèmes de DRM bloquent toute duplication numérique. En fait les systèmes de DRM permettent un contrôle quasi parfait des droits accordés à l’utilisateur car ils modulent les autorisations de reproduction en fonction des choix préalables effectués par les titulaires de droits136. Ce dispositif juridique n’est pas sans soulever certains problèmes. En particulier, l’enjeu fondamental en la matière concerne la compatibilité 134 Le législateur européenne rappelle non seulement ce fondement essentiel du droit de la propriété littéraire et artistique mais vise également à harmoniser le droit de la PLA au sein des Etats-membres de l’UE. 135 A ce titre, la directive du 22 mai 2001 transpose le volet concernant les protections techniques des oeuvres du Traité OMPI ratifié en 1996. 136 Voir les explications techniques plus détaillées dans le chapitre suivant. 82 entre les mesures techniques susmentionnées légalisées et l’exception pour copie privée en vigueur dans certains Etats membres de l’Union Européenne137. 2.1.2 La légalisation des mesures techniques de protection des oeuvres et l’interdiction de contournement Les mesures techniques de protection sont définies aux termes du troisième alinéa de l’article 6 de la directive du 22 mai 2001. Le législateur européen a adopté une définition large recouvrant aussi bien les dispositifs techniques anti-copie qui s’appliquent sur les supports physiques (CD, DVD etc.) que les dispositifs (DRM et DRMS par exemple) concernant les fichiers informatiques numériques. Les mesures techniques de protection renvoient ainsi à « toute technologie, dispositif ou composant qui, dans le cadre normal de son fonctionnement est destiné à empêcher ou à limiter, en ce qui concerne les oeuvres ou autres objets protégés, les actes non autorisés par le titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin (...) »138. Le législateur a pris soin de citer quelques exemples de mesures techniques, tels que « l’application d’un code d’accès ou d’un procédé de protection, tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l’oeuvre ou de l’objet protégé par un mécanisme de contrôle de copie (...) »139. Ces mesures techniques de protection bénéficient d’une sécurisation juridique destinée à augmenter leur efficience. Le législateur a interdit le contournement des mesures techniques de protection. Ce dispositif juridique est énoncé aux termes du premier alinéa de l’article 6 : « Les Etats membres prévoient une protection juridique appropriée contre le contournement de toute mesure technique efficace, que la personne effectue en sachant, ou en ayant des raisons valables de penser, qu’elle poursuit cet objectif. ». Afin de compléter et renforcer ce dispositif juridique, le législateur entend également proscrire la fabrication, l’importation, la commercialisation et la promotion d’outils permettant de contourner les mesures techniques de protection (deuxième alinéa de l’article 6). Seront ainsi sanctionnés les contournements des mesures techniques de protection, appelés plus communément craquages, mais également le fait de promouvoir, commercialiser ou fabriquer des outils permettant de tels contournements. Toutes ces exactions seront assimilées à de la contrefaçon. 137 Certains Etats membres de l’UE ne reconnaissent pas l’exception pour copie privée, par exemple l’Angleterre. Ce constat peut contribuer à justifier le choix du législateur européen qui définit la copie privée comme une exception facultative dans la directive du 22 mai 2001. Le législateur entend ainsi laisser aux Etats membres le choix de transposer ou non en Droit interne la copie privée. Cf. l’article 5 de la directive concernant les exceptions et limitations. 138 Directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 « sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information », Article 6, extraits du troisième alinéa. 139 Idem 83 2.1.3 La reconnaissance et la protection juridique des DRMS Les systèmes de contrôle des droits numériques sont reconnus et protégés aux termes de l’article 7 de la directive qui concerne les obligations relatives à l’information sur le régime des droits. Ces outils de contrôle permettent d’autoriser ou d’interdire tel ou tel usage des oeuvres mais comportent également des informations insérées dans le fichier lui-même. Parmi ces informations, figurent des données d’identification visant au suivi des oeuvres afin de limiter les contrefaçons numériques au moyen d’un ordinateur. Ces procédés dits de watermarking jouent un rôle important : ils permettent de marquer électroniquement l’oeuvre afin de pouvoir identifier à quel consommateur a été accordé l’utilisation de l’oeuvre. Par conséquent, ils permettront de tracer les utilisateurs indélicats commettant des actes de reproduction en violation du droit de reproduction des auteurs, artistes et producteurs. Les systèmes de gestion des droits numériques ont donc pour objectif de sécuriser les oeuvres, concourrant ainsi au développement de la distribution légale de fichiers numériques d’oeuvres culturelles. A titre d’exemple, l’Itunes Music Store d’Apple utilise ce type de d’outil. Le législateur affirme ainsi dans le considérant 55 de la directive que « L’évolution technologique facilitera la distribution d’oeuvres, notamment sur les réseaux, et il sera par conséquent nécessaire pour les titulaires de droits de mieux identifier l’oeuvre ou autre objet protégé (...) ». Les mesures techniques de protection comme les DRMS s’avèrent nécessaires dans l’univers numérique pour encadrer l’utilisation des oeuvres et les protéger. Toutefois certains s’inquiètent que les acteurs des industries culturelles ne détournent ces protections de leur finalité initiale afin de renchérir le coût d’utilisation d’une oeuvre en imposant une sorte de droit d’accès. Ces dispositifs ne sont pas sans conséquence sur le régime de la copie privée (voir la section 3 de ce chapitre). En outre, certains dispositifs anti-copie placés sur les CD se sont révélés faillibles car ils empêchent la lecture du support sur une certaine variété d’appareils électroniques grand public tels que des autoradios. La société EMI a ainsi été condamnée le TGI de Nanterre140 le 2 septembre 2003 non pour avoir installé un dispositif anti-copie sur un CD d’Alain Souchon mais parce que celui-ci était illisible sur un certain nombre d’appareils de lecture. Le jugement rendu indique ainsi que cette restriction 140 TGI de Nanterre, 6ème Chambre, Jugement du 2 septembre 2003, Françoise M./ EMI France, Auchan 84 d’utilisation constituait un vice caché. EMI avait déjà été condamnée141, pour un problème similaire sur un CD de Liane Foly, sur le fondement du droit à l’information dû aux consommateurs. Il s’avère que les mesures anti-copie ne sont pas encore parfaitement au point. Cette difficulté provient notamment du fait que le CD est un format qui n’a pas été conçu pour être protégé nativement. Par ailleurs, il convient de noter de fortes similitudes entre la directive du 22 mai 2001 et le Digital Millennium Copyright Act américain. 2.1.4 Le DMCA et la directive du 22 mai 2001 : éléments de comparaison Le DMCA et la directive du 22 mai 2001 comportent de nombreuses similitudes, notamment concernant les mesures techniques de protection. Certains ont cru y voir l’influence américaine sur le législateur européen alors qu’en réalité ces deux textes de loi transposent la même source : à savoir le Traité OMPI de 1996. Si ces deux textes protègent les mesures techniques de protection et interdisent leur contournement, ainsi que les activités visant à ce contournement, le DMCA va beaucoup plus loin en étendant les prérogatives allouées aux titulaires de droits, en restreignant la champ du « fair use » (la copie privée). Le DMCA ne prévoit pas d’exception aux droits exclusifs, hormis en faveur des bibliothèques sans but lucratif, comme le rappellent Stéphanie Begue et Laurent Cohen-Tanugi dans leur étude juridique142. Ainsi le DMCA ne propose aucune restriction à la mise en oeuvre de systèmes de protection empêchant les utilisations licites. Le « fair use » se voit donc affecté d’une forte restriction. La directive du 22 mai 2001 comporte plusieurs dispositifs visant à protéger les exceptions aux droits exclusifs sans toutefois délimiter clairement le modus operandi technique et juridique permettant de rendre compatible les exceptions et les mesures techniques. A ce titre, le quatrième alinéa de l’article 6 affirme clairement qu’en l’absence d’accords (y compris contractuels) entre titulaires de droits et utilisateurs sur les bénéfices des exceptions (dont la copie privée), les Etats membres doivent combler ces lacunes. La directive du 22 mai 2001 semble donc plus nuancée et apporte un certain équilibre entre les intérêts des parties en présence (les titulaires de droits et les utilisateurs) tandis que le DMCA apparaît peu modéré sur cette question. En 141 TGI de Nanterre, 6ème Chambre, Jugement du 24 juin 2003, Association CLCV c/ SA EMI France. Begue (S), Cohen-Tanugi (L) : « Droit d’auteur et copyright face aux technologies numériques : comparaisons transatlantiques » , Légipresse n°178, janvier/février 2001 142 85 complément de cette directive du 22 mai 2001, le législateur européen pourrait adopté prochainement une directive harmonisant horizontalement le droit communautaire en matière de sanctions anticontrefaçon. Ce projet de directive renforce également les sanctions prévues dans le cadre des contrefaçons numériques. 2.2 Le projet de directive « IP Enforcement » Le Parlement européen a adopté mardi 9 mars 2004, en première lecture143, le projet de directive « IP Enforcement » visant à renforcer les mesures et sanctions en matière de droit de la propriété intellectuelle. Ce projet proposé par la Commission européenne vise ainsi à harmoniser horizontalement les sanctions et procédures prévues dans ce domaine tout en les renforçant. Dans un communiqué, la Commission a présenté la finalité de cette directive : « La directive exigerait de l’ensemble des Etats membres que ceux-ci appliquent des pénalités efficaces, dissuasives et proportionnées contre les auteurs de piraterie et contrefaçons, de manière à créer des règles de jeux égales pour les détenteurs de droits dans l’Union Européenne. »144. Le législateur entend notamment renforcer les moyens d’action et les sanctions en matière de contrefaçon numérique. Le champ d’application de cette directive a été restreint par un amendement de dernière minute qui a été adopté par les députés européens. Cet amendement précise ainsi que les sanctions prévues par la directive ne sont applicables que lorsque les infractions ont été commises « en vue d’obtenir un avantage économique et commercial direct. ». Cet amendement pourrait donc exclure les agissements des particuliers téléchargeant ou proposant des contenus illicites via les réseaux P2P. De même, l’exception pour copie privée serait préservée. Ce projet de directive vise principalement à réprimer les contrefacteurs opérant de manière industrielle et souvent en bande organisée. En outre, ce projet de directive créerait un droit d’information. Ce droit d’information permettrait aux titulaires de droit victimes de violations de leurs droits de demander, via les autorités judiciaires compétentes, l’identité des contrefacteurs et la détermination des moyens utilisés pour ce faire, notamment en ce qui concerne les réseaux de distribution. Ce droit d’information est énoncé aux termes de l’article 9 du projet de directive « IP Enforcement ». La directive étant relativement floue sur le 143 Voir Dumout (E.), « Le Parlement européen adopte sans coup férir la directive sur la propriété intellectuelle », ZDNet.fr, 10 mars 2004. 144 Extrait du communiqué de la Commission européenne IP/04/316 du 9 mars 2004 intitulé « Propriété intellectuelle : la Commission se félicite du soutien du Parlement européen à la lutte contre la piraterie et la contrefaçon ». 86 champ d’application de cet article, il est probable que celui-ci s’applique tant aux contrefaçons matérielles qu’immatérielles. Le législateur européen introduit ainsi une mesure qui ressemble à l’article 512h145 du DMCA américain. Cet article 9 constitue une avancée pour les industries culturelles qui pourront ainsi demander l’identification de contrefacteurs utilisant les réseaux. Néanmoins, ce dispositif juridique est critiqué par des associations européennes et américaines représentant les citoyens ou les industries des réseaux et de l’informatique. Parmi ces organismes, le lobby d’origine américaine dénommé IP Justice146 s’avère être l’un des plus actifs. IP Justice accuse ainsi l’article 9 de légaliser des atteintes à la vie privée des citoyens et estime que cela engendrera une augmentation conséquent d’assignations légales contre les fournisseurs d’accès à Internet et certains de leurs clients147. Pour conclure cette section, il convient de constater les efforts importants entrepris par l’Union Européenne en vue de renforcer la protection des oeuvres et des droits, notamment dans la société de l’information. Par ailleurs, la directive de mai 2001 apporte des éléments très positifs pour les industries culturelles en sécurisant et légalisant les mesures techniques de protection. Cette avancée permet aux industries européennes de bénéficier d’un cadre juridique aussi sécurisé que celui offert par les Etats-Unis. En outre, cette sécurisation constitue la condition indispensable au développement des marchés de produits culturels en ligne. Ce cadre juridique communautaire contribue ainsi à l’émergence prochaine d’un marché européen des contenus en ligne licites et concourre à encourager son développement par les acteurs des industries culturelles ou d’autres industries. Il n’en demeure pas moins que la question de l’équilibre des droits reste en suspens. La question de la copie privée n’est pas résolue par la directive de mai 2001 qui se contente de réaffirmer cette exception sans donner plus de modalités pratiques quand à sa mise en oeuvre technique. Ainsi la section suivante tente de proposer une analyse centrée sur le dilemne de la copie privée en s’interrogeant sur une éventuelle contractualisation de la copie privée. 145 L’article 512h du DMCA (1998) a été utilisé à plusieurs reprises par les représentants des industries culturelles américaines (dont la RIAA) pour obtenir l’identification d’internautes présumés contrefacteurs. 146 Pour obtenir des informations détaillées sur ce lobby, ses statuts, ses missions, ses activités et ses prises de position, voir le site internet officiel : www.ipjustice.org. 147 « Un des points les plus critiques de ce projet de directive sur le respect des droits de "propriété intellectuelle" est l' article 9. Cet article crée un "droit à l' information" et d' assignation légale aux détenteurs de droits pour obtenir des informations privées sur les citoyens européens. En plus de violer la protection de la vie privée, l' article impose de façon déraisonnable aux universités, aux fournisseurs d' accès et aux différents tiers un volume d' assignation légale envers leurs clients. » Extrait du communiqué d’IP Justice formulé à l’encontre du projet de directive IP Enforcement, voir http://www.ipjustice.org/CODE/codeletter_fr.shtml. 87 3. Vers une contractualisation de la copie privée ? La question de la copie privée continue à embraser les débats car les moyens permettant de concilier mesures de protection technique et copie privée demeurent difficiles à définir. Ce faisant, les textes communautaires et américains laissent présager le développement d’une exception de la copie privée fondée sur la voie contractuelle. Or cette solution semble plus viable pour les contenus en ligne que pour l’ensemble des supports physiques. L’introduction de mesures techniques sur tous les types de supports, physiques ou numériques, va engendrer une redéfinition de l’application en France comme en Europe de l’exception pour la copie privée. En effet, dès lors que les mesures techniques sont légalisées et que la technologie aura amélioré la compatibilité avec le parc de matériel existant, les industries des contenus apposeront de telles protections sur toutes les oeuvres. L’exception pour copie privée risque donc d’évoluer vers une contractualisation. Une oeuvre protégée acquise légalement par un consommateur ne pourra ainsi faire l’objet d’une reproduction que dans le cadre de modalités définies précisément dans un contrat-type entre le consommateur, le producteur et l’auteur. Le consommateur sera par exemple autorisé à reproduire deux fois le CD acheté légalement, les copies réalisées n’étant elles-mêmes plus duplicables. Ce processus de contractualisation semble confirmé par l’article 8 du projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information148. Ainsi, le législateur a pris soin d’évoquer un « accord » entre les parties intéressées tout en précisant que « les titulaires de droits ont la faculté de prendre les mesures adéquates afin de limiter le nombre de copies. ». En outre, l’article 4 rappelle que « les exceptions visées aux alinéas précédents ne peuvent porter atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur. » Cet article complète, entre autres, l’article L.122-5 du CPI relatif aux exceptions au droit d’auteur, notamment dans le cadre de la copie privée. En ce sens le législateur français transpose fidèlement les dispositions de la directive de mai 2001 puisque l’article 5 de cette même directive précise : « Les exceptions et limitations prévues aux paragraphes 1,2,3 et 4 ne sont applicables que dans certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ou autre 148 Ce projet de loi vise à transposer en droit interne la directive du 22 mai 2001. Projet de loi sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information proposé par le Ministère de la Culture et de la Communication, présenté par Jean-Jacques Aillagon au Conseil des ministres du 12 novembre 2003. 88 objet protégé ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit. ». Le législateur a également pris en compte les problèmes de reproduction transposés dans l’univers numérique. C’est pourquoi l’article 8 de ce projet de loi précise que dans le cadre de services numérique à la demande, les oeuvres protégées par les droits voisins ne peuvent être assujetties à l’exception pour copie privée si des dispositions contractuelles définissent les modalités d’accès à ces oeuvres via les réseaux numériques (Internet ou réseaux privés fermés etc.). Le dernier alinéa de l’article 8 mentionne ainsi: « Les titulaires de droits ne sont pas tenus de prendre les mesures visées au premier alinéa lorsque l’œuvre ou un autre objet protégé par un droit voisin sont mis à la disposition du public selon les stipulations contractuelles convenues entre les parties, de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit. » L’imbrication de problématiques juridiques, technologiques comportant une forte dimension économique rendent complexes la question de la copie privée à l’ère de la société de l’information. La solution retenue par les législateurs français et européens semble donc tendre vers une contractualisation progressive de l’exception pour copie privée. En procédant ainsi, ils entendent procéder à un rééquilibrage juridique et économique en faveur des producteurs et auteurs, profitable à l’ensemble de la chaîne de valeur des industries culturelles. Les créateurs et leurs producteurs bénéficieront ainsi d’un contrôle total de leurs oeuvres, tant dans l’aspect créatif que dans les aspects commerciaux et économiques. Paradoxalement, ce probable retour au contrôle total des droits exclusifs est certainement la conséquence des dérives actuelles et passées en matière de piratage via Internet. Pour conclure cette section, il convient de noter que les évolutions législatives majeures qui ont eu lieu ces dernières années créent un droit communautaire harmonisé en matière de droit d’auteur, droits voisins, de protection des oeuvres et de lutte antipiratage. Ces mesures législatives accompagnent le saut technologique de la révolution numérique. En adaptant ainsi le droit aux défis présentés par la révolution numérique, le législateur européen souhaite instaurer un nouvel équilibre plus équitable envers les industries culturelles. Ces dispositifs juridiques permettent de légaliser les mesures de protection technique et les DRMS qui s’avèrent indispensables pour le développement des marchés culturels dans l’environnement des réseaux. A travers ces dispositifs juridiques, le législateur sécurise non seulement les oeuvres mais, par ce biais, les nouveaux modèles d’affaires actuellement en phase 89 de test. Le chapitre suivant évoque (entre autres) la question de l’émergence d’un « emodèle » d’affaires, autrement dit un modèle d’affaires intégrant notamment la distribution en ligne des oeuvres. Ce chapitre est consacré aux stratégies en développement et aux nouveaux entrants. CHAPITRE II – LES STRATEGIES EN DEVELOPPEMENT ET LES NOUVEAUX ENTRANTS. VERS UN E-MODELE D’AFFAIRES ? Face au piratage numérique et à la dévalorisation du support CD, les industries culturelles ont commencé à réagir mais doivent accélérer leur adaptation au nouvel environnement numérique. L’industrie du disque est nettement plus en retard que l’industrie cinématographique. L’industrie cinématographique a réussi à redynamiser son marché en adoptant un nouveau support numérique physique depuis quelques années : le DVD. Le DVD est un format qui a été originellement conçu en vue d’offrir une forte sécurisation des contenus. Quasiment tous les supports DVD sont sécurisés, notamment par cryptage (avec l’algorithme DeCSS) et par des procédés anti-copie fournis principalement par Macrovision. Ces protections natives du support ont retardé les possibilités de piratage. De fait, en l’état actuel le piratage des DVD semblent encore très faible et l’industrie cinématographique alliée aux industries de l’électronique grand public prépare déjà le successeur du DVD. L’exemple de l’industrie cinématographique laisse penser que pour limiter le piratage, les industries culturelles doivent à la fois offrir des supports proposant une réelle valeur ajoutée aux consommateurs, une amélioration de la qualité (son multicanal dolby digital , DTS etc.). Toutefois cela ne saurait suffire. Il semble que les industries culturelles soient condamnées à une course sans fin à l’armement technologique, un nouveau support ou format effaçant le précédant, afin de limiter le piratage, satisfaire les consommateurs et pouvoir faire évoluer les mesures de protection technique. L’industrie de la musique est en train de s’adapter au nouvel environnement numérique mais en l’état actuel cette adaptation repose surtout sur les offres et modèles d’affaires développés par de nouveaux entrants, de nouveaux acteurs tel qu’Apple et son Itunes Music Store. Les plateformes développées par les maisons de disque elles mêmes n’ont pas eu le succès escompté, la seule exception notable semble être E-compil, qui se limite toutefois au marché français. Les maisons de disque ont donc tendance à passer des accords contractuels avec des tiers de distribution numérique des oeuvres de leur catalogue plutôt que de les distribuer elles même. La section suivante traite donc des nouveaux entrants et des nouveaux marché dans le domaine de la musique en ligne. 90 1 – La musique en ligne : nouveaux entrants et nouveaux marchés Consécutivement aux échecs des plateformes propriétaires149 développées par les majors du disque, celles-ci ont revu leur stratégie de distribution en ligne de leurs contenus numériques en passant des accords avec des distributeurs spécialisés. Cette inflexion marque un changement stratégique important, les majors semblent avoir abandonné l’idée de contrôler complètement la distribution numérique des oeuvres de leur catalogue. Les nouveaux entrants de la distribution musicale en ligne viennent de secteurs assez divers. Ainsi l’Itunes Music Store, qui semble être de loin la plus grande réussite dans le domaine de la vente en ligne de musique numérisée, est l’oeuvre d’un constructeur d’informatique, en l’occurrence Apple. Il existe également des modèles d’affaires alternatifs tel que celui de Vitaminic qui propose essentiellement les oeuvres d’artistes peu connus du grand public. Les distributeurs tels que Virgin et la Fnac ont réagi également et développent des plateformes de distribution en ligne de musique. 1.1 L’Apple iTunes Music Store L’iTunes Music Store d’Apple est actuellement le plus grand succès de la distribution numérique de musique. La plateforme développée par Apple aurait vendu presque 50 millions de morceaux de musique en un an d’existence et ce alors qu’elle n’est disponible actuellement que pour les seuls internautes américains. Apple entend lancer l’iTunes Music Store en Europe en juin 2004 toutefois un article de ZDNet.fr suggère que ce lancement serait reporté en raison de difficultés rencontrées pour la signature d’accords contractuels avec les titulaires de droits150. Consacrée invention de l’année par Times Magazine en décembre 2003, l’Itunes Music Store dispose d’un modèle d’affaires très spécifique et d’une offre particulièrement complète. De fait, l’offre élaborée par Apple semble correspondre précisément à ce que les consommateurs attendent pour passer de la musique téléchargée illicitement au modèle payant, à savoir des services à forte valeur ajoutée et une qualité technique irréprochable. L’iTunes Music Store repose également sur une combinaison technologique singulière enfermant notamment le consommateur dans le format propriétaire développé spécifiquement par Apple, l’AAC. 149 A l’exemple de MusicNet et PressPlay Voir Astor (P.), « Napster et iTunes Music Store vont devoir repousser leur sortie en Europe », Zdnet.fr, 1er avril 2004. 150 91 - Les caractéristiques de l’Itunes Music Store d’Apple : (Source : Le Journal du Net 2004) 3 !" 3 # / # * /# ! % 1 + # $ % & ) * ( ,*! ' . # 0% & % 02 0 % % ' % &03+ 04+/ 0 ( ( % ( 5 0 66 7 & = % 8--! ) 9! -%% 0-:;0<* ( -1! %8 , , ===>%% > % ( +* ) , , * .<* % . *! <* , 1.1.1 Un modèle d’affaires très original Le modèle d’affaires de l’iTunes Music Store est très spécifique. Il s’agit d’un service de téléchargement (légal) de fichiers à la carte sans abonnement préalable. Le téléchargement de fichier nécessite de télécharger et d’installer le logiciel Itunes développé par Apple, celui-ci fonctionne aussi bien sur Mac que sur PC. Chaque morceau de musique est vendu 0,99 cents (US) et donne droit à un certain nombre d’opérations telle que la gravure sur un CDR ou l’envoi du fichier sur un baladeur numérique iPod d’Apple. Apple mise donc clairement sur la portabilité et l’interopérabilité des morceaux de musique afin de séduire les consommateurs. Le catalogue proposé est relativement conséquent puisque plus de 400.000 morceaux sont d’ores et déjà disponibles sur le site. Selon les estimations rapportées par un journaliste de ZDNet.fr151, sur chaque morceau vendu, Apple reverse 65 cents aux maisons de disque, 25 cents aux banques pour les frais de transaction et retire donc une marge de 10 cents. Bien entendu, sur les 65 cents perçus par les maisons de disque, une fraction est reversée aux auteurs, artistes et interprètes. Le journaliste Philippe Astor estime ainsi qu’ « il y a fort à parier que les 10 cents qui tombent dans les poches d' Apple ne suffisent pas à couvrir les frais de mise en ligne, d' hébergement, de marketing et de distribution. »152 La faible marge d’Apple soulève donc la question de la rentabilité de l’iTunes Music Store, de sa viabilité et ne peut 151 152 Astor (P.), «Musique en ligne : le téléchargement payant ne fait pas recette », Zdnet.fr, 7 avril 2004. Idem 92 qu’interpeller sur le bien fondé du modèle d’affaires employé, qui semble pourtant être le plus abouti. En fait, le modèle de l’Itunes Music Store repose sur des sources de revenus indirects. En faisant adopter iTunes M.S. par une majorité de consommateurs, Apple espère ainsi pouvoir leur vendre son baladeur numérique iPod, le seul compatible avec le format utilisé par les morceaux de musique vendus sur iTunes. Une autre source de revenus indirects peut provenir du format employé pour la vente des morceaux de musique : le format AAC étant la propriété d’Apple, celui-ci pourrait devenir à terme le standard en matière de musique en ligne, ce qui permettrait à Apple de récolter des royalties sur chaque morceau vendu au format AAC. Cette stratégie singulière d’Apple semble porter ses fruits : les ventes de baladeurs iPod et mini iPod explosent : celles-ci ont plus que doublé au dernier trimestre 2003 et représente désormais 12.7% de son chiffre d’affaires contre à peine 7% le trimestre précédent. Les iPod (iPod et mini iPod) représentent 40% du marché total des baladeurs numériques153, conférant ainsi à Apple un leadership incontestable sur ce marché. « Il faut voir Itunes comme un fabriquant d’ordinateurs : ils se servent d’Itunes pour vendre des Ipod en fait. » Emmanuel Paquette, journaliste aux Echos154 « Toute la stratégie du constructeur américain repose sur la vente indirecte de ses baladeurs iPod, en s' appuyant sur une logique propriétaire bien huilée qui lui procure une clientèle captive, puisqu' iTunes MS n' est compatible qu' avec l' iPod et inversement. »155 P. Astor, ZDNet.fr Ce modèle d’affaires semble donc a priori très rentable (en considérant les sources de revenus directs et indirects), pourtant il n’est pas sans soulever quelques interrogations. En premier lieu, tout le modèle repose sur l’enfermement du consommateur dans le format propriétaire d’Apple. Cela induit une interopérabilité réduite à zéro avec le matériel des marques de baladeurs numériques autres qu’Apple, ce qui pourrait lasser les consommateurs. En second lieu, cela signifie que la vente de musique en ligne n’est pas rentable à elle seule alors que les prix pratiqués par Apple ne sont pas si compétitifs que cela : au final acheter un album entier revient approximativement à 12 dollars (US), un tarif très proche du prix de vente d’un album 153 Voir l’article suivant : Ferran (B.), « L’iPod tire Apple vers les sommets », L’Expansion.com, 15 avril 2004. 154 Cette phrase est extraite de l’entretien que j’ai mené avec Emmanuel Paquette, voir la retranscription en annexe. 155 Idem 93 sur support physique (CD entre autres) aux Etats-Unis. En revanche, le consommateur qui ne souhaite acheter que deux morceaux d’un album est gagnant : il paiera ainsi moins de 2 dollars (US) tandis que l’achat de deux CD singles lui aurait coûté plus du quadruple (8 dollars (US). 1.1.1 L’organisation d’iTunes : un service à forte valeur ajoutée Les services fournis par l’iTunes peuvent contribuer fortement à justifier un prix d’achat d’un album entier proche de celui d’un CD. Comme le montre le tableau des caractéristiques de l’iTunes MS présenté dans le paragraphe précédent, Apple offre de nombreux services et un apport supplémentaire de contenus par rapport à un simple support physique. Apple semble donc en phase avec les nouveaux modes de consommation numérique de contenus. Apple serait ainsi à même de convertir les consommateurs au modèle payant de la musique en ligne en leur proposant des services à très forte valeur ajoutée. De fait, cela engendrait un modèle d’affaires à la fois rentable et stratégique pour Apple (modèle qui lui permet de vendre massivement des iPod) tout en favorisant le passage à l’ère payant des contenus en ligne, élément très favorable pour l’industrie musicale. Dans cette optique, le modèle d’affaires d’Apple engendre un effet gagnant/gagnant : Apple et les maisons de disque ont tout intérêt à réussir dans la durée le pari de l’itunes Music Store. - L’interface de l’iTunes Music Store : Source: iTunes Music Store (www.apple.com) 94 Les services et contenus de l’iTunes Music Store, une forte valeur ajoutée : - Un catalogue riche : celui des cinq majors et de 200 labels indépendants - Possibilité d’écouter les titres avant l’achat (en streaming audio) -Acheter des titres ou un album entier -Télécharger des morceaux de musique à partir d’une liste de favoris créée par l’utilisateur -Obtenir des informations supplémentaires (contenu éditorial renforcé) -Moteur de recherche permettant de rechercher n’importe quel artiste ou chanson -Visualisation des meilleures ventes -Visualisation d’informations connexes : visualisation des achats des autres consommateurs (source : iTunes Music Store, www.apple.com) 1.2 Les principaux concurrents de l’Itunes Music Store Les principaux concurrents de l’Itunes Music Store sont eux des « pures players », autrement dit ils ne vendent rien d’autre que des morceaux de musique ou des abonnements. Ils n’ont donc pas de source de revenus indirects. Il faut noter que certains ne sont pas encore directement concurrents de l’iTunes dans la mesure où les distributeurs européens bénéficient du retard de lancement en Europe de l’offre d’Apple. - Les concurrents d’iTunes Music Store : & ' ? 3 &> (. 1 ? @ " ( B # " + + 8 + @ ,& 1 3 1 A = 50 2 04+/ 0E @ # - % % . . 66C % (0 ) : + D' " D A = 5 ? D A = 5 " 2 .+ ( + :" ( ( " D' " 66 + !% D 3 < A 0/ ( ? ) ;) !$ 4 A - % > ( ( ( " $ .1 @ + + 4 .1 4 .1 4 .1 4 .1 4 % 4 .1 4 .1 4 .1 @ ( 4 .1 Source : Le Journal du Net (2004) 95 1.2.1 Le marché américain Sur le marché américain, BuyMusic.com et Napster 2 semblent être les plus proches concurrents d’iTunes. Ces deux plateformes de distribution musicale en ligne semblent d’ailleurs s’être inspirées d’iTunes sorti le premier, le design de leur interface et les fonctionnalités proposées comportant des similitudes. Le modèle économique de BuyMusic est analogue à celui d’iTunes pour la vente directe de musique mais ne comprend pas de source de revenus indirects. Celui de Napster 2.0 est plus original car Napster 2.0 propose en plus des achats à la carte, une formule d’abonnement donnant droit à un nombre illimité de téléchargements. - Les caractéristiques de BuyMusic.com : ? 3 # !" # ) 3 / 1 % % 02 -( ( 8 8 0 ( 0!" &03+ 04+/ 0 ( 06F 06 0 6 F C> 66 0 > > > % G G 2+& 3& -1! > %8 , , ===> (& > Source : Le Journal du Net (2004) BuyMusic se distingue des autres en pratiquant une politique de marketing agressive fondée sur des prix cassés sur les hits du moment du marché singles tandis que le prix des albums entiers est assez élevé, les derniers étant vendus presque aussi chers que sur support CD. La stratégie commerciale de Buy.com repose donc sur un produit d’appel bradé, les singles en téléchargement, tandis que les albums en téléchargement sont vendus à des prix relativement peu compétitifs. L’interface proposée repose entièrement sur le site web de vente. De fait, la valeur ajoutée de BuyMusic.com est nettement inférieure à celle de l’iTunes et de Napster 2.0. 96 - Caractéristiques de Napster 2.0 (nouvelle version légale lancée en octobre 2003) : B # # !" # % !% D 4. * !% 3 # % % G( ' ( *! % &. F G / % + H D :% / 1 # # 02 +* 2+- % 04+/ 03+ 0 &I % > -( A% ! 2+- F 8 0 66 F 860 6 % 860 6 , % %& 8 0 6 -1! J ' % K(, A% > 02 = &+ 7 ( ! % %& & = I %8 , , ===> % = L*+ ! 0 = &< ) ( 0M 0 & % . .A % > % &+ (0 *! 0 > Source : Le Journal du Net (2004) Napster est le trublion de la musique en ligne, le pionnier qui a créé le P2P et habitué ainsi les consommateurs à télécharger illicitement de la musique. Napster a ensuite été fermé suite à un procès retentissant menée par les majors et la RIAA aux Etats-Unis. Racheté ensuite par Bertelsmann puis revendu à la société Roxio, Naspter renaît en octobre 2003 en version légale et payante. Cette nouvelle version est dénommée Napster 2.0. Le nouveau Napster 2.0 dispose d’atouts importants sur le marché de la musique en ligne. En premier lieu, la marque Napster jouit d’une notoriété très importante. En second lieu, le modèle de Napster 2.0 est celui qui se rapproche le plus de celui d’iTunes. Napster 2.0 mise en effet sur un modèle d’affaires reposant sur la valeur ajoûtée : outre les morceaux ou albums, Napster 2.0 fournit un ensemble très complet de services et de contenus éditoriaux (voir le tableau des caractéristiques ci-dessus). Il se distingue d’iTunes et de BuyMusic.com en proposant une formule d’abonnement en plus de l’achat à la carte. Ainsi pour 10 dollars (US) par mois, les internautes abonnés à Napster 2.0 Premium peuvent télécharger autant de morceaux de musique qu’ils le désirent, écouter des radios en streaming, et bénéficier des services et contenus éditoriaux offerts, à condition de rester abonné. Ce système d’abonnement 97 illimité repose en effet sur une technologie DRMS : l’utilisateur se voit accorder une licence d’utilisation des oeuvres téléchargées tant qu’il reste abonné. Lorsqu’il résilie son abonnement, celles-ci ne sont plus utilisables. Outre ce modèle d’affaires original, Napster 2.0 dispose de partenaires très influents tels que : Microsoft, Samsung, Yahoo ou encore Gateway. La société Roxio tente d’ailleurs de s’inspirer d’iTunes en réalisant un partenariat avec la société Samsung. Celle-ci produit des baladeurs numériques audio utilisant le format de Microsoft (WMA ou Windows Media Audio) qui sont promus et recommandés sur le site de Napster 2.0 1.2.2 Le marché européen Le marché européen est pour le moment peu développé. La société OD2 est une des plus actives dans ce domaine. Contrairement à iTunes ou Napster 2.0 aux Etats-Unis, OD2 fournit des solutions complètes aux plateformes Internet de divers revendeurs (MTV mais aussi certains fournisseurs d’accès à Internet) mais ne vend pas directement la musique numérique aux consommateurs. La société OD2 se positionne donc comme un prestataire fournissant à la fois la plateforme technique mais gérant également toute la partie juridique et financière avec les maisons de disque. Les tarifs et solutions proposées ensuite par les distributeurs sont très variables. En outre, OD2 ne communique pas sur les chiffres des ventes réalisées. -Les caractéristiques d’OD2 : ,& % 3 # # / 1 02 G( & 1K 03+ 04+/ 0 ( % ! ' & J % ) 0 > ( % # ( E FG 04 > > > B 8 N % % ## (0 > # 9 ' % !" ( , , 9 # N F% % 6 N > 2+& -1! + A+ @ > ! ( 02 %8 , , ===> + + ! (0 ! (0- % ( 2 0+ 70<+70@ = + * & 0 = > > > > > Source : Le Journal du Net (2004) E-compil se positionne actuellement sur le marché français uniquement. Filiale d’Universal Music France, E-compil est le précurseur de la musique en ligne légale puisqu’il est le premier à avoir proposé une plateforme de distribution 98 numérique de la musique en Europe. Ouvert durant l’année 2001, E-compil commence actuellement à amorcer un vrai démarrage de son activité. Les statistiques des ventes présentées par les responsables d’E-compil156 sont prometteuses : la société a vendu 800.000 titres depuis son lancement et table à présent sur un volume de 40.000 chansons vendues chaque mois. E-compil présente la particularité d’être la filiale d’une major toutefois cette société distribue également les oeuvres produites par des labels indépendants (dont Naive) ou par d’autres majors. Le modèle d’affaires repose sur une valorisation du contenu par une offre claire, simple, et renforcée par un contenu éditorial. Les téléchargements sont réalisés directements à partir du site, les fichiers étant sécurisés. E-compil s’appuie sur un modèle original, dérivé du modèle de la téléphonie mobile, en proposant des forfaits mensuels permettant de télécharger un nombre déterminé de titres. Chaque morceau est vendu en moyenne un peu moins d’un euro. A la marge, E-compil propose aussi un service de téléchargement à la carte sans abonnement pour un coût légèrement supérieur (1,60 euros par chanson). - Les caractéristiques d’E-compil : (./ ' # 3 # # / # !" 1 0 # ( % 02 0 % % % % - % # &03+ I % % AO 0 F % % % 0 C 0 % 8 0 % % 0- % &> > > 0 %% C 0 > 2+& -1! 4 %> #0-:;0! (./ %8 , , ===> 0;& 0+ A0 0M 0 @ 0+C0D ;0AD? 0+ 7 %> #, Source : Le Journal du Net (2004) 1.3 Un modèle alternatif : le cas de Vitaminic Vitaminic157 est une société implantée en Europe et aux Etats-Unis. Son originalité provient du créneau choisi par la société : Vitaminic propose essentiellement les oeuvres d’artistes peu connus. Cette société se positionne donc en complément du marché « traditionnel » de la musique, en proposant des artistes qui s’autoproduisent ou qui sont relativement inconnus du grand public bien qu’édités par des labels. L’idée fondamentale est donc d’élargir l’offre proposée aux amateurs de 156 Voir notamment : Karayan (R.), « Interview : Sophy Bramly : 40000 morceaux sont téléchargés chaque mois sur E-compil », Le Journal du Net, 4 novembre 2003. 157 Voir notamment le site français de Vitaminic : www.vitaminic.fr 99 musique et de la promouvoir. Le modèle d’affaires de Vitaminic est très hybride. Il repose sur trois sources de revenus. La première source est celle générée par les internautes, acheteurs occasionnels et abonnés au service premium de Vitaminic. Il faut noter une autre originalité de Vitaminic concernant la commercialisation de la musique numérique en ligne. Cette société propose en effet une importante variété de morceaux de musique téléchargeables gratuitement. La société utilise le principe de l’effet de notoriété : tant que les oeuvres des artistes ne sont pas assez téléchargées, le téléchargement est gratuit. Une fois que ceux-ci commencent à être appréciés et reconnus par les internautes (ce qui se traduit par un nombre important de téléchargements), leurs morceaux sont payants. Vitaminic propose deux offres payantes : l’une à la carte, le tarif moyen étant proche d’un euro par chanson, l’autre étant une offre illimitée sous forme d’abonnement premium. Le « vitaminic music club » propose ainsi pour un tarif très compétitif (50 euros pour 6 mois ; 80 euros pour une année) une offre illimitée de téléchargement de morceaux et d’albums entiers que l’internaute doit choisir dans un catalogue riche de plusieurs centaines de milliers de titres. Ce modèle n’est possible qu’en raison du fait que la plupart des oeuvres distribuées par Vitaminic ne sont pas exploitées par des labels et sont donc peu ou pas valorisées. Vitaminic propose donc un modèle d’affaires très original reposant sur la défense de la notion de diversité culturelle. Outre ces nouveaux entrants dans le marché de la musique, des intervenants « traditionnels » déploient également des stratégies de distribution numérique des contenus, ce sont les distributeurs. 1.4 Les stratégies des distributeurs Les distributeurs détaillants (Fnac, Virgin Megastore en France ; Tower Records aux Etats-Unis etc.) commencent à réagir : ils sont presque autant affectés158 que les maisons de disque par la chute des ventes de musique et cherchent à se positionner dans l’univers numérique. A leur actif, ils disposent de marques fortes, établies, connues par les consommateurs de musique et connaissent très bien le marché de détail de la musique ainsi que les comportements des consommateurs. Leur stratégie commune vise donc à jouer la proximité avec les consommateurs. Toutefois, alors que les distributeurs américains ont créé une alliance puissante dans la distribution en ligne, les distributeurs européens ont plutôt tendance à développer chacun une offre spécifique. Aux Etats-Unis le consortium Echo regroupe les plus 158 A titre d’exemple, la FNAC a enregistré une baisse (en valeur) de 9% de son chiffre d’affaires dans la musique durant l’année 2003 selon le directeur du département musique de l’enseigne. 100 importants distributeurs américains tels que Tower Records, BestBuy, Fye, Wherehouse Music (etc.). Les distributeurs américains semblent subir très durement le contrecoup de la chute du marché de la musique et de la forte concurrence des distributeurs généralistes (Wal-Mart) ce qui explique la naissance de ce consortium. Ainsi la chaîne Tower Records est proche de la faillite selon le Washington Post159. Le consortium Echo souhaite donc développer le marché de la musique en ligne en complément du marché de la musique sur support physique. En France, la Fnac est en train de préparer le lancement d’une importante plateforme de distribution en ligne, après avoir testé le concept sur son site fnac.com dans une zone dédiée dénommé DigiFnac. Virgin Megastore oeuvre dans la même direction en lançant VirginMega.fr (voir le tableau des caractéristiques de cette plateforme). Les distributeurs tentent donc d’adapter leur stratégie et leur modèle d’affaires aux changements fondamentaux des nouveaux modes de consommation numérique de musique. - Les caractéristiques de l’offre proposée par VirginMega.fr : # # !" 3 # # ! % 0P ' 0( 1 02 07 , 4+/ 0 - ## . H # % 0 # ( ) # 0 + / # % % 0 . G &03+ I % 2 0% > ( 9 0A O 0A P ) 0 # & # 0 > > > P ' N C N N C N N 2+& 7 -1! + > # %8 , , ===> > # Source : Le Journal du Net (2004) 1.5 Conclusion : deux nouveaux modèles d’affaires en phase de test Pour conclure cette section, il faut noter que les maisons de disque ont abandonné leurs plateformes propriétaires, faute de succès, à l’exception d’Universal 159 Segal (D.), « Requiem for the Record Store », Washington Post, 7 février 2004. 101 Music France qui a relancé E-compil en signant des accords de distribution avec les maisons de disque concurrentes et avec des labels indépendants. Il convient donc de constater que les maisons de disque sont en train de perdre le contrôle de la distribution numérique en ligne des oeuvres alors que dans l’univers physique, leur contrôle de la distribution des supports joue un rôle clef. La distribution génère en effet des revenus et des marges importantes dans l’univers physique, ce qui n’est pas encore le cas dans l’univers des réseaux. Les modèles d’affaires dans l’univers des réseaux semblent encore balbutiants. Qu’il s’agisse des offres de distribution en ligne des constructeurs informatiques (iTunes Music Store), des fournisseurs d’accès à Internet, des distributeurs spécialisés (consortium Echo, la Fnac), des sociétés nées de la vague Internet (Vitaminic) ou des maisons de disque (E-compil), tous utilisent l’un des deux modèles suivants, ou une combinaison hybride des deux modèles. Le modèle d’affaires « valeur ajoutée » reprend un peu les traits qui ont fait le succès du DVD (les nombreux bonus et mises en perspective artistique) en le transposant dans la distribution numérique en ligne. Ce modèle d’affaires est caractérisé par la liberté de choix qu’il offre aux consommateurs entre l’abonnement et l’achat par titre à la carte mais plus essentiellement par un catalogue très important (500.000 titres) et une forte valeur ajoutée. Cette valeur ajoutée est donnée par le contenu éditorial mettant en lumière de nouveaux artistes ou de nouvelles oeuvres d’artistes établis, en proposant des bonus (séquences vidéos, avant-premières, fil d’information ciblé sur des artistes sélectionnés par l’internaute etc.). En ce sens, ce modèle « valeur ajoutée » se distingue ainsi des oeuvres illicites en fournissant non seulement des oeuvres sûres et de haute qualité mais en proposant en plus toute une palette de contenus artistiques et éditoriaux. Il confère également aux consommateurs une liberté quant au choix des supports à utiliser en proposant le transfert des fichiers vers un baladeur numérique ou par gravure sur un CDR. Cette souplesse d’utilisation allié à une augmentation conséquente des services et contenus proposés font que ce modèle est le plus répandu (iTunes, Napster 2.0, Vitaminic, E-compil entre autres). Le second modèle d’affaires, celui de la location, utilisé également par Napster 2.0, repose sur la mise à disposition illimitée de fichiers en téléchargement (légal) contre un abonnement mensuel. Bien qu’il y ait téléchargement, et donc reproduction de l’oeuvre, ce modèle d’affaires repose bien sur la location puisque les oeuvres ne sont plus accessibles lorsque l’internaute résilie le contrat d’abonnement et ne peuvent être copiées ultérieurement. Certaines plateformes de distribution 102 combinent ces deux modèles d’affaires, notamment Napster 2.0, proposant ainsi aux consommateurs une offre très étendue et peu contraignante. En l’état actuel, ces modèles d’affaires semblent en phase de test dans la mesure où il n’est pas démontré qu’ils soient rentables pour les distributeurs. Ainsi Apple propriétaire d’iTunes, la plus grande réussite dans ce domaine, fonde avant tout son modèle d’affaires sur la vente indirecte de ses baladeurs numériques. La question de la viabilité se pose moins en revanche pour les maisons de disque, les créateurs et les artistes : l’étude de la répartition des revenus générés par iTunes montre que 65% du montant acquitté par l’internaute est reversé aux maisons de disque, qui rémunèrent ensuite elles-mêmes les artistes, interprètes et auteurs. Ces offres récentes légales de distribution en ligne de musique semblent assez prometteuses et constituent une contre-attaque menée à l’encontre du piratage. Les actions judiciaires menées par l’industrie du disque et les organismes la représentant visent à dissuader les consommateurs de télécharger des contenus illicites en P2P afin que ceux-ci adoptent les offres légales. Néanmoins d’autres contre-attaques sont en développement, celles-ci seront développées dans la section suivante. 2 – Les autres contre-attaques en cours Les plateformes de distribution en ligne des oeuvres musicales représentent une contre-attaque stratégique. Dans le domaine de l’industrie cinématographique, des plateformes analogues sont apparemment à l’étude. Celles-ci offriraient des oeuvres cinématographiques et audiovisuelles via les procédés de vidéo à la demande (VOD , video on demand). En l’état actuel, le marché de la VOD reste très limité dans la mesure où il requiert une bande passante très importante et ne semble pas intéressé outre mesure l’industrie cinématographique qui dispose déjà d’un format très sécurisé, véritable succès commercial et technologique : le DVD. Dans un premier point, les nouveaux marchés des contenus numériques seront abordés : ils constituent un objectif opportun pour les industries culturelles qui peuvent ainsi diversifier encore plus leurs sources de revenus. Dans un deuxième point seront analysés les enjeux économiques, financiers et techniques véhiculés par les systèmes de gestion des droits numériques (DRMS). Les DRMS constituent un intérêt stratégique dans la contreattaque des industries culturelles. Enfin, dans un troisième point sera abordé la question des nouveaux formats en préparation. 103 2.1 Les nouveaux marchés des contenus numériques pour les mobiles « En 2003, on a pu constater que les réseaux et systèmes de téléphonie mobiles pouvaient devenir une importante plate-forme de distribution de musique dans les années à venir. » Extrait du rapport de l’IFPI sur la musique en ligne160 (2004) De nouveaux marchés de contenus numériques ont vu le jour ces dernières années. Ils constituent autant de débouchés pour les industries culturelles qui peuvent ainsi compenser en partie le manque à gagner engendré par le piratage. Les sonneries pour téléphone mobile, vendues en moyenne entre 2 et 3 euros par sonneries, constituent les prémices des contenus numériques sur téléphone mobile. Le marché des sonneries pour mobile est estimé à 2 milliards de dollars par an à l’échelle mondiale, et évalué entre 100 millions et 150 millions d’euros pour le seul marché français. Le marché des contenus culturels sur mobile pourrait s’élargir grâce aux technologies en cours de déploiement. Les nouveaux téléphones mobiles proposés par les constructeurs permettent de lire des sonneries en qualité hi-fi. Certains peuvent également lire des fichiers de musique voire même des fichiers vidéo courts (tels que des clips musicaux). C’est le cas notamment du Nokia 7700161. En parallèle, les opérateurs de téléphonie mobile achèvent la mise en place des infrastructures de l’UMTS, la télélphonie mobile de troisième génération. Les sociétés SFR et Orange prévoient d’ouvrir leurs services d’ici à la fin de l’année 2004 en France. La téléphonie UMTS, en augmentant considérablement les débits de données sur les réseaux de mobiles permet de nouveaux usages. Au Japon, pays très précurseur dans ce domaine, la téléphonie de troisième génération a été mise en place depuis deux ans. Le marché des chansons en téléchargement depuis un téléphone mobile est en plein essor dans l’archipel nippon : huit millions de titres sont téléchargés chaque mois162 sur le service appelé « chaku-uta »163(au tarif de 100 yens la chanson, soit approximativement 1 euro). Les chiffres des ventes nippones expliquent probablement partiellement l’engouement au Midem.net 2004 pour la téléphonie mobile. A terme, les téléphones multimédias permettront de télécharger en UMTS des clips vidéo sur un téléphone mobile. Ces nouveaux marchés, nécessitent l’application de technologies de gestion des droits numériques (DRMS) afin de limiter le piratage 160 Rapport de IFPI, « La musique en ligne», janvier 2004. www.ifpi.org Voir le site internet de Nokia : www.nokia.fr 162 Rédaction de la Tribune, « Yukiko, pionnière du portable 3G », La Tribune, 5 mars 2004. 163 « Avec 8 millions d’unités par mois, le service ultrapopulaire de téléchargement de chansons en qualité MP3 appelé « chaku-ua » tire actuellement le marché. » Source : idem 161 104 et d’être pleinement opérationnels et attractifs. Les technologies DRMS revêtent ainsi un intérêt stratégique primordial pour les industries culturelles. Cette question est analysée dans le point suivant consacré aux DRMS comme dispositifs stratégiques adaptés aux réseaux. 2.2 Les DRMS : un dispositif stratégique adapté aux réseaux Le rapport de Philippe Chantepie, (chargé de mission à l’Inspection Générale de l’Administration des affaires culturelles) consacré aux « Mesures techniques de protection des oeuvres et DRMS », (mai 2003), a été rédigé164 dans le contexte de la prochaine transposition en France de la directive sur l’harmonisation du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (22 mai 2001). Le projet de loi présenté par le Gouvernement devrait légaliser les dispositifs techniques anti-copie ainsi que l’interdiction de contourner ces dispositifs, ouvrant ainsi la voie à la création de systèmes numériques de gestion des droits (DRMS). A terme, la mise en place de DRMS pourrait générer une augmentation du chiffre d’affaires des industries culturelles et de l’industrie des jeux vidéo en permettant un contrôle très précis de l’utilisation des oeuvres et de leur reproduction. Les DRMS contribuent et contribueront encore plus à l’avenir à endiguer le piratage en autorisant un retour vers le respect des droits exclusifs. 2.2.1. Définition des systèmes de gestion des droits numériques (DRMS) Il faut distinguer les mesures techniques de protection des œuvres (entre autres : techniques de tatouage ; dispositifs reposants sur la cryptographie ; mesures anticopie) des DRMS. Le rapporteur affirme que derrière la mise en œuvre des mesures techniques de protection se joue surtout l’offre de DRMS. Les systèmes numériques de gestion des droits sont des ensembles complexes qui constituent l’architecture du commerce électronique des contenus numériques en répondant aux spécificités propres à l’exploitation et à l’encadrement juridique de la distribution numérique de contenus. Ils créent ainsi une zone de confiance sécurisée qu’ils mettent en œuvre dans un ensemble systématique de techniques de description des droits, d’identification et d’authentification des utilisateurs, de protection de la distribution, de procuration des licences individuelles d’utilisation, de gestion des données et des rémunérations (etc.). Les DRMS peuvent ainsi s’appliquer à tous types de contenus : morceaux de musique, films ou programmes audiovisuels. 164 à la demande du Ministère de la Culture 105 2.2.2. Fonctionnement des DRMS La convergence de la recherche et du déploiement des DRMS tend à se concentrer sur les techniques d’encodage, de cryptage, les interfaces et les outils de lecture mais aussi sur les passerelles d’accès entre trois univers principaux : l’univers des supports physiques, l’univers de l’informatique ouvert aux réseaux eux-mêmes ouverts, l’univers de l’électronique grand public. Ce sont en effet ces passerelles ouvertes qui facilitent le piratage : ainsi un DVD protégé ne peut être copié à partir d’un graveur DVD de salon tandis que ceci est réalisable à partir d’un PC. Voir le schéma de fonctionnement d’un système de gestion des droits numériques page suivante. 106 - Schéma d’un système de gestion des droits numériques (DRMS) : Source : Philippe Chantepie, « Mesures techniques de protection des oeuvres et DRMS », janvier 2003. 107 2.2.3. Des enjeux juridiques et industriels qui aboutiront à un remodelage de la chaîne de valeur des industries culturelles Le rapporteur considère que la réussite de la mise en œuvre de ces systèmes dépend moins de problèmes techniques de sécurisation que de l’acceptation par les utilisateurs des limites qui leur seront imposées artificiellement dans le cadre d’un environnement technique (PC et équipements électroniques interconnectés) pourtant ouverts et homogènes. La réussite des DRMS passera donc par un accès plus commode aux œuvres, impliquant une ergonomie particulièrement développée. Il s’agit de valoriser au maximum les contenus vis-à-vis des consommateurs tout en offrant une facilité d’accès incomparable à celle des systèmes pirates. Une mutation profonde du champ de l’exception pour copie privée : les mesures de protection techniques et plus encore les DRMS contribuent à fixer dans chaque fichier numérique les conditions précises d’une ligne de partage entre copie numérique contrefaite et copie privée. Ils sont constituées pour permettre un retour à l’exercice intégral des droits exclusifs des auteurs, des producteurs et des artistes interprètes afin d’autoriser ou d’interdire la reproduction des œuvres, y compris les copies privées numériques. Le rapporteur affirme ainsi que les DRMS, associés ou non à des protections techniques des supports, « sont en mesure de favoriser un nouveau champ d’exploitation normale de la copie numérique, principalement rémunérée dans le cadre du commerce électronique des contenus, par une chaîne électronique de valeur dans laquelle chaque copie privée numérique peut donner lieu à compensation »165. 2.2.4. Les enjeux économiques et commerciaux « Si l’on souhaite avoir un DRM efficace, il faut un standard de facto..il ne faut pas qu’il y ait plusieurs modules qui ne puissent pas communiquer entre eux. Le problème est donc de savoir qui va dominer. Microsoft essaye de pousser plusieurs choses : ils arrivent à faire fonctionner un DRM, en le faisant fonctionner sous leur système de compression/décompression. Leur codec Windows Media 9 est opérationnel. Ils ont réussi à l’implanter sur des DVD aux Etats-Unis donc les prochains lecteurs de DVD vont intégrer des puces de décompression MPEG2 comme on en a aujourd’hui dans les salons et des puces MPEG9 de Microsoft. Ils essayent de pousser leur technologie de protection via Windows Media 9. Plus il y aura de Windows Media 9 plus il y aura de DRM qui sera lié à l’ensemble. » 165 Chantepie (P.), « Mesures techniques de protection des oeuvres et DRMS », janvier 2003. 108 Extrait de l’entretien166 avec Emmanuel Paquette, journaliste aux Echos. Philippe Chantepie estime que le contrôle des accès entre les trois univers (supports physiques ; informatique ouvert ; électronique grand public) apparaît ainsi comme la clé de voûte de la protection des contenus numériques et le cœur de la compétition industrielle mondiale de l’ensemble de ces secteurs. Dans ce contexte, les entreprises qui contrôleront l’accès (aux contenus) auront un avantage certain sur les autres car elles pourront ainsi valorisées leurs brevets (entre autres). Les DRMS présentent un intérêt commercial majeur en permettant de nouer des alliances commerciales dans le domaine de la distribution spécialisée en ligne dans un environnement sécurisé sous le contrôle des producteurs et auteurs167. Ces derniers peuvent ainsi définir précisément pour chaque fichier les conditions d’utilisation, de reproduction et donc de rémunération dans un système où les contenus sont parfaitement contrôlés. A titre d’exemple, un consommateur qui recevrait par email un fichier musical DRMS illicitement ne pourrait pas l’utiliser et serait donc obligé de l’acheter pour en profiter car les clefs donnant ou non l’autorisation de lire le fichier de musique sont contenues sur les serveurs DRMS et non au sein de ce même fichier. Cela évite ainsi que le fichier puisse être décrypté sur l’ordinateur pour être ensuite lu : en principe un fichier dont les protections ont été cassées reste inopérant car l’autorisation du serveur utilisant la technologie des DRMS est toujours requise pour pouvoir lire le fichier. Pour conclure, il convient de noter que les DRMS constituent un axe stratégique pour les industries culturelles qui pourront, à moyen terme, endiguer ainsi le piratage en ligne, voire hors ligne si les DRMS étaient couplés aux mesures techniques de protection. Les DRMS s’insèrent également dans la bataille technologique actuellement en cours concernant les futurs formats des oeuvres. Ce point est abordé dans la section suivante consacrée à la bataille technologique et économique en cours autour des nouveaux formats. 2.3 Bataille technologique et économique autour des formats Les industriels de l’électronique grand public (Thomson, Sony, Philips, entre autres) et ceux de l’informatique préparent, parfois conjointement avec les industries culturelles, de nouveaux formats numériques. Ces formats numériques sont selon les 166 Voir la retranscription de cet entretien en annexe. Ce qui laisse partiellement en suspens la question de la copie privée (voir la section 3 du premier chapitre). Les modalités d’application de l’exception pour copie privée reste à définir dans le cadre des DRMS. 167 109 cas des formats destinés à des supports physiques (DVD Plus par exemple), à des supports immatériels numériques (fichiers informatiques sécurisés), ou adaptable aux deux univers (DVD WMV, le DVD de seconde génération proposé par Microsoft). Il y a dans ce domaine une véritable guerre des formats car derrière chaque format, des brevets sont déposés par les entreprises qui les ont développées. Cela signifie donc que l’adoption d’un format plutôt qu’un autre rapporte des royalties très conséquents aux détenteurs des brevets. Dans le contexte de cette étude, il faut noter que la question des formats rejoint les préoccupations des industries culturelles. Celles-ci devant endiguer le piratage tout en redynamisant régulièrement leurs marchés, ce phénomène entraîne une course à l’armement technologique inéluctable. En outre, les industries culturelles ont retenu les effets bénéfiques du format DVD, qui a été très sécurisé nativement (dès sa conception), à l’inverse du CD audio qui n’a pas été conçu nativement pour être protégé. - Industrie de la musique, nouveaux formats en phase de développement commercial : Format Caractéristiques principales Principaux promoteurs DVD Plus CD audio sur une face, DVD sur -Digital Valley l’autre face (du même média) -Sony Music SACD (Super audio CD) Son haute résolution multicanal -Sony et Philips 5.1 ; Mesures de techniques protection -Les majors du disque incorporées nativement ; DSD (Technologie Direct Stream Digital) DVD Audio Son haute résolution multicanal -DVD Forum 5.1 ; Mesures techniques de protection -Les majors du disque incorporées nativement Sources : DEG (Digital Enternainment Group) / Sony / UMG (Universal Music Group) www.umg.com Parmi ces nouveaux formats, deux sont en concurrence frontale (SACD et DVDAudio) tandis que le troisième (DVD Plus) semble être un format hybride, une évolution à mi-chemin entre le CD et les deux autres formats (DVD-A et SACD). Le SACD et le DVD-Audio ont vocation à remplacer le CD, support frappé d’obsolescence technologique. Ce sont des supports exclusivement audio, complémentaires au DVD Vidéo musical. Le DVD Plus vient d’être lancé par Sony 110 Music France et Digital Valley168 en France169 : il a vocation à faire revenir les consommateurs vers des supports légaux en offrant beaucoup plus de contenu. En ce sens, cela rejoint l’analyse du modèle d’affaires « valeur ajoutée » : l’insertion de bonus vidéo (et d’autres natures) peut rendre plus attractif les supports légaux physiques, en conférant une forte augmentation de valeur ajoutée aux supports vendus. - Industries cinématographique et audiovisuelle, nouveaux formats en phase de développement technologique et industriel : Format Caractéristiques principales Principaux promoteurs Windows Media HD Haute définition (720p et 1080p contre 480p (WMV HD) Microsoft Corp. pour le standard actuel) ; Successeur éventuel du DVD première génération. Peut fonctionner sur supports physiques et informatiques (fichiers Wmv). Format très sécurisé. HD DVD (High Definition Haute définition. Format également en lice Toshiba DVD) pour le DVD de seconde génération. Nec Compatible avec le format DVD actuel. DVD Forum Blu-Ray Disc Format DVD de seconde génération, Sony capacité de stockage portée à 25 Go (contre Philips 9 Go pour le DVD de première génération) ; LG Rayon laser bleu au lieu d’un laser rouge ; Incompatible avec le format DVD actuel. EVD (Enhanced Versatile Concurrent du DVD de seconde génération E-World Digital Disc) (et du consortium DVD Forum) Technology (Chine) DVD-D DVD (1ère génération) à durée limitée : une Thomson fois le sachet spécial ouvert, le DVD ne SNA peut être lu que durant 8 heures, après il est rendu illisible. Destiné à un usage analogue à celui de la location. Sources : Microsoft (www.microsoft.com, section WMV) / Thomson / Clubic www.clubic.com / ZDNet.fr 168 Digital Valley est une société française implantée dans l’Eure. La première commercialisation à grande échelle d’un album de musique a été lancée en avril 2004 : 100.000 exemplaires du nouvel album de « Kool Shen » ont été édités. Voir : Guillemin (C.), « Le format hybride DVDPlus s’offre une promo choc avec Kool Shen », ZdNet.fr, 16 avril 2004. 169 111 Parmi ces formats en cours de développement technologique, trois sont en concurrence pour succéder au DVD de première génération (soit WMV HD / HD DVD / Blu-Ray), le quatrième (EVD) a été développé par un consortium chinois pour éviter de payer les royalties aux créateurs du DVD et de la compression MPEG2. Le cinquième format est un cas à part : il s’agit d’un DVD de première génération à durée limitée : un procédé chimique le rend illisible au bout de 8 heures. Il a vocation, s’il était adopté par les industries cinématographique et audiovisuelle, à s’insérer sur un marché de la location. Selon Thomson, ce DVD aurait l’avantage de mieux rémunérer les industries culturelles en leur permettant de mieux contrôler le marché de la location vidéo. Les industries de l’électronique, de l’informatique et les industries culturelles oeuvrent ainsi en faveur d’un renouvellement du format DVD. Outre les importantes améliorations de qualité rendues possible par le DVD de seconde génération (notamment la haute définition), en procédant ainsi les industries culturelles pourraient endiguer le piratage. En effet, le changement de format permet de renforcer les protections techniques natives apposées sur les supports ; de plus, cela contribue à limiter le piratage car il faudra nécessairement un certain laps de temps avant que ces nouvelles protections soient cassées. C’est également un procédé économique qui est mis en oeuvre : le changement de standard vise à soutenir le dynamisme des ventes dans un marché dont la croissance commence à s’infléchir légèrement. En conclusion, le changement de format permet à la fois d’offrir plus de qualité aux consommateurs, renforçant ainsi la valeur ajoutée des supports vendus. Ce phénomène s’inscrit également dans un processus de course à l’armement technologique : la technologie DVD ayant été brisée, il apparaît opportun pour les industries culturelles de changer le format et ses sécurités. En outre, les industries de l’électronique et de l’informatique sont loin d’être en reste dans un tel schéma. Elles profiteraient pleinement de l’adoption de nouveaux formats par le biais du renouvellement du parc de lecteurs DVD existant ainsi que de divers matériels électroniques. Cette course à l’armement technologique semble donc pouvoir donner des résultats intéressants : elle satisfait les trois grands secteurs industriels concernés (électronique grand public, informatique, industries culturelles). Stratégiquement, par le fait qu’elle limite le piratage, elle pourrait être la réponse la plus adéquate à la montée en puissance du piratage des DVD de première génération. En parallèle aux stratégies éventuelles que peuvent mettre en place les industriels, il faut souligner le rôle des nouvelles technologies dans l’émergence de modèles alternatifs de création et de 112 diffusion d’oeuvres culturelles. La section suivante dresse une analyse de la stratégie de l’autoproduction et s’interroge sur sa viabilité. 3. La stratégie de l’autoproduction, un modèle alternatif viable ? Depuis la démocratisation de l’accès à Internet, l’idée que les créateurs et artistes n’auraient plus besoin d’intermédiaires pour produire, valoriser, et promouvoir leurs oeuvres a jailli. Un artiste peut en effet s’autoproduire avec des moyens financiers et techniques limités. Un ordinateur équipé de quelques logiciels peut servir de studio d’enregistrement (cela est surtout vrai pour les musiques électroniques). En outre, rien n’empêche ensuite le(s) créateur et artiste(s) à diffuser ensuite leurs oeuvres sur Internet, au moyen de leur propre site ou via les réseaux P2P. Toutefois, si la production et la diffusion de musique sont techniquement réalisables, force est de constater que la promotion des oeuvres n’est pas aussi aisée. En outre, peu de créateurs et d’artistes peuvent consacrer une période de temps importante à travailler sans être rémunérés. De fait, il suffit de mener des recherches sur Internet pour s’apercevoir que très peu d’artistes diffusent librement et gratuitement leurs oeuvres. En outre, comme en témoignent les classements des chansons les plus téléchargées, les internautes ont tendance à rechercher des oeuvres produites par des labels, majors ou indépendants. Ces faits contredisent quelque peu l’idée née de la nouvelle économie concernant l’essor de créations culturelles distribuées directement et gratuitement. Ainsi, il n’existe pas (ou peu) d’exemples de réussite d’artistes et de créateurs ayant acquis une forte notoriété ou un certain succès uniquement en s’autoproduisant. Les rares succès en la matière sont ceux réalisés dans le cadre d’un modèle d’affaires alternatif développé par Vitaminic : toutefois la gratuité dans le cas de Vitaminic n’est utilisée que pour promouvoir les oeuvres lorsque celles-ci ne sont pas connues. La stratégie consiste ainsi à atteindre un seuil de notoriété qui, une fois franchi, permet de vendre les morceaux de musique ainsi créés. De plus, dans le cas de Vitaminic, le schéma employé renvoie à celui de l’intermédiation puisque les artistes et auteurs utilisent la plateforme de distribution d’un tiers. De même, il existe des sites regroupant les courts métrages créés par n’importe quel internaute. Toutefois force est de constater que si ces sites ne sont pas négligeables, ils n’ont pas attiré massivement les internautes. Ainsi depuis environ cinq ans, certains se sont essayés à annoncer l’arrivée imminente d’un mode de distribution direct, les artistes et créateurs se passant d’intermédiaires pour promouvoir et distribuer leurs oeuvres. Il faut pourtant noter dans le même temps qu’aucun changement majeur ne s’est produit. Si l’autoproduction peut satisfaire les amateurs, les 113 professionnels de la musique et du cinéma ont besoin de tirer une rémunération de leur travail. En outre, d’un point de vue économique, dans le modèle de l’autoproduction non rémunérée, il existe un mécanisme vicié. Sans rémunération, il n’y a pas d’incitation à créer : c’est une des propriétés économiques fondamentales dans la domaine de la propriété intellectuelle. Cette absence d’incitation explique qu’un nombre important d’artistes et d’auteurs se détournent du modèle de la gratuité de l’accès aux oeuvres qu’ils produisent. Dans un système capitaliste, celui qui ne tire pas une rémunération de son travail est perdant par défaut, car il devra tout de même payer ce dont lui a besoin tandis que son travail n’est pas valorisé économiquement. Aussi, à moins d’être philanthrope, ce mode d’autoproduction associé à une distribution directe semble plus crédible pour les amateurs éclairés que pour des individus espérant se construire une carrière. Les partisans de ce modèle ont peu être oubliés que les labels disposent d’atouts de taille pour promouvoir les artistes telles que des relations structurées avec la presse spécialisée, des moyens pour construire et diffuser des campagnes marketing (etc.). Ainsi, pour qu’un internaute télécharge l’oeuvre d’un artiste qui lui était inconnu, encore faut-il qu’il ait connaissance de l’existence des oeuvres de ce dernier. Dans un second temps, il faut aussi que l’internaute fournisse des efforts : il doit dépenser son temps pour rechercher les oeuvres, les écouter, et pouvoir les évaluer. En somme, il ferait pour son usage propre, la même démarche que le département artiste et répertoire d’un label. En conséquence, il semble que le concept d’autoproduction couplé à l’autodistribution par Internet semble provenir des derniers instants de feu la nouvelle économie. Ce modèle ne semble pertinent qu’à la marge des productions culturelles. Cela ne signifie pas qu’il doit être dévalorisé pour autant car il participe fortement à la liberté d’expression artistique. « Toute stratégie doit commencer par une proposition de valeur différente. La stratégie délimite le territoire sur lequel l’entreprise cherche à être unique. » Michael Porter170 Le piratage n’est pas un phénomène isolé : ses conséquences se répercutent sur l’ensemble de la chaîne de valeur des industries culturelles. Poussé à l’extrême dans 170 Hammonds (K.H.), « Les grandes idées de Michael Porter », L’Expansion Management Review, juin 2001. 114 le cas de l’industrie du disque, le piratage concourre à détruire des emplois et biaise le financement de la création. Si l’impact du piratage est avéré, il n’en demeure pas moins que l’industrie de la musique subit le contrecoup d’une stratégie trop conservatrice. A l’opposé, l’industrie cinématographique semble avoir réussi à anticiper les problèmes de piratage en protégeant nativement le format DVD mais aussi en adaptant constamment son modèle d’affaires. Ainsi l’impact du piratage et de la révolution numérique engendre des effets très différents. Les évolutions réglementaires adoptées récemment ont créé à l’échelle européenne et américaine un cadre juridique fort visant à adapter le droit d’auteur et les droits voisins aux défis lancés par la révolution numérique. Ces évolutions réglementaires favorisent ainsi l’adoption, probablement très progressive, de l’univers des réseaux par les industries culturelles. Les modèles d’affaires des industries culturelles vont donc probablement continuer à évoluer rapidement. Stratégiquement, il apparaît que les industries culturelles n’ont pas tant intérêts à adopter une politique répressive qu’à évoluer technologiquement. La course à l’armement technologique évoquée dans ce mémoire pourrait être une des solutions les plus aptes à endiguer le problème majeur du piratage. Par course à l’armement technologique, il faut entendre que les industries culturelles sont condamnées en quelque sorte à accélérer le cycle de vie des formats afin de contrebalancer les effets négatifs du piratage. Toutefois la révolution numérique ne se limite pas au piratage. Une stratégie plus agressive en matière de distribution en ligne d’oeuvres numériques constituerait le complément opportun de la politique anti-P2P. Faute d’avoir anticipé l’évolution des modes de consommation, les industries culturelles doivent bâtir des marchés dans une situation délicate puisqu’elles font face dans le même temps à une forme déloyale de concurrence à travers le piratage. Les modèles d’affaires des plateformes numériques de distribution en ligne semblent pour l’instant encore en phase de test. Ces modèles n’ont pas encore véritablement démontré qu’ils pouvaient générer à terme de la rentabilité pour les distributeurs. En revanche, il s’avère que les maisons de disque conservent une part importante de leurs revenus, la marge du distributeur en ligne étant très faible. Dans le même temps, les plateformes de distribution en ligne commencent à intéresser les producteurs de films et d’audiovisuel. Le passage de l’ère de la gratuité des contenus sur les réseaux au modèle payant ne se fera certainement pas aisément. Néanmoins, un modèle d’affaires en particulier semble avoir démontré ses capacités commerciales en rendant plus attractif l’offre. Le modèle « valeur ajoutée », en proposant une qualité de service et une mise en perspective éditoriale des contenus permet ainsi de se 115 différencier des plateformes pirates. En procédant ainsi, les industries culturelles se placeraient en position favorable car elles recréeraient une véritable différenciation entre les produits légaux et les produits illicites. Cela aurait pour conséquence de réduire assez fortement l’effet de substitution en oeuvre dans le cadre de l’industrie musicale. Par ailleurs, il faut appréhender l’évolution des modèles d’affaires en mettant en perspective le rôle que peuvent jouer les DRMS ainsi que les mesures de protection technique. En généralisant progressivement ces systèmes de protection technique des oeuvres et ces systèmes de gestion des droits numériques, il est possible qu’à moyen terme les industries culturelles parviennent à rétablir un équilibre dans les conditions de marché. Ces dispositifs techniques couplés aux évolutions réglementaires augurent en effet un retour vers le respect des droits exclusifs, y compris sur les réseaux. Dans le même temps, il ne faudrait pas que le changement d’équilibre soit trop brutal et que la copie privée soit sacrifiée car cela pourrait engendrer un fort mécontentement des consommateurs envers les industries culturelles. Cet équilibre fort difficile à obtenir pourrait éventuellement être obtenu par la contractualisation de la copie privée, seul moyen cohérent de concilier des dispositifs techniques contraignants et l’exception pour copie privée dans les pays la reconnaissant. En outre, si l’entente est difficile entre des secteurs dont les intérêts sont parfois antagonistes, les industries culturelles ont intérêt à négocier et peser sur les industries de l’informatique et de l’électronique. Celles-ci jouent un rôle fondamental car elles sont à même d’aider les industries culturelles à impulser des évolutions de format, permettant ainsi un saut technologique qualitatif et une meilleure sécurisation des oeuvres. En définitive, les industries culturelles n’ont pas connu des évolutions similaires de leurs modèles d’affaires. Alors que l’industrie cinématographique a fait évoluer son modèle, principalement grâce au DVD durant ces dernières années, l’industrie du disque est restée trop cloisonnée dans un modèle d’affaires reposant sur le contrôle de la distribution des supports physiques. Cette industrie ne peut que réaliser à présent une inflexion stratégique afin de mieux intégrer la révolution numérique dans son modèle d’affaires. En opérant ainsi, elle ne ferait ni plus ni moins que satisfaire les nouvelles exigences de ses clients. 116 !"! Productions personnelles : - Entretien avec Emmanuel Paquette, journaliste aux Echos - Entretien avec Frédéric Delacroix, Délégué général de l’ALPA - Questionnaire rempli par M. Vincent Florant, EMI Music France Directive et article de presse : - Directive du 22 mai 2001, relative à l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information - Article publié dans Le Monde concernant le point de vue des artistes à propos du piratage des oeuvres : Bouvier (Pierre), « Le point de vue des artistes » ; Le Monde, 28 novembre 2003. 117 Entretien avec Emmanuel Paquette, Journaliste aux Echos, rubrique « High Tech » Retranscription Entretien réalisé le 29 mars 2004. - Auriez-vous des estimations des pertes occasionnées par le piratage aux industries culturelles ? Concernant le cinéma, j’ai fait une interview de Jack Valenti qui est le patron de la RIAA, il m’a dit qu’il ne pouvait pas faire d’estimation parce que ce sont des flux numériques. En outre, il y a beaucoup de systèmes de peer-to-peer, donc c’est difficile de le déterminer précisément. C’est un peu similaire pour l’industrie musicale, là aussi c’est complètement ingérable.. Tout ce qui est numérique et numérisable est difficilement quantifiable. D’accord. La seule chose que l’on peut déterminer précisément, ce sont les ventes sur les supports vierges, notamment les CD vierges, cela donne une petite indication. En 2002 cela représentait 120 millions d’euros et en 2003 cela se montait à 150 millions d’euros en France. C’est en progression et de manière assez nette. Vous savez il y a le droit de la copie privée en France.. Oui.. C’est une redevance pour le droit à la copie privée.. Cette redevance repose sur les CD vierges, DVD vierges, cassettes vidéo, cassettes vierges et disques durs portables. En effet j’en ai entendu parlé.. - Sinon j’aurais voulu avoir votre avis : les majors du disque et du cinéma ont-elles trop tardé à basculer dans l’environnement en ligne ? Cela dépend de quelle industrie on parle, pour l’industrie musicale oui. Aujourd’hui il n’y a pas d’offre globale en Europe.. C’est vrai.. Autrement dit, il n’existe pas d’offre présentant toutes les majors sur une même plateforme. Aux Etats-Unis il y en a 3-4 qui sont déjà disponibles dont : Itunes Music Store d’Apple, Napster 2.0 de Roxio et Musicmatch qui a lancé son système il y a très peu de temps. Et puis il y a également deux plateformes qu’on connaissait déjà un petit peu mais qui n’ont pas du tout marché. Ce sont des associations à chaque fois, il y a MusicNet et Pressplay. 118 Pressplay a été racheté par Roxio.. donc Pressplay devrait a priori être intégré dans l’affaire. - J’ai une autre question, sur les DRM, souvent présentées comme l’arme ultime anti-piratage, j’aurais voulu avoir votre avis sur ce sujet ? En fait pour l’instant il y a un problème. On peut protéger un support, et même un fichier peut être protégé par des technologies logicielles, en revanche il y a une chose que l’on ne peut pas maîtriser du tout, c’est la capture du son. Il suffit de brancher un baladeur MP3 encodeur à la volée comme Archos les font et de le brancher directement sur une chaîne HI-FI et de capter à la volée le flux et l’encoder à la volée C’est un peu le même principe qu’avec le magnétophone sous Windows ? Oui en quelque sorte. Ce n’est pas exactement la même chose parce qu’avec le magnétophone on a une déperdition tandis que dans le cas évoqué, c’est branché simplement sur une sortie. Ainsi on peut brancher un baladeur MPEG4 Archos sur une Tv et puis enregistrer ce qui passe à la Tv. Donc pour cela il faudrait contrôler les flux sortants et entrants, aux Etats-Unis ils essayent de le faire, ils sont en train de mettre en place une technologie via la FCC, cette technologie s’appelle le Broadcast Flag. Cette une technologie ferait en sorte que lorsqu’ils vont passer sur le numérique hertzien aux Etats-Unis (ça devrait arriver en 2006), le flux des émissions aura un marqueur. Par conséquent, il sera toujours possible d’enregistrer un programme sur un magnétoscope numérique intégrant un disque dur. En revanche, quand si l’on essaye de l’envoyer à un ami via Internet, cela ne fonctionnera pas. La personne recevra un fichier illisible en fait. D’accord.. En fait les flux seraient-ils cryptés ou pas ? Oui les flux seraient cryptés, c’est ce qu’a réussi à faire passer l’industrie des médias aux Etats-Unis..D’accord. Cela n’est possible que lorsque le flux est numérique. En Europe, et en France notamment, on est encore en analogique donc on ne peut pas marquer le flux. ..Et pour le satellite et le câble par contre pourraient-ils éventuellement marquer les flux ? Oui ils pourraient marquer les flux mais pour cela il faut qu’il y ait un standard, une technologie retenue et que tout le monde utilise la même. Donc ce n’est pas encore arrivé.. 119 Pour poursuivre sur les DRM, Microsoft tente actuellement de s’implanter sur le créneau des DRM, j’aurais voulu avoir votre avis sur cela ? Quelles seront les réactions des industries culturelles par rapport à cela ? Si l’on souhaite avoir un DRM efficace, il faut un standard de facto..Il ne faut pas qu’il y ait plusieurs modules qui ne puissent pas communiquer entre eux. Le problème est donc de savoir qui va dominer. Microsoft essaye de pousser plusieurs choses : ils arrivent à faire fonctionner un DRM, en le faisant fonctionner sous leur système de compression/décompression. Leur codec Windows Media 9 est opérationnel. Ils ont réussi à l’implanter sur des DVD aux Etats-Unis donc les prochains lecteurs de DVD vont intégrer des puces de décompression MPEG2 comme on en a aujourd’hui dans les salons et des puces MPEG9 de Microsoft. Ils essayent de pousser leur technologie de protection via Windows Media 9. Plus il y aura de Windows Media 9 plus il y aura de DRM qui sera lié à l’ensemble. En fait il faut voir cela comme un tout : c’est-à-dire qu’il y a WM9 lui-même est embarqué dans Windows ou dans un DVD, ou dans n’importe quel support, et dans le WM9 il y a du DRM. Ils se servent des DRM pour vendre Windows Media 9..Microsoft ne vend pas le DRM seul. Par rapport à cette stratégie, serait-ce dangereux que Microsoft puisse, à terme, contrôler l’accès aux contenus culturels ? La question ce n’est pas qui va contrôler. La question c’est comment ? Si la Commission européenne leur est tombée dessus c’est sur le ‘comment ?’.. Comment, avec un monopole de facto sur le PC avec Windows on essaye d’avoir d’autres monopoles dans d’autres marchés..à coté en cassant la concurrence et en offrant par ailleurs dans Windows des choses qui sont soit payantes soit distribuées sur Internet de manière libre mais qu’il faut aller télécharger soi-même. Si l’on était en concurrence pure et parfaite, tant mieux, chaque joueur joue sa carte et après certains s’en tireront ou pas d’ailleurs. Là, la question c’est comment Microsoft, à partir de son monopole, essaye d’imposer sa technologie dans d’autres domaines ? Prenons un exemple à part. Il y a déjà un exemple de standard de protection sur les DVD qui est le système de Macrovision. Tous les DVD sont équipés de Macrovision, c’est un vrai standard. On peut dire que c’est le Microsoft des DVD mais il n’empêche que le système de Macrovision ne marche pas. Il peut être contourné. ...en effet il y a des logiciels sur PC comme « DVD Xcopy » qui permettent de casser les protections.. 120 Oui c’est exactement cela. Le problème ce n’est pas tant de protéger, parce que l’on sait que toute protection sera contournée à un moment ou à un autre par certaines personnes, c’est de mettre un niveau de protection qui soit relativement élevé. C’està-dire qu’il faut faire en sorte que tout le monde ne puisse pas y avoir accès. - J’aurais voulu avoir votre avis sur Itunes d’Apple ? Itunes pour l’instant on ne l’a pas vu en Europe. Je n’ai pas pu le tester .. On en a simplement des retours des Etats-Unis. Il faut voir Itunes comme un fabriquant de PC : ils se servent d’Itunes pour vendre des Ipod en fait. En fait, ce n’est pas la musique qui les intéresse ces gens là.. C’est le matériel ? C’est le matériel et le logiciel : pour Apple c’est vendre son Ipod et c’est pusher son standard qui s’appelle l’ « AAC ». Tout sur Itunes Music Store est fait en AAC. On ne peut pas télécharger en MP3 par exemple. On est contraint d’utiliser un lecteur qui lit l’AAC. Par exemple tous les baladeurs ne lisent pas ce format sauf peut-être le dernier d’Archos. On arrive à tenir le consommateur, on l’enferme en fait dans une offre, avec un format, avec du soft et avec du hard. Et ça on ne le tient pas avec la musique...la musique on achète un CD et on peut l’écouter comme on veut aujourd’hui. Mais en numérique on peut le tenir dans un format. On essaye de l’enfermer dans un format en fait. L’intérêt d’Apple serait de vendre du matériel et le logiciel.. Le contenu serait un produit d’appel aujourd’hui ? Ils s’en fichent eux du produit d’appel.. Il faut qu’un produit d’appel se vende. Si c’est la musique très bien mais si c’est autre chose.. D’accord. Là l’idée c’est que lorsque l’on a un contenu en AAC, ou en MP3 ou en WM9, pour l’encoder on doit payer. A chaque fois qu’on encode on paye. C’est une technologie brevetée ? Oui c’est tout à fait vrai. Et toute entreprise a besoin et rêve que sa technologie devienne un standard de facto. Le MP3 aujourd’hui c’est Thomson et le Fronhoffer Institute , ça génère beaucoup d’argent à Thomson et au Fronhofer. Quand on lit un MP3 on ne se rend pas compte qu’il y a une industrie derrière mais les gens qui encodent en MP3 payent l’encodeur. 121 Sinon, j’aurais voulu avoir votre avis sur Sony qui a pour particularité d’être à la fois dans l’univers de l’informatique et l’électronique grand public tout en étant aussi dans la musique et le cinéma.. Quel rôle pourrait jouer Sony ? Pour l’instant on n’a pas vu de succès d’une plateforme de diffusion musicale qui soit liée à un éditeur... Par exemple PressPlay et MusicNet qui appartiennent à des éditeurs ne se sont pas imposés. En revanche Itunes Music Store, qui a été réalisé par un industriel de l’informatique, fonctionne bien. La question qu’il faut se poser est la suivante : est-ce qu’un éditeur peut en même temps être distributeur ? Il mettra forcément en avant ses productions plutôt que celles des autres majors.. Donc les autres majors n’ont pas particulièrement intérêt à venir rejoindre leur plateforme. Donc coté plateforme je ne suis pas convaincu. En revanche au niveau hardware, Sony veut faire de nouveaux baladeurs MP3. Ils en ont déjà fait auparavant mais cela n’a pas énormément marché non plus. En fait le problème, ce n’est pas moi qui le dit c’est Forbes, c’est que Sony est une entreprise schizophrène, à double personnalité. En effet j’avais lu un article dans Wired sur ce sujet... Sony est dans deux endroits en même temps et c’est difficile de savoir.. Je ne sais pas si c’est votre domaine mais j’aurais voulu savoir ce que vous pensiez des évolutions réglementaires récentes, française, européenne et américaine sur les problèmes de piratage et de protection du droit d’auteur ? Il y a eu deux directives. La première c’est l’IP directive mais je ne l’ai pas trop suivie celle-là. L’autre qui n’est pas encore passée s’appelle l’EUCD.. L’EUCD s’est en fait l’équivalent de ce qui existe aux Etats-Unis, qui s’appelle le Digital Millennium Copyright Act. Les linuxiens sont absolument contre l’EUCD. Ils s’attaquent à cela notamment il y a un site qui s’appelle EUCD.org en Europe, et EUCD.info qui est sa filiale française, qui luttent contre la mise en place de cette directive parce qu’elle assimile le fait de copier à un délit de contrefaçon. Le délit de contrefaçon c’est 2 ans ans d’emprisonnement et ça peut monter jusqu’à 500.000 euros d’amendes. L’idée est la suivante : lorsqu’il y a un système de protection sur un CD ou un DVD, le simple fait de s’attaquer à système de protection peut valoir deux ans de prison. Si cette loi est implantée telle qu’elle est en l’état en France, c’est la mort de la copie privée. Il faut faire en sorte qu’elle autorise également la copie privée. 122 Comment voyez-vous l’avenir des industries culturelles, compte tenu de l’environnement numérique, des problèmes de piratages, de formats etc. ? Comment la situation pourrait-elle évoluer ? Primo, il faudrait que tout le monde se mette d’accord et cela va être difficile parce que les parties en présence ont des intérêts assez contradictoires. C’est-à-dire que l’industrie de l’informatique a tout intérêt à ce que le piratage continue (en privé bien entendu). Les gens quand ils achètent de nouveaux PC aujourd’hui, c’est pour avoir des graveurs plus que pour avoir le nouveau processeur Intel Pentium 4. L’industrie de l’informatique ne le dit pas mais à tout intérêt à ce que cela continue. ...et les télécoms ? Et les télécoms aussi avec les fournisseurs d’accès à Internet. Donc en fait on a des lobbys contre d’autres lobbys. On a les lobbys des fournisseurs d’accès, des opérateurs de télécommunication et de l’informatique, contre les lobbys de l’industrie de la musique et du cinéma. Ce sont des lobbys extrêmement puissants dans les deux cas. Le problème c’est qu’ils ont des intérêts qui sont assez antagonistes. Ils n’ont pas intérêt à s’entendre.. Enfin l’industrie musicale et l’industrie cinématographique auraient intérêt à ce que tout le monde s’entende mais l’industrie de l’informatique et les fournisseurs d’accès ont un intérêt inverse. Pour l’instant on ne sait pas trop dans quelle direction cela va aller. Avez-vous entendu parler de l’étude des Mines ? Oui... c’était sur l’upload ? J’ai discuté de la taxation de l’upload avec Jack Valenti quand je l’ai interviewé, il m’a dit qu’il s’y oppose. L’argument qu’il avance, c’est que contrairement aux cassettes vidéo, avec lesquelles la qualité se dégrade au fil des duplications (le son devient moins bon et l’image aussi), un contenu numérique peut être copié dix mille fois sans perte de qualité.. Donc ils ne peuvent pas taxer de la même manière, c’est l’argument qu’ils utilisent. Donc ils sont contre une taxation parce que le format numérique permet de faire autant de copies que l’on veut et sans aucune perte de qualité. Justement est-il ‘réaliste’ techniquement de vouloir taxer l’upload ? 123 C’est assez simple, il y a des moyens de reconnaissance sur les extensions de fichiers. Si c’est du .mp3 on sait très bien que ce n’est pas une page .html... non ce n’est pas très compliqué. Techniquement c’est faisable.. mais c’est économiquement ..je pense qu’ils ont peur de perdre énormément. 124 Entretien avec Frédéric Delacroix, délégué général de l’ALPA (Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle) Retranscription Entretien réalisé le 2 avril 2004. 1) Quelle est votre position concernant le peer-to-peer ? Le peer to peer est le principal centre d’intérêt dans la lutte contre le piratage. C’est un système d’échange qui a été dévoyé de ses fonctions originelles telles que l’échange d’informations, l’échange entre les universités, la mise en commun de la puissance de calcul des ordinateurs. Il est clair qu’aujourd’hui le peer-to-peer ne sert pratiquement qu’à pirater les produits des industries de contenu, que ce soit les jeux vidéo, la musique, ou le cinéma qui est nouvellement arrivé dans ce mode de diffusion, même si aujourd’hui le film est quand même le produit d’appel du piratage. C’est ce qui est le plus recherché. Vous pensez que le film est maintenant plus recherché que la musique ? Oui, la banalisation du piratage de la musique confère au film une certaine valeur aux yeux des pirates pour le moment. Je crains malheureusement que l’on aboutisse également à une forme de banalisation de la diffusion de fichiers pirates de films. Dans le cadre du peer-to-peer, Altnet propose des offres légales de vente de films ? Je ne suis pas sûr qu’Altnet vende des films, il me semble qu’Atnet vend surtout des jeux. Enfin je n’en suis pas certain à 100%, ils proposent peut-être des séries.. Cela m’incite à dresser deux constats : premièrement le peer-to-peer peut être effectivement un moyen de distribution de contenus légaux et deuxièmement cela veut dire que Kazaa est capable de contrôler les fichiers qui s’échangent dans son réseau. Le principe d’Altnet est de mettre un flag sur les fichiers légaux afin qu’ils apparaissent en premier. Il s’agit ainsi d’éliminer les fichiers pirates pour ne plus laisser que les légaux. Cela signifie implicitement que Kazaa est tout-à-fait capable de contrôler le piratage sur son réseau. Le peer-to-peer ne me semble pas un système pertinent de distribution, en tout cas pas pour des fichiers aussi lourds. Je pense que des plateformes de distribution en ligne, notamment deVOD, seraient plus adaptées. Des plateformes de streaming ? 125 Streaming ou téléchargement...je crois plus au streaming parce que de toute façon les capacités de chargement de flux sont telles que l’on aura plus besoin de stocker les fichiers sur son ordinateur. Prochainement on aura accès à une banque de données immense que l’on pourra consulter en temps réel et qui mémorisera nos choix. Je ne suis pas certain que l’on ait besoin de télécharger. J’en doute même puisque l’on aboutira à d’autres modes de distribution, à d’autres modes de consommation (de produits légaux bien sûr). De la sorte, il ne sera pas forcément nécessaire de stocker des contenus sur l’ordinateur ou sur un disque dur. On aura accès aux contenus directement via le fournisseur d’accès à Internet ou par l’intermédiaire d’un portail. Dans ce cas, cela correspondrait à un modèle d’affaires reposant sur la vente d’abonnements ? Tout à fait, cela pourrait reposer sur un abonnement ou de la VOD [Video on Demand]. On n’utilisera plus un support physique. Dans le cas contraire on retournerait au modèle traditionnel qui consiste à télécharger un film et à le graver (éventuellement). D’accord.. Certains économistes pensent que le P2P pourrait avoir une fonction de promotion des oeuvres..pourrais-je avoir votre avis sur cette analyse ? Je n’y crois pas trop parce qu’aujourd’hui la promotion des oeuvres se fait essentiellement par le système ‘classique’ mis en place par le producteur. A ma connaissance, les expériences qui ont eu lieu concernant la promotion de musique via les réseaux d’échange n’ont pas été très probantes. Cela s’explique par un manque de visibilité totale : si vous n’êtes pas connu, le peer-to-peer ne vous fera pas plus connaître ; sans promotion, les créations n’auront pas plus de visibilité. Sincèrement je ne vois pas d’exemple de réussite dans ce domaine. Certains s’y sont essayés mais ce sont des groupes très confidentiels qui n’ont pas une grande notoriété. Ce n’est pas parce qu’un groupe inconnu du grand public va enregistrer un CD numérique dans son garage et le mettre à disposition sur Internet qu’il va forcément être téléchargé. 2) Quel est votre avis sur le Divx ? Le Divx est un format de compression au même titre que le MP3. Il peut avoir son utilité comme le MP3 peut avoir son utilité. Personnellement, j’utilise un baladeur numérique MP3 sur lequel je mets les fichiers compressés de mes CDs (je ne télécharge pas..) Je pense que c’est un format utile.. A contrario, je ne pense pas que le Divx soit un format d’avenir parce qu’il est probable que l’on ait plus autant besoin de compresser les fichiers. Ainsi L’ADSL2 devrait arriver en 2006, la bande passante 126 proposée sera alors de 8 Mb/sec. Bien entendu, je ne prône pas le piratage du DVD, je dresse simplement un constat selon lequel le Divx n’aura prochainement plus aucun intérêt. Ce n’est pas un format d’avenir. 3) Les ventes de DVD ont connu une belle croissance en 2002 et 2003..pensez-vous que le piratage - sous toutes les formes (gravure, P2P) ait un impact sur les ventes de films ? En 2003 nous constatons un infléchissement de la croissance des ventes de DVD. Je pense que le piratage des films aura effectivement une influence sur la chaîne de valeur des industries culturelles, du cinéma et de l’audiovisuel. Les salles risquent d’en être les premières victimes. Je suis persuadé que la diminution des entrées en salles en 2003 est en partie imputable au piratage. Toutefois c’est difficilement quantifiable. Par ailleurs le DVD offre un gain qualitatif important par rapport à la VHS : il apporte les bonus, les sous-titres, le choix des langues. Le gain qualitatif est donc très important par rapport à ce que l’on peut télécharger en Divx. Aujourd’hui il est possible de télécharger des DVD. Cela reste relativement confidentiel en raison des temps de téléchargement importants et du fait que les protocoles sont un peu moins connus (Bit Torrent entre autres). Lorsque le grand public va s’intéresser au téléchargement de DVD, les ventes de DVD seront forcément affectées par le piratage. Vous me parliez du fléchissement de la croissance des ventes de DVD en 2003..pensez-vous que le piratage ait un impact sur ces ventes ? Je pense que la baisse s’explique essentiellement par une saturation du marché des lecteurs de DVD. Le grand boom de l’année dernière ou de l’année précédente est fini. Pour l’instant, l’impact du piratage demeure difficilement quantifiable. D’accord..mais pensez-vous qu’il soit possible qu’il y ait un effet de substitution entre un DVD et un produit pirate ? Certaines catégories de films ne sont pas touchées par un effet de substitution tandis que d’autres peuvent l’être : je suis persuadé que le piratage a un effet limité pour les blockbusters. En effet, les fans de Matrix ou du Seigneur des Anneaux vont éventuellement les télécharger pour les voir avant tout le monde, mais ils iront quand même les voir en salle et achèteront le DVD afin de profiter du son numérique 5.1. 127 Par contre, je pense que pour les films intermédiaires ou les films qui ont peu de succès, l’impact est direct. L’impact est direct pour les salles de cinéma car le film ayant déjà été téléchargé, les internautes ne vont pas forcément avoir ensuite envie d’aller le voir en salle... ..soit parce que le film aura été vu dans de mauvaises conditions soit parce que l’ayant déjà visualisé, cela ne présente plus aucun intérêt d’aller le voir. 4) Avez-vous des estimations des pertes occasionnées par le piratage à l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel ? C’est difficilement quantifiable. Les chiffres de la MPA l’estime à 3,5 milliards de dollars. Ils ne tiennent pas vraiment compte des effets de l’Internet puisqu’ils ne prennent en compte que le piratage physique. On est moins concerné que d’autres pays de ce coté là. Il est difficile de vous donner un chiffre, je l’évaluerais pour la France à plusieurs centaines de millions d’euros, tant dans l’univers virtuel que pour les supports physiques. 5) Les Digital Rights Management (DRM) sont présentés comme l’arme anti-piratage par excellence, est-ce vrai selon vous ? Il s' agit là d' outils vraiment intéressants pour lutter contre le piratage. A la différence des dispositifs anti-copies , les DRM permettent à la fois de réaliser des copies privées et de protéger les contenus. Mais l' utilisation de tels procédés n' est pas neutre sur le principe de la redevance pour copie privée. En effet celle-ci est actuellement répartie de manière forfaitaire, la mise en place de DRM apporterait une répartition proportionnelle de la redevance pour copie privée. Il conviendra d' être prudent dans leur utilisation. 6) Microsoft semble vouloir s’implanter dans les DRM : quel est votre avis sur cette situation ? Microsoft propose déjà un package intéressant, c’est un système relativement sûr et de qualité reposant sur Windows Media 9. Microsoft propose une plateforme vraiment intéressante, de qualité et sécurisée : les craquages ont été relativement mineurs sur cette plateforme. En conséquence, leur système me paraît relativement sûr. Néanmoins, il existe d’autres systèmes performants proposés par leurs 128 concurrents. En outre, le système de MS est gratuit pour l’instant, fiable et assez sécurisé, mais à terme on pourrait ne plus avoir que des standards élaborés par Microsoft. A partir de ce moment précis, ces mêmes standards deviendront payants. Les standards sont faits pour cela. Je pense qu’il vaut mieux diversifier les standards. 7) Les vente de graveurs de DVD connaissent actuellement une croissance relativement importante : est-ce que cela peut représenter un danger pour l’industrie cinématographique ? Cela représente forcément un danger pour l’industrie cinématographique mais il faut peut être aussi faire le parallèle avec la VHS qui finalement n’a pas coulé l’industrie cinématographique. Je pense simplement qu’il faut réguler et contrôler les moyens de reproduction des oeuvres. 8) Quel est votre avis sur les évolutions réglementaire récentes ou à venir (LEN, Directive de mai 2001, projet de directive « IP Enforcement ») ? La LEN ne me satisfait pas dans la mesure où elle ne fait pas peser d’obligation de moyen sur les FAI et les hébergeurs sauf en matière de pédophilie etc. J’estime qu’ils ont une obligation de surveillance générale des contenus qu’ils véhiculent ou qu’ils hébergent. Cela me paraît normal. Sans aller jusqu’à leur imposer une obligation de résultat, qui est impossible, il convient au minimum de leur imposer une obligation de moyen (de recherche et de contrôle). Par conséquent vous seriez en faveur de la mise en oeuvre d’une forme de filtrage des contenus sur Internet ? Tout à fait. Quoiqu’en dise les fournisseurs d’accès, elle est tout à fait possible. Je ne suis pas technicien mais beaucoup de personnes sont venues me voir afin de me vendre des solutions complètes. Cependant, celles-ci coûtent chères, notamment au niveau de la mise en oeuvre.. Dans ce cas de figure, qui paierait la mise en oeuvre ? La fourniture de prestations à des clients doit toujours être complète et conforme aux lois en vigueur. Par conséquent je ne vois pas pourquoi ce serait l’industrie de contenu qui devrait payer. Cela doit être inclus dans les prestations qu’un FAI honnête devrait fournir. 129 Quel est votre avis sur la directive « IP Enforcement » qui devrait être prochainement votée à Bruxelles ? Je ne pense pas qu’elle apporte beaucoup d’éléments nouveaux. La directive droit d’auteur est plus intéressante. Lors de la transposition de la directive droit d’auteur, la difficulté pour le législateur va être de préserver l’exception pour copie privée et les mesures de protection. Par ailleurs, il y a une mesure législative française très récente qui renforce les pénalités en matière de contrefaçon : la loi Perben II porte à 3 ans d’emprisonnement la peine maximale pour le délit de contrefaçon. Cela permettra peut-être à certains magistrats de mettre en détention provisoire certains contrefacteurs. Le champ d’application est vaste et comprend notamment l’Internet. Il sera possible de retenir lorsque le cas s' y prêtera la circonstance aggravante de bande organisée. La peine pourra alors être portée à 5 ans d' emprisonnement et 500 000 euros d' amende. Il est évident qu’il faudra attendre à mon sens quelques années avant que la Cour de Cassation ne tranche le sujet via une jurisprudence. Aujourd’hui sont poursuivables du délit de contrefaçon aggravé par la bande organisée les personnes qui téléchargent sur Internet ou qui ont organisé des plateformes de téléchargement..ou ceux qui procèdent à des échanges par l’intermédiaire des forums.. 130 Vincent Florant. (EMI Music France) Questionnaire 1. Comment le piratage affecte-t-il votre activité ? Quel est le montant estimé du manque à gagner ? Le piratage sur internet de type peer to peer, et le clonage illicite de CDs représentent un fort manque à gagner sur les ventes. La cible la plus touchée sont les 15-35 ans. Cette année la baisse du marché du disque est de plus de 10%, et ce n' est qu' un début. 2. Selon vous, la meilleure riposte se situe-t-elle sur le(s) champ(s) : technologique, politique, commercial ou juridique ? Les quatre bien sûr. Tout est imbriqué : il faut revoir la législation sur la copie privée qui a été votée à l' époque pour réguler la copie de vinyles sur cassettes analogiques, le problème n' est bien sûr plus le même aujourd' hui puisqu' on obtient une copie rigoureusement identique (clone). Comme la dernière loi sur la copie privée date de 1986, avant l' ère du digital, il y faudrait restatuer sur : "qu' est-ce que la copie privée dans l' ère digitale ?". En ce sens il y a besoin d' une concertation politique. Maintenant il est évident que la musique digitale est un nouveau support important et que EMI a décidé de s' engager sur cette voie en mettant en place une offre de téléchargement légal. 3. Quels moyens directs et indirects utilisez-vous pour contrer ces deux types de piratage (off line et on-line) ? Vous donnent-ils satisfaction ? En positif, développer le téléchargement payant. Faire avancer dans le bon sens la législation sur Internet et sur l' idée de copie privée. Essayer de ralentir la piraterie de nos disques avec le " copy control ", qui empêche de faire un clone numérique identique. Nous disposons également d' éléments de protection par rapport au téléchargement pirate. Un système de cryptage de nos disques interdit d' avoir une reproduction identique du fichier numérique et empêche l' extraction directe par l' ordinateur. 4. Comme toutes les majors, vous êtes probablement affiliés à la RIAA et à l'IFPI. Ces deux organisations répondent-elles à vos problèmes en matière de piratage (du point de vue de l'efficience) ? Oui pour l' IFPI. La RIAA ne concerne que les Etats-Unis. 131 5. Comment votre société, dans la cadre de son activité, appréhende-t-elle Internet : est-ce une menace ou une opportunité ? C' est une opportunité, un nouveau medium à part entière. Il faut se servir de ses avantages 6. Avez-vous développé en interne une plate-forme de distribution numérique des oeuvres que vous produisez ? Nous sommes en relation avec plusieurs plateformes pour que notre contenu soit exposé chez le plus de marchands on-line possible. Pour l' instant, tous nos albums et singles sortent chez Virginmega.fr, ainsi que les sites qui utilisent la plateforme OD2, à savoir fnac.com, alapage.com, wanadoo.fr, mtv.fr, msn.fr, et tiscali.fr qui disposent tous d' une offre de téléchargement. 7. Les nouveaux formats sécurisés (DVD vidéo de musique, DVD-Audio, SACD ou WMA) vous paraissent-ils fournir une réponse pertinente aux problèmes de piratage ? Il y a depuis quelques temps une baisse d' intérêt pour le support CD, qui n' est plus aussi "sexy" qu' avant. L' arrivée de ces nouveaux supports est bien sûr une chance, par exemple les ventes de DVD explosent alors que le marché global du disque a beaucoup souffert. EMI a d' ailleurs ouvert une section dédiée au développement de contenu sur ces nouveaux supports, avec des DVD musicaux ou des DVD single de clip, des exclusivités etc...Par contre cela ne peut résoudre le problème du piratage, car d' ici peu de temps, avec le développement du haut débit, il sera très rapide de télécharger des vidéos et le problème sera le même. 8. Quels sont les objectifs de votre société concernant les Digital Rights Management Systems ? Proposer une façon simple, rapide et sûre d' accéder à l' ensemble de notre catalogue en téléchargement légal. 9. Comment entrevoyez-vous l'avenir de l'édition musicale ? Bien ! Nous vivons une période de changement et il faut se servir de ces nouveaux moyens de diffusion et de promotions, mais la demande de musique n' a jamais été aussi forte. 132 DIRECTIVE 2001/29/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 22 mai 2001 sur l' harmonisation de certains aspects du droit d' auteur et des l' information droits voisins dans la société de LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L' UNION EUROPÉENNE, • le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 47, paragraphe 2, son article 55 et son article 95, • • (5) la proposition de la Commission (1), générale, dans de nombreux secteurs industriels et culturels. Ce processus permettra de sauvegarder des emplois et encouragera la création de nouveaux emplois. l' avis du Comité économique et social (2), (1) statuant conformément à la procédure visée à l' article 251 du traité (3), considérant ce qui suit: Le traité prévoit l' établissement d' un marché intérieur et l' instauration d' un système propre à empêcher les distorsions de concurrence dans le marché intérieur. L' harmonisation des dispositions législatives des États membres sur le droit d' auteur et les droits voisins contribue à la réalisation de ces objectifs. L' évolution technologique a multiplié et diversifié les vecteurs de création, de production et d' exploitation. Si la protection de la propriété intellectuelle ne nécessite aucun concept nouveau, les règles actuelles en matière de droit d' auteur et de droits voisins devront être adaptées et complétées pour tenir dûment compte des réalités économiques telles que l' apparition de nouvelles formes d' exploitation. (6) (2) Le Conseil européen de Corfou des 24 et 25 juin 1994 a souligné (3) la nécessité de créer un cadre juridique général et souple au niveau de la Communauté pour favoriser le développement de la société de l' information en Europe. Cela suppose notamment l' existence d' un marché intérieur pour les nouveaux produits et services. D' importants actes législatifs communautaires visant à instaurer un tel cadre réglementaire ont déjà été adoptés ou sont en voie de l' être. Le droit d' auteur et les droits voisins jouent un rôle important dans ce contexte, car ils pro tègent et stimulent la mise au point et la commercialisa tion de nouveaux produits et services, ainsi que la créa tion et l' exploitation de leur contenu créatif. L' harmonisation envisagée contribuera à l' application des quatre libertés du marché intérieur et porte sur le respect des principes fondamentaux du droit et notamment de la propriété, dont la propriété intellectuelle, et de la liberté d' expression et de l' intérêt général. (4) (1) JO C 108 du 7.4.1998, p. 6 et JO C 180 du 25.6.1999, p. 6. (2) JO C 407 du 28.12.1998, p. 30. (3) Avis du Parlement européen du 10 février 1999 (JO C 150 du 28.5.1999, p. 171), position commune du Conseil du 28 septembre 2000 (JO C 344 du 1.12.2000, p. 1) et décision du Parlement européen du 14 février 2001 (non encore parue au Journal officiel). Décision du Conseil du 9 avril 2001. Un cadre juridique harmonisé du droit d' auteur et des droits voisins, en améliorant la sécurité juridique et en assurant dans le même temps un niveau élevé de protection de la propriété intellectuelle, encouragera des investissements importants dans des activités créatrices et novatrices, notamment dans les infrastructures de réseaux, et favorisera ainsi la croissance et une compétitivité accrue de l' industrie européenne, et cela aussi bien dans le secteur de la fourniture de contenus que dans celui des technologies de l' information et, de façon plus (7) En l' absence d' harmonisation à l' échelle communautaire, les processus législatifs au niveau national, dans lesquels plusieurs États membres se sont déjà engagés pour répondre aux défis technologiques, pourraient entraîner des disparités sensibles en matière de protection et, partant, des restrictions à la libre circulation des services et des marchandises qui comportent des éléments relevant de la propriété intellectuelle ou se fondent sur de tels éléments, ce qui provoquerait une nouvelle fragmentation du marché intérieur et des incohérences d' ordre législatif. L' incidence de ces disparités législatives et de cette insécurité juridique se fera plus sensible avec le développement de la société de l' information, qui a déjà considérablement renforcé l' exploitation transfrontalière de la propriété intellectuelle. Ce développement est appelé à se poursuivre. Des disparités et une insécurité juridiques importantes en matière de protection sont susceptibles d' entraver la réalisation d' économies d' échelle pour les nouveaux produits et services protégés par le droit d' auteur et les droits voisins. Le cadre législatif communautaire relatif à la protection du droit d' auteur et des droits voisins doit donc aussi être adapté et complété dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur. Il convient, à cet effet, d' adapter les dispositions nationales sur le droit d' auteur et les droits voisins qui varient sensiblement d' un État membre à l' autre ou qui entraînent une insécurité juridique entravant le bon fonctionnement du marché intérieur et le développement de la société de l' information en Europe et il importe d' éviter que les États membres réagissent en ordre dispersé aux évolutions technologiques. En revanche, il n' est pas 133 nécessaire de supprimer ou de prévenir les disparités qui ne portent pas atteinte au fonctionnement du marché intérieur. (8) Les diverses répercussions sociales, sociétales et culturelles de la société de l' information font qu' il y a lieu de prendre en considération la spécificité du contenu des produits et services. 134 22.6.2001 (9) Journal officiel des Communautés européennes certains aspects juridiques des services de la société de l' information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («Directive sur le commerce électronique») (1) qui clarifie et harmonise différentes questions juridiques relatives aux services de la société de l' information, y compris le commerce électronique. La présente directive doit être mise en œuvre dans un délai analogue à celui fixé pour la directive sur le commerce électronique, étant donné que ladite directive établit un cadre harmonisé de principes et de dispositions qui concernent, entre autres, certaines parties importantes de la présente directive. La présente directive est sans préjudice des dispositions relatives à la responsabilité de ladite directive. Toute harmonisation du droit d' auteur et des droits voisins doit se fonder sur un niveau de protection élevé, car ces droits sont essentiels à la création intellectuelle. Leur protection contribue au maintien et au développement de la créativité dans l' intérêt des auteurs, des interprètes ou exécutants, des producteurs, des consommateurs, de la culture, des entreprises et du public en général. La propriété intellectuelle a donc été reconnue comme faisant partie intégrante de la propriété. (10) Les auteurs ou les interprètes ou exécutants, pour pouvoir poursuivre leur travail créatif et artistique, doivent obtenir une rémunération appropriée pour l' utilisation de leurs œuvres, de même que les producteurs pour pouvoir financer ce travail. L' investissement nécessaire pour créer des produits, tels que des phonogrammes, des films ou des produits multimédias, et des services tels que les services à la demande, est considérable. Une protection juridique appropriée des droits de propriété intellectuelle est nécessaire pour garantir une telle rémunération et permettre un rendement satisfaisant de l' investissement. (17) Il est nécessaire, surtout à la lumière des exigences résultant du numérique, de garantir que les sociétés de gestion collective des droits atteignent un niveau de rationalisation et de transparence plus élevé s' agissant du respect des règles de la concurrence. (18) (11) Un système efficace et rigoureux de protection du droit d' auteur et des droits voisins est l' un des principaux instruments permettant de garantir à la création et à la production culturelles européennes l' obtention des ressources nécessaires et de préserver l' autonomie et la dignité des créateurs et interprètes. (12) Il est également très important, d' un point de vue culturel, d' accorder une protection suffisante aux œuvres protégées par le droit d' auteur et aux objets relevant des droits voisins. L' article 151 du traité fait obligation à la Communauté de tenir compte des aspects culturels dans son action. (13) Une recherche commune et une utilisation cohérente, à l' échelle européenne, de mesures techniques visant à protéger les œuvres et autres objets protégés et à assurer l' information nécessaire sur les droits en la matière revêtent une importance fondamentale, dès lors que ces mesures ont pour objectif ultime de traduire dans les faits les principes et garanties prévus par la loi. (14) L 167/11 La présente directive ne porte pas atteinte aux modalités qui existent dans les États membres en matière de gestion des droits, telles que les licences collectives étendues. (19) Le droit moral des titulaires de droits sera exercé en conformité avec le droit des États membres et les dispositions de la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, du traité de l' OMPI sur le droit d' auteur et du traité de l' OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes. Le droit moral reste en dehors du champ d' application de la présente directive. (20) La présente directive se fonde sur des principes et des règles déjà établis par les directives en vigueur dans ce domaine, notamment les directives 91/250/CEE (2), 92/ 100/CEE (3), 93/83/CEE (4), 93/98/CEE (5) et 96/9/CE (6). Elle développe ces principes et règles et les intègre dans la perspective de la société de l' information. Les dispositions de la présente directive doivent s' appliquer sans préjudice des dispositions desdites directives, sauf si la présente directive en dispose autrement. La présente directive doit promouvoir la diffusion du savoir et de la culture par la protection des œuvres et autres objets protégés, tout en prévoyant des exceptions ou limitations dans l' intérêt du public à des fins d' éducation et d' enseignement. (15) La Conférence diplomatique qui s' est tenue en décembre 1996, sous les auspices de l' Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), a abouti à l' adoption de deux nouveaux traités, à savoir le traité de l' OMPI sur le droit d' auteur et le traité de l' OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, qui portent respectivement sur la protection des auteurs et sur celle des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes. Ces traités constituent une mise à jour importante de la protection internationale du droit d' auteur et des droits voisins, notamment en ce qui concerne ce que l' on appelle «l' agenda numérique», et améliorent les moyens de lutte contre la piraterie à l' échelle planétaire. La Communauté et une majorité d' États membres ont déjà signé lesdits traités et les procédures de ratification sont en cours dans la Communauté et les États membres. La présente directive vise aussi à mettre en œuvre certaines de ces nouvelles obligations internationales. (16) La question de la responsabilité relative aux activités réalisées dans un environnement de réseau concerne non seulement le droit d' auteur et les droits voisins mais également d' autres domaines, tels que la diffamation, la publicité mensongère ou le non-respect des marques déposées. Cette question est traitée de manière horizontale dans la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à JO L 178 du 17.7.2000, p. 1. (1) (2) Directive 91/250/CEE du Conseil du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d' ordinateur (JO L 122 du 17.5.1991, p. 42). (3) Directive modifiée par la directive 93/98/CEE. Directive 92/100/CEE du 4 ( ) Conseil du 19 novembre 1992 relative au droit de location et de prêt et à auteur dans le domaine de la propriété (5) certains droits voisins du droit d' (6) intellectuelle (JO L 346 du 27.11.1992, p. 61). Directive modifiée par la directive 93/98/CEE. Directive 93/83/CEE du Conseil du 27 septembre 1993 relative à la coordination de certaines règles du droit d' auteur et des droits voisins du droit d' auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble (JO L 248 du 6.10.1993, p. 15). Directive 93/98/CEE du Conseil du 29 octobre 1993 relative à l' harmonisation de la durée de protection du droit d' auteur et de certains droits voisins (JO L 290 du 24.11.1993, p. 9). Directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données (JO L 77 du 27.3.1996, p. 20). 135 22.6.2001 L 167/12 (21) La présente directive doit Journal officiel des Communautés européennes définir le champ des actes établis par la directive 92/100/CEE. Le droit de distribution prévu couverts par le droit de reproduction en ce qui concerne les par la présente directive n' affecte pas les dispositions en différents bénéficiaires, et ce conformément à l' acquis communautaire. Il convient de donner à ces actes une matière de droits de location et de prêt figurant au chapitre I définition large pour assurer la sécurité juridique au sein du de ladite directive. marché intérieur. (22) Une promotion adéquate de la diffusion de la culture ne peut (29) La question de l' épuisement du droit ne se pose pas dans le cas des services, en particulier lorsqu' il s' agit de services en ligne. Cette considération vaut également pour la copie physique d' une œuvre ou d' un autre objet réalisée par l' utilisateur d' un tel service avec le consentement du titulaire du droit. Il en va par conséquent de même pour la location et le prêt de l' original de l' œuvre ou de copies de celle-ci, qui sont par nature des services. Contrairement aux CD-ROMou aux CDI, pour lesquels la propriété intellectuelle est incorporée dans un support physique, à savoir une marchandise, tout service en ligne constitue en fait un acte devant être soumis à autorisation dès lors que le droit d' auteur ou le droit voisin en dispose ainsi. conduire à sacrifier la protection rigoureuse des droits et à tolérer les formes illégales de mise en circulation d' œuvres culturelles contrefaites ou piratées. (23) La présente directive doit harmoniser davantage le droit d' auteur de communication au public. Ce droit doit s' entendre au sens large, comme couvrant toute communication au public non présent au lieu d' origine de la communication. Ce droit couvre toute transmission ou retransmission, de cette nature, d' une œuvre au public, par fil ou sans fil, y compris la radiodiffusion. Il ne couvre aucun autre acte. (24) Le droit de mettre à la disposition du public des objets protégés qui est visé à l' article 3, paragraphe 2, doit s' entendre comme couvrant tous les actes de mise à la disposition du public qui n' est pas présent à l' endroit où l' acte de mise à disposition a son origine et comme ne couvrant aucun autre acte. (30) (31) Il convient de maintenir un juste équilibre en matière de droits et d' intérêts entre les différentes catégories de titulaires de droits ainsi qu' entre celles-ci et les utilisateurs d' objets protégés. Les exceptions et limitations actuelles aux droits, telles que prévues par les États membres, doivent être réexaminées à la lumière du nouvel environnement électronique. Les disparités qui existent au niveau des exceptions et des limitations à certains actes soumis à restrictions ont une incidence négative directe sur le fonctionnement du marché intérieur dans le domaine du droit d' auteur et des droits voisins. Ces disparités pourraient s' accentuer avec le développement de l' exploitation des œuvres par-delà les frontières et des activités transfrontalières. Pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, ces exceptions et limitations doivent être définies de façon plus harmonieuse. Le degré d' harmonisation de ces exceptions doit être fonction de leur incidence sur le bon fonctionnement du marché intérieur. (25) L' insécurité juridique qui entoure la nature et le niveau de protection des actes de transmission à la demande, au moyen de réseaux, d' œuvres protégées par le droit d' auteur et d' objets relevant des droits voisins doit être supprimée par la mise en place d' une protection harmonisée au niveau communautaire. Il doit être clair que tous les titulaires de droits reconnus par la présente directive ont le droit exclusif de mettre à la disposition du public des œuvres protégées par le droit d' auteur ou tout autre objet protégé par voie de transmissions interactives à la demande. Ces transmissions sont caractérisées par le fait que chacun peut y avoir accès de l' endroit et au moment qu' il choisit individuellement. (26) Pour ce qui est de la mise à disposition par les radiodiffuseurs, (32) La présente directive contient une liste exhaustive des exceptions et limitations au droit de reproduction et au droit de communication au public. Certaines exceptions ou limitations ne s' appliquent qu' au droit de reproduction, s' il y a lieu. La liste tient dûment compte de la diversité des traditions juridiques des États membres tout en visant à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur. Les États membres appliquent ces exceptions et limitations de manière cohérente et la question sera examinée lors d' un futur réexamen des dispositions de mise en œuvre. (33) Le droit exclusif de reproduction doit faire l' objet d' une exception destinée à autoriser certains actes de reproduction provisoires, qui sont transitoires ou accessoires, qui font partie intégrante et essentielle d' un processus technique et qui sont exécutés dans le seul but de permettre soit une transmission efficace dans un réseau entre tiers par un intermédiaire, soit une utilisation licite d' une œuvre ou d' un autre objet protégé. Les actes de reproduction concernés ne devraient avoir par eux-mêmes aucune valeur économique propre. Pour autant qu' ils remplissent ces conditions, cette exception couvre les actes qui permettent le survol (browsing), ainsi que les dans le cadre de services à la demande, de leur production radiodiffusée ou télévisuelle comportant de la musique sur phonogrammes commerciaux en tant que partie intégrante de cette production, il y a lieu d' encourager la conclusion de contrats de licence collectifs, afin de faciliter le recouvrement des droits concernés. (27) La simple fourniture d' installations destinées à permettre ou à réaliser une communication ne constitue pas en soi une communication au sens de la présente directive. (28) La protection du droit d' auteur en application de la présente directive inclut le droit exclusif de contrôler la distribution d' une œuvre incorporée à un bien matériel. La première vente dans la Communauté de l' original d' une œuvre ou des copies de celle-ci par le titulaire du droit ou avec son consentement épuise le droit de contrôler la revente de cet objet dans la Communauté. Ce droit ne doit pas être épuisé par la vente de l' original ou de copies de celui-ci hors de la Communauté par le titulaire du droit ou avec son consentement. Les droits de location et de prêt des auteurs ont été Les droits visés dans la présente directive peuvent être transférés, cédés ou donnés en licence contractuelle, sans préjudice des dispositions législatives nationales pertinentes sur le droit d' auteur et les droits voisins. 136 L 167/13 22.6.2001 actes de prélecture dans un supportJournal officiel des Communautés européennes copies privées numériques et rapide (caching), y compris ceux qui permettent le fonctionnement efficace des systèmes de transmission, sous réserve que l' intermédiaire ne analogiques et de faire une distinction entre elles à certains modifie pas l' information et n' entrave pas l' utilisation licite de égards. la technologie, largement reconnue et utilisée par l' industrie, (39) Lorsqu' il s' agit d' appliquer l' exception ou la limitation pour dans le but d' obtenir des données sur l' utilisation de copie privée, les États membres doivent tenir dûment compte l' information. Une utilisation est réputée être licite lorsqu' elle de l' évolution technologique et économique, en particulier est autorisée par le titulaire du droit ou n' est pas limitée par la pour ce qui concerne la copie privée numérique et les loi. systèmes de rémunération y afférents, lorsque des mesures techniques de protection efficaces sont disponibles. De telles (34) Les États membres devraient avoir la faculté de prévoir exceptions ou limitations ne doivent faire obstacle ni à certaines exceptions et limitations dans certains cas tels que l' utilisation de mesures techniques ni à la répression de tout l' utilisation, à des fins d' enseignement ou de recherche scientifique, acte de contournement. au bénéfice d' établissements publics tels que les bibliothèques et (40) Les États membres peuvent prévoir une exception ou une les archives, à des fins de compte rendu d' événements d' actualité, limitation au bénéfice de certains établissements sans but pour des citations, à l' usage des personnes handicapées, à des fins lucratif, tels que les bibliothèques accessibles au public et autres institutions analogues, ainsi que les archives, cette de sécurité publique et à des fins de procédures administratives ou exception devant toutefois être limitée à certains cas judiciaires. particuliers couverts par le droit de reproduction. Une telle exception ou limitation ne doit pas s' appliquer à des (35) Dans le cas de certaines exceptions ou limitations, les titulaires utilisations faites dans le cadre de la fourniture en ligne de droits doivent recevoir une compensation équitable afin de les d' œuvres ou d' autres objets protégés. La présente directive indemniser de manière adéquate pour l' utilisation faite de leurs doit s' appliquer sans préjudice de la faculté donnée aux États œuvres ou autres objets protégés. Lors de la détermination de la membres de déroger au droit exclusif de prêt public en vertu de l' article 5 de la directive 92/100/CEE. Il est donc opportun forme, des modalités et du niveau éventuel d' une telle compensade promouvoir des contrats ou des licences spécifiques qui tion équitable, il convient de tenir compte des circonstances favorisent, sans créer de déséquilibre, de tels établissements et propres à chaque cas. Pour évaluer ces circonstances, un critère la réalisation de leur mission de diffusion. utile serait le préjudice potentiel subi par les titulaires de droits en (41) Lors de l' application de l' exception ou de la limitation pour les raison de l' acte en question. Dans le cas où des titulaires de droits enregistrements éphémères effectués par des organismes de auraient déjà reçu un paiement sous une autre forme, par exemple radiodiffusion, il est entendu que les propres moyens d' un organisme de radiodiffusion comprennent les moyens d' une en tant que partie d' une redevance de licence, un paiement personne qui agit au nom et sous la responsabilité de celui-ci. spécifique ou séparé pourrait ne pas être dû. Le niveau de la (42) Lors de l' application de l' exception ou de la limitation prévue compensation équitable doit prendre en compte le degré pour les utilisations à des fins éducatives et de recherche non d' utilisation des mesures techniques de protection prévues à la commerciales, y compris l' enseignement à distance, la nature présente directive. Certains cas où le préjudice au titulaire du droit non commerciale de l' activité en question doit être déterminée serait minime pourraient ne pas donner naissance à une obligation par cette activité en tant que telle. La structure de paiement. organisationnelle et les moyens de financement de l' établissement concerné ne sont pas des éléments (36) Les États membres peuvent prévoir une compensation déterminants à cet égard. équitable pour les titulaires de droits même lorsqu' ils appliquent les (43) Il est de toute manière important que les États membres dispositions optionnelles relatives aux exceptions ou limitations adoptent toutes les mesures qui conviennent pour favoriser l' accès aux œuvres pour les personnes souffrant d' un handicap qui n' exigent pas cette compensation. qui les empêche d' utiliser les œuvres ellesmêmes, en tenant plus particulièrement compte des formats accessibles. (37) Les régimes nationaux qui peuvent exister en matière de reprographie ne créent pas de barrières majeures pour le marché (44) Lorsque les exceptions et les limitations prévues par la présente intérieur. Les États membres doivent être autorisés à prévoir une directive sont appliquées, ce doit être dans le respect des obligations internationales. Ces exceptions et limitations ne exception ou une limitation en ce qui concerne la reprographie. sauraient être appliquées d' une manière qui cause un préjudice aux intérêts légitimes du titulaire de droits ou qui (38) Les États membres doivent être autorisés à prévoir une porte atteinte à l' exploitation normale de son œuvre ou autre exception ou une limitation au droit de reproduction pour certains objet. Lorsque les États membres prévoient de telles types de reproduction de produits sonores, visuels et audiovisuels à exceptions ou limitations, il y a lieu, en particulier, de tenir usage privé, avec une compensation équitable. Une telle exception dûment compte de l' incidence économique accrue que cellesci sont susceptibles d' avoir dans le cadre du nouvel pourrait comporter l' introduction ou le maintien de systèmes de environnement électronique. En conséquence, il pourrait être rémunération destinés à dédommager les titulaires de droits du nécessaire de restreindre davantage encore la portée de préjudice subi. Même si les disparités existant entre ces systèmes certaines exceptions ou limitations en ce qui concerne de rémunération gênent le fonctionnement du marché intérieur, certaines utilisations nouvelles d' œuvres protégées par le droit d' auteur ou d' autres objets protégés. elles ne devraient pas, en ce qui concerne la reproduction privée sur support analogique, avoir une incidence significative sur le développement de la société de l' information. La confection de copies privées sur support numérique est susceptible d' être plus répandue et d' avoir une incidence économique plus grande. Il y a donc lieu de tenir dûment compte des différences existant entre 137 22.6.2001 L 167/14 (45) Les exceptions et limitations Journal officiel des Communautés européennes visées à l' article 5, para articles 5 et 6 de ladite directive déterminent uniquement les graphes 2, 3 et 4, ne doivent toutefois pas faire obstacle à la exceptions aux droits exclusifs applicables aux programmes définition des relations contractuelles visant à assurer une d' ordinateur. compensation équitable aux titulaires de droits dans la mesure où la législation nationale le permet. (46) Le recours à la médiation pourrait aider utilisateurs et titulaires (51) La protection juridique des mesures techniques s' applique sans préjudice des dispositions relatives à l' ordre public tel qu' il est défini à l' article 5 et à la sécurité publique. Les États membres doivent encourager les mesures volontaires prises par les titulaires de droits, y compris la conclusion et la mise en œuvre d' accords entre titulaires de droits et d' autres parties concernées, pour permettre d' atteindre les objectifs visés par certaines exceptions ou limitations prévues par le droit national conformément à la présente directive. En l' absence de mesures volontaires ou d' accords de ce type dans un délai raisonnable, les États membres doivent prendre des mesures appropriées pour assurer que les titulaires de droits fournissent aux bénéficiaires desdites exceptions ou limitations les moyens appropriés pour en bénéficier, par la modification d' une mesure technique mise en œuvre ou autrement. Toutefois, afin d' empêcher l' abus de telles mesures prises par les titulaires de droits, y compris dans le cadre d' accords, ou prises par un État membre, toutes les mesures techniques mises en œuvre en application de ces mesures doivent être protégées juridiquement. (52) De même, lors de l' application d' une exception ou d' une limitation pour copie privée conformément à l' article 5, paragraphe 2, point b), les États membres doivent encourager le recours aux mesures volontaires pour permettre d' atteindre les objectifs visés par ladite exception ou limitation. Si, dans un délai raisonnable, aucune mesure volontaire destinée à permettre la reproduction pour usage privé n' a été prise, les États membres peuvent arrêter des mesures qui permettent aux bénéficiaires de l' exception ou de la limitation concernée d' en bénéficier. Les mesures volontaires prises par les titulaires de droits, y compris les accords entre titulaires de droits et d' autres parties concernées, ainsi que les mesures prises par les États membres n' empêchent pas les titulaires de droits de recourir à des mesures techniques, qui sont compatibles avec les exceptions ou limitations relatives à la copie à usage privé prévues par leur droit national conformément à l' article 5, paragraphe 2, point b), en tenant compte de la compensation équitable exigée à la dite disposition, et de la distinction éventuelle entre différentes conditions d' utilisation, conformément à l' article 5, paragraphe 5, par exemple le contrôle du nombre de reproductions. Afin d' empêcher le recours abusif à ces mesures, toute mesure technique appliquée lors de la mise en œuvre de celles-ci doit jouir de la protection juridique. (53) La protection des mesures techniques devrait garantir un environnement sûr pour la fourniture de services interactifs à la demande, et ce de telle manière que le public puisse avoir accès à des œuvres ou à d' autres objets dans un endroit et à un moment choisis par lui. Dans le cas où ces services sont régis par des dispositions contractuelles, le premier et le deuxième alinéas de l' article 6, paragraphe 4, ne devraient pas s' appliquer. Les formes non interactives d' utilisation en ligne restent soumises à ces dispositions. de droits à régler les litiges. La Commission, en coopération avec les États membres au sein du comité de contact, doit réaliser une étude sur de nouveaux moyens juridiques de règlement des litiges concernant le droit d' auteur et les droits voisins. (47) L' évolution technologique permettra aux titulaires de droits de recourir à des mesures techniques destinées à empêcher ou à limiter les actes non autorisés par les titulaires d' un droit d' auteur, de droits voisins ou du droit sui generis sur une base de données. Le risque existe, toutefois, de voir se développer des activités illicites visant à permettre ou à faciliter le contournement de la protection technique fournie par ces mesures. Afin d' éviter des approches juridiques fragmentées susceptibles d' entraver le fonctionnement du marché intérieur, il est nécessaire de prévoir une protection juridique harmonisée contre le contournement des mesures techniques efficaces et contre le recours à des dispositifs et à des produits ou services à cet effet. (48) Une telle protection juridique doit porter sur les mesures techniques qui permettent efficacement de limiter les actes non autorisés par les titulaires d' un droit d' auteur, de droits voisins ou du droit sui generis sur une base de données, sans toutefois empêcher le fonctionnement normal des équipements électroniques et leur développement technique. Une telle protection juridique n' implique aucune obligation de mise en conformité des dispositifs, produits, composants ou services avec ces mesures techniques, pour autant que lesdits dispositifs, produits, composants ou services ne tombent pas, par ailleurs, sous le coup de l' interdiction prévue à l' article 6. Une telle protection juridique doit respecter le principe de proportionnalité et ne doit pas interdire les dispositifs ou activités qui ont, sur le plan commercial, un objet ou une utilisation autre que le contournement de la protection technique. Cette protection ne doit notamment pas faire obstacle à la recherche sur la cryptographie. (49) La protection juridique des mesures techniques ne porte pas atteinte à l' application de dispositions nationales qui peuvent interdire la détention à des fins privées de dispositifs, produits ou composants destinés à contourner les mesures techniques. (50) Une telle protection juridique harmonisée n' affecte pas les dispositions spécifiques en matière de protection prévues par la directive 91/250/CEE. En particulier, elle ne doit pas s' appliquer à la protection de mesures techniques utilisées en liaison avec des programmes d' ordinateur, qui relève exclusivement de ladite directive. Elle ne doit ni empêcher, ni gêner la mise au point ou l' utilisation de tout moyen permettant de contourner une mesure technique nécessaire pour permettre d' effectuer les actes réalisés conformément à l' article 5, paragraphe 3, ou à l' article 6 de la directive 91/250/CEE. Les 138 22.6.2001 _______FR Journal officiel des Communautés européennes (54) Des progrès importants ont été accomplis dans le domaine de la normalisation internationale des systèmes techniques d' identification des œuvres et objets protégés sous forme numérique. Dans le cadre d' un environnement où les réseaux occupent une place de plus en plus grande, les différences existant entre les mesures techniques pourraient aboutir, au sein de la Communauté, à une incompatibilité des systèmes. La compatibilité et l' intéropérabilité des différents systèmes doivent être encouragées. Il serait très souhaitable que soit encouragée la mise au point de systèmes universels. (55) L' évolution technologique facilitera la distribution d' œuvres, notamment sur les réseaux, et il sera par conséquent nécessaire pour les titulaires de droits de mieux identifier l' œuvre ou autre objet protégé, l' auteur ou tout autre titulaire de droits, et de fournir des informations sur les conditions et modalités d' utilisation de l' œuvre ou autre objet protégé, afin de faciliter la gestion des droits y afférents. Les titulaires de droits doivent être encouragés à utiliser des signes indiquant notamment, outre les informations visées cidessus, leur autorisation lorsque des œuvres ou d' autres objets protégés sont distribués sur les réseaux. (56) Le risque existe, toutefois, de voir se développer des activités illicites visant à supprimer ou à modifier les informations, présentées sous forme électronique, sur le régime des droits dont relève l' œuvre ou l' objet, ou visant à distribuer, importer aux fins de distribution, radiodiffuser, communiquer au public ou mettre à sa disposition des œuvres ou autres objets protégés dont ces informations ont été supprimées sans autorisation. Afin d' éviter des approches juridiques fragmentées susceptibles d' entraver le fonctionnement du marché intérieur, il est nécessaire de prévoir une protection juridique harmonisée contre toute activité de cette nature. L 167/15 (1) JO L 281 du 23.11.1995, p. 31. nance sur requête et, le cas échéant, la saisie du matériel ayant servi à commettre l' infraction. (59) Les services d' intermédiaires peuvent, en particulier dans un environnement numérique, être de plus en plus utilisés par des tiers pour porter atteinte à des droits. Dans de nombreux cas, ces intermédiaires sont les mieux à même de mettre fin à ces atteintes. Par conséquent, sans préjudice de toute autre sanction ou voie de recours dont ils peuvent se prévaloir, les titulaires de droits doivent avoir la possibilité de demander qu' une ordonnance sur requête soit rendue à l' encontre d' un intermédiaire qui transmet dans un réseau une contrefaçon commise par un tiers d' une œuvre protégée ou d' un autre objet protégé. Cette possibilité doit être prévue même lorsque les actions de l' intermédiaire font l' objet d' une exception au titre de l' article 5. Les conditions et modalités concernant une telle ordonnance sur requête devraient relever du droit interne des États membres. (60) La protection prévue par la présente directive n' affecte pas les dispositions légales nationales ou communautaires dans d' autres domaines, tels que la propriété industrielle, la protection des données, les services d' accès conditionnel et à accès conditionnel, l' accès aux documents publics et la règle de la chronologie des médias, susceptibles d' avoir une incidence sur la protection du droit d' auteur ou des droits voisins. (61) Afin de se conformer au traité de l' OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, il y a lieu de modifier les directives 92/100/CEE et 93/98/CEE, ONT ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE: (57) Les systèmes relatifs à l' information sur le régime des droits susmentionnés peuvent aussi, selon leur conception, traiter des données à caractère personnel relatives aux habitudes de consommation des particuliers pour ce qui est des objets protégés et permettre l' observation des comportements en ligne. Ces moyens techniques doivent, dans leurs fonctions techniques, incorporer les principes de protection de la vie privée, conformément à la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l' égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (1). (58) Les États membres doivent prévoir des sanctions et des voies de recours efficaces contre les atteintes aux droits et obligations prévus par la présente directive. Ils prennent toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que ces sanctions et voies de recours soient appliquées. Les sanctions prévues sont efficaces, proportionnées et dissuasives et doivent comprendre la possibilité de demander des dommages et intérêts et/ou une ordon CHAPITRE I OBJECTIF ET CHAMP D' APPLICATION Article premier Champ d' application 1. La présente directive porte sur la protection juridique du droit d' auteur et des droits voisins dans le cadre du marché intérieur, avec une importance particulière accordée à la société de l' information. 2. Sauf dans les cas visés à l' article 11, la présente directive laisse intactes et n' affecte en aucune façon les dispositions communautaires existantes concernant: a) la protection juridique des programmes d' ordinateur; b) le droit de location, de prêt et certains droits voisins du droit d' auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle; c) le droit d' auteur et les droits voisins applicables à la radiodiffusion de programmes par satellite et à la retransmission par câble; 139 d) la durée de protection du droit d' auteur et de certains droits voisins; e) la protection juridique des bases de données. 140 Journal officiel des Communautés européennes L 167/16 CHAPITRE II 22.6.2001 Article 5 DROITS ET EXCEPTIONS Article 2 Droit de reproduction Les États membres prévoient le droit exclusif d' autoriser ou d' interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie: a) pour les auteurs, de leurs œuvres; b) pour les artistes interprètes ou exécutants, des fixations de leurs exécutions; c) pour les producteurs de phonogrammes, de leurs phonogrammes; d) pour les producteurs des premières fixations de films, de l' original et de copies de leurs films; e) pour les organismes de radiodiffusion, des fixations de leurs émissions, qu' elles soient diffusées par fil ou sans fil, y compris par câble ou par satellite. Article 3 Droit de communication d' œuvres au public et droit de mettre à la disposition du public d' autres objets protégés 1. Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d' autoriser ou d' interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l' endroit et au moment qu' il choisit individuellement. 2. Les États membres prévoient le droit exclusif d' autoriser ou d' interdire la mise à la disposition du public, par fil ou sans fil, de manière que chacun puisse y avoir accès de l' endroit et au moment qu' il choisit individuellement: a) pour les artistes interprètes ou exécutants, des fixations de leurs exécutions; b) pour les producteurs de phonogrammes, de leurs phonogrammes; c) pour les producteurs des premières fixations de films, de l' original et de copies de leurs films; d) pour les organismes de radiodiffusion, des fixations de leurs émissions, qu' elles soient diffusées par fil ou sans fil, y compris par câble ou par satellite. 3. Les droits visés aux paragraphes 1 et 2 ne sont pas épuisés par un acte de communication au public, ou de mise à la disposition du public, au sens du présent article. Article 4 Droit de distribution 1. Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d' autoriser ou d' interdire toute forme de distribution au public, par la vente ou autrement, de l' original de leurs œuvres ou de copies de celles-ci. Exceptions et limitations 1. Les actes de reproduction provisoires visés à l' article 2, qui sont transitoires ou accessoires et constituent une partie intégrante et essentielle d' un procédé technique et dont l' unique finalité est de permettre: a) une transmission dans un réseau entre tiers par un intermédiaire, ou b) une utilisation licite d' une œuvre ou d' un objet protégé, et qui n' ont pas de signification économique indépendante, sont exemptés du droit de reproduction prévu à l' article 2. 2. Les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations au droit de reproduction prévu à l' article 2 dans les cas suivants: a) lorsqu' il s' agit de reproductions effectuées sur papier ou sur support similaire au moyen de toute technique photographique ou de tout autre procédé ayant des effets similaires, à l' exception des partitions, à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable; b) lorsqu' il s' agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable qui prend en compte l' application ou la non application des mesures techniques visées à l' article 6 aux œuvres ou objets concernés; c) lorsqu' il s' agit d' actes de reproduction spécifiques effectués par des bibliothèques accessibles au public, des établissements d' enseignement ou des musées ou par des archives, qui ne recherchent aucun avantage commercial ou économique direct ou indirect; d) lorsqu' il s' agit d' enregistrements éphémères d' œuvres effectués par des organismes de radiodiffusion par leurs propres moyens et pour leurs propres émissions; la conservation de ces enregistrements dans les archives officielles peut être autorisée en raison de leur valeur documentaire exceptionnelle; e) en ce qui concerne la reproduction d' émissions faites par des institutions sociales sans but lucratif, telles que les hôpitaux ou les prisons, à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable. 3. Les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations aux droits prévus aux articles 2 et 3 dans les cas suivants: a) lorsqu' il s' agit d' une utilisation à des fins exclusives d' illustration dans le cadre de l' enseignement ou de la recherche scientifique, sous réserve d' indiquer, à moins que cela ne s' avère impossible, la source, y compris le nom de l' auteur, dans la mesure justifiée par le but non commercial poursuivi; b) lorsqu' il s' agit d' utilisations au bénéfice de personnes affectées d' un handicap qui sont directement liées au handicap en question et sont de nature non commerciale, dans la mesure requise par ledit handicap; 2. Le droit de distribution dans la Communauté relatif à l' original ou à des copies d' une œuvre n' est épuisé qu' en cas de première vente ou premier autre transfert de propriété dans la Communauté de cet objet par le titulaire du droit ou avec son consentement. 141 Journal officiel des Communautés européennes L 167/17 22.6.2001 f) c) lorsqu' il s' agit de la reproduction par la presse, de la 4. Lorsque les États membres ont la faculté de prévoir une communication au public ou de la mise à disposition d' articles exception ou une limitation au droit de reproduction en vertu des publiés sur des thèmes d' actualité à caractère économique, paragraphes 2 et 3, ils peuvent également prévoir une exception ou politique ou religieux ou d' œuvres radiodiffusées ou d' autres limitation au droit de distribution visé à l' article 4, dans la mesure où objets protégés présentant le même caractère, dans les cas où celle-ci est justifiée par le but de la reproduction autorisée. cette utilisation n' est pas expressément réservée et pour autant que la source, y compris le nom de l' auteur, soit indiquée, ou 5. Les exceptions et limitations prévues aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 lorsqu' il s' agit de l' utilisation d' œuvres ou d' autres objets ne sont applicables que dans certains cas spéciaux qui ne portent pas protégés afin de rendre compte d' événements d' actualité, dans la atteinte à l' exploitation normale de l' œuvre ou autre objet protégé ni mesure justifiée par le but d' information poursuivi et sous ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire réserve d' indiquer, à moins que cela ne s' avère impossible, la du droit. source, y compris le nom de l' auteur; d) lorsqu' il s' agit de citations faites, par exemple, à des fins de critique ou de revue, pour autant qu' elles concernent une œuvre ou un autre objet protégé ayant déjà été licitement mis à la disposition du public, que, à moins que cela ne s' avère impossible, la source, y compris le nom de l' auteur, soit indiquée et qu' elles soient faites conformément aux bons usages et dans la mesure justifiée par le but poursuivi; e) lorsqu' il s' agit d' une utilisation à des fins de sécurité publique ou pour assurer le bon déroulement de procédures administratives, parlementaires ou judiciaires, ou pour assurer une couverture adéquate desdites procédures; lorsqu' il s' agit de l' utilisation de discours politiques ainsi que d' extraits de conférences publiques ou d' œuvres ou d' objets protégés similaires, dans la mesure justifiée par le but d' information poursuivi et pour autant, à moins que cela ne s' avère impossible, que la source, y compris le nom de l' auteur, soit indiquée; g)lorsqu' il s' agit d' une utilisation au cours de cérémonies religieuses ou de cérémonies officielles organisées par une autorité publique; h) lorsqu' il s' agit de l' utilisation d' œuvres, telles que des réalisations architecturales ou des sculptures, réalisées pour être placées en permanence dans des lieux publics; i) lorsqu' il s' agit de l' inclusion fortuite d' une œuvre ou d' un autre objet protégé dans un autre produit; j)lorsqu' il s' agit d' une utilisation visant à annoncer des expositions publiques ou des ventes d' œuvres artistiques, dans la mesure nécessaire pour promouvoir l' événement en question, à l' exclusion de toute autre utilisation commerciale; k) lorsqu' il s' agit d' une utilisation à des fins de caricature, de parodie ou de pastiche; l) lorsqu' il s' agit d' une utilisation à des fins de démonstration ou de réparation de matériel; m) lorsqu' il s' agit d' une utilisation d' une œuvre artistique constituée par un immeuble ou un dessin ou un plan d' un immeuble aux fins de la reconstruction de cet immeuble; n) lorsqu' il s' agit de l' utilisation, par communication ou mise à disposition, à des fins de recherches ou d' études privées, au moyen de terminaux spécialisés, à des particuliers dans les locaux des établissements visés au paragraphe 2, point c), d' œuvres et autres objets protégés faisant partie de leur collection qui ne sont pas soumis à des conditions en matière d' achat ou de licence; CHAPITRE III PROTECTION DES MESURES TECHNIQUES ET INFORMATION SUR LE RÉGIME DES DROITS Article 6 Obligations relatives aux mesures techniques 1. Les États membres prévoient une protection juridique appropriée contre le contournement de toute mesure technique efficace, que la personne effectue en sachant, ou en ayant des raisons valables de penser, qu' elle poursuit cet objectif. 2. Les États membres prévoient une protection juridique appropriée contre la fabrication, l' importation, la distribution, la vente, la location, la publicité en vue de la vente ou de la location, ou la possession à des fins commerciales de dispositifs, produits ou composants ou la prestation de services qui: a) font l' objet d' une promotion, d' une publicité ou d' une commercialisation, dans le but de contourner la protection, ou b) n' ont qu' un but commercial limité ou une utilisation limitée autre que de contourner la protection, ou c) sont principalement conçus, produits, adaptés ou réalisés dans le but de permettre ou de faciliter le contournement de la protection de toute mesure technique efficace. 3. Aux fins de la présente directive, on entend par «mesures techniques», toute technologie, dispositif ou composant qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, est destiné à empêcher ou à limiter, en ce qui concerne les œuvres ou autres objets protégés, les actes non autorisés par le titulaire d' un droit d' auteur ou d' un droit voisin du droit d' auteur prévu par la loi, ou du droit sui generis prévu au chapitre III de la directive 96/9/CE. Les mesures techniques sont réputées efficaces lorsque l' utilisation d' une œuvre protégée, ou celle d' un autre objet protégé, est contrôlée par les titulaires du droit grâce à l' application d' un code d' accès ou d' un procédé de protection, tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l' œuvre ou de l' objet protégé ou d' un mécanisme de contrôle de copie qui atteint cet objectif de protection. 4. Nonobstant la protection juridique prévue au paragraphe 1, en l' absence de mesures volontaires prises par les titulaires de droits, y compris les accords entre titulaires de droits et d' autres parties concernées, les États membres prennent des mesures appropriées pour assurer que les bénéficiaires des o) lorsqu' il s' agit d' une utilisation dans certains autres cas de moindre importance pour lesquels des exceptions ou limitations existent déjà dans la législation nationale, pour autant que cela ne concerne que des utilisations analo giques et n' affecte pas la libre circulation des marchandises et des services dans la Communauté, sans préjudice des autres exceptions et limitations prévues au présent article. 142 L 167/18 exceptions ou limitations prévues Journal officiel des Communautés européennes 22.6.2001 par le droit national confor 1. Les États membres prévoient une protection juridique appropriée mément à l' article 5, paragraphe 2, points a), c), d) et e), et à l' article contre toute personne qui accomplit sciemment, sans autorisation, 5, paragraphe 3, points a), b) ou e), puissent bénéficier desdites l' un des actes suivants: exceptions ou limitations dans la mesure nécessaire pour en a) supprimer ou modifier toute information relative au régime des droits se présentant sous forme électronique; bénéficier lorsque le bénéficiaire a un accès licite à l' œuvre protégée ou à l' objet protégé en question. Un État membre peut aussi prendre de telles mesures à l' égard du b) distribuer, importer aux fins de distribution, radiodiffuser, communiquer au public ou mettre à a disposition des œuvres ou autres objets protégés en vertu de la présente directive ou du chapitre III de la directive 96/9/CE et dont les informations sur le régime des droits se présentant sous forme électronique ont été supprimées ou modifiées sans autorisation, bénéficiaire d' une exception ou limitation prévue conformément à l' article 5, paragraphe 2, point b), à moins que la reproduction à usage privé ait déjà été rendue possible par les titulaires de droits dans la mesure nécessaire pour bénéficier de l' exception ou de la limitation concernée et conformément aux dispositions de l' article 5, en sachant ou en ayant des raisons valables de penser que, ce faisant, elle entraîne, permet, facilite ou dissimule une atteinte à un droit d' auteur ou droit voisin du droit d' auteur prévu par la loi, ou au droit sui generis prévu au chapitre III de la directive 96/9/CE. paragraphe 2, point b), et de l' article 5, paragraphe 5, sans empêcher les titulaires de droits d' adopter des mesures adéquates en ce qui 2. Aux fins de la présente directive, on entend par «information sur concerne le nombre de reproductions conformément à ces le régime des droits» toute information fournie par des titulaires de dispositions. droits qui permet d' identifier l' œuvre ou autre objet protégé visé par la présente directive ou couvert par le droit sui generis prévu au Les mesures techniques appliquées volontairement par les titulaires de droits, y compris celles mises en œuvre en application d' accords volontaires, et les mesures techniques mises en œuvre en application des mesures prises par les États membres, jouissent de la protection juridique prévue au paragraphe 1. Les dispositions des premier et deuxième alinéas ne s' appliquent pas aux œuvres ou autres objets protégés qui sont mis à la disposition chapitre III de la directive 96/9/CE, l' auteur ou tout autre titulaire de droits. Cette expression désigne aussi les informations sur les conditions et modalités d' utilisation de l' œuvre ou autre objet protégé ainsi que tout numéro ou code représentant ces informations. Le premier alinéa s' applique lorsque l' un quelconque de ces éléments d' information est joint à la copie ou apparaît en relation avec la communication au public d' une œuvre ou d' un objet protégé visé par la présente directive ou couvert par le droit sui generis prévu au chapitre III de la directive 96/9/CE. du public à la demande selon les dispositions contractuelles CHAPITRE IV convenues entre les parties de manière que chacun puisse y avoir DISPOSITIONS COMMUNES accès de l' endroit et au moment qu' il choisit individuellement. Lorsque le présent article est appliqué dans le cadre des directives 92/100/CEE et 96/9/CE, le présent paragraphe s' applique mutatis mutandis. Article 7 Obligations relatives à l' information sur le régime des droits Article 8 Sanctions et voies de recours 1. Les États membres prévoient des sanctions et des voies de recours appropriées contre les atteintes aux droits et obligations prévus par la présente directive et prennent toutes les mesures nécessaires pour en garantir l' application. Ces sanctions sont efficaces, proportionnées et dissuasives. 2. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour faire en sorte que les titulaires de droits dont les intérêts sont lésés par une infraction commise sur son territoire puissent intenter une action en dommages-intérêts et/ou demander qu' une ordonnance sur requête soit rendue ainsi que, le cas échéant, demander la saisie du matériel concerné par l' infraction ainsi que des dispositifs, produits ou composants visés à l' article 6, paragraphe 2. 143 3. Les États membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu' une ordonnance sur requête soit rendue à l' encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d' auteur ou à un droit voisin. Article 9 Maintien d' autres dispositions La présente directive n' affecte pas les dispositions concernant notamment les brevets, les marques, les dessins et modèles, les modèles d' utilité, les topographies des semi-conducteurs, les caractères typographiques, l' accès conditionnel, l' accès au câble des services de radiodiffusion, la protection des trésors nationaux, les exigences juridiques en matière de dépôt légal, le droit des ententes et de la concurrence déloyale, le secret des affaires, la sécurité, la confidentialité, la protection des données personnelles et le respect de la vie privée, l' accès aux documents publics et le droit des contrats. Article 10 Application dans le temps 1. Les dispositions de la présente directive s' appliquent à toutes les œuvres et à tous les autres objets protégés visés par la présente directive qui, le 22 décembre 2002, sont protégés par la législation des États membres dans le domaine du droit d' auteur et des droits voisins, ou qui remplissent les critères de protection en application des dispositions de la présente directive ou des directives visées à l' article 1er, paragraphe 2. 2. La présente directive s' applique sans préjudice des actes conclus et des droits acquis avant le 22 décembre 2002. 144 22.6.2001 _______ FR Journal officiel des Communautés européennes L 167/19 a) d' examiner les effets de la présente directive sur le fonctionnement du marché intérieur et de signaler les problèmes Article 11 éventuels; b) d' organiser des consultations sur toute question découlant de Adaptations techniques l' application de la présente directive; 1. La directive 92/100/CEE est modifiée comme suit: a) l' article c) de faciliter l' échange d' informations sur les évolutions pertinentes de la réglementation et de la jurisprudence ainsi que dans le 7 est supprimé; domaine économique, social, culturel et technologique; b) à l' article 10, le paragraphe 3 est remplacé par le texte suivant: d) de fonctionner comme un forum d' évaluation du marché «3. Les limitations ne sont applicables que dans certains cas numérique des œuvres et des autres objets, y compris la copie spéciaux qui ne portent pas atteinte à l' exploitation normale de privée et l' usage de mesures techniques. l' objet protégé ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit.» 2. À l' article 3 de la directive 93/98/CEE, le paragraphe 2 est remplacé par le texte suivant: «2. Les droits des producteurs de phonogrammes expirent cinquante ans après la fixation. Toutefois, si le phonogramme a fait l' objet d' une publication licite pendant cette période, les droits expirent cinquante ans après la date de la première publication licite. En l' absence de publication licite au cours de la période visée à la première phrase, et si le phonogramme a fait l' objet d' une communication licite au public pendant cette période, les droits expirent cinquante ans après la date de la première communication licite au public. Cependant, si les droits des producteurs de phonogrammes, par expiration de la durée de la protection qui leur était reconnue en vertu du présent paragraphe dans sa version antérieure à la modification par la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l' harmonisation de certains aspects du droit d' auteur et des droits voisins dans la société de l' information (*) ne sont plus protégés le 22 décembre 2002, ce paragraphe ne peut avoir pour effet de protéger ces droits à nouveau. Article 13 Mise en œuvre 1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 22 décembre 2002. Ils en informent immédiatement la Commission. Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d' une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres. 2. Les États membres communiquent le texte des dispositions de droit interne qu' ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive. Article 14 (*) JO L 167 du 22.6.2001, p. 10.» Entrée en vigueur Article 12 Dispositions finales 1. Au plus tard le 22 décembre 2004, et ultérieurement tous les trois ans, la Commission transmet au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social un rapport sur l' application de la présente directive, dans lequel, entre autres, sur la base d' informations spécifiques fournies par les États membres, elle examine en particulier l' application de l' article 5, de l' article 6 et de l' article 8 à la lumière du développement du marché numérique. En ce qui concerne l' article 6, elle examine en particulier si cet article confère un niveau suffisant de protection et si des actes permis par la loi sont affectés par l' utilisation de mesures techniques efficaces. Elle présente, si cela est nécessaire en particulier pour assurer le fonctionnement du marché intérieur conformément à l' article 14 du traité, des propositions visant à modifier la présente directive. 2. La protection des droits voisins prévue par la présente directive laisse intacte et n' affecte en aucune façon la protection du droit d' auteur. La présente directive entre en vigueur le jour de sa publica tion au Journal officiel des Communautés européennes. Article 15 Destinataires Les États membres sont destinataires de la présente directive. Fait à Bruxelles, le 22 mai 2001. Par le Parlement européen Par le Conseil La présidente Le président N. FONTAINE M. WINBERG 3. Un comité de contact est institué. Il est composé de représentants des autorités compétentes des États membres. Il est présidé par un représentant de la Commission et se réunit soit à l' initiative de celuici soit à la demande de la délégation d' un État membre. 4. Le comité aura pour tâche: 145 # Article paru dans Le Monde du 28 novembre 2003 et mis en ligne sur le site LeMonde.fr dans le dossier « cyberpirates contre majors ». Le point de vue des artistes DOSSIER | LEMONDE.FR | 28.11.03 % # E 8 2 2 8&C8 8 D $ 8 # B3 F $ $ 2 2 B .( .# 1 % 4 $ E 58 P 0 & ) / / # 4 ' 1 % 4 % J > ; ? ( # ) ) 0 4 58P 0 ) % R ? # % % >? H 4 ) G 58 . 8 0( >+ # U . %0 U G ( # PHH0 % ) % / 8) G % 58P G & ( % % 0 % Q % G % > +$ % > % # # % # G % % ) G # # %( % P F G % # ( F % > ; ( % % 0 ( > ') % G# # >; ) F G% ) ) G % P & > & P ) >;G J ' A % ( )G > > D58 I.# % / % 4 P# >+ & % % J ) ' % % % %0 # ' ( % % 3 % ( >: 4&C58P 1 G % S >/ % ( % % ( >* H % )G # ( P %( % % ) G G( & ) ' G >A % J ) &% % )G % ( > % F % ( T T T T T4 T T G G % G ' % +* G ( 0# % 50 # 0 ) ) % J ( %% / 8 ) ) ( >; % % > 8 146 ' ? > 8 0U G P G ) ) G 0P @ ) 0G $ % ) '% F% >! # 0G >; % % 0G % ) # 0 G % ! 'F ) > ? 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Le réseau est un jukebox ...................................................................................................18 1.1 Définition et caractéristiques techniques du P2P .............................................................18 1.2 Les types d’usage des réseaux P2P d’échange de fichiers................................................23 2.L’impact économique et le préjudice financier du P2P.......................................................25 2.1 Le P2P bouleverse les propriétés économiques des oeuvres culturelles ...........................26 2.2 Mise en évidence de relations entre la baisse des ventes et le P2P ...................................28 2.3 L’effet de substitution : l’impact négatif du P2P sur les ventes en ligne et hors ligne.......31 3- Le P2P : une activité génératrice de revenus pour certaines firmes....................................33 CHAPITRE II – LA REMISE EN CAUSE DES MODELES D’AFFAIRES ACTUELS .............................................................................................................................................37 1. La remise en cause du modèle d’affaires de l’industrie du disque......................................41 1.1 Un marché du disque en récession.............................................................................41 1.2 Des majors en crise financière ........................................................................................44 1.3 L’organisation de l’industrie du disque ...........................................................................46 1.4 Le modèle d’affaires actuel : du « brick and mortar » accompagné parfois d’e-commerce .............................................................................................................................................48 1.5 La remise en cause de la chaîne de valeur de l’industrie du disque par le piratage ...........51 1.6 Les autres facteurs de la crise du disque..........................................................................53 1.7 Conclusion : l’inadaptation relative du modèle d’affaires de l’industrie musicale à l’environnement numérique (une période transitoire déjà bien amorcée) ...............................55 2. Les menaces planant sur le modèle d’affaires de l’industrie cinématographique................56 2.1 Un modèle d’affaires de plus en plus orienté vers l’édition vidéo....................................58 2.2.1 Des techniques de piratage relativement sophistiquées .................................................61 2.2.2 Les effets éventuels du piratage : un affaiblissement des revenus générés par la vidéo et une répercussion en cascade sur l’ensemble de la filière .......................................................62 3. La dynamique du transfert d’utilité des industries culturelles vers les réseaux...................64 3.1 La thèse du transfert d’utilité ..........................................................................................64 3.2 La théorie de la dynamique de complémentarité contenus/réseaux ..................................65 3.3 La tarification de l’upload comme ultime solution ? .......................................................66 DEUXIEME PARTIE – PROSPECTIVE ET STRATEGIE – L’IMPACT DES INDUSTRIES CULTURELLES SUR LA REVOLUTION NUMERIQUE ....................69 CHAPITRE I – L’APPLICATION DU DROIT D’AUTEUR ET DES DROITS VOISINS DANS LA SOCIETE DE L’INFORMATION ET LA RESPONSABILISATION DES INTERMEDIAIRES TECHNIQUES ...........................70 1. La responsabilisation des acteurs de la société de l’information ........................................71 157 1.1 La responsabilisation des intermédiaires techniques des réseaux .....................................71 1.2 La responsabilité sur les réseaux P2P ..............................................................................75 1.2.1 La responsabilité des éditeurs de logiciels P2P.............................................................76 1.2.2 La responsabilité des utilisateurs..................................................................................76 2- Les directives enforcement : vers un retour au respect des droits exclusifs sur les réseaux 81 2.1 La légalisation des dispositifs techniques anti-copie, des DRM et l’interdiction de leur contournement......................................................................................................................81 2.1.1 L’esprit de la directive du 22 mai 2001 ........................................................................81 2.1.2 La légalisation des mesures techniques de protection des oeuvres et l’interdiction de contournement......................................................................................................................83 2.1.3 La reconnaissance et la protection juridique des DRMS ...............................................84 2.1.4 Le DMCA et la directive du 22 mai 2001 : éléments de comparaison...........................85 2.2 Le projet de directive « IP Enforcement » .......................................................................86 3. Vers une contractualisation de la copie privée ? ................................................................88 CHAPITRE II – LES STRATEGIES EN DEVELOPPEMENT ET LES NOUVEAUX ENTRANTS. VERS UN E-MODELE D’AFFAIRES ? ....................................................90 1 – La musique en ligne : nouveaux entrants et nouveaux marchés .......................................91 1.1 L’Apple iTunes Music Store ...........................................................................................91 1.2 Les principaux concurrents de l’Itunes Music Store ........................................................95 1.3 Un modèle alternatif : le cas de Vitaminic.......................................................................99 1.4 Les stratégies des distributeurs......................................................................................100 1.5 Conclusion : deux nouveaux modèles d’affaires en phase de test ..................................101 2 – Les autres contre-attaques en cours ...............................................................................103 2.1 Les nouveaux marchés des contenus numériques pour les mobiles................................104 2.2 Les DRMS : un dispositif stratégique adapté aux réseaux .............................................105 2.2.1. Définition des systèmes de gestion des droits numériques (DRMS)...........................105 2.2.2. Fonctionnement des DRMS ......................................................................................106 2.3 Bataille technologique et économique autour des formats .............................................109 3. La stratégie de l’autoproduction, un modèle alternatif viable ?........................................113 ...............................................................................................................114 !"! ......................................................................................................................117 $$ % &' ! ........................................................................................................150 158 Gilles Flaischaker Mémoire de recherche Institut d’Etudes Politiques de Toulouse Année 2003-2004 Résumé : L’objet de ce mémoire est d’évaluer l’impact du piratage numérique sur les modèles d’affaires des industries culturelles dans une perspective interdisciplinaire. La problématique centrale consiste donc à déterminer cet impact, comprendre ses origines, examiner les stratégies employées par les différents acteurs concernés et mettre en perspective les solutions et stratégies qui pourraient permettre d’endiguer le piratage. Plusieurs sous problématiques sont articulées autour de cette problématique centrale. En particulier, la question des stratégies mises en oeuvre par les industries culturelles pour faire face aux défis de la révolution numérique sera évoquée. La dynamique du transfert d’utilité des industries culturelles vers les industries des réseaux et de l’informatique constitue également une des sous problématiques étudiées. De même, l’instauration de mesures techniques de protection des oeuvres et la mise en place de systèmes de gestion numérique des droits paraissent se situer au centre des débats. Mots-clefs : industries culturelles ; piratage ; contrefaçon ; Internet ; modèles d’affaires ; réseaux peer-to-peer ; révolution numérique ; distribution numérique ; mesures de protection technique ; DRMS ; CD ; DVD ; SACD 159