Les garçons, les gars, les hommes, c`est dire vrai - Donne

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Les garçons, les gars, les hommes, c`est dire vrai - Donne
Les garçons, les gars, les hommes, c’est dire vrai que d’affirmer « Vous êtes bons et
pouvez en être fiers ! »
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Introduction
Bonjour, mes chers amis
Merci d’avoir choisi de prendre part à cette soirée sur les hommes. Je suis très honoré du
privilège qu’on m’accorde de m’adresser à vous ce soir.
Cette présentation n’est pas un travail scientifique même si j’ai fait l’effort d’apporter des
appuis à mes dires. C’est un compte-rendu de mes expériences et connaissances.
Je ne peux, par ailleurs, assurément pas parler au nom des hommes. Oser parler et
généraliser à propos de 50 % des êtres humains est carrément impossible en plus d’être
pompeusement prétentieux. Je ne peux que donner mon point de vue et faire état de mes
perceptions à partir de mes expériences personnelles et professionnelles.
Je ne peux non plus étendre mes propos à d’autres sociétés que celle du Québec. En effet, je
ne peux parler que des hommes d’ici, de ce que j’ai observé d’eux à travers mes contacts
avec eux et avec ceux qui les reçoivent, les aiment et veulent les aider et enfin par
l’entremise de la littérature. Bien évidemment, vous pouvez déjà le constater, mes propos
seront influencés par mon parcours personnel et mes préoccupations. Ils passent à travers
le prisme déformant de mon vécu d’homme de 70 ans, travailleur social, professeur de
travail social, chercheur, intervenant auprès des hommes, psychothérapeute et père. Vous
voilà prévenus.
On m’a demandé de parler entre autres de l’identité masculine, de ce que sont les hommes
et des principaux changements qui les ont marqués et ont exercé une influence sur leur
identité ici au Québec au cours des 60 dernières années. Bref, nous les hommes, qui sommes
nous et où en sommes nous? Quelles sont les caractéristiques propres aux hommes? Qu’estce qui d’une part leur appartient en propre, qui passe à travers l’épreuve du temps et qui de
ce fait revêt un caractère intemporel? Qu’est-ce qui d’autre part a changé chez eux et qui
s’est modifié? En quoi la personnalité et les comportements des hommes se sont altérés? En
bout de ligne, sommes-nous mieux maintenant qu’il y a 60 ans? Y a-t-il progrès ou pas? Les
questions sont simples. Les réponses, elles, sont plus difficiles.
1) Qu’est-ce qu’un garçon, un gars, un homme?
Je suis né de sexe masculin, mais suis-je un homme, un vrai homme? C’est la question qui
interpelle les garçons, les gars, les hommes tout au long de leur vie, du début à la fin et tout
au long de chacune des étapes qu’ils franchissent et des épreuves qui les confrontent.
Qu’est-ce qu’un vrai homme? Le problème avec la présente conférence c’est que les
organisateurs n’ont pas choisi quelqu’un qui peut revendiquer être un « vrai » homme pour
traiter du sujet. En effet, peu importe sous quel aspect qu’on me considère, on découvrira
très rapidement que je ne me qualifie franchement pas pour porter le titre. D’un côté, il y a
plusieurs des qualificatifs typiquement attribués aux hommes que je ne possède pas. Par
exemple, malgré toute la volonté que j’y ai mis et les efforts que j’y ai consacrés, je suis
obligé d’admettre que je ne vaux rien dans les sports. Je n’ai jamais fait compter un but à
mon équipe de hockey. Je ne me distingue pas par ma force non plus, ni par mes habiletés
manuelles. Oh que non!
D’un autre côté, en cours de route, au long du fil de ma vie, j’ai essayé de m’affranchir en
bonne partie de ce qu’on place sous l’appellation de « vrai homme » qui dans le fond
correspond à l’homme traditionnel. En effet, quand on parle des « vrais » hommes on parle
de ces personnes de sexe masculin qui possèdent un certain nombre d’attributs qui font
qu’on peut les considérer comme des vrais, des garçons, gars ou hommes authentiques dans
la plus pure tradition, référant à l’image plus ou moins mythique qu’on se fait des hommes.
On dit « ça, c’est un homme »!
Il s’agit d’un modèle très contraignant, très exigeant qui était en position dominante et en
pleine force lorsque je suis arrivé à l’âge de la conscience. Voici un de mes souvenirs
d’enfance, qui a marqué le jour où j’ai eu 8 ans. J’ai eu un bon père. C’était un homme
instruit, intègre, le meilleur qu’on puisse souhaiter. Il voulait cependant que je devienne un
vrai homme. Ainsi, le matin de mon anniversaire j’accours vers lui et m’apprête à lui sauter
au cou pour l’embrasser. Il m’arrête, me place droit devant lui, se penche légèrement, me
tend la main et me dit : « Tu as 8 ans maintenant, tu es un homme. Bonne fête Gilles ». Bien
sûr, il venait de me dire que j’étais un homme, je n’allais pas me mettre à pleurer pour un
bec refusé. Quel était le message transmis? J’y réfléchis depuis 65 ans. Il était quintuple, je
crois : 1) tu n’es plus un bébé, tu es maintenant un garçon, en voie de devenir un homme et
le geste que je pose moi ton père, marque ce changement; 2) puisque tu es un garçon et non
pas une fille, je m’attends à ce que tu te comportes en conséquence ; 3) un homme ne fait
pas montre de ses émotions, il ne les étale pas, il les contrôle; 4) un homme ça se tient droit,
c’est direct, solide, fort : 5) la proximité, les contacts physiques entre hommes ne doivent
pas aller au-delà de la poignée de main.
La question « qu’est-ce qu’un vrai garçon, un vrai gars, un vrai homme? » renvoie à l’idéal
type ou si on veut au modèle accepté et reconnu c’est à dire aux qualités, comportements, et
attitudes, qui sont proposés aux hommes pour qu’ils soient considérés comme faisant partie
de la confrérie des hommes. Ce modèle correspond plus ou moins au type d’hommes que
tous les gars aimeraient devenir jusqu’à un certain point. C’est le type idéal auquel tout
homme cherche à parvenir, celui qu’on lui enseigne lorsqu’il est enfant, celui qu’il apprend
et auquel il se confronte avec ses pairs, ses copains à l’adolescence, celui auquel il doit plus
ou moins se mouler et adopter pour pénétrer le monde adulte. C’est piégeant, car ça amène
et ramène les gars à se référer constamment à ce modèle et à voir s’ils s’y conforment ou
pas.
Mais oui, même s’il ne l’admet pas toujours le gars est un être social et il veut arriver à faire
partie de la gang, à être considéré comme un vrai gars. L’homme n’y renonce pas tout à fait
même s’il finit par comprendre qu’il n’y arrivera pas complètement. Il ne peut pas y
renoncer tout à fait, car s’il cessait de vouloir atteindre cet idéal ce serait accepter de ne pas
avoir une identité d’homme, et il y a un prix cher à payer pour ça. Chacun est obligé de faire
le plus qu’il peut malgré ses déficiences pour montrer qu’il a au moins quelque chose du
vrai homme, du vrai gars, du vrai garçon.
Si on n’est pas un vrai gars ou homme, même un petit peu ou le plus qu’on peut qu’est-ce
qu’on est finalement au bout du compte? Il n’y a pas beaucoup de choix. On est ou bien, rien
du tout, zéro, un pas bon ou bien peut-être pire encore (S.V.P. gardez vos tomates pour la
fin) on est des filles…Eh oui, le contraire du gars c’est la fille et en toute logique si on n’est
pas véritablement gars on doit forcément être fille. Ça, c’est menaçant. Et être fille dans
l’esprit d’un gars qu’il soit hétéro, homo ou bi, c’est d’être du côté opposé, c’est posséder les
traits d’une fille, qualités et défauts compris, le premier étant d’appartenir à une catégorie
différente, mais assurément inférieure. Et là c’est reparti pour un autre tour. Pour ne pas
être une fille, je dois montrer que je suis un vrai gars. Pour ça il faut que je leur montre à
tous que je possède plusieurs de ces traits propres aux hommes.
L’identité des hommes est construite autour d’un certain nombre de croyances de base, de
prémisses. Si vous m’avez suivi attentivement, vous en avez peut-être déjà débusqué
quelques-unes dans les derniers paragraphes que je viens de vous lire. J’explique et en
ajoute d’autres. Voici selon moi les quatre principaux.
1) L’homme doit être le premier en avant. Il doit vaincre. On est gagnant sinon on n’est
rien. Si tu n’es pas le meilleur, tu échoues, tu es un pas bon. Tu dois performer en
toutes circonstances, vie sexuelle incluse, te montrer sans failles. Tu as réponse à
tout, tu surmontes tous les obstacles et tout ça sans hésitation aucune.
2) L’homme est supérieur aux femmes par sa force et par son intelligence et par le
pouvoir qui est sien. Il doit dominer, être le chef et protéger la femme, la défendre
puisqu’elle est plus faible, il doit se distinguer d’elle, ne pas lui ressembler.
3) L’homme est indépendant. Il n’a besoin de personne. Il a la force physique,
l’intelligence. Il peut réussir et doit réussir par ses propres moyens.
4) L’homme est invulnérable. Il est solide fort, combattif, encaisse les coups sans
broncher, ne montre pas ses sentiments, ses émotions, ne saurait pleurer. Il demeure
stoïque. Il n’a pas peur du danger, il est brave.
Le modèle traditionnel de socialisation des hommes est à l’origine d’un grand nombre de
problèmes qui affligent tant les hommes que les femmes. Comme Yves Nantel le disait,
« Le processus de socialisation favorise le développement d’une identité en accord avec les
caractéristiques attribuées aux genres et limite l’expression de l’humanité autant des
hommes que des femmes. La fabrication sociale des hommes possède ses prémisses, ses
injonctions, son code de la masculinité et ses moyens de régulation permettant l’intégration
des modèles sociaux [et]… une identité masculine bien intégrée se doit de maintenir et de
représenter une image d’indépendance et d’invulnérabilité. » 1
Trois remarques
a) Première remarque. Bien sûr, ce modèle idéal type est irréaliste et basé sur un
ensemble de faussetés et d’exagérations grotesques. Personne ne peut vivre selon ce
modèle et réussir sa vie. Personne ne peut prétendre être toujours gagnant, supérieur,
indépendant, invulnérable. Toutefois malgré son irréalisme, le modèle continue à se
perpétuer. Qu’il soit illusoire, impraticable, invivable dans le sens plénier du terme
n’empêche pas sa pérennité.
Yves C. Nantel, Au cœur de l’engrenage. Mieux se positionner face à ces hommes qui se retrouvent au centre des frictions
entre des référents socio-culturels, des pressions familiales et les transformations du socio-judiciaires dans Actes du colloque
« Entre les hommes et les services : un pont à bâtir », Actes du colloque de l’équipe « Hommes, violence et changement »
tenu à St-Hyacinthe le 25 octobre 2002, pp. 130 et 131.
1
b) Seconde remarque. Il y a homme et homme. Je veux dire par là que l‘adhésion au modèle
varie selon l’homme à qui on parle. Il y a beaucoup de rebelles, plein d’opposants à
certains aspects ou à plusieurs aspects du modèle. Toutefois, celui-ci demeure un
référent incontournable à partir duquel l’homme se définit et se situe.
c) Troisième remarque : Bien sûr, tout ce que je viens de vous dire c’est ce qui prévalait
comme modèle lorsque j’ai appris à être garçon, puis gars, puis jeune homme adulte.
Mais je suis pas mal vieux par rapport à vous autres qui constituez l’auditoire de cette
salle. Depuis 1950 bien des choses ont changé me direz-vous. J’en conviens, mais c’est
bien de là qu’on est parti n’est-ce pas? Quel chemin a été parcouru? Qu’est-ce qui a
changé, qu’est-ce qui a passé ou pas à travers l’épreuve du temps? Le modèle est-il
toujours le même ou a-t-il changé en substance? C’est ce que nous allons regarder dans
les minutes qui vont suivre.
D’abord, pour ouvrir la discussion à ce sujet et pour avancer notre réflexion sur cet être
complexe qu’est l’homme j’aimerais porter sommairement deux questions à votre
attention. La première est subsidiaire à la discussion du modèle et porte sur les
stéréotypes. La seconde est celle du modèle idéologique qui sous-tend l’étude de la question
« Qui sont les hommes?».
Concernant la première, je vous présente ici une liste relativement vieille de stéréotypes
généralement attribués aux garçons, aux gars, aux hommes. Au plan sociologique, un
stéréotype se définit comme une opinion généralisée concernant un type d'individus, un groupe
ou une classe sociale.2 Ce sont, ce qu’on appelle communément des idées reçues. Les stéréotypes
masculins complètent en fait le modèle ou le type idéal en énumérant les qualités propres au
genre. Voici donc cette liste des stéréotypes relevés par Williams et Bennett en 1975 dans le
cadre d’une très sérieuse recherche scientifique auprès d’hommes et de femmes, qui les uns
autant que les autres ont exprimé être en accord avec les qualificatifs descriptifs masculins
suivants.3
Qualificatifs stéréotypés
associés aux hommes généralement
(tiré de Williams & Bennett, 1975)
Affirmatif
Agressif
Ambitieux
Autocratique
Aventureux
Bruyant
Casse-cou
Confiant
Constant
Désordonné
Dominant
Élégant
Endurant
Énergique
Enjoué
Entreprenant
Excitable
Ferme
Indépendant
Inexcitable
Logique
Masculin
Rationnel
Réaliste
Rigoureux
Robuste
Sans-émotion
http://fr.wikipedia.org/wiki/Stéréotype, le 26 avril 2012
John E. Williams and Susan M. Bennett «The definition of sex stereotypes via the adjective check list» Sex Roles. Volume 1
Numéro 4 (1975) 327-337
2
3
Courageux
Cruel
Fort
Grossier
Sévère
Vantard
On peut se demander en quoi cette liste est désuète ou pas. Ces qualificatifs sont-ils toujours ceux
qui décrivent les hommes? Pour faire un petit test personnel prenez quelques stéréotypes, deux ou
trois, qui selon vous sont toujours bien vrais aujourd’hui ou qui se sont renforcis au fil des années
et autant d’autres qui sont moins présents, qui ont décliné selon vous. Pas nécessaire d’avoir été
là en 1975. Si vous êtes plus jeune, vous pouvez regarder la liste et dire : tel qualificatif n’est pas
approprié de nos jours ou l’est franchement. Qu’en pensez-vous? Prenons quelques minutes, pas
plus de trois pour en parler, si ça vous le dit.
Conclusion? La liste est incomplète, américaine, mais est-elle toujours d’actualité dans son
ensemble?
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La seconde question est celle du modèle idéologique. Depuis la fin des années 60, les débats
touchant aux deux questions de qui sont les femmes et qui sont les hommes, se situent à
l’intérieur d’un courant important en sociologie, le constructivisme. Cette doctrine tire son
origine du livre « La construction sociale de la réalité »4 de Berger et Luckmann. Tout, pour le
constructivisme, est socialement construit et rien n’est déterminé par la nature des choses. Ce que
nous prenons pour la réalité n’est que l’effet de nos croyances collectives. D’où la maxime « le
sexe est donné, mais le genre est choisi ». Selon l‘Organisation mondiale de la santé, « Le mot
"sexe" réfère davantage aux caractéristiques biologiques et physiologiques qui différencient les
hommes des femmes. Le mot "genre" sert à évoquer les rôles qui sont déterminés socialement, les
comportements, les activités et les attributs qu'une société considère comme appropriés pour les
hommes et les femmes ».5 Le problème c’est qu’il y a clivage entre les deux. Une fois qu’on
admet que les hommes ont un sexe, une identité biologique, on dit que ça n’a rien à voir avec le
genre. Tout le reste, soit leurs comportements, leurs attitudes, sont définis comme étant
malléables, changeables, modifiables, brefs ils sont dépendants de ce que chacun choisit d’être et
de ce que la société l’incite à être. Autrement dit, rien n’appartient à la nature de l’homme, rien ne
peut être attribué à une quelconque explication physiologique, endocrinologique, hormonale ou
autre. Ce ne sont là que des excuses servant à justifier des comportements inadmissibles. Tout est
appris et tout est choisi.
L’écrivain et militante des droits des femmes Nancy Huston, s’insurge contre ce dogme dans son
dernier livre6. L’auteure y explore les différences fondamentales entre hommes et femmes dans
« Reflets dans un œil d'homme ». Selon Huston, le biologique, ou à tout le moins des habitudes
archaïques acquises depuis les débuts de l’humanité peuvent expliquer plusieurs des
comportements des hommes et des femmes. Il existe une telle chose que l’inné. Toutes les
différences ne sont pas construites. Ainsi, globalement nous sommes programmés pour la
reproduction. Tout compte fait, 90 % des femmes font des enfants et la plupart des hommes
veulent des bébés. Il ne sert à rien de nier le désir, l’attirance naturelle entre hommes et femmes
4Peter L. Berger and Thomas Luckmann « The Social Construction of Reality: A Treatise in the Sociology of Knowledge ».
Garden City, New York: Anchor Books,1967
5 Organisation mondiale de la santé « Qu‘entendons-nous par sexe et genre »?
http://www.who.int/gender/whatisgender/fr/index.html
6 Nancy Huston « Reflets dans un œil d’homme » Actes Sud, 2012
chez la plupart. Toujours selon Huston, il faut aussi accepter que les garçons et les filles n’auront
pas les mêmes comportements dans les jeux. Ils ne choisiront pas les mêmes jouets. Sans
surprise, on verra les garçons s’orienter vers des jeux plus turbulents, aimer les autos de course,
les jeux vidéos. Au plan sexuel, il y a chez les garçons tempête hormonale à l’adolescence. Ça
s’accumule physiologiquement, ce qui n’est pas le cas pour les femmes. On nie la différence des
sexes tout en l’exacerbant à travers les industries de la beauté pour les femmes et de la
pornographie pour les hommes. Et on arrive à cette génération d’adolescents qui, chez eux, dans
le secret de leur chambre accèdent à la pornographie illimitée. Ce n’est pas simplement
« choisi » ou « appris ».Ce qui se passe là c’est plus que l’effet de nos croyances.
2) Les changements survenus au cours des derniers 60 ans et l’adaptation des
hommes à ceux-ci
Au-delà de ce que je viens de dire et prenant pour acquis le biologique, il y a le fait que le
monde change et que les hommes changent en conséquence. On ne peut parler des hommes
qu’en les situant dans le contexte de leur environnement physique et social et de leur
époque. Ainsi l’homme de 1800, de 2000 d’Europe, d’Amérique, d’Asie est différent. On doit
éviter de porter jugement sur les cultures qui nous sont étrangères et sur les époques.
Pour voir si les hommes ont changé, prenons un point de comparaison, la société d’ici il y a
50 à 60 ans et voyons les changements survenus et comment ceux-ci ont modifié notre
conception de ce que c’est être un homme. Remontons ensemble le cours de l’histoire
jusqu’à 1952. Voici en 9 points la société que j’ai connue.
1) La religion domine la vie sociale. Tout le monde est catholique pratiquant. Le pouvoir
religieux encadre les principaux aspects de la vie des gens. Les institutions sociales sont
influencées par la religion : écoles, hôpitaux, caisses populaires, syndicats. Le modèle de
l’homme traditionnel est soutenu par l’ensemble de cet appareil. Le clergé contrôle les
principales institutions sociales et la religion détermine les règles de vie des familles,
incluant la sexualité et le nombre d’enfants. Une famille unie est une famille qui prie.
2) L’homme est le chef de famille et la femme lui doit obéissance et soumission. On se marie
pour la vie. Le divorce n’existe pas. Il n’y a qu’un seul type de famille, la famille nucléaire.
Les hommes sont au travail et les femmes à la maison. Les familles comptent beaucoup
d’enfants et les tâches des femmes sont de s’en occuper, de préparer les repas, de tenir
maison.
3) L’homme est le pourvoyeur unique. C’est son premier rôle et la principale responsabilité
qui lui incombe. Il ne s’occupe pas beaucoup des enfants. Il reste distant et est appelé en
tant qu’autorité à les punir au besoin. Il est fatigué lorsqu’il rentre du travail et il a droit au
repos.
4) Les hommes travaillent sur la ferme ou à l’usine pour la plupart. Les gens sont
relativement pauvres à l’exception d’une petite élite qui mène une vie facile. Le travail est
dur et physiquement exigeant. Les heures sont plus longues et les conditions de travail plus
difficiles.
5) Il y a plein d’accidents de travail, beaucoup d’accidents d’automobile, peu de protection
et pas de prévention.
6) Les gens sont peu instruits de façon générale. Le système d‘éducation sépare les filles des
garçons. Un tout petit groupe a accès au postsecondaire. Les filles sont exclues des études
et l’université c’est pour un tout petit nombre. De toute façon, les parents ont besoin de
main d’œuvre ou ne peuvent soutenir leurs enfants bien longtemps. Ceux-ci doivent quitter
le foyer tôt et gagner leur vie par eux-mêmes.
7) Les services de santé coûtent cher. Comme il faut payer le médecin, l’hôpital, on ne les
utilise qu’en cas de nécessité absolue. Le dentiste c’est pour arracher les dents.
8) La santé publique se résume à la pasteurisation du lait pour réduire la mortalité infantile,
aux vaccins dispensés à l’Unité Sanitaire et à la lutte à la tuberculose.
9) Les gais sont au placard. Ceux qui s’affichent ou sont découverts font l’objet de mépris et
de risée. Ils sont bannis, exclus de la société.
Si on regarde aujourd’hui, que voit-on en comparaison ?
observations, mon regard en 14 points.
Voici mes principales
1) La société est séculaire et du coup l’Église a perdu son emprise et son influence. Elle est
devenue une institution comme une autre. La foi en une religion est devenue une question
personnelle. Il y a éclatement des croyances, les gens ont retrouvé une liberté et ne se
sentent plus limités par les comportements moreaux déterminés par l’Église.
2) Un régime politique de type « social démocrate » a été mis en place et prévaut avec ses
filets de protection sociale, ses mesures sociales : assurance santé, garderies publiques,
régime de rentes. L’homme ne dépend plus de lui seul.
3) L’avènement de la pilule et l’abandon de l’Église ont bouleversé les comportements. Les
femmes décident si et quand elles veulent un enfant. Elles ont pris contrôle de leur corps et
de ce fait sont libres. La liberté sexuelle fait partie des traits marquants de la société.
Les naissances sont moins nombreuses, mais désirées. Tout le monde est plus libre et
subvenir aux besoins de la famille constitue une obligation moins lourde.
4) L’homme n’est plus le chef de la famille, mais se situe en relation d’égal à égal avec sa
conjointe. Son union avec elle s’inscrit dans une forme de partenariat. Il n’y a plus de
supérieur ni de subalterne. Chacun partage avec l’autre les responsabilités et les devoirs.
L’union dépend du bon vouloir des deux parties et chacun est libre de mettre fin à l’entente
si elle ne le satisfait plus. Les divorces sont fréquents et les familles reconstituées à
géométrie variable sont une réalité quotidienne.
5) L’homme n’est plus le pourvoyeur unique. Sa conjointe, comme la très grande majorité
des femmes est sur le marché du travail et apporte une contribution significative, parfois
même supérieure à celle de l’homme. Les femmes ne sont plus cantonnées à la maison, mais
peuvent aussi se réaliser dans la société et y apporter une contribution.
6) Dans un tel contexte, l’homme doit assumer une plus grande partie du fardeau et faire sa
juste part dans le partage des tâches et des responsabilités au niveau de l’éducation des
enfants et du ménage. Il en fait beaucoup plus que son père au niveau des tâches ménagères
dans le foyer. Il doit contribuer de façon à ce que l’équilibre soit jugé satisfaisant.
7) L’homme s’occupe aussi davantage des enfants. Il s’implique beaucoup plus auprès d’eux
et assume plus entièrement un vrai rôle de parent. Les enfants ne sont plus laissés à la mère
ou dirigés vers elle. Leur père passe plus de temps avec eux, développe une relation de
proximité dès la naissance. Il devient pour eux une personne significative, un parent investi
dans une fonction qu’il s’approprie. Bref, les enfants appartiennent aux deux membres du
couple qui se partagent les responsabilités.
8) Le travail s’est modifié. De plus en plus, les machines ont remplacé la force physique. Les
emplois de ce type ont de beaucoup diminué. Les débardeurs par exemple sont passés de
2000 à 600 et n’ont plus à utiliser leur muscle dans leur travail qui est en fait devenu celui
d’un opérateur de machinerie lourde. Le travail est moins dur, moins exigeant, moins usant.
Chaque fois qu’un emploi manuel est aboli, il faut en créer un autre et la plupart du temps
celui-ci sera d’une autre nature. Les hommes ont dû s’adapter, se recycler vers d’autres
métiers ou professions. Beaucoup ont migré vers l’univers des services. Les nouvelles
technologies et les services ont apporté de très grandes modifications au marché du travail.
9) L’homme est plus instruit. L’éducation supérieure a été rendue accessible à tous et les
hommes y ont eu recours. Nous sommes dans une société du savoir, dans la modernité. La
connaissance est le meilleur et le moyen le plus direct d’accéder aux privilèges. L’homme
québécois est plus instruit qu’auparavant. Il étudie plus longtemps et en ressort mieux
outillé pour affronter le monde, mais aussi plus cultivé, plus ouvert. On a ici des expertises
dans tous les domaines.
10) Garçons et filles vont ensemble à l’école tout au long. Il n’y a plus aucune ségrégation,
mais les garçons sont moins studieux que les filles qui s’en sortent mieux qu’eux au niveau
des études.
11) Les principaux services de santé sont gratuits ce qui permet d’améliorer la santé de
chacun. Par rapport à ce qui était, l’homme de 2012 est en meilleure santé et vit plus vieux.
Son espérance de vie s’est accrue considérablement et s’approche de plus en plus de celle
des femmes. Les technologies modernes, la santé publique contribuent beaucoup. Il y a
moins d’accidents de travail d’accidents d’automobile, plus de prévention de toute nature.
12) Les gais sont en bonne partie sortis du placard et ont des droits reconnus. Ils peuvent se
marier, adopter des enfants. Ils sont devenus des citoyens à part entière.
13) Les technologies des communications et de l’information ont fait leur révolution. Les
hommes sont mieux informés, ont directement accès au bout de leur doigt à ce qui se passe
au bout du monde.
14) Les Québécois s’affirment dans tous les domaines et sont citoyens du monde. Ils
accueillent des gens de tous les pays. Leur société se diversifie dans sa composition.
Lorsqu’on regarde le chemin parcouru en 50 ans, une première observation plus générale
nous vient à l’esprit. Parle-t-on du même monde? Se peut-il que nous ayons vécu tous ces
changements? La vie est tellement différente. Est-ce que ça se peut que nous ayons
enregistré, vécu puis assimilé tout ça en si peu de temps? Ceux de ma génération peuvent en
témoigner.
Mais plus fondamentalement lorsqu’on regarde les deux réalités qui sont celles de la société
de 1952 et celle de 2012, force est de reconnaître que les hommes ont beaucoup changé. Pas
toujours spontanément, pas toujours de gaieté de cour, pas tous à la même vitesse et pas
également sur tous les enjeux. Mais les hommes ont bougé, ça oui, et moi je crois que c’est
pour le mieux. Mieux pour eux, mieux pour leurs proches, mieux pour la société. Tout n’est
pas rose et il n’y a pas lieu de relâcher les efforts, mais oui, toutes choses étant prises en
compte il y a lieu de se réjouir de plusieurs changements. Les hommes ont dû s’adapter à de
multiples changements et ils ne sont plus tout à fait ce qu’ils étaient au départ. Le travail, la
famille, les rapports avec les femmes, la société s’étant modifiés, les hommes se sont
adaptés à la nouvelle réalité pour survivre et faire des gains. Ils ont acquis de nouveaux
modes de fonctionnement et en ont abandonné d’autres.
Nos garçons, nos gars, nos hommes ont fait des efforts pour changer et ne sont plus ce qu’ils
étaient. Je crois qu’on peut dire qu’ils ont fait tout un chemin qu’ils se sont éloignés du
modèle traditionnel même si celui-ci est des plus tenaces, et soutenu par la publicité. Le
modèle traditionnel se retrouve dans les sports, les jeux vidéo, les médias et est transmis à
la jeune génération. Toutefois, les caractéristiques de la société moderne font qu’il tend à
s’éroder, sinon se dissoudre progressivement à mesure que la société évolue, que les gens
développent une conscience et se définissent autrement, adoptant d’autres comportements
et d’autres valeurs.
À titre d’exemple, il est trois changements d’importance en termes de progrès que je veux
souligner en particulier ce soir par rapport à la famille.
Le premier c’est la plus grande égalité des hommes et des femmes au travail et à la maison.
Les femmes sont sur le marché du travail. Ce changement est passé dans nos mœurs et ne
fait plus l’objet de discussion. Pour que le partenariat fonctionne par ailleurs il faut que les
hommes collaborent en participant de façon équitable au partage des tâches ménagères. On
assiste à un progrès remarquable. Ainsi selon une étude de Statistique Canada rapportée
par Claude Picher de La Presse en juillet 2011: 7
« Par rapport aux générations qui les ont précédés, les jeunes hommes consacrent de plus
en plus de temps aux travaux domestiques (ménage, lavage, repassage, courses,
préparation des repas, jardinage, entretien de la maison, administration du foyer, soins aux
enfants, aux animaux, aux plantes, etc.). Pendant ce temps, les jeunes femmes y
consacrent de moins en moins de temps. C'est ainsi que, au fil des années, le fossé entre
les sexes s'est considérablement rétréci. »
Autrement dit, entre les boomers et les Y, les hommes ont augmenté leur participation aux
travaux domestiques de 39 %, ce qui n'est pas rien. L’écart entre les femmes et les hommes existe
toujours, mais il a littéralement fondu. Madame Jérôme-Forget était on ne peu plus dans l’erreur.
Le second c’est le plus grand intérêt des hommes pour leur rôle de père et leur plus grande
participation dans la vie des enfants. De tous les nouveaux pères canadiens, ce sont les Québécois
qui passent le plus de temps avec leur bébé grâce au généreux programme provincial de congé
7 Claude Picher « Hommes, femmes et travaux domestiques » La Presse 19 juillet 2011
parental rémunéré, a constaté Statistique Canada 8 .
Selon cette étude, 56 % des hommes
admissibles au programme québécois ont demandé des prestations en 2006, l'année où le
programme a été inauguré, contre 32 % en 2005.
Le troisième touche la violence conjugale. Selon une étude de l’Institut de la statistique
du Québec et signée par Denis Laroche9, la violence conjugale a considérablement baissé au
Québec entre 1993 et 2004.Pendant cette période de 11 ans, les cas de violence conjugale
signalés par les femmes ont diminué de 41 % au Québec, selon l'étude. Le nombre de femmes
victimes de violence de la part du conjoint ou d'un ex-conjoint est passé de 227 000 en 1993 à
134 100 en 2004. Bien sûr
, il faut aussi souligner les autres changements au niveau du travail, des études, de la santé
et autres sphères de la vie. Ce soir en cette de la Journée internationale des hommes je crois
qu’il importe de mentionner les efforts faits par les hommes et les remercier pour cela. Il y
a des améliorations, des progrès indéniables qui doivent être soulignés. Les garçons, les
gars, les hommes peuvent être fiers de ce qu’ils accomplissent.
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3) Défis à relever et difficultés à surmonter
Même si nous sommes réunis aujourd’hui pour reconnaître la contribution des hommes, on
ne doit pas passer sous silence les difficultés. Je voudrais brièvement parler de trois de ces
zones de difficultés.
La première est celle qui a trait à la santé et au bien-être des hommes. Il s’agit d’un
domaine où malgré une amélioration générale (la santé des hommes est bien meilleure que
celle de la génération de mon père) subsiste un problème à la base. Lorsqu’il est question de
leur situation de santé et bien-être, les hommes, et de façon encore plus particulière les
hommes plus traditionnels n’ont pas une bonne perception de leur état. Ils s’estiment en
meilleure santé qu’ils ne le sont, minimisent les risques, et ne font rien pour corriger la
situation. Il en résulte des conséquences qui se traduisent dans des statistiques de santé en
leur défaveur. Le plus grave c’est que rien ou très peu est fait pour remédier à la situation.
Les hommes ne demandent pas d’aide ou s’ils le font c’est tardivement et de façon pas
toujours identifiable ou facilement acceptable. La réponse globalement parlant est
quantitativement insuffisante et qualitativement, souvent mal adaptée aux besoins. Le
rapport du groupe de travail que j’ai présidé sur ce sujet a fait état de cette situation en
200410. Celle-ci n’a malheureusement pas beaucoup changé depuis.
En quelques mots, les hommes utilisent moins les services que les femmes, se perçoivent en
meilleure santé qu’ils ne le sont, consultent souvent lorsque la situation s’est aggravée. Ils
détiennent toujours le championnat des maladies cardiaques, du cancer du poumon, du
diabète. Ils ont tendance à rapporter moins de problèmes de santé mentale. Pourtant les
8 http://www.statcan.gc.ca/pub/75-001-x/2008106/article/10639-fra.htm
9 Denis Laroche « Premier bilan de l'évolution de la prévalence et du taux de prévalence de la violence conjugale au Québec et au
Canada entre 1993 et 2004. » Données sociodémographiques, Institut de la statistique du Québec, février 2007
10 Ministère de la Santé et des services sociaux du Québec, « Les hommes : s’ouvrir à leurs réalités et répondre à leurs
besoins ». Rapport du Comité de travail en matière de prévention et d’aide aux hommes.(Rapport Rondeau).Québec, 2004
garçons sont de 3 à 7 fois plus souvent diagnostiqués comme ayant un trouble de
l’attention que les filles. Le taux de suicide des hommes est 4 fois supérieur à celui des
femmes. Le style de vie des hommes et leurs habitudes de vie sont en grande partie
responsables de leurs maux : mauvaise alimentation, manque d’activité physique,
tabagisme, consommation d’alcool et drogues, accidents, criminalité, jeu, violence familiale.
Ils sont plus téméraires, font plus d’accidents, exercent des métiers comportant plus de
dangers. Les garçons sont plus à risque de décrochage, se rendent moins loin dans leurs
études, obtiennent moins de diplômes.
Bref, les besoins sont très grands et la réponse elle, n’est pas à la hauteur ni en quantité, ni
en qualité. Les services de santé sont dispensés à tous, mais peu d’efforts sont consentis
pour rejoindre la population des hommes à risque. Au niveau des services sociaux publics,
les hommes sont très peu desservis et les services offerts sont rarement adaptés. Au niveau
des services communautaires, c’est le manque de ressources pour hommes et leur
financement insuffisant qui causent problème. De plus, les hommes sont absents des
politiques sociales en santé et bien-être. Ils ont été évacués des préoccupations des
décideurs.
Le paradoxe c’est que ce sont les hommes qui ont le plus de problèmes et qui en causent le
plus, mais ce sont eux qu’on connait le moins et dont on s’occupe le moins. Ne pas aider les
hommes c’est contribuer à la perpétuation des problèmes. Ça doit changer.
La seconde a trait au dénigrement des hommes. Les hommes en difficulté, ceux qui causent
problèmes représentent une minorité. On a pourtant dénigré les hommes en général. On
leur a attribué tous les torts alors que c’est une très petite minorité qui se comporte mal. On
a généralisé en dépréciant les hommes, en les ridiculisant en les rendant responsables de
tout ce qui ne va pas. Les hommes ont été injustement accusés de ne rien faire de bien. On
s’est moqué d’eux dans les médias. Une mauvaise image d’eux a été véhiculée.
La plupart des hommes ne sont pas en position de pouvoir et de force, ne sont pas des
personnes violentes, agressives. Ils ont le souci du mieux-être de leur famille et agissent en
personnes responsables. La plupart des hommes, pères, conjoints, travailleurs apportent
une contribution enthousiaste qui témoigne de leur amour, de leur apport positif à la vie
familiale, à la vie civique à la société. Il faut que le « male bashing » gratuit cesse, que
prennent fin les publicités véhiculant un message débilitant à l’endroit des hommes.
La troisième touche à l’éducation. Dans un ouvrage paru très récemment sous le titre de
« The End of Men and the Rise of Women11» l’auteure journaliste, Hanna Rosin affirme que
l’économie actuelle favorise de plus en plus les femmes. Voici ce que rapporte Nathalie
Collard dans La Presse12 à propos de ce livre:
« Dans les sociétés occidentales l’économie est de plus en plus axée vers une
industrie de services qui favorise les femmes. L’intelligence émotive, la
communication, et la capacité à se concentrer seraient davantage recherchées que la
force physique et la grosse voix autoritaire. Résultat les femmes sont gagnantes sur
toute la ligne. »
11 Hanna Rosin, «The End of Men and the Rise of Women» Riverhead Books. 2012, 310 pp.
12 Nathalie Collard « La fin des hommes ? » La Presse , 4 octobre 2012
L’homme doit se redéfinir s’il veut survivre. Dans la société du savoir, les hommes doivent
s’adapter au monde des études et acquérir les connaissances et habiletés propres au monde
de demain. À l’inverse, l’école, le monde de l’enseignement, les universités doivent
accueillir les garçons pour ce qu’ils sont et éviter de vouloir les transformer en êtres quasi
asexués.
Juste une brève parenthèse ici sur la formation dans les disciplines des sciences humaines
et de la relation d’aide. Le nombre d’intervenants masculins en travail social, psychologie,
criminologie, psychoéducation, sexologie, sciences infirmières, éducation se situe sous la
barre des 15 % sinon des 10 %. On se retrouve avec peu d’intervenants masculins dans les
services directs. Il faut attirer plus d’hommes. C’est possible, mais faut le vouloir et faire les
efforts. Je suis favorable à la mise sur pied programmes de discrimination positive pour y
arriver.
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4) Reconnaître l’apport des garçons, des gars, des hommes et leur dire : « Vous êtes
bons et pouvez en être fiers! »
Aujourd’hui, c’est la journée internationale des hommes une occasion de reconnaître
l’apport des hommes à la société. Cette journée est fêtée pour la première fois au Québec et
c’est ici à Gatineau que le rassemblement est le plus considérable. C’est le début d’un
mouvement pour :
•
Affirmer notre identité, notre fierté
réclamer attention pour nos problèmes, pour qu’on comprenne mieux les hommes.
Réclamer réponse à notre demande de traitement équitable
Ce soir, je voudrais, à titre symbolique, mentionner la contribution de quatre hommes, leur
apport et les féliciter pour ce qu’ils apportent à leur famille, à leur milieu de travail, aux
gens qu’ils côtoient, à la société. Ce sont quatre hommes qui sont dans mon entourage. Je
vous incite à faire de même et d’identifier vous aussi des hommes que vous connaissez et
qui sont dignes de votre admiration d’une manière ou d’une autre. Ce sont eux qui font que
notre monde est un meilleur endroit pour vivre.
Le premier, a pour nom Réjean. Il est préposé aux bénéficiaires depuis plus de 30 ans. Il
travaille dans un CHSLD et gagne un petit salaire. Il a toutefois réussi avec l’aide de sa
conjointe à se construire une maison dans leurs temps libres. Cependant, c’est surtout pour
souligner que dans son travail Réjean démontre constamment une patience, une attention,
un grand respect, une présence à travers le contact chaleureux qu’il établit avec les patients
qui lui sont confiés pour les soins corporels, la nourriture.
Le second c’est Jocelyn. Un professeur d’université qui s’est retrouvé soudainement famille
monoparentale avec deux adolescents. Il est devenu celui qui les a élevés, nourris, soutenus,
dans leurs études et menés à la maturité et l’indépendance. L’aîné gagne maintenant plus
que lui. Il s’est beaucoup sacrifié, mais son travail de professeur et ses étudiants n’en ont
pas souffert. Il a continué son implication sociale dans beaucoup d’organismes.
Le troisième c’est Dominic, qui se définit comme gai. Parisien d’origine, il a décidé avec son
conjoint d’immigrer au Québec, de faire des études doctorales et de se trouver un poste de
professeur dans une université en région. Tout ça pour une raison bien particulière, celle de
devenir parent, d’adopter un enfant. L’adoption s’est concrétisée par l’adoption d’un bébé
noir. Il est le meilleur parent qu’on puisse imaginer.
Le quatrième c’est Éric. Il a 24 ans. Né en manque, d’une mère alcoolique et toxicomane et
d’un père alcoolique, il a été placé bébé dans une famille d’accueil qui a voulu l’adopter,
mais dont la mère est décédée lorsqu’il avait 6 ans. Il a alors été adopté par une autre
famille où il s’est bien intégré. À cause de l’alcoolisme de ses parents d’origine, il a des
limitations mineures au niveau du cerveau frontal qui se traduisent par une difficulté à
abstraire. Il a terminé son secondaire puis a investi en mécanique et a complété un DEP
dans cette matière. Il y excelle. Voilà un an, il a trouvé un emploi de mécanicien dans les
vélos haut de gamme. Il est passionné par son travail fouille internet et lit constamment
pour tout ce qu’il peut apprendre sur la mécanique des fourches et des suspensions pour
devenir meilleur. Un domaine de haute technologie. Salaire encore assez bas, travail
exigeant comportant des risques. Il est le meilleur mécanicien qu’on puisse trouver et en est
très fier. Je veux en faire une carrière dit-il, les yeux brillants d’enthousiasme.
Nous voici donc au terme de ma présentation. À titre de conclusion, je vous invite à
applaudir les quatre hommes dont j’ai fait mention, mais aussi tous les hommes qui jour
après jour agissent de façon responsable et généreuse et sont dignes de notre admiration.
Les garçons, les gars, les hommes, vous êtes bons et pouvez en être fiers.
Merci.
Gilles Rondeau Ph.D. t.s.
Conférence prononcée le 19 novembre 2012
Au Forum de la Table de concertation l’« Outaouais au masculin » dans le cadre de la journée
internationale des hommes
Pavillon Lucien-Brault, Université du Québec en Outaouais