L`Europe et le monde 1850-1939

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L`Europe et le monde 1850-1939
Cycle préparatoire au DAEU – Cned Toulouse - Cours d’Histoire N°7 – page 1/8
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L’Europe et le monde 1850-1939
Introduction :
L’industrialisation a renforcé la supériorité technique et économique des Européens sur
le reste du monde. En outre, le poids démographique de l’Europe dans la population mondiale
s’est accru de 20 à 27 % en raison de la baisse de la mortalité, ce qui n’est pas le cas en
Afrique et en Asie où la mortalité reste forte. La domination européenne s’exprime par l’envoi
de produits et de capitaux. À partir des années 1880, elle s’affirme davantage par
l’accélération de l’émigration surtout vers les pays neufs et par la constitution de vastes
empires coloniaux.
1 Les fondements de la domination de l’Europe
1.1 L’Europe, réservoir démographique
Tout au long du XIXe siècle, l’Europe connaît une forte croissance démographique, passant
de 200 millions d’habitants en 1800 à 480 en 1913. La baisse de la mortalité est le facteur
explicatif : meilleure alimentation, progrès de l’hygiène, fin des grands épidémies et progrès
de la médecine. La proportion de la population européenne dans la population mondiale passe
de 23 % vers 1850 à 26 % à la veille de la Première Guerre mondiale.
Cette vitalité démographique se traduit par d’importants flux migratoires d’Européens. Près
de 45 millions d’Européens quittent l’Europe d’abord pour les États-Unis et le Canada (25
millions), puis l’Amérique latine (7 millions), les autres s’installant en Australie, NouvelleZélande, Afrique du Nord et du Sud. Jusqu’en 1880, les Britanniques surtout et les Allemands
constituent les plus gros contingents, suivis de 1880 à 1914 des Italiens, des Scandinaves et
des Slaves.
Ces émigrés diffusent les langues, les religions, les idéaux politiques et les techniques de
l’Europe et contribuent à accroître l’influence du Vieux Monde. Après 1918, l’émigration
européenne diminue en raison de la baisse de l’excédent naturel lié au recul de la natalité et
des lois qui restreignent l’émigration aux États-Unis.
1.2 L’Europe, usine du monde
L’Europe de l’Ouest réalise 44 % de la production industrielle mondiale. Elle dispose de
toutes les activités issues des deux révolutions industrielles, depuis les industries textiles et
métallurgiques jusqu’aux branches les plus modernes de la chimie et de l’automobile.
1.3 L’Europe, entrepôt et banquière du monde
Le commerce européen représente plus de la moitié du commerce international. Les
importations se composent à 80% de produits primaires et les exportations à 90 % de produits
manufacturés. L’échange est donc inégal au profit de l’Europe d’autant plus qu’elle fixe les
prix dans ses bourses de commerce, en particulier Londres. Cette supériorité se double de la
maîtrise des moyens de transport de masse, le chemin de fer et surtout les navires, en
particulier à vapeur, qui permettent de transporter davantage de marchandises avec plus de
régularité.
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De puissantes sociétés spécialisées dans le commerce international installées dans les grands
ports, principalement anglais et allemands, concentrent les informations sur la situation des
marchés et proposent des assurances, très lucratives, pour le fret du grand commerce. Enfin,
l’Europe exporte des capitaux qui assurent une pénétration du capitalisme européen dans le
monde. Comme le mouvement des capitaux est libre (sans contrôle), les Européens peuvent
rapatrier les bénéfices de leurs placements sans problème. La France et la Grande-Bretagne
assurent plus de la moitié de ces placements. Quand les Européens prêtent de l’argent aux
pays endettés, ils s’assurent, pour se faire rembourser, des contreparties telles que le
versement de recettes fiscales, la vente de certains produits comme le tabac, et la surveillance
du budget des États concernés. C’est pourquoi l’exportation de capitaux a été considérée par
les marxistes comme l’arme de l’impérialisme européen. L’Angleterre qui dispose de la
première flotte mondiale, de la livre sterling, monnaie des échanges internationaux comme
le dollar aujourd’hui, convertible en or et monnaie de réserve, et de la première Bourse, est le
centre de l’économie mondiale avec son quartier des affaires, la City.
1.4 L’Europe, l’inventeur du monde
La supériorité technique s’inscrit dans les transports (télégraphe, chemin de fer, flotte), la
santé (mise au point de la quinine), l’armement (armes à tir rapide comme le fusil français
Lebel, puis la mitrailleuse). Du début du XXe siècle à 1913, les Européens obtiennent tous les
prix Nobel. Les prix Nobel scientifiques sont tous européens : en physique (Pierre et Marie
Curie…), chimie (Marie Curie…), médecine (Koch, Pavlov), mais aussi en littérature
(Kipling, Mommsen) et même le prix Nobel de la paix (Henri Dunant, fondateur de la CroixRouge). Ce bouillonnement intellectuel contribue au rayonnement de l’Europe.
L’avance des Européens dans les domaines scientifique et technique et leur domination
économique leur donnent le sentiment de la supériorité de leur civilisation. Puis on glisse
de ce sentiment à celui de la « supériorité de la race blanche » sur les autres, qui
s’accompagne de l’idée d’une mission à accomplir pour civiliser les peuples indigènes. Ainsi
la colonisation a pu revêtir l’aspect d’une croisade contre l’anthropophagie et l’esclavage.
2 L’expansion coloniale
2.1 Les acteurs
2.1.1 Les explorateurs
La curiosité inhérente au progrès scientifique et au goût de l’aventure alimente chez de
nombreux Européens la soif de découvrir des territoires inconnus. De nombreuses sociétés de
géographie suscitent des expéditions de marins et explorateurs qui cherchent à planter le
drapeau de leur pays dans des terres vierges d’accès périlleux. Ainsi, l’Écossais Livingstone
est le type de l’explorateur passionné et idéaliste parti en Afrique pour soigner et évangéliser
les indigènes et qui a découvert le Zambèze (1853), fait la première traversée d’est en ouest de
l’Afrique (1854-1856) et atteint les lacs Nyassa (1859) et Tanganyika (1867). Individu
exceptionnel, il a passé vingt ans en Afrique animé par la soif de la découverte et sa foi
religieuse.
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L’Anglais Henry Stanley, envoyé en Afrique par un journal américain pour retrouver la trace
perdue de Livingstone, incarne l’explorateur- homme d’affaires, lié aux milieux économiques
et politiques. Disposant de gros moyens matériels et financiers, il est à la tête d’une véritable
expédition. Il fait plusieurs voyages en Afrique, complétant la connaissance de l’Afrique
centrale et en particulier des sources du Nil. Puis il colonise et administre, pour le compte du
roi des Belges, une partie du bassin du Congo, signant des traités avec les chefs locaux et
construisant des routes et des ponts sur les fleuves. Les découvertes de Stanley ouvrent
le cœur de l’Afrique aux Européens, ce qui aboutira au partage du continent.
2.1.2 Les militaires
Ils peuvent être à l’origine de la colonisation, soit qu’ils aient pris l’initiative de découvrir des
terres inconnues comme Savorgnan de Brazza, soit qu’ils aient eu à « pacifier » des zones à
proximité de territoires déjà colonisés.
2.1.3 Les missionnaires
Leur but est de convertir des indigènes au christianisme et de les protéger contre le
commerce des esclaves. Les missionnaires construisent des églises, des écoles et des
dispensaires qui diffusent la civilisation européenne. Certains États sont obligés d’intervenir
militairement pour les protéger, comme la France en Indochine. Certains indigènes résistent
comme les moines bouddhistes.
2.1.4 Les industriels et les marchands
Ils constituent d’efficaces groupes de pression pour peser sur les hommes politiques afin que
se développe la colonisation dont ils espèrent les plus grands profits.
2.2 Les étapes
2.2.1 Jusqu’en 1870, les deux principaux acteurs sont la Grande-Bretagne
et la France
Au début du XIXe siècle, l’intérêt des Européens pour la colonisation est faible. Les
économistes libéraux critiquent le coût des conquêtes coloniales et les défenseurs des droits de
l’homme militent pour l’abolition de l’esclavage dans les colonies (en France, 1848, sous
l’impulsion de Victor Schoelcher).
La Grande-Bretagne affirme sa volonté d’expansion en Inde dont la conquête est achevée en
1857, puis s’installe à Singapour, en Nouvelle-Zélande et en Afrique du Sud. La France
commence la conquête de l’Algérie en 1830, puis pénètre, sans plan préconçu, au Sénégal, en
Côte-d’Ivoire, au Gabon. Puis elle établit sa souveraineté sur la Nouvelle Calédonie, la
Cochinchine (1867) et le Cambodge.
2.2.2 La fièvre coloniale de 1880 à 1914
La Belgique, l’Allemagne et l’Italie manifestent leur désir de participer à la colonisation.
L’ouverture du canal de Suez en 1869 favorise l’expansion sur les rives de la Méditerranée.
La Grande-Bretagne occupe l’Égypte tandis que la France prend possession du Maghreb en
mettant en place un protectorat en Tunisie et au Maroc.
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À Berlin, une conférence internationale (octobre 1884-février 1885), fixe des règles pour un
partage ultérieur de l’Afrique, ce qui n’empêche pas des heurts sévères comme à Fachoda.
En 1900, seuls deux États sont indépendants, le Liberia et l’Éthiopie qui a réussi à vaincre
l’Italie qui avait entrepris sa conquête. La pratique du partage a concerné aussi le Pacifique
où les Allemands purent obtenir des archipels. Les Britanniques ont continué leur occupation
des pourtours de l’Inde, tandis que les Hollandais se sont installés en Indonésie. La France,
après avoir fait une entrée pacifique au Cambodge et au Laos, a conquis militairement
l’Annam. En 1887, elle créa l’Union indochinoise avec les trois protectorats du Laos, du
Cambodge et de l’Annam.
2.2.3 Des résistances
Des princes ont résisté par exemple le chef guinéen Samory Touré, mais aussi des peuples
comme les Annamites (habitants de l’Annam), encadrés par une élite monarchiste, dont la
lutte dura dix ans. Des peuples sans État s’opposèrent également à la colonisation comme en
Afrique centrale et en Côte-d’Ivoire.
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2.3 Les résultats
3 Les formes de la domination coloniale
3.1 L’organisation politique
Deux conceptions s’opposent : s’associer avec les colonisés ou les assimiler. L’association
vise à préserver l’identité des colonisés et à maintenir les autorités traditionnelles quand elles
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sont suffisamment structurées. Pour les partisans de l’assimilation, l’unité du genre humain
justifie que les colonisés puissent devenir semblables aux Européens : les cadres
administratifs de la métropole, l’instruction sont imposés, voire par la force. Ils sont
cependant porteurs d’une contradiction puisqu’ils n’accorderont jamais l’égalité des droits.
Les Britanniques et les Hollandais sont des partisans de l’association. Ils adoptent une
administration indirecte, appelée Indirect Rule, qui s’appuie sur les chefs traditionnels et
respecte les traditions religieuses, judiciaires et culturelles. Le meilleur exemple est celui des
Anglais en Inde qui maintiennent en place des centaines de princes, les maharadjahs. Mais
leur autonomie interne est étroitement surveillée par les fonctionnaires britanniques. Par
contre, le Royaume-Uni accorde très tôt une large autonomie à ses colonies de peuplement qui
deviennent des dominions : Canada (1867), Australie, Nouvelle-Zélande, Union sud-africaine
(1910).
Les Français, partisans de l’assimilation, s’appuient directement sur des fonctionnaires
métropolitains qui sont responsables de l’ordre public, lèvent les impôts, rendent la justice,
contrôlent les marchés… Mais les Français peuvent avoir recours à l’Indirect Rule comme par
exemple au Maroc où le statut de protectorat maintient l’autorité du sultan. Inversement, les
Anglais pratiquent l’administration directe quand ils se trouvent face à des populations sans
État. Le point commun de l’ensemble des administrations coloniales est le faible nombre de
fonctionnaires concernés.
3.2 Des colonies sans colons
Au sens antique du terme, un colon est une personne qui a émigré et s’est installée en terre
étrangère pour exploiter une terre. Or, les colonies européennes, sauf les dominions
indépendants de fait très rapidement, ne sont pas des colonies• de peuplement mise à part
l’Algérie, et, dans une moindre mesure, le Kenya. Les métropolitains sont des « coloniaux »,
fonctionnaires, missionnaires, militaires, commerçants qui font des séjours plus ou moins
longs dans les colonies. Comme ils sont peu nombreux, ils ont besoin de s’adjoindre du
personnel local.
3.3 Mise en valeur ou exploitation ?
Pour que les colonies produisent, il a fallu investir dans les infrastructures telles que les
ports, les chemins de fer, les routes. Ces travaux sont coûteux en capitaux et en hommes.
Ainsi, la main-d’œuvre des chantiers est fréquemment réquisitionnée et travaille pour des
salaires très bas dans des conditions d’hygiène et d’alimentation insuffisantes, voire
misérables dans le cas du travail forcé.
La France décide, en 1900, que les colonies devront s’équiper avec leurs propres ressources,
ce qui explique que les capitaux engagés soient insuffisants. Les Britanniques investissent
davantage mais un grand programme d’investissements ne sera réalisé qu’après la Seconde
Guerre mondiale.
Les colonies sont destinées à produire des denrées alimentaires (oléagineux, thé, café…),
des cultures industrielles (coton, hévéa), et des matières premières (charbon, étain) dont
l’Europe a besoin. L’exploitation économique prend différentes formes. La forme la plus
répandue est le commerce de marchandises. Contrôlée par des maisons de commerce
spécialisées, elle consiste à vendre aux indigènes des produits manufacturés en échange de
leurs productions agricoles. Dans certains cas, l’État concède des droits d’exploitation sur
d’immenses régions (Congo belge et français, Gabon) livrées à un véritable pillage des
ressources locales. Ailleurs, des grandes plantations se développent (hévéas en Asie du SudEst, vin au Maghreb) sur des terres appartenant aux autochtones qui n’ont pas la possibilité
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de faire valoir leurs droits. Ce n’était pas toujours le cas : ainsi en Malaisie, en Côte-d’Ivoire,
dans la boucle du Niger ont pu coexister des plantations européennes et indigènes.
L’exploitation des mines se fait également par concessions (phosphates au Maroc, charbon en
Indochine, cuivre au Katanga) et le travail y est très dur, particulièrement en Afrique du Sud
où se pratique la ségrégation raciale.
3.4 Le fardeau de l’homme blanc
La mission civilisatrice s’est exercée dans deux directions : la médecine et l’alphabétisation
avec des résultats inégaux.
Dans le domaine médical, l’introduction de la médecine occidentale a fait reculer la maladie
du sommeil, la peste et la variole, entraînant une révolution démographique qui aboutit à
une explosion démographique (la mortalité a baissé mais la natalité s’est maintenue).
En matière d’éducation, les résultats sont décevants car peu de colonisés ont été alphabétisés.
Cependant, la scolarisation a permis de former des catégories sociales nouvelles qui joueront
un rôle décisif lors des indépendances.
Conclusion : un bilan difficile et controversé
Le bilan financier
Il dépend des métropoles concernées : dans l’ensemble, le contribuable européen a
relativement peu payé pour les colonies, par contre le contribuable indigène a supporté
davantage les frais de la colonisation.
Le bilan économique
Pour la période qui s’arrête en 1939, le bilan est mitigé. En effet, le « pacte colonial », qui
repose sur la fourniture à la métropole de matières premières et de denrées alimentaires
payées à des prix supérieurs aux cours mondiaux, en échange de la vente aux colonies de
produits manufacturés à des prix également supérieurs aux cours mondiaux, a été un facteur
d’immobilisme.
Les entreprises de la métropole ne sont pas incitées à se moderniser puisqu’elles disposent
d’un « marché captif ». De même que les colonies ne sont pas incitées à produire autre chose
que des produits primaires tirés du sol ou du sous-sol. Les colonisateurs sont accusés, outre
d’avoir insuffisamment investi dans les infrastructures, du pillage des territoires dominés.
Les cartes montrent, en effet, le tracé des voies ferrées qui transportent des richesses vers les
ports, donc vers l’Europe. Mais les métropoles ont effectivement créé de toutes pièces des
voies de communication et des usines qui n’existaient pas.
Au niveau social
Il est certain que les Européens n’ont pas formé assez d’élites susceptibles de conduire ces
pays vers la démocratie et développement après l’indépendance…
Au niveau démographique
La médecine européenne a introduit un déséquilibre fondamental en faisant reculer la
mortalité tandis qu’en maints endroits les mentalités traditionnelles freinent la baisse de
natalité, provoquant l’ explosion démographique du tiers-monde.
Mais peut-on déplorer le recul de la mort ?
UN DÉBAT QUI RESTE OUVERT SUR LA RESPONSABILITÉ DE LA
COLONISATION DANS LE SOUS- DÉVELOPPEMENT ?
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