Questions fiscales - Association de Banques Privées Suisses

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Questions fiscales - Association de Banques Privées Suisses
Questions fiscales
EN SUISSE
Stratégie de conformité fiscale (« Weissgeldstrategie »)
Au début du mois de mars 2013, le Conseil fédéral a mis en consultation, jusqu’au 15 juin, deux
volets relatifs à la stratégie de conformité fiscale dont les lignes directrices avaient été énoncées un
an plus tôt. Il s’agissait, d’une part, de nouvelles obligations de diligence fiscale à inscrire dans la
Loi sur le blanchiment d’argent (LBA) et, d’autre part, de la mise en œuvre des recommandations
révisées du GAFI. Le présent chapitre se concentre sur le premier de ces objets, l’autre ayant déjà
été traité plus haut (cf. p. 26).
Tel que présenté, le projet du Conseil fédéral a pour objectif d’étendre les obligations de diligence
à tous les intermédiaires financiers suisses susceptibles d’accepter et de placer des valeurs
patrimoniales qui, par hypothèse, pourraient être non fiscalisées. Ces obligations sont définies
dans la LBA. Elles précisent que les intermédiaires financiers doivent s’assurer que les avoirs qui
leur sont proposés sont conformes aux règles de la fiscalité, à l’aide d’un examen basé sur les
risques et selon des indices préalablement définis. Des indices plus détaillés peuvent faire l’objet
d’une autorégulation reconnue comme standard minimal par l’autorité de surveillance, en vertu de
la LBA. Le projet prévoit que les intermédiaires financiers devront refuser des valeurs patrimoniales
lorsqu’ils soupçonnent une non-conformité aux règles de la fiscalité. Lorsqu’il existe déjà une
relation d’affaires, l’intermédiaire financier devra vérifier la conformité fiscale des avoirs déjà placés
auprès de lui et, le cas échéant, les faire régulariser par le client. Sinon, la relation d’affaires devra
être résiliée.
Dans sa prise de position, l’ABPS a rappelé qu’elle est favorable à une politique de conformité
fiscale mais elle a aussi relevé que les propositions du Conseil fédéral se démarquent fortement
des méthodes appliquées à l’étranger, où elles ne jouissent d’ailleurs d’aucun crédit. La ferme
volonté du G20 et de l’OCDE d’établir dans les meilleurs délais possibles l’échange automatique
d’informations fiscales en tant que standard international en est la meilleure preuve.
L’ABPS a donc plaidé avec insistance pour que la stratégie de la Suisse intègre les décisions
prises à l’échelon international. Il serait irresponsable d’infliger à la place financière des mesures
qu’aucune autre juridiction n’impose à ses opérateurs, dont la mise en œuvre susciterait de sérieux
problèmes aux intermédiaires financiers suisses et qui, pour le surplus, feraient double emploi avec
les règles internationales également appliquées par ailleurs.
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L’ABPS a aussi relevé que le Conseil fédéral avait omis d’évaluer les conséquences économiques
de ses propositions. Par leurs effets sur la compétitivité du principal secteur d’activité de la place
financière helvétique – le private banking – ces dernières sont de nature à affecter des milliers
d’emplois ainsi que des milliards de recettes fiscales. Dès lors, une étude d’impact économique
est indispensable, tout comme, du reste, une étude comparative sérieuse de la situation juridique
dans les places concurrentes.
Pour toutes ces raisons et d’autres, plus techniques, sur lesquelles il n’y a pas lieu de s’étendre ici,
l’ABPS a plaidé pour que ce projet soit retiré en attendant une clarification de la situation à
l’échelon international. Une base légale générale, fixant le cadre de la politique de conformité
fiscale applicable à l’avenir aux clients de la place financière suisse, ne pourra être élaborée qu’en
fonction de l’évolution des standards internationaux et sur la base d’une véritable concertation
avec les milieux professionnels directement concernés.
Le 29 novembre 2013, le DFF a publié son rapport sur les résultats de la procédure de
consultation précitée. Un grand nombre de prises de positions (près de 80) ont été reçues de la
part de cantons, partis politiques, associations faîtières, milieux intéressés ainsi que de diverses
organisations et entreprises qui se sont prononcées de manière spontanée. La lecture de ce
rapport démontre la froideur de l’accueil réservé par la plupart des intervenants au projet mis en
consultation.
Dans un communiqué de presse, le Conseil fédéral a relevé pour sa part que l’élaboration, dans un
délai prévisible, d’une norme relative à l’échange de renseignements reconnue à l’échelle
internationale permettrait à la Suisse de conclure, avec ses principaux partenaires, des accords
nécessaires à la mise en œuvre d’une telle norme. Dans ces conditions, les obligations de
diligence étendues ne seront, selon lui, appliquées qu’« à titre complémentaire dans les cas
concernant des Etats avec lesquels aucun accord de ce type n’a été conclu ». Il a dès lors chargé
le DFF « de lui soumettre une proposition concernant l’extension des obligations de diligence,
lorsqu’il apparaîtra que des accords sur un échange automatique de renseignements selon la
norme internationale peuvent être conclus avec les principaux partenaires ou que des accords de
ce type ne peuvent pas l’être dans un délai prévisible ».
L’ASB s’est aussi manifestée dans ce débat. A travers un courrier adressé à ses banques
membres, elle a rappelé qu’elle aussi avait demandé que le projet du Conseil fédéral soit
suspendu, la décision de s’orienter vers un échange automatique d’informations le rendant
superflu. Relevant que la mise en œuvre du projet de loi évoqué plus haut prendrait un certain
temps, elle a demandé à ses banques membres de veiller à ce que leurs clients ne leur confient
pas des avoirs non conformes fiscalement.
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La position de l’ABPS sur ce dossier peut être résumée en peu de mots : la Suisse doit appliquer
les standards définis au plan international, ni plus ni moins. Il convient d’observer que ces
standards sont, en quelque sorte, à géométrie variable : vis-à-vis de certains pays, un échange
automatique d’informations fiscales va être mis en place, conformément aux règles actuellement
développées par l’OCDE et avalisées par le G20. Vis-à-vis d’autres pays, un tel échange
automatique ne sera sans doute pas possible. Dans ce cas, la Suisse s’est d’ores et déjà engagée
à appliquer le standard actuel, qui prévoit un échange d’informations à la demande, tel que
spécifié à l’article 26 du modèle de Convention fiscale de l’OCDE. C’est la politique que pratiquent
toutes les autres places financières de référence. Des obligations de diligence fiscale
complémentaires – compliquées, hasardeuses, spécifiques à la Suisse et appliquées nulle part
ailleurs – n’apporteront aucun avantage au pays mais représenteront tout au plus une source
d’insécurité juridique pour les intermédiaires financiers helvétiques ainsi qu’un handicap compétitif
pour la place tout entière. Elles sont par conséquent à rejeter.
Révision du droit pénal fiscal
Fin mai 2013, le Conseil fédéral a ouvert une consultation relative à la modification du droit pénal
fiscal concernant les contribuables suisses. Le gouvernement a justifié cette réforme par la
nécessité de coordonner et d’uniformiser les normes pénales et la procédure pénale fiscale. Le
projet tend en réalité à un durcissement massif des peines infligées en cas d’infraction fiscale, non
seulement pour le contribuable visé, mais aussi pour ses éventuels complices.
Le DFF entend tout d’abord unifier les éléments constitutifs des infractions. L’escroquerie fiscale
astucieuse serait désormais considérée comme une forme qualifiée de soustraction d’impôt,
passible d’emprisonnement. Le projet reprend sur ce point la solution initialement proposée pour la
mise en œuvre des Recommandations révisées du GAFI (cf. p. 26). Par ailleurs, et surtout, le projet
prévoit d’accorder aux autorités fiscales helvétiques un accès direct aux données bancaires en cas
de simple (soupçon de) soustraction fiscale. Mais les mesures de contrainte prévues ne
s’arrêteraient pas là. Le fisc pourrait également interroger voire perquisitionner tout le cercle de
connaissances du contribuable, sa fiduciaire, ses voisins, ses relations d’affaires, etc. Cela signifie
à tout le moins la fin du secret bancaire en matière fiscale au plan domestique.
Par le biais de ces mesures, le Conseil fédéral veut sans doute donner des gages aux cantons qui
estiment être plus mal traités que les autorités étrangères du point de vue de l’accès aux informations
bancaires.
Dans son Message, le Conseil fédéral a assuré que ces propositions ne vont rien changer au
rapport de confiance qui existe entre le citoyen et l’Etat. On peut en douter. Elles constituent plutôt
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une rupture du subtil équilibre qui existe entre le droit légitime du citoyen à la protection de sa
sphère privée financière – garantie par la Constitution – et la nécessité pour l’Etat de disposer des
moyens permettant la collecte de l’impôt.
Les réactions politiques ont été très vives suite à la publication de ce projet et le sentiment de rejet
est quasiment unanime à droite de l’échiquier politique. Un comité conjoint formé du PLR, du PDC
et de l’UDC a d’ailleurs lancé à cette occasion une initiative populaire intitulée « Oui à la protection
de la sphère privée » qui vise à ancrer dans la Constitution le secret bancaire pour les Suisses,
comme c’est le cas en Autriche (cf. p. 42).
Lors de la consultation, la Conférence des directeurs cantonaux des finances, l’Union suisse des
arts et métiers et les partis bourgeois ont rejeté la révision proposée. L’ABPS a fait de même, en
critiquant particulièrement la proposition de confier au directeur de l’administration fiscale
cantonale, plutôt qu’à un juge, la responsabilité de recourir à de nouveaux moyens d’enquête et à
des mesures de contrainte, notamment pour obtenir des documents bancaires ou des
témoignages d’employés de banque.
L’ABPS a aussi demandé de commencer par établir une évaluation globale des modifications
législatives proposées et de leur impact. La motion Schweiger, à laquelle le Conseil fédéral donne
suite par ce projet, demandait certes une unification des procédures pénales fiscales. Elle ne
remettait cependant pas en cause la distinction entre soustraction et fraude fiscale ni le respect de
la sphère privée. Si le but de la révision est de permettre aux autorités fiscales cantonales
d’accéder aux données bancaires des contribuables, ce but peut être atteint sans modifier la
typologie des infractions en matière de fiscalité directe.
Il est vrai qu’actuellement, dans une procédure (pénale) en soustraction d’impôts directs, le contribuable
a le droit de garder le silence, tandis que l’administration ne peut pas lever le secret bancaire, sauf dans
des cas graves de soustraction continue de montants importants d’impôt. Cela ne doit pas faire oublier
que, contrairement à l’auto-taxation qui prévaut en matière d’impôts indirects (et aussi, à l’étranger, en
matière d’impôts directs), la procédure pour les impôts directs suisses est un système mixte, dans
lequel l’administration vérifie chaque déclaration, demande des renseignements complémentaires et
établit elle-même le montant d’impôts dus. Si elle n’obtient pas les renseignements demandés,
l’administration peut procéder à une taxation d’office. En outre, nombre de revenus de source suisse
sont grevés de l’impôt anticipé, qui est une charge définitive si le revenu correspondant n’est pas
déclaré. Ce système équilibré ne doit pas être modifié sans le considérer dans sa globalité, et le résultat
d’une telle modification ne doit pas être au seul avantage de l’administration.
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S’agissant de la prétendue égalité de traitement avec les autorités fiscales étrangères revendiquée
par nos administrations cantonales, il faut aussi comparer ce qui est comparable, et en
l’occurrence les systèmes de taxation ne le sont pas. De plus, les droits qu’octroie la LAAF aux
autorités étrangères ne vont pas aussi loin que la pleine application proposée du droit pénal
administratif aux procédures de soustraction en Suisse. Il faut donc garder à l’esprit que si d’autres
mesures deviennent possibles en droit interne, il faudra aussi les appliquer pour le compte des
autorités étrangères qui le demanderont dans le cadre de l'entraide judiciaire, alors que notamment
les arrestations ne sont pas prévues dans le contexte de l'assistance administrative.
Enfin, on peut légitimement se demander si le moment choisi pour ouvrir ce nouveau chantier est
opportun. Est-il judicieux de créer un nouveau front, à l’interne, alors même que la Suisse est
engagée dans des débats fiscaux homériques sur le plan international ? Il est à espérer que le
Conseil fédéral attendra que nos relations fiscales avec les pays étrangers soient clarifiées avant
d’envoyer un projet de loi – amélioré ! – au Parlement.
Révision de l’impôt anticipé
Dans le cadre des modifications législatives concernant la stimulation du marché suisse des capitaux
(« too big to fail »), le Conseil fédéral avait proposé de revoir le système de l’impôt anticipé en passant
du principe du débiteur à celui de l’agent payeur. Les banquiers privés ont estimé qu’au vu du rôle
fondamental de l’impôt anticipé dans la fiscalité suisse, celui-ci ne saurait être réformé dans le cadre
d’un projet législatif consacré essentiellement aux banques d’importance systémique. De fait, le
Parlement s’est contenté d’exonérer d’impôt anticipé certains emprunts émis entre 2013 et 2016 par
des banques d’importance systémique afin de renforcer leurs fonds propres (« bail-in bonds »).
A ce jour, le Gouvernement n’a toujours pas émis de nouveau projet de révision de l’impôt anticipé,
ce que l’on peut regretter du point de vue du soutien à la compétitivité de la place financière suisse.
Afin de relancer la question, le conseiller national Hans Kaufmann a déposé en septembre 2013 une
motion intitulée « Abroger l’impôt anticipé bientôt obsolète ». Deux mois plus tard, le Conseil fédéral
proposait de rejeter cette motion, car « la suppression de l'impôt anticipé n'est pas nécessaire pour
le marché financier suisse et met en péril l'équilibre des finances fédérales ». Un rapport prévu pour
fin 2013 est toujours attendu.
L’ABPS continue d’appeler de ses vœux l’élaboration d’un nouveau projet de réforme intelligente et
visionnaire de l’impôt anticipé. Dans cette perspective, au vu de l’échange automatique
d’informations fiscales qui s’appliquera bientôt à la plupart des investisseurs étrangers, l’impôt de
garantie qui les concerne devrait perdre sa raison d’être. Il en ira de même pour les contribuables
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suisses si nos autorités fiscales obtiennent un libre accès à leurs données bancaires. De ce point de
vue, la réforme de l’impôt anticipé doit être coordonnée avec la révision du droit pénal fiscal.
En octobre 2013, l’ASB a formulé ses exigences en lien avec un passage au système de l’agent
payeur : (i) les paiements d’intérêts à destination de l’étranger devraient être entièrement exonérés,
afin de stimuler le marché obligataire suisse ; (ii) la responsabilité des banques en tant qu’agents
payeurs devrait être minime, en ce sens qu’elles doivent pouvoir se fier aux données de tiers ; (iii) les
banques devraient être indemnisées pour leur travail, comme tout percepteur d’impôt à la source et
(iv) les banques devraient disposer d’au moins deux ans pour mettre en place le nouveau système.
En janvier 2014, l’AFC a présenté des variantes retravaillées aux représentants des associations faîtières
de la place financière, sans toutefois indiquer laquelle avait sa préférence. Il semble toutefois que
l’administration garde une vision assez étroite du problème et conclut surtout à un report des coûts et
des risques sur les banques – ce qu’elle admet au moins être un « inconvénient » ! La variante la plus
prometteuse prévoit un changement complet de système, y compris pour les dividendes (avec toutefois
un impôt résiduel sur ceux-ci), qui devrait rendre beaucoup plus attractif le marché des capitaux suisses
pour les investisseurs étrangers. Elle implique toutefois de pouvoir bien distinguer si l’investisseur final –
le bénéficiaire économique – est résident en Suisse ou à l’étranger. Pour les banques, le principal souci
à cet égard est d’éviter la multiplication des critères d’identification (accords sur l’impôt libératoire,
FATCA, standard OCDE et droit interne).
S’agissant des personnes physiques résidentes en Suisse, qui devraient être les principales à subir le
nouvel impôt prélevé par les agents payeurs suisses, le débat pourrait être poussé plus loin et un
impôt libératoire, éventuellement modulable selon les cantons, pourrait être envisagé. Un impôt
libératoire préserverait la sphère privée des contribuables et réduirait les coûts de l’administration.
Cela impliquerait cependant d’imposer en Suisse les revenus du capital différemment de ceux du
travail, ce qui serait sans doute très débattu.
Réforme n°3 de l’imposition des entreprises
Au vu des discussions qui ont cours au plan international et des pressions que l’Union européenne
exerce depuis plusieurs années sur la Suisse, la Confédération et les cantons ont créé en 2012
une organisation de projet commune pour réformer le système suisse d’imposition des entreprises.
Un organe de pilotage où la Confédération et les cantons sont représentés de manière paritaire en
assure la direction politique. Un rapport de cet organe de pilotage a été publié en décembre 2013.
La réforme envisagée, intitulée « Réforme 3 de l’imposition des entreprises », vise selon le Conseil
fédéral « à préserver l’attrait fiscal de la Suisse de manière à renforcer la place économique et la
capacité d’innovation du pays. Elle se fonde sur des mesures fiables du point de vue légal,
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équilibrées sur le plan financier et acceptées à l’échelle internationale ». Les cantons, dont certains
régimes fiscaux spéciaux sont directement visés par les critiques étrangères, ont été invités à faire
part de leurs commentaires. Ce n’est qu’au vu de leur réaction et des développements
internationaux qui interviendront entretemps que le DFF préparera, au cours de l’été 2014, un
projet destiné à la consultation.
L’organe de pilotage préconise une réorientation de la politique fiscale comportant trois éléments :
•
introduction de nouvelles réglementations pour les revenus provenant d’activités mobiles ;
•
réduction des taux cantonaux d’imposition du bénéfice ;
•
suppression de certaines charges fiscales dans l’intention de renforcer globalement l’attrait
économique de la Suisse.
Sur la base de ces critères, il préconise une imposition préférentielle des produits de licence
(« licence box ») au plan cantonal. Il propose aussi de poursuivre l’examen d’un modèle d’impôt
sur le bénéfice corrigé des intérêts. De même, la baisse des impôts cantonaux sur les bénéfices
devrait permettre aux cantons qui l’estiment nécessaire de préserver leur compétitivité. Enfin,
parmi les mesures fiscales supplémentaires envisagées figurent l’abolition du droit de timbre
d’émission sur les capitaux propres, l’amélioration du système de déduction pour participation et
une réforme de l’impôt anticipé.
L’organe de pilotage s’attend à ce que ces mesures aient un effet majeur sur les finances de la
Confédération, des cantons et des communes. Or, il n’est pas possible d’apprécier les changements
potentiels à l’aune du statu quo : faute d’être accepté au plan international, celui-ci n’est en effet pas
une option réaliste. La marge de manœuvre est aussi limitée par l’exigence constitutionnelle du frein à
l’endettement. C’est pourquoi certains principes ont été retenus pour encadrer la question d’un
éventuel financement compensatoire : ce financement devra être intégré dans la réforme en question ;
si des charges supplémentaires sont imposées à la Confédération, des recettes substantielles devront
être prévues ; enfin, la compensation au niveau des dépenses ne devra pas être combinée à des
réformes structurelles fondamentales ou à des transferts de charges aux cantons.
L’ABPS salue la volonté de la Confédération et des cantons de trouver une issue aux problèmes
qui se posent au plan international dans le cadre de l’imposition des entreprises. Mais la lecture du
rapport de l’organe de pilotage l’oblige à constater que des dommages collatéraux à la charge de
la place financière ne sont pas exclus. Le premier domaine où une certaine vigilance s’impose
concerne la révision de l’impôt anticipé (cf. p. 34). Vouloir tout à la fois, comme le suggère l’organe
de pilotage, améliorer le cadre fiscal du financement des groupes d’entreprises et envisager un
surcroît de recettes pour la Confédération paraît contre-intuitif, à moins que des sacrifices
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substantiels (mais non précisés dans le rapport) soient exigés de la part de tiers. Le deuxième
domaine potentiellement problématique concerne l’imposition des gains en capital, sous la forme
d’un éventuel impôt sur les bénéfices de participations. Et l’on ne citera que pour mémoire les
autres pistes envisagées pour des recettes supplémentaires, à savoir une hausse de la TVA au
niveau fédéral et une augmentation des impôts directs dans les cantons, ou encore l’élargissement
de la base de calcul par la suppression ou la réduction d’avantages fiscaux.
On constate ainsi qu’avant même d’avoir été engagé, le débat sur la « Réforme 3 de l’imposition
des entreprises » paraît déjà très dense. Dans ces conditions, l’on peut se demander si, pour
compenser les pertes fiscales qu’elle engendrera, et avant d’ouvrir de nouvelles boîtes de
Pandore, il ne serait pas envisageable de corriger certains effets de la précédente réforme
(Réforme n°2 de l’imposition des entreprises), dont on sait qu’ils n’avaient pas tous été
parfaitement mesurés à l’époque.
Le Conseil fédéral a pris connaissance de l’avis des cantons sur cette nouvelle réforme de
l’imposition des entreprises et a annoncé l’élaboration d’un projet de loi destiné à la consultation,
qu’il prévoit d’ouvrir jusqu’à septembre 2014.
Droits de timbre
L’abolition complète des droits de timbre est en passe de devenir un serpent de mer. Tant le
gouvernement que le Parlement ne semblent pas faire une priorité de cette mesure qui améliorerait
pourtant nettement la compétitivité de la place financière suisse.
En avril 2013, la Commission des redevances et de l’économie du Conseil des Etats avait décidé
de reporter sa décision sur le point 1 de l’initiative parlementaire du parti libéral-radical (abolition du
droit de timbre d’émission) en attendant un rapport du Conseil fédéral donnant une vue globale de
tous les projets fiscaux susceptibles de réduire les recettes de la Confédération. Pour rappel, le
droit de timbre d’émission ne porte plus que sur les fonds propres des sociétés – au-delà du
million de francs – depuis que le droit de timbre d’émission sur les capitaux étrangers a été aboli le
1er mars 2012 dans le cadre des modifications législatives concernant la stimulation du marché suisse
des capitaux
(« too big to fail »). Le droit de timbre d’émission rapporte en moyenne CHF 240
millions par an à la Confédération.
En novembre 2013, après avoir consulté ce rapport, la commission précitée a décidé d’entrer en
matière sur le projet, puis de le suspendre. Elle a suivi en cela la recommandation du Conseil
fédéral, qui souhaite intégrer la suppression du droit de timbre d’émission à la 3e réforme de
l'imposition des entreprises (cf. p. 35). En décembre 2013, le Conseil des Etats a confirmé sans
opposition le point de vue de sa commission.
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La commission du Conseil national, pour sa part, a repoussé plusieurs fois le traitement de
l’initiative parlementaire. En février 2014, elle a recommandé au Conseil national, qui l’a suivie un
mois plus tard, de ne pas suspendre le point 1 de l’initiative parlementaire et de procéder
rapidement à l’abolition du droit de timbre d’émission. En revanche, à propos des points 2 et 3 de
l’initiative parlementaire (abolition des droits de timbre sur les primes d’assurance et de
négociation), la commission du Conseil national est entrée en matière, mais a repoussé leur
traitement jusqu’à la parution du Message du Conseil fédéral à propos de la 3e réforme de
l'imposition des entreprises.
L’abolition du droit de timbre d’émission est donc retournée au Conseil des Etats, dont la
commission a confirmé fin mars 2014 sa décision de suspension. Si le Conseil des Etats agit de
même lors de la session d’été 2014, cette partie de l’initiative parlementaire sera définitivement
enterrée et l’abolition du droit de timbre d’émission ne pourra donc intervenir que dans le cadre de
la réforme de l'imposition des entreprises.
L’argument principal contre l’abrogation des droits de timbre de négociation et sur les primes
d'assurance est le montant des pertes fiscales qu’elle entraînerait, de l’ordre de CHF 800 millions à
CHF 2 milliards par année. Il s’agit cependant là d’une vision statique des recettes fiscales, alors
que le développement dynamique des affaires qu’entraînerait cette abrogation pourrait très bien
compenser la suppression de cette source de revenus.
Révision de la loi sur l’assistance administrative fiscale
Alors que la nouvelle LAAF venait d’être adoptée le 28 septembre 2012 et d’entrer en vigueur le
1er février 2013, le Conseil fédéral a ouvert en août 2013 une consultation accélérée d’un mois
seulement relative à sa révision partielle. La raison invoquée tient à la nécessité impérative, pour la
Suisse, de passer « l’examen par les pairs » du Forum mondial sur la transparence et l’échange
d’informations à des fins fiscales (cf. p. 44). Celui-ci lui reproche entre autres (depuis juin 2011 !) de
ne pas respecter l’exigence selon laquelle la législation de chaque Etat doit permettre, dans des
circonstances exceptionnelles, de ne pas informer préalablement la personne concernée. Le
Conseil fédéral souhaitait par la même occasion définir la notion de « demande groupée » et
autoriser les demandes d’entraide fondées sur des données volées.
S’agissant du premier point, les banquiers privés ont relevé dans leur prise de position que
l’interprétation du projet de loi par le Conseil fédéral dans son Message conduisait à faire de
l’exception la règle. En effet, le Conseil fédéral considérait que chaque fois qu’une « instruction
confidentielle n’est pas encore terminée », cela représentait une circonstance qui « peut
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compromettre l’aboutissement de l’enquête » et donc autoriser la notification ultérieure, alors qu’une
interprétation aussi extensive n’est en aucun cas une exigence du Forum mondial ou de l’OCDE.
En outre, il est certain qu’une notification différée de la personne concernée porte atteinte à ses
droits procéduraux qui sont garantis par la Constitution. Dans ce contexte, il est intéressant de
noter que la Convention multilatérale du Conseil de l’Europe et de l’OCDE concernant l’assistance
administrative mutuelle en matière fiscale, que la Suisse a signée en octobre 2013, réserve
expressément à son article 21 alinéa 1 les « droits et garanties accordés aux personnes par la
législation ou la pratique administrative de l’Etat requis ».
Néanmoins, afin de respecter les standards internationaux, le Parlement a accepté le principe
d’une information ultérieure des personnes habilitées à recourir « exceptionnellement » et « lorsque
l’autorité requérante établit de manière vraisemblable que l’information préalable des personnes
habilitées à recourir compromettrait le but de l’assistance administrative et l’aboutissement de son
enquête ». Reste à voir l’application qui en sera faite en pratique.
L’ABPS tient toutefois à relever qu’à la différence d’autres crimes ou infractions, pour lesquels la
connaissance de données bancaires est un des éléments nécessaires à la poursuite de l’enquête,
la situation est différente en matière de soustraction fiscale. Dans ce cas, la collecte d’informations
bancaires est l’aboutissement de l’enquête. Les renseignements bancaires transmis servent à
prouver définitivement l’infraction jusque-là soupçonnée. Imaginer le contraire reviendrait à
admettre que cette collecte d’informations n’est rien d’autre que de la pêche aux renseignements.
Or, celle-ci est interdite.
En deuxième lieu, le projet prévoyait d’octroyer la compétence au Conseil fédéral d’adapter la
notion de « demande groupée » à l’évolution des standards internationaux sans passer par une
modification de la loi. L’ABPS et d’autres se sont élevés contre cette mesure qui mettrait le
Parlement fédéral sur la touche, mais sans succès. La définition des demandes groupées a
cependant partiellement repris une précision de l’ABPS et concerne maintenant « une demande
d’assistance administrative qui exige des renseignements sur plusieurs personnes ayant eu un
modèle de comportement identique et étant identifiables à l’aide de données précises ».
Troisièmement, la révision envisageait la possibilité de donner suite à des demandes d’assistance
fondées sur des données volées « à condition cependant que l’Etat requérant n’ait pas acquis ces
données de façon active, mais passive, par exemple par le biais d’un autre Etat ». Ce dernier point,
au demeurant très flou, a beaucoup surpris et choqué, dans la mesure où le gouvernement avait
affirmé que la Suisse n’entrerait jamais en matière sur des demandes fondées sur des données
volées. Le revirement du Conseil fédéral serait dû, selon la presse, aux pressions exercées par
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l’Inde qui aurait reçu de la France des noms de contribuables figurant dans la liste Falciani.
Cependant, face au tollé suscité par cette proposition, le gouvernement a décidé de faire marche
arrière et la LAAF n’a pas été modifiée sur ce point.
La LAAF révisée a été adoptée le 21 mars 2014 et le délai référendaire court jusqu’au 10 juillet
2014. Aucun référendum n’est cependant attendu. Les nouvelles règles de procédure
s’appliqueront aux demandes d’assistance administrative déjà déposées au moment de leur
entrée en vigueur, sans que cela ait de réelles incidences pratiques.
Débat sur l’imposition d’après la dépense
En juin 2013, le Conseil fédéral a appelé à rejeter l’initiative populaire « Halte aux privilèges fiscaux
des millionnaires (abolition des forfaits fiscaux) ». Pour le Gouvernement, la révision du régime
d’imposition d’après la dépense adopté par les Chambres fédérales en 2012 constitue un
compromis suffisant entre l’équité fiscale et l’attrait économique de la Suisse.
Les auteurs de l’initiative estiment que l’imposition d’après la dépense constitue un privilège fiscal
indu, parce que les impôts ne sont pas calculés sur la base du revenu et de la fortune effectifs,
mais sur la base des dépenses occasionnées, en Suisse et à l’étranger, par le train de vie du
contribuable et des personnes à sa charge. Les initiants méconnaissent toutefois que ce mode
d’imposition ne peut être demandé que par des ressortissants étrangers qui s’établissent en
Suisse pour la première fois ou après une absence d’au moins dix ans et qui n’y exercent pas
d’activité lucrative. Les contribuables concernés ne sont donc pas dans une situation comparable
au résident suisse ordinaire.
Cette différence se reflète d’ailleurs dans le montant des impôts payés par les personnes imposées
d’après la dépense. Selon le communiqué de la Conférence des directrices et directeurs
cantonaux des finances du 17 mai 2013, 5634 personnes imposées au forfait ont payé en Suisse
en moyenne CHF 123 000 d’impôts directs chacun en 2012, pour un total de CHF 695 millions.
Chaque forfaitaire a ainsi payé environ quinze fois plus d’impôts que la moyenne des contribuables
ordinaires.
Il ne faut pas non plus oublier que les contribuables imposés d’après la dépense s’acquittent aussi
d’impôts immobiliers, de droits de donation et de succession, de TVA et même de cotisations AVS
pour des montants non négligeables. En outre, leurs revenus provenant de l’étranger (dividendes,
royalties, rémunérations d’artiste, de sportif ou de conférencier) subissent une retenue à la source
d’au moins 15% à 30% selon les cas. Enfin, les personnes imposées au forfait manifestent souvent
leur gratitude envers la Suisse en y soutenant des œuvres culturelles, scientifiques ou caritatives.
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A noter que, pour une fois, il n’y a aucune pression internationale qui s’exerce sur l’imposition
d’après la dépense. Ce n’est qu’au sein de la Suisse que des voix se sont élevées pour demander
son abolition. Au contraire, des pays tels le Portugal, l’Espagne et même la France connaissent
aussi des régimes spécifiques pour les nouveaux résidents, qui exonèrent tout ou partie des
revenus réalisés à l’étranger. Sans oublier le Royaume-Uni, l’Irlande et Malte qui n’imposent pas les
revenus étrangers des ressortissants étrangers résidant chez eux tant que ces revenus n’y sont
pas transférés. En outre, dans tous ces pays, les bénéficiaires d’une imposition allégée sont libres
d’exercer une activité lucrative.
Le Conseil des Etats a rejeté l’initiative en décembre 2013 et le Conseil national fera sans doute de
même en mai 2014, mais le verdict populaire attendu fin 2014 est plus incertain. Les cantons où
résident peu de contribuables imposés au forfait devraient toutefois se rendre compte qu’ils
bénéficient aussi de la manne fiscale de ceux-ci au travers de la péréquation intercantonale.
Le canton de Genève va aussi devoir voter sur une initiative du parti socialiste sur le même sujet,
fin 2014 ou début 2015. Dans ce canton, il est piquant de constater que les personnes imposées
d’après la dépense rapportent environ CHF 150 millions de recettes fiscales à l’Etat, ce qui
correspond à peu près au coût annuel de l’assainissement des caisses de pension publiques
accepté par le peuple en mars 2013.
Initiative sur la réforme de la fiscalité successorale
L'initiative populaire fédérale « Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre
AVS (Réforme de la fiscalité successorale) », qui a formellement abouti en mars 2013, prévoit de
taxer les héritages dès deux millions de francs à hauteur de 20%, ainsi que les dons de plus de
CHF 20 000. Les recettes, estimées à CHF 3 milliards par an, iraient pour deux tiers à l'AVS et
pour un tiers aux cantons, qui n'imposeraient plus les successions et donations.
En septembre 2013, le Conseil fédéral s’est prononcé en faveur du rejet de cette initiative, sans lui
apporter de contre-projet. Il estime que cette initiative porterait gravement atteinte à la
souveraineté et aux recettes fiscales des cantons. Il critique en outre le fait qu'elle puisse
s'appliquer rétroactivement au 1er janvier 2012. Il relève enfin que les incertitudes concernant
l'imposition des héritages comportant des entreprises nuiraient aussi à la place économique.
Fin mars 2014, la Commission de l’économie et des redevances du Conseil des Etats a repris les
arguments du Conseil fédéral et recommandé au plénum de rejeter l'initiative, ce que celui-ci
devrait faire à la session d’été 2014 avant de transmettre le dossier au Conseil national. La majorité
de la commission dénonce aussi des inégalités de traitement. En effet, aucun impôt ne serait par
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exemple perçu sur un legs de CHF 2 millions destiné à une seule personne, tandis que des impôts
seraient prélevés sur un legs de CHF 2,1 millions destiné à quatre personnes. La commission n’a
en revanche pas suivi l’argumentation des milieux économiques et immobiliers qui, avis de droit à
l’appui, soutiennent que l’initiative viole le principe de l’unité de la matière en mélangeant trois
questions: l'introduction d'un nouvel impôt, l'abolition des compétences cantonales et le
financement de l'AVS.
Par ailleurs, avec un taux fixe de 20%, il n’y aurait plus de distinctions en fonction du lien de
parenté : les enfants qui sont actuellement presque partout exonérés seraient de nouveau soumis
à l’impôt, tandis que des personnes avec peu ou pas de lien de parenté seraient mieux traitées.
Pour le Conseil fédéral, « cette proposition ne respecte pas le principe de l’universalité de l’impôt ni
celui de l’interdiction de la discrimination ». Elle est pourtant symptomatique de la défiance d’un
nombre croissant de Suisses envers « les riches », tout comme l’initiative prônant l’abolition des
forfaits fiscaux. Il conviendra d’en tenir compte lors des campagnes précédant les votations.
En tout cas, on ne peut que regretter que le soi-disant paradis fiscal suisse se soit transformé en
chantier. Comme l’écrivait un journaliste du quotidien « Le Temps » : « la cacophonie de projets
fiscaux sabordent l’image de stabilité du cadre juridique » ; et personne n’a envie de rester ni de
venir à un endroit où l’avenir est incertain. Dans le monde globalisé d’aujourd’hui, les particuliers
fortunés ont un avantage, puisqu’ils peuvent facilement réorganiser leur patrimoine pour le
soumettre à d’autres règles, voire déménager sous des cieux plus cléments. Il ne faut donc pas
espérer qu’ils paieront plus d’impôts sans réagir.
Initiative sur la protection de la sphère privée financière
Une initiative populaire intitulée « Oui à la protection de la sphère privée » a été déposée en mai
2013 par un comité composé de représentants de divers partis bourgeois. Le délai imparti pour la
récolte des signatures est fixé au 4 décembre 2014. Cette initiative propose d’étendre l’art. 13 Cst.
à la protection de la sphère privée financière, notamment dans le domaine fiscal. Relevant que la
sphère privée est un élément central de la société libérale et qu’elle est de plus en plus mise en
danger, notamment dans le domaine financier, les auteurs de cette initiative veulent « empêcher
que la situation internationale soit utilisée comme prétexte pour également supprimer le secret
bancaire pour les personnes vivant en Suisse ». Selon la nouvelle teneur proposée de la disposition
constitutionnelle, sans consentement de la personne concernée, les tiers ne seront autorisés à
fournir aux autorités des informations concernant les impôts directs prélevés par les cantons que
dans le cas d’une procédure pénale et exclusivement dans des situations prédéfinies qui
correspondent à la pratique actuelle en la matière. L’idée est donc de préserver, au moins au plan
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domestique, la distinction entre la fraude fiscale et la soustraction d’impôts, une distinction qui n’a
plus de portée vis-à-vis des Etats étrangers suite à une décision de principe du Conseil fédéral qui
date du 13 mars 2009.
Cette initiative populaire représente un certain contrepoids à la volonté affichée par les autorités
fédérales et cantonales d’accéder aux informations bancaires à des fins fiscales (cf. p. 32). Elle met
en relation le lien qui existe entre la protection de la sphère privée financière et le rapport de
confiance qui existe entre l’Etat et le citoyen. Il s’agit là d’une question fondamentale dépassant de
loin la politique bancaire et il est juste que le Souverain soit invité à donner son avis à ce propos.
Du point de vue des banques privées, et à un niveau plus technique, il convient de garder à l’esprit
un autre aspect qui est celui de la cohérence d’ensemble du cadre fiscal : le droit suisse prévoit
toutes sortes de garde-fous destinés à éviter que l’on puisse abuser de la protection offerte par le
secret bancaire. C’est par exemple le cas de l’impôt anticipé conçu comme un impôt de garantie,
qui est fixé à un niveau très élevé en comparaison internationale. Quel que soit le choix des
citoyens sur l’avenir du secret bancaire en matière fiscale – qu’il s’agisse des aspects
internationaux de cette problématique ou de ses aspects domestiques (comme dans le cas
d’espèce) – il importera d’harmoniser ces mesures entre elles, de telle manière que la Suisse ne se
dote pas d’un arsenal démesuré et redondant destiné à garantir l’honnêteté fiscale des
contribuables, qui sont aussi les clients de ses banques. En effet, cet arsenal a des conséquences
très concrètes et potentiellement dévastatrices en termes de compétitivité.
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AU PLAN INTERNATIONAL
G20 et OCDE
Examen par les pairs du Forum mondial pour la transparence et l’échange de renseignements
Dès 2009, le Forum mondial, chargé par le G20 de vérifier la bonne application des standards
internationaux en matière fiscale, procède à des « examens par les pairs » portant, dans un premier
temps, sur l’évaluation du cadre législatif et réglementaire de chaque juridiction et, dans un second,
sur l’application concrète des règles. Ceci permet au Forum mondial de décider si la juridiction en
question est « conforme », « largement conforme », « partiellement conforme » ou « non conforme ».
La Suisse fait partie des 14 juridictions qui n’ont pas encore été autorisées à passer la seconde partie
de cet examen. Quand bien même elle s’est engagée à adopter les standards internationaux, trois
lacunes formelles de sa législation ont été identifiées en 2011. Il devra nécessairement y être remédié
pour qu’elle puisse être évaluée. Ces lacunes concernent :
•
la conclusion d’un nombre suffisant de conventions de double imposition ou d’accords
d’échange de renseignements fiscaux (TIEA), étant précisé que cette notion a sensiblement
évolué au cours des années ;
•
la possibilité de transmettre des renseignements sans devoir obligatoirement notifier la
personne concernée ;
•
l’identification des propriétaires d’actions au porteur.
La Suisse s’est attelée à amender sa législation sur ces trois points, comme le révèlent les différents
articles du présent rapport (cf. p. 26, 27, 51) et l’on peut s’attendre à ce qu’elle soit bientôt autorisée
à franchir la deuxième étape du processus décrit plus haut.
Avec la mise en place d’un nouveau standard international pour l’échange d’informations fiscales
(voir ci-dessous), il est probable que le Forum mondial gardera une forme de permanence qui n’était
pas prévue au départ.
Mise en place d’un standard international pour l’échange automatique d’informations fiscales
En avril 2013, sur fond d’affaire Cahuzac et d’« Offshore Leaks », les événements ont commencé à
se précipiter. Les ministres des finances des cinq plus grands Etats européens ont lancé l’offensive
en fixant les contours d’un plan d’action fondé sur un échange automatique d’informations inspiré du
système américain FATCA. Le lendemain, le Luxembourg annonçait qu’il allait introduire un échange
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automatique d’informations fiscales avec les Etats de l’Union européenne à compter du 1er janvier
2015, en application de la Directive sur la fiscalité de l’épargne. Cette décision du Grand-Duché
découlait de la nécessité de conclure un accord FATCA avec les Etats-Unis, car le Luxembourg se
devait alors d’accorder un régime similaire aux Etats membres de l’UE.
A ce stade, la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf s’est exprimée dans plusieurs médias en
insistant sur le fait que l’échange automatique d’informations ne constituait pas un standard
international et en réaffirmant sa volonté de poursuivre la stratégie de conformité fiscale
(« Weissgeldstrategie », cf. p. 30) lancée en décembre 2012.
Toujours en avril 2013, le G20 décida alors que l’échange automatique d’informations devait devenir
la norme. Le gouvernement autrichien a finalement craqué à son tour et décidé d’entrer en matière
sur l’échange automatique d’informations, mais à trois conditions : conserver le secret bancaire pour
les résidents autrichiens, inclure l’identification par les autorités des véritables propriétaires des
entreprises, fondations et trusts afin de lutter contre les sociétés-écrans et considérer séparément
l’accord sur l’impôt libératoire à la source conclu avec la Suisse.
L’ABPS a alors indiqué que si la Suisse se dirigeait vers l’échange automatique d’informations, en
passe de devenir un standard international, elle ne pouvait en même temps poursuivre une stratégie
de conformité fiscale spécifique à la Suisse et qui ne lui vaudrait aucune reconnaissance.
Parallèlement, les territoires britanniques d’outre-mer se ralliaient à la politique de transparence fiscale
du gouvernement britannique en signant un accord d’échange automatique d’informations bancaires
avec Londres. Le Secrétariat d’Etat aux questions financières internationales (SFI) a quand même
noté qu’un échange automatique dépendait de la disponibilité des informations et que, dans
certaines de ces juridictions, l’ayant droit économique final d’un compte ou d’un trust n’était pas
systématiquement connu, contrairement à la Suisse.
En mai et en juin 2013, de plus en plus de déclarations en faveur de l’échange automatique furent
prononcées par le Conseil européen, l’OCDE et le G8. Nombre de pays, et pas seulement
européens, ont rejoint l’initiative des 5 plus grands Etats européens.
C’est dans ce contexte que fut publié mi-juin 2013 le premier rapport Brunetti destiné à définir la
stratégie de la Confédération pour la place financière (cf. p. 10). Même si le Conseil fédéral n’a pas
souhaité reprendre toutes les conclusions de ce rapport, il est passé d’une position attentiste à une
attitude proactive. Il a accepté le principe de l’échange automatique si ce dernier devenait un
standard mondial, et annoncé que la Suisse participerait activement à son élaboration au sein de
l’OCDE. Des motions parlementaires voulant accélérer ou freiner la manœuvre ont alors toutes été
Association de Banques Privées Suisses – Rapport annuel 2013
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rejetées par le Conseil national. De son côté, l’ASB a salué le contenu du rapport tout en répétant
que le règlement du passé et l’accès au marché devraient être les contreparties d’un échange
automatique d’informations.
En septembre 2013, le G20 a chargé l’OCDE de présenter un modèle de standard unique d’échange
d’informations d’ici à février 2014 et de finaliser ses modalités techniques d’application pour la mi2014. Malgré ces délais très serrés, l’OCDE a publié le 13 février 2014 son « Standard for Automatic
Exchange of Financial Account Information ». Ce document contient, outre quelques informations
générales, le texte du « Model Competent Authority Agreement » (CAA) et du « Common Reporting
and Due Diligence Standard » (CRS).
Le CAA est un accord bilatéral et réciproque de 7 articles en 6 pages que les Etats concluront en
complément de leurs traités fiscaux. Le contenu des informations à échanger y est défini : nom,
adresse, Tax Identification Number (TIN), date et lieu de naissance du client, nom de la banque,
numéro et solde du compte, total brut des intérêts, dividendes, ventes et autres revenus.
Quant au CRS, il est fondamentalement inspiré du Modèle 1 d’accord intergouvernemental FATCA. Il
reprend donc la division entre comptes nouveaux et préexistants et entre comptes de personnes
physiques ou morales. Les comptes préexistants de personnes physiques supérieurs à USD 1 million
doivent faire l’objet d’une vérification plus poussée (recherche papier et interrogation du gérant).
Contrairement à FATCA, seuls les comptes préexistants de personnes morales inférieurs à USD
250 000 sont hors champ. En outre, le critère de la nationalité n’est pas repris, pour se concentrer
sur la seule résidence fiscale des clients. Enfin, aucun mécanisme de retenue à la source n’est prévu.
D’ici à juin 2014, les directives d’application et le commentaire de ces normes doivent être
approuvés par le Comité fiscal de l’OCDE, puis au troisième trimestre par le Conseil de l’OCDE et
finalement par le G20 à Cairns les 20 et 21 septembre 2014.
La Suisse a pris, et continue de prendre, une part active à l’élaboration de ces règles, et a contribué
à l’intégration des principes de spécialité (exclusivité des fins fiscales), de confidentialité et de
réciprocité dans le CAA. Si un Etat ne respecte pas ces principes, l’autre Etat peut suspendre
l’échange automatique d’informations. Certains soutiennent même qu’un CAA ne devrait pas être
conclu tant qu’une législation adéquate n’est pas en place dans l’Etat partenaire. La Suisse pourrait
s’inspirer des choix de partenaires qu’effectueront les Etats-Unis et l’Union européenne.
La Suisse a aussi insisté sur un quatrième principe essentiel, à savoir la garantie d’un « level playing
field », mais avec moins de succès. En effet, l’identification des « controlling persons » des personnes
morales doit s’effectuer selon le CRS en application des règles anti-blanchiment locales, dont il est
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clair qu’elles sont beaucoup plus poussées en Suisse qu’ailleurs. Le Forum mondial est censé veiller
à une mise en œuvre similaire des Recommandations du GAFI, mais cette organisation, au sein de
laquelle les grands Etats du G20 jouent un rôle décisif, a déjà démontré qu’elle n’est pas au-dessus
de toute impartialité ni forcément capable de faire évoluer la pratique des plus grands pays. C’est
pourquoi, si ces derniers ne s’élèvent pas au niveau de la Suisse, notre pays devrait réfléchir à mettre
en place des règles d’identification spécifiques au CRS.
En mars 2014, l’Autriche et le Luxembourg ont finalement levé leur veto à l’adoption de la Directive
révisée sur la fiscalité de l’épargne. L’Union européenne se prépare ainsi à adopter le standard
OCDE, qui sera intégré à cette directive, et la Commission européenne a reçu un mandat pour
négocier l’échange automatique de façon globale avec la Suisse. Presque tous les Etats européens,
mais notamment pas les deux précités, font partie des « Early Adopters » qui ont annoncé vouloir
échanger des informations dès 2017 sur l’année 2016 (un an plus tard pour les comptes d’entités
juridiques ou de moins d’un million de dollars). Il reste à voir si l’Union européenne parviendra à
convaincre les Etats-Unis de communiquer autant d’informations que les autres et si les
administrateurs de sociétés, fondations et trusts fourniront des informations correctes et complètes.
En Suisse, le Conseil fédéral attend que le standard OCDE soit définitivement approuvé pour
soumettre au Parlement les modalités d’introduction de l’échange automatique dans la législation. Il
est malheureusement à craindre que ces propositions contiennent aussi une forme de
« Weissgeldstrategie » pour les pays avec lesquels la Suisse ne conclura pas de CAA ; l’ABPS ne
manquera pas de réagir à de telles propositions. Une telle solution serait erronée. Beaucoup plus
importante est l’adoption rapide d’une feuille de route législative destinée à permettre à la Suisse
de se conformer sans retard au standard international et dont tout « helvétisme » devrait être
définitivement exclu.
« Base Erosion and Profit Shifting » (BEPS)
Après plusieurs années passées à pourchasser les personnes physiques coupables de fraude
fiscale, les gouvernements se sont rendu compte que l’optimisation fiscale pratiquée par les
multinationales était responsable d’un vide bien plus grand dans leurs comptes. Ils ont donc
cherché à déterminer si, et pourquoi, les règles actuelles permettent l’attribution de bénéfices
imposables à des endroits différents de ceux où l’activité se déroule effectivement.
A la demande du G20, l’OCDE a publié en février 2013 un rapport intitulé « Lutter contre l'érosion
de la base d'imposition et le transfert de bénéfices » qui analyse ce phénomène et conclut
notamment : « Bien que, techniquement parlant, ces stratégies d’optimisation fiscale puissent être
Association de Banques Privées Suisses – Rapport annuel 2013
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licites et exploitent des interactions soigneusement étudiées entre divers principes et règles
fiscales, leur effet global est d’éroder la base d’imposition des entreprises de nombreux pays,
allant à l’encontre de l’objectif poursuivi par la politique nationale. »
L'OCDE a ensuite développé un plan d'action, publié en juillet 2013, qui identifie une quinzaine de
mesures nationales et internationales afin de mettre un terme à ces pratiques. Ce plan reconnaît
l'importance de prendre en compte l'économie numérique sans frontières, et de développer un
nouvel ensemble de normes visant à éviter la double exonération. L'objectif est de déployer les
actions décrites dans le plan dans les 18 à 24 mois à venir. Plusieurs rapports et recommandations
sont ainsi attendus pour septembre 2014 déjà.
La Suisse est favorable à des pratiques fiscales équitables entre les Etats et participe activement aux
groupes de travail dédiés à cette thématique. Elle insiste cependant pour que les conditions
concurrentielles soient les mêmes pour tous. En outre, la réflexion devrait être menée globalement:
au-delà des aspects fiscaux, la Suisse estime qu’il faut élargir le débat à la problématique des aides
d’Etat et autres incitations aux entreprises, qui faussent l’efficacité du marché. Sur ce point pourtant,
l’OCDE se défausse sur l’OMC.
Une incidence concrète pour la Suisse est que, dans le cadre de la troisième réforme de l’imposition
des entreprises (cf. p. 35), il est entre autres envisagé d’introduire, au niveau cantonal ou fédéral, un
régime de type « licence box » pour remplacer en partie les régimes fiscaux qui ne pourront être
maintenus. Or, ce régime est dans le collimateur du projet BEPS et l’OCDE devrait se prononcer sur
son acceptabilité d’ici à l’été 2014.
Union européenne : développements internes et bilatéraux avec la Suisse
Fiscalité de l’épargne
A la suite de la décision en avril 2013 du Luxembourg, puis de l’Autriche, de ne plus pratiquer de
retenue d’impôt dans le cadre de la Directive sur la fiscalité de l’épargne à partir de 2015, la
Commission européenne a reçu en mai 2013 un mandat pour renégocier les accords
correspondants qui lient l’Union européenne à Monaco, Andorre, Saint-Marin, Liechtenstein et
surtout la Suisse. En juin 2013, le commissaire européen Algirdas Semeta rencontrait la conseillère
fédérale Eveline Widmer-Schlumpf à Berne pour presser la Suisse d’honorer l’engagement qu’elle
avait pris en 2009 déjà de renégocier l’Accord sur la fiscalité de l’épargne.
A la suite du premier rapport Brunetti, le Conseil fédéral a présenté fin juin 2013 sa stratégie vis-à-vis
de l’Union européenne, qui consistait à négocier en parallèle les questions institutionnelles, les
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accords en discussion (énergie, recherche, etc.) et les dossiers fiscaux (fiscalité de l’épargne,
différend sur la fiscalité des entreprises). Ce n’est pourtant que fin 2013 que le Conseil fédéral a
délivré un mandat de négociation afin d’ouvrir des discussions avec Bruxelles sur le cadre
institutionnel des relations bilatérales entre la Suisse et l’UE, en incluant dans ce mandat l’ouverture
de pourparlers relatifs à la réforme de l’Accord sur la fiscalité de l’épargne, dans le but de combler
certaines lacunes du dispositif actuel. Le Conseil fédéral a toutefois tenu à assortir ce mandat de la
condition suivante: l’accès transfrontalier au marché européen doit être maintenu pour les
intermédiaires financiers helvétiques dans le cadre de l’application de la future Directive MiFID II. En
fixant cette condition, le Conseil fédéral entendait préserver des milliers d’emplois en Suisse,
menacés par une législation européenne protectionniste. Vu les développements intervenus depuis, il
est probable que la contrepartie porte désormais plutôt sur un accord sur la libre circulation des
services (financiers), qui paraît cependant très difficile à obtenir (cf. p. 11).
Pour autant, l’Autriche et le Luxembourg ont maintenu leur veto à la révision de la Directive
européenne sur la fiscalité de l’épargne jusqu’à fin mars 2014, car ils voulaient être sûrs que la Suisse
serait traitée comme eux. De fait, ces trois pays ont accepté de passer à l’échange automatique
d’informations selon le standard OCDE encore en développement (cf. p. 44). Au sein de l’Union
européenne, cela passera par une modification de la Directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février
2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, qui ouvrira la voie à la reprise du
standard OCDE dans le droit européen.
L’enjeu était d’importance, car la version révisée de la Directive européenne sur la fiscalité de
l’épargne prévoit un nouveau modèle d’échange automatique excessivement complexe et surtout
sans rapport avec celui que prépare l’OCDE. La Fédération bancaire européenne a clairement fait
savoir que la mise en œuvre de deux modèles différents serait un cauchemar opérationnel et une
source de coûts immense. On peut comprendre que l’Union européenne souhaite garder la maîtrise
de son projet, mais l’avertissement des banques européennes devra être entendu.
En Suisse, le DFF a indiqué qu’il entendait ne pas modifier puis abandonner la fiscalité de l’épargne
au profit du standard OCDE. C’est assurément une bonne nouvelle. En revanche, dans le cadre des
accords sur l’impôt libératoire à la source, l’échange automatique d’informations fiscales a déjà lieu
sur une base volontaire, mais avec une façon différente d’identifier les bénéficiaires effectifs. On peut
toutefois raisonnablement penser qu’un nouvel accord avec l’Union européenne rendra ces accords
obsolètes, ce qui évitera un cumul inutile et coûteux des méthodes de traitement des informations.
Association de Banques Privées Suisses – Rapport annuel 2013
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Taxe sur les transactions financières
A la suite de la crise financière, la théorie d’une taxe sur les transactions financières (TTF) des
économistes Keynes puis Tobin a connu un regain d’intérêt marqué. En septembre 2011, la
Commission européenne proposait une TTF pour stabiliser les marchés financiers et remplir les
caisses publiques. Les ministres des finances des Etats membres de l’UE ne parvinrent cependant
pas à s’entendre à l’unanimité requise. En janvier 2013, 11 pays de l’Union européenne
(Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Estonie, France, Grèce, Italie, Portugal, Slovaquie et
Slovénie) obtinrent la permission de la Commission de développer une TTF au travers d’une
procédure de coopération renforcée, selon laquelle seule l’unanimité des pays participant à cette
procédure est requise.
Le projet de ces 11 pays prévoit une taxe sur les transactions entre institutions financières, avec
diverses exceptions pour préserver l’économie réelle. Le taux serait de 0,1% sur les actions et
obligations et de 0,01% sur la valeur notionnelle des dérivés. La taxe devrait être prélevée sur la
base du principe de résidence, avec toutefois quelques éléments du principe de l’émetteur, de
sorte que toute opération impliquant une société constituée dans l’un des 11 pays y serait
soumise, où qu’elle se déroule.
C’est justement le caractère extraterritorial de cette proposition qui a poussé le Royaume-Uni à la
contester devant la Cour européenne de justice en avril 2013. Quelques mois plus tard, le service
juridique du Conseil de l’Union européenne publiait un avis selon lequel la proposition de TTF
excédait la compétence des 11 pays soutenus par la Commission européenne, notamment en
imposant aux pays non participants de prélever des impôts pour eux. En outre, le fait que les Etats
participants puissent s’en tenir à leurs propres règles, qu’ils peuvent d’ailleurs préciser sur
plusieurs points, discriminerait les Etats non participants où les institutions financières devraient
appliquer jusqu’à 11 combinaisons de règles et de taux différents. Pour la Fédération bancaire
européenne, la TTF devrait toujours être prélevée par une institution financière présente sur le
territoire de l’un des 11 Etats participants, ce qui résoudrait les problèmes précités.
Depuis, les gouvernements allemand et français essaient de parvenir à un accord avant les
élections du Parlement européen en mai 2014, allant jusqu’à proposer une implémentation
progressive de la TTF, en l’appliquant d’abord aux seules actions. De son côté, la Commission a
mandaté, sans demander l’avis des Etats membres, Ernst & Young afin d’examiner différentes
façons de prélever la TTF.
Certains pays du groupe des 11 commencent à se demander si la TTF leur rapportera vraiment
autant que prévu. Les expériences récentes de la France, de la Hongrie et de l’Italie leur donnent
raison : ces pays viennent d’introduire des TTF, dont les recettes s’avèrent décevantes, car le
Association de Banques Privées Suisses – Rapport annuel 2013
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marché adapte son comportement de façon à éviter les transactions taxées. Même les droits de
timbre anglais et suisses, qui sont aussi des formes de TTF, font fuir certaines transactions vers
des pays qui n’en connaissent pas, comme le Luxembourg.
A ce stade, il est impossible de prédire si une TTF européenne verra le jour en 2015, en 2016 ou
jamais. Pourtant, la Suisse devrait d’autant plus réfléchir à l’abolition de son droit de timbre de
négociation, car si les Etats européens introduisent une TTF, ce serait là un bel avantage compétitif
pour la Suisse. En tous les cas, il convient d’éviter que le droit de timbre de négociation suisse se
cumule à une TTF européenne.
Politique suisse en matière de double imposition
La Suisse est confrontée au reproche du Forum mondial qu’elle n’a pas signé assez de clauses
d’échange d’informations (sur demande) conformes au standard OCDE, et notamment pas avec
ses principaux partenaires commerciaux. La formulation de la CDI révisée avec la France n’a en
effet pas encore été corrigée, car le protocole correspondant se trouvait dans la nouvelle
convention en matière de successions, en passe d’être rejetée par le Parlement (cf. p. 54). La CDI
avec l’Italie n’a pas non plus pu être renégociée, du fait des difficultés rencontrées avec ce pays et
de ses fréquents changements de gouvernement.
En conséquence, la Suisse cherche d’autres moyens de satisfaire les exigences toujours plus grandes
du Forum mondial, afin d’atteindre et si possible de passer la phase 2 de l’examen par les pairs.
Convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale
Une convention multilatérale offrant toutes les formes possibles de coopération fiscale pour
combattre l’évasion et la fraude fiscales a été élaborée par le Conseil de l'Europe et l'OCDE en
1988 et a été amendée en 2010 par un Protocole. En effet, pour répondre à l’appel lancé par le
G20 en avril 2009, la Convention a été alignée sur la norme internationale d’échange de
renseignements sur demande et, le 1er juin 2011, a été ouverte à tous les pays.
A fin mars 2014, cette Convention avait été signée par plus d'une soixantaine de pays, dont près
de 40 l'ont déjà mise en vigueur. En particulier, tous les pays membres du G20 ont désormais
signé cette Convention. La Chine a été la dernière à apposer son paraphe, fin août 2013, même si
aucune mention n’a été faite des cas de Hong Kong et Macao.
La Suisse a longtemps refusé de signer cette Convention, mais s’est retrouvée de plus en plus
isolée au fil des mois, après que l’Autriche, le Luxembourg et Singapour y ont adhéré fin mai 2013.
Le Conseil fédéral a finalement cédé en octobre 2013, alors que cette Convention était devenue,
dans les faits, un nouveau standard international.
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Véritable système modulaire, cette Convention prévoit notamment l'échange de renseignements à
la
demande
et
l'échange
spontané
de
renseignements.
L'échange
automatique
de
renseignements fait partie des possibilités prévues par la Convention, mais ce type d'assistance
requiert expressément un accord supplémentaire entre les Etats intéressés (tel celui contenu dans
le standard que l’OCDE a publié en février 2014, cf. p. 44).
Le Conseil fédéral devrait soumettre la ratification de cette Convention à consultation durant le
printemps 2014. A cette occasion, l’ABPS insistera sur les réserves qui sont admises au sein de la
Convention même (à son article 30). Car si l’entrée en vigueur de cette Convention devrait permettre
de satisfaire le Forum mondial, puisqu’elle s’appliquera aussi à l’Italie et à la France, son importance
pratique s’effacera vite face au nouveau standard d’échange automatique de l’OCDE.
Inscription de la norme OCDE dans toutes les conventions de double imposition
A fin mars 2014, la Suisse a renégocié plus d’une cinquantaine de CDI pour en adapter la clause
d’échange de renseignements sur demande au standard OCDE. 43 de ces CDI ont été signées et
38 sont entrées en vigueur. La Suisse respecte donc sa promesse d’accorder le standard
international à tous les pays qui le lui demanderaient.
Le Conseil fédéral souhaite désormais accélérer la manœuvre et adapter rapidement le réseau
suisse des CDI à la norme internationale. Il a ainsi chargé en février 2014 le DFF d'élaborer un
projet permettant d'inscrire unilatéralement la norme de l'OCDE concernant l'échange de
renseignements sur demande dans toutes les CDI qui ne satisfont pas encore à cette norme.
Cette démarche s’inscrit dans la logique de la signature de l'accord multilatéral de l'OCDE et du
Conseil de l'Europe concernant l'assistance administrative en matière fiscale. Elle va aussi dans le
sens d'une motion déposée en 2013 par le conseiller national Ruedi Noser. D'autres Etats,
notamment la Belgique et Singapour, ont procédé de façon analogue pour adapter leur réseau de
CDI à la norme internationale.
Signature d’accords sur l’échange de renseignements fiscaux (AERF)
A l’insistance du Forum mondial, la Suisse a conclu des AERF avec des Etats avec lesquels une
CDI ne s’imposait pas, puisque les cas de double imposition sont rares en pratique, du fait des
régimes fiscaux de ces Etats. Ainsi, en septembre 2013, la Suisse a signé des AERF avec Jersey,
Guernesey et l’Ile de Man, puis en mars 2014 avec Andorre et le Groenland. Des AERF ont aussi
été paraphés avec Saint Marin et avec les Seychelles.
Ces accords portent en général uniquement sur l’échange d’informations liées aux impôts sur le
revenu, la fortune, les successions et les donations. Ils reprennent le contenu de l’article 26 du
Association de Banques Privées Suisses – Rapport annuel 2013
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Modèle OCDE de Convention fiscale, en précisant par exemple que « dans le cas d’un trust, les
renseignements [portent] sur les constituants, les trustees, les protecteurs et les bénéficiaires ». Il
ne s’agit que d’échange sur demande, et l’Etat requérant doit notamment fournir « afin de
démontrer la pertinence vraisemblable des renseignements demandés, les raisons qui donnent à
penser que les renseignements demandés sont détenus dans la partie requise ou sont en la
possession ou sous le contrôle d’une personne placée sous la juridiction de la partie requise ».
La portée pratique de ces AERF sera sans doute très limitée tant que la Suisse ne pourra pas, selon
son droit interne, obtenir des renseignements de tiers dans les cas de soustraction fiscale. Même si la
révision du droit pénal fiscal devait changer cette situation (cf. p. 32), il est peu probable que nombre de
contribuables suisses dissimulent des avoirs ou des revenus dans les juridictions citées plus haut.
Relations bilatérales avec certains pays
Accords d’imposition à la source avec l’Autriche et la Grande-Bretagne
L’année 2013 a été celle de l’entrée en vigueur des accords de coopération fiscale que la Suisse a
conclus avec l’Autriche et le Royaume-Uni. La mise en œuvre de ces accords s’est déroulée sans
accroc. Au final, sur toute l’année 2013, la Suisse a transmis au titre du règlement du passé environ
EUR 720 millions à l’Autriche pour près d’EUR 6 milliards d’avoirs régularisés, et environ GBP 460
millions au Royaume-Uni pour près de GBP 10 milliards d’avoirs régularisés. L’acompte de CHF 500
millions versé par les banques suisses au Royaume-Uni est ainsi entièrement perdu pour elles,
puisque les montants remis au Royaume-Uni n’ont pas atteint CHF 1,3 milliard.
Le Royaume-Uni s’est bien entendu montré déçu de ne même pas recevoir un milliard de livres, alors
qu’il en espérait plusieurs de l’accord. Ce résultat s’explique par le nombre inattendu de clients
« resident non domiciled » ou bénéficiaires de trusts irrévocables et discrétionnaires, qui n’étaient pas
soumis à l’accord, mais aussi et surtout par le fait que les clients britanniques ont souvent fait le choix
d’une déclaration spontanée de leurs avoirs, sans retenue à la source en Suisse, en préférant régler
leur arriéré d’impôts au moyen de la « Liechtenstein Disclosure Facility », moins onéreuse pour eux.
Pour être complet, on signalera encore que la Suisse a aussi versé environ GBP 60 millions au
Royaume-Uni au titre de l’impôt libératoire sur les revenus 2013, et environ EUR 25 millions à l’Autriche
pour la même raison.
Le Royaume-Uni a maintenant la possibilité de vérifier si certains contribuables qu’il soupçonne d’avoir
caché des comptes en Suisse se sont bien mis en règle. A cet effet, l’accord stipule que 500 noms par
année peuvent être soumis à la Suisse pour vérifier s’ils sont titulaires ou bénéficiaires d’un compte non
Association de Banques Privées Suisses – Rapport annuel 2013
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régularisé, sans préciser dans quel établissement. Pour des raisons techniques, le Royaume-Uni n’a
posé aucune question en 2013 et transmettra donc 1000 noms à la Suisse en 2014. Ces demandes
devraient être réparties sur l’année à raison de 100 requêtes par mois dès le mois de mars.
Concrètement, l’administration diffusera ces demandes à toutes les banques qui auront 15 jours pour y
répondre. C’est le lieu de rappeler que si un compte a quitté la Suisse avant 2013 ou s’il a été
entièrement régularisé, aucune information ne sera donnée au Royaume-Uni. Pour les autres, la Suisse
ne donnera que le nom de la banque où se trouve le compte, ce qui permettra au Royaume-Uni
d’adresser à la Suisse une demande de renseignements selon la CDI entre ces deux pays.
France
Les sujets fiscaux de contentieux entre la Suisse et la France demeurent nombreux. Ils tiennent à la
nature politiquement sensible des dossiers concernés ainsi qu’à la personnalisation exacerbée de
quelques-uns d’entre eux. C’est ainsi que certaines « affaires » n’ont pas cessé d’alourdir le climat des
relations bilatérales à l’échelon politique et même judiciaire. Des convocations de banquiers suisses par
des juges français, non conformes aux règles de l’entraide judiciaire et débouchant dans un cas au
moins sur une interdiction de quitter le territoire français, ont suscité en Suisse plus que de
l’incompréhension. Heureusement, ces développements décevants ont été, dans une certaine mesure,
contrebalancés par l’initiative consistant à mener un « dialogue structuré » entre les deux pays. Engagé
en 2012, ce processus s’est poursuivi depuis, y compris à l’échelon des ministres des finances.
La renégociation de la Convention de 1953 en vue d’éviter les doubles impositions (CDI) en matière
successorale a continué de faire parler d’elle. Comme il fallait s’y attendre, le texte déséquilibré de
cette nouvelle CDI ne recevra, selon toute vraisemblance, pas l’aval du Parlement suisse : le Conseil
national l’a refusé et le Conseil des Etats l’a renvoyé au Conseil fédéral. En l’état, on peut s’attendre à
ce que la France mette à exécution d’ici à fin juin 2014 sa menace de dénoncer la convention en
vigueur pour la fin de l’année.
Cet échec a empêché l’adoption d’un protocole qui était joint à la convention précitée et qui visait à
mettre la CDI sur le revenu et la fortune en conformité au standard international en matière d’échange
de renseignements au regard de l’identification du contribuable et du détenteur de l’information. Les
deux pays se sont entendus pour que la mise en œuvre de ces mesures annexes intervienne
rapidement.
Par ailleurs, des progrès sensibles ont été enregistrés dans le domaine de l’assistance
administrative fiscale. Selon les informations disponibles, le nombre des dossiers en suspens
auprès de l’Administration fédérale des contributions aurait sensiblement diminué.
Association de Banques Privées Suisses – Rapport annuel 2013
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La France n’a pu que se féliciter de la décision du Conseil fédéral d’accepter le déploiement d’un
nouveau standard mondial en matière d’échange automatique de renseignements. Réunis à Berne
le 6 mars 2014, les Ministres des finances des deux pays ont relevé que « l’échange automatique
de renseignements est une voie à considérer favorablement dans leurs relations bilatérales ».
Ils ont aussi souligné l’intérêt commun de « créer des conditions favorisant le règlement du passé » et
ont ainsi pris note des résultats du dispositif de régularisation mis en place en France en 2013, qui
permet, sans obligation de rapatriement des fonds, de se mettre en conformité avec la loi française.
Ce dispositif, fondé sur une circulaire intitulée « Traitement des déclarations rectificatives des
contribuables détenant des avoirs à l’étranger » publiée le 21 juin 2013 par le ministre du Budget,
Bernard Cazeneuve, n’en pose pas moins toute une série de problèmes pratiques, dont il faut
espérer qu’ils seront traités de manière constructive par l’administration française dans le cadre du
« dialogue structuré » évoqué plus haut.
Les autres dossiers fiscaux bilatéraux ne concernent pas le secteur financier mais la fiscalité applicable
aux travailleurs frontaliers, l’imposition selon la dépense de citoyens français domiciliés en Suisse et
certains problèmes touchant l’aéroport binational de Bâle-Mulhouse, situé sur territoire français.
Pour conclure, il convient de souligner que la déclaration commune signée le 6 mars 2014 par la
conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf et le ministre de l’Economie et des Finances Pierre
Moscovici mentionne expressément la nécessité de poursuivre la discussion sur les questions liées
à l’amélioration de l’accès aux marchés financiers, dans l’intérêt des deux parties.
Italie
Les discussions avec l’Italie portent sur 6 éléments différents :
•
La régularisation des clients,
•
l’accès au marché,
•
la présence de la Suisse sur une liste noire italienne,
•
la CDI en matière d’impôts sur le revenu et la fortune,
•
les frontaliers,
•
et l’enclave de Campione d’Italia.
Or, un gouvernement italien vient d’être reformé, ce qui pourrait une nouvelle fois retarder les
négociations. Ce qui est certain, c’est qu’un accord de type « Rubik » pour le futur est exclu dans la
mesure où l’échange automatique d’informations deviendra le standard international. Pour le passé,
l’Italie a mis en place en janvier 2014 un programme d’auto-dénonciation qui, contrairement aux
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« scudi » précédents, n’est ni forfaitaire ni anonyme. Le nouveau gouvernement entend cependant
simplifier ce programme, d’une façon encore non définie. Il est à craindre cependant que la Suisse
continuera d’être discriminée en tant que pays non coopératif, et que la régularisation des fonds
déposés en Suisse coûte plus cher que celle de fonds situés dans l’Espace Economique Européen.
Le même problème se pose en lien avec la taxe sur les transactions financières italiennes, qu’une
banque suisse devrait payer une deuxième fois ; au surplus, la portée extraterritoriale de cette taxe
est contraire à la souveraineté suisse, que protège l’article 271 du Code pénal. Il est donc urgent
d’adapter enfin la CDI italo-suisse au standard OCDE et de sortir la Suisse de la liste noire italienne.
Encore faut-il que l’Italie soit disposée à négocier.
USA
a. Différend fiscal avec les Etats-Unis
Après un an et demi de négociations ardues (sans compter les entretiens exploratoires préalables),
conduites du côté suisse par le secrétaire d’Etat Michael Ambühl, le Conseil fédéral a publié, en date
du 29 mai 2013, un projet de loi et un Message relatif à « des mesures visant à faciliter le règlement
du différend fiscal entre les banques suisses et les Etats-Unis ». Ce texte, rapidement baptisé « Lex
USA » par les médias, prévoyait une modification de la législation interne suisse pour le laps de
temps d’une année – entre le 1er juillet 2013 et le 30 juin 2014 – visant à permettre aux banques qui
le souhaitaient de négocier avec les autorités américaines un arrangement fondé sur un « programme
unilatéral » concocté par ces dernières. La loi permettait aux établissements bancaires de fournir au
« Departement of Justice » (DoJ) des Etats-Unis des données statistiques sur le comportement des
clients et les flux financiers y relatifs (clôtures et transferts de comptes). En revanche les banques
n’étaient pas autorisées à transmettre directement les données liées aux clients, étant précisé que les
Etats-Unis les obtiendraient sans difficulté par le biais de demandes groupées dans le cadre de
l’entraide administrative (à condition de ratifier la Convention de double imposition signée en 2009).
De même, les données relatives aux personnes qui, au sein des banques, avaient organisé, suivi ou
surveillé les relations d’affaires impliquant des « US persons » pouvaient être transmises, ainsi que les
informations concernant des tiers ayant un rapport avec la relation d’affaires (avocats, fiduciaires,
etc.). Il était prévu que les banques souhaitant coopérer avec le DoJ veilleraient à assurer la
protection la plus large possible à leurs employés. Une convention a été signée dans ce sens entre
l’ASB, l’Association patronale des banques en Suisse et l’Association suisse des employés de
banques. En revanche, la « Lex USA » ne contenait rien sur le contenu du « programme unilatéral »
auquel les banques suisses étaient invitées à participer.
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Ce projet de loi a suscité beaucoup d’émotions et une violente controverse politique en Suisse.
Soutenu dans son principe par les instances dirigeantes des banques suisses, certains de ses aspects
– en particulier le flou complet planant sur le « programme unilatéral » des autorités américaines – ont
cependant été fort critiqués, y compris par le secteur bancaire. Quant aux autres milieux concernés, ils
n’ont pas caché leur perplexité, voire même, dans certains cas, leur hostilité à l’égard de la « Lex USA ».
Le monde politique n’a pour sa part guère goûté de devoir voter dans l’urgence une telle loi, sans
pouvoir en mesurer les effets.
C’est sans doute la raison pour laquelle, après trois semaines de débats intenses et souvent émotionnels,
le Parlement a enterré cette loi, suite au net refus du Conseil national de la voter. Dans le cadre des
travaux parlementaires, des représentants des banquiers privés suisses ont été invités – comme ceux
d’autres milieux concernés – à présenter leur point de vue devant les commissions compétentes.
Après deux mois d’incertitude quant à la suite des événements, la Suisse et le DoJ ont signé, le 29 août
2013, un arrangement (« joint statement ») définissant le cadre d’une solution pour la coopération des
banques suisses avec les autorités américaines. Le programme publié par ces dernières est intitulé
« Program for Non-Prosecution Agreements or Non-Target Letters for Swiss Banks ». Comportant
onze pages il peut, dans les grandes lignes, être résumé comme suit :
Les banques ne sont pas obligées de participer à ce programme. Celles qui décideraient de le faire
sont réparties en quatre catégories :
•
La catégorie 1 regroupe les banques qui faisaient déjà l’objet d’une enquête ouverte par le
DOJ et qui visent un « Deferred Prosecution Agreement » (DPA). Cette catégorie est exclue
du programme ; la procédure les concernant suit son cours.
•
Les banques qui partent du principe que les Etats-Unis leur reprochent une violation du droit
américain et qui, dans le cadre du programme, visent un « Non-Prosecution Agreement »
(NPA) doivent se placer dans la catégorie 2. Une amende leur sera infligée. Son montant est
calculé sur la base de la valeur totale des avoirs non déclarés des clients américains et d’un
taux de pourcentage variant en fonction de la période concernée. Suite à la conclusion d’un
NPA, les banques concernées ne seront en principe pas exposées à des poursuites
ultérieures de la part du DoJ.
•
La catégorie 3 regroupe les banques qui estiment ne pas avoir commis de violation du droit
fiscal américain. Ces établissements ont la possibilité d’obtenir une « Non-Target Letter »
auprès du DoJ, qui leur garantit l’absence de poursuites, sous réserve de faits nouveaux.
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•
La catégorie 4 regroupe les banques locales au sens de l’accord FATCA conclu entre la
Suisse et les Etats-Unis, à savoir celles qui sont peu exposées à la clientèle américaine. Ces
banques ont aussi la possibilité d’obtenir une « Non-Target Letter ».
Les banques avaient jusqu’au 31 décembre 2013 pour décider de leur participation au programme.
Dans ce délai, les banques de la catégorie 2 devaient communiquer leur décision par écrit à la Tax
Division du DoJ. Suite à une recommandation insistante de la FINMA, de nombreuses banques suisses
ont opté pour la catégorie 2. Les banques des catégories 3 et 4 ne pourront communiquer leur
participation qu’à partir du 1er juillet 2014 et jusqu’au 31 octobre 2014 au plus tard. A noter que tant le
passage de la catégorie 2 à la catégorie 3 que l’inverse n’est autorisé par le programme que sur la base
d’une justification circonstanciée. Le programme impose de nombreuses exigences supplémentaires
aux banques participantes, dont celle de s’engager à coopérer avec les autorités américaines et à
confier l’authentification de certaines informations à des auditeurs indépendants.
Les termes de ce programme ont été généralement considérés comme extraordinairement sévères.
L’ASB a notamment communiqué que : « Le programme aura de lourdes conséquences pour les
banques en Suisse. Les amendes infligées notamment sont à la limite de l’acceptable sur le plan juridique
et du supportable sur le plan économique. Toutefois, cette solution est la seule pour les banques qui soit à
même de résoudre définitivement les problèmes juridiques avec les Etats-Unis et d’assurer la sécurité
juridique. »
Par ailleurs, pour aider les banques à répondre aux innombrables questions d’interprétation posées par
ce programme, l’ASB a facilité la mise sur pied d’une organisation spécifique dédiée à cette tâche,
l’« Association Programme 2013 », qui s’est mise au travail durant l’automne 2013. Il faut enfin relever
que la convention tripartite, signée en prévision de la « Lex USA » dans le but de renforcer la sécurité
des employés, est entrée en vigueur.
On soulignera pour conclure qu’il incombait aux banques individuelles et non à leurs associations de
décider de participer au programme précité de même qu’à l’« Association Programme 2013 ». De l’avis
général, ce dossier ne sera pas refermé avant plusieurs années.
b. FATCA
Pour rappel, l’Accord FATCA, signé en février 2013 entre la Suisse et les Etats-Unis et établi selon le
« Modèle 2 » d’accord intergouvernemental, n’introduit pas formellement un échange automatique
d’informations. D’une part, les communications n’auront pas lieu entre Etats, car les établissements
financiers transmettront leurs données directement au fisc américain. D’autre part, les données des
clients qui refusent leur transmission seront agrégées et anonymisées, et les Etats-Unis pourront
Association de Banques Privées Suisses – Rapport annuel 2013
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formuler une demande groupée à leur sujet sur la base de la CDI révisée en 2009 – si le Congrès
américain se décide enfin à la ratifier. Sur le fond cependant, le résultat est identique, même si plus
complexe à obtenir, à l’échange automatique, et seules des considérations tactiques aujourd’hui
dépassées ont poussé la Suisse à choisir cette voie.
En raison de l'urgence de la situation et de l'importance du sujet, le Conseil fédéral n’a ouvert qu’une
procédure de consultation accélérée limitée à quatre semaines, avant de soumettre au Parlement, en
avril 2013, l’Accord FATCA et un projet de loi d’application de celui-ci. C’est sans enthousiasme que les
banquiers privés ont soutenu l’adoption de cette législation qui consacre le principe d’un échange
unilatéral d’informations avec les Etats-Unis, même si, comme les autres pays signataires d’un Accord
FATCA, la Suisse a pu négocier certains avantages, dont l’exclusion des placements collectifs, des
instituts financiers dont la clientèle est à 98% en Suisse ou dans l’UE, des caisses de pension et de
certaines assurances. A cette date, l’on espérait encore que les règles contenues dans l’Accord FATCA
resteraient une exception, liée à la prépondérance économique et financière des Etats-Unis.
En juin 2013, la Suisse et les Etats-Unis ont signé un « Memorandum of Understanding », qui précise
certains aspects techniques et administratifs de l’Accord FATCA. Un mois plus tard, les Etats-Unis
décidèrent de repousser une deuxième fois l’entrée en vigueur de FATCA, du 1er janvier 2014 au 1er
juillet 2014. Les établissements financiers ont désormais jusqu’au 5 mai 2014 pour s’enregistrer
comme « Foreign Financial Intermediary » (FFI) et obtenir leur « Global Intermediary Identification
Number » (GIIN) à temps pour figurer sur la première liste de FFI « participants » que l’IRS devrait publier
le 2 juin 2014.
En septembre 2013, les deux Chambres fédérales ont accepté l’Accord FATCA et sa loi d’application à
une large majorité. Un comité référendaire s’est alors formé pour protester contre cette soumission à
des règles purement américaines, alors que celles-ci sont critiquées aux Etats-Unis et que de
nombreux pays ne donnent pas l’impression de se préparer à les appliquer.
Ce référendum n’a cependant pas réussi à obtenir suffisamment de signatures. La place financière est
soulagée, car elle ne croit pas qu’un éventuel refus du peuple suisse de signer un Accord FATCA aurait
enrayé le processus mondial de mise en place de cette législation. Il est en effet très improbable que
l’IRS interrompe soudain des travaux qui durent depuis bientôt quatre ans. Il aurait fallu une coalition
des grandes places financières mondiales, et notamment de la Chine et du Japon, pour étouffer FATCA
dans l’œuf, mais celle-ci ne s’est pas formée. Avec le standard d’échange automatique de l’OCDE qui
se construit sur le modèle de FATCA et les plus grandes places financières qui se préparent à l’adopter,
le train ne s’arrêtera plus. Au moins l’Accord FATCA devrait-il un peu simplifier la tâche titanesque des
instituts financiers qui doivent passer au crible toute leur clientèle pour y déceler les contribuables
Association de Banques Privées Suisses – Rapport annuel 2013
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américains. Cela ne devrait pas empêcher la Suisse de réfléchir à demander aux Etats-Unis de passer à
un modèle 1 d’Accord FATCA, afin d’uniformiser les processus en lien avec la mise en place du
standard d’échange automatique de l’OCDE et de manière à réduire les risques encourus par les
banques suisses puisque, selon ce modèle, le rapport contractuel lie les deux Etats et non pas chaque
établissement vis-à-vis du gouvernement des Etats-Unis. A noter qu’il n’y a guère que le Japon, les
Bermudes, le Chili et l’Autriche qui se soient laissé tenter à ce jour par un Accord FATCA modèle 2.
Il est néanmoins intéressant de constater que les critiques américaines contre FATCA portent en fait sur
l’étendue de la réciprocité que les Etats-Unis devraient accorder au reste du monde, que les banques
de Floride et du Texas trouvent insupportable pour leur modèle d’affaires. Pourtant, la réciprocité
accordée par les Etats-Unis dans un Accord FATCA est déjà très limitée, puisqu’elle ne concerne que
les personnes physiques ou morales résidentes de l’autre Etat, sans analyse de l’ayant droit
économique, et seulement certains revenus de source américaine. En outre, le droit interne américain
ne prévoit à ce jour que la collecte d’informations sur certains revenus d’intérêts générés par des
comptes d’épargne au nom de personnes physiques. Les Etats-Unis sont donc très loin du standard
OCDE, et le Congrès ne semble pour l’instant pas du tout prêt à s’en rapprocher, même si l’IRS est
conscient du décalage entre ce que les Etats-Unis exigent du reste du monde et ce qu’ils lui offrent.
Dans ce contexte, la Suisse a relevé l’exception accordée aux Etats-Unis dans le préambule du
standard OCDE d’échange automatique (au point I.8), qui les dispense d’identifier les « controlling
persons » des entités situées dans des pays qui ne participeront pas à l’échange automatique, sous
prétexte que la menace de retenue à la source de 30% de FATCA les contraindra à participer. Cette
dispense ne peut qu’encourager les Etats-Unis à continuer de conclure des Accords FATCA plutôt que
des accords selon le standard OCDE. Cette exception met donc en lumière le fait que les Etats-Unis
deviennent un paradis fiscal pour tous les contribuables autres qu’américains. Avec leur système QI, qui
perdurera en parallèle à FATCA, les contribuables du monde entier pouvaient déjà investir aux EtatsUnis sans que cela soit révélé à leur pays de résidence ; avec FATCA les possibilités d’investissement
s’étendront au monde entier.
En Suisse, les travaux d’implémentation de FATCA continuent à un rythme effréné au sein des
banques. Les instructions et autres directives de l’IRS qui s’amoncellent ne simplifient en rien le contenu
de cette législation. A titre d’exemple, la « declaration of non US status » ne sera plus possible et les
formulaires W-8BEN devront être renouvelés tous les trois ans. D’un point de vue opérationnel, le suivi
de chaque changement de circonstances (indices d’américanité) sera très exigeant. Il faut espérer que
les interprétations discutées au sein de l’industrie et qui devraient être prochainement publiées par le
SFI pour accord allègeront quelque peu la charge de travail des banques.
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