L`éveil au quotidien
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L`éveil au quotidien
L’EVEIL AU QUOTIDIEN REMERCIEMENTS L’association le Jardin des Sons, et plus particulièrement Eric Druez, musicien, animateurformateur en pédagogie musicale. Le Centre de Formation de Musiciens Intervenants de Rennes. Anne ARNOUX, directrice de mémoire, professeur de piano au conservatoire national de région de Rennes. 1 1 introduction................................................................................................................3 2 Qu’est ce que l’éveil ?..............................................................................................11 3 L’éveil musical, pourquoi ? ......................................................................................13 4 3.1 Une éducation : ................................................................................................13 3.2 Un droit ............................................................................................................14 L’éveil musical pour tous : ...................................................................................16 4.1 A la maison ......................................................................................................16 4.1.1 Offrir un environnement riche et varié ......................................................16 4.1.2 Eveiller la sensibilité affective auditive .....................................................16 4.2 A l’école...........................................................................................................17 4.2.1 Un goût du son..........................................................................................19 4.2.2 Une dimension imaginaire de la musique .................................................19 4.2.3 Une organisation.......................................................................................20 4.3 A l’école de musique ........................................................................................21 4.3.1 De la classe d’éveil à la classe instrumentale :...........................................22 4.3.2 La mise en place d’un éveil instrumental...................................................23 5 Des formations .........................................................................................................27 6 Conclusion ...............................................................................................................29 7 Annexes ...................................................................................................................30 7.1 Annexe 1 ..........................................................................................................30 7.2 Annexe II .........................................................................................................32 8 Sources ....................................................................................................................33 9 Bibliographie ...........................................................................................................34 2 1 INTRODUCTION Qui ignore encore que les premières années d’un être humain sont importantes, voire déterminantes pour son avenir? Mais, dans la pratique, on se demande souvent quoi faire et comment faire pour éveiller et développer une personne humaine dans la totalité de ses facultés : intelligence, sensibilité, imagination, motricité… L’éveil de l’enfant est aujourd’hui un des éléments principaux et fondamentaux de l’éducation. On évoque souvent, tant dans les familles que dans les milieux professionnels, les enfants éveillés. Ils sont attentifs, curieux, ouverts au monde et à l’environnement. Une éducation musicale ne pourraitelle contribuer largement à cet éveil ? Portons une attention particulière au monde sonore… L’impact du son sur l’homme, une évidence historique : Le pouvoir des sons sur le comportement des êtres vivants est connu depuis les origines de l’humanité. L’homme primitif, devant les multiples agressions de la nature, traduisait son angoisse par un ensemble de sons constituant ce que nous nommons l’incantation. L’évolution spécifique de sa structuration attribue à cette expression sonore un caractère magique. Or, la magie était la seule arme thérapeutique des hommes préhistoriques chez qui musique et médecine ne faisaient qu’un. Quand l’homme découvrit les propriétés bienfaisantes des plantes puis des drogues, la pratique des chants rituels garda toute son importance. Le papyrus d’Ebert qui nous documente sur la médecine égyptienne contient à la fois une énumération de drogues et un répertoire de formules d’incantations magiques. Plus tard, à l’époque des prêtres médecins, l’incantation est remplacée par un chant religieux de louanges à un dieu protecteur et guérisseur. Au départ des idées de Pythagore, Platon avait créé un véritable système philosophique centré sur l’harmonie. Il reposait sur un équilibre de proportions simples emprunté à la musique. Comme l’Harmonie dans le macrocosme et le microcosme repose sur les lois du nombre, la musique était intégrée aux mathématiques. Platon puis Aristote codifièrent les vertus thérapeutiques de la musique qu’ils considéraient comme une « hygiène mentale » indispensable. Chez les Grecs, il existait déjà des musicothérapeutes qui influençaient l’humeur en utilisant divers instruments, rythmes et sons : « selon le mal, 3 ils choisissaient l’aulos au jeu extatique et émouvant ou celui doux et harmonieux de la lyre ».1 Dans la musique africaine traditionnelle, le rythme sonore et la musique sont utilisés pour la fête mais aussi pour générer des états de conscience modifiés. Une évidence expérimentale : Pendant la gestation, le fœtus perçoit de nombreuses vibrations : pulsations cardiaques, respiration de la mère, mouvements des parois abdominales, bruits intestinaux… Dès le sixième mois de la vie embryonnaire, l’ouïe fonctionne et le fœtus entend les sons, particulièrement la voix de sa mère. Il entend également la musique, il mémorise ce qu’il entend et se crée ainsi « une enveloppe sonore prénatale »2 selon l’expression d’Edith Le court. Cette mémoire est contemporaine de la vie facile dans un milieu nourricier et sécurisant, et d’une sensation d’apesanteur relaxante. C’est ce qui explique que la diffusion d’un enregistrement de battements du cœur calme les pleurs du nouveauné, on utilise aujourd’hui cette technique dans les pouponnières. La détente, au niveau d’une écoute musicale auprès d’un bébé, n’est pas forcément liée à l’émission d’une musique douce (rythme lent, pas de pointes mélodiques, style berceuse), une musique tonifiante peut arriver au même résultat chez certains bébés ! Tout dépend des différents sons reçus par le fœtus pendant la gestation, chaque bébé a ce qu’on peut appeler son « identité sonore » selon Benenzon. 3 1 Patrick l’Echevin, Musique et Médecine, Stock Musique, 1981. 2 Edith Lecourt, Le groupe et le sonore, ESF, 1993. 3 Rolando Benenzon, “Musique thérapie communication” n° 3, atelier de musicothérapie de Bordeaux, 1988. 4 Déjà… Quelques heures que tu respires Et déjà tant de choses à te dire ! Avec tes yeux, avec tes mains Tu cherches à tâtons ton chemin. Déjà tu regardes plus loin Que la douce niche du sein. Tout à apprendre, tout à voir Et déjà tu veux tout savoir. On commence par les oreilles ? La musique çà fait merveille Pour un tout petit comme toi. Écoute la petite voix Qui te dit que c’est beau la vie Qu’il faut que tu y croies aussi. Petit homme, de toi à moi ; Qui envoie le premier message ? Petit homme, ensemble, tu vois Nous avons trouvé un langage. 5 Une évidence psychologique : Langage de l’affectivité, communication ayant la particularité de remplacer les mots par les sons, la musique peut en effet agir sur les émotions là où les mots échouent, dans la mesure où, justement, elle passe outre le langage, atteint les couches profondes de la personnalité. Selon sa composition, la musique peut avoir des tonalités émotionnelles différentes. Elle peut aussi bien provoquer des phénomènes de tension qu’un état de détente. La musique touche le domaine de la pensée, du sentiment : la musique et les sons peuvent communiquer un sens, un message, une ambiance. Il est vrai que certains groupes de musique véhiculent clairement des idées. Certains artistes se réunissent également pour défendre une authentique cause. Le groupe populaire « Les Restos du cœur » en est l’exemple même. La musique permet également de créer une ambiance. Les concerts de rue donnent de la gaieté dans les villes. Les personnes peuvent chanter et danser. La musique se présente comme un matériel nonverbal significatif auquel la tradition orale attribue, à travers les intervalles, les rythmes et les tonalités, des « états d’âmes », des affects et des possibilités de reconnaissance pour tous. La musique fait également appel à la créativité et à l’imagination. Ceci met en évidence la propre personnalité de l’individu. Le son peut également engendrer ou exprimer des images mentales. On se souvient tous d’avoir écouté Pierre et le Loup et d’y avoir imaginé les scènes avec le loup se cachant dans la forêt. On se surprend par moment à dire « tiens, ce passage me fait penser à ceci ou cela… ». Stravinsky disait d’ailleurs dans Chroniques de ma vie que la musique n’exprimait rien mais que l’homme exprimait la musique. Dans le même temps, la musique est expérience du souvenir, expérience du temps. Tel rythme, telle phrase musicale fait revivre une sensation, une émotion. La musique produit donc des effets au niveau du corps et de l’esprit car elle implique tous les sens de l’homme de manière différente. La musique offre à l’être humain une grande ouverture vers le monde sensoriel. Elle réveille les sens, les tient en éveil et les sollicite constamment. Les sens humains ne peuvent rester indifférents face aux stimulations sensorielles provoquées par la musique. Bien qu’elle privilégie l’audition, la musique implique également les autres sens. 6 L’expression artistique s’adresse en priorité à nos sens (voir, écouter, sentir un mouvement). Les premières expériences sensorielles jouent un rôle important dans la construction de la personnalité. Leur mémorisation laisse une empreinte qui détermine en partie nos goûts, nos dégoûts…et nos compétences : tel enfant aura davantage une mémoire visuelle, tel autre auditive. Le sens tactile. Il permet en priorité de communiquer avec ses parents, les proches, dans les premiers mois de la vie. Une stimulation tactile est provoquée lors du contact des mains de l’artiste sur son instrument. Le toucher d’une corde de guitare n’est pas le même que celui d’une touche de piano. Il y a un toucher qui est peut être plus doux, plus lisse que l’autre. La matière de certains instruments est plus chaude que d’autres. En effet, le bois du piano est moins froid au toucher que le cuivre d’un instrument à vent. Le musicien peut également sentir le son. Lorsqu’il pose ses mains sur les cordes du piano ou sur la caisse de résonance d’un instrument, il sent en effet la vibration du son. Le sens visuel. A la naissance, le bébé est attiré par la couleur jaune, les contrastes noir/blanc. Mais le premier centre attractif sera le visage de sa mère dont il distingue en priorité les contours. A trois mois, il a appris à accommoder. Une stimulation visuelle est provoquée par la vue d’instrument, on aime ou on n’aime pas sa forme, sa taille, sa couleur, mais aussi par les vibrations du son. En effet, il est possible de voir les vibrations du son dans l’eau par exemple. Qui n’a pas mis de l’eau dans un verre et frappé sur celuici ? La frappe provoque le son et il est possible de constater des ondes qui sont les vibrations du son dans l’eau. Plus simplement, le son est visible sur la grosse caisse d’une batterie : la peau de l’instrument vibre. 7 Le sens auditif. In utero le bébé entend un bruit de fond (le cœur). Les sons graves (la voix du père) prédominent sur les sons aigus. Il est capable de mémoriser des sons entendus à l’extérieur. A la naissance, il reconnaît la voix de ses parents. A deux mois, sa perception est analogue à celle d’un adulte. Ce sens est le sens privilégié en musique. Bien sûr, ce qui prime en musique est l’écoute. Cependant, deux personnes ou deux artistes ne perçoivent pas de la même manière une même œuvre. Effectivement, certains prêtent plus d’attention à la mélodie, d’autres aux instruments rythmiques… Pour les plus initiés, l’écoute est plus fine. Ils sont capables de discerner les différents instruments, le sens des paroles, les changements de tonalité… Le sens gustatif. Après trois mois de gestation, le système gustatif est fonctionnel, avec une préférence déjà marquée pour le sucre. Le goût est également stimulé lors d’une pratique instrumentale. Le contact des lèvres sur un instrument à anche, un instrument à embouchure, un cuivre tel que le cor ou autres, stimule le goût de l’instrumentiste. Le sens olfactif. Un bébé de deux jours est capable de différencier les odeurs, spécialement celle du lait maternel. Les instruments, comme les partitions, dégagent une certaine odeur. Dans ce cas, le sens de l’odorat est stimulé. Que l’instrumentiste possède des partitions neuves ou vieilles, elles libèrent une odeur soit de « neuf », soit de « vieux ». Les instruments exhalent aussi des odeurs différentes, que ce soit un instrument en bois ou en cuivre. 8 Le jeune enfant qui arrive dans une structure a une histoire. Celle entamée à sa naissance et qui va conduire progressivement à l’autonomie ce petit être entièrement dépendant, originellement, de sa mère. De son extraordinaire développement physique et intellectuel des premières années, ses parents, d’abord eux, ont été témoins. Ainsi que ceux, professionnels de la petite enfance, enseignants de maternelle… qui l’ont accompagné dans son cheminement. Nous ne fûmes pas témoins de cette aventure, nous devons la respecter. Haut comme trois pommes mais personnalité à part entière, l’enfant doit avant tout trouver, dans la structure qu’il fréquente de manière temporaire, l’attention dont il a besoin dans cette période de la vie où il est particulièrement fragile, notamment sur le plan affectif. En aidant le jeune enfant à se sentir bien, à découvrir à son rythme en lui proposant un travail ludique adapté à son âge, on participe ainsi, modestement, à son développement. Dès les premiers mois de vie, l’enfant découvre son corps. Il apprend, petit à petit, que ces pieds qu’il attrape sont les siens, et que son corps forme un tout. Il prend plaisir à se regarder dans un miroir, tout comme il prend plaisir à toucher les autres enfants qui l’entourent. Quant au contact physique avec sa mère, cela reste l’une des meilleures façons de favoriser son développement psychomoteur. Alors que l’adulte n’utilise presque que la vision et l’audition, le bébé exploite ses cinq sens. Aux enseignants d’en faire autant afin d’offrir à l’enfant un environnement riche de sensations, surtout en ce qui concerne les sens de contact (toucher, goût, odorat), sens peu présents dans l’éducation occidentale. L’enfant peut très tôt découvrir l’art, les contes, la peinture, le dessin, la musique. Il pourra dans un premier temps les observer, les écouter pour, ensuite, participer à leur élaboration. De plus, par les activités en collectivités ou simplement en rencontrant d’autres personnes, le jeune enfant est amené à découvrir ses pairs, venant parfois d’un autre pays, parlant une autre langue, ayant une couleur de peau différente. L’éveil culturel, en ce sens, est un début d’éveil à l’éclectisme et à la différence, c’est à dire un éveil social. L’enfant découvre également, parfois sous forme abrupte, les relations humaines, les conflits et les hiérarchies sociales (« tu es trop petit pour faire cela »). 9 Quel est mon rôle dans cet éveil ? Où me situer en tant qu’assistante d’enseignement spécialisé piano ? L’un des aspects de mon travail consisteraitil donc à favoriser l’éveil de l’enfant, et par là même favoriser l’ensemble de son développement ? Ou bien alors l’éveil s’arrêtetil dès lors que l’enfant arrive à son premier cours d’instrument, y a til une rupture ? Estil prêt pour l’apprentissage de l’instrument ? Dois je prendre en compte le passé musical de l’enfant ? Et l’éveiller à la musique par l’instrument ? Peuton parler d’un éveil instrumental ? Interrogeonsnous sur ce qu’est l’éveil et sur son importance. Où il peut se pratiquer et quelle place il peut occuper au sein de tout enseignement ? 10 2 QU’EST CE QUE L’EVEIL ? Le terme éveil n’a pas toujours eu la signification que l’on sousentend lorsqu’on parle de l’éveil de l’enfant. Les définitions du « Petit Robert » nous apprennent qu’éveil a d’abord signifié « le fait d’être sur ses gardes » (1175), puis « donner à quelqu’un l’éveil de quelque chose c’est l’avertir, éveiller son attention » (1762). En 1839, on trouve « donner l’éveil ! Exciter, par n’importe quel moyen, à se mettre en garde » et en 1843 : être en éveil : être attentif, sur ses gardes ». Ce n’est que vers la fin du XIXème siècle que le mot éveil perdra sa signification d’alerte et de menace et deviendra « l’action de se révéler, de manifester (facultés, sentiments), éveil de l’intelligence, de l’imagination ». Ainsi, peuton lire dans le Dictionnaire français et Encyclopédie universelle » de 1864 les définitions suivantes : « donner de la gaieté, rendre plus actif, stimuler ». De même, être éveillé devient synonyme « d’être gai ». Parmi les pédagogues, c’est certainement JeanJacques Rousseau qui, dès le XVIIIème siècle, défend le premier l’éveil des enfants, sans en utiliser le terme. Dans son ouvrage « Emile », il écrit : « L’enfant apprend à sentir en regardant, palpant, écoutant et surtout en comparant la vue au toucher ». Pour éveiller, on se doit donc de favoriser l’apport d’un environnement riche et varié à l’enfant. Cela signifie, outre mettre à sa disposition les objets nécessaires à son éveil moteur, psychologique et culturel, s’impliquer dans une relation que je qualifierai d’éveillante en permettant à l’enfant d’évoluer dans un milieu sécurisé (matériellement et affectivement) afin de lui permettre l’exploration de cet environnement. J’insiste sur la communication car il n’y a pas d’éveil sans dialogue, sans relation en général. Une des spécificités de l’éveil musical est de faire découvrir les différents modes d’expression comme la danse, les arts plastiques et le théâtre, la musique ceci permettant d’enrichir les expériences des enfants. L’éveil n’est pas un enseignement dans le sens 11 traditionnel du terme mais une façon d’appréhender le monde, une démarche ouverte et créatrice. Son champ d’action est très vaste. Il s’adresse non seulement aux jeunes enfants (comme on veut le faire croire souvent), mais il évolue et continue en concernant aussi bien les adolescents que les adultes. 12 3 L’EVEIL MUSICAL, POURQUOI ? 3.1 UNE EDUCATION : Notre société française situe plus volontiers la musique du côté du loisir, c’est à dire une discipline non obligatoire, que du côté du rite ou de la science. Pour certains, la musique peut apparaître comme une simple récréation, c’estàdire une écoute passive de disques. Pour d’autres, elle demande beaucoup de travail et paraît inaccessible. Grâce à un éveil, je pense que la musique peut devenir plus accessible, elle peut aussi développer de grandes qualités que l’on doit valoriser : l’oreille ; de l’oreille « extérieure » : en donnant les moyens d’une découverte, d’une exploration du monde, les moyens d’une écoute et d’une relation avec les autres ; vers l’oreille « intérieure » : cheminement vers la profondeur, vers l’intérieur de soimême. la voix parlée et chantée et, par l’éducation de la voix, une maîtrise de soi, psychologique et sociale. le corps, en travaillant une certaine gymnastique, en utilisant la rapidité et la précision (contrôle du geste). une meilleure appréhension du temps (faire des sons longs ou des sons courts), de l’espace (d’où vient le son que j’entends), il aiguise la curiosité et l’imaginaire de l’enfant des facultés intellectuelles : pas de musique sans analyse, synthèse, concentration, mémoire. une aptitude à l’expression et à la communication : former à la communication, c’est donner les moyens de parler, de s’exprimer au delà de la pudeur, de s’extérioriser. 13 une capacité au plaisir, le plaisir qui nécessite effort, rigueur, perfection, conviction, foi et désir. L’éducation à et par la musique est, par le moyen d’une liaison indissoluble entre physique et psychique, la voie ouverte à l’acquisition d’une liberté de penser et d’agir. Elle va développer une plus grande sensibilité et aider l’enfant à construire sa propre personnalité en lui donnant un moyen d’entrer en relation avec luimême et avec les autres. 3.2 UN DROIT En référence à la convention internationale des droits de l’enfant : Article 29 : Les Etats parties conviennent que l’éducation de l’enfant doit a) favoriser l’épanouissement de la per sonnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de ses potentialités… Article 13 : L’enfant a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l’enfant. 14 Article 31 : 1. Les Etats parties reconnaissent à l’enfant le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge, et de participer librement à la vie culturelle et artistique. 2. Les Etats parties respectent et favorisent le droit de l’enfant à participer pleinement à la vie culturelle et artistique, et encouragent l’organisation à son intention de moyens appropriés de loisirs et d’activités récréatives, artistiques et culturelles, dans des conditions d’égalité. Si le monde musical est parfois décrit comme élitiste, l’éveil musical des toutpetits et l’implication des parents permet sans doute de briser cette image. Bien sûr, la musique n’est pas le seul moyen d’ouverture et tous les enfants et les parents ne sont pas toujours attirés par cette discipline, mais rares sont ceux qui refusent totalement de s’y intéresser. Il convient de respecter le choix de l’enfant et lui laisser la possibilité de s’exprimer avec d’autres moyens. Mais je parlerai plus spécialement de l’éveil musical dans mon exposé. 15 4 L’EVEIL MUSICAL POUR TOUS : Il est question de partenariats, c’est à dire de collaborations et d’échanges. Il s’agit d’un quatuor formé par l’enfant, le parent, l’instituteur et le musicien. 4.1 A LA MAISON Le rôle essentiel des parents 4.1.1 Offrir un environnement riche et varié L’enfant réagit affectivement aux sons, aux musiques qu’il perçoit. Les parents jouent un rôle important dans l’éveil de ses goûts musicaux. Ecouter les musiques les plus variées, en observant ses réactions, va l’aider à développer ses affinités musicales personnelles. L’éventail des musiques proposées doit être assez large. Trop de familles à tendance « musique classique » dénigrent la variété. Inversement, on entend parler de « la grande musique » sur un ton péjoratif. Nous assistons presque à une ségrégation socioculturelle. On ne mélange pas les couches sociales, on ne mélange pas les genres musicaux. Dommage ! Les musiques ethniques, le jazz, les musiques traditionnelles sont, elles aussi, d’une richesse incomparable et nous font découvrir des sonorités insolites. Les médiathèques possèdent des rayons de musiques du monde de plus en plus développés. 4.1.2 Eveiller la sensibilité affective auditive Il faudrait éveiller également chez l’enfant l’amour du son. Ecoutant des chansons, des morceaux qui lui plaisent, il aura envie de les reproduire. Là encore, les chansons populaires sont des trésors inépuisables qui peuvent le mettre en joie. Ce qui plaît à l’enfant dans une chanson, en dehors des paroles qui peuvent l’avoir frappé, c’est l’air. La mélodie est directement liée à la sensibilité affective. Elle peut traduire toutes nos émotions, nos désirs, nos sentiments. Enfin, j’ajouterai que la relation affective qui lie l’enfant à la personne qui transmet (parents, grandsparents, éducateurs..) est importante pour éveiller la sensibilité auditive. 16 4.2 A L’ECOLE Partenariats entre musiciens intervenants et instituteurs Commencer dans les maternelles et même dans le cycle élémentaire, par ouvrir, par sensibiliser les enfants à la musique : créer un solide appétit de musique, donner à aimer la musique. C’est le lieu qui garantit le plus l’accès pour tous à la culture et la possibilité de développer des activités artistiques et culturelles dès le plus jeune âge, quels que soient le milieu social et le lieu de résidence de l’enfant. Pour certains, ce sera une préparation et pour d’autres un but en soi : une expérience d’invention et de recherche peut être riche même pour qui ne pratiquera jamais un instrument. Ce travail est donc destiné, en premier lieu, aux éducateurs à qui l’on devrait s’efforcer de donner les compétences nécessaires à un tel enseignement, et jouer sur le travail en commun entre plusieurs partenaires : instituteurs et musiciens intervenants. Beaucoup de maîtres sont convaincus de la nécessité de développer les activités d’éveil esthétiques et ont commencé, dans leur école, à mettre en place des ateliers d’éveil musical, de danse et d’expression corporelle. Mais ils ont du mal à organiser ce travail de façon durable, à formuler des objectifs clairs et à établir un véritable projet éducatif pour l’enfant, dans l’école. J’ai été frappée de constater que, aujourd’hui encore, certains instituteurs ignorent l’existence de musiciens intervenants dans les écoles. Il est urgent que l’Education Nationale reconnaisse davantage l’importance de leur présence dans l’école et les nomme peu à peu au sein des établissements. Le musicien intervenant sait, avant tout, mettre ses compétences au service des enfants et des professeurs des écoles, lieu privilégié de l’éveil et de l’accès à la culture pour tous. Praticien de la musique vocale et instrumentale, formé à la direction de chœur, à l’interprétation vocale, au chant traditionnel, à l’improvisation et à l’arrangement, il a le rôle et la fonction d’un « généraliste », d’un praticien professionnel couvrant un large champ d’actions. Formé aux questions de la transmission et de la pédagogie musicale, il donne, par l’activité et le jeu, le plaisir et les moyens d’accéder à la musique, et cela dès l’école maternelle. Il développe en milieu scolaire une pratique artistique, tant vocale qu’instrumentale, où les activités d’interprétation, d’écoute et d’invention se croisent pour assurer, en partenariat avec les maîtres, une éducation musicale de qualité. Il s’intègre dans les choix et les objectifs de l’école et participe à la démarche globale du professeur des 17 écoles. Formé aux sciences de l’éducation et au partenariat, il développe dans le cadre de projets conçus et menés en collaboration avec eux, la créativité et le sens critique des enfants. Il développe la confiance en soi, le respect et l’écoute de l’autre qui participe à l’épanouissement personnel. Il est le professionnel qui permet de faire exister et vivre des projets de partenariats. Au sein des écoles primaires, avec les professeurs d’école, entre les écoles primaires et les écoles de musique, au sein ou entre les différentes structures éducatives et culturelles, il est au cœur d’un objectif centré sur la diversité des publics, leur environnement, leur territoire pour qu’éducation artistique se conjugue avec développement culturel. Les nouveaux programmes affirment que la polyvalence des maîtres donne sa spécificité à l’école primaire, car il ne s’agit pas de juxtaposer des enseignements, mais de favoriser des démarches interdisciplinaires. Ceci dans les conditions idéales où les maîtres auraient une formation polyvalente, ce qui n’est pas toujours le cas. L’appel à des intervenants extérieurs est donc possible. D’ailleurs, pour tous les instituteurs, en formation, ou en poste, dans le cadre de la formation initiale ou continue, un « partenariat » peut se développer avec les CFMI et les écoles de musique. Il s’agit, dans tous les cas, d’un échange de compétences utile à tous, car si les compétences musicales des structures spécialisées sont nécessaires à la formation musicale de l’instituteur, celuici est, pour ces établissements, un partenaire précieux et éclairant. Les premiers cycles des écoles de musique et des conservatoires ont un besoin constant de travailler avec des instituteurs pour profiter de leur expérience et de leur compétence. Même s’il s’agit du lieu favorisant le plus l’accès à la musique pour tous, éducation ne signifie pas exclusivement école : développer le sens musical et créatif concerne tout aussi bien la famille, la crèche, et les différents milieux d’animation. Plus l’expérience préalable de recherche sonore et de création aura été profonde et aura développé le sens musical, plus le travail technique, ensuite, paraîtra nécessaire et naturel. Pour progresser dans l’étude d’un instrument ou d’une quelconque technique, il faut en avoir envie, savoir où l’on va, il faut déjà avoir un goût musical. La famille l’apporte quelquefois, dans le cas contraire, c’est à une pédagogie d’éveil qu’incombe cette tâche. 18 Trois attitudes me paraissent importantes à développer pour éveiller le goût musical : 4.2.1 Un goût du son C’est une première qualité du musicien, c’est une certaine sensualité de la sonorité qui s’accompagne d’une habileté à l’obtenir sur un instrument. C’est une pratique où l’on valorise la sensation sous toutes ses formes, aussi bien sur le plan tactile que gestuel, qu’auditif naturellement. Toucher un instrument aussi simple qu’un tambourin, avoir un contact physique avec cet objet, c’est important pour l’enfant ; lorsqu’il s’aperçoit qu’en le grattant, le secouant, le frottant, le frappant, il se passe quelque chose de différent, il établit instinctivement la relation entre son geste et le résultat sonore, il prend en quelque sorte possession de l’instrument. Cette appropriation s’associe avec la conscience de son pouvoir de décision, c’est lui qui choisit son mode d’approche de l’objet, et ceci contribue à développer son sens de l’autonomie. 4.2.2 Une dimension imaginaire de la musique Les sons prennent un sens, ils peuvent évoquer des états affectifs, avoir une valeur symbolique, ou bien donner naissance à des images. L’accès au symbolique est une étape très importante du développement de l’enfant. L’enfant qui aborde l’abstraction n’est plus en prise direct avec le son produit mais est capable de penser dans l’imaginaire. L’éveil musical permet cette ouverture. Il ne s’agit nullement d’un apprentissage de la musique aux jeunes enfants. Il se veut avant tout un jeu, une activité, libre ou dirigée, mais qui ne veut pas obtenir, comme résultat, une performance musicale des participants. La forme ludique de cette activité est indispensable, elle laisse au jeune enfant libre cours à son imagination. 19 4.2.3 Une organisation Faire de la musique, c’est, à beaucoup de points de vue organiser. D’abord s’organiser entre musiciens lorsqu’on joue à plusieurs, mais surtout organiser le son en agençant des parties ensemble. Ces trois aspects de la pratique musicale correspondent aux trois formes, telles qu’elles sont définies par Piaget 1, de l’activité ludique chez l’enfant : « la pédagogie serait à la psychologie ce que la médecine est à la physiologie ». La recherche du son et du geste n’est autre qu’un jeu sensorimoteur, l’expression et la signification, en musique, rejoignent le jeu symbolique et l’organisation est un jeu de règle. Voilà pourquoi cette analyse est une idéeforce de l’éveil musical ; on va trouver, chez les enfants, un terrain tout à fait favorable pour développer les différents aspects de la pratique musicale. Avec les toutpetits, on centrera plutôt l’activité sur le son et le geste, avec les enfants de maternelle, on développera le caractère symbolique et ensuite, avec les plus grands, le jeu musical se donnera des règles. Ces trois types d’activité sont spontanés chez l’enfant. Eduquer les enfants, ce n’est pas les sortir d’un état de néant musical dans lequel ils étaient supposés être, mais, c’est au contraire, développer une activité ludique qui existe chez eux et qui est finalement la source même du jeu musical. 1 Jean Piaget, philosophe et psychologue suisse, Psychologie et pédagogie 20 4.3 A L’ECOLE DE MUSIQUE Partenariats entre la classe d’éveil et la classe instrumentale. L’apprentissage d’un instrument de musique est une alchimie complexe qui s’exerce simultanément sur plusieurs registres. La pratique d’un instrument sollicite à la fois les bras, les mains, les oreilles, les yeux, les émotions, la respiration… La violoniste Dominique Hoppenot dit dans son livre Le « violon intérieur » : « Le violoniste doit combiner tout à la fois l’équilibre corporel du danseur, la vigilance et la compétence de l’artisan, la précision de geste du peintre, la mémoire et la « présence » du comédien, l’intelligence du lecteur et la vision intérieure du poète ». C’est un beau programme d’ouverture des sens de l’enfant au monde. La logique voudrait qu’il y ait un échange entre la classe d’éveil, si elle existe, et le premier cycle de la classe instrumentale. C’est rarement le cas, peutêtre que certains professeurs ne se sentent pas concernés par l’éveil. Pour eux, l’apprentissage de la musique commence au premier cours d’instrument, et c’est alors que le vécu, le passé musical de l’enfant, l’enfant luimême est mis à la trappe. On voit très rarement la visite de professeurs d’instruments dans la classe d’éveil pour présenter leur instrument. Ces visites pourraient être un point fort et permettraient aux enfants de toucher de près l’instrument, de l’essayer, de l’entendre. On voit encore moins certains élèves des classes instrumentales aller rendre visite à la classe d’éveil pour faire écouter un morceau qu’ils ont achevé. Cette absence de relation est la raison pour laquelle je tiens à démontrer les bienfaits des échanges entre les différents intervenants auprès des enfants. Prenons l’exemple d’un travail qui va lier les apprentissages : à partir d’une chanson apprise en éveil, ou en formation musicale, ou à la maison, ou bien encore une chanson inventée, chercher un accompagnement simple au piano me paraît judicieux pour pouvoir jouer et chanter en même temps. Ce travail d’indépendance permet à l’enfant d’apprendre un savoir faire tout en se sentant valoriser car on est parti de la chanson qu’il proposait. 21 4.3.1 De la classe d’éveil à la classe instrumentale : Y a til une rupture lorsqu’un enfant passe de la classe d’éveil à la classe instrumentale ? Oui, parfois la rupture est même brutale pour les enfants lorsqu’ils amorcent la pratique instrumentale : les choses sérieuses commencent… Cette rupture est elle nécessaire ? Non, je ne crois pas. Au contraire, c’est en douceur, dans la continuité de son développement et pendant la formation du Ier cycle (4 ou 5 ans) que l’enfant pourra s’approprier les savoirs. Quand le terrain a été préparé, que l’enfant a développé un savoir être (qualités) nécessaire pour pouvoir lui transmettre le savoir faire (compétences) à l’instrument, on va réinvestir l’éveil à l’instrument et suivre son évolution tout en mettant en place les bases musicales et techniques. Oui mais voilà, la réalité est toute autre ! Les enfants qui arrivent dans une classe instrumentale ont rarement eu le parcours décrit plus haut. Comme je l’ai montré, tout va dépendre du contexte familial, de l’école fréquentée (a telle mis en place un suivi d’éveil artistique grâce à un partenariat ?), de l’environnement dans lequel évolue l’enfant. Il faut faire face à la réalité : tous les enfants ne partent pas avec les mêmes chances, et cela malgré les droits cités précédemment de la convention internationale des droits de l’enfant. Alors estce trop tard pour un enfant qui n’a pas eu la chance de pouvoir se développer dans un univers sonore riche et varié ? Est il mis hors circuit ? Je ne pense pas qu’à partir d’un certain âge, on ne puisse plus éveiller une personne à la musique, mais il est certain que petit, l’enfant est en cours de « construction » et donc plus facilement disponible. Il sera plus spontané. Observons tout d’abord l’enfant qui arrive au premier cours d’instrument, interrogeonsnous sur son vécu sonore et évaluons les besoins prioritaires, le rythme adéquat pour lui, face à l’apprentissage de l’instrument qui nécessite, je le rappelle, beaucoup de rigueur. Si l’éveil des sens est inexistant, prenons le temps nécessaire pour l’activer. Que ce soit avec un enfant, un adolescent ou un adulte, il n’est jamais trop tard pour susciter la curiosité et l’envie. L’erreur serait de ne transmettre que le savoir faire pour aller plus vite, au détriment de l’épanouissement de la personne. L’éveil n’est donc pas réservé aux petits et il ne doit pas être exclusivement réservé à la classe d’éveil. 22 Chaque enseignant spécialisé dans son domaine doit se sentir concerné et s’y investir pour pouvoir partager sa passion et transmettre un savoir. 4.3.2 La mise en place d’un éveil instrumental 4.3.2.1 Choisir un instrument A un moment ou à un autre de la vie d’un enfant, se pose la question d’apprendre la musique. La demande est formulée soit par l’enfant, qui a vu quelqu’un dans son entourage ou à la télévision jouer d’un instrument, soit par les parents. Leurs motivations peuvent être diverses : l’idée que la musique est une source d’équilibre, ou bien qu’il faut que l’enfant s’occupe, si ce n’est le fait qu’ils voudraient lui faire faire ce qu’ils n’ont jamais pu faire. Mais estil vraiment motivé ? Parents et enfants sontils conscients que l’apprentissage d’un instrument demande un effort certain de la part de tous : un travail personnel pour l’enfant, ainsi qu’une aide de la part des parents ? Même si cette aide ne nécessite pas des connaissances techniques, elle requiert néanmoins une certaine disponibilité pour apprendre à l’enfant à s’organiser, pour le stimuler et valoriser son travail. Certains parents sont surpris quand je leur dis qu’il faut un travail régulier de l’instrument à la maison. En général, les autres activités auxquelles participent les enfants ne nécessitent pas de travail personnel. Les enfants vont au judo ou à la danse et une fois sortis n’ont plus rien à faire. Mais l’apprentissage de l’instrument ne peut se faire uniquement pendant l’heure du cours, ce qui en décourage quelques uns, parents, enfants, et même voisins quelquefois. La première condition pour aborder l’étude d’un instrument est que l’enfant en ait envie. Cela doit être son choix, non celui des parents. Il n’est pas toujours facile de mesurer cette envie, et nous entrons là dans l’ordre du subjectif. Il est certain que si un enfant veut aujourd’hui faire de la trompette, demain du saxo, et dans cinq jours du piano, il ne semble pas être très sûr de son choix. Il vaut mieux attendre, et lui proposer des cours d’éveil musical, qui lui permettront de découvrir tout un monde sonore insoupçonné. Et même s’il est décidé, a t’il eu la possibilité d’entendre ou d’essayer un éventail assez large d’instruments ? La réponse la plus courante est négative. 23 4.3.2.2 Des stages découvertes une préparation physique et sensorielle à l’instrument J’ai découvert ces stages au conservatoire national de région de Nantes, ce sont des stages par groupe de trois enfants sur une durée de trois semaines. Il s’agit d’une approche globale et progressive de la musique à travers l’instrument, la voix, le corps et le rythme. 4.3.2.2.1 Perception auditive : L’enfant parle avant de savoir lire, de même l’enfant devrait chanter avant d’aborder l’écriture musicale. L’oreille est primordiale. Mieux vaut former l’oreille et la voix avec l’instrument avant d’apprendre à réaliser une partition. Chacun possède son organe propre, qui est ce qu’il est, mais son fonctionnement peut être éveillé, développé et affiné. L’organe de l’ouie peut être aussi entraîné à un fonctionnement plus rapide. Contrairement aux a priori, l’oreille peut progresser et doit progresser. On aurait tort de penser que ce développement s’effectue naturellement parce qu’un enfant s’entraîne tous les jours à la pratique de son instrument. Il peut hélas, passer son temps à l’instrument sans jamais se servir correctement se ses oreilles. L’enseignant observera que les élèves aux oreilles paresseuses se raccrochent à la vision, aux notes, aux sensations tactiles. Ils sont, de ce fait, incapables de se représenter auditivement la mélodie dans leur tête. Ils la reconstituent à l’aide du nom des notes : la mémoire visuelle remplace alors la mémoire auditive. Préparons le terrain physique et sensoriel de l’enfant face à l’instrument qu’il a choisi ou qu’il va choisir, afin de permettre aux connaissances intellectuelles inculquées ultérieurement de faire écho, en lui, à quelque chose de concret. L’acquis sensoriel est la base à partir de laquelle on éveille ces autres facultés que sont la sensibilité et l’intelligence. L’intellect a une place importante, il est, en quelque sorte, la clé de voûte de l’organisation du monde sonore. Mais sans fondement, il est inopérant, voire destructeur. S’il est trop développé au détriment des autres composantes de l’être humain, il est facteur de blocage au lieu de rester au service de l’interprétation. Un élève qui n’aurait qu’une connaissance intellectuelle de la musique serait handicapé, il lui manquerait l’imagination sonore. Il doit posséder à la fois la connaissance intellectuelle et la sensation, fruit de 24 l’expérience qui lui permet d’appliquer son savoir. La réflexion ne remplacera jamais la sensation. En développant l’audition intérieure, on permet à la pensée sonore de créer, d’imaginer des sons fondés sur la sensation et nourris d’émotions. On peut demander à un enfant d’entendre la chanson dans sa tête, puis de la chanter telle qu’il l’a perçue et enfin de la reproduire avec son instrument. S’il possède ce fil conducteur interne, il dirigera son jeu quel que soit son stade d’apprentissage. 4.3.2.2.2 Perception corporelle : Qui ne s’est amusé un jour à frapper de la main droite sur sa tête, pendant que sa main gauche frottait son ventre en tournant ? Ce petit jeu sollicite l’indépendance des mains et la coordination de deux mouvements contradictoires. L’apprentissage des instruments de musique n’est fait que de cela. La main droite exécute certaines opérations alors que la main gauche vaque à d’autres occupations. Les yeux lisent une partition, les oreilles guident les doigts, et les émotions doivent s’exprimer le plus naturellement possible au milieu de cet enchevêtrement d’actions. C’est pourquoi la connaissance du fonctionnement harmonieux du corps, avec des gestes respectueux de l’anatomie, est indispensable à l’apprentissage d’un instrument de musique. Un enfant arrivant à son premier cours d’instrument possède déjà son patrimoine de vie. Toutes ses expériences sont inscrites dans son corps. Le professeur l’accueillera en le respectant et en utilisant son vécu pour lui faire prendre conscience de son schéma corporel en rapport à l’instrument et pour qu’il découvre de nouvelles sensations. 5/6 ans est l’âge idéal de l’éveil rythmique, l’enfant a de nombreuses réactions aux stimulations vibratoires acoustiques. Il peut frapper les rythmes, les danser, vivre les pulsations à travers son corps. Il apprend les gestes essentiellement par mimétisme, il est sensible aux jeux, à des images irrationnelles, mais ne supporte en aucun cas de longues explications théoriques. L’enfant veut et aime faire. 25 Vers l’âge de 7 ans, l’enfant est en général déjà en classe d’instrument et sait aussi lire la musique : la relation œilmain s’établit. A 8 ans, sa réaction devient concrète, on peut lui demander une participation consciente. La pédagogie de groupe est très efficace à ce moment là : les enfants adorent jouer au professeur. Ils voient sur les autres les défauts dont ils ont pris conscience. La pratique du chant aide grâce à l’écoute intérieure à l’installation de gestes précis. Les mains Que dit la petite main A la grande qui l’appelle ? Ca fait juste un petit bruit Je regarde et tu souris. Que disent les grandes mains Aux petites qui s’éveillent, C’est comme des étincelles Qui en jailliraient sans fin. Viens poser tes petits doigts Non, ça ne te mordra pas ! De ta main ou de la mienne Pourra naître une chanson Qui lorsque nous chanterons Te rendra gai. 26 5 DES FORMATIONS Mis à part les Centres de Formation des Musiciens Intervenants, il est bien difficile d’avoir une formation en éveil musical, d’autant plus que les formations continues sur trois ans s’arrêtent dans plusieurs villes (Limoges, Rennes). Il y a, par ailleurs, des associations qui proposent des formations ponctuelles : stages de weekend ou pendant les vacances. Cette formule a ses avantages et ses inconvénients. Pour ceux qui veulent s’initier sérieusement à l’éveil musical, elle n’est pas suffisante. Si elle peut faire découvrir et donner envie d’approfondir la démarche, le danger existe qu’elle donne une idée très morcelée, donc fausse, de l’éveil musical. Par contre, le fait de faire beaucoup de stages, même courts, mais variés, permet à ceux qui en ont envie, d’enrichir et de nourrir leur pratique. Une association, le J ardin des Sons : Créée en 1987, l’association Le « Jardin des Sons » propose une approche vivante et sensible de la musique en lien avec le développement de la personne : Un éveil à la musique : approche globale et progressive de la musique à travers la voix, le corps, le rythme et les instruments. Un éveil par la musique : développement des qualités que la pratique musicale peut éveiller en chacun : l’écoute, l’attention , la créativité, la capacité à ressentir, à s’exprimer et à communiquer. Cette démarche, commune à tous les animateurs et formateurs de l’association, s’adapte aux différents âges de la vie. L’accueil est individualisé, le travail se fait en petits groupes. Afin de respecter l’identité de chacun, chaque groupe chemine à son rythme tout en étant relié à un cadre pédagogique, avec une progression précise. 27 Le « Jardin des Sons » propose des formations, animations, rencontressensibilisations pour les professionnels de la petite enfance, de l’éducation , du social, de la santé, du milieu spécialisé et des ateliers hebdomadaires pour les enfants et pour les adultes. Une convention de partenariat associe Le « Jardin des Sons » à la ville de Rennes. Il est ainsi identifié comme lieuressource du Conservatoire National de Région, notamment pour la petite enfance, et dans une approche pédagogique complémentaire de l’enseignement musical. Le « Jardin des Sons » est une association agréée par « Jeunesse et Sports » et enregistrée en tant qu’organisme de formation continue. Ces stages pour les professeurs de formation musicale et d’instrument proposent une formation plus orientée vers l’éveil musical, et tentent d’inclure les apports de l’éveil musical à l’enseignement de l’instrument. Malgré cela, ce travail reste encore assez ponctuel. Il serait intéressant d’envisager la possibilité d’une formation continue en éveil, adaptée pour les professeurs d’instruments dans les CFMI et de créer ainsi un partenariat entre les écoles de musique et les CFMI. 28 6 CONCLUSION Ce tour d’horizon de ce que peut être la pratique de l’éveil musical, a tenté de montrer, tant son importance que les difficultés rencontrées lors de son application L’éducation esthétique ne doit pas être un choix de l’adulte fait pour l’enfant et à sa place, mais un de ses droits, au même titre que l’apprentissage de la lecture ou de l’écriture. Pour que ce droit devienne une réalité et que les disciplines artistiques puissent exister dans l’enseignement sur le même plan que les autres matières, il faut une véritable prise de conscience de leur importance en tant qu’éléments formateurs de la personnalité de l’être humain. Cette prise de conscience de la prépondérance, de la variété et de l’exigence de cette démarche se fait peu à peu, grâce au travail d’un nombre de plus en plus important de personnes qui y croient et qui ont la compétence pour la faire avancer. L’éveil évolue et doit être stimulé quotidiennement lors de la formation instrumentale de l’enfant, de l’adolescent ou de l’adulte. Il est indispensable que le savoir faire soit relié au savoir être. Il est aussi dangereux de concevoir un enseignement basé uniquement sur le savoir faire que sur le savoir être. Il faudra voyager entre éveil et apprentissage tout au long de la formation instrumentale. Les deux se conjuguent dans un esprit de qualité et de rigueur. Cela contribuera à avoir un enseignement exigeant, sans pour autant décourager l’élève. On lui donnera ainsi l’envie et les moyens de comprendre une défaillance, d’en identifier les causes et en déduire les solutions. En fait, le terme « éveil » que j’emploie quand je parle de l’apprentissage instrumental se rapproche de la définition du Dictionnaire français et Encyclopédie universelle : « donner de la gaieté, rendre plus actif et stimuler ». Suisje en train de parler de motivation ? Bien entendu… 29 7 ANNEXES 7.1 ANNEXE 1 Paris, le 14 Février 2005 COMMUNIQUE DE PRESSE Projet de loi d'orientation sur l'avenir de l'école : la SACD défend l'éducation artistique et culturelle A la veille de l¹examen par l¹Assemblée nationale <http://www.assembleenat.fr> du projet de loi d¹orientation sur l¹avenir de l¹école, la SACD est préoccupée par l¹absence de toute disposition relative à l¹éducation artistique et culturelle. Alors que ce texte entend définir les orientations stratégiques et pédagogiques pour les 15 prochaines années, l¹exclusion des enseignements artistiques du socle des connaissances et le rejet de l¹amendement allant dans ce sens, proposé en commission par le groupe UDF, ne peuvent susciter que craintes et inquiétudes quant à leur pérennité au sein de l¹école républicaine. La SACD, qui regrette que l¹enthousiasme et la motivation des enseignants ne soient pas plus souvent soutenus par les rectorats et le Ministère de l¹Education nationale <http://www.education.gouv.fr> , rappelle l¹apport essentiel de l¹éducation artistique et culturelle à la construction de l'identité de nos enfants et à l'acquisition du goût pour la culture. Elle précise, par ailleurs, que les projets menés, et notamment ceux qui associent des artistes et des auteurs dans leur démarche, aboutissent fréquemment à des résultats très positifs. Les élèves, en particulier ceux qui sont les plus en difficulté, peuvent trouver dans l¹éducation artistique, grâce à la découverte du sensible et au développement de l¹imaginaire, de nouvelles bases et de nouveaux repères qui trouvent toute leur place aux côtés des disciplines « rationnelles ». 30 En outre, à l¹heure où la France défend dans les enceintes internationales des positions ambitieuses en faveur de la diversité culturelle, la SACD juge qu¹il serait très étonnant de priver nos jeunes concitoyens d¹un enseignement artistique et culturel conforme aux exigences et à la nécessité de soutenir et de promouvoir cette diversité dans notre pays. La SACD invite les parlementaires, audelà de leurs appartenances politiques, à ne pas faire l¹économie d¹un débat nourri et profond sur les ambitions culturelles qui doivent exister au sein de nos écoles, de nos collèges et de nos lycées. La SACD considère qu¹à défaut d¹accorder une place centrale à l¹éducation artistique et culturelle dans le cadre de la loi, il sera malheureusement très difficile de faire de l¹apprentissage de la diversité culturelle et de l¹acquisition d¹un savoir artistique l¹un des socles de l¹école républicaine SACD : Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques 31 7.2 ANNEXE II 32 8 SOURCES Textes Ministère du travail et des affaires sociales ; convention internationale des droits de l’enfant ; 1990. Conseil des CFMI ; Musiques à l’école, référence de compétences « musique » pour l’enfant ; J.M Fuzeau ; 2000. Revues publiées Centre de Formation des Musiciens Intervenants ; Musicien intervenant : un métier ; 2005. Collectif, sous la direction de Herbinet Etienne et Busnel MarieClaire ; l’aube des sens ; les cahiers du nouveau né n° 4 ; Stock, 1995. 33 9 BIBLIOGRAPHIE Delalande François ; la musique est un jeu d’enfant ; Buchet/Chastel, 1984. Celeste Bernadette ; l’enfant du sonore au musical ; Buchet/ Chastel, 1982. Gagnard Madeleine ; l’éveil musical de l’enfant ; ESF, 1977. Berel Eugène ; éveil au monde sonore ; J. M. Fuzeau, 1981. Lecourt Edith ; le groupe et le sonore ; ESF, 1993. AgostiGherban Christine ; l’éveil musical, une pédagogie évolutive ; EAP, 2000. Ley Marcel ; la mise en scène du conte musical, éveil esthétique et thèmes d’ateliers ; JM Fuzeau, 1985. 34