L`éveil au quotidien

Transcription

L`éveil au quotidien
L’EVEIL
AU
QUOTIDIEN
REMERCIEMENTS
­
L’association le Jardin des Sons, et plus particulièrement Eric Druez, musicien,
animateur­formateur en pédagogie musicale.
­
Le Centre de Formation de Musiciens Intervenants de Rennes.
­
Anne ARNOUX, directrice de mémoire, professeur de piano au conservatoire
national de région de Rennes.
1
1
introduction................................................................................................................3
2
Qu’est ce que l’éveil ?..............................................................................................11
3
L’éveil musical, pourquoi ? ......................................................................................13
4
3.1
Une éducation : ................................................................................................13
3.2
Un droit ............................................................................................................14
L’éveil musical pour tous : ...................................................................................16
4.1
A la maison ......................................................................................................16
4.1.1
Offrir un environnement riche et varié ......................................................16
4.1.2
Eveiller la sensibilité affective auditive .....................................................16
4.2
A l’école...........................................................................................................17
4.2.1
Un goût du son..........................................................................................19
4.2.2
Une dimension imaginaire de la musique .................................................19
4.2.3
Une organisation.......................................................................................20
4.3
A l’école de musique ........................................................................................21
4.3.1
De la classe d’éveil à la classe instrumentale :...........................................22
4.3.2
La mise en place d’un éveil instrumental...................................................23
5
Des formations .........................................................................................................27
6
Conclusion ...............................................................................................................29
7
Annexes ...................................................................................................................30
7.1
Annexe 1 ..........................................................................................................30
7.2
Annexe II .........................................................................................................32
8
Sources ....................................................................................................................33
9
Bibliographie ...........................................................................................................34
2
1 INTRODUCTION
Qui ignore encore que les premières années d’un être humain sont importantes,
voire déterminantes pour son avenir? Mais, dans la pratique, on se demande souvent quoi
faire et comment faire pour éveiller et développer une personne humaine dans la totalité de
ses facultés : intelligence, sensibilité, imagination, motricité…
L’éveil de l’enfant est aujourd’hui un des éléments principaux et fondamentaux de
l’éducation. On évoque souvent, tant dans les familles que dans les milieux professionnels,
les enfants éveillés. Ils sont attentifs, curieux, ouverts au monde et à l’environnement.
Une éducation musicale ne pourrait­elle contribuer largement à cet éveil ?
Portons une attention particulière au monde sonore…
L’impact du son sur l’homme, une évidence historique :
Le pouvoir des sons sur le comportement des êtres vivants est connu depuis les
origines de l’humanité. L’homme primitif, devant les multiples agressions de la nature,
traduisait son angoisse par un ensemble de sons constituant ce que nous nommons
l’incantation. L’évolution spécifique de sa structuration attribue à cette expression sonore
un caractère magique. Or, la magie était la seule arme thérapeutique des hommes
préhistoriques chez qui musique et médecine ne faisaient qu’un. Quand l’homme découvrit
les propriétés bienfaisantes des plantes puis des drogues, la pratique des chants rituels
garda toute son importance. Le papyrus d’Ebert qui nous documente sur la médecine
égyptienne contient à la fois une énumération de drogues et un répertoire de formules
d’incantations magiques. Plus tard, à l’époque des prêtres médecins, l’incantation est
remplacée par un chant religieux de louanges à un dieu protecteur et guérisseur.
Au départ des idées de Pythagore, Platon avait créé un véritable système
philosophique centré sur l’harmonie. Il reposait sur un équilibre de proportions simples
emprunté à la musique. Comme l’Harmonie dans le macrocosme et le microcosme repose
sur les lois du nombre, la musique était intégrée aux mathématiques. Platon puis Aristote
codifièrent les vertus thérapeutiques de la musique qu’ils considéraient comme une
« hygiène mentale » indispensable. Chez les Grecs, il existait déjà des musicothérapeutes
qui influençaient l’humeur en utilisant divers instruments, rythmes et sons : « selon le mal,
3
ils choisissaient l’aulos au jeu extatique et émouvant ou celui doux et harmonieux de la
lyre ».1 Dans la musique africaine traditionnelle, le rythme sonore et la musique sont
utilisés pour la fête mais aussi pour générer des états de conscience modifiés.
Une évidence expérimentale :
Pendant la gestation, le fœtus perçoit de nombreuses vibrations : pulsations
cardiaques, respiration de la mère, mouvements des parois abdominales, bruits
intestinaux… Dès le sixième mois de la vie embryonnaire, l’ouïe fonctionne et le fœtus
entend les sons, particulièrement la voix de sa mère. Il entend également la musique, il
mémorise ce qu’il entend et se crée ainsi « une enveloppe sonore prénatale »2 selon
l’expression d’Edith Le court. Cette mémoire est contemporaine de la vie facile dans un
milieu nourricier et sécurisant, et d’une sensation d’apesanteur relaxante. C’est ce qui
explique que la diffusion d’un enregistrement de battements du cœur calme les pleurs du
nouveau­né, on utilise aujourd’hui cette technique dans les pouponnières.
La détente, au niveau d’une écoute musicale auprès d’un bébé, n’est pas forcément
liée à l’émission d’une musique douce (rythme lent, pas de pointes mélodiques, style
berceuse), une musique tonifiante peut arriver au même résultat chez certains bébés ! Tout
dépend des différents sons reçus par le fœtus pendant la gestation, chaque bébé a ce qu’on
peut appeler son « identité sonore » selon Benenzon.
3
1 Patrick l’Echevin, Musique et Médecine, Stock Musique, 1981.
2
Edith Lecourt, Le groupe et le sonore, ESF, 1993.
3 Rolando Benenzon, “Musique­ thérapie­ communication” n° 3, atelier de musicothérapie de
Bordeaux, 1988.
4
Déjà…
Quelques heures que tu respires
Et déjà tant de choses à te dire !
Avec tes yeux, avec tes mains
Tu cherches à tâtons ton chemin.
Déjà tu regardes plus loin
Que la douce niche du sein.
Tout à apprendre, tout à voir
Et déjà tu veux tout savoir.
On commence par les oreilles ?
La musique çà fait merveille
Pour un tout petit comme toi.
Écoute la petite voix
Qui te dit que c’est beau la vie
Qu’il faut que tu y croies aussi.
Petit homme, de toi à moi ;
Qui envoie le premier message ?
Petit homme, ensemble, tu vois
Nous avons trouvé un langage.
5
Une évidence psychologique :
Langage de l’affectivité, communication ayant la particularité de remplacer les
mots par les sons, la musique peut en effet agir sur les émotions là où les mots échouent,
dans la mesure où, justement, elle passe outre le langage, atteint les couches profondes de
la personnalité. Selon sa composition, la musique peut avoir des tonalités émotionnelles
différentes. Elle peut aussi bien provoquer des phénomènes de tension qu’un état de
détente.
La musique touche le domaine de la pensée, du sentiment : la musique et les sons
peuvent communiquer un sens, un message, une ambiance. Il est vrai que certains groupes
de musique véhiculent clairement des idées. Certains artistes se réunissent également pour
défendre une authentique cause. Le groupe populaire « Les Restos du cœur » en est
l’exemple même. La musique permet également de créer une ambiance. Les concerts de
rue donnent de la gaieté dans les villes. Les personnes peuvent chanter et danser.
La musique se présente comme un matériel non­verbal significatif auquel la tradition orale
attribue, à travers les intervalles, les rythmes et les tonalités, des « états d’âmes », des
affects et des possibilités de reconnaissance pour tous. La musique fait également appel à
la créativité et à l’imagination. Ceci met en évidence la propre personnalité de l’individu.
Le son peut également engendrer ou exprimer des images mentales. On se souvient tous
d’avoir écouté Pierre et le Loup et d’y avoir imaginé les scènes avec le loup se cachant
dans la forêt. On se surprend par moment à dire « tiens, ce passage me fait penser à ceci ou
cela… ». Stravinsky disait d’ailleurs dans Chroniques de ma vie que la musique
n’exprimait rien mais que l’homme exprimait la musique. Dans le même temps, la musique
est expérience du souvenir, expérience du temps. Tel rythme, telle phrase musicale fait
revivre une sensation, une émotion.
La musique produit donc des effets au niveau du corps et de l’esprit car elle
implique tous les sens de l’homme de manière différente. La musique offre à l’être humain
une grande ouverture vers le monde sensoriel. Elle réveille les sens, les tient en éveil et les
sollicite constamment. Les sens humains ne peuvent rester indifférents face aux
stimulations sensorielles provoquées par la musique. Bien qu’elle privilégie l’audition, la
musique implique également les autres sens.
6
L’expression artistique s’adresse en priorité à nos sens (voir, écouter, sentir un
mouvement).
Les premières expériences sensorielles jouent un rôle important dans la
construction de la personnalité. Leur mémorisation laisse une empreinte qui détermine en
partie nos goûts, nos dégoûts…et nos compétences : tel enfant aura davantage une
mémoire visuelle, tel autre auditive.
Le sens tactile.
Il permet en priorité de communiquer avec ses parents, les proches, dans les
premiers mois de la vie.
Une stimulation tactile est provoquée lors du contact des mains de l’artiste sur son
instrument. Le toucher d’une corde de guitare n’est pas le même que celui d’une touche de
piano. Il y a un toucher qui est peut être plus doux, plus lisse que l’autre. La matière de
certains instruments est plus chaude que d’autres. En effet, le bois du piano est moins froid
au toucher que le cuivre d’un instrument à vent. Le musicien peut également sentir le son.
Lorsqu’il pose ses mains sur les cordes du piano ou sur la caisse de résonance d’un
instrument, il sent en effet la vibration du son.
Le sens visuel.
A la naissance, le bébé est attiré par la couleur jaune, les contrastes noir/blanc. Mais
le premier centre attractif sera le visage de sa mère dont il distingue en priorité les
contours. A trois mois, il a appris à accommoder.
Une stimulation visuelle est provoquée par la vue d’instrument, on aime ou on
n’aime pas sa forme, sa taille, sa couleur, mais aussi par les vibrations du son. En effet, il
est possible de voir les vibrations du son dans l’eau par exemple. Qui n’a pas mis de l’eau
dans un verre et frappé sur celui­ci ? La frappe provoque le son et il est possible de
constater des ondes qui sont les vibrations du son dans l’eau. Plus simplement, le son est
visible sur la grosse caisse d’une batterie : la peau de l’instrument vibre.
7
Le sens auditif.
In utero le bébé entend un bruit de fond (le cœur). Les sons graves (la voix du père)
prédominent sur les sons aigus. Il est capable de mémoriser des sons entendus à l’extérieur.
A la naissance, il reconnaît la voix de ses parents. A deux mois, sa perception est analogue
à celle d’un adulte.
Ce sens est le sens privilégié en musique. Bien sûr, ce qui prime en musique est
l’écoute. Cependant, deux personnes ou deux artistes ne perçoivent pas de la même
manière une même œuvre. Effectivement, certains prêtent plus d’attention à la mélodie,
d’autres aux instruments rythmiques… Pour les plus initiés, l’écoute est plus fine. Ils sont
capables de discerner les différents instruments, le sens des paroles, les changements de
tonalité…
Le sens gustatif.
Après trois mois de gestation, le système gustatif est fonctionnel, avec une
préférence déjà marquée pour le sucre.
Le goût est également stimulé lors d’une pratique instrumentale. Le contact des
lèvres sur un instrument à anche, un instrument à embouchure, un cuivre tel que le cor ou
autres, stimule le goût de l’instrumentiste.
Le sens olfactif.
Un bébé de deux jours est capable de différencier les odeurs, spécialement celle du
lait maternel.
Les instruments, comme les partitions, dégagent une certaine odeur. Dans ce cas, le
sens de l’odorat est stimulé. Que l’instrumentiste possède des partitions neuves ou vieilles,
elles libèrent une odeur soit de « neuf », soit de « vieux ».
Les instruments exhalent aussi des odeurs différentes, que ce soit un instrument en bois ou
en cuivre.
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Le jeune enfant qui arrive dans une structure a une histoire. Celle entamée à sa
naissance et qui va conduire progressivement à l’autonomie ce petit être entièrement
dépendant, originellement, de sa mère. De son extraordinaire développement physique et
intellectuel des premières années, ses parents, d’abord eux, ont été témoins. Ainsi que
ceux, professionnels de la petite enfance, enseignants de maternelle… qui l’ont
accompagné dans son cheminement. Nous ne fûmes pas témoins de cette aventure, nous
devons la respecter.
Haut comme trois pommes mais personnalité à part entière, l’enfant doit avant tout
trouver, dans la structure qu’il fréquente de manière temporaire, l’attention dont il a besoin
dans cette période de la vie où il est particulièrement fragile, notamment sur le plan
affectif. En aidant le jeune enfant à se sentir bien, à découvrir à son rythme en lui
proposant un travail ludique adapté à son âge, on participe ainsi, modestement, à son
développement.
Dès les premiers mois de vie, l’enfant découvre son corps. Il apprend, petit à petit,
que ces pieds qu’il attrape sont les siens, et que son corps forme un tout. Il prend plaisir à
se regarder dans un miroir, tout comme il prend plaisir à toucher les autres enfants qui
l’entourent. Quant au contact physique avec sa mère, cela reste l’une des meilleures façons
de favoriser son développement psychomoteur. Alors que l’adulte n’utilise presque que la
vision et l’audition, le bébé exploite ses cinq sens. Aux enseignants d’en faire autant afin
d’offrir à l’enfant un environnement riche de sensations, surtout en ce qui concerne les
sens de contact (toucher, goût, odorat), sens peu présents dans l’éducation occidentale.
L’enfant peut très tôt découvrir l’art, les contes, la peinture, le dessin, la musique.
Il pourra dans un premier temps les observer, les écouter pour, ensuite, participer à leur
élaboration. De plus, par les activités en collectivités ou simplement en rencontrant
d’autres personnes, le jeune enfant est amené à découvrir ses pairs, venant parfois d’un
autre pays, parlant une autre langue, ayant une couleur de peau différente. L’éveil culturel,
en ce sens, est un début d’éveil à l’éclectisme et à la différence, c’est à ­dire un éveil
social. L’enfant découvre également, parfois sous forme abrupte, les relations humaines,
les conflits et les hiérarchies sociales (« tu es trop petit pour faire cela »).
9
Quel est mon rôle dans cet éveil ? Où me situer en tant qu’assistante
d’enseignement spécialisé piano ? L’un des aspects de mon travail consisterait­il donc à
favoriser l’éveil de l’enfant, et par là même favoriser l’ensemble de son développement ?
Ou bien alors l’éveil s’arrête­t­il dès lors que l’enfant arrive à son premier cours
d’instrument, y a ­t­il une rupture ? Est­il prêt pour l’apprentissage de l’instrument ? Dois­
je prendre en compte le passé musical de l’enfant ? Et l’éveiller à la musique par
l’instrument ? Peut­on parler d’un éveil instrumental ?
Interrogeons­nous sur ce qu’est l’éveil et sur son importance. Où il peut se pratiquer et
quelle place il peut occuper au sein de tout enseignement ?
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2 QU’EST CE QUE L’EVEIL ?
Le terme éveil n’a pas toujours eu la signification que l’on sous­entend lorsqu’on
parle de l’éveil de l’enfant.
Les définitions du « Petit Robert » nous apprennent qu’éveil a d’abord signifié « le fait
d’être sur ses gardes » (1175), puis « donner à quelqu’un l’éveil de quelque chose ­ c’est
l’avertir, éveiller son attention » (1762). En 1839, on trouve « donner l’éveil ! Exciter, par
n’importe quel moyen, à se mettre en garde » et en 1843 : être en éveil : être attentif, sur
ses gardes ».
Ce n’est que vers la fin du XIXème siècle que le mot éveil perdra sa signification
d’alerte et de menace et deviendra « l’action de se révéler, de manifester (facultés,
sentiments), éveil de l’intelligence, de l’imagination ».
Ainsi, peut­on lire dans le Dictionnaire français et Encyclopédie universelle » de
1864 les définitions suivantes : « donner de la gaieté, rendre plus actif, stimuler ». De
même, être éveillé devient synonyme « d’être gai ».
Parmi les pédagogues, c’est certainement Jean­Jacques Rousseau qui, dès le
XVIIIème siècle, défend le premier l’éveil des enfants, sans en utiliser le terme. Dans son
ouvrage « Emile », il écrit : « L’enfant apprend à sentir en regardant, palpant, écoutant et
surtout en comparant la vue au toucher ».
Pour éveiller, on se doit donc de favoriser l’apport d’un environnement riche et
varié à l’enfant. Cela signifie, outre mettre à sa disposition les objets nécessaires à son
éveil moteur, psychologique et culturel, s’impliquer dans une relation que je qualifierai
d’éveillante en permettant à l’enfant d’évoluer dans un milieu sécurisé (matériellement et
affectivement) afin de lui permettre l’exploration de cet environnement. J’insiste sur la
communication car il n’y a pas d’éveil sans dialogue, sans relation en général.
Une des spécificités de l’éveil musical est de faire découvrir les différents modes
d’expression comme la danse, les arts plastiques et le théâtre, la musique ceci permettant
d’enrichir les expériences des enfants. L’éveil n’est pas un enseignement dans le sens
11
traditionnel du terme mais une façon d’appréhender le monde, une démarche ouverte et
créatrice. Son champ d’action est très vaste. Il s’adresse non seulement aux jeunes enfants
(comme on veut le faire croire souvent), mais il évolue et continue en concernant aussi
bien les adolescents que les adultes.
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3 L’EVEIL MUSICAL, POURQUOI ?
3.1
UNE EDUCATION :
Notre société française situe plus volontiers la musique du côté du loisir, c’est à
dire une discipline non obligatoire, que du côté du rite ou de la science. Pour certains, la
musique peut apparaître comme une simple récréation, c’est­à­dire une écoute passive de
disques. Pour d’autres, elle demande beaucoup de travail et paraît inaccessible. Grâce à un
éveil, je pense que la musique peut devenir plus accessible, elle peut aussi développer de
grandes qualités que l’on doit valoriser :
­
l’oreille ; de l’oreille « extérieure » : en donnant les moyens d’une découverte,
d’une exploration du monde, les moyens d’une écoute et d’une relation avec les autres ;
vers l’oreille « intérieure » : cheminement vers la profondeur, vers l’intérieur de soi­même.
­
la voix parlée et chantée et, par l’éducation de la voix, une maîtrise de soi,
psychologique et sociale.
­
le corps, en travaillant une certaine gymnastique, en utilisant la rapidité et la
précision (contrôle du geste).
­
une meilleure appréhension du temps (faire des sons longs ou des sons courts), de
l’espace (d’où vient le son que j’entends), il aiguise la curiosité et l’imaginaire de
l’enfant
­
des facultés intellectuelles : pas de musique sans analyse, synthèse, concentration,
mémoire.
­
une aptitude à l’expression et à la communication : former à la communication,
c’est donner les moyens de parler, de s’exprimer au delà de la pudeur, de
s’extérioriser.
13
­
une capacité au plaisir, le plaisir qui nécessite effort, rigueur, perfection,
conviction, foi et désir.
L’éducation à et par la musique est, par le moyen d’une liaison indissoluble entre physique
et psychique, la voie ouverte à l’acquisition d’une liberté de penser et d’agir. Elle va
développer une plus grande sensibilité et aider l’enfant à construire sa propre personnalité
en lui donnant un moyen d’entrer en relation avec lui­même et avec les autres.
3.2
UN DROIT
En référence à la convention internationale des droits de l’enfant :
Article 29 :
Les Etats parties conviennent que l’éducation de l’enfant doit
a) favoriser l’épanouissement de la per sonnalité de l’enfant et le développement
de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de ses
potentialités…
Article 13 :
L’enfant a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté de
rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans
considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par
tout autre moyen du choix de l’enfant.
14
Article 31 :
1.
Les Etats parties reconnaissent à l’enfant le droit au repos et aux loisirs,
de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge, et de
participer librement à la vie culturelle et artistique.
2.
Les Etats parties respectent et favorisent le droit de l’enfant à participer
pleinement à la vie culturelle et artistique, et encouragent l’organisation à
son intention de moyens appropriés de loisirs et d’activités récréatives,
artistiques et culturelles, dans des conditions d’égalité.
Si le monde musical est parfois décrit comme élitiste, l’éveil musical des tout­petits
et l’implication des parents permet sans doute de briser cette image. Bien sûr, la musique
n’est pas le seul moyen d’ouverture et tous les enfants et les parents ne sont pas toujours
attirés par cette discipline, mais rares sont ceux qui refusent totalement de s’y intéresser. Il
convient de respecter le choix de l’enfant et lui laisser la possibilité de s’exprimer avec
d’autres moyens. Mais je parlerai plus spécialement de l’éveil musical dans mon exposé.
15
4 L’EVEIL MUSICAL POUR TOUS :
Il est question de partenariats, c’est à dire de collaborations et d’échanges. Il s’agit d’un
quatuor formé par l’enfant, le parent, l’instituteur et le musicien.
4.1
A LA MAISON
Le rôle essentiel des parents
4.1.1 Offrir un environnement riche et varié
L’enfant réagit affectivement aux sons, aux musiques qu’il perçoit. Les parents
jouent un rôle important dans l’éveil de ses goûts musicaux. Ecouter les musiques les plus
variées, en observant ses réactions, va l’aider à développer ses affinités musicales
personnelles. L’éventail des musiques proposées doit être assez large. Trop de familles à
tendance « musique classique » dénigrent la variété. Inversement, on entend parler de « la
grande musique » sur un ton péjoratif. Nous assistons presque à une ségrégation
socioculturelle. On ne mélange pas les couches sociales, on ne mélange pas les genres
musicaux. Dommage ! Les musiques ethniques, le jazz, les musiques traditionnelles sont,
elles aussi, d’une richesse incomparable et nous font découvrir des sonorités insolites. Les
médiathèques possèdent des rayons de musiques du monde de plus en plus développés.
4.1.2 Eveiller la sensibilité affective auditive
Il faudrait éveiller également chez l’enfant l’amour du son. Ecoutant des chansons,
des morceaux qui lui plaisent, il aura envie de les reproduire. Là encore, les chansons
populaires sont des trésors inépuisables qui peuvent le mettre en joie. Ce qui plaît à
l’enfant dans une chanson, en dehors des paroles qui peuvent l’avoir frappé, c’est l’air. La
mélodie est directement liée à la sensibilité affective. Elle peut traduire toutes nos
émotions, nos désirs, nos sentiments. Enfin, j’ajouterai que la relation affective qui lie
l’enfant à la personne qui transmet (parents, grands­parents, éducateurs..) est importante
pour éveiller la sensibilité auditive.
16
4.2
A L’ECOLE
Partenariats entre musiciens intervenants et instituteurs
Commencer dans les maternelles et même dans le cycle élémentaire, par ouvrir, par
sensibiliser les enfants à la musique : créer un solide appétit de musique, donner à aimer la
musique. C’est le lieu qui garantit le plus l’accès pour tous à la culture et la possibilité de
développer des activités artistiques et culturelles dès le plus jeune âge, quels que soient le
milieu social et le lieu de résidence de l’enfant. Pour certains, ce sera une préparation et
pour d’autres un but en soi : une expérience d’invention et de recherche peut être riche
même pour qui ne pratiquera jamais un instrument. Ce travail est donc destiné, en premier
lieu, aux éducateurs à qui l’on devrait s’efforcer de donner les compétences nécessaires à
un tel enseignement, et jouer sur le travail en commun entre plusieurs partenaires :
instituteurs et musiciens intervenants. Beaucoup de maîtres sont convaincus de la nécessité
de développer les activités d’éveil esthétiques et ont commencé, dans leur école, à mettre
en place des ateliers d’éveil musical, de danse et d’expression corporelle. Mais ils ont du
mal à organiser ce travail de façon durable, à formuler des objectifs clairs et à établir un
véritable projet éducatif pour l’enfant, dans l’école. J’ai été frappée de constater que,
aujourd’hui encore, certains instituteurs ignorent l’existence de musiciens intervenants
dans les écoles. Il est urgent que l’Education Nationale reconnaisse davantage l’importance
de leur présence dans l’école et les nomme peu à peu au sein des établissements.
Le musicien intervenant sait, avant tout, mettre ses compétences au service des
enfants et des professeurs des écoles, lieu privilégié de l’éveil et de l’accès à la culture
pour tous. Praticien de la musique vocale et instrumentale, formé à la direction de chœur, à
l’interprétation vocale, au chant traditionnel, à l’improvisation et à l’arrangement, il a le
rôle et la fonction d’un « généraliste », d’un praticien professionnel couvrant un large
champ d’actions. Formé aux questions de la transmission et de la pédagogie musicale, il
donne, par l’activité et le jeu, le plaisir et les moyens d’accéder à la musique, et cela dès
l’école maternelle. Il développe en milieu scolaire une pratique artistique, tant vocale
qu’instrumentale, où les activités d’interprétation, d’écoute et d’invention se croisent pour
assurer, en partenariat avec les maîtres, une éducation musicale de qualité. Il s’intègre dans
les choix et les objectifs de l’école et participe à la démarche globale du professeur des
17
écoles. Formé aux sciences de l’éducation et au partenariat, il développe dans le cadre de
projets conçus et menés en collaboration avec eux, la créativité et le sens critique des
enfants. Il développe la confiance en soi, le respect et l’écoute de l’autre qui participe à
l’épanouissement personnel. Il est le professionnel qui permet de faire exister et vivre des
projets de partenariats. Au sein des écoles primaires, avec les professeurs d’école, entre les
écoles primaires et les écoles de musique, au sein ou entre les différentes structures
éducatives et culturelles, il est au cœur d’un objectif centré sur la diversité des publics, leur
environnement,
leur
territoire
pour
qu’éducation
artistique
se
conjugue
avec
développement culturel.
Les nouveaux programmes affirment que la polyvalence des maîtres donne sa
spécificité à l’école primaire, car il ne s’agit pas de juxtaposer des enseignements, mais de
favoriser des démarches interdisciplinaires. Ceci dans les conditions idéales où les maîtres
auraient une formation polyvalente, ce qui n’est pas toujours le cas. L’appel à des
intervenants extérieurs est donc possible. D’ailleurs, pour tous les instituteurs, en
formation, ou en poste, dans le cadre de la formation initiale ou continue, un « partenariat »
peut se développer avec les CFMI et les écoles de musique. Il s’agit, dans tous les cas, d’un
échange de compétences utile à tous, car si les compétences musicales des structures
spécialisées sont nécessaires à la formation musicale de l’instituteur, celui­ci est, pour ces
établissements, un partenaire précieux et éclairant. Les premiers cycles des écoles de
musique et des conservatoires ont un besoin constant de travailler avec des instituteurs
pour profiter de leur expérience et de leur compétence.
Même s’il s’agit du lieu favorisant le plus l’accès à la musique pour tous, éducation
ne signifie pas exclusivement école : développer le sens musical et créatif concerne tout
aussi bien la famille, la crèche, et les différents milieux d’animation. Plus l’expérience
préalable de recherche sonore et de création aura été profonde et aura développé le sens
musical, plus le travail technique, ensuite, paraîtra nécessaire et naturel. Pour progresser
dans l’étude d’un instrument ou d’une quelconque technique, il faut en avoir envie, savoir
où l’on va, il faut déjà avoir un goût musical. La famille l’apporte quelquefois, dans le cas
contraire, c’est à une pédagogie d’éveil qu’incombe cette tâche.
18
Trois attitudes me paraissent importantes à développer pour éveiller le goût musical :
4.2.1 Un goût du son
C’est une première qualité du musicien, c’est une certaine sensualité de la sonorité
qui s’accompagne d’une habileté à l’obtenir sur un instrument. C’est une pratique où l’on
valorise la sensation sous toutes ses formes, aussi bien sur le plan tactile que gestuel,
qu’auditif naturellement. Toucher un instrument aussi simple qu’un tambourin, avoir un
contact physique avec cet objet, c’est important pour l’enfant ; lorsqu’il s’aperçoit qu’en le
grattant, le secouant, le frottant, le frappant, il se passe quelque chose de différent, il établit
instinctivement la relation entre son geste et le résultat sonore, il prend en quelque sorte
possession de l’instrument. Cette appropriation s’associe avec la conscience de son pouvoir
de décision, c’est lui qui choisit son mode d’approche de l’objet, et ceci contribue à
développer son sens de l’autonomie.
4.2.2 Une dimension imaginaire de la musique
Les sons prennent un sens, ils peuvent évoquer des états affectifs, avoir une valeur
symbolique, ou bien donner naissance à des images. L’accès au symbolique est une étape
très importante du développement de l’enfant. L’enfant qui aborde l’abstraction n’est plus
en prise direct avec le son produit mais est capable de penser dans l’imaginaire. L’éveil
musical permet cette ouverture. Il ne s’agit nullement d’un apprentissage de la musique
aux jeunes enfants. Il se veut avant tout un jeu, une activité, libre ou dirigée, mais qui ne
veut pas obtenir, comme résultat, une performance musicale des participants. La forme
ludique de cette activité est indispensable, elle laisse au jeune enfant libre cours à son
imagination.
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4.2.3 Une organisation
Faire de la musique, c’est, à beaucoup de points de vue organiser. D’abord
s’organiser entre musiciens lorsqu’on joue à plusieurs, mais surtout organiser le son en
agençant des parties ensemble.
Ces trois aspects de la pratique musicale correspondent aux trois formes, telles
qu’elles sont définies par Piaget 1, de l’activité ludique chez l’enfant : « la pédagogie
serait à la psychologie ce que la médecine est à la physiologie ». La recherche du son et du
geste n’est autre qu’un jeu sensori­moteur, l’expression et la signification, en musique,
rejoignent le jeu symbolique et l’organisation est un jeu de règle. Voilà pourquoi cette
analyse est une idée­force de l’éveil musical ; on va trouver, chez les enfants, un terrain
tout à fait favorable pour développer les différents aspects de la pratique musicale. Avec
les tout­petits, on centrera plutôt l’activité sur le son et le geste, avec les enfants de
maternelle, on développera le caractère symbolique et ensuite, avec les plus grands, le jeu
musical se donnera des règles. Ces trois types d’activité sont spontanés chez l’enfant.
Eduquer les enfants, ce n’est pas les sortir d’un état de néant musical dans lequel ils étaient
supposés être, mais, c’est au contraire, développer une activité ludique qui existe chez eux
et qui est finalement la source même du jeu musical.
1 Jean Piaget, philosophe et psychologue suisse, Psychologie et pédagogie
20
4.3
A L’ECOLE DE MUSIQUE
Partenariats entre la classe d’éveil et la classe instrumentale.
L’apprentissage d’un instrument de musique est une alchimie complexe qui
s’exerce simultanément sur plusieurs registres. La pratique d’un instrument sollicite à la
fois les bras, les mains, les oreilles, les yeux, les émotions, la respiration… La violoniste
Dominique Hoppenot dit dans son livre Le « violon intérieur » : « Le violoniste doit
combiner tout à la fois l’équilibre corporel du danseur, la vigilance et la compétence de
l’artisan, la précision de geste du peintre, la mémoire et la « présence » du comédien,
l’intelligence du lecteur et la vision intérieure du poète ». C’est un beau programme
d’ouverture des sens de l’enfant au monde.
La logique voudrait qu’il y ait un échange entre la classe d’éveil, si elle existe, et le
premier cycle de la classe instrumentale. C’est rarement le cas, peut­être que certains
professeurs ne se sentent pas concernés par l’éveil. Pour eux, l’apprentissage de la musique
commence au premier cours d’instrument, et c’est alors que le vécu, le passé musical de
l’enfant, l’enfant lui­même est mis à la trappe. On voit très rarement la visite de
professeurs d’instruments dans la classe d’éveil pour présenter leur instrument. Ces visites
pourraient être un point fort et permettraient aux enfants de toucher de près l’instrument,
de l’essayer, de l’entendre. On voit encore moins certains élèves des classes instrumentales
aller rendre visite à la classe d’éveil pour faire écouter un morceau qu’ils ont achevé. Cette
absence de relation est la raison pour laquelle je tiens à démontrer les bienfaits des
échanges entre les différents intervenants auprès des enfants. Prenons l’exemple d’un
travail qui va lier les apprentissages : à partir d’une chanson apprise en éveil, ou en
formation musicale, ou à la maison, ou bien encore une chanson inventée, chercher un
accompagnement simple au piano me paraît judicieux pour pouvoir jouer et chanter en
même temps. Ce travail d’indépendance permet à l’enfant d’apprendre un savoir faire tout
en se sentant valoriser car on est parti de la chanson qu’il proposait.
21
4.3.1 De la classe d’éveil à la classe instrumentale :
Y a t­il une rupture lorsqu’un enfant passe de la classe d’éveil à la classe
instrumentale ? Oui, parfois la rupture est même brutale pour les enfants lorsqu’ils
amorcent la pratique instrumentale : les choses sérieuses commencent… Cette rupture est­
elle nécessaire ? Non, je ne crois pas. Au contraire, c’est en douceur, dans la continuité de
son développement et pendant la formation du Ier cycle (4 ou 5 ans) que l’enfant pourra
s’approprier les savoirs.
Quand le terrain a été préparé, que l’enfant a développé un savoir être (qualités)
nécessaire pour pouvoir lui transmettre le savoir faire (compétences) à l’instrument, on va
réinvestir l’éveil à l’instrument et suivre son évolution tout en mettant en place les bases
musicales et techniques.
Oui mais voilà, la réalité est toute autre ! Les enfants qui arrivent dans une classe
instrumentale ont rarement eu le parcours décrit plus haut. Comme je l’ai montré, tout va
dépendre du contexte familial, de l’école fréquentée (a­ t­elle mis en place un suivi d’éveil
artistique grâce à un partenariat ?), de l’environnement dans lequel évolue l’enfant. Il faut
faire face à la réalité : tous les enfants ne partent pas avec les mêmes chances, et cela
malgré les droits cités précédemment de la convention internationale des droits de l’enfant.
Alors est­ce trop tard pour un enfant qui n’a pas eu la chance de pouvoir se
développer dans un univers sonore riche et varié ? Est­ il mis hors circuit ? Je ne pense pas
qu’à partir d’un certain âge, on ne puisse plus éveiller une personne à la musique, mais il
est certain que petit, l’enfant est en cours de « construction » et donc plus facilement
disponible. Il sera plus spontané.
Observons tout d’abord l’enfant qui arrive au premier cours d’instrument,
interrogeons­nous sur son vécu sonore et évaluons les besoins prioritaires, le rythme
adéquat pour lui, face à l’apprentissage de l’instrument qui nécessite, je le rappelle,
beaucoup de rigueur. Si l’éveil des sens est inexistant, prenons le temps nécessaire pour
l’activer. Que ce soit avec un enfant, un adolescent ou un adulte, il n’est jamais trop tard
pour susciter la curiosité et l’envie. L’erreur serait de ne transmettre que le savoir faire
pour aller plus vite, au détriment de l’épanouissement de la personne. L’éveil n’est donc
pas réservé aux petits et il ne doit pas être exclusivement réservé à la classe d’éveil.
22
Chaque enseignant spécialisé dans son domaine doit se sentir concerné et s’y investir pour
pouvoir partager sa passion et transmettre un savoir.
4.3.2 La mise en place d’un éveil instrumental
4.3.2.1 Choisir un instrument
A un moment ou à un autre de la vie d’un enfant, se pose la question d’apprendre la
musique. La demande est formulée soit par l’enfant, qui a vu quelqu’un dans son entourage
ou à la télévision jouer d’un instrument, soit par les parents. Leurs motivations peuvent être
diverses : l’idée que la musique est une source d’équilibre, ou bien qu’il faut que l’enfant
s’occupe, si ce n’est le fait qu’ils voudraient lui faire faire ce qu’ils n’ont jamais pu faire.
Mais est­il vraiment motivé ? Parents et enfants sont­ils conscients que l’apprentissage
d’un instrument demande un effort certain de la part de tous : un travail personnel pour
l’enfant, ainsi qu’une aide de la part des parents ? Même si cette aide ne nécessite pas des
connaissances techniques, elle requiert néanmoins une certaine disponibilité pour
apprendre à l’enfant à s’organiser, pour le stimuler et valoriser son travail. Certains parents
sont surpris quand je leur dis qu’il faut un travail régulier de l’instrument à la maison. En
général, les autres activités auxquelles participent les enfants ne nécessitent pas de travail
personnel. Les enfants vont au judo ou à la danse et une fois sortis n’ont plus rien à faire.
Mais l’apprentissage de l’instrument ne peut se faire uniquement pendant l’heure du cours,
ce qui en décourage quelques uns, parents, enfants, et même voisins quelquefois.
La première condition pour aborder l’étude d’un instrument est que l’enfant en ait
envie. Cela doit être son choix, non celui des parents. Il n’est pas toujours facile de
mesurer cette envie, et nous entrons là dans l’ordre du subjectif. Il est certain que si un
enfant veut aujourd’hui faire de la trompette, demain du saxo, et dans cinq jours du piano,
il ne semble pas être très sûr de son choix. Il vaut mieux attendre, et lui proposer des cours
d’éveil musical, qui lui permettront de découvrir tout un monde sonore insoupçonné. Et
même s’il est décidé, a t’il eu la possibilité d’entendre ou d’essayer un éventail assez large
d’instruments ? La réponse la plus courante est négative.
23
4.3.2.2 Des stages découvertes
une préparation physique et sensorielle à l’instrument
J’ai découvert ces stages au conservatoire national de région de Nantes, ce sont des stages
par groupe de trois enfants sur une durée de trois semaines. Il s’agit d’une approche
globale et progressive de la musique à travers l’instrument, la voix, le corps et le rythme.
4.3.2.2.1 Perception auditive :
L’enfant parle avant de savoir lire, de même l’enfant devrait chanter avant
d’aborder l’écriture musicale. L’oreille est primordiale. Mieux vaut former l’oreille et la
voix avec l’instrument avant d’apprendre à réaliser une partition. Chacun possède son
organe propre, qui est ce qu’il est, mais son fonctionnement peut être éveillé, développé et
affiné. L’organe de l’ouie peut être aussi entraîné à un fonctionnement plus rapide.
Contrairement aux a priori, l’oreille peut progresser et doit progresser. On aurait tort de
penser que ce développement s’effectue naturellement parce qu’un enfant s’entraîne tous
les jours à la pratique de son instrument. Il peut hélas, passer son temps à l’instrument
sans jamais se servir correctement se ses oreilles. L’enseignant observera que les élèves
aux oreilles paresseuses se raccrochent à la vision, aux notes, aux sensations tactiles. Ils
sont, de ce fait, incapables de se représenter auditivement la mélodie dans leur tête. Ils la
reconstituent à l’aide du nom des notes : la mémoire visuelle remplace alors la mémoire
auditive.
Préparons le terrain physique et sensoriel de l’enfant face à l’instrument qu’il a
choisi ou qu’il va choisir, afin de permettre aux connaissances intellectuelles inculquées
ultérieurement de faire écho, en lui, à quelque chose de concret. L’acquis sensoriel est la
base à partir de laquelle on éveille ces autres facultés que sont la sensibilité et
l’intelligence. L’intellect a une place importante, il est, en quelque sorte, la clé de voûte de
l’organisation du monde sonore. Mais sans fondement, il est inopérant, voire destructeur.
S’il est trop développé au détriment des autres composantes de l’être humain, il est facteur
de blocage au lieu de rester au service de l’interprétation. Un élève qui n’aurait qu’une
connaissance intellectuelle de la musique serait handicapé, il lui manquerait l’imagination
sonore. Il doit posséder à la fois la connaissance intellectuelle et la sensation, fruit de
24
l’expérience qui lui permet d’appliquer son savoir. La réflexion ne remplacera jamais la
sensation.
En développant l’audition intérieure, on permet à la pensée sonore de créer,
d’imaginer des sons fondés sur la sensation et nourris d’émotions. On peut demander à un
enfant d’entendre la chanson dans sa tête, puis de la chanter telle qu’il l’a perçue et enfin
de la reproduire avec son instrument. S’il possède ce fil conducteur interne, il dirigera son
jeu quel que soit son stade d’apprentissage.
4.3.2.2.2 Perception corporelle :
Qui ne s’est amusé un jour à frapper de la main droite sur sa tête, pendant que sa
main gauche frottait son ventre en tournant ? Ce petit jeu sollicite l’indépendance des
mains et la coordination de deux mouvements contradictoires. L’apprentissage des
instruments de musique n’est fait que de cela. La main droite exécute certaines opérations
alors que la main gauche vaque à d’autres occupations. Les yeux lisent une partition, les
oreilles guident les doigts, et les émotions doivent s’exprimer le plus naturellement
possible au milieu de cet enchevêtrement d’actions. C’est pourquoi la connaissance du
fonctionnement harmonieux du corps, avec des gestes respectueux de l’anatomie, est
indispensable à l’apprentissage d’un instrument de musique.
Un enfant arrivant à son premier cours d’instrument possède déjà son patrimoine de
vie. Toutes ses expériences sont inscrites dans son corps. Le professeur l’accueillera en le
respectant et en utilisant son vécu pour lui faire prendre conscience de son schéma corporel
en rapport à l’instrument et pour qu’il découvre de nouvelles sensations.
5/6 ans est l’âge idéal de l’éveil rythmique, l’enfant a de nombreuses réactions aux
stimulations vibratoires acoustiques. Il peut frapper les rythmes, les danser, vivre les
pulsations à travers son corps. Il apprend les gestes essentiellement par mimétisme, il est
sensible aux jeux, à des images irrationnelles, mais ne supporte en aucun cas de longues
explications théoriques. L’enfant veut et aime faire.
25
Vers l’âge de 7 ans, l’enfant est en général déjà en classe d’instrument et sait aussi
lire la musique : la relation œil­main s’établit.
A 8 ans, sa réaction devient concrète, on peut lui demander une participation
consciente. La pédagogie de groupe est très efficace à ce moment là : les enfants adorent
jouer au professeur. Ils voient sur les autres les défauts dont ils ont pris conscience. La
pratique du chant aide grâce à l’écoute intérieure à l’installation de gestes précis.
Les mains
Que dit la petite main
A la grande qui l’appelle ?
Ca fait juste un petit bruit
Je regarde et tu souris.
Que disent les grandes mains
Aux petites qui s’éveillent,
C’est comme des étincelles
Qui en jailliraient sans fin.
Viens poser tes petits doigts
Non, ça ne te mordra pas !
De ta main ou de la mienne
Pourra naître une chanson
Qui lorsque nous chanterons
Te rendra gai.
26
5 DES FORMATIONS
Mis à part les Centres de Formation des Musiciens Intervenants, il est bien difficile
d’avoir une formation en éveil musical, d’autant plus que les formations continues sur trois
ans s’arrêtent dans plusieurs villes (Limoges, Rennes). Il y a, par ailleurs, des associations
qui proposent des formations ponctuelles : stages de week­end ou pendant les vacances.
Cette formule a ses avantages et ses inconvénients. Pour ceux qui veulent s’initier
sérieusement à l’éveil musical, elle n’est pas suffisante. Si elle peut faire découvrir et
donner envie d’approfondir la démarche, le danger existe qu’elle donne une idée très
morcelée, donc fausse, de l’éveil musical. Par contre, le fait de faire beaucoup de stages,
même courts, mais variés, permet à ceux qui en ont envie, d’enrichir et de nourrir leur
pratique.
Une association, le J ardin des Sons :
Créée en 1987, l’association Le « Jardin des Sons » propose une approche vivante et
sensible de la musique en lien avec le développement de la personne :
Un éveil à la musique : approche globale et progressive de la musique à travers la voix, le
corps, le rythme et les instruments.
Un éveil par la musique : développement des qualités que la pratique musicale peut
éveiller en chacun : l’écoute, l’attention , la créativité, la capacité à ressentir, à s’exprimer
et à communiquer.
Cette démarche, commune à tous les animateurs et formateurs de l’association, s’adapte
aux différents âges de la vie. L’accueil est individualisé, le travail se fait en petits groupes.
Afin de respecter l’identité de chacun, chaque groupe chemine à son rythme tout en étant
relié à un cadre pédagogique, avec une progression précise.
27
Le « Jardin des Sons » propose des formations, animations, rencontres­sensibilisations
pour les professionnels de la petite enfance, de l’éducation , du social, de la santé, du
milieu spécialisé et des ateliers hebdomadaires pour les enfants et pour les adultes.
Une convention de partenariat associe Le « Jardin des Sons » à la ville de Rennes. Il est
ainsi identifié comme lieu­ressource du Conservatoire National de Région, notamment
pour la petite enfance, et dans une approche pédagogique complémentaire de
l’enseignement musical. Le « Jardin des Sons » est une association agréée par « Jeunesse et
Sports » et enregistrée en tant qu’organisme de formation continue.
Ces stages pour les professeurs de formation musicale et d’instrument proposent
une formation plus orientée vers l’éveil musical, et tentent d’inclure les apports de l’éveil
musical à l’enseignement de l’instrument. Malgré cela, ce travail reste encore assez
ponctuel. Il serait intéressant d’envisager la possibilité d’une formation continue en éveil,
adaptée pour les professeurs d’instruments dans les CFMI et de créer ainsi un partenariat
entre les écoles de musique et les CFMI.
28
6 CONCLUSION
Ce tour d’horizon de ce que peut être la pratique de l’éveil musical, a tenté de
montrer, tant son importance que les difficultés rencontrées lors de son application
L’éducation esthétique ne doit pas être un choix de l’adulte fait pour l’enfant et à sa place,
mais un de ses droits, au même titre que l’apprentissage de la lecture ou de l’écriture. Pour
que ce droit devienne une réalité et que les disciplines artistiques puissent exister dans
l’enseignement sur le même plan que les autres matières, il faut une véritable prise de
conscience de leur importance en tant qu’éléments formateurs de la personnalité de l’être
humain. Cette prise de conscience de la prépondérance, de la variété et de l’exigence de
cette démarche se fait peu à peu, grâce au travail d’un nombre de plus en plus important de
personnes qui y croient et qui ont la compétence pour la faire avancer.
L’éveil évolue et doit être stimulé quotidiennement lors de la formation
instrumentale de l’enfant, de l’adolescent ou de l’adulte. Il est indispensable que le savoir
faire soit relié au savoir être. Il est aussi dangereux de concevoir un enseignement basé
uniquement sur le savoir faire que sur le savoir être. Il faudra voyager entre éveil et
apprentissage tout au long de la formation instrumentale. Les deux se conjuguent dans un
esprit de qualité et de rigueur. Cela contribuera à avoir un enseignement exigeant, sans
pour autant décourager l’élève. On lui donnera ainsi l’envie et les moyens de comprendre
une défaillance, d’en identifier les causes et en déduire les solutions. En fait, le terme
« éveil » que j’emploie quand je parle de l’apprentissage instrumental se rapproche de la
définition du Dictionnaire français et Encyclopédie universelle : « donner de la gaieté,
rendre plus actif et stimuler ».
Suis­je en train de parler de motivation ? Bien entendu…
29
7 ANNEXES
7.1
ANNEXE 1
Paris, le 14 Février 2005
COMMUNIQUE DE PRESSE
Projet de loi
d'orientation sur l'avenir de l'école :
la SACD défend l'éducation artistique et culturelle
A la veille de l¹examen par l¹Assemblée nationale <http://www.assemblee­nat.fr> du
projet de loi d¹orientation sur l¹avenir de l¹école, la SACD est préoccupée par l¹absence de
toute disposition relative à l¹éducation artistique et culturelle.
Alors que ce texte entend définir les orientations stratégiques et pédagogiques pour les 15
prochaines années, l¹exclusion des enseignements artistiques du socle des connaissances et
le rejet de l¹amendement allant dans ce sens, proposé en commission par le groupe UDF,
ne peuvent susciter que craintes et inquiétudes quant à leur pérennité au sein de l¹école
républicaine.
La SACD, qui regrette que l¹enthousiasme et la motivation des enseignants ne soient pas
plus souvent soutenus par les rectorats et le Ministère de l¹Education nationale
<http://www.education.gouv.fr> , rappelle l¹apport essentiel de l¹éducation artistique et
culturelle à la construction de l'identité de nos enfants et à l'acquisition du goût pour la
culture.
Elle précise, par ailleurs, que les projets menés, et notamment ceux qui associent des
artistes et des auteurs dans leur démarche, aboutissent fréquemment à des résultats très
positifs. Les élèves, en particulier ceux qui sont les plus en difficulté, peuvent trouver dans
l¹éducation artistique, grâce à la découverte du sensible et au développement de
l¹imaginaire, de nouvelles bases et de nouveaux repères qui trouvent toute leur place aux
côtés des disciplines « rationnelles ».
30
En outre, à l¹heure où la France défend dans les enceintes internationales des positions
ambitieuses en faveur de la diversité culturelle, la SACD juge qu¹il serait très étonnant de
priver nos jeunes concitoyens d¹un enseignement artistique et culturel conforme aux
exigences et à la nécessité de soutenir et de promouvoir cette diversité dans notre pays.
La SACD invite les parlementaires, au­delà de leurs appartenances politiques, à ne pas
faire l¹économie d¹un débat nourri et profond sur les ambitions culturelles qui doivent
exister au sein de nos écoles, de nos collèges et de nos lycées.
La SACD considère qu¹à défaut d¹accorder une place centrale à l¹éducation artistique et
culturelle dans le cadre de la loi, il sera malheureusement très difficile de faire de
l¹apprentissage de la diversité culturelle et de l¹acquisition d¹un savoir artistique l¹un des
socles de l¹école républicaine
SACD : Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques
31
7.2
ANNEXE II
32
8 SOURCES
Textes
Ministère du travail et des affaires sociales ; convention internationale des droits de
l’enfant ; 1990.
Conseil des CFMI ; Musiques à l’école, référence de compétences « musique » pour
l’enfant ; J.M Fuzeau ; 2000.
Revues publiées
Centre de Formation des Musiciens Intervenants ; Musicien intervenant : un métier ; 2005.
Collectif, sous la direction de Herbinet Etienne et Busnel Marie­Claire ; l’aube des sens ;
les cahiers du nouveau né n° 4 ; Stock, 1995.
33
9 BIBLIOGRAPHIE
Delalande François ; la musique est un jeu d’enfant ; Buchet/Chastel, 1984.
Celeste Bernadette ; l’enfant du sonore au musical ; Buchet/ Chastel, 1982.
Gagnard Madeleine ; l’éveil musical de l’enfant ; ESF, 1977.
Berel Eugène ; éveil au monde sonore ; J. M. Fuzeau, 1981.
Lecourt Edith ; le groupe et le sonore ; ESF, 1993.
Agosti­Gherban Christine ; l’éveil musical, une pédagogie évolutive ; EAP, 2000.
Ley Marcel ; la mise en scène du conte musical, éveil esthétique et thèmes d’ateliers ; JM
Fuzeau, 1985.
34