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Conférence Chantée : La Ballade de Bourvil
Bourvil & Morel : les traits communs
Chanson : Ma p’tit’ chanson
Qu’est-ce qu’elle a, mais qu’est-ce qu’elle a donc, la p’tite chanson de Bourvil ? Qu’est-ce qu’elle a qui
nous plaît tant et plus ? C’est pour elle que nous sommes là. Pour en parler, mais surtout pour
l’écouter, grâce au compositeur et pianiste émérite Reinhardt Wagner, à l’accordéoniste swing JeanClaude Laudat, et à François Morel qui s’en fait aujourd’hui l’interprète. François Morel, qui était hier
sur la scène de la Coursive, après en avoir enchanté pas mal d’autres sur sa route fleurie à lui. Ceux
qui l’ont vu seront d’accord avec moi : Morel, c’est un formidable emmerdeur de nostalgie… François
Morel, que des généalogistes mélomanes, et vice-versa, ont recensé comme le fils spirituel de Bourvil,
des Frères Jacques et de Boby Lapointe. Comme parentèle, il y a pire. Par ailleurs, cet artiste multicartes a réalisé il y a quelques années pour la télévision, avec Antoine de Caunes, un portrait de
Bourvil, au motif que celui-ci était arrivé septième dans une émission de statistiques people portant
sur les Français les plus célèbres.
André Bourvil et François Morel ont quelques points communs : ce sont deux Normands, d’abord. Le
point est important. Ce sont aussi deux comédiens, deux auteurs de chansons, deux interprètes de
chansons, deux interprètes d’opérettes (dans le cas de Morel, comme il s’agissait d’une oeuvre
d’Offenbach, Les Brigands, on parle plutôt d’opéra-bouffe). Mais ils n’ont pas exercé ces diverses, et
divertissantes activités dans le même ordre. Morel, qui écrit, joue et depuis peu pousse la
chansonnette, est un jeune contemporain : il est né l’année où Bourvil et un complice nommé Roger
Pierre ont rédigé une certaine, ou plutôt une incertaine Conférence anti-alcoolique. Bourvil, lui, a
traversé plusieurs âges de l’histoire du spectacle. Tout le monde se souvient du comédien et de sa
carrière cinématographique ; on a oublié qu’il a d’abord été chanteur. Comme son idole de jeunesse,
Fernandel, ou comme Jean Gabin. Si on y réfléchit, ça n’a rien de très étonnant : Bourvil est né en
1917 ; le cinéma parlant est arrivé dix ans plus tard, avec un film qui ne parlait pas mais chantait un
peu, et s’appelait Le Chanteur de jazz. Par ailleurs, la T.S.F., ou télégraphie sans fil, a émis pour la
première fois en France quand le futur Bourvil avait six ans, en 1923. Il sera un auditeur passionné
des programmes musicaux, qu’il guettera, gamin, sur le poste de radio de son instituteur. Plus tard, il
causera et chantera lui-même dans le poste.
01 - L’apprentissage de la vie et de la musique
Reprenons, dans l’ordre. Le 27 juillet 1917, il y a donc 90 ans moins treize jours, naît André Zacharie
Raimbourg à Pretôt-Vicquemare, Seine-Maritime (Haute ou Basse-Normandie, monsieur Morel ?). Il
ne connaîtra pas son père, mort à la guerre quelques mois plus tôt. Il grandit avec son frère aîné et
trois autres demi-frères et sœurs : sa mère s’est remariée dans son village natal, Bourville. D’où…
Bon. André aide au travail de la ferme, se montre bon élève quoique dissipé (il fait rire ses petits
camarades) et obtient brillamment son certificat d’études. Il écoute donc la radio chez son instituteur,
reprend les chansons d’une des vedettes de l’époque, Fernandel, son préféré, dans les fêtes
familiales, scolaires et villageoises. Passionné de musique, il apprend à jouer de l’harmonica, de la
mandoline, de l’accordéon et du cornet à piston. Il se fait les doigts et le souffle dans la fanfare du
chef-lieu du canton. Par la suite, apprenti boulanger à Rouen, il entre dans l’harmonie municipale. Et
c’est au cirque de Rouen, en 1936, qu’il voit sur scène son idole, Fernandel. Il est époustouflé, tombe
définitivement amoureux du spectacle, de la chanson, de la musique. (Il est aussi amoureux d’une
jeune fille, qu’il épousera une fois entré dans la carrière de saltimbanque.)
A vingt ans, il s’engage volontairement au vingt-quatrième régiment d’infanterie de Paris, pour faire
partie de la clique du dit régiment, ce qui lui permet d’ajouter le clairon et la trompette à sa panoplie
instrumentale. Il chante pour ses camarades troufions, comme il le faisait pour sa famille et ses
copains, et suscite le même enthousiasme. Il participe aussi aux radio-crochets organisés par le Poste
Parisien ou Radio-Cité (parenthèse à l’intention des enfants de la télé ici présents : rappelons que les
radio-crochets ont précédé les télé-crochets, comme, par exemple, Télé-Dimanche, de Raymond
Marcillac et Roger Lanzac, où la France éblouie a découvert Mireille Mathieu en 1965, et par exemple
quelques décennies plus tard Star’Ac, Popstars, Nouvelle Star, dont vous connaissez par cœur les
numéros pour téléphoner et envoyer des SMS.)
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02 - Les années de la guerre
Donc, en 1938, Bourvil gagne un radio-crochet organisé par une boisson apéritive aromatisée au
quinquina (Byrrh), avec son interprétation d’Ignace, un des grands succès de Fernandel, toujours.
Comme ce dernier, qui s’appelle à la ville Fernand Contandin, il choisira son nom de scène en
modifiant son prénom : Fernand a donné Fernandel, André deviendra Andrel. Mais d’abord, il part à la
guerre : il a été mobilisé en septembre 39. Et sera démobilisé près d’un an plus tard. Il se trouve alors,
par les hasards du commandement militaire, dans les Basses-Pyrénées (Pyrénées-Atlantiques
aujourd’hui). Il y fait la connaissance d’Etienne Lorin, ouvrier imprimeur, accordéoniste (Notons que
notre ami Jean-Claude Laudat a fréquenté, bien plus tard, les cours d’accordéon d’Etienne Lorin) et
tenancier d’un petit cabaret à Pau, où, du coup, le soldat Raimbourg redevient Andrel. Les deux
hommes deviennent amis, et vont longtemps travailler ensemble : Lorin sera le compositeur des
chansons écrites par Bourvil. Dans un premier temps, ils montent tous deux à Paris et galèrent entre
petits cachets et petits métiers : Bourvil est tour à tour cireur de parquets, laveur de carreaux, coursier,
apprenti plombier - pas très doué : plus tard, il dira qu’il a provoqué plus de dégâts en exerçant cette
profession que les inondations de 1910. Lorin le fait engager avec lui comme deuxième accordéoniste
de la chanteuse à succès Marcelle Bordas, qui fait beaucoup de galas et de tournées à l’époque. (Des
historiens peu scrupuleux la présentent comme une femme à barbe. Pas du tout : elle chantait La
femme à barbe, une reprise d’une vedette du caf’conç, Thérésa.) A leurs moments perdus, les deux
compères courent les auditions (ils parviennent même à passer un soir au Casino-Montparnasse,
Bourvil au chant et Lorin l’accompagnant). Ils présentent un numéro de sketches avec accordéon à
des patrons de cabarets récalcitrants. L’un d’eux cependant, qui a un trou dans sa programmation,
finit par accueillir Andrel. Le débutant fait un tabac. Et commence à sillonner Paris, à bicyclette
toujours, pour honorer ses engagements : il présente le spectacle des Préludes à Pigalle, donne ses
p’tites chansons et ses monologues au Liberty’s, au Petit Casino, à La Vie en rose, chez Carrère, au
Club – qui le gardera un an à son affiche…
En 43, il passe au cabaret Le Poulailler, à Charenton. Dans la salle, il y a Georgel, une vieille gloire de
la chanson (le créateur de Sous les ponts de Paris, La Vipère, Du gris… vous savez, celui qu’on prend
entre ses doigts et qu’on roule ?). Georgel, qui a déjà vu et applaudi Andrel, est revenu le voir avec
l’éditeur Michel Fortin, chez qui il travaille comme archiviste désormais. Dans la salle, il y a aussi une
jeune gloire de la chanson, Edith Piaf, qui après le spectacle conseille aux deux hommes d’engager le
jeune homme. Ce qui fut fait. Fortin justement cherchait un artiste capable d’adapter le répertoire de
Polin, le comique troupier du début du siècle. Car le comique troupier, sous l’Occupation, n’est pas un
personnage bienvenu. Comique rural, en revanche, qui est l’emploi du moment d’Andrel, ça pouvait le
faire.
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03 - Une page d’histoire : les café-concerts
A ce stade de notre causerie, une page d’histoire musicalo-patrimoniale s’impose. Commençons par
l’édition. La maison Fortin – qui existe toujours - a donc pris sous contrat Andrel et son répertoire ;
l’artiste a passé son examen d’admission à la Sacem, la Société des auteurs, compositeurs, éditeurs
de musique, et ses chansons sont diffusées en petits formats par son éditeur. Les petits formats, où
sont imprimées les paroles et la musique des chansons, sont vendus depuis la fin du dix-neuvième
siècle, essentiellement par les chanteurs des rues, aux badauds qui apprennent et chantent à leur tour
ces refrains à succès. Certains peuvent atteindre 300 ou 400 000 ventes, comme Nuits de Chine en
1919. Ce sont les tubes de l’époque. Les petits formats commencent à décliner avant la deuxième
guerre, soumis à la rude concurrence de la TSF et du phonographe. (rappel historique express : le
disque 33 Tours succède au rouleau de cire et au 78 Tours en 1939, le disque en vinyle est
commercialisé en 1946 et le microsillon, en 1948.)
Poursuivons notre explication de textes. Polin, le comique troupier du début du vingtième siècle, fait
partie d’une époque de l’histoire du spectacle qui est née à Paris en 1830, avec le premier caféchantant, tenu par un certain Morel (un parent à vous, monsieur Morel ?) sur les Champs-Elysées,
nettement moins cotés à l’époque qu’aujourd’hui. Comme son nom l’indique, c’était un café, où des
chanteurs venaient chanter. Le succès de cette formule tout compris aboutit à deux innovations
majeures : la fondation, en 1850, de la Sacem, destinée à protéger les droits des auteurs,
compositeurs et éditeurs des chansons ; et la floraison de salles de spectacle dédiées à ce
divertissement, appelées café-concerts. Le premier café-concert ouvre en 1858, il s’appelle l’Eldorado.
Dans ces endroits, souvent somptueux, on ne boit pas forcément de café, mais on assiste à des
concerts. Et l’engouement que ceux-ci provoquent aboutit à une troisième innovation majeure : le 31
mars 1867, le ministre des théâtres signe l’abolition du privilège des théâtres. Jusque-là, les artistes
qui se produisaient dans les cafés-concerts avaient interdiction de se costumer, de porter perruque,
d’utiliser des accessoires, de danser, de jouer la pantomime, de dire un texte (ils ne pouvaient que
chanter). Grâce au ministre Doucet, toutes ces pratiques théâtrales ont désormais droit de cité au cafconç. Ce qui enrichit considérablement les programmes de ces nouveaux lieux de spectacles, où cette
libération des moeurs artistiques fait naître des genres inédits.
On n’en fera pas l’inventaire ici, mais on se fera un plaisir d’en citer quelques-uns. Par exemple, les
romancières comiques, qui n’écrivent pas de romans mais chantent des romances. La plus célèbre
d’entre elles est Thérésa, l’interprète de La femme à barbe évoquée tout à l’heure. Il y a aussi les
romancières dramatiques. Et puis les diseuses – qui sont en fait des chanteuses, douées d’une diction
impeccable. Parmi elles, Yvette Guilbert, interprète entre autres de Madame Arthur. (Madame Arthur
est une femme qui fit parler parler parler d’elle longtemps.) Et puis les chanteuses de valses (comme
Paulette Darty, avec Fascination : je t’ai rencontré simplement et tu n’as rien fait pour chercher à/me
plaiaire) ; les chanteurs à voix (dont Antoine Renard, le compositeur du Temps des cerises) ; les
chanteurs sentimentaux (aînés de Tino Rossi) ; les fantaisistes de charme (dont Mayol, avec Viens
Poupoule) ; les chanteurs anglais (qui ne le sont pas forcément : ainsi, Fragson était un chanteur
anglais belge). Côté danse, on compte les gommeuses et les gambilleurs. Côté comiques, nous avons
les scieurs, ou comiques idiots (dont Dranem, et ses immortels P’tits pois, fait partie. Si, vous savez :
ah les p’tits pois les p’tits pois les p’tits pois, c’est un légume bien tendre…), les comiques troupiers
(parmi lesquels Ouvrard père ; Ouvrard fils, connu pour le check-up intitulé Je n’suis pas bien portant
-J’ai la rate qui se dilate, j’ai le foie qu’est pas droit, etc ; et Polin, dont l’éditeur Fortin voudra faire
reprendre le répertoire par Andrel. Polin chantait La Caissière du grand café, et la première chanson à
succès de Vincent Scotto : La petite Tonkinoise). Enfin, dans la catégorie fournie des comiques, on
n’oubliera pas les comiques épileptiques, les comiques ivrognes, les comiques vieux beaux, et les
comiques paysans.
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04 - Débuts de grande carrière
C’est ce dernier genre qu’adopte et adapte Bourvil, on y revient. En précisant qu’André Raimbourg a
assez vite laissé tomber le pseudo d’Andrel pour adopter celui de Bourvil, inspiré du village natal de
sa maman. Bourvil, donc, a opté dès ses débuts, y compris au temps des radio-crochets, pour le
comique paysan, l’idiot du village, lou ravi de la crèche comme on ne dit pas en Normandie, le
niaiseux rural. « L’imbécile heureux, voilà mon emploi », dira-t-il. Vêtu du costume de mariage de son
père, quelque peu défraîchi et pas mal étriqué, l’air ahuri et le rire crétin, l’imbécile heureux rend le
public heureux. La carrière de Bourvil prend son essor. Il écume les cabarets de Paris, de France et
de Navarre, fait trois mois durant la première partie en vedette de l’orchestre de Ray Ventura en
tournée, puis passe dans les plus grandes salles, telle l’Alhambra - un des grands music-halls de
Paris, où Johnny fera ses débuts en 1960, en première partie de Raymond Devos. Quelque vingt ans
plus tôt, Bourvil est passé souvent à l’Alhambra : en feuilletant les vieux programmes de ce lieu
aujourd’hui disparu, on trouve notre héros dans la distribution de la Revue du rire, en octobre 42, aux
côtés d’Ouvrard, Maurice Baquet et Georgette Plana. On l’y revoit en juillet 43, dans Ca sent si bon la
r’vue, avec Georgel et Georges Guétary ; puis dans des opérettes, comme La Bonne hôtesse en 46,
ou Le Maharadjah en 47. Parmi les auteurs et compositeurs de ces opérettes – genre où Bourvil
excelle également -, on note les noms de Bruno Coquatrix, futur patron de l’Olympia, et de JeanJacques Vital, animateur par ailleurs d’une émission radiophonique très prisée à l’époque, Pêle-Mêle.
Après Saint-Granier, qui a fait venir la gloire montante dans son émission Sans tambour ni trompette,
et Pierre Court et Francis Blanche dans la leur, Sans rime ni raison, Vital convie Bourvil à participer à
la sienne, sur Radio-Luxembourg, et l’artiste y donne pendant une longue période des sketches, des
chansons, des improvisations…
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05 - Premiers tubes, premiers succès
Parallèlement, il enregistre en mai 46 ses premiers disques. Ce sont alors des monologues qu’il
grave, puis viendront les premières chansons : Timichiné la poupou et Houpetta la bella, des parodies
de chansons dites exotiques comme c’est alors la mode. Peu après, il se livre à une parodie de la
chanson réaliste : Les Crayons. « Elle vendait des cartes postales, et aussi des crayons… » Cette
chanson-là devient un tube radiophonique. Il va la chanter dans un film, La Ferme du pendu, de Jean
Dréville. Car Bourvil est passé de la scène au cinéma. Plus exactement, il promène désormais ses
p’tites chansons de l’une à l’autre, de l’autre à l’une. Ainsi, La Tactique du gendarme et A bicyclette
figurent dans Le Roi pandore, film d’André Berthomieu en 1949. Signalons également la chanson Un
air de jeunesse, dans Le magot de Josépha de Claude Autant-Lara, en 1963 : les paroles sont de
Bernard Dimey, la musique d’Henri Salvador, le duo enchanteur de Syracuse.
De même, les chansons qui sont nées sur la scène des opérettes prolongent leur succès en faisant
bande à part sur les disques et dans les récitals de Bourvil, comme par exemple Les Haricots, extrait
de La Route fleurie. Les Haricots, c’est une des chansons préférées de Tom Novembre, qui a
enregistré il y a peu un album consacré au répertoire de Bourvil. Et La Route fleurie, c’est un des
triomphes de l’opérette : à partir de décembre 52, elle tient l’affiche de l’ABC quatre ans durant.
Bourvil et Annie Cordy y jouent les faire-valoir du jeune premier Georges Guétary, mais Bourvil y
remporte autant de succès que le beau héros. Pacifico, quelques années plus tard, triomphera
également avec plus de mille représentations. Bourvil y joue avec Pierrette Bruno, avec qui il
enregistrera également des duos sur disque. C’est elle qui racontera, plus tard, qu’elle entendait
Bourvil répéter des heures entières ses chansons à l’accordéon. Car il travaillait très sérieusement ses
chansons légères, et apprit même à jouer de la guitare pour se renouveler. Il est vrai que chanter Un
clair de lune à Maubeuge en s’accompagnant au cornet à piston…
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06 - Petit florilège chanté
Chanson : Un clair de lune à Maubeuge
Celle-là, Bourvil n’est pas le seul à l’avoir chantée. Vous connaissez peut-être son histoire : elle est
l’œuvre d’un chauffeur de taxi parisien, Pierre Perrin, qu’elle a rendu millionnaire. Elle a été adaptée
dans plus de cent langues, dont le japonais. Je suis incapable de vous dire ce que devient le clair de
lune à Maubeuge et le doux soleil de Tourcoing en japonais.
La chanson que François Morel vous offrira au final a eu aussi d’autres interprètes. En revanche, La
Ballade irlandaise avait été refusée par plusieurs avant que Bourvil l’adopte, en 1958. Cette chansonlà a contribué à changer son image de comique, même s’il avait déjà raffiné son personnage d’idiot
rural, y avait mis de la rouerie, de la raillerie et de la tendresse.
Chanson : La Tendresse
Cette veine-là, comme on l’aime. Ca n’empêche pas la tendresse pour L’abonné au gaz ou La Rumba
du pinceau, ou pour La Marche des matelassiers, hymne de guerre de l’inspecteur Bérurier, l’acolyte
du commissaire San-Antonio. Frédéric Dard a écrit les aventures du commissaire, et la chanson des
matelassiers, et Bourvil, qui aimait le lire, l’a chanté. Ca n’empêche pas non plus qu’on a beaucoup ri
à la parodie du Je t’aime moi non plus de Gainsbourg et Birkin,que Bourvil a commise en 1970 avec
Jacqueline Maillan, quelques mois avant sa mort, le 23 septembre.
On aime ces p’tits airs-là ; et on aime que Bourvil ait été le premier à avoir chanté du Boby Lapointe,
son frère en fantaisie tendre (il avait choisi Aragon et Castille, et ça lui allait très bien). Et un des
premiers à avoir chanté Michel Berger , qui lui a écrit Les Girafes en 67. Il avait la main verte pour ses
chansons, Bourvil, comme pour son jardin. Et on aime Mon Frère d’Angleterre, une chanson très belle
et très triste qu’a reprise Jean-Louis Murat, et qui est de la famille de Ces gens-là, de Brel, et de la
Marie-Jeanne de Jo Dassin (qui dans la version originale de Bobby Gentry, était un Billy Joe), une
espèce de drame rural bergmanien. Et on aime écouter danser un petit bal perdu.
Chanson : C’était bien (le petit bal perdu)
Cette chanson, comme Ma p’tite chanson et Mon frère d’Angleterre, est signée Robert Nyel et Gaby
Verlor. Tout le monde l’appelle Le petit bal perdu, mais son vrai titre, c’est : C’était bien. Comme ça,
tout est dit : Bourvil, c’était un faux ahuri, un vrai fantaisiste, un crooner tendre et un merveilleux
joueur de voix, de mots, de sourire et de mélancolie. En deux mots : Bourvil, c’était bien. On va finir
sur une note joyeusement estivale, et pour l’occasion ressusciter les petits formats…
Chanson : Salade de fruits