09 )(8* =-0 - Féministes radicales

Transcription

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sommaire
Variationssurdes thèmescommuns....
3
Christine
Delphy Nos amiset nous.
Les fondements cachés de quelques
21
discourspseudo-féministes
féminité
Nicole-ClaudeMathieu Masculinité/
JalnaHanmer Violenceet contrôlesocial des femmes. .
MoniquePlaza
51
69
Pouvoir «phallomorphique»et psycho91
logiede «la Femme»
Collectif de rédaction : Colette Capitán Peter, ChristineDelphy,
Emmanuelede Lesseps,Nicole-ClaudeMathieu,Monique Plaza.
Directricede publication: Simonede Beauvoir.
Jacques- 75005
Correspondance: ÉditionsTIERCE - 1, rue des Fossés Saint-
3
Variations
surdes thèmescommuns
radicale
Une revuethéoriqueféministe
ne disposepas d'unlieu
Ce projetestné du constatque le nouveauféminisme
de débatthéorique,alorsqu'il en ressentplus que jamais la nécessité.La presse
et c'est non seulementde
est dans ce pays pratiquement
féministe
inexistante,
revuesthéoriquesdontnous avonsbesoin,maisencorede mensuelsde grandedifEmmaen Allemagne,
fusion(commeSpareribenAngleterre,
Effeen Italie).Il nous
non pas un maisplusieurs
faudrait
journauxmilitants
(commeTétaientLe Torchon
Les Pétroleuses,
commel'estHistoiresd Elles). Il seBrûle,Les Femmess'Entêtent,
rait souhaitableque la presse d'information
pure (comme L'Informationdes
Femmes)soitdéveloppéeet multipliée.Si nous avonschoiside nousconsacrerau
d'une revue«théorique»,c'est parceque cetteformule
lancement
noussembleégaet nonparceque nousla jugeonsprioritaire.
lementnécessaire,
à "théorique"?
Quel sensdonnons-nous
à l'égardde ce terme:
uneréactionambivalente
Les femmes
ontfréquemment
nouséprouvonscertesla nécessitéd'une analyseen profondeur
de l'oppression
des
femmes,mais dans le mêmetemps«théorique»désignetrop souventdes textes
inaccessibles,
apanaged'une élite sociale.Théoriqueéquivautalors à hermétisme
- commesi le caractèreincompréhensible
d'un texteétaitla preuvede sa «scient
ide
son
«sérieux».
Cette
nous
la
briser.
Notre
but
de
voulons
est
fîcité»,
équation,
restituer
son vraisensà la théorieet, du mêmecoup, qu'elle soitl'affairede tout
le monde,que chacunepuissenon seulement
la consommer
maisaussila produire.
Car estthéoriquetoutdiscours,quel que soitson langage,qui tented 'expliquer
les
causeset lefonctionnement,
le pourquoiet le commentde l'oppression
des femmes
en généralou d'un de ses aspectsparticuliers
; c'esttoutdiscoursqui tentede tirer
desconclusions
ou unetactiqueau mouvement
politiques,qui proposeune stratégie
féministe.
cettedéfinition
Privilégiant
politiquedu «théorique»,notrerevues'efforcera
destextesthéorisant
des femmesà travers
deslangagesdivers
d'intégrer
l'oppression
et sur des registres
et considérera
un
différents,
qu'un tract,une œuvrelittéraire,
un articleabstraitpeuventêtremis surle mêmeplan quant à l'élaborapamphlet,
tion d'une scienceféministe.
Mais nous savonsque la simplicité
de l'écrituren'est
pas toujourspossible: certainsconceptsn'existentpas dansla languede tous les
jourset ne peuventêtretraduits.La possibilitéde reformulation
dépenddu niveau
4
du discours.
ou de spécialisation
d'abstraction
La théorie,ce n'estpas seulement
des faits,c'esten mêmetemps
l'explication
la descriptionde la réalité: nous publieronsdonc des textesqui offrentdes
informations
surl'existencedes femmesen Franceet dansles autrespays,surleur
situation
présenteet passée.
Cettediversité
de faireentrer
que nous espéronspouvoirpratiquer
permettra
dansles archives
desécritsd'ordinaire
du discourset de l'histoire
interdits
de séjour,
de proposerà la discussionélargiedes thèmesqui actuellement
ne peuventêtredébattusqu'isolément
dansles groupesféministes.
Une "scienceféministe": commentet pourquoi ?
on étudienécessairement
et leur
Quandon analysel'oppressiondes femmes,
et
la
intériorisée
réelle, l'idéologiequi justifie,idéologie
oppressionmatérielle,
par
les femmeset dontle pouvoircoercitif
Or l'undeslieuxpripermetl'exploitation.
de cetteidéologie- et de sondéveloppement
carellen'estpas
vilégiésd'expression
une
reste
fois
«la
et
en
toutes
les sciences
science»,
produite
pour
particulier
diteshumaines.Une démarcheféministe
inclutnécessairement
une critiquedu discoursscientifique,
le discourssurles femmes
maisaussile discoursprétendu«général» : car quoi de plus révélateur
de la soque les omissions? Les théories
générales
ciété et du psychisme,
les catégoriesde sexe commenaquand elles considèrent
turellessans s'interroger
sur leur genèse et leur naturesociale, et qu'elles ne
desfemmes,
du coup celle-cià leur
pas en comptel'oppression
prennent
reprennent
compte, restantdans l'idéologie sexiste la plus sommaire.De ce fait, elles
à perpétuer
contribuent
des femmes
dansle mêmetempsqu'ellesconsl'oppression
truisent
unethéoriefaussede leurobjetd'étude.
Nous souhaitonsqu'une scienceféministe
puisseadvenir,qui rendecompte
de la formation
etpar
(et de son impactsurles individus),
patriarcale
hiérarchique
là-mêmemodifiel'analyseglobalede la société.L'intérêtde cettescienceféministe
esttrèsquotidien: l'émergence
des discoursféministes
subversifs
nous a permiset
nouspermetde modifier
le coursde nos existences.
Mais aussi,la questionse pose
de savoircommentun pointde vue féministe
dansles champsoù
peut intervenir
s'exerceune sériede pouvoirsdirectsvisantà la reproduction
de la structure
patriarcale.Dans certainsdomainesprofessionnels
(médecine,gynécologie,
psychoassistancesociale),la questionde l'oppressiondes femmesse
logie,psychanalyse,
de
car
pose façonaiguë le problèmede 1' «anormal»y apparaîtsanscesse,entraînantl'intervention
réadaptatrice...
normalisante,
Féminismeradical
C'est en ces termesque nous identifions
notreperspectivepolitique.La
notionde radicalisme
du
constat
de
d'une
luttepolitiquecontre)une oppart
(et
des
femmes
le
social
Pour décrireet démasquer
pression
par système
patriarcal.
- entreprise
cetteoppression,
il fautbriserles évidencesnaturalistes
que les fémi-
5
un de nosplus
nistesont amorcéedepuisplusieursannées,et qui devraitconstituer
avoir
été
solidesacquis. Il n'en est rien : l'évidencenaturaliste,
démasquée,
pour
et pernicieusement
au sein
n'en continuepas moins à s'imposersournoisement
mêmedu mouvement
des femmes(dont certainestendanceslaissentcurieusement
et femmes,le mot «libération»).Le courantactuelde
tomber,entremouvement
attire
la «néo-féminité»,
beaucoupde femmespar son apparenceconstructive,
qui
comme
un
retourau classicisme
commel'enfermeantiféministe,
peuts'interpréter
mentdansun des piègesque le patriarcat
noustend.Carnotreoppression
ne réside
de
dans
le
fait
«n'être
assez
mais
bien au contraire
danscelui de
femme»,
pas
pas
l'êtretrop : nous sommesempêchéesde menerune existenced'individusà part
C'estle système
entière,sous le prétexteque noussommes«femme»,«différente».
notreexploitation,
qui nouspose «différentes»
patriarcal
pourjustifier
lamasquer.
C'estlui qui nousimposel'idée d'une «nature»,d'une «essence»féminine.
Le féminisme
radicalse donnecommepréalablede resterdansle terrain
que
les premières
ont conquiscontrel'idéologienaturaliste.
féministes
Ce qui exige :
• De refuserrésolument
de construire,
de projeterune idée de «La
d'interroger,
Femme»en dehorsde la société.
• Le corollaireétantde déstructurer
la notionde «différence
des sexes» qui ordonneet sous-tend
cetteidée de «la femme»,partieintégrante
de l'idéologienaturaliste.L 'existencesocialedes hommeset desfemmesne dépendnullement
de leur
naturede mâleetde femelle,de la formede leursexeanatomique.
Dans une sociéténon patriarcale,
la questiond'êtrehommeou femmen'aura
à
pas se poserdansles termesoù elle se pose aujourd'huipour nous.Tous les traAu plandespratiques
vaux,toutesles tâchesserontassurésparhommeset femmes.
entrehomo-et hétéro-sexualité
n'auraplusde senspuisque
sexuelles,la distinction
les individus
se rencontreront
surle fondement
de leursingularité
(individuspécifitelle
avec
et
que
histoire) nonsurceluide leuridentitéde sexe.
Détruirela différence
des sexesc'estsupprimer
la hiérarchie
qui existeactuellemententredeux termesdont l'un est référéà l'autre,et infériorisé
danscette
le «droità la différence»,
car cela signifie
comparaison.On ne peut revendiquer
dansle contexteactuelle droità l'oppression.
C'estle droità l'autonomieque nous
visonsen premierlieu (ne plus êtreobjetsde, appropriées
en
par) ; à la singularité
dehorsde toute référence
à l'identitésexuelleen secondlieu. Cela ne signifie
pas
que «nous voulonsdevenirdes hommes»,cardansle mêmetempsque nousdétruisonsl'idéede «La Femme», nousdétruisons
aussil'idée d' «Homme».
• La destruction
de l'idée d' «Homme» : cettenotionconstitueun autrepiège
nous a permisde démontrer
en quoi la
patriarcal.
Démasquerl'idéologienaturaliste
la
le
science,les théoriesétaientsexistes.De là à affirmer
que pensée, langage,le
aux femmesparcequ'ils sont«masculins»,il n'y avait
discours,sonthermétiques
qu'un pas. Celles d'entrenous qui l'ont franchis'enfoncentdans une position
d'échecqui nousdessert.Nouvellespirede l'oppression
que nousdevonsdénoncer:
- d'une part,en rappelantque quand nous nous reconnaissons
nous
opprimées,
ne résumonspas notre«être» : le systèmesocial est contradictoire
nous
puisqu'il
de décrypter
les
permet,en dépitde l'oppressionqu'il exerce,d'êtreféministes,
6
notamment
de traquerles «évidences»idéologiques
mécanismesde l'oppression,
du langage;
et ce, en nousservant
dansles discours,
- d'autrepart,en affirmant
qu'il n'y a riendansle systèmesocialqui soit«masculin».Certainsdiscoursde la science,certainsconceptssonttronquéset falsifiés
parce qu'ils sontfondéssurdes rapportsde pouvoir,et nonparcequ'ils sontélade rapboréspar des «hommes».L' «ennemiprincipal»est un typehiérarchique
portssociaux,où les hommessont impliquésen tant qu'agentset non en tant
qu'êtresbiologiques.
Le féminisme
radicals'exprimeaussi en référence
aux courantspolitiques
actuels.Il refusetouteingérence
contestataires,
des groupespolirévolutionnaires,
et considèrecertaines
tiquesen place danssa problématique,
mots
notions,certains
d'ordrecommefondamentalement
falsifiés
de
«lutte
et
se«luttes
(idée
principale»
condaires»; terrorisme
de l'explicationuniquepar le capitalisme).
Il se proposede
retrouver
une démarchematérialiste
en utilisantpolitiquement
certainsconcepts.
Ainsi, si l'on fonde la notion de classe sociale correctement,
dialectiquement
- c'est-à-dire
sur l'existenced'une dynamiqueoppressive,
et non surun contenu
statique-, on peut poser les femmescomme appartenantà une mêmeclasse
socialede genre.Cetteanalysede l'appartenance
de touteslesfemmesà unemême
- est le
classesociale - au mêmetitreque la ruptureavec l'idéologienaturaliste
: la constitution
du mouvraient
de libération
préalablede toutelutteféministe
des
femmesen France,par exemple,a reposé sur l'affirmation
de ce concept,qui
en vigueur.
rompaitavecles dogmesmarxistes
Actuellement
le courantféministe
radical,fondésur ces questionnements
sembleétouffétantdansles pratiquesque dansles discours.A peinené,
subversifs,
ou plutôt re-né,le nouveauféminisme
est menacédans son sein mêmepar une
double droite : la récupération«gauchiste»,d'un côté, la récupérationpar
de l'autre.Ces deuxcourants,
l'idéologiede la néo-féminité,
qui chacunà sa façon,
les intérêtsdu patriarcat,
sontceux qui ont
plus ou moinsdéguisée,représentent
droitde citédanslesmedia...
Pourtantle courantféministe
radicalexiste: il a impulsétoutesles grandes
féministes
c'est
lui
est
de l'oppression
subversif
;
campagnes
qui fondamentalement
des femmes,de toute l'organisation
socialehiérarchique.
en
Enfin, lui se reconnaissentnombrede groupesdisperséset isolésdanstoutle pays.Il est tempsqu'il
puisseprendrela parole,qu'il disposed'un lieu de réunionthéoriqueet politique
pour mettreen communses expérienceset ses analyses,et pour que son acquis
et discuté.
puisseêtrediffusé
C'est à cela que nous nousproposonsde contribuer,
dansles limitespermises
Nousespéronsque cetteentreprise
aux textes
parune revuetrimestrielle.
permettra
dansles tiroirs,
d'en sortir,et aussiaux textesqui n'ontmême
qui sonttristement
pas étéécrits,fauted'espoird'êtrepubliés,de l'êtreenfin.
7
•
féministe
Depuisle tempsoù l'on se plaisaità répéterdansle mouvement
que
la théoriede l'oppressiondes femmes«restaità faire»,il s'estécritet ditbeaucoup
de choses,en Francecommeà l'étranger,
contribuant
à une ou des analysesde
et aboutissant
à desprisesde positiontactiques.
cetteoppression
L'achoppementmarxiste
Dès le début du mouvement,
deux courantsd'analysede l'oppressiondes
femmesont émergé,l'un qui s'est appelé«féminisme
révolutionnaire))
(aux Etats- et l'autredit «tendance
Unis,«féminisme
radical»)- auquel nous appartenons
luttede classes».Ce derniera tentéde trouverune «articulation»,
commeon dit,
entrela luttedes femmeset la luttede classes,à partirde la théoriemarxiste,
mais
sans la contesterdans ce qui nous semblenon seulementses lacunesmais ses incohérences
des femmes.
Pourcettetendance,
quandil s'agitde «situer»l'oppression
il ne s'agissaitque d'ajouterdiversesconsidérations
surles femmes,
sansremettre
en questionle principedu monopolede la classeouvrière,
censéecontenirdanssa
luttela subversion
totaledu système
: le capitalisme.
Contester
surle seul
oppressif
sexistes,sansfondercettelutte
plan idéologiqueles mentalitéset les institutions
suruneanalysematérialiste
de l'oppression
des femmes,
estinsuffisant.
Il fautrelier
les mentalités,
les institutions,
les lois sexistesaux structures
socio-économiques
qui
les soutiennent.Ces structures
formentun systèmespécifiquepar rapportau
et nousle nommons: patriarcat.
systèmecapitaliste,
L'analysede base du système
de
des rapportsde production
(commesystème production,
patriarcal
comportant
a
entre
les
été
faite
MLF et nous voulonsdans
au
sein
du
sexes) déjà
particuliers
cetterevuecontribuer
à sa compréhension
et à son approfondissement.
Rappdons
trèsbrièvement
cetteanalyse:
Si leshommessalariéset unepartiedesfemmes
45 %)
salariées,environ
(les femmes
subissentune exploitation
les
commune
dans
de
économique
rapports production
l'ensembledes femmes(celles qui font la «double journée» et les
capitalistes,
femmesau foyer) subissentune exploitationéconomiquecommuneque ne
subissent
ils en retirent
des bénéfices),
dansdes rappas les hommes(au contraire,
de
autres
:
la
des
services
ports production
que capitalistes production
domestiques
surle modegratuit.C'est la gratuitéde ce travailqui le situe,dansl'analyse,hors
du systèmecapitalistedont un des caractèresest le salariat.Les femmesau foyer
s
ne sontpas rémunérées
en fonction
de leurtravail,
ellessontparcontratde mariage
à
dépendantesde leurmari,qui retirede
(théoriquement vie), économiquement
cettedépendanceun pouvoirmatérielet psychologique.
de la déCetteinstitution
des
femmes
se
sur
leur
situation
le
dans
travail
pendanceéconomique
répercute
: le salaire«d'appoint»,le travailà mi-temps,
le chômagesupérieur
rémunéré
chez
les femmes,
etc.,cela veutencorediredépendanceéconomique,obligationdu travaildomestique,
renvoiau foyer.
Cetteanalysenouspermetde définir
les hommeset les femmes
commedeux
d'intérêts
cette
d'intérêts
seulement
lieu
groupes
opposés,
opposition
n'ayantpas
dans la famille.L'infériorité
le
des
femmes
dans
travail
comme
leur
économique
non-accèsaux postesde pouvoir,y comprispolitiques,et leurmoindreaccès au
savoirest à relierà la divisiondu travailentreles sexes,reposantsurl'institution
de
dontla déla famille.Il en résulteun pouvoirgénéraldes hommessurles femmes,
valorisation
l'oppsychologiquedes femmes(outre leur exploitationmatérielle),
pressionsexuelleet les violencesphysiquesexercéescontreles femmessont des
ce pouvoir.
autantqu'unmoyende renforcer
conséquences
Le retourà l'essentialisme
Aprèsnous êtregaréesde la gaucheorthodoxe,qui est à notredroitepuisqu'elleévacuela luttedes sexes,il nousfautencoreparerune autredroite: un noudes sexes,par voix de femmes
vel assautdu bon vieuxdiscourssur la différence
et
cettefois,qui évacuematérialisme
historique dialectiquepourlaisserparlerla
vériténuedu corpséterneldes femmes.
des femmesn'a pas toujoursune
Tout ce qui s'exprimedansle mouvement
ce discoursdes
formethéorique.Cela ne veutpas direqu'il n'existepas derrière
de
Il est important les mettreà jour pourdissiperles amthéoriessous-jacentes.
nous semblent
conscientes,
biguïtésquand ces théoriesimplicites,
pas forcément
du proposapparentqui se veutféministe.
allerà rencontre
Il existeactuellement
un courantde «parolesde femmes»centrésurla reCes «nous sommesceci et nous sommescela, et
cherchede l'identitéféminine.
surtoutpas commevous» seraientune façonde «leur» dire : merde.Bien.Mais
de l'idéologiemascuun refus,une contestation
ce discoursexprime-t-il
vraiment
lineet du système
qui la produit?
et le Corps-Identité
L 'Altérité
éclatement
du langage»,c'est-à-dire
un «éclatement
Des femmesproclament
d'unlangagequalifiédemasculin
parcequ'il véhicule,entreautres,le phallocratisme.
une parole«autre»,qui seraitplus prèsdans sa formedu vécu
Elles revendiquent
vécu au centreduquel est souventmisle Corps.Ainsiles motsd'ordre:
féminin,
les mutiS'il est juste de dénoncerl'oppression,
et parler-le-corps.
libérer-le-corps
il
le
subit
corpsféminin, est danque
lations,la fonctionnalisation,
l'objectivation
D'ailde
l'identitéféminine.
une
recherche
dans
gereuxde se centrersurle corps
9
leursles thèmesde l'Altéritéet du Corpsse rejoignent,
carla différence
la plusvisiet la seuledonton estsûrqu'ellesoitpermanente
ble entrehommeset femmes,
(à
moinsd'une mutation),est bien la différence
des corps.Cettedifférence
a été le
la prisede pouvoird'un sexesurl'autre.
utilisépour«justifier»
prétexte
Lorsqu'ungroupeest au pouvoir,c'estlui qui répandl'idéologie,qui dicteses
catégories.Le groupeau pouvoir,qui a besoinde justifiersa domination,
rejette
dansla différence
ceux qu'il opprime: ils ou ellesne peuventêtretraitésen égaux
puisque...Ainsi les colonisésétaientgénéralement
«paresseux»,«incapables»de
fairefructifier
etc.Ces «différences»,
on ne les attribue
eux-mêmes
leursterres,
pas
à une histoirespécifique,
car l'histoireévolue,elle peut amenerdes révolutions.
Il
estplus sûrpourl'oppresseur
de parlerde différences
invariables
naturelles,
pardéD'où les idéologiesracisteet sexiste.Ainsile statutd'infériorité
finition.
devient
inextricablement
lié au statutde différence.
Or, aprèsque les hommesn'aientcessé de nous répéterque nous étionsdifcommesi ellescraignaient
de ne pas se faire
voilà des femmesqui hurlent,
férentes,
! Tu vasà la
entendreet commesi c'étaitune trouvaille: nous sommesdifférentes
?
à
vais
la
Non,
pêche.
je
pêche
en lui-même,
Le thèmede la différence
quel que soitle contenudonnéaux
: tantqu'il détientles armesdu pouvoir,toute
sertle groupeoppresseur
différences,
dansla seuledifférence
différence
établieentrelui et les autresle confirme
qui lui
:
de
le
les
détenir
noirs
aient
«le
dans
le
et
celle
Que
pouvoir.
sang»
importe
rythme
ne
cela
les
de
:
les
contraire
au
blancs,
force,
change
pas
pas
qu'importe,
rapports
tout attributsoi-disantnaturelconféréau groupeopprimésertà l'enfermer
dans
une Naturequi, étantdonnéson statutd'opprimé,se confondidéologiquement
avec une «natured'opprimé».Dans le contexteactuel,l'oppressionn'ayantpas
la Différence
le caractèresocial),c'estredonner
cessé,revendiquer
(sansen analyser
à l'ennemiunearmequi a faitses preuves.
un «parler-Femme»,
des formesd'expression
Revendiquer
qui seraientspécifiques des femmes,nous paraît tout aussi illusoire.D'une part,le langagedit
«éclaté»prônépar certainesécrivaines,
sembles'inscrire
dansun courant,sinonde
du
moins
de
littéraire
des
où régnent
écoles
desmaîtresstyle
pensée,
répandupar
mâles.D est donctoutaussiacadémiqueque d'autreslangageset toutaussi«masculin». D'autre part,ce parler-femme
est parfoisdit plus prochedu corps,de la
- ce qui veutdirequ'il existerait
des
sensations
etc.
une expresdirectes,
jouissance,
siondu corpsnonmédiatiséepar le socialet qu'en pluscetteproximité
au corpset
à la natureseraitsubversive.
A notrepointde vue,il n'existepas de rapportdirect
au corps; le prônern'estdonc pas subversif
carc'estnierl'existenceet la forcedes
médiations
dansnotrecorps.Tout au
sociales,celles-làmêmesqui nous oppriment
une autresocialisation
du corps,maissansrechercher
une
pluspeut-onrevendiquer
naturevraieet éternelle,recherchequi nous détournede la lutteplus efficace
contre les contextessocio-historiques
dans lesquels l'être humain est et sera
S'il
de
existe
une
nature
l'humain,c'est bien celle d'êtresocial.
toujourspris.
La Femme-Sorcière
et VHomme-Cartésien
On pourraitrésumer
la démarchede certaines
femmes
dansleurquêted'identité en une oppositionentrela Femme-Sorcière
et l'Homme-Cartésien.
Dans le re-
1Û
coursà la sorcièrecommeimagepositivede femme,il y a plusieursaspects: leurs
à leurhistoire; et les attributs
leur
en référence
activitéssubversives,
que certaines
:
de
libération
comme
symboles
prêtent
- contact«direct»avecla nature,avecleurcorpset celuides autres;
- un faire,une pensée,un langageprésentéscommemodèlepositifde culture
;
féminine,
opposéeà la culturemasculine-oppressive
spécifiquement
- et avec tout cela, une auréolede mystèreet de secretévoquantl'idée d'une
un royaumeoù ellessontreines.
chassegardéedes femmes,
de la sorcière,
c'était: l'allianceavecle démon; ses pratiquesmédiLa subversion
dansles «orgies»
cales ; et ses activitéssexuelles,supposéesou non, notamment
sabbatiques.
L'alliance avec le démon,c'était sûrementpour les femmes,pour le peuple
une revanchecontrel'Eglise; maispas un moyende luttecontreelle :
misérable,
c'estconfirmer
croireau Diable,ou fairesemblant,
l'EglisedanssondogmeDiablela Femmeavec les
Dieu. Et mettreen équation,même sous formevictorieuse,
dansl'idéologiede l'Eglise.
Forcesdu Mal,c'estencorerentrer
commeguérisseuses,
Les sorcières
avorteuses,
sages-femmes,
empoisonneuses,
les planteset les corpsnon par osmosemaispourles avoirétudiés
connaissaient
dansla pratique.Si la sorcièreutilisaitefficacement
les plantes,c'est parcequ'elle
les expérimentait,
les classifiait: démarchequ'on nomme«scientifique»
. Ce n'est
mieux
cela
mais
cela
veut
dire
pas
parceque
s'appellescientifique,
que les sorcières
utilisaient
leurcerveaude la mêmefaçonque les hommesqui ontmonopoliséplus
tardla médecine.
Les sorcièresdansaientdansla lande,oui, elless'y cachaientaussi.La nature
le seuldomainede surviequi leur
sauvageétaitpourles femmesles plusmisérables
étaitlaissépar la société.La sorcièrereinedes forêts,
c'estcommela femmedomesd'un
reine
domaine
du foyer.Reine
tiquée
parcequ'excluedes autres.Le mystère,
:
des parias,des hérétiques.
la nuit,la forêt c'est la clandestinité
Maquisd'où l'on
la liberté.
peutse battre,certes,maisqui n'estpas en lui-même
La sexualitédes sorcières? Un aspecttrèsintéressant
du sabbat,d'aprèsce
c'estla contraception.
«Nullefemmen'enrevient
enceinte»,
que rapporteMichelet,
en spectacled'actessexuels,
Il semblequ'il y ait souventsimulation-mise
disait-on.
et aussi pratiquesdites «contre-nature»
pas à la
(parce qu'elles n'aboutissaient
sexueltrèsrationnellement
conception,bien sûr !). Il s'agitlà d'un défoulement
Maîtrisede la procréation,
donc,mais pour ce qui est de la libéraréglementé.
tion sexuelledes femmes...Micheletdécritdans le sabbat «La Femme» qui «se
«s'humilie»,«s'offre»,«se donneà mangerà la foule»,etc. Si la sorprosterne»,
cièreavaitcertainspouvoirs,pour lesquelselle était crainteet respectéedansles
de resterobjet sexuel.
milieuxpopulaires,cela ne l'empêchaitpas, apparemment,
La conclusion,c'est qu'il fautse méfierde ces Trônesde «La Femme»qui la font
Autel(«... sursesreins,un démonofficiait.»).
Quant au langage«autre» de la sorcière,revendiquépar certainesfemmes
- langagedu corps,psalmodie,cri des viscères,etc. (voiremêmeson silencequi
paraît-ils'entend,bien la peine de réclamerla parole,alors...)-, ce langagedu
est-ilsuffisant
corps,ce langage-cri,
pour combattrel'oppression? S'il ne faut
à
pas hésiter hurleravec ses tripesface à un discoursqui vouslaisseà la porte,il
H
un certaindiscours
n'y a pas de raison,en rejetantcomme«masculin-oppresseur»
d'en
le
laisser
aux
hommes.
conceptuel,
L'oppression,il fautpouvoirla
monopole
à
ses
Les hommes
nommer,
l'analyser(mettre jour mécanismes),
pourla combattre.
le monopoledu criviscéralet de l'intuition; là encore
nouslaissenttropvolontiers
a faitsespreuves.C'estfairele jeu de l'opla ségrégation
entremasculinet féminin
de
savoir
et
des
s'interdire
un
outilsconceptuels
sousprétextequ'il les
presseurque
a utiliséscontrenous; de même,parexemple,que de rejeterle travailsousprétexte
masculin»,alorsque l'exqu'il est «aliénant»,inscritdans le monde «compétitif
de l'autonomieéconoclusiondes femmesdu travail(c'est-à-direl'interdiction
même de notre
une
«aliénation»
centre
est
encore
au
mique)
plus grande,
oppression.
C'esten nousrevendiquant
au mondedeshommes,que
différentes,
étrangères
:
nousnousfaisonsleursperroquets
de l'Homme-Culture.
: consécration
Femme-Nature
de l'Homme-Dieu.
Femme-Démon
: consécration
:
gouffre
parl'idéologierégnante.
Femme-Mystère
remplissable
: aubergeespagnoledes idéesreçues.
Femme-Matrice
un
: le sourirede l'impuissanceà dire.La femmedétiendrait
Femme-Sphinx
a
dans
la
lieu
sous
sans
des
celui
doute,
gestation
secret,
que
prétexte
origines
grand
elle en saittrop! Maisellene sait
son corps: du coup elle peutresteranalphabète,
On la ditau-delàde la
savent
c'est
informulable...
ovaires
ce
sait
?),
(ses
pas qu'elle
:
des
du
la
laisser
sciences
formulation, raisonnement,
en-deçà.
pour
: avatarde la femme-corps,
de la femme-sexe,
sexeavide,sexe
Femme-Jouissance
Le
les
à
et
la
nature
sexe
n'importequoi.
capacitéspartifrigide,
rapportspécial
culièresde jouissanceprêtéesaux femmes,
cela nous rappellefortle langagetenu
: «Les ouvriers
surles «nègres»,voiresurles ouvriers
baisent
(en mai68, ce graffiti
Un
les
de
sur
les
hommes
le
mieux») bref, langage l'idéologie
opprimés. siècle,
à la frigidité
ou à la «pureté»pourmieuxutilisernotrecorps.Le
nous renvoient
sièclesuivant,à la jouissance«totale»pournous fairecroireque dansle ghettode
la «nature»nousdisposonsd'unelibertéque n'auraient
pas ceux qui, «aliénés»dans
le social,disposenten faitdesmoyensde contrôlesurnous.
on retrouve
Dans tout ce qui estcensécaractériser
les femmes,
toujoursl'oppres?
sion.Nous avonsl'espritde sacrifice Non, «on» nous a sacrifiées.
materInstinct
nel ? Non, obligationpour les femmesde remplirun certainrôle.Nous sommes
prochesde la nature? Non,on nousdéfendl'accèsaux outilssociauxde la maîtrise,
de la connaissancede notreproprecorps,de la création.De la créationon nous
laisse,par un jeu de mots ambigu,la «création»d'enfants: à conditionbien sûr
codifiéeet «inspirée»par d'autresespritsque le nôtre.
qu'elle soit involontaire,
Le sexe n 'estpas notredestinée
comme nôtrestoutesles potentialités
Nous devonsrevendiquer
humaines,
dont celles indûmentdécrétéesmasculines,c'est-à-diremonopoliséespar les
à leurbotte.Par exemple,le discoursrahommespour nous avoirplus sûrement
tionnel: à nousde le modifier,
à nousd'en choisirle contenu.Parexemple,la vio-
12
lence : à nous d'en choisirles formeset les buts.Mais elle est nécessairecontrela
violencede l'oppression.
Nousvoulonsl'accèsau choix,sortirde l'équationfemmes
= opprimées.
Plus que femmes,
nous sommesdes individus.
seulle mascuJusqu'àprésent,
non sexuée),au général.Nousvoulonsl'accès
lin a droitau neutre(à la définition
au neutre,au général.Le sexe n'estpas notredestinée.
Un homme,Sacha Guitry,
a
dit : «Jeconviendrais
bienvolontiers
les
femmes
nous
sont
si
cela
que
supérieures
ou
pouvaitles dissuaderd'êtrenos égales.»C'estla tactiquedu Piédestal-Paillasson,
encorecelle qui consisteà muterà un poste«honorifique»
dont
on
veut
quelqu'un
se débarrasser.
Ce qu' «ils» veulent,
c'estque nousne marchions
pas surleursplatesbandes,c'est que nous servionsleursbutsen restantà notreplace.L'égalitéestune
menacepourleshommes: menacede la disparition
de leursprivilèges.
Celles dont la démarchequi se veutféministe
consisteà revendiquer
avant
tout(et peut-être
exclusivement
contrela notiond'égali?) la Différence,
s'érigent
té : Quoi ? revendiquer
?
l'égalitéavecl'oppresseur
Mais égalité-avec-Poppresseur
est une contradiction
dansles termes.S'il y a
ni opprimé.Dans le dictionnaire,
égalitéentredeux êtres,il n'ya plusni oppresseur
le mot «égal» estainsidéfini: «Qui estde mêmequantité,dimension,
natureou valeur. Voir: identique,même,équivalent.»Il y a là deux notions,celle de ressemblanceet celle de mêmevaleur.Vouloir,pourles femmes,
êtreconsidérées
comme
ayantautantde valeurque leshommesne peutêtrecritiquable.
S'agit-ilpourautant
de ressembler
aux hommes? Si êtreégalesaux hommessignifie
pardéfinition
qu'ils
et si nous revendiquons
en mêmetempsl'égalitépour
cessentde nous opprimer,
en
tous les êtreshumains,c'est-à-dire
que les hommescessentd'êtreoppresseurs
? Selonquelscritères
? Dans la
général,quelle différence
pouvons-nous
revendiquer
luttepour une sociétéégalitaire,
la différence
que nousposons,en tantque féminous desnistes,estcelle de nos choixpolitiques.Quand,dansune manifestation,
sinonsla vulveavec nos doigtsau lieu de leverle poing,qu'affirmons-nous
? La
de notreluttecontrenotreoppressionspécifique.Nous affirmons
spécificité
que
notrefrontprincipal,en tant que femmes,est la lutte pour la destruction
du
Mais à partirde notrepositiond'opprimées,
de la phallocratie.
systèmepatriarcal,
ce n'est pas une société«féminine»
: c'est une sociétéoù
que nous revendiquons
hommeset femmespartageraient
les mânes valeurs: les mêmes,cela veut dire
nécessairement
anti-hiérarchiques.
anti-phallocrates,
Dans notreluttenous exigeonsla reconnaissance
de notrehistoiredansl'Histoire: histoirede notreoppression,
histoirede nosrévoltes,
histoirede nos apports
etc. Mais nos apportsspécifiques,
il ne fautpas oublierqu'ils
culturels,
techniques,
ont existé,existent,à partird'une divisionsexuelleet hiérarchique
des tâches.Si
nous avonsinventél'agriculture,
la poterie,la sciencedes plantes,la tapisserieou
l'artdu patchwork,
nous devonsles fairereconnaître
commeapportséconomiques
maisnous n'avonspas à nousy cantonner.
Ce que nous
et/ouculturelsgénéraux,
nous proposonset devonsapporter(à la foissurle terrainqui nous a été imparti
en les obligeantà s'y mettre,et surles
par les hommes,mais en le subvertissant,
terrains
: parexemple,musique,mathématiques,
à nousréapproprier
architecture...,
décisionspolitiqueset économiques),c'esten définitive
un changement
globalde la
société,le partagedes tâches,l'accès égal aux moyensde productioncommeaux
outilsculturels.
13
une différence
Nous constatons
biologiqueentrehommeset femmes: ellen'impliun
en
elle-même
rapportd'oppressionentreles sexes.La luttedes sexes
que pas
dans
une différence
entrehommeset femmes
n'estpas biologique.Nousconstatons
à
la
fois
sociale ; des différences
la hiérarchie
Voppresexprimant
psychologiques
sion d'un sexe parl'autreet l'exclusionpourchacundes deux sexesdes potentianousvoulonsles abolir.
litésattribuées
à.l'autre: ces différences-là,
•
•
Une revue"sur"les femmes? Non.
C'estavecqu'ils
Le mot femme,
je ne peux plus,je n'aijamaispu l'entendre.
de
LEURS
fantasmes
cadavre
de
leur
un
mot
m'ontinsultée.C'est
langue,
empli
et
le
MOT.
Avec
bien
revoilà
contreNOUS. Nous, qui ? Les femmes,
sûr,
ça, ils
nousont «eues»,commeILS DISENT.
ce qui se passederrièreleurs
Alors,une revuepour essayerde comprendre
mots,ceux-mêmes
qu'ils nous imposent,parfoisjusque dansnotrerévolte.Savoir
que c'est A leursmots que nous nouslaissonsprendre(femme,amour,responsabilité,honnêteté,fidélité,sentimentmaternel,spécificité
féminine...)mais PAR
travail
leursinstitutions
(très)matérielles
que nous sommeseues (mariage-servage,
gratuiten leur faveur,lois et violence
sous-payépar rapportau leur,sur-travail
du monde...).Ça, ce
contrenous,silenceà nous imposé,exploitation,
dépossession
les suivre? Car,attenn'estpas des «mots». Mais ils jouent des mots.Devons-nous
A cinq ans,c'est fait: ilsconnaissent
tion,ils saventce qu'ils fontmatériellement.
ensuite
les arcanesdu langagedu mépris(à cet âge ils vontdroitau fondamental,
viendrale (même)langage(mais)censuréà usageoppressif: celuides vaseulement
de la Femme-être-spécifique)
leurs«féminines»,
; c'est faitparcequ'ils possèdent
leurépouse).
leurfemme: leurmère(en attendant
déjà matériellement
Pournous,le tempsn'estplus à leursjeux de mots,maisà l'analyseafinque
leursmots ne subvertissent
pas notrelutte. «ELLES DISENT [...] que chaque
Et ce cribledoit être
mot doit êtrepassé au crible»(M. Wittig,Les Guérillères).
celuide la réalité,que masquentleursmots.
Ainsile mot «femme»: nous n'avonsplusle droitde l'employertoutseul,
nous n'avonspas le droitde le penserseul. La réalité«femmes»est sociologique
(politique),le fruitd'un rapportentredeux groupes,et d'un rapportd'oppression.
Le grouperéel des femmesse définitpar sa positionmêmede groupedansce rapdéfini: par
port,toutcommele groupedeshommesest,lui aussi,sociologiquement
Ce
nous
sommes
«des
mais
sa positiond'oppresseur. n'estpas parceque
femmes»,
14
parce que nous sommes,dansce rapport,opprimées,
que nous seulespouvonsdéet
de
les
mécanismes
monter(= analyser détruire)
l'oppression.Et, commetout
en
la tactique
groupe situationde siège,nous devonsentrenousétudieren priorité
de l'agresseur: son comportement
(sa violence,si parfaitement
tranquille)et son
discours(ses mots,par quoi il nous enclôt),le faitqu'il nousaffameet le faitqu'il
Il ne suffîtpas, dès lors,de direque l'agresseur
nous
tentede nous démoraliser.
déniel'existence,ou qu'il nous nie dansnotreexistence,et de prétendre
que, du
notremoi,notre«identité»,
une «autre»
coup, nousallonsentrenous «retrouver»
identité...de femme.Quel assiégépeutse permettre
cela,s'il ne veutpas se suicider
dansl'enclos?
Il s'agitde savoirque notre«identité»sociale,notredéfinition
réelle,matécela. Il fautsavoircomment,
rielle,est d'êtreassiégées,et principalement
parquelle
nous nie la propriété,
la libredispositionde nous-mêmes,
le
stratégie,
l'agresseur
libreaccès à notreproprenourriture.
Actuellement,
historiquement,
sociologiquement,il nous nie en nous affirmant
femmeet en nousobligeantà ce qu'il a décidé
êtrela condition«de femme»
.
Avantde revenir
surce point,reprenons
la métaphore
du siège,et considérons
quels en sontles «moments»- ce termedevantêtreentenduà la foisau sensd'une
évolutionhistoriquede la situationet au sensdes prisesde positiondiverses
qui,au
pointoù nousen sommes,coexistent.
Féminité,féminitude,féminisme: les trois "moments"de la bataille
1. Premier
: Féminité.
Ou : «Toutestpourle mieuxdansl'étatde
moment
est horsde la villedes
siège.»L'assiégeantest aux portesdu ghetto.La nourriture
femmes; les champssontappropriés
C'est un siègetranquille.Il a
parl'agresseur.
bloqué toutesles issues,saufla grandeporte,fleurie(surtoutle jour de la fêtedes
baissémènedansson camp.Tantque les femmesacmères),qui parle pont-levis
ce chemin,d'allerquêterleur nourriture
ceptentd'emprunter
(et en échangede
quel travail,d'ailleurs!), il leurdonnedes miettes.Elles ont encorefaimdansleur
maisça a l'airsupportable; d'autant
dépendance(aspect matérielde la féminité),
leur «fournit»aussil'«explication»:
plusque (idéologiede la féminité)
l'agresseur
c'est que leur constitution
de femme(biologie)EST d'avoirfaim,ellesSONT un
manque...que lui peut combler(la preuve: les miettes).Affaiblies
parle travailellesse disentqu'il doitavoirraison,que «c'est
servageet le manquede nourriture,
contreleursmaîtresles «méchancetés»
commeça» . Tout au plusretournent-elles
qu'ils leuradressent: ILS SONT ceci,ilssontcela,maisça aussi «c'estcommeça»...
refusent
individuellement
la féminité
et deviennent
folles,
Quelques-unes,
pourtant,
ou sonttuées.
2. Second moment: Féminitude.Ou mouvementde reconnaissancedes
femmes.Ou : «J'aiété affaméeparlui, sansdoute(1ère prisede conscience)mais
j'ai de la VALEUR.» Par exemple: «Jesuislégère,je peuxsauteret danser,je vais
construire
autrechose,loin de lui. Jesuislourdede moncorps ; mon
m'envoler,
JE le valorise.»Maiscomment,
«loinde
corpsest beau. Ce moi qu'ils dévalorisent,
15
lui» ? Mais qui, «je» ? Questions critiques.Réponses incertaines.Cette féminitude,
semblable à la négritude,cette différencerevendiquéemais «en mieux», es féminisme culturel, semblable au nationalismeculturel noir, feront-ilsque Ton puisse
se nourrirde sa faim ? Prendreconfiance en soi, dira-t-on,est nécessaire.Certes,et
cela passe nécessairementpar un «entresoi», un entrenous. Mais «soi» est amaigri,
le ventreballonné, c'est le produit de la dynamique de l'affamement,de la dynamique du siège. Nous ne pouvons pas nous contenterde tournersur nous-mêmes,
de danser toutes seules en rond, tandis-qu'/fr
sont là à nous enclore,à nous barrer
les chemins de la liberté. Croire que nous pourrions trouvernotre nourritureen
nous-mêmes,c'est faire un raisonnementessentialiste(l'idée d'un soi auto-nourrissant) ou métaphysique (attendre que la manne nous tombe du ciel). C'est faire
le jeu de l'autre, c'est s'arrêtersur l'artificetactique de l'adversaire(la faim,la féminité) sans voir sa stratégie(le siège, l'enfermement),se centrersur l'effetsans
attaquer la cause. C'est s'enfermerdans un raisonnementstatique, c'est fairel'impasse de la réalité.
La réalité est que les trottoirset les places de la ville sont soigneusement
asphaltés par l'agresseuret que rien ne pousse dans le ghetto qu'il ne l'ait bien
voulu (sauf quelques plantes des murailles,qui ne sauraient remplacerla possession des champs de blé). Même nos qualités «féminines»,comme nos «défauts»,
sont le produit du rapport politique hommes-femmes,le produit du rapport de
siège. Au moins, s'il est une qualité - si obligatoirementet durementacquise dans
notre servitude- dont nous devons nous servir,c'est bien le courage... Le courage
de nous reconnaîtreet de nous rassembler,oui, mais pour forcerle siège.
3. Troisièmemoment : Féminisme. Ou mouvementde libérationdes femmes.
Ou : attaquer les racines sociales de la différence.Ou : «Je ne serai ni femmeni
homme au sens historique actuel ; je serai quelque Personne dans un corps de
femme.»
La réalité est que la nourriture,les champs sont hors du ghetto. S'il est un
«ailleurs» où nous devons aller cherchernotre nourriture,c'est bien là où elle se
trouve, dans l'espace des champs reconquis, au-delà du rapport de siège. S'il est
un «autrement» par lequel nous devons acquérir notre nourriture,c'est bien en
nous battant sur le champ de bataille. Pas en dansant une ronde poétique sur la
place du haut de la ville, celle aux escaliers,comme si nous avions le pouvoir de
remonterle pont-levis,de nous renfermersur nous-mêmes.Car le cœur du problème, c'est bien que la machineriedu pont-levis,les chaînes qui le maintiennent
baissé vers l'assaillant,est non pas dans nos mains, mais dans ses mains. Le champ
de la bataille, c'est la grande porte ouverte de la Féminité,c'est le pont-levisbaissé
de l'oppression, c'est le camp de l'agresseur.C'est pour les traverseren force que
nous devons rassemblernos forces. Chacune de nous ne pourra être «elle-même»
que lorsque toutes nous nous serons réappropriéle monde du réel. (Après seulement, notre imaginaire,comme celui des hommes, sera transformé).Pour le moment, il nous faut de l'imaginationconcrète, tactique, qui procède d'une analyse
des faits.
Est-ce à dire que l'utopie soit à refuser? Certesnon. Les utopies, comme les
cris, nous sont nécessaires : elles sont nos mots d'opprimées,notreimaginationso-
16
l'utopieprocèdeen faitd'une analyse; et il y a plusieurs
ciologique.Simplement,
Les unes
sortesd'utopiescommeplusieurssortesd'analysesqui les sous-tendent.
à
: les
en
la
réalité
savoir
en
donc
contre)
(et
politique,
qui prennent compte
=
un
dans
classe
l'intérieur,
définie
(à
rapport
par)
femmes
sociologiquement
maisdontl'oppressionest elle-même
idéologid'oppressionmatérielet historique,
à
une
le
dominant
soi-disant
détermination
bioloquementrapportéepar groupe
rendre
et
d'elle
seule.
Les
autres
sans
s'en
de
la
classe
opprimée,
qui, parfois
gique
à leur compte(et contrenous-mêmes)
la théoriede l'opprescompte,reprennent
=
:
la
femme.
son
à
savoir
les
femmes
seur, idéologiedernière,
Biologique,idéologique,politique...
à éluciderle rapportentre
Il nous sembleimportant
de parvenir
maintenant
le politiqueet le «biologique».Car - et c'est là une sourced'ambiguïtéet de
confusionpossibledansnosanalyses- nouspouvonsà la foisdirequ'il n'ya pas de
rapportentreune constitution
physiqueet une «condition»socialeET reconnaître
le
il
que pour moment,rapport y a ! Et nous avonsà poser- nonpas cettefausse
de savoirquellesseraientla
(trèsà la mode chez les «scientifiques»)
problématique
du
du
social
dans
le
et
la
d'individus
comportement
«part»
«part»
biologique
sexués - mais bien les questionssuivantes: l)En quoi le biologiqueest-ilpolidit, quelle fonctionpolitiqueremplitle biologique? 2) En
tique ? Autrement
les
aux classesbioquoi (et pourquoi) classessocialesde sexe correspondent-elles
?
de
sexe
3) Comment,matériellement,
joue l'idéologie? Certes,nous
logiques
avonsdéjà des élémentsde réponseà ces questions,
maisl'analyseestà poursuivre.
A.- Le biologiquecommeidéologierationalisant
le politique.Nous savons
définie
le
dans rapportd'oppression)des hommesnous
que la classe politique(=
en natureson pouvoird'oppresdéfinitcommeclasse biologique,afinde justifier
dessexes,maisdansun seulsens.Car,contraireseur.Ils se serventde la différence
il n'ya pas dansleurtêtede
mentà ce que nouslaissentcroireleurshauts-parleurs,
réelledifférence
la reconnaissance
de
des sexes : si tel étaitle cas, cela supposerait
deux groupessexués. Or, eux-mêmes
se pensentcommeêtrepurementsociaux,
généraux,et non pas comme «groupebiologiquedes hommes».Groupe des
hommes,oui. Mais dans leur espritils ont une qualité,nous seulesaurionsune
A la
définieparla maternité).
constitution
(principalement
physique«particulière»
en réponseà «féminité»,
limite,c'est nous qui utilisonsle termede «masculinité»,
dans une analysesociologique; mais pour eux, «féminité»(donnée du registre
social,
biologique)s'opposeà «virilité»(qui est un acte,du registre
psychologique,
humain,commeils se (nous) l'expliquentavec tantd'affreset de complaisance...).
Nous voyonsdoncun groupesocialqui décide,agit,pense,organiseson pouvoirsur
commeseulbiologique.
l'autregroupesocialen le définissant
B. - L'idéologiecommematériellement
dans la réalité.C'est efefficiente
sur notreapparencephysiquequ'ils se basentpour à chaque instant
fectivement
mettreen acte leurpouvoir.(Exemple : un travailévalué«en soi» - c'est-à-dire
17
de sexe, c'est-à-diresi un hommese présente- à
hors de toute considération
femellequi répond
3000 F va baisserà 2000 F si c'est un êtremanifestement
à la petiteannonce.)En bref,notreclassesociale «femmes»,fruitdu politique,a
bien,de par le jeu de l'idéologie,les contoursmatérielsde notrecatégoriebiologique...
C- Le retournement
logique du politiquesur le biologique.A partirde
notreprisede consciencede leurpolitique,et de notreanalysepolitique(à savoir
qu'aucunedes deux catégoriesde sexe n'existe,et donc ne peut se penser,hors
du rapportà l'autre),nousconstatonsqu'en conséquencedu faitqu'ils ont choisi
leurpropreclassepolitiquecoincide
le biologiquepournous définir
politiquement,
l'exclusion
des hommes(physiques)
contours
avec
leurs
aussi
physiques...Aussi,
de nos groupesest l'expressionmêmedu faitque nous avonscomprisleurpolien effet,commegroupepolitique.Nous avons
tique, que nous les considérons,
Eux
n'avaientutilisépolitiquement
totalement
que la nôtre
politiséVanatomie.
comme
LE
Leur
exclusion
«anaseules
sexe).
(en nous définissant
idéologiquement
du
Où
l'on
le
retournement
de
leur
voit
est
un
retour
politique.
logique
tomique»
contre
l'idéologique.
politique
Forcerle siègeou mourir
Si doncc'est bien à partirde notreanatomiede femmesque nousavonsété
c'est bien aussipour ne pas oublier
obligéesde nous rassembler
politiquement,
est
cette
constituée
catégoriebiologique politique,
que
par le rapportsociald'opde
Pour
même
ne pas oublier,pour avoir
et
pression par l'idéologie
l'oppresseur.
le couragede reconnaître
si
de femmesanatomiques,
nous
réunissons
nos
forces
que
en tantque femmessociologiqueset dansle mêmetemps
c'estpournous détruire
leshommesen tantqu'hommessociologiques.
détruire
Nous devonsabolirlesclassessocialesde sexe,et pourcela ne pas nouslaisser
envahirpar l'insidieusequestionde l'identité,des valeurs«spécifiques»à chaque
dansla seulevalorisation
de notre«culture»de
sexe, ne pas nouslaisserengloutir
sexe. Nous ne devonspas oublierque «spécifique»veutdireen premierlieu «qui
en propreà une espèce». Pour nous, il n'y a qu'une seuleespècehuappartient
ce
toutesles hiérarchies
maine, qui excluttoutesles discriminations,
(de sexes,de
races,déclasses...).
Pour nous,l'analysedoit êtred'abordcelle du rapportde forcequi transsur
formeles femmesen femmes.Un discours,une pratiquequi se centreraient
à leurinsulestermesde
les femmescommefemmescourentle risquede reprendre
l'oppresseur: de fermernotrecatégoriesur elle-même.Et, en faisantcela, de
de faire
«laissertomber»toutesles femmesqui n'ontpas la possibilitématérielle
commesi l'agresseur
n'existaitpas - qui n'ont pas le loisirde retomber
dans le
En
de
la
femme-valeur-femme.
ces
nous
nous
retournerions
piège
acceptant termes,
contre nous-mêmes,
contre notre groupe social de sexe, en fabriquantune
«identité»qui cache l'exploitation
et l'oppression,
matérielle
ce rapporttrèsquotidienqui crée notreclasse. Car les femmesles plus femmes,celles qui corres-
18
pondent le plus pleinement à l'actuelle «identité» de notre classe, ce sont les
femmesaux salaires de misère,et celles dont le mari s'oppose à ce qu'elles fassent
grève,les femmes sans salaire du tout, les femmesviolées, les femmesbattues, les
femmesdélaissées avec les enfantsà leur charge.
Ce n'est donc pas nous, les femmes,qu'il s'agit de reconquérir,c'est notreliberté. Nous n'avons pas seulementà promouvoirnotre féminitude.Si nous devons
nous vivifier,si nous devons prendre la parole et l'écriture,si nous devons passer
aux actes, c'est pour transformer
maintenantles rapportssociaux, économiques et
à
amènent
classer
politiques qui
hiérarchiquement,en groupes dits «de sexe», des
individusidentiquementhumains,identiquementsocialisables... Il s'agit d'analyser,
pour le détruire,le système des sexes sociaux. Il s'agit de forcerle siège... ou de
lentementcontinueide mourir.
•
•
Une revuethéoriquepour le féminisme? Oui.
Nous voulons interdirequ'un rapporteurde loi puisse dire, à l'Assemblée,
que les femmes vieillissantescoûtent cher à l'économie nationale et que, pour
l'amour d'elles, on votera la retraiteà 60 ans pour épargneraux employeursl'ennui d'avoir à s'en débarrasser...Nous voulons comprendreet mettre à jour les
déterminantshistoriques et sociaux qui ont permis qu'un groupe social puisse
être traitécomme un bétail : qui ont fait de nous - la moitié de l'humanité- des
êtres domestiqués, élevés en vue de la reproductionet de l'entretiende l'espèce.
Nous connaissons le sens des mots et que «l'amour, l'abnégation, le dévouement» est le langage truqué du mépris,de l'humiliationet de la peur dans nos vies
quotidiennes. Nous - des êtres vivants - traitéscomme des objets, parce qu'une
société fondée sur la violence, l'exploitation et l'oppression suppose, s'agissant
de nous, la dé-possession (du nom, de l'identité, des droits, du corps), le viol,
la terreur,le meurtre.Nous, objets, selon le cas, d'usage, de troc, d'échanges, de
fortune,de bien-être,de prestige,de pouvoir, de manipulation,de science. Nous,
seules de tous les groupes sociaux historiquement dominés, méconnaissant le
caractère social de notre condition parce qu'en tant que femmes,assujetties par
contratssinguliers(de mariage)au patriarcat.
Nous connaissons le sens des mots :«Péternelféminin»,«l'instinct»,le grand
renfermementdans «la nature des choses»... Nous savons que psychologie,catégories de la connaissance, disciplinesdu savoir,valeursbourgeoises,idéalisme,sont
un langage chiffré.Il n'y a pas d'essence. Pas de femme, de féminité,d'éternel
19
féminin.Il y a un groupe social chargé des basses besognes, méprisé d'avoir à le
faire,si peu «spécialisé» que le langage qui nous désigne et nous conformenous
décrit simultanémentcomme le sexe, mais comme celui qui n'en a pas, comme la
déesse-mère et comme la putain, comme l'hégérie et le bas-bleu. Nous savons
que «les femmes» c'est un rapport de force supposant la double journée, la disqualification professionnelle,la plus basse paie, la charge sociale exclusive des
vieux, des infirmeset des enfants. Les uns disent : la femme. Nous disons : les
femmes.
Féministes,nous le sommes parce que la manipulationcommercialede notre
corps, de nos vies, ne nous laisse pas le choix ; parce qu'une société qui permet
l'exposition du sexe des bébés-filles(ex. : le Danemark) montre clairement le
caractère politique de la hiérarchiedes sexes et que ce n'est pas la pornographie
qui procure la jouissance, mais la jouissance du pouvoir qui constitue la pornographie.
Féministes, nous devons montrer le caractère historique, social, donc arbitraireet réversible,de cette hiérarchiedes sexes, et qu'il n'y a de «femmes»que
pour autant qu'un rapportde force inégalitairefait de l'oppression et de l'exploitation d'un groupesocial la condition du pouvoir de l'autre.
20
CLUB DES FEMMES : «Citoyennes,je viens de découvrirsous ce masque perfideun de nos
tyransconjugaux qui s'était glissé parmi nous pour nous moucharder: je demande qu'il soit
passé à la savateen pleine assemblée». ADOPTÉ.
21
Christine
Delphy
Nos amiset nous.
cachésde quelquesdiscours
Lesfondements
tes
feminis
pseudo-
L - LE NEO-SEXISME OU LE FEMINISME MASCULIN
Où Von voit qu'il y a mieux qu'un silence de femme : une parole
d'homme1
Nous comptonsde bons amisparmiles hommes.Nous les fuyonscommela
là la démarche
peste,et eux tâchentde forcernotreintérêt: qui ne reconnaîtrait
mêmede l'amitié!
Y. Florenne,aux premiers
rangsde ceux-ci,n'arrête
pas d'êtreamicaldu haut
de sa colonnedu Monde.C. Alzon,du haut de sa tribunedu mêmeou de sa chaire
de Vincennes,se proclame«féministe».
Nous nous découvronstous les jours de
nouveaux«amis» : P. Laine par exemple,découvertdansun numérospécialque
la QuinzaineLittéraire
a «consacréaux femmes»en 1974 et qui nousa faitl'amitié
dans la revue
d'écrireun livresur nous, SamirAmin qui «salue le féminisme»
Minuit(janv. 1974).
ont plumasculinsde la libérationdes femmes,
Tous ces amis,ces partisans
sieurspointscommuns:
- Usveulentse substituer
à nous.
- us parlenteffectivement
à notreplace.
- Ils approuvent
la libérationdes femmes,
et mêmela participation
des susditesà ce projet,tantque libérationet femmesles suiventet surtoutne les précèdentpas.
- Ils veulentimposerleurconceptionde la libération
des femmes,
qui inclut
la participation
des hommes,et réciproquement
ilsveulentimposercetteparticipaet le sens : la direction,de la libérationdes
tion pour contrôlerle mouvement
femmes.
1. Ce texte a été commencé en 1975. Cest pourquoi la plupartdes articlescités dans la
premièrepartie datent de 1974. Mais, même en ce qui concerne cette année-là,on s'apercevra
vite que j'ai négligénombrede productions.En effetmon propos n'était nullementde dresser
un quelconque tableau de l'année sexisteécoulée, mais de décriredes mécanismesen analysant
des exemples significatifs.
J'ai été les chercherdans toute l'étendue historiquedu mouvement
des femmes,et certainsévénementsrappelés remontentaussi loin que 1970. En 1977, mes
exemplesont toujoursune valeur illustrative,comme un brefpassage en revuede la littérature
actuelleen convaincra.
22
de
soientnos amismasculins,ils ne peuvents'empêcher
Aussi bienveillants
laisserpoindre,à un momentou à un autre,le bout de l'oreille.Ils comprennent
:
de libération
disent-ils
les mouvements
des femmes,
jusque dansleurnon-mixité
En ceci ilsse distinguent
de
«Bien sûr,les opprimésdoiventse libérereux-mêmes.»
et se montrent
à la grandemajoritédes hommes,qui ne comprend
supérieurs
pas,
et qu'ils renientvertueusement.
Eux montrent
une attitude«ouverte»; ilsessaient
de comprendre
parceque ce sontde finestêtespolitiques,du genrequi saitflairer
en tantque finestêtes
avanttout le monded'où soufflele vent.Maisjustement,
de
de
fines
c'est
leur
devoir
Et
analyses. ceci les conduitinévipolitiques,
produire
tablementà repérer,
ici ou là, despointsnégligés
entenparles femmes,
qui restent,
dons-nousbien, les actricesprincipalesde leur libération.Mais,ayantrepéré,il
seraitmalhonnête,voireinamical,de ne pas nous indiquerces pointspar nous
maisfermement.
AinsiChénau,l'un de
négligés.Et indiquerils font,gentiment,
en une page, dans la QuinzaineLittéraire,
nos meilleurssupporters,
produitune
de
définitive
mouvements
des
femmes
et
amitié
des
analyse
oblige
grouffres
et qu'ellesn'ontpas vus,maisque lui voit.Ces mouvements
ontpris
qui lesguettent
une mauvaisevoie- unevoienon-chénauienne.
Son devoir,qu'il assumetristement
mais courageusement,
est de nous avertirque, dans ces conditions(de non-chéà
nous
courons
notreperte.Et croyezbienqu'il en est désolémaisil y a
nauité),
réfléchi
unepage entière.Alors...que peuventdesmilliers
de femmes
et desmilliers
de pagesvenantdu mondeentiercontrela pénétration
d'un
Chénau?
politique
Pourlui,rien Que ces groupesqui travaillent
ans
six
sur
une
depuis
questiondont
il disposeen soixantelignes,et toutseul,arrivent
à des conclusionsopposéesaux
siennes,ne le faitpas douterunesecondede la validitéde son analyse: si quelqu'un
se trompe,
ce n'estpas lui.
Y. Florenne,lui, saitmieuxque lesfemmesquellepsychanalyse
les opprimeet
à laquelleellesdoivents'attaquer.Lui aussi,et avecle mêmeregret,
se doitde nous
de
sommes
cible.
Ah, si seulementil y avaitplus
signalerque nous nous
trompées
d'hommescommelui parmiles femmes! C. Alzon faitchorusavecFlorenne,mais
surun tondéjà plussec.Carsi le premier
en disantque
prétendencore«plaisanter»
«le féminisme
estune chose tropsérieusepourêtrelaisséeaux femmes»,
C. Alzon
ne rigoleplus du tout : le féminisme
est son affaireet ces bon dieu de bonnes
femmessonten traind'y foutrela merde.A preuve: ellesne traitent
pas despromaisc'est à nousde fairele
blèmesqu'il a missurleuragenda(car c'estsonaffaire
travail),se plaint-ildans sa tribunedu Monde. Et encoresi c'étaitquestionde
paresse: mais c'est pire. Il détectede la mauvaisevolonté,voirede la mauvaise
foi ; il diagnostiqueque si nous ne traitonspas des problèmesqu'il a décidéque
nous devionstraiter,c'est parce que nous ne sommespas prêtesà «tenircompte
loyalementde la biologieet de l'ethnologie».En somme,mais est-ceétonnant
de la part de femmes,nous refusonsun combatd'hommeà hommeavec ces
de chairet de sang
êtres(la «biologie»et «l'ethnologie»doiventêtredespersonnes
Et
notre
être
avec
«loyal» (ou «déloyal»)
elles).
déloyautéellepuisqu'onpeut
Et «ce
mêmedoit êtremise au compted'un «manqued'honnêtetéélémentaire».
n'est pas tout». Nous «préconisons»des «solutionsinacceptables»(pour qui !).
Enfinnous ne «précisonspas» que la non-mixité
est «affairede tactiqueet non
de dogme». Peut-être
ne
?
nous
savons
Mais
alors
que
pas
quand on ne sait pas
on ne lèvepas la main.Rasseyez-vous
Mademoiselle
et laissezla paroleà votrepetit
23
camaradequi sait : sait ce qui est affairede tactiqueet saitce qui est affairede
Alzon
Et là, évidemment,
dogme,en brefsait ce qu'est le «Radical-Féminisme».
a une longueurd'avancesurnouspuisqu'ila inventéle mot.En touslescas le «Raest là : le modèleen est tout clairdans la têted'Alzon,et les
dical-Féminisme»
en trainde dévoyerce modèle.
femmes
sonttoutsimplement
de ce que
une vue si clairenon seulement
Maisd'où ces hommestiennent-ils
mais de ce qu'il est dansson essence,essencedontles
devraitêtrele féminisme,
un reflet,
mouvements
réelsne sontà leursyeuxqu'une incarnation
contingente,
fait
carrément
insaimitation
tout
à
sinon
à
les
une
et,
entendre,
approximative
?
tisfaisante
à ces mouvements
Le faitde ne pas participer
réels,de ne pas en suivreles
enfinle faitde ne pas êtredes individus
discussionset les débatscontradictoires,
un
et premièrement
directement
impliqués,ne semblentpas pour eux constituer
obstacleà la prisede positions.Ils pensentque leursopinionssontnonseulement
maismieux,qu'ellessontplus
aussi valablesque cellesdes individus
sus-mentionnés,
leur statut
Il
leur
inévitable
valables. semblequ'ils conçoivent
non-engagement,
non
mais
au
contraire
comme
un
d'observateurs, commeun handicap,
avantage.
Cetteconception- implicite- va de touteévidenceà rencontrede leurspropres
de
principespolitiqueset de ceux qu'ils acceptenten acceptantles mouvements
des femmes.
libération
? C'est que nous ne sommespas des
flagrante
Pourquoicettecontradiction
n'oseraient
commeles autres.Ils
jamais«conseiller»les Noirs,lespeuples
opprimées
à
forte
leur«erreurs»du Tiers-Monde,
les Palestiniens plus
raison«rectifier»
surla façonde menerla luttecontreeux,blancsoccidentaux.Ils n'oseraient
jamais
sous-entendre
que ces opprimés-làsont «à la foisjuge et partie»,tandisque les
constamment
ne seraient«que juges» (!), commeils le sous-entendent
oppresseurs
: une bienveilà proposdes femmes.L '«amitié»de nos amis est du paternalisme
une bonne dose de mépris,mieux,une bienlance qui comportenécessairement
veillancequi ne s'expliqueque par le mépris.Ils se mêlentde nos affaires
parce
qu'ils nous estimentincapablesde nous en occuper.Mais «ce n'estpas tout» : la
vérité- une autrevérité- c'est qu'ils ne peuventse résigner,
eux qui sontlespremierspartout,à ne plus l'êtreaussi là : or,là, ils ne peuventmanifestement
pas
de garderune place,de n'êtrepas
n'estqu'une tentative
l'être.Leur bienveillance
exclus. Il existeune raisonobjectiveet majeureà leur tentativede contrôlerla
: la peurqu'ils ne se dirigent
contreeux ; maisde surdirectiondes mouvements
croîtune tendanceimpriméeen eux dès leur naissance,et devenueune seconde
nature,est plus fortequ'eux : il fautque cetteplace soitleurplace,et leurplace
c'estdevant.
On Ta vu d'une façonspatialeà la première
de femmes
grandemanifestation
en novembre1971 pour la libertéde Favortement.
Si un tiersdes hommesétait
commeconvenu,les deux autrestiersétaientdevant,cachantles femmes,
derrière,
laissantcroirequ'il s'agissaitd'une manif.usuelle,c'est-à-dire
d'hommes.Aucune
exhortation
de se remettre,
ne pouvaitles convaincre
sinonderrière,
au moinsdans
de
les rangs.Et pourtantils étaientconscientsqu'il s'agissaitd'unemanifestation
allaitcontreles conséquencespratiquesde ce
femmes.Mais leurconditionnement
fait.Il fallaitque là encoreilssoient,commed'habitude,au premier
rangde ce qui
se passait,quitteà mettreenéchecl'objectifpolitiquequ'ilsapprouvaient.
24
entreces «amis» et nos ennemisdéclarés,ceux qui
Où est alorsla différence
de
nous traînentdans la boue et nouscouvrentde ridicule? C'est une différence
de
de
non
et
de
dirait
une
«affaire
et
comme
ou
Alzon,
fin,
tactique»,
moyens pas
de
front
et
avouent
franchement
Les
nous
(«loyalestratégie. premiers
attaquent
à la nôtre).Nos
ment»?) leurobjectif: resterà leurplace(et doncnousmaintenir
d'une
de
ont
leur
choisi
amis,eux,
façonplus subtile,mais
d'essayer garder
place
sontexclus,de peu puisqu'illeurrestela soaussipluscomplète.Car les premiers
tandisque les secondsne visentà
ciétéentière,
maisau moinsdes rangsféministes,
du petit bastionde
rien moins qu'à maintenirleur pouvoirjusqu'à l'intérieur
à ce pouvoir.
résistance
de passerun papier
Au printemps
1971, nousavonsessayéà plusieurs
reprises
dans le Monde, avantet aprèsle manifeste
«des 343» pourexpliquernotreposition.Le Monde,nousl'a toujoursrefusé,sous le prétexteque cettepositionétait
déjà exposée.C'étaitFAUX : de 1970 à 1971 il étaitparuune soixantained'artil'autre
dansce journal.La moitiéprovenait
des réactionnaires,
cles surl'avortement
la moitiéétaitcontretoutavortement,
l'autremoitiécontre
moitiédes réformistes,
la libertéde l'avortement.
Le Monde avait
l'avortement
libre.Aucunne défendait
donc donnéla paroleen un an au moinstrentefoisà «Laissez-lesvivre»et trente
- organisation
foisà l'ANEA (Associationnationalepourl'étudede l'avortement)
et
l'avortement
soutenant
elitiste, anti-femmes,
thérapeutique,
anti-démocratique,
la mise en tutelledes femmes.Jamaisle Monde n'a accordéla parole
c'est-à-dire
ni en tantque partiesprenantesd'un
aux femmesqui luttaientpourelles-mêmes,
ni
en
d'un manifeste
et
tantque signataires
mouvement
historique international,
en
n'a acceptéde
de
Jamais
il
s'est
qu'il
cependantdépêché publier première
page.
la
était
à
et qui devait
une
du
manifeste
seule
fois
positionqui
présenter
l'origine
resterle moteurde toute la campagnesubséquente,
celle pour la libertétotale
de l'avortement.
notonsque M. Badiou,leaderd'un grouA titrede comparaison,
de Vinmilitants
dansl'université
totalise
maoïste
puscule
qui
vingt-cinq
répartis
cennestoutentière,eut droiten cettequalitéà exposersesconceptions
politiques
dansunetribuneduMonde.
«des 343», qui a été invitéà parlerau colloqueorgaJusteaprèsle manifeste
? L'ANEA,le Dr Milliez,
nisépar le NouvelObservateur,
à proposde ce manifeste
a
E. Sullerot,etc.. maispas les signataires.
Qui, à cause de ce mêmemanifeste,
?
l'avortement
théradans les journaux Les partisansde
largement
pu s'exprimer
de surcroît,
combattaitet dontle mouvement
peutique- ceux que le manifeste,
du maétait en trainde dépériret auraitpériclitésans la «bombe»journalistique
: des adversaires
de la linifeste.Ainsi,celui-cia faitla fortunede ses adversaires
a été
du manifeste
berté.C'est par un pur hasardque la positiondes signataires
le
le
Nouvel
a
fait
dans
Observateur
le
livre
blanc
après colloque. Il
que
publiée
n'étaitpas prévupar ce journalqu'elle le fut.En revancheles opinionsde Milliez,
et s'yétalaient.
etc. avaientété religieusement
recueillies
Sullerot,Dourlen-Raulier,
Le Monde,le NouvelObservateur,
A
d'autre
s'attendre
dira-t-on.
bien,
quoi
: parlonsde
? Parlonsalorsdes «révolutionnaires»
de la partde l'Establishment
Masperopar exemple.Le numérospécialde Partisans: «Libérationdes Femmes,
en
annéezéro» (n° 54-55,juil.-oct.1970),a été arrachéde hautelutteau rédacteur
d'un
femmes
féministe
chefde cetterevue,E. Copferman.
ayant
Quelques
groupe
à Maspero,celui-cirefusade l'éditer,et proposaà
en 1970 proposéun manuscrit
25
la place d'en publierdes extraitssous formed'articlesdansun numérode Partisans
consacréaux femmes.Et de chercherdes auteurspource
qui seraitentièrement
numéro.Et de les trouver.Qui donc, en dehorsde nos camarades,devaitécrire
- qui devaitremplir
les deux tiersde la revue? Des spécialistes.
Des spécialistes
de
!
E.
?
Ainsi
était-il
une
article
Mais
du
marxisme,
voyons
Terray
pressenti
quoi
pour
sur...Engels,et le resteà l'envie.Voilà ce qu'on appelaitet continued'appelerun
«numéroconsacréaux femmes»: des commentaires
d'hommessur des livres
à trois.Quandnouslui avons
d'autreshommes.NoussommesalléesvoirCopferman
de libérationdes f«runes,il nous a toisées:
dit que nous étionsdu mouvement
?» Ceci pouvaità la rigueurse comprendre
: nulne connaissait
«Quel mouvement
- et
notreexistence.Maisjustementnousétionslà pourl'informer.
D'êtreinformé
ne nous a valu aucunegratitude,
maisne lui a
parmiles premiers non seulement
en
suffi.
se
constitue
qu'un grouped'opprimés
groupede lutte
pas
Apparemment,
est un acte politiqueen soi danstous les cas, saufdans le cas des femmes.«Com?» Hélas,
mentpuis-jesavoirqu'il ne s'agitpas d'un mouvement
petit-bourgeois
d'un
révolutionnaire
nous n'avionspas de certificat
signé
patenté(lui-même
parqui
d'ailleurs?). Ne sachantrien,comme on l'a vu, de la libérationdes femmes,
E. Copferman
ne doutaitcependantpas un instoutde sa problématique,
ignorant
tantde savoirquellesétaientles bonnesquestionsà poser.
? - la «Révolution»tandis
D ne doutaitpas de détenir- parquellelégitimité
Et il envisageait
en
demander
encore
de
lui
un
satisfecit.
que nousétions situation
la
demander
ses titresde
moinsque nous aurionspu lui retourner question: lui
de la Révolution; nousen considérer
commeles légitimes
et ne
héritières,
propriété
:
voiren lui qu'un bâtardsansdroits.A proposde sa questionsur«petit-bourgeois»
à côté de la plaque ne lui faisaitni chaud ni
qu'elle fûtpour nous complètement
froid.Dans les premières
réunionsdu groupede Paris,alorsuniqueen 1970, nous
avons dû viderphysiquementdes hommes,venus seuls, et persuadésque ces
réunionsdevaientêtremixtes.Que les premières
concernéesfussentd'un aviscontraireà celui de l'intrusne jetaitpas de doutedansson espritquantà la validitéde
sa propreopinion,pas plusque le faitqu'ellesétaientdeuxcentset lui seul.
Pources hommes,
n'étaientpas unemajorité:
je croisque deuxcentsfemmes
c'étaitplutôtcommeun seul autreindividu,
puisquec'étaienttoutesdes femmes.
Et à cet autreet uniqueindividu,
l'hommeen questionse sentaitde plus le droit
dfimposersonopinionet sa présence.
Pouren revenirà Copferman,
son arrogance
ne nousa pas intimidées
comme
il l'espérait,
maisindignées: nous lui avonsditqu'unmouvement
socialn'avaitpas
à se justifierdevantun individu,
fût-ilrédacteuren chefd'une revue«révolutionnaire»,et nousavonsprisla directionpolitiquede ce numéro,commeil étaitnormal. Nous avons donc fait seules - ou presque,un certainGodmichaus'étant
ne se l'est - et ne nous l'a - jamaisparaccroché- ce numéro.Mais Copferman
donné.Un numérosuivantde Partisans(n° 57) contenaitdeux articlesvindicatifs
du mouvement
vis-à-vis
et serviles
des femmes
vis-à-vis
de la gauchemasculine,
que,
ou
Maspero,mais qu'importeles indiviCopferman
pour comble d'indignité,
dus - avaitcommandésà des femmesde leurorganisation
Et environ
(trotskyste).
un an et demiaprès,Partisanspubliaitun articlede C. Alzon,que beaucoupontpris
à l'époque pourune femme(ce qu'on devaitespérerchez Masperopuisquel'équivoque - trèsutile- n'a pas été levée),«La femmepoticheet la femmebonniche».
26
Cet articleacceptaitassez du féminisme
pour n'être pas récusé d'emblée(et
contreluid'autantmoinsqu'il semblaitque l'auteurfutune femme),
puisl'utilisait
de la récupération.
Un an plustard,Masperosortait
même: ce qui est la définition
en livrece texte,à peineaugmenté.Inutilede direque Masperoavaittoujoursreféministes
fusé les quelques manuscrits
qui lui avaientété proposés.C'est donc
biennotreparoleque C. Alzon a prise,et avec l'aide - avecl'empressement
comde France».Le contenudu livreest révélaplice - de «l'ÉditeurRévolutionnaire
teuren soi ; mais qu'il soit publiéchez Maspero,quand on sait Panimositéque
(ce derniera été jusqu'à adresserune lettred'injuresorMasperoet Copferman
l'intermédiaire
d'Actuel,à E. Durand,auteurdansPartisansde l'ardurières,
par
ticlesurle viol) n'ontcessé de manifester
au mouvement,
étaitdéjà une indication
d'anti-féminisme.
inutilede direque si il a été fait
Quantau numérode la QuinzaineLittéraire,
surles femmes,
c'est dansle sensqu'il a été faitsurleurdos : carlesmouvements
de libérationqui en étaientle sujetn'ontété ni contactésni mêmeprévenus.Un
de femmes,
numéroentiersurlesmouvements
qui s'yprétendde plussympathique,
et où la parolen'est pas donnéeune seulefois à une quelconquedes femmesde
- pour
! Voilà unebelleperformance,
ces mouvements
qu'on voudraitvoirréitérée
le sport- au sujetdes Palestiniens,
des Bretonsou desJeunes.Maisnuldouteque
l'on ne le verrapas : l'impudencea ses limites,qu'on ne peut franchir
qu'avec les
femmes.Mais avec elles,pourquoise gêner? C. Alzon, dont on saitmaintenant
qu'il est un hommeet ne faitdonc partie,à son granddam,d'aucungroupefémilibresdu Monde sur...la libération
des femmes.
niste,a écritce jour deux tribunes
On saitavec quel succèsnous avonsdemandéces tribunes.
Et C. Alzonn'auraitjamaisbénéficiémêmed'une tribunesurunautresujet; c'estparcequ'il parlesurles
femmesqu'il a obtenuces tribunes.
Et il ne les auraitjamaisobtenues,surce sujet
non plus,il y a cinq ans : c'est le surgissaientdes mouvements
de libération
et la
demandede paroledes femmesqui a crééune demandede parolesurles femmes.
Le pouvoirmâle non seulementdissocieces deux exigences,mais utilisel'une
contrel'autre: il ne suffisait
la paroleaux femmes; il fallait,pour
pas de refuser
mieuxrétablir
faire
des
hommes
surles femmes.
Ces hommesparlent
l'ordre,
parler
donc doublementà notreplace : ils parlentde nous,mieux,de notrelibération,
et ilsen parlentdeslieuxd'où noussommesproscrites.
Ils ontla parolegrâceà nous,
maisde plus,en nousla retirant.
Plusexactement,
c'estpournousla retirer
qu'on la
leur donne.Tandisqu'auteurset réalisateurs
anxieuxde se faireun nom et une
carrière
sautentà piedsjointset brasraccourcis
surce nouveaudomaine: la libération des femmes,éditeurset rédacteurs
de livreset de journaux,producteurs
de
filmsou de télévisionattendent
anxieusement
ce qui seraplusencorequ'un silence
de femme: uneparoled'homme.
Où Von voitMerlinl'Enchanteurtransformer
les bonnes intentionsen
de
classe.
appartenance
Les amismâles de la libérationdes femmes- que d'aucunesappellentavec
l'impertinence,
pire, l'ingratitude,
qui caractérisentles enfantsgâtées, nos
«souteneurs»- ont révéléà maintesreprisesque leurcompréhension
s'arrêtait
là
27
où la véritablelibérationcommence.Comment,dans les conditionsdécritesplus
se déclarernos «alliés»?
sansforfaiture,
haut,peuvent-ils,
Ils ne le déclarentpas longtempsd'ailleurs.Il n'en fautpas beaucouppour
qu'on s'aperçoiveque la bienveillanceaffichéepar laquelle ils prétendentse
des autreshommesrecouvrele mêmeméprisque l'hostilitédéclaréedu
distinguer
délitde «rectifier
nombre.
Prisla maindansle sac : en flagrant
nos erreurs»,
grand
Y. Florenneabandonnevitela carottepourle bâton: «Prenezgarde,dit-il,de vous
aliénerles quelqueshommesqui sont bien disposésenversvous.» Maispourquoi
devrions-nous
prendregardeà cela ? N'est-cepas de nous que dépendprincipalementnotrelibération? Cettemiseen garderévèleque nos «amis»,qui prétendent
le penser,le disenten faitdu boutdeslèvres,partactique,maisn'encroientpas un
d'hommes
mot : qu'ils estiment«l'alliance»(on verralaquelle)d'uneminorité
plus
de
de
la
femmes
la
des
conscience
importante
que prise
majorité
pourla libération
desfemmes.
: ce n'estpas des femmes,
C. Alzon,lui,le ditcarrément
commeon le croirait
ultimement
l'issue
du
combat
maisde nos «amis»
féministe,
naïvement,
que dépend
mâles.Son soucid'appuyerce qu'il voudraitêtrevraides femmessuruneprétendue
rendencoreplus patente
et cettegénéralisation
«loi», le conduità généraliser,
de sa proposition: «Aucunerévolution
l'absurdité
socialen'a pu se fairesansl'apissusdescastesdominantes.»
pui d'éléments
On peut soutenirque l'appui de quelques ennemisde classes- ou plutôt
d'individusayantabandonnéleurpositionde classe,car s'ils la gardent,ils restent
à tousmodes ennemis- est utile à certainsmoments.Dire qu'il est important
dire
est
une
mentsest allerun peu loin.Mais
condition
déterminant,
qu'il est
qu'il
ne peutse faire»,està la foisunecontreque sanslui «la révolution
indispensable,
convictionintellecvéritéhistoriqueet une ineptiepolitique,car c'est confondre
tuelleetpositionréellede classe.
"Paroled'homme'9ou l'idéalismeà l'œuvre.
La pensée qui peut produireune telle confusionest marquéeau coin de
l'idéalismeet de la réaction.Y. Florenneva encoreplusloin,si l'on peutdire,dans
- naïvement
? - que le rapportindividuel
cettepensée.Il affirme
entreun homme
et une femmeest,de tous les rapports,
celuiqui estle plussuceptibled'échapperà
la société! On en restebaba.
Quant à Alzon, poursuivantsa confusionjusqu'à son termelogique,il
soutientque «l'oppositionn'est pas entrehommeset femmesmais entrele fémi. La positionde classeet la façonde la penser- le manismeet l'anti-féminisme»
térialisme
dontil se réclame- sontlà complètement
évacués: il suffit
d'unpeu de
bonnevolonté,et hop ! on peut fairefi de la structure
sociale(tout en «luttant
on se demandepourquoi).Et notregrandspéquandmêmecontrecettestructure»,
cialistede se précipiter
dansune ineptiede plus- on ne pourraau moinspas lui re: «l'oppositionn'estpas entreBlancset Noirsmaisentre
procherd'êtreincohérent
ceuxqui acceptentet ceuxqui refusent
un certaintyped'oppression».
J'aimele «certaintype»pour sa pudeurvieilleFrance,pour son floutout à
fait«rétro». Mais surtout,que j'aime à entendre
affirmer
des «marxistes»
que tout
28
se passe au niveaudes valeurs,mieux,des déclarationsd'intentions
(pures,bien
ne
des
les
sont
des
entre
luttes
conflits
révolutionnaires
pas
groupesconsûr); que
tantsaconcrets
cretsopposéspardes intérêts
mais,commela philosophieidéaliste,
d'idées ; que le
vanteque vulgaire,
nousle serinedepuisdeuxmilleans,desconflits
! Dire que
de ou de subirl'oppressionne faitaucunedifférence
faitde bénéficier
à la réalitéde l'oppresc'est pourAlzon,nonpas se référer
cela faitune différence,
mais «fairepreuvede rasion,qui est aprèstoutla raisond'êtrede la révolution,
.
cismeou de sexisme»
Le retournement
de l'accusationde racismeest une réactionclassiquement
défensiveet une défenseclassiquement
Et cela faitquelque temps
réactionnaire.
l'on
voit
les
de
accusées
sexisme
femmes
déjà que
par des gensqui souventn'en
mêmepas le sens originel,maisqui ont l'excusede ne pas poseraux
connaissent
encore moins aux «féministes».L'accusation de «contre«révolutionnaires»,
racisme»ou de «sexismeà l'envers»est typiquement
réactionnaire
; elle l'estdéjà
a priori,avanttout examen,en cela seul qu'elle pose implicitement
une symétrie
et opprimés.Il est incroyable
entreoppresseurs
ose
de
qu'on
proférer telleschoses
à proposdesnoirs,dontle mouvement
estplusancien,plusconnuet plusre-connu,
Il estincroyable
nonseulement
que celuides femmes.
que quiconquese prétendant
au courantdes luttes,maisde surcroît«spécialiste»,fassepreuved'une telleignorance,au senspremierd'absenced'information
; et que quelqu'unqui ignoredes
faitsélémentaires
de l'histoirecontemporaine
ose aborderle sujet. En effet,le
a été démystifié
«concept»de «contre-racisme»
pource qu'il est :
depuislongtemps
Et ceci n'estpas un développement
une tentative
d'intimidation.
idéologiquerécent
et mal connu: toutel'Amériquele sait.Aucunblanc,encoremoinsun blanc«libén'oseraitl'employeraujourd'huiaux
ral», encore moins un «révolutionnaire»,
Etats-Unis.
Cette démystification
a été l'œuvrede la «nouvellerévolutionnoire» aux
a
Etats-Unis,
qui commencéen 1965 par l'exclusiondes blancsdes organisations
de «droits civiques». Cette révolutiona mis un terme à cinquanteans de
réformisme
surle problèmeracial- cinquanteans de paternalisme
blanc.En effet
le fonctionnement
de ces groupesétaitfondésurun dénide réalité,un faire-semblantconstant.On faisaitsemblant,
commele proposeAlzon,que la situationoù
les blancsétaientoppresseurs
et les noirsopprimésétaitsansinfluence
surle fonctionnement
des groupesde droitsciviques: 1) surleurpolitique; 2) surla structure
de pouvoirde ces groupes.On faisaitcommesi l'inégalité
caractérisant
intrinsèque
les rapportsentrenoirset blancsétaitannuléedès qu'on entraitdansle local de
On niait que les blancs apportaientdes ressourcespolitiquessul'organisation.
de et accèsà la structure
leurs
du pouvoir- et
meilleures
connaissances
périeures
des ressources,
doit
d'un
faut
autre
l'instant,
mot,appeler«psycholoqu'on
pour
Commeon ne peut luttercontrece que l'on ignore,ce que
giques»,supérieures.
l'on nie,ces facteurs
et sansfrein,avec le résultatinévijouaientdoncpleinement
table que les blancsoccupaientune positionprivilégiée
jusque dans les organisationsconsacréesà «l'amélioration
du sortdesnoirs».
Mais leur présence,en dehorsmêmede toute positiondominantedans la
avaitdes conséquencesencoreplusfondamentales,
du groupelui-même,
hiérarchie
:
dansdes domainesencoreplusimportants
c'est-à-dire
1 - Dans la définition
des objectifs,
elle-même
est liée à la définition
du
qui
29
contrelaquelleon estcensélutter.Les noirsne
de l'oppression
combat,c'est-à-dire
D'abordilsne
en
reconnaître
leurpropreoppression.
des
blancs
pouvaient présence
dénoncer
la
des
même
s'ils
la
dominante
blancsdans
voyaient,
position
pouvaient,
le
la
du
officielle
fonctionnele groupelui-même,
puisque dogme, représentation
mentdu groupe,dontdépendaitl'existencedu groupeen tantque tel,c'est-à-dire
en tantque groupemixte,déniaita priorila possibilité
d'unetellechose.
2 - Surtout,que les blancsdu groupeaientou nondespositionsindividuellementdominantes,
la tendanceà adopterla définition
domileurprésencerenforçait
de
dont
«souffraient».
la
blanche
les
Cette
c'est-à-dire
définition
ce
noirs
nante,
de
ce
au
cette
définition
diffuse
deidéologie,
par l'oppresseur
qu'est l'oppression,
les
était
les
membres
intériorisée
incarnée
blancs
du
noirs,
hors,
par
par
groupe.
et il étaitd'autantplusdiffìcile
N'étantpas noirs,ils l'exprimaient
«sincèrement»,
tandis
que celle-cin'existaitpas vraiment,
pourles noirsd'y opposerleurdéfinition
des blancsétaitla définition
officielle.
que la définition
L'opiniondes blancsétait
donc soutenueà la foisparl'ensemblede la culturedoAir
les noirset par
participent
leurprestige
d'oppresseurs.
Là résidaitun des pointscruciaux.Car non seulementce prestige
empêchait
les noirsde trouverleur définition
de leuroppression,
maisen retourla présence
des blancsles empêchaitde luttercontrele prestigeque ceux-ciavaientà leurs
yeux. En effet,les noirsne pouvaientà la fois voirdes blancset ne pas les voir
d'une façonpositive: ne pas les admirer,
ne pas désirerêtreeux,puisquececi està
la foisun des résultats,
une des manifestations
et un des moyensde l'oppression.
Etreen présencede blancs,les voir,c'étaitdansle mêmetempset avoirune image
positivede la blancheuret en prendreconscience.En prendreconscience,c'était
prendreconsciencedans le mêmetempsde la base, de la conditionnécessairede
cetteimagepositive: l'imagenégativede la noirceur,et prendreconscienceque
cetteimagenon seulementexistait,maissubsistaitet jouait à l'intérieur
d'uncombatde «libération».
Ce n'est pas un hasardsi l'exclusiondes blancsa coïncidéet avec la mode
«afro»- qui estbienplus qu'une mode ou mêmequ'unthérapie- et avecl'apparitiondu slogan«Black is beautiful».La non-mixité
étaitla conditionlogiqueet
concrète
historiquede la luttecontrela hainede soi. Les faitsconcrets- l'histoire
de la lutte,et des noirset des femmes- commeles implications
logiquesde la
l'œuvre
propositionque la libérationdes opprimésest d'abord,sinonseulement,
des opprimés,
amènentà la mêmeconclusion: les oppresseurs
ne sauraient
jouerle
mêmerôledansles luttesde libérationque les opprimés!
En attribuant
des groupesde femmesà un «reliquat»du «traula non-mixité
mâle» auraitcausé aux femmeset en le traitant
matisme»que «l'autoritarisme
commeun phénomènepassager,et, si non passager,condamnable,
C. Alzon est à
côté de la plaque autantqu'on peutl'être,et de surcroîtil nietoutsimplement
et
l'histoireconcrèteet les prémissespolitiquesdes mouvements
de libération.Sans
manifestesdans sa phraseet
parlerde la condescendanceet de l'autoritarisme
Alzon démontreson incompréhension
à la discréditer,
totale
qui, seuls,suffiraient
- des processusde libération.
etgénérale- nonlimitéeaux femmes
Sa phaserévèleen effetunevisionà la foisstatiqueet idéalistede ces processus. Pour lui il est clairqu'il s'agitseulement,et seulementpour un temps,de
un obstaclepurement
contourner
et il estclairaussique pourlui
«psychologique»,
30
«fantasma«psychologique»
s'opposecomme«subjectif»(à la limite«imaginaire»,
est
la
idéoloà
bien
c'est-à-dire
(ce
vulgaire,
tique») «objectif»
qui
conception
En
à
ce
et
donc
comme
«structurel».
conséquence, traugique),
«ép¡phénoménal»
est aussifacilement
matismeétantd'aprèslui un phénomènesubjectif,
guérissable
D'autrepart,une foiscet obstacle
que touteimpression
subjectiveestmodifiable.
levé,cettemaladieguériepar une périodede repos(c'est ainsiqu'il voitla nonmixité,c'est ainsi seulementqu'elle est justifiéepour lui : la mi-temps
pendant
on reprend
la partie.La partie,pourlui,
laquellelesjoueurspansentleursblessures),
c'estuneluttequi n'a plusqu'à procéder: contreune oppression
connue.
La révolution : prise de conscience ou match de foot ?
Or on m'accorderaque le premierempêchement
à luttercontreson oppresc'est
de
ne
se
sentir
le
momentde la révoltene
sion,
pas
opprimée.Donc premier
à
entamer
consister
la
lutte
mais
doit
au
consister contraireà se découvrir
peut
:
à
l'existence
découvrir
de
opprimée
l'oppression.L'oppressionest découverte
d'abordquelquepart.Dès lorsson existenceest établie,certes,maisnonsonétendue. C'est à partirde la preuvequ'elle existequ'on la chercheensuiteailleurs,ici,
de proche en proche.La lutte féministe
consisteautant à
là, en progressant
les oppressions
découvrir
inconnues,à voirl'oppressionlà où on ne la voyaitpas,
connues.Peut-être,
sûrement
même,ceci n'est-il
qu'à luttercontreles oppressions
évident
faut-il
l'avoir
vécupourcomprendre
cettedynamique,
; peut-être
pas
pour
à quel pointest faussela représentation
de la libération
commeune
comprendre
commeunecarteaux
simplelutteen ce qu'elle impliqueunevisionde l'oppression
dûment
aux
contours
exactement
carte
surlaquelleil ne
recensés,
délimités,
points
:
de
des
victoires.
Bien
au
la libération
d'avancer
contraire,
s'agiraitplus que
gagner
consisted'abordà élaborercettecarte,car plus on avance,plus on réaliseque les
contoursde ce territoire
sontflouset éloignés.Ce procès,ce progrèsne sontpas
: chaque nouveauterritoire
et territoriaux
seulement
horizontaux
annexéà la proune nouvelledimension,
blématiquede l'oppressionest aussiet indissociablement
cettefoisdansle sensde signification,
la définition
ajoutéeà et donctransformant
de l'oppression.
Si on ne peut,sansl'avoirvécu,connaîtrecela, alorson ne parlepas de ce
de le vivrene justifiepas l'ignorance; en
qu'on ne connaîtpas ; et l'impossibilité
des non-opprimés
à participer
elle prouveque la prétention
à
revanche,
également
la lutteest absurde.On ne peut admettre
que quiconqueparlantde libérationen
ignorele caractèredynamique,que quiconqueparlantd'oppressionen ignorele
caractèreobjectifà tousles niveaux.Or la phrased'Alzon,outrequ'elle implique
une vue statiquede la libération- conçuecommeune «lutte»-, impliqueaussi
une vue à la foissubjective
et interpersonnelle
de l'oppression
subieparles femmes
et exercéepar les hommes.Pour lui, le seul obstacleà la participation
égaledes
hommesà la libérationdes femmesest «l'autoritarisme»
de ceux-ci(facteurde
naturesubjective,
ce qui signifiepour lui qu'il peut êtrelevé par la seulebonne
volontédes hommes)et le «traumatisme»
facteurégalesubséquentdes femmes,
mentsubjectif.De cettepositionidéaliste(voirplushaut à quellesdéfinitions
du
de rigoladepour les
«psychologique»elle renvoie),il émet la conviction-sujet
31
femmesque l'oppressionpeut être suppriméed'un rapportindividuelhommefemme; mieux,il insinue- et ce faire-valoir
estpeut-être
le messageréel- qu'il l'a
commele vulgaire,
suppriméede ses rapportspersonnels.Ceci revientà affirmer,
se
dans
la
tête
et comme pour
tout
comme l'oppresseur-type,
que
passe
tête
est définipar
n'est
se
dans
la
ce
mieux,
pas objectif,
l'idéologie qui
passe
ne
se
est
rien.
revientà dire
à
donc
ce
Ceci
opposition
objectif-, qu'il
passe
qui
de
le
«sexisme»,expressionidéologique l'oppressioninstitutionnelle,
partie
que
constituetoute l'oppression.C'est nier l'existencede la
émergéedu patriarcat,
structure
institutionnelle
qui cause le «sexisme».C'est surtoutnierque la structure
institutionnelle
dansla production
est
le
relaisde la structure
qui
psychologique,
des «préjugés»et du dit «sexisme»et qui en est commeeux la création,est tout
aussi concrèteet objective,extérieureà l'action de l'individu,que la structure
dontil suffitde
n'est pas un traitpsychologique
institutionnelle.
L'autoritarisme
de
D'abord, en tant que
prendreconsciencepour êtreà même s'en débarrasser.
traitpsychologique
concret,il ne peut être «aboli» par un acte de volitionpure,
pas plus qu'un pont ne peut sautersous
par une intentionnon instrumentalisée,
même
si
cela étaitpossible,c'est-à-dire
si ce trait
le seul effetd'un désir.Ensuite,
sa
que la simplevolition,êtresupprimé,
pouvait,par d'autresmoyensévidemment
continuelsuppressionn'aboliraitpas ce qui Va causé à l'origineet le renforce
en cause,ce dontl'existencepermetde douterqu'il
lement,ce qui estréellement
: l'autoritéréelle,c'est-à-dire
et
institutionnelle
existedes moyensde le supprimer
matériellement
assise,que les hommespossèdenten fait sans avoirbesoin de la
ou non.
vouloir,et qu'ilssoient«autoritaristes»
et que renforce
la «conssurlaquellecroît,qui renforce
Cettebase matérielle
nous ramèneà la structure
socialecontraititutionpsychologique»des individus,
et
aux relationsinter-personnelles
gnantepour toutle monde,à la foisextérieure
cadre de celles-ci.Quellesque soientmes «opinions»ou «attitudes»(je suistrès
polie avec eux, il n'y a pas que C. Alzon qui soit «opposé» à un «certaintype
Leur exploitaimmigrés.
je profitede l'oppressiondes travailleurs
d'oppression»),
tionest l'une des conditionsde mon existencematérielle.
Queje sois «révolution: je viscommeje visparceque, entreautres
naire»ou non ne changerienà l'affaire
raisons,les Africainssont exploitésen Franceet que l'Occidentexploitele Tiersmoralesni de battagede coulpe,il n'est
Monde.Il n'estpas questionici de subtilités
précisépas questionde savoirsi je dois me sentircoupableou non. Au contraire
et ce n'estpas en tantqu'individu
ment: je n'ai rienfaitpourcela individuellement
que j'en profite,mais en tant que membred'un groupeque je n'ai pas choisi.
à cetteréalité,elle existe; dansla meQuellesque soientmes réactionssubjectives
sureexacteoù je suisexempted'une exploitation,
j'en bénéficie,volensnolens,et
de deuxfaçons:
1 - Leurexploitation
d'unefaçonminimedans
accroîtmonrevenu,
peut-être
la mesureoù ce bénéficem'està son tourreprisparmesexploiteurs.
2 - Mais surtout,
je ne le faispas, tant
pendantque d'autresfontce travail,
en voilà au moinsune que/e ne subispas.
cetteexploitation,
que d'autressubissent
Et inversement,
si etpuisqueje, nousne la subissonspas,il fautqu'elleretombesur
d'autres
d'autres.Sansmêmeparlerde bénéfices
positifs,
je profitede l'exploitation
que moidansla seulemesureoù j'en suisexemptée.
32
Où l'on voitMerlinl'Enchanteurfairesurgirsur l'océan de l'oppression
du couple.
l'ile-refuge
De mêmetous les efforts
sa forane- je
que faitun hommepourbientraiter
ne peuvent
me situedansunehypothèse
optimiste dansleurrelationpersonnelle,
et pour
le faitqu'il doitsa situation
ni cacher,ni abolir,nimêmemitiger
matérielle,
à
dont
ne
de
la
discrimination
sa
situation
les
simplifier parlonsque
professionnelle,
surle marchéde l'emfemmes- groupedontsa femmefaitpartie- sontvictimes
ploi. On ne peut dissocierla situationqu'occupentleshommes- donccethomme
- de la situationqu'occupentles femmes- donc cettefemme- surle marché.
La relationinter-personnette
de cet hommeet de cette foranen'estpas,
à ce que voudraient
contrairement
nous fairecroirenos confrères,
une fie.Qu'im:
ne
travaillent
ensemble
leurs
situations
surle marché
portequ'ils
pas
respectives
du travailpar exemple,en tantque membresde groupesdifféremment
traitéssur
ce marché,fontpartiede leur situationglobaleet donc de leurrelation,qui n'a
rienà voirenapparenceavecle travailou le marché.Les bénéfices
involontaires
que
de
de
l'hommedu couple dérivesur la scène «professionnelle» son appartenance
ne
comme
relationnelle,
groupe, sontpas évacuéssurla scèneconjugale,amoureuse,
on voudral'appeler.Ils fontpartiedes ressources
objectivesqu'il y apporte,qu'il le
en apportantsa personne.Les non-bénéfices
de la
veuilleou non, simplement
femmedu couplefontaussipartiede ce qu'elleapporteou n'apportepas dansla relation.Un individuhommen'a pas à bougerle petitdoigtpourêtreavantagépar
surle marchédu travail; maisil ne peutpas nonplus empêcher
rapportaux femmes
à son avantage.
De la mone façon,il n'estpas nécesni renoncer
qu'il soit avantagé,
saire qu'il prenneactivementavantagede ses privilègesinstitutionnels
dans le
mariage.
Admettonsmêmequ'un hommene cherchepas à tirertoutle partide ses
à tousles niveauxet des désavantages
à tousles niveauxde la foranequ'il
avantages
en
a
facede lui.Admettons
Qu'estqu'il veuilleposerla relationcommeégalitaire.
? Tout au plus qu'il ne poursuivra
ce que cela signifie
pas sonavantagevolontaireson avantageinitialpouren
ment,c'est-à-dire
qu'il n'utiliserapas volontairement
Mais
à cet avantageinitialil ne peutrenoncer,
obtenird'autres.
parcequ'il ne peut
à lui toutseul supprimer,
ce qu'il n'a pas fait.Et pourla mêmeraison,il
détruire
ne peut pas plus supprimer
les désavantages
institutionnels
de la forane.Ce n'est
de groupe(au
que bénéficeset avantagesliés à l'appartenance
pas directement
dans la «relation»,mais commefac«sexe») jouent leur rôle le plus important
teursrendantpossiblele rapportde forcesle plus immédiat.Et celui-ciest dérivé
dans le faitqu'il n'y a pas, institutionnellede, mieux,consistetout simplement
entreles «conjoints»dans une associationconjugaleou parament,de symétrie
conjugale(et toute «relationamoureuse»entreun hommeet une femmeentre
dans cettecatégorie).Les contraintes
directement
économiqueset les contraintes
socialesà une associationde ce typesontinfiniment
plus fortespourles femmes
que pour les hommes,les pénalitésattachéesà son refusinfiniment
plus dures
pour elles. L'associationd'une foraneavecun hommen'a donc pas le mêmesens
objectifpour lui et pour elle, ce que reflètela normeidéologique(le mariageet
«les relationshumaines»en généralsontl'affairedes femmeset la préoccupation
différentes
majeured'une «vraie»forane),ce que reflètela réalitédes subjectivités
33
en général
des hommeset des femmes(l'importancede l'amouret des sentiment
surle marché
dansla consciencedes femmes).On peut direque les discriminations
les femmesau mariage,
du travailne sont là que pourenvoyeret renvoyer
justela plus
mentdans la mesureoù elles fontde celui-cila «carrière»objectivement
: leur«destin»,leur
ou la moinsmauvaise,pourelles(idéologiquement
profitable,
«raisond'être»).
se manifesteà l'occasiond'un mariage,d'une association
Cettedissymétrie
des
alors; maisellen'est
tensions
en
raison
donnée,
qui émergent
inter-personnelles
à
l'association
Cette
cette
association.
causée
; elleest
dissymétrie
pré-existe
par
pas
estla
Mais
elle
et
surtout
éventuellement
conflictuelle.
de
raison
sa
la
formeinégale
de
même
cette
association.
de
V
existenee
cause
on ne peutpas direque l'incapacitédes femmesà vivrepour
Pourle moment,
en interdits
matérielles
transformées
elles-mêmes les impossibilités
parl'idéologie
soient
extérieures
au faitque ces
et intériorisées
parla conscienceet l'inconscient
mêmesfemmesaientdes «relations»avec les hommes.Peut-êtreen auraient-elle
le besoind'existencesociale,l'abpourd'autresraisonsque la nécessitématérielle,
dans
un
autremonde: et on ne saità quelles
senced'identitépropre.Maisce serait
dans
un
autremonde,ces autresraisons,
conduitesrelationnelles
conduiraient,
:
cellesqui sontcouramment
invoquées «l'amour»,«l'attirance»,etc.,nimême,ni
si
ces
«raisons»
subsisteraient
surtout,
inchangéesdansun mondeautre,ce qui est
ces «raisons»existentà titrede
hautement
douteux.Qu'aujourd'huiet maintenant
raisonsest possible,maispeu probable.Ce qui estcertain,c'estque ces sentiments
individuelles
existent; ce qui l'estmoins,c'estle rôlequ'ilsjouentdansles relations
c'estleurstatutcausal.
hommes-femmes
; ce qui esttrèsincertain,
on ne peutconnaître
Si, pourdes raisonsd'analyse,on isoleces «sentiments»,
: tant
leur part exacte dans les relationstantque celles-cisont sur-déterminées
Si
et l'aliénationdes femmes.
expliquéesparl'oppression
qu'ellessontsuffisamment
forceestde constater
on n'isolepas ces sentiments
des contraintes,
qu'ilsrenforcent
Dans un typed'analyse,ils ne
tout en la dissumulant.
l'action de ces dernières,
dansl'autre,ilsjouentun rôlecertes,maishautement
jouentaucunrôlenécessaire,
suspect.
En bref,non seulementil n'estpas nécessairequ'un hommesoitun oppresseur volontairepour qu'une femmesoit oppriméedans un relationinter-personà touterelationparticulière
est
nelle,maiscetteoppressiongénéraleet antecédante
dans l'existencemêmede cetterelation.L'individumâle particulier
déterminante
avantson entréeen
effectuée
n'a pas joué de rôlepersonneldanscetteoppression,
de sa partne peutdéfaire
aucuneinitiative
scène; maisréciproquement,
personnelle
avantet en dehorsde son entréeen scène.
ou mitiger
ce qui a été perpétré
- des rapportshumains,une
Seule une vue idéaliste- mieux,naturaliste
*t la sortété(mû 1«s
entre1'indîvîHn
pensée qui effectueune coupurearbitraire
mêmesi on les relie,car les relierc'est
considèrecomme deux ordresdistincts,
entre
les posercommeséparés),une coupureentre«l'extérieur»et «l'intérieur»,
le «politique»et le «personnel»,
inter-personnelles
qui postuleque 1) les relations
sontd'une natureasocialeet
sont affairede «sentiments»,2) que ces sentiments
sociaux,seule
3) que de plus ils ne sontmêmepas affectéspar les déterminismes
une telle vue idéalisteproduitla croyanceque des flotsasociaux,des relations
personnelleségalitairespeuventexisterà l'intérieurd'une structureoppressive.
34
de gauche»? Oui et
Cettepenséedoit-elleétonnervenantd'un «intellectuel
intellectuelle
commeune discipline
non. Oui, si l'on considèrele matérialisme
qu'il
suffîtde suivre.Non,si l'on considèreque la penséeidéalisteest l'idéologiedomiet que
toutenotrevieet nosconceptslesplusterre-à-terre,
nante,qu'elle imprègne
n'estjamais acquis d'avancemais doit toujoursêtre
le pointde vue matérialiste
de la penséematérialiste
étantl'action
conquisde hautelutte.La sourcepremière
de
le
vue
matérialiste
unequestion
il
est
de
sur
logique penserque point
politique,
donnée sera produitpar un mouvementpolitiqueengagésur cette question,à
partirdes lieuxsociauxoù existeun intérêtobjectifà démasquerl'idéologie,c'està-direpar ses victimes.Ceci ne signifienullementque ce pointde vue une fois
intellectuelle.
produitlà ne puisseêtreadopté ailleurs,et d'une façonpurement
l'abandon
du matéà
soi
seul
L'absence de motivation
politiquen'expliquepas
à une
faut-ilalorsrecourir
rialisme(si tant est qu'il s'agissed'abandon).Peut-être
de
fait
la
cet
au
l'occurrence
abandon,
qu'en
explicationplus cynique
pensée
avecles intérêts
entreen contradiction
matérialiste
objectifsde classe.Il estcertain
que la pensée idéologique,appliquéeaux femmes,sertles intérêtsobjectifsdes
de ces derniers
hommes.En tous les cas, on constateque la rigueurintellectuelle
s'arrêtesouvent,pour ne pas diretoujours,aux portesde ce «domaine»,quand
La coïncidenceentrece renâclement
et
bienmêmeilssontmatérialistes
parailleurs.
leurpositionde classeest tropmarquéepourqu'on y voitl'effetdu hasardet non
de noterque leursintérêts
l'effetde cettedernière.Dans ce cas il est intéressant
:
de
leur
traduction
cette
trouvent
façon que le mode de penséede ces
objectifs
hommesà proposdes femmestrahit- révèle- leurattachement
dissimuléà ces
en
avoue.
en
contredisant
leur
trahissant
intérêts,
propospolitique
Où Merlinl'Enchanteurse faitpasserpour une bonnefée...
On retrouve
de
la mêmenégationde la réalitépolitiquedansles implications
mais
la propositionselon laquellela lignene passe pas entrehommeset femmes,
Les implications
entreféministes
et anti-féministes.
de ceci sontclaires: d'unepart
les hommespeuventjouer le mêmerôle que des femmesdans la libérationdes
femmes; d'autreparton peut et on doittraitercommedes ennemiesles femmes
Il est fortpossible
non féministes,
au mêmetitreque les hommesanti-féministes.
ait pourmotivation
implication,
uniquela première
que toutecettepseudo-pensée
égale
que tout ce discourssoit destinéd'abord à faireaccepterune participation
odieuxqu'Alzon
des hommesà la libérationdes femmes.Il est particulièrement
Ce seulfaitprouverait,
n'hésitepas, poury forcerson entrée,à diviserles femmes.
s'il en était besoin,que son souci et son propos ne sont pas la libérationdes
ou à tenterde l'affaiblir,
si à ce prixil pense
femmes,
puisqu'ilest prêtà l'affaiblir,
sa place.
pouvoiry trouver
à ce mouIl a choisi,pourprouverque les hommes,et lui,peuventparticiper
de
d'être
fait
homme
ne
vement, prouverque le
justifiepas automatiquement
: que
l'exclusion,et ceci passepourlui par l'assertionde la proposition
symétrique
Bienentendu,
toutesles femmesne sontpas automatiquement
concernées.
prouver
ou la non-appartenance
à ce groupene
qu'en matièrede groupe,l'appartenance
en divisant
pas estunegageure.Il estplusfacilede procédernégativement
comptent
35
en prouvantque les hommessont autantpartie
les femmes,que positivement
de celles-ci.
la
femmes
libération
les
de
que
prenante
commeles hommes
traiter
les
femmes
anti-féministes
nous
devrions
Donc,
Alzon
ce pointune fois acquis signifiant
anti-féministes,
qu'on traiterales
pour
il y a en
hommesféministes
comme les femmesféministes.
Malheureusement,
L'
des
hommes
de
la
anti-féminisme
Vombre
l'occurrence
symétrie
qu'il postule.
pas
a
de
il
à
sur
ce
à
rien
dire
leurs
intérêts
n'y
sujet.En reobjectifs,
plus
correspond
de Fanti-féminisme
des
des femmesdiffèreradicalement
vanche,l'anti-féminisme
Ce
est
racisme
chez
hommes; il lui estmêmediamétralement
opposé. qui
l'oppresseurest haine de soi chez l'opprimée.Il est normalque les femmessoientantiféministes
; c'est le contrairequi seraitétonnant.Et la prisede conscience,le
n'est pas une Pentecôtesoudaineet brutale; la conscience
«devenir-féministe»
n'est pas acquise en une fois et une foispour toutes; c'est un processuslonget
jamais terminé,douloureuxde surcroît,car c'est une luttede tous les instants
contreles «évidences»: la visionidéologiquedu monde,et contresoi. La lutte
Il n'y a donc pas de ruptureabrupte
contrela haine de soi n'estjamais terminée.
mais un continuum
et les femmes«anti-féministes»,
entreles femmesféministes
de pointsde vue surune mêmesituation.Car,quellesque soientleurs«opinions»,
- étanta) un obstacleà la prise
les femmessont opprimées.Leuranti-féminisme
le refletde leur
de consciencede leursintérêtsobjectifset b) plus directement
de cette
l'un
maintien
est
des
du
dans
donc
leur
moyens
subjectivité
oppression
oppression.
des hommesfait partiede l'oppression
Aussi,tandisque l'anti-féminisme
femmes
fait-il
des
exercée,l'anti-féminisme
partiede l'oppressionsubie. Les féministesne peuventen aucun cas considérersur le mêmepied les hommesantiElles
ni appelerces dernières
des ennemies.
et les femmes
féministes
anti-féministes,
ne sontpas séparéesde nous par des intérêtsobjectifsmaispar une faussecons: car nous l'avonseue,
cience,et encorecelle-cine nous sépare-t-elle
pas vraiment
l'avonsencoreenpartie: c'estnotreennemiecommune.Quandnousluttonscontre
leurs «opinions»,nous ne luttonspas contreelles, mais contrecette ennemie
doncpourelleset pournous.
commune,
... et nous meten gardecontreles mauvaises.
- de la tentative
de divisiondesfemmesL'autrevoletde la démonstration
consisteà agiterle chiffonrougequi faitfoncerla vachetteconditionnée: après
à prétendre
avoirprétenduque la libérationtlintéressepas toutesles femmes,
que
les
femmes.
Si
en
une
ne concernepas toutes
effet catégoriede femmes
l'oppression
dès lorsle critèrede genrenejoue plus,et
peutêtreconçuecommenon concernée,
dans le mouvement,
et ce
de genremasculinpeuvents'introduire
les féministes
de
mouvement
êtrevidéde son contenupolitique: carqu'est-cequ'unmouvement
? Alzon,qui saitce qu'il fait,
desfemmes,si le genren'estpluspertinent
libération
La clé de voûte
ne s'embarrasse
à laquelle il préfèrel'efficacité.
pas d'originalité,
de la divisionestle motmagiquede «bourgeoises».
de femmes,et
Cette questiona longtempsagitéet diviséles mouvements
en la
continued'ailleursde le faire ; aussi est-onsur de semerla perturbation
36
soulevant.Les raisonsn'en sontpas clairesmaisellesontdéfinitivement
plusà voir
avec la culpabilitédes femmesqu'avecune quelconqueréalité.En effet,personne
ne connaîtces «bourgeoises»donttoutle mondeparle.Ni les femmes
qui dansles
les «excluaient»d'avance,avantmêmequ'ellesn'aientfrappéà notre
mouvements
porte,niAlzonqui ne les connaîtque paroui-dire,et quel oui-dire! Les écritsd'un
auteurdu XIXèmesiècle ! Qui sont-elles,
femmes
qui les a vues? ces horribles
prià quoi les reconnaîtvilégiéesqui sontnos ennemiesde classe? Et où leschercher,
on : quelle est la définition
opératoired'une «bougeoise»? Surce point,personne
ne sembleà mêmede nous renseigner.
Alzon en donneune définition
qui esttout
saufopératoire,qui s'adresseà une essenceou à une situationabstraite,qui ne
si cettesituationexisteou non,encoremoins
permeten aucuncas de déterminer
le
concret,
d'analyser
qui pose plus de questionqu'elle n'en règle: ce sont- seraient- des femmes«qui ont toutmaisne sontpourtantpas libres»(tribunelibre
du Monde, 1974). Non seulementcettedéfinition
ne permettrait
absolument
pas
de reconnaître
une «bourgeoise»si on la rencontrait,
maisde touteévidenceelle
d'unefaçonspécialeet
pose à son niveaumêmeun problème: à moinsd'entendre
ce
et
il
a
«avoir»
contradiction
dansles termes
«liberté», y
spécieuse que signifient
de la définition.
En tous les cas, si une tellesituationparadoxaleexistait,quelles
en tirer? A quel typed'allégeanceou d'engagepolitiquespourrait-on
implications
ment(ou de non-engagement)
? Pourquoiet comment? A cette
conduirait-elle
ne
De
question,personne répond. mène que la définition
1) est paradoxale,2) ne
se réfèreà aucungroupeconcretet 3) ne donnepas les moyensd'identifier
un tel
groupe,les implicationspolitiquessont laissées dans le vague,procèdentde
l'insinuation
calomnieuseou de l'affirmation
gratuite,le plus souventdes deux,
maisjamaisde la démonstration.
Les mouvements
de femmesont-ilsune vue plus précisede la questionque
nos amismâles? Point.Les débatssurle sujetont toujoursété entachésde l'abslesplusmarqués,associéscommeil estde règleà la passion
tractionet de l'illogisme
la plus vive.Ainsiil se disaitque les «bourgeoises»1) n'étaientpas opprimées,
à leurshommes».La contradic2) étaientnos ennemiescar 3) ellesse «rallieraient
tion entre1 et 3 ne semblaitgênerpersonne,non plus que le faitque l'on parlait
un comportement
futur
pourdes absentes,non plus que le faitqu'on leurimputait
- le «ralliement»
- qu'on niaitpoursoi et que l'existencemêmedesgroupesd'où
ces accusationsétaientlancéesdémentait.
Peut-être
la plusgrandeironiede l'affaire
était en effetque les femmesqui lançaientces accusationsse définissaient
ellesmêmescomme «bourgeoises»
. La contradiction
entrecetteauto-définition,
le fait
nonseulement
maisconstique quoique «bourgeoises»ellesse sentaient
opprimées
tuaientles mouvements
de libération,
et leurspronosticsne semblaitnullement
les
déranger.
Un exemplemanifeste
du caractèremythiquede la «menacebourgeoise»est
donnépar le faitque la seule référence
concrèteconsistaiten l'évocationhorrifiée
de MadamePompidou.Or celle-cine constituepas de touteévidenceunecatégorie
à elle seule et d'autrepart n'a jamais, pour autantqu'on sache,manifestéla
moindrevelléitéd'entrerdans le mouvement,
encoremoinsd'en subvertir
les obOn auraitpourtant
crud'aprèsla teneurde certaines
discusjectifsrévolutionnaires.
sionsque cetteéventualité
était imminente
et constituait
le dangerle plus immédiat auquel le mouvement
dût faireface.Ce qui est intéressant
dansl'affaire,
c'est
37
que la situationobjectivede MadamePompidou- réputéeunecapitalisteentreles
Jackie
pires- n'entraitpas en ligne de compte : dans les groupesaméricains,
Il
et
le
même
est
rôle.
dont
la
est
situation
clair,
différente,
parle
jouait
Kennedy,
choix d'une individueunique dans les deux cas, et par le choix de la mêmeindividue,la femmedu chefde l'Etat,dansles deuxcas aussi,qu'ellesavaientvaleurde
symbole.Maisce qui n'estpas clair,c'estce qu'ellessymbolisent.
La hainedes femmesdéguiséeen amourdes prolétaires...
sontle produitde la converA mon avis ce symboleet cettesymbolisation
de
deux
de
gence
types processusidéologiques.
I - La «menacebourgeoise»d'unepartreflètepurementet simplement
une
et
se
manifeste
de
sexisme.
Celui-ci
du
par,
produit
partie l'idéologiemasculine,
- le capitaliste- surles
entreautres,le déplacementde la hainede l'oppresseur
des «réet possessionsde celui-ci.La «bourgeoise»est la cible favorite
serviteurs
mâles.2 Elle est beaucoup plus haie que l'oppresseurréel, le
volutionnaires»
«bourgeois».Ceci à son tour correspondà troisprocessusdistinctsmais non
:
contradictoires
du
le pouvoirréel de l'oppresseur,
1. L'impuissancepolitique.Précisément
non
énormes.
le rendinattaquable,
ou du moins
attaquablesansrisques
bourgeois,
Il estplus facile,et pluspayantaussi,de l'attaquerdanssespossessions,
d'attaquer
et les
de sa puissance.D'une part,ellesla manifestent,
des personnesqui participent
; d'autrepart,ellesne la possèdent
attaquerc'est s'attaquerà cettemanifestation
sa
AinsiEldrigeCleaverexprimait
pas, ce qui minimiseles risquesde représailles.
hainedu pouvoirdes hommesblancssurlui en violantleursfemmes.Leurparticides restesde table,mais
desmiettes,
pationau pouvoirblancconsisteà en recevoir
mêmesi
surtoutà êtresous sa protection.Il peut semblerparadoxalde s'attaquer,
les risquesde représailles
sontmoinsgrands,à ceux ou à cellesqui n'ontque des
principaux.
délégationsd'un pouvoirqui se situeailleurs,et non à ses détenteurs
c'estlà que le bâtblesse,car :
Maisprécisément,
2. La détentiondu pouvoirest d'autantplus et non d'autantmoinsprovoDans ce
cante que ce pouvoir,aussiminimesoit-il,est perçucommeillégitime.
sens,le faitque les bribesde pouvoirdétenuespar les femmesde blancsou les
femmesde bourgeoissoientdes délégationset ne soientpas possédéespar ellesen
propre,joue non en leur faveurmais en leur défaveur.Le mêmefaitqui devrait
amenerà exempterles femmesde bourgeoisde l'attaque- le faitqu'elle détien- les rendparticulièrement
nentleurpeu de pouvoird'unefaçonindirecte
odieuses
aux autresopprimés.L'autoritéqu'une femmede bourgeoispeutexercer- surdes
2. Jusqu'en 1972 au moins (date à laquelle j'ai cessé de les lire), le thème type des
bandes dessinées de Hara-Kiri et de Charlie-Hebdo était l'humiliation d'une femme «bougeoise» par un mâle réputé révolutionnaire,ou plutôt que ce seul haut fait suffisaità désigner
commerévolutionnaire.
On peut en conclure :
- que ce thèmesertde signe: signifiela «Révolution» ;
- que, réciproquement,puisqu'elle est ainsi utilisée, l'humiliationdes femmesest un des
contenusmajeurde la représentation
symboliquede la «Révolution».
38
chauffeurs
de taxi,des femmesde ménage,etc. - estperçuecommeillégitime
précisément
'indirecte.
parcequ
3. Cetteperceptionrévèledeux choses: a) cetteautoritéestperçuecomme
allant à rencontrede leur statutde droit: elle empêchequ'elles soienttraitées
comme elles devraientl'être,c'est-à-dire
commedes femmes,ce qui à son tour
révèleque le statutde fonineest en droitincompatible
avec une autoritéquelcette
est
autorité
comme
contradictoire
donc illégitime
conque ; b)
perçue
parce
est
non
de
la
source
et
considérée
commenormalede
dérivée,
qu'elle
classique
l'autorité: la main-mise
sur l'économie,maisde son contraire: du statutde possessiond'unbourgeois.
II - Donc, précisément
parce qu'elles sont des possessions,
a) l'autoritédes
femmesde bourgeoisest indue; b) leurappropriation
les
privéepar bourgeoisest
l'un des exemplesde l'inégalité
desclasseset de l'oppression
desprolétaires.
Rapter
leursfemmes,c'est signifier
aux bourgeoisqu'on n'acceptepas leuraccaparement
des biensde ce monde,et procéderderechefà un débutde redistribution.
L'accès
aux
femmes
continue
d'être
une
revendication
comdu
sentiment
égal
implicite
munistepopulaire(des hommes)centans aprèsla miseau pointde Marx,qui dans
son innocencecroyaitce sentiment
le faitdes seulsbourgeois! Maiscettemiseau
ne
rester
vœu
continue
point peut
qu'un
pieux.Cetteconceptionde l'égalitarisme
de sévir- commeun articlepublié dans un hebdomadaire
le
gauchiste prouve
(lettrede Mohameddans Tout, 1971) - et continuede manifester
que les femmes
sontconsidérées
commedesbiens.
Donc les attaquescontreles «bourgeoises»
révèlenten négatifla conception
de
l'ordre
de
ce
devrait
être.
descommunistes,
social,
populaire
qu'il
L'indignation
des prolétaires,
des noirs,des Algériens,
brefdes opprimésde genremasculin,que
cetordrene soitpas respectédévoilece qu'il est:
doiventêtreégalement
a) les femmes
partagées;
il
a
b) n'y pas de raisonpour que leur «qualité» de possessionde certains
les soustraiede surcroîtà certainstraits
hommes,qui manifeste
l'accaparement,
de leur condition«normale».Mettrela main au cul d'une «bourgeoise»,comme
de touteautrefemmed'ailleurs,n'estpas un plaisirni unepulsionsexuels,on s'en
doute. C'est une façonde la rappeler,et de se rappeler,au sensde la hiérarchie
«vraie».Pourles metteurs
de mainau cul et pourles hommesen général,l'appartenancede sexe doit l'emportersur «l'appartenance
de classe».C'est ce que manifestel'indignation
provoquéepar les instancesoù elle ne l'emportepas : où une
femme,en qualitéd'épousede bourgeois,donnedes ordresà un homme; ce que
les injuresagies,écritesou parléesadresséesà ces femmes.
manifestent
du statutde sexeparle «statutde
L'indignation
provoquéepar la mitigation
classe» révèleque le genreest conçucommedevantl'emporter
surla classe.Il est
donc clairque l'hostilitévis-à-vis
des «bourgeoises»est due au sentiment
qu'elles
ne sontpas à leurplace, qu'elles sont des usurpatrices
(en sus d'êtredes objets
indûmentappropriés).Cette hostilitéest donc fondée sur le contrairede la
«théorie»qui la rationalise.Cettethéoriedit que les femmesde bourgeoissont
avantd'être femmesc'est-à-direoppri«bourgeoises»,c'est-à-direoppresseuses,
en
mées,et qu'elles sonthaies à l'instarde leurshomologuesmâlesprécisément
raisonde ce que leurclasse- leurqualitéd'ennemies- l'emportesurleurgenre.
39
ce n'estpas parce
si les «pouvoirs»des «bourgeoises»indignent,
Or, au contraire,
sont
comme
des
mais
sont
bourgeois, parcequ'elles
perçuescomme
qu'elles
perçues
n'étantpas des bourgeois- ne devantpas en être.Ce qui indignedans le fait
bourgeoises,c'est
qu'elles exercentou semblentexercercertainesprérogatives
une
les
exercent
indûment,
qu'ellesusurpent
position.Et non seulement
qu'elles
«norainsi
se
dérobent
à leurtraitement
et
aux
elles l'usurpent,
bourgeois
posent
mal» ; maisc'estjustementparcequ'ellessontpossédéespar des bourgeois,
parce
qu'elles sont des possessionset non des bourgeoisqu'elles peuventposer aux
et nierqu'ellessontdespossessions!
bourgeois
Ainsiles attaquesmenéescontreles «bourgeoises»au nom d'uneconscience
surle genre- révèlent-elles
une
«de classe» - pourlaquellela classel'emporterait
:
consciencediamétralement
opposée,pourlaquelle
- les femmesde bourgeoissontperçues(correctement)
commen'appartenant
pas
non en tantque sujetsmaisen
à la mêmeclasse que les hommes(y appartenant
tantqu'objets);
- les femmesde bourgeoissont perçuescommeétantfemmesavantque d'être
«bourgeoises»;
- le genre- ce qui est dû à tous les hommespar toutesles femmes
- doitl'emla
sur
classe.
porter
... et fondementdu féminismemasculin.
Quand on sait quelle culpabilité- quelle oppression(cf. infra)- sont à
on réaliseà quel pointil est
du «mythede la bourgeoisie»
chezles femmes,
l'origine
de s'appuyer
ou tout simplement
odieux de la partd'un hommede les renforcer
sur elles.Mais aprèstout,Alzon(La Femmepoticheet la femmebonniche,Paris,
librede le faireou de ne pas le faire: il suitle
Maspero,1973) n'estpas vraiment
mythedans sa versionmasculine,c'est-à-dire
pour des raisonsqui ne sontpas la
dans son exposétoutesles attihainede soi maisla hainede l'autre: on retrouve
tudesmasculines
exposéesplushaut.
La premièreindicationque nous avonsaffaireà un mytheest Yirrationalité
S' appuyantsurune lectotalede ce qu'on n'ose pas appelerune argumentation.
une distinction
turepersonnelle
arbitraire
d'Engels,Alzon introduit
parfaitement
mais
entre«oppression»et «exploitation».Non que celle-cine noussoitfamilière,
on saitqu'elle ne veutriendiresinonque le locuteurou la locutriceexprimeainsi,
en termesqu'il ou elle estimepluspolis,que l'oppressiondes femmesest «secondaire».Cettedistinction
est donc une sorted'injureraffinée,
maison ne s'attend
certespas à voirtoutun pamphletbasé suret consistant
en unevariauniquement
tionsurce thème.On attenddoncautrechosed'Alzon,d'autantplusqu'il annonce
lesmainsavecl'airde celuiqui a trouvéun trucvraiment
ça au débuten se frottant
et
dont
la
toute bouillevous dit : «Vous allezvoirce que vousallezvoir!»
original
Maisnon,rien.On ne voitRien. Alzon ne définitaucundes deuxtermes,
ce qui va
: maisil s'en fout,de cettedifficulté,
rendreleurdistinction
diffìcile
car il n'essaie
mêmepas de justifier
On pourraitpenserque cettedistinction,
la distinction.
cette
etjustifie
«idée»,bonneou mauvaise,prouvéeou non,puisqu'elleouvre,introduit
l'existencedu pamphlet,va en sous-tendre
la suite,parcourir
la «démonstration»
40
et n'en
entière.Mais non : il l'abandonnederechef
' juste aprèsl'avoirmentionnée,
reparlera
plus. Pourquoi? C'est qu'elle a servison propos: tenirlieu de semblant
de formulation
théoriqueà l'éternelmythe,à la divisionentre«bourgeoises»et
«travailleuses».
dansle faitqu'il ne se réfère
Qu'il s'agissed'un myteest encoremanifeste
jamais à aucungroupesocial concret.Pour décrirecette catégoriequ'il dit exister
né et mort
aujourd'hui,il utiliseen toutet pourtoutunecitationde Paul Lafargue,
au XIXèmesiècle.Ceci ne nouséclairepas beaucoupsurqui sontces «bourgeoises»,
surce qu'ellesfont,suroù on les trouve(apparemment,
silui ne les a pas trouvées,
non pourquoiLafargue...).Apparemment
encore,ce ne sontpas des femmesde
mais
«bourgeois»au sensmarxistepuisqueleursmarisnon seulementtravaillent
tirentleurrevenude ce travailII ne s'agitdonc pas de possesseurs
des moyensde
productionpercevantla plus-value.Ou la plus-valuea disparusans que je m'en
«cadres» et ne s'en
aperçoive,ou bien Alzon utilise«bourgeois»pour signifier
excuseni ne s'en explique.Mais il a d'autreschiennesà fouetter,
c'estpeut-être
là
son excuse.Ces bourgeoisesne fontrien,vous entendezstrictement
RIEN, sinon
d'allerà descocktails.Là, je reconnais
bienla description
que toutle mondedonne
des OdieusesOisives,maisje n'y reconnaispersonneque j'aie jamaisrencontrée,
ni
ait
Alzon
étant
de
socialement
ces
exclus
milieux
comme
les
rencontrée,
qu'
jamais
autrespetits-bourgeois.
D'abord, les sociologues,dontmoi,dontAlzon,n'ontaucune chancede jamaispouvoirpénétrer
ou enquêterdans les milieuxoù ces créaturesfabuleusesrisqueraient
de se trouver.Tant que ses sourcesd'information
restentcelles de tout le mondec'est-à-dire
et une opinion de
France-Dimanche
MonsieurLafargue,
il
serait
sinon
Paul,
plus sage,
plushonnête,de se taire.D'autre
le
à
des
sache
conduit
femmesqui ne fontstrictement
part, peu qu'on
penserque
la
ont
des
d'autant
n'existe
rien,
enfants,
ça
pas, pourla bonneraison
que plupart
des
c'est
ou
une
ou
même
avec
commeles inimpossible(sans
que
domestiques,
le
le
le
téressées saventet diraientsi on leurdemandait).Mais qu'importeà Alzon
l'absenced'information
surces créatures
mane que rien
mythologiques,
qu'importe
ne prouvequ'ellesexistent! Ce qui comptepourluice sontles raisonnements
auxde
et aux dépensdes femmes
quels il va pouvoirse livrersurce groupemythique,
chairet de sang.Par exemple,leursmarisont été définiscommedes travailleurs
? Ce
mais leursfemmessont des bourgeoises.
Qu'importeencorela contradiction
entreles marisqui peinentet
qui compteici, c'est bien de marquerla différence
à la sueurde leursfronts(c'est
les femmesoisivesque les premiers
entretiennent
sans doute pourquoiils ont été décrétés«travailleurs»
: si les susditsmarisentreà la sueurde leursdividendes,
tenaientleursfemmes
la conclusiond'Alzonmanqueraitsingulièrement
d'impact).
On reconnaîtlà la théorievulgaireselonlaquelleles femmes«à la maison»
sont «entretenues
à ne rienfaire»: ne gagnentpas leurvie,brefne méritent
pas
a portéun rudecoup à cettevisiondes choses.On a
leurpitance.Le féminisme
montréque le travailménagerestun travailet que l'entretien,
loind'êtreun cadeau,
estune formede rémunération
en nature- nonen montant- au salaire.
inférieure
Alzon n'y a riencompriset le démontreabondamment
par la suite; maisceci sort
de monpropos.L'important
c'est que, sansl'avoircompris,il l'accepte.Pourquoi?
Parceque en l'acceptant,en «accordant»à certainesfemmes- mercimonsieurqu'elles sont exploitées,et en le refusantà d'autres,il trouveune nouvellebase,
41
plus habile,plus «féministe»,
pour le même vieux projet : diviserles femmes.
femmes
en
Certes,ce «refus»d'accorderla qualitéd'exploitéesà certaines
provient
de
ce
mais
elle
de
son
qu'est
l'exploitation
domestique
proincompréhension
partie
vientsurtoutde son propospolitiquequi à son tourest la causede son incompréhension.
Il n'a admisla théoriede l'exploitation
domestiqueque pourpouvoir,en en
En effet,en ce qui conmieuxdiviserles femmes.
déniantl'applicationà certaines,
il reprendla visionidéologiqueselonlaquellel'entretien
cerneles «bourgeoises»,
fournipar le mariest un cadeau, donnécontrerien.(Sans compterqu'en ce qui
: comme
il voitleurexploitation
en termesquantitatifs
concerneles «travailleuses»,
- qu'il postulenégative- entrela valeurvénalede l'enen la différence
consistant
- où, comment? - percetretienet la valeurvénaledu salairequ'ellespourraient
voir.La femmetravailleplus que le mariet consommejuste autant: la femmeest
«volée» : voilà l'exploitationpour Alzon ; donc, si, tout restantinchangé,les
femmesmangeaient
plus que leursmaris,le problèmeseraitrésolu.)Mais,ou bien
est toujoursun conceptidéologiqueou bien il ne l'estjamais ; on ne
«l'entretien»
à moitié.Mais encoreune fois,qu'importeà Alzon : son
peut pas le démystifier
: dansla bourgeoisiece
est
d'amener
cette
véritableperle,accrochez-vous
propos
sontles femmesqui exploitentleursmaris! (A ce compte,les enfants«exploitent»
leursparents,les conscrits«exploitent»l'Armée,les vieillards«exploitent»l'hôpital.) Il n'expliquepas commentces marisqui sont «dominants»peuventêtreen
une
mêmetempsexploités,ce qui est un paradoxelogiqueet serait,si cela existait,
de
dans
l'histoire
l'humanité
si
cela
absolument
occurrence
existe,eh
(et
unique
à
bien,ils l'ontméritéparcequ'ils sontvraiment
tropbêtes; leurplacej'utiliserais
Maiscette
un peu de monpouvoirpour fairecessercetteintolérable
exploitation).
la dépendanceéconomique
énormitéest une vétilleaux yeuxde qui a transformé
des femmesen exploitationpar elles exercée.AussiAlzon n'est-ilpas là pour résoudrece mystère.Ayantdit,il procède,car son proposn'estpas de justifierdes
de trouver
maissimplement
des insultes
doncinjustifiables,
aberrantes,
propositions
.
inéditesà lanceraux «bourgeoises»
Mais,hélas pour lui, sa passionest trop vive,elle l'entraîneplus loin qu'il
n'auraitvoulu: à se démasquer.En effet,pour «mieuxprouverson point»- l'oides «bourgeoises»
siveté,donc,selonlui,la non-exploitation
-, Alzonlescompare
de luxe. Il révèleainsil'étenduede sa compréhension
de l'oppresà des prostituées
sion des femmes
qui exploite
(pour lui,ce n'estpas le client,commeon le croirait,
la prostituée
mais la prostituéequi exploitele client)et la qualitéde son «fémide luxe,c'est pour des fénisme».Dire que les «bourgeoises»sontdes prostituées
sont
des
bien
femmesexploitéescomme les autres.Pour
ministesdire qu'elles
Alzon c'est direle contraire
(puisquec'est le nœudde la «théorie»selonlaquelle
ces femmesexploitent
leursmaris).En effetil utilisecettecomparaison
commeun
les
Or ce
d'avec
femmes.
leur
autres
différence
argument
imparablepour prouver
en
tant
n'estcertainement
les
diffèrent
des
que prostituées
que
«bourgeoises»
pas
autres femmes.Alors pourquoi Alzon a-t-ilcru cet argumentdécisif? Les
de luxe diffèrent
bien des autresfemmes,d'un certainpointde vue.
prostituées
Alzonpense«prouver»,
Maisce n'estpas d'unpointde vueféministe.
en les traitant
de prostituées
de luxe,que ces femmessontnonexploitéesdoncpolitiquement
inaux autres.Or,c'est précisément
surce pointqu'ellessontsemblables
férieures
aux
42
n'estpas féministe,
autres.Alzonrévèleainsique son pointde vue,non seulement
Car le pointde vue d'où ces femmessont appréhendées
mais est anti-féministe.
d'une façonpéjorative,
c'est le pointde vue de l'ouvrierqui traitela «bourgeoise»
de «salope». En termes«universitaires»,
Alzonditla mêmechose: qu'est-cequ'elles
sont
se croient,ces femmes
à
moi
inaccessibles,
qui ne sontpas (parmoi) oppriqui
alors
sont
comme
les
autres
! Le seulpointde vued'où
des
mables,
qu'elles
putains
d'Alzonsurles «bourgeoises»sontcompréhensibles,
les assertions
le seul pointde
vued'où ellespeuventêtreémises,c'estceluidu sexisme: pourlequelil estinadmissibleque certainesfemmeséchappentou aientl'aird'échapper,
mêmeen partie,au
sortcommun; le pointde vuedeshommesindignés
de sexede voirleurprivilège
en particulier
l'accèssexuelà toutesles femmes misen échecpardes «privilèges»,
de classe ; car le pirepour eux est qu'ils savent
plus exactementdes protections,
sont dérivésde, obtenuspar une oppressionde sexe : par la
que ces «privilèges»
la mêmeque celle dontils espéraient
maisréservéeà des
bénéficier,
prostitution,
hommesdominants.
Ce n'estpas le pointde vue de •quelqu'un qui réclamela fin
de l'oppressiondes femmes,
mais au contraire
celui de quelqu'un- de la majorité
des hommes qui réclamel'applicationtotale- sansexemptions
nimitigations
à toutesles femmessansdistinction,
du sortdes plus opprimées.C'est le pointde
vue des «partageux»sexuels,ceux qui veulentque cesse la distribution
inégaledes
femmes.
Cettehaine des «bourgeoises»n'est pas, de touteévidence,provoquéepar
l'amourdes f«urneset de leurlibération.
Maisce n'estmêmepas unehainelimitée
à une catégorieparticulière
de femmes.C'est la haine de toutesles femmes.Les
viséesque dansla mesureoù ellessemblent
«bourgeoises»ne sontparticulièrement
à l'oppression,
ou à certaines
ou à l'oppression
échapperpartiellement
oppressions,
de certains hommes. La haine activeest bien réservéepratiquementaux
«bourgeoises»,à celles qui paraissentbénéficierd'un statutd'exception,d'une
et
exemptionscandaleuse.Mais que cetteexemptionsupposéesuscitel'indignation
la haineà l'égardde ses «bénéficiaires»
montrequelle est la conditionseulejugée
convenableaux femmes: la seulequi n'éveillepas l'hostilité
estune situationd'oppressiontotale. Cette réactionest classiquedans les annalesdes relationentre
et dominés,et a été amplement
étudiéedansle Sud des Etatsgroupesdominants
Unis en particulier.La bienveillance
des blancs pour les noirsqui
paternaliste
«connaissentleur place» et y restentse transforme
en une fureur
curieusement
meurtrière
fémiquandces noirscessentde connaîtreleurplace. Les mouvements
nistesaméricains
ont aussi analyséles réactionsmasculinesaux tuppitywomen»,
littéralement
les femmes
qui ne baissentpas les yeux.
Les fameuses«bourgeoises»ne sontpas de ces femmes«arrogantes»: des
leurrôle,maisplutôtdes femmesà qui une soumission
femmesqui contestent
clasà la couchesupésique à un hommevauten retour,quand cet hommeappartient
rieurede son sexe,quand cet hommedomined'autreshommesaussibienque des
une protection
contreces autreshommes.Ceci estvécu,commeje l'ai dit
femmes,
de la règleidéalequi deplushaut,commeune anomalie,commeunetransgression
de toutesles femmesà tous les hommes,et d'autantplus
vraitêtrela soumission
à
outrageantequ'elle est le résultatde l'obéissanceà cette règle.L'attachement
cettenormeest rarement
verbaliséchez les intelconscient,encoreplus rarement
lectuelsde gauche.Il n'estrévéléque négativement
que sa transpar l'indignation
susciteen eux.
gression
43
//.- LA HAINE DE SOI COMME FONDEMENT DU "GAUCHISME"
FEMININ
Ou les originesdes droitesféministes,ou l'imagede soi dans le miroir
de la mauvaiseconsciencedes femmes.
C'est dansce contextequ'il fautcomprendre
les débatsde consciencede cerde libérationdes femmeset la «politique;)adoptainestendancesdes mouvements
tée par certainsgroupes.Ces débatsde consciencene portentpas surune situation
concrète
réelle,etlesprisesde positionne découlentni d'uneanalysede la situation
de catégories
nia fortiorid'uneanalysedes implications
concrètesde femmes,
politiquesde telleou telleposition,ce qui exigeraitque ces positionssoientconnues,
dans la luttede libération.Ils sontsimplement
une expression
pour rengagement
de la mauvaiseconsciencedes femmes,
mauvaiseconsciencequi, inutilede le dire,
est à la foisproduitet signede l'oppression.Les femmes- commeleshommesestimentillégitime
que la classe l'emportesur le genre: que leur «appartenance
à l'oride classe»- qui est d'ailleurstoujoursfaussement
évaluéeet/ouidentifiée
se classentd'aprèsla positionde leurpèreou
ces femmes
gine de classe(c'est-à-dire
de leurmari; si ellesse classaientd'aprèsleurpositionpropre,elless'apercevraient
qu'aucuned'ellesn'est bourgeoise)- les mettedans des situationsde supériorité
totale» vis-à-visde certainescatégoriesd'hommes.Elles
ou de «non-infériorité
cettemauvaiseconscience- sous formed'hostilité- surune catégorie
projettent
de femmes
censéesexemplifîer
cetteanomalie.
mythique
Cettemauvaiseconscienceestparticulièrement
articuléeet expriméesystématiquementdans l'idéologie«gauchiste»: les prisesde positiondes groupesdits
«gauchistes»(à cause de leursliensavec l'extrêmegauchemasculine)des mouvements.Mais elle n'y a pas sa source : elle y trouveseulementune formulation
mâlescommerationalitoute faite: élaboréepar les gauchistes
pseudo-théorique
de leursintérêts
sation«révolutionnaire»
d'hommes.
n'estdu pointde vuedes femmes
Cetteformulation
qu'uneformeparticulière
d'unemauvaiseconsciencegénérale,et sansrapportstructurel
avecl'idéologieou le
mouvement
«révolutionnaire».
des femmesdans la luttedite«proléL'engagement
resteà vérifier3)
semble
la luttegauchiste(dont le caractèreprolétarien
tarienne»,
3. Tout ce que j'ai dit pages 28 à 29 à propos des noirss'applique mutatismutandisaux
rapportsentreles groupesgauchisteset les prolétaires.«Prolétarien»,dans l'usage qu'ils en font,
n'est pas à «prolétaire»comme «ouvrier» (adjectif) à «ouvrier» (nom), mais comme «ouvriériste»(adjectif) à «ouvrier»(adjectif). La critiquede l'extrêmegauche,de ses prétentionsavantgardistesaggravéespar - et hélas, causées par - sa composition exclusivement,ou à peu près,
petite-bourgeoise,n'est pas mon propos ici. Elle reste à faire. On peut cependant mentionner
dès à présentque, à la critiqueque cette lutte «prolétarienne»n'est ni dirigéeni même suivie
par des prolétaires,la pratique du mouvementdes femmesen a ajouté une autre, symétrique
mais non semblable : que le combat des petits-bourgeoisrévolutionnairesne part pas de leur
propreoppression.Ceci rendraplus claire une note qui aurait dû venirlogiquementà la finde
la premierepartie,en réponseà la question qu'on ne peut manquerde se poser : «Mais alors,les
hommesne peuventrienfairedans le cadre de la lutte anti-patriarcale
?»
A cette question,c'est une autre pratique qui répond ; celle de certainshommesqui, au
lieu de nous donnerdes conseils,travaillentsur eux, surleurs problèmessexistes; qui, au lieu de
nous interpeller,s'interrogent,au lieu de prétendrenous guider, cherchentleur voie ; qui
les conparlentd'eux et non pas pour nous. Ceux-là cherchenten quoi la lutteanti-patriarcale
cerne directement,dans leur vie quotidienne.Et ils le trouventsans difficulté,inutilede le dire.
Car c'est pour l'ignorerqu'il faut se donner du mal. Quel aveuglement,quelle mauvaise foi ne
faut-ilpas pour prendrele point de vue d' Uranus - de Dieu -, pour se prétendreen dehorset
44
impliquerune exclusiondes «bourgeoises»,non en tant qu'individuesconcrètes
- puisquepersonnen'a jamaisvu la queue d'une-, maisde la définition
du peuple
à la libérer.D'une certainefaçonces femmes(les gauchistes)reproduisent
dans
leursgroupesnon mixtesla mauvaiseconsciencedes membrespetits-bourgeois
de la gauchemasculinevis-à-vis
des «masses»c'est-à-dire
desprolétaires.
C'estbien
- une imitation- dansle sensqu'elle est fondéesuruneidentiune reproduction
à ceux-cique
ficationdes femmesà «leurs»hommes.Ce n'estqu'en s'identifiant
ces femmespeuventse sentir«privilégiées»
et «coupables».Cetteidentification
a
elle-même
:
d'une
sources
à
l'identification
plusieurs
part
l'oppresseur
«personnel»
pris comme modèle,c'est-à-direl'aliénationféminineclassique,d'autrepart la
estproduitepar le désirde croireà, et produit
fausseconscience.L'identification
la croyanceà, la similitude
au delà de la barrièredes sexes.Elle est typiquement
une réactionmagique,une façon d'annuleren rêve l'oppressionqu'on ne peut
dans la réalité.Commetout recoursà la magie,elle portesa propre
supprimer
sa propreannulation,
est la preuvepérempcontradiction,
puisquel'identification
toirede la non-identité.
La croyancetenuepar des femmesnées de bourgeoisou
mariées- légalementou non - à des bourgeoisqu'elles sont elles-mêmes
des
«bourgeois»est un produitde la fausseconscience: car elles ne participent
pas
commeellesle croientaux privilèges
de cetteclasse,et ellesne le croientque grâce
à un processusd'identification.
Donc ces femmesse sentent
des
coupablesvis-à-vis
:
d'une
fausse
se
faussement
conscience,parcequ'elles croient
prolétaires
partpar
dansla mêmesituationet dansle mêmerapportobjectifaux prolétaires
que leurs
«mecs». Mais cette culpabilitéest aussi le produitde ce qui est en un sens le
contrairede la fausseconscience: la mauvaiseconscience: le sentiment
que ces
de
dont
classe
la
fausse
les
les
exercent
à
conscience
privilèges
persuadequ'elles
l'instarde leurshommes,sont,par elles,usurpés.Ce processusest distinctdu premieranalytiquement,
bienque les deuxaillentle plussouventensemble.
En effet,
on peutdistinguer
troissituations
théoriques:
Io celle d'une femmequi estvraiment
c'est-à-dire
Il y a en
bourgeoise,
capitaliste.
Franceonze millefemmes«Patronsde l'Industrieet du Commerce»
. CettecatégoriecomprendRothschildet l'épicierdu coin. Etantdonnéle nombred'épiceries
tenues par des femmes,on peut penser que la majoritéde ces onze mille
«Patronnes»sont plus vraisemblablement
des épicièresou assimiléesque des
Rothschild.
2° celled'unefemmemariéeà un bourgeoiset bénéficiant
de certaines
délégations
de pouvoir.
3° celle d'unefemmemariéeà un petit-bourgeois
de riendu tout
et ne bénéficiant
(le cas de nosgauchistes).
Dans les cas 1 et 2, les privilèges
dérivéssoitde l'appartenance
de classe(1)
soitde la possessionparla classe(2) sontentachésde culpabilité; redoubléedansle
cas 2 parla façondontilsontété acquis(la prostitution
que leshommesprolétaires
au senspropred'absenceà sa propreexpérience
au-dessusde la mêlée,quellealiénation,
: en
«êtreà côté de ses pompes».Cest pourtant
le pointde vue du militantisme
languevulgaire,
traditionnel.
Cest cettetradition
oui expliquequ'unSamirAminpuisseécriresérieusement
que
«les quelquesintuitions
des femmes
du Tiers-Monde»,
il les doità un
[qu'il a] de l'oppression
et
de
à
G.
un
livre
surcroît
est
Une
livre,
(de Tillion).Or,SamirAmin égyptien. telle
français
déclaration
suffità invalider
nonseulement
les analysesqui l'accompagnent,
maisce typede
militantisme
de
entier.
tout
(et militants)
45
leurreprochent
avectantde vertu).Dans les cas 2 et 3, ces privilèges
peuventêtre
en
:
ils
en
sont
et
2
ils
le
aux
3,
peuvents'ajouter
imaginaires
toujours
privilèges
dérivésmais réels.En d'autrestermes,la mauvaiseconsciencejoue danstous les
Elle est redoubléedans le secondcas, celui des
cas : le sentiment
d'usurpation.
des femmesde bourgeois,
c'est-à-dire
«bourgeoises»classiques
parla consciencede
masculine(cf. p. 38). Dans le troisième
la tricheriequi provoquel'indignation
fausseconscience,qui peut
cas, elle est fondéesurla fausseconscienceuniquement
trèsbien fonctionner
dansle deuxièmecas aussi : ce n'estpas parcequ'on.a quell'avoirtout entier,au conques miettesde pouvoirqu'on ne peut pas s'imaginer
traire.
Les femmes«gauchistes»partagent
avec leurshommesla culpabilitéd'avoir
des privilèges
de classe ; mais à cetteculpabilitéde gauches'ajoutepour ellesla
indûmenten tant que femmes,c'est-à-dire
culpabilitéde posséderces privilèges
de
de la
à
classe
(qu'elles croientexercer)un renversement
d'ajouter l'oppression
hiérarchienormaledes sexes. La consciencedouloureusede ce renversement
comportedeuxvolets:
- le sentiment
des hommes;
que rienne devraitles mettreà mêmed'opprimer
- le sentiment
même
ne
sont
vraiment
dans
la
situation
pas
que leurs
qu'elles
«font
n'est
subir»
aux
hommes,que l'oppressionqu'elles
pas fondée
prolétaires
surlesmêmesbases: estencoremoinslégitime.
Le premierest la
Ces deux sentiments
contradictoires.
sont,ironiquement,
est
d'être
des
le
deuxième
la
bourgeoises,
culpabilitéde n'êtrepas
culpabilité
!
d'en
et
même
les
bourgeoises,
privilèges
posséderquand
La formepolitique- en termede «théorie»- que prendcette mauvaise
conscience est systématiséedans certainsgroupes de femmes,généralement
mais elle est utiliséeaussi dans des groupesnon gauchistescomme
trotskystes,
: dansle groupe«Psychanalyse
et Politique». Son prétexteest
moyende gouverner
la luttedes classeset la luttedes femmes»- ce qui exige
le projetde «réconcilier
«fâchées». Mais au lieu que cette«réconciliation»
proqu'on les ait préalablement
les rendincapables-, elleprocède
cède d'une analyse- ce dontleursmotivations
de la magie.On ne cherchepas à analysercommentl'oppressiondes femmes- en
- en tantque telle.Il
tantque telle - s'articuleavec l'oppressiondes prolétaires
et ellesne veulent
des femmes
faudraitd'abordsavoiren quoi consistel'oppression
estefpas le savoir.C'est donc au niveaude groupesconcretsque cettearticulation
On metl'accentsurlesfemmesproléfectuée,ou plutôtest censéeêtreeffectuée.
- la distinction
n'estpas faite,ce qui en dit
taires- ou lesfemmesde prolétaires
c'est-à-dire
longsurl'analysede la positionde classedes femmes,
qu'on substitueà
une coincidencede fait incarnéeparune
et articulations
l'analysedes connections
un
est faiteparcequ'on privilégie
situationempirique.On croitque l'articulation
groupequi se trouveêtreoppriméà la fois par le capitalismeet par le patriarcat.
entreces
Maisl'existenced'un tel groupen'éclaireen rienla questiondes relations
de ce groupene remplacepas une analyse,qui
deux systèmes,et la glorification
resteà faire.De surcroît,
mentionnée
la contradiction
plushaut demeureintacte:
les femmesquisoutiennent
cettepositionnefontpas partie- d'aprèsleuranalysedes femmesseulesdignesd'être«sauvées»puisquedansleurauto-classification
elles
sontdespetites-bourgeoises,
et ne sontdoncpas opprimées.
La haine des femmesà l'égarddes «bourgeoises»est le résultatde trois
46
:
mécanismes
d'oppression
une hainede soi puisqueces
1. -Elle est premièrement
et objectivement
Il est mêmeplus que probablequ'elles
commebourgeoises.
femmesse définissent
se définissent
ainsipourtrouver
uneassise«objective»à cettehainede soi
2. - Elle est le produitde la fausseconsciencedes femmes: la croyanceerronnéequ'elles possèdentles mêmesprivilèges
que les hommes«de leurclasse».
3. -Et surtoutelle a pour sourceleurmauvaiseconscience: le sentiment
d'êtreindûmentdans une situationde
brefle sentiment
d'usurperces privilèges,
à ce
leur
dont
elles
culpabilitéque contrairement
«bourgeois»,
prouventpar
réservée
aux
hommes.
disent
elles
l'estiment
qu'elles
Cette haine manifesteencore une autre mauvaiseconscience: car non
contentesde se sentirparticulièrement
les femmesse sentent
d'opprimer,
indignes
forment
d'être
les
femmes
une
L'idée
classen'estjamais
opprimées.
indignes
que
et
mais
d'une
réfutéeavec des arguments
façonpassionnelle.
théoriques logiques,
Ce que cettepassionrévèle,c'estle refusprofondde se considérer
surle mêmepied
les
autres
en
les
que
opprimés, particulier
que
oppriméstype,les prolétaires.
?
aussi
le
La
«classe
ouvrière»
(mais
Pourquoi
«peuplenoir»)est toujoursreprésentéesous les traitsd'un grouped'hommesdans des attitudesparticulièrement
«viriles»: portantdes casques,armés,brandissant
le poing.Pour des femmes«rédu
est
celle
statut
le
cette
volutionnaires»,
image
plus élevé.Se penserune classe,
c'est se penserhommed'abord,et de surcroîtse penserhommede la catégorie
la plusglorieuse: se hisserau rangdes hérosculturels.
Or ceci està ce doubletitre
la
psychologiquement
impossiblepour,impensablepar, majoritédes femmes.Ce
: de la dignitéd'hommeet de la
seraitun doublesacrilège,
une doubleprofanation
du
Mais
comme
cette
s'étend
à desopprimésnonnécesdignité prolétariat.
dignité
tant
sont
sairement
à
hommes,
prolétaires, qu'ils
j'incline penserque c'estla virilité
en
son
au
Là encore,c'est le sentiment
qui l'occurrence
prestige prolétariat.
prête
et ce sentiment
invalidele
d'indignitéqui conduità la craintede l'usurpation,
discoursrationalisant
puisqu'ilreposesurdesprémisses
opposées: le discoursratiode la classesurle genre,maisle refus
nalisele refussurla base d'une prééminence
du genre.
reposesurla prééminence
Un autreexemplede ce sentiment
des femmes
estla théoriemasd'indignité
surles raisonset lesbutsde l'oppresculine,maisreprisepar beaucoupde femmes,
siondes femmesdansla famille.Dans cettethéorie,l'oppressiondes femmesdans
des personnalités
la familleest causée par la nécessité,pourle Capital,de former
des travailleurs
dociles: d'où
deviennent
soumisesafínqu'en grandissant
les enfants
la répression
aussi-, nécessaire
sexuellede toutle monde- doncdes femmes
pour
canaliserl'énergielibidinaleversle travail(W. Reich) ; d'où la structure
autoritaire
de la famille,les femmesétantopprimées
par leurmariparce qu'ils sontopprimés
ne
leurs
et
dirigent
patrons pour qu'ils
pas leurcolèreversle dit patron,et
par
à
etc..
leur
les
tour
enfants,
opprimant
Ce qui est passionnantdans cettethéoriec'est que mêmel'oppressiondes
femmesne les visepas elles.Le rôlede la familledanscettethéorieest purement
un certaintypede personnalité
est
; et cetteformation
idéologique: il estde former
un des moyens,un moyenidéologique,d'exploiterles prolétaires.
Donc l'oppression matérielleet trèsconcrètedes femmesn'estqu'un moyenou un résultat,
de
d'uneoppression
et
toutesfaçonun sous-produit
vise
les
travailleurs
idéologiquequi
47
de l'exploitation
des
qui n'estelle-mêmequ'un moyende l'oppression«véritable»,
le fondde cettethéorie,maisla
Il n'estpas questionde discuter
mêmestravailleurs.
place qu'y occupentles femmes: ellessontdeuxfois éloignéesdu but- de ce qui
est posé commefinalitédu processusqui les opprime.Non seulementleuroppresmais la conséquenceà la limite
sion matériellen'est pas une finen elle-même,
non
seulement
cetteoppression«idéolod'une
contingente
oppressionidéologique,
de
matérielle
n'est
leur
est
la
raison
oppression
pas encoreune finmais
gique» qui
des
maisaucunde
un relaispourla véritable
(l'exploitation prolétaires),
oppression
en tantque telles.
ces moments- ni les relaisni les fins- ne concerneles femmes
Non seulement
ellessontexploitées,maisellesne sontexploitéesque dansla meuneautreexploitation.
où
cela
sert
sure
En d'autrestermes,il est clairque les femmessontperçuescommeindignes
même d'être exploitées.On ne peut trouverd'explication,donnerde statut
théoriqueà leuroppressionqu'en la posantcommemédiationd'une autreoppression. Cela signifieclairement
qu'on ne les estimepas plus dignesd'êtreexploitées
Il fautque leurexploitapour elles-mêmes
que dignesde vivrepour elles-mêmes.
tion,commeleur existence,soitjustifiéepar autrechose qu'elle-même: par son
deshommes.Que les femmesne soientpas dans
utilitépourla vie ou l'exploitation
reflètebien le faitque dansla sola théorieles sujetsde leurpropreexploitation
ciétéellesne sontpas les sujetsde leurproprevie. Que le statutthéoriquede leur
exploitationsoit médiatisédans la théoriereflètebien que leurstatutdans la société est médiatisé,dans les deux cas par les hommes.Le sens profondde cette
ne le seraient
«théorie»,c'est que si les hommesn'étaientpas opprimésles femmes
que la questionest posée en ces termes: Pourquoiopprimer
pas ; cet qui signifie
deshommes?
desfemmes,
sinonpouropprimer
La préoccupation
passionnée«d'articuler»oppressiondes femmeset oppresen faitla preà peinecachéede rattacher
recouvrel'entreprise
siondes prolétaires
.
danscette«articulation»
mièreà la seconde,caril n'ya pas l'ombred'unesymétrie
des femmesà l'oppression
Le pireest que cettehâte à intégrer
capital'oppression
ne procèdepeut-être
liste,avantmêmede savoiren quoi consistela première,
pas
tantd'unemauvaiseque d'unebonnevolontépolitique: du soucid'établirla réalité
en la rendantvisible.
de cetteoppression,
des
et ces hommes,l'oppression
Ce que ceci révèle,c'estque pources femmes
femmes,si elle n'est pas ainsi «rattachée»,tend à s'évanouirde sous leursyeux,
commetoutfait dénuéede signification
; que seule l'oppressiond'hommesa un
des
sensen soi ; et que, non rattachéeà une oppression
auto-justifiée,
l'oppression
INSENSÉE.
femmes
estpourelleset eux,proprement
La photo de classedes femmesou limage inversée.
Ce que les réactiondes femmescommedes hommesà la suggestion
que les
ce que l'hostilité
femmessont oppriméespoint à la ligne : pour elles-mêmes,
partagée mais non semblable des femmes et des hommes à l'égard des
mêmede ce mythe-bouc-émissaire,
ce que la construction
révèlent,
«bourgeoises»,
coincideavecce que l'analyseobjectivedévoile.Cetteanalyseobjectiveestinscrite
caché.Les
en filigrane
danslespositionsqui la nient,elleen constituele fondement
48
femmesde bourgeoisne sontpas des bourgeois.Elles ne doiventleur«positionde
classe», censél'emporter
surle statutde femmes,
qu'à ce statut.
Ceci esttrèsclairdansle faitque sociologievulgaire
commesociologiesavante
attribuent
aux femmesla classede leurmari: utilisentpourles femmesun critère
de celuiutilisépourleshommeset doncpour
de classe» différent
«d'appartenance
les maris,un critèrequi, de surcroît,est totalement
non seulementà la
étranger
définition
des catégories
marxistedes classesmais à toutedéfinition
sociales.Pour
les femmes,
et pourles femmesseulement,
le mariaged'unepartremplacela place
dans le processusde productioncommecritèred'appartenance
de classe ; d'autre
même
les
femmes
ont
une
dans
ce
part,
quand
place propre
processusc'est-à-dire
travaillent
à l'extérieur,
le mariagel'emportenéanmoins.Les «bourgeoises»
sont
donc appeléestelleset identifiées
à leursbourgeoisd'époux,non parce qu'on a
utilisépourles classerle mêmecritèreque pourleursmarismaisau contraire
parce
qu'on a utiliséun critèrequi les en distingue: celui du mariage.C'est-à-dire
qu'avantde et pour pouvoirles prétendre
identiquesà leursmaris,il fautles avoir
considéréeset traitéescomme radicalement
dissemblables.
Ainsi,en mettantles
et
leurs
femmes
dans
même
le
on
démontre
sac,
bourgeois
par cetteopération
mêmequ'ils ne sontpas dansle mêmesac. On ne peut assimiler
les unes aux uns
en
les
traitant
en
différemment
les
uns
classant
que précisément
par leurplace
dans le processusde productionet les unespar leurstatutmatrimonial.
Et ce qui
f
les
hommes
des
emmes
dans
le
distingue
bourgeois
«bourgeoises»
processusde
est
ce
les
femmes
des femmes
classement, précisément qui rapproche
«bourgeoises»
elles
sont
aussi
la
classe
de leursmaris.Ainsi
«prolétaires»,
qui
cataloguéesd'après
on ne peutparlerdes différences
de classeentrefemmes- sourceparaît-ilde divi- qu'en les traitant
sionspolitiqueséventuelles
d'abordtoutesde la mêmefaçon:
en déterminant
leur«classe»par leurrapportà un homme.Ces différences
classificatoires
sontdonc fondéessurce que les femmesont toutesen commun: le fait
d'être«la femmede quelqu'un».
ne faitque refléter
la situationobjectivequi est aussi
L'usage classificatoire
communeà toutesles femmes: le faitque leurexistencematérielle
estdéterminée
par leur relationà un homme.Cette dépendanceest elle-mêmela cause de leur
réelet analytique,
danslesclasses- les lieuxsociauxet géographiques
placement,
où se trouvent
les hommesauxquelsellessontattachées.Il ne s'agitdoncpas d'une
de classeau senspropre,maisde son contraire.
Le faitque cet attaappartenance
chementsoitutiliséen lieuet placede l'appartenance
de classeréellemanifeste
que
cettedépendance- le statutde femme,termesynonymeavec celui d'épousede classe : là place dansla production
Elle
l'emportesurl'appartenance
capitaliste.
l'emportedansle classement
parcequ'ellel'emportedansla réalité: parceque, soit
les femmesn'ont pas de place dans la productioncapitaliste,
soitcetteplace est
moinsimportante
pour leur existencematérielle
que leurdépendancepatriarcale,
de classe,les deux
qui constitueleur rapportde productionet leurappartenance
- lire
étantnon capitalistes.
la «théorie»qui pose «l'appartenance»
Ironiquement,
le rattachementdesfemmes
aux classesdu système
commeplusimporcapitaliste
tantque leurstatutcommunde femmes,
est fondéesurle postulatinverse(et sur
une lecturecorrecte,quoique niée, de la réalité): sur le postulatimplicite(ou
en sociologie)de la prééminence
du statutde sexe.
explicite,
49
Commeon l'a vu, l'hostilitéà l'égarddes «bougeoises»reposeen dernière
à
pas réellement
analyse,sur la perceptionjuste que ces femmesn'appartiennent
de genre,la classe
la classebourgeoise; cettehostilitérévèleque l'appartenance
sur
estperçuecommel'emportant
sur,maissurtoutdevantl'emporter
patriarcale,
terme
la
au
d'une
retrouve
même
chose
Si
on
de
classe*.
analyse
«l'appartenance
objectivequ'on a trouvédans les prisesde position«politiques»(émotionnelles),
dans ces positions,
et souterrainement
c'estque cetteanalyseexisteimplicitement
sur
une
sont
réalitéen.contraémotionnelles
d'autant
sont
fondées
plus
qu'elles
qui
Si la réalitéqui sertde baseau discours
dictionabsolueavec le discoursmanifeste.
des positionsréacest niée par celui-ci,c'est que ce dernierestdestinéà justifier
comme
surcetteréalité; pourque celles-cin'apparaissent
tionnaires
telles,c 'est
pas
s
'on
le
aux
ne
donc la réalitéqui estinversée
pas que
'aperçoive
par discours, finsqu
ce sontlespositionsqui sontà l'envers.
de l'oples modalitésdifférentielles
Il restecependantà trouveret à définir
formes
les
différentes
des
que prendl'oppressionà parpressiongénérale femmes,
on s'en doute,surune retird'unebase commune.Ceci débouchenécessairement,
Maiscetterecherche
femmes.
les
et pas seulement
définition
de l'oppression,
pour
de la problématique
ne peut procéderà partirdes conceptsutiliséscouramment,
selonles lignesdesclassestraditionnelles,
de la divisiondes femmes
pourles raisons
en
réalité
sur
sont
fondées
ce qui est au
:
«divisions»
qu'on a vues parce que ces
de
La
femmes.
ces
les
contrairecommunà toutes
«divisions»,telle
perception
mais
due
non
à
la
seulement dépendancematérielle
est
qu'elle existeactuellement,
de
Loin
d'être
une
aussià la mauvaiseconsciencequi sontle lot toutesles femmes.
et une
c'est une manifestation
analyse,encoremoinsune analyserévolutionnaire,
C'est doncd'ailleurs,d'un ailleursanalytiqueet popreuvede plus de l'oppression.
qui connaît et
litique, à partird'une problématiquetotalementdifférente,
et ne procéderasde la mauvaiseconsreconnaîtcettecommunauté
fondamentale,
à partird'une problématique
féministe,
que cette
cience,c'est-à-dire
proprement
de libération.
et êtreune recherche
recherche
peutêtreentreprise,
50
Dans une usine pendantla RévolutionRusse de 1917
51
Nicole-ClaudeMathieu
Masculinité/féminité
Un fauteuil,unechaise
Un bureau,une table
Un livre,une revue
Unjournal,une feuille
Un bol,unetasse
Un lit,unecouchette
Un bouquet,une fleur
Un tout,unepartie
Un homme,une femme
Un «grandhomme»,une «petitefemme»
.
la prostitution.
Le Panthéon,
pourdébuter? C'estque nousutilisonsquoPourquoicet exercicede français
masculinisé
absolument
où
tout,estobligatoirement
une
tidiennement langue tout,
du
obsessionnelle
sexe,où
véritablement
dire
ou féminisé; languequ'on pourrait
voir
se
sans
adjoindre
aucun
être
exprimé,
concept
aucunmot ne peut
prononcé,
son sexegramun article,un adjectif,etc.,qui marquerason «genre»,c'est-à-dire
et fémasculins
termes
des
les
choisi,pour opposer,
matical Si j'ai volontairement
relaune
certaine
elles
entre
notions
des
ou
des
choses
ayant
mininsqui désignent
totaou
maisrespectivement
plusgrandes, plus
tion catégorielle,
plusimportantes,
pour les
lisantes,pour les termesmasculinset plus petites,ou plus parcellaires,
article
de
cet
suite
la
avec
sans
qui
bien
ce n'estpas,
sûr,
rapport
termesféminins,
la
dans
nôtre,
mais
sociétés
des
bien
dans
particulièrement
tenterade montrer
que,
l'idée de masculinporteune valeurde «plus» et celle de fémininune valeurde
«moins».
Mais centrons-nous
pour le momentsur le rapportqui pourraitéventuelleet leur
mentexisterentrele sexe (le genre)attribuéaux chosespar la grammaire
de
constater
est
Force
sorte.
en
que ce
leur«essence» quelque
qualitéintrinsèque,
vous
et
France
en
table
déménagez
une
que
rapportn'existepas. Si vous prenez
cette même table en Allemagne,voilà qu'elle va changerde sexe ! En France,
nous avonsla tableet le journal,en Allemagnele tableet la journal(der Tischet
dieZeitung).Quantau livre,il devientneutre(das Buch).
52
dans
mais fortutilesà conserver
Nous partonslà d'évidencespremières1,
non
fois-ci
le
du
cette
d'aborder
moment
au
genre
plus
problème
appliqué
l'esprit
c'esttout
aux choses,maisaux personnes.Car enfin,dira-t-on,
pourlespersonnes,
on le reconnaîtra
bien
: si un hommefrançais
à faitdifférent
voyageen Allemagne,
commehomme,et les qualificatifs
qu'on lui attribueraseronten cette langue
en effet,il n'ya pas de procommeen la nôtredu genremasculin! Apparemment,
entrehommeet femmeexisteà l'inblème,puisqu'ilest certainque la distinction
térieurde chaque culture2(et qu'elle estmêmesansdoutele pointde départde
Le
l'extensionaux choses,danscertaineslangues,des genresmasculinet féminin).
problèmecommencelorsqu'onveutbien considérerque les mots «masculin»et
mais qu'ils ont,
«féminin»ne désignentpas seulementun genregrammatical,
un contenupropres: ce sontdes qualificatifs,
commetoutterme,une signification,
dérivésde substantifs
(en lantin: masculus,le mâle,etfemina,la femelle); ils seunesubstance,
ici ce qui estpropreà, ce
raientdonccensésexprimer
adjectivement
en quelquesorteessentiellement
l'hommeet
dans,ce qui définit
qui est permanent
la femme.
En est-onpourautantautoriséà penserqu'il y a un rapportd'essenceentrece
que qualifiele terme«masculin»et la réalitébiologique«homme»d'unepart,et ce
que qualifiele terme«féminin»et la réalitébiologique«femme»d'autrepart? Auou tellecapacitéque
trementdit,a-t-onle droitde penserque tel comportement
ont quelque rapl'on estimecouramment
«masculins»ou au contraire«féminins»
?
de
le
sexe
ce
soit
avec
l'individu
biologique
portque
Le seul fait,de connaissance
courante,qu'on puissedirede tel hommequ'il
en toute
est un peu féminin
ou de tellefemmequ'elleestplutôtmasculinesuffirait
de
contradiction
dans les
une
ces
chacun
jugementscomporte
logique (puisque
entre
le
a
de
substantif
à
faire
termes)
qu'il n'y pas rapportintrinsèque
pressentir
«femme»et l'adjectif«féminin»,par exemple- bref,que les «traitspsychosont
qu'on désignecommemasculinsou féminins
logiques»ou les comportements
en
le
arbitrairement
le
sont
tout
aussi
aux
sexes
français
biologiques
que
appliqués
à
féminin
table.
Il
faudra
à
et
le
une
nous
donc
un
bureau
genremasculin
genre
tenterde comprendre
que chaque sociétése sertdes sexesbiologiquespourconstruireune «grammaire
sexuelle»- ou, commediraitKate Millet,une «politique
de
sexuelle»(sexual politics)- tout aussi arbitraire
que les genresgrammaticaux
la langue.
C'est justementle termede «genre»que RobertJ. Stollera retenupour
et la féminité
entrela masculinité
établirla distinction
(l'identité
psychologiques
de genre)d'une part,et les sexes biologiques(auxquelsil réservele mot «sexe»)
est
entresexe biologiqueet sexe psycho-social
d'autrepart.La non-concordance
à
le
cas
des
enfants
la
dans
naissance
qui présentent
particulièrement
frappante
un certainsexealorsqu'il
des anomaliesgénitalesexternesleurayantfaitattribuer
1. L'absence de rapportentrelangue et réalitédésignée est largementdémontrépar les
rechercheslinguistiques.Voir par exemple A. Meillet, «La catégorie du genre et les conceptions indo-européennes»,in Linguistique historique et linguistiquegénérale, Paris, Honoré
Champion,1965.
2. Toutefois,lorsqu arriveun étranger,ce n est pas forcementson sexe qui sera identifie
en premier: lorsqu'un ethnologueparvientdans une population très isolée, il se peut qu'on le
classe d'abord comme «mort» (revenant)ou comme «non-humain».
53
se révèlepar la suite,au coursdu développement,
qu'ilssontconstitutionnellement
des donnéescliniques,des traitements
correctifs
de l'autresexe3. La considération
ces
en
est
et
résulté
de
ce
pour individus
psychologiquement
parfoisentrepris
qu'il
de
la déterminaetc.
révèle
inter-sexuels,
façonfrappante
pseudo-hermaphrodites,
des facteurssociaux (avoirété élevé «commeun
irréversible
tion pratiquement
garçon»ou «commeune fille») dans la fixationde l'identitépsychologiquede
: «En fait,presquetoujours,de telles
sexe, ou plutôtde «genre».Stolleraffirme
sur
forces[psychologiques]
peuventl'emporter les forcesbiologiques.»4
un problèmefortcomplexe,il sembletoutefois
Au risque de simplifier
intéressant
de citerici deux des exemplesprésentésdansce mêmearticle.Dans les
deux cas, l'assignation
du sexe à la naissances'estrévéléefaussepar la suite,mais
de ce
le traitement
dansle sensd'uneconfirmation
dansle cas n° 1 on a entrepris
«faux sexe» biologiquequi était devenule «vraisexe», le genrepsychologique;
dans l'autrecas, on a tentéde «rétablir»le véritablesexe biologique,allantainsi
:
à rencontre
du genrepsychologique
établià la
(Cas n° 1) «Le diagnosticdu sexe n'a pas été correctement
naissanceet ne le sera qu'à la périodede latence : deux enfants,
mâles, dotés d'appareilssexuelsmâles internes
chromosomiquement
normauxet de testiculesnormauxétaient nés avec des testicules
le méaturetral
; le pénisavaitla dimensiond'un clitoris,
cryptorchides
étaitsituéainsique chezunefilleet le scrotum,
avait
bifide,
l'apparence
des lèvres.Les organesgénitauxexternesse présentant
commenormaon assignaaux deux enfantsle sexe féminin; ils
lementféminins,
furentélevéscommedes filles.Puisle diagnostic
de masculinité
futétaété
éveillés
les
bli pourchacund'eux (des soupçonsayant
par «tumeurs
; les
inguinales»- en réalité,il s'agissaitdes testiculescryptorchides)
au sexe
deux enfantsne mettaientpas en questionleurappartenance
Le diagnosticfutcommuniqué
aux parentset
femelle,ni leurféminité.
l'on décidaque les enfantscontinueraient
à êtreconsidérés
commedes
et
à
filles.Le traitement
hormonal
destiné
créer
une anatochirurgical
Le diagnostic
mie féminine
a été faitil y a six ans ; aucun
futentrepris.
ne s'estposé depuis.»
problèmepsychologique
au sexe mâle est faità la
(Cas n° 4) «Le diagnosticde l'appartenance
est
l'enfant
élevé
comme
un
naissance,
garçon,tout en étantd'autre
:
il
car
part biologiquementfemelle,
présenteun hyperadrénalisme
le
clitoris
était
un
normal
un
urètre
avec
des
lèvres
[...]
pénis
pénien,
externesfusionnées
commedans un scrotummâle ; l'induration
était
telleque les lèvresavaientl'apparenced'un scrotumavecdes testicules
non descendus.C'est pourquoion pensaque l'enfantétaitun garçon.
à l'âge de six ans, une pubertéprécoce(caractérisMalheureusement,
de
ces
L'orificevaginal
cas) provoquale débutde la menstruation.
tique
3. De tels cas sont notammentévoqués dans la Nouvelle Revue de Psychanalyse,n° 7 :
«Bisexualitéet différencedes sexes», printemps1973 (Paris,Gallimard).
4. K.J. Stoller, «haits et hypotheses.Un examen du concept treudiende bisexualité»,
NouvelleRevue de Psychanalyse,nô 7.
54
étantbloqué par le péniset le scrotum,
unecriseabdominaleaiguë(pédansla
ritonite)se produisit,provoquéepar l'amasdu sangmenstruel
correctdu sexe. Le
cavitéabdominale.On fitalorsenfinle diagnostic
pédiatreconseillaaux parentsde fairechangerle sexe et le genrede
de filleet de lui faire
l'enfant,leur dit de lui acheterdes vêtements
Les
les
à
une
fille.
cheveux
comme
consultations
ultérieures
couper
à
de contrôlerévélèrent
cet
enfant
de
était
que
incapable progresser
l'école ; il avait un défautde prononciation
n'avait
important,
pas
de fille.»
d'amis.Il étaitgaucheet ridiculedanssesvêtements
Sans partager
tout à faitl'optimisme
qui conclutle cas n° 1 (car en fait,les
se
problèmespsychologiques poserontquandces garçonsbiologiques,transformés
en fillespour adapterleuranatomieà leuridentitéde fille,sauront
extérieurement
ne
icic'estla diqu'ils peuventmettreau mondeun enfant),ce qui nous intéresse
mensionsocialedu sexe que ces cas mettenten évidence; puisqu'eneffetle problèmes'énonceapparemment
ainsipourleurentourage: «on les éduque en filles»
ou «on leséduqueen garçons»
.
Comme il n'y a, dans l'immensemajoritédes cas, aucune difficultéà
le sexe d'un enfant,la décisionsocialed'opposerparl'éducationgarçons
identifier
et filles- autrement
inadit,plustard,hommeset femmes- passegénéralement
de
Ou
c'est
et
l'arbitraire
social
cette
décision
reste
perçue. plutôt,
qui
inaperçu, les
et
croient
l'orientation
à l'éducaéducateurs
différente
donnent
parents
que
qu'ils
tiond'un enfantselonqu'il s'agitd'ungarçonou d'unefillen'estlà que pour«confirmer
la nature»de son sexe, sa «biologie»,ou - dansun raisonnement
un peu
et
ne
devienne
homosexuel»
plus complexe, déjà sociologique «pour qu'il
pas
ou la femmemasculine
(l'hommeféminin
évoquésplushaut).
Mais au fond,tout cela n'est-ilpas étrange? Cette obsessiondanslaquelle
nous vivonsde renforcer
à toutprixla dichotomienaturelledes sexes,de confirmerun enfantdansson sexe en l'opposantconstamment
à l'autre,à quoi corres?
Si
la
entre
les
était
différence
sexes
si
«naturelle»,pourquoiaurait-on
pond-elle
?
besoinde la construire
l'éducation
par
a forgél'idéede
La sciencecontemporaine
(commenombrede mythologies)
la «bisexualité»fondamentale
de l'êtrehumainpourexpliquerles problèmespsydes sexes : ainsi,chacunayantau départbiolochologiquesque pose la différence
et/oupsychologiquement
(n'entronspas dansles querellesd'écolespsygiquement
les
des
deux
un difficile
travailpour
sexes,il faudrait
chanalytiques5) potentialités
et au mieuxsexe «psychologique»
fairecorrespondre
et sexe somaen définitive
biensûr; mais- question
tique.Nous disions«au mieux».Le mieuxde l'individu,
- le mieuxde l'individu
à laquelleles psychologues
accordenttroppeu d'attention
n'estjamais que ce que sa sociétédécidequi est le mieuxpourlui,c'est-à-dire
en
fait pour elle, pour le maintiende son ordre.Apparemment,
dans notresociété
les
occidentale,ce maintiende l'ordreexigeencored'opposerpsychologiquement
sexes...Nousy reviendrons.
5. Sans compter que les biologisteseux-mêmesdécouvrentde plus en plus l'extraordinaire complexité des mécanismeset des facteurs(génétiques,neuro-hormonaux,etc.) de la
différenciation
sexuelle...
55
de jetersur
Voyonsd'abordquelquessociétésqui nouspermettront
peut-être
Mead a étudié en
notreproprecultureun regardétonné.L'ethnologueMargaret
Nouvelle-Guinée
troispopulationsvoisinesmaisfortdifférentes
quant à leurinterA
de
du
la
de
sexe.
sociale
prétation
propos
«personnalité» chaque sexe, elle
conclut:
n'ontéprouvéle besoind'instituer
«Ni les Arapesh,ni lesMundugumor
entreles sexes. L'idéal arapeshest celui d'un homme
une différence
doux et sensible,mariéà une femmeégalement
douceet sensible.Pour
d'un
c'est
marié
les Mundugumor, celui
hommeviolentet agressif
à une
femmetout aussiviolenteet agressive.
Les Chambuli,en revanche,
nous
ont donnéune imagerenversée
de ce qui se passedansnotresociété.La
femmey est le partenaire
dominant; elle a la têtefroide,et c'est elle
qui mènela barque ; l'hommeest,des deux,le moinscapableet le plus
émotif.D'une telle confrontation
se dégagentdes conclusionstrès
commetraditionque nous considérons
précises.Si certainesattitudes,
nellementassociéesau tempérament
féminin- tellesque la passivité,
la sensibilité,
l'amourdes enfants- peuventsi aisémentêtretypiques
des hommesd'une tribu,et dansune autre,au contraire,
êtrerejetées
par la majoritédes hommescomme des femmes,nous n'avonsplus
aucune raisonde croirequ'elles soient irrévocablement
déterminées
6
parle sexede l'individu.»
D'une façon générale,les donnéesde l'ethnologienous apprennent
que le
contenudes qualitésphysiquesou psychologiques
attribuées
à charespectivement
cun des sexes varieconsidérablement
(et souvents'opposeabsolument)d'une société à l'autre,de mêmeque les rôlesmasculinset féminins
et les tâcheséconoles hommeset les femmes,
commele noteencoreM. Mead
miquesque remplissent
(ibid.) :
«... qu'il s'agissede l'opinionconventionnelle
chez une tribudes Philippinesqu'aucunhommene peut garderun secret,de l'allégationdes
Manusque seulsles hommesaimentjouer avec les enfants,
du faitque
la plupartdes travauxdomestiquessont décrétéstropsacréspourles
femmespar les Toda, de la croyancearapeshque la têtedes femmes
estplusrobusteque celledeshommes.»
L'exempledes Chambulicité plus haut est particulièrement
frappantpour
nous puisque les comportements,
les rôles économiqueset rituels,les attitudes
mentalesdes hommeset des femmesy sont presquetermeà termele contraire
de cheznous.
Mais ce que nous apprennent
de plus les Arapeshet les Mundugumor,
c'est
qu'il existe des sociétéshumainesoù - bien que les tâches quotidiennesdes
- il ne vientà l'idéede personnede raphommeset des femmessoientdifférentes
porterà son sexe les qualitésou les défautsd'unindividudonné.Si un enfantmundugumorest violent,ce n'estpas «parcequ'il estun garçon»,puisqu'ons'attend,
6. M. Mead, Mœurs et sexualité en Oceanie [réunion de deux livresparus aux U.S.A. en
1935 et 1928Î Paris,Pion, 1963, pp. 251-252.
56
dans cette culture,à ce que n'importequel individusoit violent.Si une enfant
arapeshse metà faireune colère,on ne mettrapas davantageson sexe en cause ;
on ne lui dirapas «une petitefilledoitêtresage»,mais«on ne doitpas fairecela».
Ainsi,dans ces sociétés,un individun'est-iljamais misen questiondansl'un des
: son identitéde sexe,son «genre»
les plus fondamentaux
aspectspsychologiques
- au contrairede ce qui se passe constamment
chez nous,où une fillequi siffle
au tricotvontrencontrer
une réprobation
dansla rueou un garçonqui s'intéresse
violenteou provoquerun malaisedont ils ne pourrontignorer
qu'ils portentsur
en
et
mettent
à
leur
sexe, plusprécisément
questionla «norqu'ils
l'appartenance
sexuel.
malité»de leurfuturcomportement
Il semblebien,en effet,qu'une extrañeoppositionpsychologique
et sociale
entreles sexes dans une sociétédonnées'accompagned'une tout aussi extrême
craintede l'homosexualité,
en mêmetempsd'ailleursque de l'existenceinstitutionnellede cette dernière.Institutionnelle,
c'est-à-diresocialement,et souvent
de comportement
reconnuecommetypeparticulier
ialite»
; r«offîc
officiellement,
contre«les» hopouvantaussibien se traduirepar l'existencede lois répressives
mosexuel(le) s que par une entérination
à travers
des ritespériodiques: les deux
existentdansnos sociétésoccidentales; et, chez les Chambulipar exemple(où les
sexessont,commechez nousbienqu'avecun contenuinverse,
censésposséderdes
M. Mead décritdes cérémoniesoù le travestissecontraires),
personnalités-types
mentsexuelet les parodiesde comportement
homosexuelde la partdes hommes
ontunegrandeimportance.7
et desfemmes
Un autrepoint,tout à faitessentiel,
le rapportd'opposition
qui caractérise
entreles sexesdansnotresociété,et donc les notionsde «masculin»et de «féminin»,estqu'il ne s'agitpas - commeon le prétend(ou le préconise)souvent- d'un
maisbien d'un
(l'égalitédansla différence),
simplerapportde «complémentarité»
soutenant
(la différence
l'inégalité).Les comrapportd'oppositionhiérarchique
à
mentaires
entendus
de
récemment
d'enfants
2-3 ans,sontéclaisuivants,
propos
rantsà ce sujet:
de soi). D'un garçon: «II commenceà
1) D'enfants«volontaires»
(affirmation
devenirterrible(intonationd'effroimélangéde respect); c'est bienun garçon!»
D'une fille: «Elle commenceà avoirun fichucaractère
(intonationde fortedésapprobation).»
2) D'enfantsnus surune plage(identitécorporelle).D'un garçon: «Celui-là,au
moins,on peut voirque c'est un garçon...»A une fille: «Veux-tute cacher,les
petitsgarçonsvontse moquerde toi !»
Nous saisissonsici dansla quotidienneté
la plusbanale,ces notionsde valode
et
de
attachéesau sexe
«moins»,respectivement
risation/dévalorisation,«plus»
de
notre
masculinet au sexe féminin
haut
à
«exercicede
(et évoquéesplus
propos
7. Mead note aussi qu'en revanche,chez les Arapesh et les Mundugumor(sociétés où la
personnalitén'est pas définieprincipalementen termesde sexe), elle n'a pas trouvéd'homosexualité. On peut avancer à cet égard deux interprétations,
qui ne sont pas contradictoires:
d'une part,que l'extensionstatistiquedu comportementhomosexuel est directementfonction
de la politique sexuelle d'une société (les sexes comme si «contraires»socialement...qu'ils ne
peuvent se rencontrer); d'autre part, que, dans une société qui ne porte pas, contrairement
aux nôtres,une attentionforcenéeà la «différencedes sexes», un comportement(dit par nous)
homosexuel, même s'il existe, n'est tout simplementpas «vu», parce que non visible socialement,non essentieldans les catégoriesde la connaissanceet de la morale.
57
français»).Ainsion admetmoinsd'une fille- sous prétextede son sexe biolosa volonté,son indépendance
(limitationqui va devenir
gique - qu'elle affirme
la honte
on
de
mais
lui
son
sexe
imposeégalement
psycho-social),
partieintégrante
de son sexegénital,sous prétextequ'il n'a pas 1'«évidence»de celuidu garçon.Le
sexegénitalde la fille(et donc de la femme)est en quelque sortenié : on dità la
foisqu'il fautle cacheret qu'il est caché(ce qui est faux,surtoutchez les petites
une encyclopédierécented'éducationsexuelle,diviséeen
filles!). En parcourant
on peutvoirdes planchesanatomiquesoù, à côté
volumesselonl'âge des enfants,
de
des organesgénitauxmasculinscomplets,figurel'ensembledes organesinternes
du
une
sans
la femme,
maisoù le vaginse termine
tracé,
que
par
simpleinterruption
ni le clitorisni les lèvres(qui sontpourtantdesorganesessentiels
soientreprésentés
de la sensationsexuelle).Que de fantasmes
de notreculturece genrede dessin
à
!
toute
la
ce
Voir
sujet
sculptureoccidentale,où le sexe extépas
n'exprime-t-il
rieurde la femmen'estjamaisreprésenté
(alorsmêmeque la positiondes statues
!
la
contraste
statutaire
africaine
et
voir
par
l'exigerait
parfois)
Nous avonslà donnédes exemplesqui se situentau niveaudes normesmode la culture,maisil ne fautpas oublier
ralesde l'éducationou au niveauesthétique
des femmespar rapport
tout
des
faits.
L'infériorisation
cela
qu'à
correspondent
une hiérachiede «valeurs»,elleestunehiérarchie
aux hommesn'estpas seulement
dans les statistiques
du travailou de l'accès
de fait,qui s'exprimetrèsclairement
.
Non
on
seulement
ne
trouve
à la formation
pratiquement
professionnelle8
pas
de femmesdansles professions
qui manientle pouvoirpolitique(hautesinstances
des partisou des syndicats,
etc.) ou le pouvoirde l'argent(bangouvernement,
de
alors
constituent
la quasi-totalité
des «personnels
qu'elles
quiers,notaires,etc.),
de
mais
à
l'intérieur
une
est
déservice»;
encore,
catégorie
chaqueprofession,
plus
valorisée(par rapportaux «responsabilités
supérieures»)ou mal payée (cela va
ensemble),plus on y trouvede femmes.Et dans presquetous les
généralement
même
celle-cigagnemoinsd'argent,
couplesoù l'hommeet la femme«travaillent»,
à égalitéd'horaires,
mêmeà égalitéde qualification.
Que dire alors- dans une
commela nôtre,où celuiqui a le pouvoirestceluiqui possède
économiemonétaire
: situation
l'argent descouplesoù la femmeest«au foyer»(travailnonrémunéré)
de totaledépendance,qui ne se révèle,mais avec quelle acuité,que le jour où la
femmedevientveuve ou divorcée9(en général,avec la chargedes enfants),
«obligée»de travailler.
Ainsidonc le rapportentreles sexes est dans notresociétéun rapportde
pouvoirtantau plan des valeursqu'au plan économiqueet juridique,rapportde
de la prévalenceet de l'autoritédu
pouvoirqui s'exprimedansl'idée hiérarchique
sexemasculinsurle sexeféminin.
Le rapportde pouvoiréconomiqueet idéologiquen'estcertespas l'apanage
des seuls rapportsde sexes,mais il est régulièrement
nié pourles relationsentre
hommeset femmes.Chaque renouveaude l'analyseféministe
se voit opposer:
8. Les données ne manquent pas à ce sujet. Voir par exemple,pour l'historique,Evelyne
Sullerot,Histoire et sociologie du travailféminin,Paris, Gonthier, 1968 ; et pour des statistiques françaisesplus récentes,JeannineVerdès-Leroux,«Le travaildes femmes»,Les Temps
Modernes,n° 337-338, août-septembre1974.
9. Sur le fait que le divorcen est, pour les femmes,que la parfaitecontinuationde l'état
de mariage,voirl'articlede Christine,«Mariage et divorce.L'impasse à double face», Les Temps
Modernes,n° 333-334 : «Les femmess'entêtent»,avril-mai1974.
58
entreles sexes,par les uns(plutôtla Droite) ;
1) la grandepeurde l'indistinction
de
de générations,
ou éventuellement
ou de
la
des
classes,
2) primauté
rapports
les
la
autres
races,par
(plutôt Gauche).
Or, pour répondred'abordau point 2, le faitqu'une bourgeoisepuissese
fairetraiterde salopeparun ouvrierà qui soncomportement
déplaît; le faitqu'un
de
ans
à
une
femme
de vingt-deux
douze
les
fesses
sous
gamin
puisse pincer
de
demander
l'heure
le
fait
la
lui
Etats-Unis
l'on
connaît
;
(où
qu'aux
prétexte
violencede l'antagonisme
a
demandé
à
des
blancs
racial),lorsqu'on
petitsgarçons
s'ilspréféreraient
êtredespetitesfillesblanchesou despetitsgarçonsnoirs,ils aient
1°
répondu«êtredes petitsgarçonsnoirs» ; le faitque pourune réclameprésentant
un jeune hommenu (dans l'ombre),les boucliersde la «pudeur»se soientlevésen
Francealors que dans le silencequasi généralles affiches
danstoutes
manipulent
les positionsdes femmesnues ou diversement
harnachées; le faitque l'immense
soitdes femmes
(et qu'au surplusleshommesse prostituent
majoritédes prostitués
aux
alors
également hommes)
(car il s'agitbiend'une
qu'il n'y a pas d'institution
institution)
équivalentepourles femmes; toutcela, commedes centainesd'autres
socialedes sexesn'estpas
exemplesqu'il faudraitdonner,montreque la hiérarchie
un vainmot.
Au niveaudu vécuquotidiencommedes normessociales,la masculinité
sociale c'est la possibiliténon remiseen questiond'entreprendre,
de «faire».C'estla
le Panthéon.La féminitésociale,c'est la limitation
avantmême
«responsabilité»,
et dès qu'une difficulté
se présente,
c'estle recours
que l'actionne soitentreprise,
à l'homme.La masculinité
mieuxparler,
sociale,c'estde «savoir»mieuxexpliquer,
la roue,mieuxcomprendre
mieuxpenser,mieuxdémonter
pourquoila machinene
fonctionne
pas, tendrela mainaux femmesquandellescouraientaprèsles autobus
en jupe étroiteet talonsde 7 centimètres.
A la «BelleEpoque», lesjeunesouvrières
du textiletravaillaient
douze heuresparjour avec des corsetsaux montantsde fer
leurrentraient
dansle ventrechaqui, lorsqu'ilsse cassaient(ce qui étaitfréquent),
que fois qu'elles se baissaient(c'est-à-diredes centainesde foispar jour) pour
mettredansles caissesles pelotesde laine; au moins,lesmalheureuses
étaient-elles
sûresd'êtreféminines...
La féminitésociale,c'est aussi et surtoutles maternités
du
qui vous «tombent»dessus,parce qu'on laisse encorede nosjours l'initiative
contrôleà l'homme(trèspeu de femmes
utilisent
les contraceptifs
féminins),
parce
alorsqu'on vousa refusélesmoyensd'éviter
qu'on risquela prisonpouravortement
1 à une
ce calvaire1
où
,
époque où la puissancede la science est fantastique,
l'hommea atteintla lune et où l'on greffedes cœurshumains.La masculinité
c'est la libertéde fairedes enfants,
maisde «ne pas savoir»les
sociale,en revanche,
élever,les fairemanger,les laver,etc. ; c'est aussila faculté,dansle divorce,de ne
même pas payerla pensionalimentaire.
La masculinitésociale,c'est la lâcheté
10. MargaretMead & James Baldwin, Le racisme en question, Paris, Calmann-Lévy,
1972, p. 136.
11. Aujourdnui, la distinctionentreavortement«légal» et «illegal», avec les inculpations
qu'elle entraîne,comme les complicationsmatérielleset morales imposées aux femmesqui désirentavorterpermettentde laissertelle quelle cette phraseécrite en 74. «[La loi Weil du 1701-75] tolère quelques avortementsen hôpitaux : 24 000 avortementslégaux en 6 mois, alors
qu'il y avait 800 000 avortementspar an quand c'était interdit! Oue fontles autresfemmes?»
(Questions pratiques sur la contraceptionet lavoriement, supplémentau n° 49, janv. 1976,
de l'hebdomadairela Criée,Marseille).
59
de cet homme(par ailleurs«gentil»)qui me racontaitses exnaive et meurtrière
: «Alors,je lui ai faitune queue de poisson; commec'était
ploitsd'automobiliste
une femme,
je ne risquaispas qu'elledescendepourme casserla gueule!» La fémisocialec'est qu'il
nitésociale,c'est encorela prostitution
parceque la masculinité
est normalde payerpour avoirce qu'on veut,mêmeun êtrehumain.Les prostiet la
tués masculinsfontjustementpartiede la féminitésociale.Car la féminité
avec
n'ontpas de sexe,ou plutôtellesn'ontqu'un rapportstatistique
masculinité
commenous l'avonsdit,et
le sexe biologique,et de plusce rapportest arbitraire,
dansune sociétéhistorique.
doncprovisoire
De nos jours,le meilleurmoyend'asseoirun pouvoirsocial,une hiérarchie,
12 Mais
naturel.
est de les présenter
commeayantun fondement
l'hypothèsede la
de
hommeset
sociale
entre
comme
«cause»
la
hiérarchie
différence
biologique
f«runesn'estpas toujoursfacileà tenirouvertement,
carenfin,mêmesansrecourir
une mémoirehistoriquetrèscourtesuffirait
à la
aux connaissances
ethnologiques,
de nosmèresqui étaientexclues
fairetomber: on peut supposerque la physiologie
du droitde voteavant1945 (et ce, en tantque femmes
biologiquespuisquele fait
ou
riches
ou
fussent
célibataires
etc.,n'y changeaitrien)
mariées,
pauvres,
qu'elles
n'avaitpas variéen 1946... pas plus que ne s'estmodifiéela «différence»
physiologiqueentrehommeset femmesd'hieret d'aujourd'hui? Forceestbiende reconnaîtreque les (lentes)acquisitionsdans le droitet dans les faitsqui tendentvers
non pas les sexes,
une égalité(encoreà venir)entrehommeset femmesaffectent
et la féminité
sociales.
maisla masculinité
entreles
devantune tendanceactuelleversl'indistinction
Certainss'affolent
font
se
traiter
de «péhommes
aux
cheveux
sexesdansl'aspectextérieur
(les
longs
dales» et les femmesen chaussuresplateset pantalonsde «moches»et de «mal
dont on prétendque «ce sont toutesdes
baisées», en un mot, de «féministes»
:
se
et les femmes
se viriliseraient.
Ils
hommes
les
féminiseraient
lesbiennes») bref,
raison; là où ils ont tort,c'estde prétendre
croirequ'ils
ont au fondparfaitement
parlenten termesbiologiques; ilsparlenten réalitédes sexessociauxet ne fontque
d'un changement
social,leurcrainte
projetersur le biologiqueleurappréhension
de
fait
ne
soit
ce
détruit
encore
aujourd'huide la mascuque
rapport pouvoirqui
et irréductibles.
Ce que dénotenttoutes
des entitéscontraires
linitéet de la féminité
c'est le refusde l'imagination
le
ces craintes,
sociologique, vertigedevantl'infinité
desconstructions
socialespossibles.
ne perdentpas pied.La théoriede
C'estpourquoiles assertions
biologisantes
en effetpossèdeun atoutmajeurqui estmoinsla possession
la «petitedifférence»
du pénispar l'hommeque cellede l'enfantparla femme(Freud,qui a en faitdécrit
en faisait
socialdes sexes,maissansle reconnaître,
les résultats
du conditionnement
d'ailleursdes équivalents).Car s'il devientaprèstout diffìcilede soutenirde nos
jours qu'un pénisvous autoriseà votermais qu'un vaginvous rendincapablede
12. Dans les siècles antérieurs,on parlait de droit divin ; depuis le XI Xe siècle on parle
biologie, qu'il s'agisse de sexe, de classe ou de race. C'est ainsi que la classe au pouvoira justifié
par l'ideologie des «aptitudes naturelles»le moindreaccès des enfantsd'ouvriersà renseignement (voir Noëlle Bisseret,Les inégauxou la sélectionuniversitaire,
Paris,PressesUniversitaires
de France, 1974). C'est égalementainsique l'idéologie racisteutiliseles caractèresphysiquesdu
minoritaire comme «marque» garantissant la permanence d'une différence socialement
instaurée(voir Colette Guillaumin,L'idéologie raciste. Genèse et langageactuel, Paris-LaHaye,
Mouton, 1972.
60
choisirune orientationpolitique,en revanchevoilà une chose (très importante
pour la société)que seulun appareilgénitalféminin
peut faire: porteret mettre
au mondedes enfants.
Sansnousattarder
aux théories
psychanalytiques
qui veulent
voirdans l'enviede l'enfant,la jalousie à l'égarddes femmes,
la raisonde la prise
du pouvoirpar les hommes,il nous sembleplusintéressant
de considérer
comment
la sociétése sertde cettedonnéebiologiquequ'est l'enfantement
pourparticularisersocialement
la femme,pourdireque la femmea quelquechosede particulier,
quelquechose qui lui estpropre,à accomplirdansla société: faire(et élever- là
se situedéjà un premier
Et du mêmecoup,on
glissement
sociologique)les enfants.
en faitl'essencede sa définition
: une femme,c'est quelqu'unqui aura,qui a, ou
qui a eu des enfants.
La vulgarisation
actuelle(«jusqu'à deux ans au moins
médico-pédagogique
un enfanta absolument
besoinde la présencede sa mère»),qui faitdes ravagesau
moins dans les classesmoyennes,ignoretranquillement
et hardiment
non seulementl'ethnologie,
mais aussi l'histoire,son propreconditionnement
sociologique
et ses proprescontradictions.
L'ethnologie: parce que les sociétésoccidentales
sontpratiquement
les seulesà laisserl'entièrechargedesjeunesenfants
à uneseule
personne,leurmère.L'histoire: parceque cettesituationest en faitrécentedans
nos sociétés; mone sans remonter
à l'AncienRégime13,il suffîtde penserà la
classe ouvrièreau XIXe siècle et au débutdu XXe où il ne pouvaitêtrequestion
: les enfantsétaientrapidement
qu'aucunepersonnevalidepuissene pas travailler
donnésen nourrice(et contrairement
à ce qu'on pense souvent,les «nourrices»
n'allaitaient
souventplusieurs,
et de
pas toujoursles enfants- ellesen recevaient
elles
étaient
mais
le
rôle
des
crèches
plus
généralement
âgées-,
remplissaient
plutôt
actuelles).Le conditionnement
sociologique: parceque cettevulgarisation
psycholes femmes,
matelas
pédagogiquesert- dansune sociétéà chômage- à empêcher
de main-d'œuvre,
«d'encombrer»
un peu plusle marchédu travail(ce qui rendpessimistesurla réalisation
des promesses
électoralesquantaux crèches).Les contraenfin: parceque d'uneparton mesuremieuxl'influence,
dictionsde la psychologie
et les
parfoisnéfaste,que peut avoirsurle toutjeune enfantle comportement
fantasmesdu parentqui s'en occupe14(c'est-à-dire
la mère),mais
généralement
qu'en mêmetempselle continueà direque le petitenfanta besoinen prioritéde
sa mère.
en tantque
Or, cettefemme,la sociétéen faitun êtredépendant,dévalorisé
divisé...
et
de
On
facilement
de
femme,
plus épuisé.
parle
aujourd'hui «la double
de
de
travail
la
femme».
Mais
d'hommes
journée
peu
peuventse rendrecomptede
ce que représente
une
femme
soit
«au
pour
(qu'elle
foyer»ou salariée,et qu'elle
soit avec ou sanshomme)le poids desjeunesenfants: supporter
lescris(car la vulaussi
de
ordonne
laisser
les
enfants
garisation
pédagogique
«s'exprimer»); traîner
les gossesavec soi quand on crouledéjà sousle poidsdescourses,ou essayerdésespérémentde les «caser» chez une voisineou chez sa mère,le tempsd'allerà la
13. Il faut toutefoislire à ce sujet Philippe Ariès,L'enfant et la vie familialesous l'Ancien Régime, Paris,Pion, 1960, et son article«Le rôle nouveau de la mèreet de l'enfantdans la
famillemoderne»,Les Carnetsde Venfance¡AssignmentChildren,n° 10, juin 1969 (UNICEF).
14. Voir par exemple Maud Mannoni,L enfantarriéréet sa mere, Paris,Seuil, 1964 ; et
Bruno Bettelheim,La forteressevide. L'autisme infantileet la naissancedu Soi, Paris,Gallimard,1969 (1ère éd. américaine1967).
61
à la crècheou chez la nourricepour
mairie,à la sécuritésociale...Se précipiter
et préparerle
aussivitepourles reprendre
arriverà l'heureau travail,en ressortir
dîner; chercher
une autrefanniequandla crècheles refuseparcequ'ilsontun peu
de fièvre; les laver,les relaver,les nourrir,les re-nourrir,
nettoyerles dégâts,
Cette
écouter...
contrainte
sans
fin,de jour et de nuit,
soigner,porter,consoler,
de soi, auxquellesaucunedifficulté
n'estcompacettedépossession
professionnelle
ls . Ils
ne
sont
à
les
les
hommes
décidés
rable,
partager
l'ignorent.
pas
La sociétéabandonnedoncles enfantsaux femmes
et attacheles femmesaux
En
de quoi,elleédicté: il
et
les
les
à
leur
vertu
mari.
enfants, par enfants, épouses
de
les
vertueuses
et
a
deux
sortes
femmes,
y
épouses-et-mèresles putains.Les pune
sont
les
mais aussilesjeunes fillesqui vouce
seulement
tains,
pas
prostituées,
obtenirle droità la viesexuellequ'on reconnaîtà leurs
draientparlescontraceptifs
Il y a donc plusieurs
les divorcées,
les célibataires...
les mèresqui avortent,
frères,
sortesde «féminités»entrelesquelles«la femme»doit choisir...Mais de toute
de faire),ça ne serajafaçon,quelque choix qu'elle fasse(qu'elle ait l'impression
maissi bienque d'êtreun homme...
16. Toute femme
Il se pose en faitaux femmesun graveproblèmed'identité
està la fois:
dansl'imageet
Io) obligée,en tantque femmebiologique,de se reconnaître
la
la réalitésocialesde la féminité,
lui
comme
dérivéede son
puisqu'on
présente
vraide la masculinité
sexebiologique(ceci estégalement
pourl'homme);
en tantqu'êtrehumain,de refuser
mais 2°) obligéeégalement,
cetteimage
et
dont
la
fondamentale
est
désintégrée destructrice
signification
que «c'est moins
bien d'êtreune femmeque d'êtreun homme»(en revanchele modèlede la maset valorisé).
culinitéestà la foisintégré
Il est tellement
honteuxd'êtreune femmedansnotresociétéqu'on ne doit
car que l'on soit
pas s'étonnerde ce que les femmessont si souventmisogynes,
hommeou femme,êtremisogyne
ou non : «De celles-là,
c'est dire,consciemment
de «ça», je n'en suispas.» Une femmemisogyneest quelqu'unqui dit : non,je ne
suis pas une «chose mauvaise»,je suis une personne,alors: non-femme,
horsde
sexuée.Elle pratiqueindividuellement
toute spécification
(mais pour des raisons
sociologiquesqu'elle ignore)cette séparationdu «mauvais»qu'est son sexe,pour
ne plustourner
sesregards
le détenteur
du pouvoirqui,
que versla granderéférence,
l'humanité,à laquelle elle aspire.Ce n'estpas de
lui, a la chancede représenter
qu'on lui présentecommeincarnéedans la
pénisqu'elle a enviemaisd'humanité,
Commentrésoudrecettecassure,ce morcèlement,
masculinité.
commentresceller
ce miroir
briséd'elle-même,
commentvivreà la foisen tantque «femme»et en tant
que Soi ?
A cela, deuxsolutions.La première
estde se fermer
les yeuxet se boucherles
oreilles,et ne penserqu'à faireson travail,son ménage,sa lessive,sa cuisine,dans
15. Même dans les sociétés socialistes,où l'égalitédes sexes faitthéoriquementpartiedes
normes officielles(et où il est indéniable que des réalisationsont été faites en ce sens), le
partagedes tâches domestiqueset éducativesdemeurele grandpoint d'achoppement,comme le
montreAndrée Michel dans «Relations prémaritaleset conjugales dans la familleurbaine en
Pologne, Russie et Biélorussie», Les Temps Modernes, août-septembre1974, nos 337-338.
16. Et qu on ne compte pas surles manuelsde psychologiepour éclairerla question : les
chapitres«identité» sont muets surl'incidencedu sexe socialementimposé. De même la grande
majoritédes manuelsde psychologiesociale parus ces dernièresannées.
62
nécessairepourvivre.Surtout,utiliserau
moraleabsolument
une auto-justification
maximumce que la sociétévous présentecommeétantà la fois biologiquement
propreaux «femmes»et socialement(enfin!) valorisé: l'enfant.Jouerle jeu de
et féminité,
mais en mêmetemps,et dans
l'oppositionsociale entremasculinité
une consciencediffuseque «quelque chose ne va pas», élaborerune sous-culture
entrefemmes,
occulte(la culturede nos mères,qui se transmet
généralement
igno- tousles
à l'hommel'imageatrocede la féminité
rée deshommes)où - renvoyant
maux de l'humanité,
tous les défautssont attribuésaux «hommes»en tantque
tels : «les hommessont douillets,geignards,
ils ne
puérils; ils sont dégoûtants,
pensentqu'à ça...»
L'autresolutionest - que l'on soit hommeou femme- de prendreconset la féminité
cienceque la masculinité
tellesque nous les vivonsaujourd'huine
sont pas des catégorieséternelles,car elles ne sontpas biologiques,mais historiques.Les uns,biensur,peuventpréférer
que les chosesne changent
pas (maisles
si bien que cela ?). Mais les autrespeuventenvisager
chosesvont-elles
qu'unjour
ne seraientplus,paradoxalement,
que de
peut-êtrela masculinitéet la féminité
sur
il
ne
besoin
serait
d'élaborernulfatras.
simplescatégoriesbiologiques lesquelles
tous
Simplescatégories
biologiques: c'est-à-dire
que l'hommeet la femmeservent
de l'espèce,et que la grandeur
deux la reproduction
de la société«humaine»serait
justementde n'en pas faireporterle poids à un seul des sexes. Une sociétéoù
du travail,
du loisir...
chacunauraitunepartégaleà cellede l'autre,de l'instruction,
et des enfants.Utopie ? L'utopie faitpartiede la réalité- à preuveles utopies
surles notionssocialesde «masculinité/féminité»...
biologisantes
Ce textea été écritfin74, surcommanded'unhebdomadaire
médicalà large
diffusion.
(On verra,d'aprèsla lettreci-dessous,
qu'un accordne pouvaitse faire
pour sa publication...).C'était à mon sens l'occasionde «fairepasser»auprèsdu
corps médical(dont on sait l'influencequ'il exerce)et de résumerpour d'éventuelleslectricesun certainnombrede faitssociologiquesde base (d'analysesqui,
à
pour certainesfemmes,sont déjà des acquis),mais ausside voiesde recherche
du «sexe». Et ce, en partantde faitsquoticoncernantla définition
poursuivre
diens,du vécu de tout un(e) chacun(e) ; car c'est bien de notrepratiquela plus
nos «théories».
quotidienne
que s'élaborent
Il est intéressant
une foisencoreque - beaucoupplusque des
de constater
énoncés abstraitsqui pourtantparlentde la mêmechose - c'est souventl'évoet de la violencesubies
cationsans fard,dans sa banalitémême,de la grossièreté
par les femmesqui «choque» le plus, et entraînela dénégation.Car rienn'est
plus«délicat»que lespouvoirsétablis...
63
«ChèreMademoiselle,
Votre article : Masculinité/
féminité
« Jepensequ'il a toutà faitsa place
dans notrenuméro,maisje dois vous
faire part d'un certainnombrede
de notreComitéde lecture:
remarques
Io La longueur.Vouscomprendrez
aisément que dans les conditions
actuellesoù travaillent
les journaux,
en relationavec la gravecrisede l'imprimerie
[...]
<r... premier
de la page 11
paragraphe
à ce sujet:
et je vousferairemarquer
a) Que dans lesformesd'expression
artistiquede culturesqui ne connaissentpas la répression
sexuelle,le sexe
n'est
d'habitude
anatomiqueféminin
où il
dans
la
mesure
pas représenté,
n'est pas visible,la femmeétantdebout.
de ce sexe
b) Que la représentation
nécessiteque la femmesoit mise en
positionquasigynécologique.
c) Qu'enfinil est extrêmement
difautrement
à
que sur
ficile représenter
uneplancheantatomique.
<r Tout ceci à monavisn'enlèverien
aux femmeset je vousproposeraivolontiersde renoncerà ce paragraphe
qui se terminepar les mots: «La statuaireafricaine...»
[...]
<r 2° J'ai certainement
des objections
à faireà la page13. Trèshonnêtement
je crois que vous ne gagnezrien en
adoptant un vocabulairequi est au
bord de la vective,ni en défendant
MichelPolnareff
qui a, dans un mouvementdontje ne contestepas la générosité,offertses fessesà la France,
ni en essayantde dénombrer
les prostituéesfemmesà l'usagedes hommes
ou hommesà l'usagedes hommes,ou
hommesà l'usage des femmes.Au
COMMENTAIRES
QUELQUES
QUANDMEME...
[Textetroplongparrapportàia commande. Propositionsde réductions.]
[= p. 56-57 : «Nous saisissons...»]
Il n'existepas de culturesqui, sous
une formeou une autre,ne connaissentpas de «répression
sexuelle», mais
son expressionest, selon les cultures,
très inégalementpartagéeentre les
deuxsexes...
De plus, parlant d'oeuvresartistiques,nous parlonsde symbolisation
du sexe (tantpourl'hommeque pour
la femme),et non de planchesanatomiques. (De toute façon, sur ces
planches,le sexe de la femmen'est
justementpas représentéen entier.)
Enfin, s'il faut aborder les problèmestechniquesde la sculpture,le
sexe fémininn'est en aucune façon
plus «diffìcile»à représenter
qu'un
œil, une main ou... des cheveux.
J'ose à peine ajouterque, ni dans
la sculptureni dans la vie,«la femme»
n'estpas toujours«debout»!
[= p. 58 : «Or, pour répondre...»]
a) Ce vocabulaireest celui de l'invective,en effet.Je ne «l'adopte»pas.
Je le cite. C'est celui qui nous
(femmes)est à chaque instantappliqué. Parlerpolimentde ce qui ne l'est
pas estunefalsification.
b) II s'agissaiten faitd'uneréclame
pour une marque de slips masculins
(parue en mai 67 dans le NouvelObservateur).Le fait que la phraseait
évoqué la publicitépersonnelled'un
64
demeuranton me signalequ'il y a
des maisonsmasculines
effectivement
pourles dames.
chanteur(= décidée par lui), et non
l'utilisationd'un corpsmasculinanoest
nymepar l'institution
publicitaire,
significatif.
c) L'oppositionau dénombrement,
est un des moyens
aux «statistiques»,
de la dénégation.
S'il existedes «maisons» masculinespourles femmes(?),
n'estqu'un
leurcaractèreexceptionnel
de la prosrévélateurde l'institution
titutionà usagedeshommes.
€ 3° La page 14 est certainement
beaucoup trop hétérogène.Il n'est
peut-êtrepas utile de remonterà la
Belle Epoque dans la mesureoù à ce
momentles hommestravaillaient
aussi
douze heuresparjour,cependantque
les enfantsavaientdroit à un traitementde faveurde dix heures.Cest
donc un procèssocialque vousfaites,
parfaitement justifié, mais qui
s'éloignequelquepeu de notrepropos.
[= p. 58 : «Au niveaudu vécu..»]
Hétérogène? Plutôtune présentation ramasséed'un systèmeparfaite:
menthomogènedans sa multiplicité
des
l'envahissement
la
«différence
par
sexes» de tous les aspects du quotidien.
Douze heuresparjour,oui,maisles
hommesn'avaientpas de corsetsen
fer,et - détail(?) supplémentaire
l'ouvriergagnaitle double de l'ouvrière.
Procèssocial,oui ; tout à faitdans
«notre propos» : celui des sexes, et
nondesseulesclassessociales.
<r 4° Je vous approuvede parlerde
l'avortement,mais je voudraisque
vousen parliezde façonmoins«populiste»: ce n'estpas parceque l'homme
a atteintla luneet qu'on a malencontreusement
dépensédes milliards
pour
greffet
quelquescœurshumainsque le
peut être
problèmede l'avortement
résolu.
facilement
[=p.58]
«Populisme : Ecole littérairequi
cherche[...] à dépeindreavecréalisme
la vie des gens du peuple» (Petit
Robert). Le peuple des femmesregardela télévision,là où on fait au
de «l'Humapeuple la démonstration
nité» : progrèsde la science,de la médecine, lui dit-on. Comment dire
d'une femmeenceinte
l'étouffement
devant
elle,
malgré
l'étalagede cette
«science»qui se refuseaux femmes?
Jeparlede la politiquede la science,et
de la médecine :
particulièrement
celle qui sévit contre les femmes:
a) en leur refusantles techniques
de
existantespour la libredisposition
leurcorps; maisaussib) en accordant
moins d'argent à la recherchede
65
techniquesnouvelles(de détectionou
de soins) pour les maladies «de
femmes»que pour les maladiesgénérales ou de la classe des hommesdirigeants; car l'ensembledes femmes
fait partie des gens évalués comme
moins importantséconomiquement
(voir à ce sujet : AntoinetteChauvenet,«Biologieetgestiondes corps»,in
Discoursbiologiqueet ordresocial,Paris,Seuil,1977).
<r 5° J'en viens égalementau développementsuivant: vousme paraissez
injustepour les hommes,car un certain nombred'entre eux s'occupent
effectivementd'enfants, d'autres
et ce parpaientla pensionalimentaire
:
foisdansdes conditionsdramatiques
je pourraisvousciterle cas d'unjeune
garçon dont je m'occupe qui était
[employé],divorcéd'une jeune bourgeoise de [N...] et qui verseà celle-ci
environ30 % d'un salairedéjà très
maigre.
Je pense égalementque pour la
tenuede votrearticlevouspouvezfacilementrenoncerà l'anecdotedu bas
de la page 14 de l'automobiliste
qui a
faitunequeuede poisson.
[=p.58]
Oh, les vilainesstatistiques
qui sont
On
hommes.
les
peut esinjustespour
les
à
timeractuellement 20 % pensions
alimentaires
régulièrement
payées (2
sur 10, encore un détail, quoi). Et
comme dans 85 % des cas, c'est la
femmedivorcéequi a la chargedes
enfants,on ne se demandeplus pour
qui les conditionssont dramatiques.
Ah, ces bourgeoisesqui exploitent
leurmari! (Cf. C. Delphy,«Nos amis
et nous»,mêmenuméro.)
« 6° Je passe maintenantpage 15.
Je souhaiteque vous supprimiezle
paragraphen° 2 qui commencepar
les mots : «De nos jours le meilleur
moyend'asseoirun pouvoirsocial...».
là à une
En effet,vousvousréférez
n'est
raciste
pas
généraqui
position
liséeet,de touteslesfaçons,voussormon avis du sujet.
tez à
<r 7° Je vousdemandeégalement
page
15 de supprimerles trois dernières
lignesqui, à monavis,n'ajoutentrien.
[=p.59]
1. Oui, il s'agit d'une positionraciste.
2. Si, elleest«généralisée».
3. L'idéologie de la naturebioloest,hélas,toutà fait
giquedes femmes
«dans le sujet». S'il ne tenait qu'à
nous d'en sortir...nous le ferionsvolontiers.
[= p. 59 : parenthèsedans le paragraphe«Certainss'affolent...»]
Toujoursces mots mal famésqui
[=p.59]
Qui «se tient»mal,mon articleou
la gentmasculine? Et de plus elle se
persuade,et nouspersuade,que la violence à l'égarddes femmesest «anecdotique»(cf. J. Hanmer,«Violenceet
contrôle social des femmes»,même
numéro).J'ai parlé de lâchetémeurcartel estlefait.
trière,
66
choquent nos intellectuelsraffinés.
Mais nous, nous savonsqu'il ne faut
pas grand-chose
pourque deshommes
même «raffinés»nous abreuventde
ces termes...Et encoreles termes,
mais
les coups(mêmedes «camarades»,«de
et les
gauche») contreles féministes
?
homosexuels
<r 8° Je ne serai pas loin de vous
adresserla mêmeproposition
en ce qui
concernele paragraphe
de la page 16
qui traitede la possessiondu péniset
de l'assimilation
de celui-cià l'enfant.
Toute cette phraséologiefreudienne
està monavispeu utile.[...]
[=p.59]
1. Phraséologie
freudienne
peu utile
mais
combien
efficace,hépeut-être,
las...
2. ... que justementj'essaie ensuite
de contreren rappelantqu'il y a un
faitbiologiquebeaucouppluspregnant
dans l'idéologieque la question du
pénis : c'est le faitde l'enfantement,
que, par un tour de passe-passe,on
assimileà la reproduction
: ce qui permet de penserla femmecommeseul
supportde l'espèce. Car l'assimilation
qui a été faitedu pénisà l'enfantest
basée non seulementsur la négation
du sexe de la femme,mais surtout
sur l'amalgame entre le concept
et celui de reproducd'enfantement
tion {cf. N.-C. M., «Paternitébiologique, maternitésociale...», in A.
Michel (éd.) : Femmes, sexismeet
sociétés,PUF, 1977).
<r 9° Page 1 7, le développement
consacréà la vulgarisation
médicopédagogique actuelle me paraît,pour vous
dire la vérité,malfondé et je me demandejusqu'à quel pointvousavez eu
l'occasion d'étudierpersonnellement
ce problème,ce que j'ai faitil y a une
vingtained'années.Il est indiscutable
que l'enfantbénéficiebeaucoupplus
d'un milieufamilial; je diraiplus, il
y a des femmesqui ont (vous bondirezpeut-être)un instinctde maternité qui apparaît d'ailleurstrès tôt
chez certainespetitesfilleset il y aurait peut-êtrelieu de tempérerces
prisesde positionexcessives.
[=p.6O]
1. Toute femme a eu l'occasion
- puis«d'étudierpersonnellement»
qu'elle est concernée le problème
de ce soi-disanténoncé scientifique
(nécessaireprésencede la mèreauprès
du jeune enfant),qui est surtoutune
normemoralisatrice
destinéeà faire
porter à la femmeseulementcette
contrainte.
Remarquer que le «personnelle*
ment» est sans doute amené par le
«Mademoiselle»du débutde la lettre.
Car,si n'importequel homme,surtout
s'il est «docteur»,se sentcapable de
en
jugerdes nécessitésdu maternage,
67
<r 10° En bas de la page 18, je pense
qu'on peut opposer les vertueuses
épouses et mèresaux femmesmaîmaisne pas prononcerle mot
tresses,
de putain. L'opinion que vous avez
de la sociétéactuelle et notamment
du consensusmasculinestà monavis
injuste.
parfaitement
revanchen'importequelle femmen'a
pas le droitd'en parler: il fautalors
au moins qu'elle puisse avancerses
troisenfants
surl'échiquier...
2. Remarqueraussi commentles
dontje
soinsexclusivement
maternels
«milieu
se
sont
transformés
en
parle
familial». S'il étaitbesoind'uneconfirmation,la voilà.
3. Quant à l'instinctmaterneldes
petitesfilles,il s'est tout de même
écritbeaucoup de chosessurla sociades deux sexesà
lisationdifférentielle
cet égard... depuis vingtans que le
docteura étudiéle problème.
[= p. 61 : «La sociétéabandonne...»]
Où est le consensusmasculinde la
société actuelle ? Dans le cocon de
l'élégance(et de la mauvaisefoi), ou
dans la rue,dansle lit,dansces mots
sur «les femmes»parquoi leshommes
exhalentleur haine ou leur ivresse?
Nous le vivons,mais nous noustrompons, a dit le docteur.Voilez-vousla
devantnos «opinions
face,mes frères,
injustes». Apparemment,seuls les
et les romans
gravespsychanalystes
porno ont le droitde «montrer»ces
mots-là...
N.-C.M.
<t 11° Enfin,je ne voisaucun inconvénientà gardervotre «chute» bien
que je continueà penserque la biologie joue un rôle que vous avez tendanceà minimiser.
« 12 Je tiensà préciser
que je suispourl'égalitétotaledesfemmeset des hommes
d'unegrossesseindésipourla libertéde conception,
pour la libertéde terminaison
la motivationqui vous pousse à être à
rable, que je comprendsparfaitement
de ce
certainsmomentspamphlétaire,
mais qu'en tantque directeurscientifique
la publication(que je souhaite)de votretexteque si
journalje ne puis envisager
vousestimezlégitimeetacceptablepourvousles modifications
queje voussuggère.
<r Veuillezrecevoir,
l'assurance
de messentiments
je vousprie,chèreMademoiselle,
dévoués.
DocteurK... »
68
La photo de couverturede «La chasse est ouverte».
J^H^^^^^H
69
JalnaHanmer*
Violenceet contrôle
socialdesfemmes
Cet articletraitedu phénomène
socialque constituent
les violencesphysiques
l Notre
exercéespar les hommescontreles femmes.
problèmen'estpas ici de comet
de
et
les
divers
violence
ni de raffiner
surles variaparer d'expliquer
types degrés
tions de lieu, de tempset les personnalités
des individusconcernés.Nous ne
cherchonspas non plus l'explicationde tel acte individuel: notrepréoccupation
de la violencedes hommes
au niveausocialstructurel,
centraleest la signification,
contreles femmes.
le rôlede la violence
Pourcomprendre
le phénomène,
il convientde ré-évaluer
Nousconsidérons
d'abordl'universalité
dansles relationsentrehommeset femmes.
des femmes,
de la subordination
pourexaminerensuiteles formeset les incidences
socioune
définition.
Nouscritiquerons
les explications
de la violenceet en donner
de
l'Etat
le
rôle
et
de
logiqueshabituelles la violenceinterpersonnelleanalyserons
de
tenterons
d'une
entre
les
sexes.
Nous
dansla création
dépendance«symétrique»
de violenceentrehommes
d'uneanalysedesrapports
mettreen évidencela pertinence
des catégoriesde «sexe» et de «classe».Et la
et femmespour la compréhension
:
efficacement
la violencemasculine?
finale
est
combattre
pouvons-nous
question
Violencedes hommeset subordinationdes femmes.
Quand on pose la questiondu partagedu pouvoiret de l'autoritéentreles
sexesdansles différentes
estque les femmes,
toucultures,
l'opinionprédominante
et
ont
de
et
moins
d'autorité
dans
la
société
partout,
pouvoir
jours
que les
hommes.2Les activitésmasculines,quellesqu'ellessoient,sonttoujours,partout,
plus valoriséesque celles des femmes.A ce phénomèneon donnegénéralement
deux raisonsd'ordrematériel: l'une est que la fonctionreproductrice
desfemmes
♦ Chargéede cours à la London School of
Economics, Universitéde Londres.
1. Ce texte a e te écnt a la suite d un séminaireanglo-français
surles rapportsde violence
entrehommeset femmes,organisépar le Social Science ResearchCouncil en 1975. Il a été présenté à la conférenceannuelle de la BritishSociological Association,Sheffield,1er avril1977.
2. Cf. par exemple : Rosaldo, M. & Lamphere,L. (eds.), Women,Cultureand Society,
StanfordUniversityPress, 1974. Friedl, E., Womenand Men, Holt, Rinehart& Winston,1975.
Reiter,R. (ed.), Towardand Anthropologyof Women,MonthlyReview Press,1975.
Dans son Introductionà /'Originede la famille... Engels {The Originof the Family,Private Propertyand the State, Lawrence & Wishart,1972), E. Leacock soulignele faitque nous
ne connaissons aucune société qui n'ait subi l'influencede la société occidentale. Les anthropologues ont importéleur proprevision de la société et nulle partplus fidèlementque dans les
domaines qui pour eux soulevaientle moins de problèmes : c'est-à-direla divisionsexuelle du
travailet l'invisibilitéde la violence.
70
sociale. Le faitde porterles enfants,
limiteleur participation
les nourrir
puisles
des activités
lesplus
élever,est considérécommela base de l'exclusiondesfemmes
valorisées(et les plus violentes)dans un grandnombrede sociétés: la guerre,la
chasse.Cettedivisionsexuelledu travailestaussiune divisionentresphèrepublique
ou hautement
déveet sphèreprivéede la vie culturelle,
qu'elle soitembryonnaire
de
la
ce
à
et
cloisonnement
s'étend
ensuite
l'accès
femmes
à
des
rigidité
loppée,
l'autoritéet au pouvoir.Le secondfacteurmatérielinvoquéestle rôledes femmes
dans la production,
maison a constatéque, mêmedansles sociétésoù leurparti50
excède
les femmes
%,
n'atteignent
cipation
jamaisà la pleineégalité.3Il estrare
l'on
en
la
mette
relation
violence
que
physiqueet sa menaceavecd'autresfacteurs
un
mais
article
tente
d'établirl'importance
récent
relativede la violence
sociaux,
de
du
et
stade
de
institutionnalisée, l'idéologie
développement
économiquedans
K.
les
femmes
de
leur
l'acceptationpar
oppression.4D'après Young et 0. Harris,
dansles sociétésoù l'on a le moinsde contrôlesurla nature,le modedominant
de
de la force: leshommespunissent
contrôlesocialestl'usageinstitutionnalisé
collectivementles individusfemmesqui ont enfreint
les règlessociales- par le viol de
A
un
de
contrôle
surla nature,ce sontlesmégroupe,par exemple.
degrésupérieur
canismesidéologiquesqui dominent: «II y a prolifération
des institutions
vécues,
la
se
limite
de
la force.A un stadede
et
violence
à
individuel
répressives»,
l'usage
productionencoreplus développé,le mode dominantde contrôledevientl'économie. «Les femmesn'ontpas accès aux moyensde production,
ellesne contrôlent
etc..»
n'ont
leur
au
accès
travail
[rémunéré],
propresurplusdomestique,
plus
pas
Le contrôleidéologiques'affaiblit
et la violenceestencoreplusmasquée.
Il est certainque dansnotresociété,ni leshommesni les femmes
ne sonttrès
de
de
la
de
le drame
reconnaître
et
la
dans
violence
menace
empressés
l'importance
de la vie quotidienne.Souventon dissimuleet on se dissimuleles sentiroutinier
mentset attitudeshostilesqu'on a enversle sexeopposéet on ne les reconnaîtpas
de la viequotidienne.
commepartieintégrante
La violencedes hommesenversles femmesau seinde la famillesembleun
de la conscience
sujettabou qui faitsurfaceà l'occasion,au moinsdansune frange
collective.Par exemple,à la findu 19èmesiècle,en GrandeBretagne,
le problème
de la violencemaritalea été soulevépubliquement,
ce qui a conduità unemodificationde la loi, permettant
aux femmesd'obtenirla séparationlégalede leurmari
5 Puisle
de
de façonrégulière.
la
ce
dernier
se manifestait
violence
lorsque
problème
tombadansl'oublipourressurgir
à
pendantla luttepourle droitde vote,sombrer
nouveauet refairesurfaceaujourd'hui.Les femmesont,de tempsen temps,pris
consciencedu fait que la violencephysiques'exerçaitcontreelles en tantque
groupe,mais la plupartdu temps,ce qui est sociologiquement
plus important,
l'usage de la forceet de la menacen'a été considéréque commeun problème
3. Ibid.
4. Young, K. & Harris,O., «The Subordinationof Womenin Cross CulturalPerspective»,
Paperson Patriarchy,Women'sPublicationCollective,1977 (à paraître).
5. Young, J., WifeBeating in Britain : a Socio-HistoricalAnalysis, 1850-1914, A.S.A.
ConferencePaper, 1976%
Entre «les problèmes individuelsdans le milieu social» et «les effetspublics de la
structuresociale», les mouvementsféministesont laissé place à l'imaginationsociologique. Les
académiciensde la sociologie feront-ilsde même ? {cf. Mills,C. Wright,The Sociological Imagination,OxfordUniversity
Press,1959 ;trad. franc.: Paris,Maspero, 1967).
71
la violenceconjugale,y comprisle viol,et les
individuel.
Aussile faitd'interpréter
dontles femmessontvictimessurla voie publique,commedes
diversesagressions
au nom de tous les hommes,peut-il
actes perpétrés
par des hommesindividuels
tellement
avonsindividualisé
même
nous
ce phénomène
ou
absurde,
paraîtreosé,
socialimportant.
surle sujet,nous ne chercherons
Etantdonnéle manqued'informations
pas
en
avecd'autressociétés.Ce que nous voulonsmontrer,
à établirde comparaisons
de
la
de
même
elle
est
et
la
si
l'utilisation
force
c'est
menace,
revanche,
que
partidans notresociétéindusculièrement
occultée,est d'une importancesuffisante
trielleoccidentalepourêtrereconnuecommeun facteurmajeurde contrôlesocial
des hommessurles femmes.Nous voulonsmontrer
égalementque toutce que les
de
hommesextorquent
bénéfices
aux femmes,
qu'il s'agisse
économiques,sexuels,
sur l'usagede la forceet de la menace,
ou de prestige,
reposefondamentalement
tout commela dominationexercéesurune classesociale,un groupeethnique,ou
unenation.
Il s'agit
les comportements.
La violenceet la peur de la violencefaçonnent
là d'un phénomènesociologiquepar excellence.Mais pourpouvoirle comprendre
tenircomptedu point
à fondde ce pointde vue même,il faut,dans sa définition,
ou de la sociétéengénéral.
de vuede la victimeaussibienque de l'agresseur
Définitionde la violence
Dans la vie d'une femme,la peur de la violencemasculineexistede façon
A un premierniveau,la peurse ressentcommemalaise: soucide
subtileet diffuse.
la moquerie.La
commeil faut,de ne pas êtreridicule,ne pas attirer
se comporter
soi-même
victime
de
ou
on
a
été
violences, lorsqu'onsaitque
peurs'accentuequand
des personnesconnuesou inconnuesde soi en ont été victimes; elle s'accentue
socialaccepté,ou quand on prévoitseuaussilorsqu'ons'écartedu comportement
une femmen'en découragera
lementde le faire.Ce qui découragera
pas forcément
une autre,et le simplemalaisequi accompagneun comportement
déviant,comme
à ne jamais dérogerau
de rentrer
seule chez soi le soir,par exemple,peut suffire
Mêmesi les
principede sécurité,ou à n'en dérogerque trèsexceptionnellement.
de la sécurité,chaque femmesait,de façon
femmesont des notionsdifférentes
et émotionnelle,
où se situela frontière
intuitive
qui la mèneà cettezone d'ombre,
où elle a toutesles chancesde
ce no woman'sland qui conduità un affrontement
existentdansla viedomestique.6
perdre.Ces mêmesfrontières
Sous sa formela plusvoilée,la menacede la violenceou la violenceelle-même
de comportements
commeamicauxou plaisanqui se présentent
peuventprovenir
donne
tins. Ann Whitehead,dans son étude d'un villagedu Herdfordshire7,
6. Jones,B., «The Dynamics of Marriageand Motherhood», in Morgan,R. (ed.), Sisterhood is Powerful Vintage,1970, pp. 46-61 : on y décritles différents
subterfugesdu maripour
consolidersa position de pouvoir. La menace n'a pas besoin de se crierhaut et fortpour créer
la peur de la violence.
7. Whitehead,A.. «Sexual Antagonism in Herefordshire»,in Barker, D. & Allen, S.
(eds.), Dépendance and Exploitation in Workand Marriage,Longmans, 1976, pp. 169-203.
72
abusivede la plaisanterie
; l'unede ces plaisanteries
plusieursexemplesd'utilisation
avaitpour but de rappelerà une femmequ'elle était indésirabledansle pub du
de la cliquemâle à laquelleappartenait
son mari,tandis
village,lieu de rencontre
de
la
l'intérêt
autre
plaisanterie
marquait désapprobation
extra-conjugal
que
qu'une
une femmeenversun homme.La description
manifestait
qu'AlwynRees faitd'une
communautédu pays de Galles8 contientplusieursexemplesdu rôleque joue la
de la partdesjeunesgensdu villagedansle contrôledes autresmembres
plaisanterie
de la communauté.Mais il est remarquable
soit
que ce typede comportement
dans
la
des
études
négligé
plupart
monographiques.
dansl'anonymat,
nousconnaissons
bienà la villeles
Quantà la «plaisanterie»
9
.
de
et
sifflet
le
et
Coornaert
«dragage»DominiquePoggi Monique
coups
explorent
les passagesde la villeinterdits
aux femmeset nous rappellentqu'un humoriste
établirun «guidede la rue pourles
pourraittrèsbien,sans avoirl'air saugrenu,
dames».La plaisanterie,
avec ses sous-entendus,
la formede pressionla
représente
subtile
et
se
l'un
situe
des
du
à
extrêmes
continuum
de
la
violence.
plus
Une définitionsociologiquede la violenceenversles femmesdoit tenir
comptede l'usagede la forceet de la menacecommemoyend'obligerles femmes
de telleou tellefaçon.La mortse situeà
ou à ne pas se comporter
à se comporter
un extrêmeet la menaceà l'autre.Entreles deux,on trouvetoutessortesde comportements
quotidiens,depuisles coups superficiels
jusqu'aux blessuresgravesen
de la violencecomprend
sexuelleet le viol.Notredéfinition
passantpar l'agression
les catégorieslégalesmaisles dépasseen incluanttouslescomportements
qui visent
à obtenirla soumission.
C'est une définition
de femme; elle partdu pointde vue
de la victime.
L'étenduede la violencemasculineenversles femmes.
Même si on se limiteaux délitstombantsous le coup de la loi, on peut
affirmer
: les statisl'ampleurdu phénomène.Le mesurerprésentedeux difficultés
de ce qui est enregistré
nous informent
à la police ou dansles
tiquesofficielles
maispas forcément
des événements
De plus,il n'existepas
eux-mêmes.
tribunaux,
de statistiques
surle sexede la victime,
saufen cas d'homicide.Maisune foistracées
ces limites majeures,nous pouvons encore tirer quelques conclusionsdes
L'une d'elles est que pratiquement
officielles.
tousles crimesviolents
statistiques
sont commispar des hommes.Trèspeu de femmes,
en comparaison,
commettent
des actesde violenceenversdes femmesou des hommes.Autreconclusion: étant
donnéla description
des crimes,il estévidentque les femmesconstituent
la vaste
majoritédes victimesde «violencessexuelles»,les «attentatsà la pudeur»repré1°
sentant50 % des inculpations
de cettecatégorie.
Mais le sexe de la victimeest totalementinconnudansl'autregrandecatécommeviolencessexuelles.
gorie: «coups et blessures»,dont 10 % sontenregistrés
8. Rees, A., Life in a WelshCountryside,University
of Wales Press,1951.
9. Poggi, D. & Coornaert, M., «The City : Off-Limitsto Women», Liberation,julyaugust1974, pp. 10-13.
10. Home Office,Criminalstatistics,angiana ana wales, 1975, H.M.s.u. (Her Majesty
StationeryOffice),1976.
73
et la
En ce qui concernel'homicide,si on considèreles relationsentrel'agresseur
un faitmajeurémerge: une femmea plus de chancesde se fairetuerpar
victime,
tirer
Il estprobableque l'on pourrait
quelqu'unqu'elleconnaîtque parun étranger.
la mêmeconclusionpour les coups et blessuresou les agressionssexuellessi on
faisaitdes statistiques
comparables.
On trouvecependantquelquesdonnéesstatistiques
plusprécises.En 1974,R.
et R. Dobash ont étudiéles actesd'accusationinitiauxportantsurtous les délits
et dansl'une de Glasgow.11
commisdans toutesles circonscriptions
d'Edimbourg
un faiblepourcentage
La violenceet les menacesconstituaient
(1 1, 10 %) des délits
de la famille
de
à
et
voies
la
violence
l'intérieur
menaces
Parmi
les
fait,
enregistrés.
était un peu moins fréquente(4,79 % des cas) que la violenceextra-familiale
(6,31%).
A l'intérieur
de la famille,les agressions
physiquescontrel'épouse constiSi
on
les violences,retenuesou
additionne
des
délits.
la
moitié
tuaientpresque
envers
le mari(0,79 %) et
les
envers
violences
l'épouse,
alléguées,et les menaces
84
et des actesde viodes
menaces
%
les altercations
conjugales,on s'aperçoitque
de cette
et
femme.
Et
la
lence dans la familleont lieu entremari
quasi-totalité
Le
violenceest exercéepar leshommescontreles femmes. restese partageentreles
contreles enfants(6,69 %), les violencescontreles parents
violencesperpétrées
(4,26 %), les violencesentrefrèreset sœurs(3,04 %) et les querellessansvoie de
faitavec d'autresmembresde la famille(1,94 %). Pource qui est de la violence
d'hommescontredes femmesne représentaient
les agressions
extra-familiale,
que
13 % des cas, ce qui permetd'affirmer
que c'est en se mariantou en cohabitant
avec un hommeque les femmescourentle plusgranddangerde se faireattaquer.
et
Cela ne suffitpas pourautantà donnerune véritableidée des agressions
en particulier
dansle foyer.Les policiers
blessuresdontles femmessontvictimes,
un hommequi bat sa
reconnaissent
qu'ils ont beaucoupmoinsde chancesd'arrêter
femmequ'un hommequi maltraiteun enfantde la familleou quelqu'und'autre
12
à la Commission
rapportés
que sa femmehorsdu foyerfamilial. Les témoignages
n'ont
sur
la
dans
le
Violence
Parlementaire
Mariage
pas donné lieu à
d'Enquête
et
de
le
exercéedans la
sur
l'étendue
violence
des statistiques
rigoureuses
type
surle sujet.13
de
de
il
recherche
notre
à
n'existe
familleet,
connaissance,
pas projet
La questionnousparaitcruciale.Pourquoine consigne-t-on
pas les observaet
étant
donné
l'attention
la
nature
des
violences
à
tionsrelatives
exercées, surtout,
ne
recherche-t-on
la
Commission
d'Enquête,pourquoi
portéesur ce domainepar
ne reflètepas la raretédes
? A notreavis,ce désintérêt
pas ce typed'information
maisplutôtleuracceptationcommeformede contrôlesocial.Le
comportements,
phénomènen'apparaîtpas commefaitsocial,il n'estreconnuque commeproblème
11. Dobash, R. & R., The Nature and Extent of Violence in Mariage in Scotland,
ScottishCouncil of Social Service,1976.
12. Report from the Select Committee on Violence in Marriage...,vol. 2, H.M.S.O.,
1975,pp.270-290, 361-391.
13. Ibid., vol. 1. Le rapport,p. XIII, recommandecomme premierobjectif la création
d'un foyer (pour les femmeset les enfants)pour 10000 habitants.Actuellement,à peu près
15 % des bâtimentsnécessairessont disponiblesgrâce à des projets bénévoles dont la plupart
émanentde la NationalWomen'sAid Federation(Fédération nationaled'aide pour les femmes).
74
et des statistiques,
si bienqu'en cet âge de la sociologie,de l'ordinateur
individuel,
de ce type de crimesn'est pas considérécommeun priorité.14
le recensement
La Contrainte
structurelle
et la socialisation.
En sociologie,le rôle de la violencedansla structuration
et le maintiendes
rapportsentrehommeset femmesn'a pas la place qui lui revient.Dans les
avoirtraità ces problèmes,
recherches
l'usagede la forceest un
qui sembleraient
imé.1SEt lorsquedes sociofacteurdonton ne tientpas compteou qui estsous-est
logues fontquelque effortpour expliquerla violencemasculine,le faitmême
n'estpas intégré
dansl'argumentation
qu'elle s'exercecontredes femmes
théorique.
on n'en
Quant à la réponsede l'Etat, à traversses diversesinstancesofficielles,
tientgénéralement
si
on
on
ne
la
la
considère
ou,
mentionne,
pas compte
pas
commefaisantpartiedu phénomène
à définir.
à des cas individuels
confronté
concocteun
Malgréces lacunes,le chercheur
une
car
théorie
ne
seule
rendre
d'explications,
peut
comptedu phénopot-pourri
mène.A certainsstadescruciaux,se dessineune tendanceà individualiser
et psyde
Ainsi
certaines
chologiser.
catégories comportement
pour expliquer
qui ne
cadrentpas avec la structure
la
dite
comme
violence
sociale,
irrationnelle, «expressive» (opposée à la violence«instrumentale»),
a-t-onrecoursdansla théorie«so. Au pire,
aux notionsde frustration,
tensionet «butscontrariés»
ciale structurelle»
de
les
normes
et
valeurs
sont
comme
violence
considérées
sociologiquement
parlant,
à
des
ou
familles
à
sous-cultures
alors
individuelles
déviantes,
propres
quelques
que
la société dans son ensemblen'est pas touchée.16Au mieux,on considèrela
socialequi fournit
violencecommerépandueet la famillecommeune institution
un terrainprivilégié
des
et
valeurs
techniquesde violence.
d'apprentissage normes,
Les sous-cultures
de la violencedeviennent
alorsla partieémergéede l'iceberg.
14. Après le rapportde la Commissiond'Enquête, la D.H. S. S. a fourniplusieurscontrats
de recherchepour étudier les «systèmesde résorptiondes crises» dans le foyerconjugal et les
actions sociales à mener vis-à-visde la violence conjugale. Le Ministèrede l'Intérieur(Home
Office) envisagemaintenantl'enregistrement
statistiqueséparé des actes de violenceconiugale.
15. Un exemple de cette sous-estimationdu role de la violence : Goode, W., «Force And
Violence in the Family», Journalof Marriageand the Family,vol. 33, n° 4, 1971, pp. 624-636.
16.Si dans cet articlenous évitonsle terrainpsychologique,les psychiatres,eux, ne semblent pas y regarderde trop près en adoptant les théoriessociologiques (par exemple : Scott,
P., «Battered Wives»,BritishJournalof Psychiatry,125, 1974, pp. 433-441) ou les méthodes
sociologiques (par ex. : Gayford,J., «Wife Battering: A PreliminarySurvey of 100 Cases»,
BritishMedical Journal 25 jan. 1975 ; et «Ten Types of BatteredWives»,The WelfareOfficer,
n°l,janv. 1976).
On trouveraune excellentecritiquedes travauxde Gayforddans : The ExistingResearch
into Battered Women,NationalWomen'sAid Federation,1976.
Même E. Maccoby et C. Jacklin(The Psychologyof Sex Differences,StanfordUniversity
Press,1974, pp. 264-5) succombentaux affirmations
gratuitessortiestout droit des préjugés:
«Bien que dans un nombreinconnu de cas des incidentsde ce genreillustrentun côté laid des
relationsconjugales côté que souventon ne voit pas ou ne veut pas voir - il ne faitguèrede
doute que l'usage directde la forceest raredans la plupartdes mariagesmodernes...Disons simplement que tout couple homme-femmeconstitue habituellementune coalition où l'on
s'accorde pour minimiservolontairementla part de l'agressionafin de préserverles aspects
de la relation.»
mutuellementgratifiants
75
C'est le pointde vue adoptépar Gellesdansune récenteet uniqueétudede
avec
violentes.17Il combinela théoriede la socialisation
80 famillesaméricaines
rendre
de la tensionet des buts contrariés
les théoriesde la frustration,
pour
des sujetsétudiés.Par la théoriede la socomptede la variétédes comportements
cialisationil essayed'expliquerle comportement
passés
présentparlesévénements
en
etc. Les
le comportement
tout en interprétant
présent termesde frustration,
considéré,tous les adultesviolents
car, dans l'échantillon
explicationsfoisonnent
n'avaientpas subiou été témoinsde violencesdansleurenfance- et nous savons
par d'autressourcesque ceux qui ontconnula violencedans leurenfancene deviolentsà l'âgeadulte.On établitun rapportstatistique
viennent
pas nécessairement
maison ne connaîtpas la
dansl'enfance,
entrela violenceadulteet la socialisation
de la population
ne
sait
faits
les
entre
corrélation
pas quelleproportion
puisqu'on
en généralesttémoinou victimede violencespendantl'enfance- à supposermême
du type
la notionde violence.De mêmepourles explications
qu'on arriveà définir
et ce que l'on
: ellesne peuvents'appliquerqu'à des cas individuels,
«frustration»
proposecommeexplicationd'un phénomènesocial n'estque la sommede caractèresindividuels.
mêmesi dans
La notionde rôle sexueln'est pas un outil plus satisfaisant,
et
le
conditionnement
l'idée de rôle on inclutle conditionnement
présent
passé
18
qui faitcroireque les femmes
(renforcéou non). A côtéde l'idéologiedominante
et la dépendance,
les espritslibérauxadmettent
la soumission
choisissent
qu'ilexiste
les
différent
deux
un
conditionnement
social
l'enfance
sexes, qui
pour
depuis
aboutit à la soumissionféminineet à l'agressivitémasculine.Si ce type
a le méritede mettreen lumièrele rôlede l'idéologiedansle compord'explication
de certainsaspectsdu comportement
la description
tementhumainet de permettre
à
des
structures
socialeset des rapportsde
acquis,il ne suffitpas rendrecompte
domination.
La Théoriedes ressources.
frôlela possibilitéd'unenouvelleanaGoode, avec sa théoriedes ressources,
surl'idée qu'on a recoursà la
prudemment
lyse,maisse détournepour se rabattre
violencelorsqueles autresressourcesmanquent,à savoirles ressourceséconomiques,le prestigeou le respect,d'unepartet l'amitiéou l'amour,d'autrepart.19
Cet auteuradmetbienque le mariageestune relationde pouvoiret que la forceou
des ressources
habituellespourle mari/père;(de mêmeque
la menaceconstituent
Ce n'estque dansle
le pouvoiréconomiqueet un statutgénéralement
supérieur).
ses «resdomainede l'amitiéet de l'amourque la femmea deschancesd'augmenter
sources»,et à conditionde se dévouertout entièreà son mariet ses enfants.
17. Gelles, R., The ViolentHome, Sage Publications, 1972. (Une étude sur les cas de
femmesbattues en Ecosse doit bientôt paraître : Dobash, R. & R., ViolenceAgainst Wives:A
Case AgainstthePatriarchy,Free Press,1977.)
18. Voir : Steinmetz,S. & Straus,M., Violencein the Family, New York, Dodd, Mead &
Co, 1974 ; et Martin,D., Battered Wives,Glide, 1976.
19. Goode, art. cit.
76
On a largementdissertédans le mouvementféministesur l'amouret la
sexualité.On a dit souventque l'amouret les relationssexuellesavec les hommes
Les femmes
sont
et matérielle
des femmes.
psychologique
permettaient
l'oppression
masculineet
renduesrivalesles unesdes autresdansleurquête de reconnaissance
aliénéesdansleursexualité.(D'où la jubilationdansle mouvement
lorsqueMasters
la basebiologique
et Johnsonontétablique le clitoris,et non le vagin,constituait
On dénoncel'amourcommeune armepernicieuse: c'est
de l'orgasmeféminin.)20
tout ce à quoi les femmespeuventaspireret, une foisqu'il est là, il ne faitque
leur statutsubordonné.L'amourpour le mari,le foyeret les enfants
renforcer
installeles femmesdansune relationqui se caractérise
parla dépendance.L'amour
est donc aussiun moyende contrôlesocialdes hommessurles femmes.
lui-même
Réciprocitéasymétrique+ Etat = dépendance"symétrique".
Maisnousne pouvonspas analyserl'usagede la forceentreindividus
dansles
le rôlede l'Etat,car l'organisasansprendreen considération
sociétésindustrielles
dansla
tion,le déploiementet le contrôlede la forceet de la menaces'intègrent
:
à
est
de
cette
La
au
bénéfice
s'exerce
force?
structure
étatique. question poser
qui
La réponseapparaîtà traversla façondont l'Etat déploiesa forceet exercesa
les réactionsde l'Etatfaceà ceux
fonctionde contrôle,et aussien partieà travers
en
la
dehors
de
utilisent
force
qui
l'appareilétatique.
E. Marx,dans une récenteétude surun villageisraélien,
analyseun certain
dansle cadrede la familleet de la communauté
nombrede manifestations
violentes
et les relieà l'organisation
de l'Etat. Il distingue
deux typesde violence,considéL'une estla définition
rantque toutesociétéutiliseces deux définitions.
politique
et légaleet l'autrecelle qui a traitaux relationsinterpersonnelles.
Il décritla viode l'Etat commecoercitiveet celle exercéecontre
lence contreles représentants
des membresde sa familleou d'autresindividus
commeun appel(à l'aide). Lorsque
de la podes violencesentreindividus
ont lieu en public,ellesreçoivent
l'attention
en
ne
sont
considérées
mais
si
ont
lieu
elles
nécessairement
elles
lice,
privé,
pas
tombedans
sontblesséset que l'affaire
commedes délits,mêmesi lesprotagonistes
le domainepublic,car «l'intérêtpublicn'est pas en jeu et les organesde la loi
de la violence».21Par
tendentà leur appliquerune définition
plus restreinte
mari
a
sa
dans
la
famille
le
l'habitude
Ederi,
d'agresserphysiquement
exemple,
femmes; les enfantsl'acceptentcommeun événement
banal et personnen'interdu mari (ses «buts
vient. L'auteur centre son attentionsur les frustrations
a
de sa craintede
dit
tel
moment
il
femme
à
Il
sa
cause
est
battu
contrariés»).
qu'à
ne pouvoirsubveniraux besoinsde sa famille.Le ménagedoit payerune dette
Mme
inattendueet Mme Ederi désiraitquitterson travail.Mais aprèsl'agression,
et
de
il
était
difficile
blessures
et
lui
Ederisouffrait
aux
graves jambes
d'épuisement
20. Masters,W. & Johnson,V., Les Réactions Sexuelles, Paris, Laffont,1968 (édition
américaine: 1966). JillJohnston(Lesbian Nation, Simon and Schuster,1973, p. 169) remarque
à ce sujet que les féministesont réagi«comme si la reconnaissancede l'insensibiliténerveusedu
vagin apportaitaux femmesleur premierargumentlégal dans la plaidoiriecontrel'impérialisme
phallique.»
21. Marx, E., The Social Context of ViolentBehaviour,Routledge& Kegan Paul, 1976.
77
de tenirla maisonnéetout en gardantsontravailà tempspartiel.Aprèsl'agression,
MmeEderimarmonne: «... ce qu'il veutc'estque j'aille travailler
pourqu'il puisse
ainsila déclaration
resterà la maisonet s'occuperdes enfants.»L'auteurinterprète
de la femme: «Elle a comprisà ce momentque le problèmede sonmarin'étaitpas
à sa famillele mide ne pouvoirfournir
maisla perspective
cettedetteparticulière
dansl'avenirimmédiat.»
nimumde subistance
: MmeEderiattribueà sonmariune
On peutdonnerune autreinterprétation
de son agression
si
elle
estpriseau sérieux,faitplusque
raison«instrumentale»
qui,
de viononinstrumentales
en questionla validitédes catégoriessoi-disant
remettre
lence. Si l'actionavaitun but coercitif- obligerMmeEderià garderson travail
contresa volontéet réduireses dépenses- MmeEderine voit-ellepas, elle aussi,
?
sesbuts«contrariés»
Maissa positionn'estpas analyséede la mêmefaçonque cellede sonmari.Ce
sa situationen aucunefaçon.
qu'on explique,c'est pourquoielle ne peutmodifier
Elle ne peut attendred'aide ni de la police,ni de l'assistancesocialeni du public.
de sang,
Lorsqu'elles'est montréesur le pas de sa porte,la nuque ruisselante
ne
non
d'aide
en
d'elle.
Elle
ne
s'est
quittant
peut
plus espérer
personne
approché
son mari.On ne fournitun travailde dépannageou une aide socialeaux femmes
qu'à conditionqu'il n'y ait pas d'hommevalidedansla famille,et si MmeEderi
du foyeren se séparantde son mari,«elle
essayaitd'abandonnerla responsabilité
encombrée
ne pourraitcomptersur l'aide de l'assistancesocialequi se trouverait
.
d'enfants»
si
nombre
un
grand
par
de la situation- «lorsSi E. Marxreconnaîtque MmeEderiest prisonnière
est
leur
violente
sa
femme
lui
liée
commune
qui
par
responsabilité
qu'un homme
il
est
très
loin
d'aller
dansla
des enfantset par des liensde longuedate,
susceptible
violencecar il ne craintpas la rupturede leursrelations» il ne considèrepas
et le maintiende la
dansl'établissement
l'Etatcommeune institution
qui intervient
de M. Ederipar rapportà sa femme.L'auteurconsidère,
en repositionprivilégiée
de sa femmene menacepas
vanche,que la violenceexercéeparle marià rencontre
de l'Etatcommele feraitla violenceexercéecontrel'unde ses représenles intérêts
tants,qui seraitalorsprisedavantageau sérieux.Dans cetteoptique,l'Etatestune
souverainequi réagitselonque son pouvoirest plus ou moinsmenacé.
institution
Dans cettethéoriede l'Etat,M. et MmeEderine sontpas partieprenante; ils se
situenten dehorsde l'Etat(ou biensontopprimés
parcelui-ci?).
A notresens,cette visiondes rapportsentrel'Etat et le ménageEderi est
fausse.On faitsilencesur le faitque Mme Ederi est, tout autantque son mari,
à ce qui estditdu mari,
etcontrairement
frustrée
dansla poursuitede ses objectifs,
elle n'estpas censée faireappel à la compréhension
ni demanderle partagedes
Ne voirlà que prévention
contrele sexeféminin
esttroprestrictif.
responsabilités.
Il fautse demander
pourquoil'analysede la positiondu marine peutêtreappliquée
à la victimede l'agression.
Notreréponseest que cela dévoilerait
les privilèges
du
de pouvoirdéfoulerses frustrations
le privilège
surautruisans
mari,pas seulement
de la partde la victimeou de la communauté,
de représailles
craindre
maisaussile
de ne pas avoirà remplir
le rôle,normalement
attenduselonE. Marx,de
privilège
de la famille.
pourvoyeur
provientd'une situationde déD'aprèsE. Marx,la violenceinterpersonnelle
de la violencede l'Etat qui est
pendancemutuelleentreles sexes,à la différence
78
suscitéequand son pouvoirestmenacé.Ce seraitun moyenpourle maride rétablir
l'équilibrede la relationen rappelantà son épouseque leurdépendanceest récihéritéde Lévi-Strauss
qui expliquaitl'univerproque.Point de vue probablement
salitéde la divisionsexuelledu travailpar la nécessitéd'établirune dépendance
réciproqueentreles sexes.Noussoutenonsque dansle cas des Ederi,la dépendance
de l'Etat.C'estbienl'intervention
de l'Etat
n'estmutuelleque grâceà l'intervention
et
qui obligeMmeEderià dépendrede son mariet donc à accepterses agressions
tandisqu'elle doit porterles enfants,
les
son absencede contribution
financière,
éleveret travailler.
La questioncruciale,tellequ'elle a été posée en Chinedansla luttecontrele
systèmeféodal,est : qui dépendde qui ? Ce qui étaitposé au départcommela
du seigneurfutreconnu,à l'issue des débatsde
dépendancedu paysanvis-à-vis
de classe et révélécommeun mode de
une
fausse
comme
conscience
groupes,
force.22
maintenu
la
rapports
par
Seulsceux qui ontle pouvoirontle choixde remplir
ou nonleursobligations
sociales.C'est l'actionde l'Etat qui donnece choix à M. Ederi et le retireà sa
Le faitque l'Etatpuisse
femme,servantainsil'intérêtpublictouten le définissant.
êtremishorsde cause dansl'analysede la violencedomestiquedonnebien la mesure du privilègedes hommesdans la définitionde la réalitésociale.Dans cet
le pouvoirprendla formed'une forcerestrictive,
ce
exempleet dans les suivants,
23
.
et
ont
le
de
Backrach
Baratz
«non-décision»
que
appelé pouvoir
Dans notresociétéplus vasteet anonyme,où la communauté
restreinte
est
souventmoinsà mone de limiterl'étenduede la violence,toute la brutalitéde
l'Etat (commecelle des maris)se révèle.Voici des variations
ad nauseumsur le
thème:
enflépar les coups que j'étaisdevenuemé«Mon visageétaittellement
connaissable.J'avaisperduune dentde devant.Il m'a misetoutenue.
Il m'a cogné la tête contreun murde briquespendantune heureen
répétant: «Qui était ce type ?» J'ai eu six côtes briséesà coups de
pied.J'étaisnoiretoutd'un côté à forcede coupsde poinget de coups
de pied. Il m'a tirée par les cheveuxjusqu'en bas de l'escalier.Il
n'arrêtait
à
pas de m'écraserles doigtsde pied,nus,avecseschaussures
talonscubains.Il répétaittoutle temps: «Qui étaitce type?» Ensuite
il est allé chercher
un couteauet a dit qu'il allaitme tuersije ne disais
mais i'ai pu
pas avec qui j'étais sortie.Il a essayéde me poignarder
arrêterle coup en levantle braset j'ai reçuune grandeestafiladesous
l'aisselle.Tout cela se passaitdevantmes petitesfillesqui ont cinq et
neufans. Bientôtla police est arrivéeaprèsqu'un voisinles aitappelés
pour la huitièmefois.Ils ne voulaientpas entrerdansla maison,alors
que la porteétaitouverte.Il estsortiet leura ditqu'il me battaitparce
que j'avais laisséles enfantstoutesseules.Jeles ai suppliésde m'emmenerà l'hôpitalmais ils ne voulaientqu'à conditionque je porte
plainte.Ils sontpartisen lui disantde fairemoinsde bruitparceque
les voisinsse plaignaient.
Ils ne m'ont pas demandési ce qu'il disait
étaitvraiet ne m'ontdonnéaucuneaide. Il est revenudansla maison
et nous a dit de noushabiller,moi et les enfants.Il nous a emmenées
22. Hinton,W.,Fanshen, Vintage,1968.
23 Backrach, P. & Baratz, M., «Two Faces of Power», American Political Science
Review,vol. 56, 1962, pp. 947-952.
79
ce qu'il lui feraitsi elleluiétaitinfidèle.
chez son amiepourluimontrer
Puis il lui a demandési ellevoulaittoujoursde lui aprèsqu'elleaitvuce
qu'il m'avaitfait.Elle a dit oui - qu'elleavaitconnupireavecsonpremiermari.J'ai dit qu'il fallaitqu'ellesoitfolleet il m'a filéun coup sur
la bouche.Puis ils ont mismes fillesau lit,dansla maisonde son amie,
et il leur a dit que désormaisc'était leur nouvellemamanparce que
j'étais une putainet queje n'étaispas capabledem'occuperd'elles.Ils
ont faitdu café,maispas pourmoi,et puisil m'a emmenéeà l'hôpital
en me menaçanttoutle longdu cheminet en me disantque sije ne lui
de
la voiture.
Dansle parking
disaispasavecquij'étaissortieil emboutirait
chez
l'hôpitalil m'a dit de leurdireque j'avaisété attaquéeen rentrant
moi aprèsêtresortiele soir.Quandnoussommesentrésil leura raconté
maisje leurai ditque c'étaitlui et il m'a crachéà la figure
cettehistoire
en me traitantde salope.Jepensaisqu'ilsme garderaient
maisilsm'ont
dit qu'ilsmanquaientde litset m'ontrenvoyée
il a
aveclui. En rentrant
misla voituredansle fossépouressayerde me fairepeur.J'aidû rentrer
à pied.»M
Le pouvoirmasculinet l'Etat.
Si l'on admetque la violencedes hommesenversles femmesa pourbut de
les tenirsous contrôle,cela expliqueaussi bienla violenceprivéeque la violence
de violence.Il peut êtreou
publique.Cela rendcompteaussi des débordements
semblernécessairede tuer,mutiler,
ou
handicaper compromettre
temporairement
la capacitéd'une femmeà fournirdes services,afinde resterle maître.Prestige,
estimede soi : c'estce que l'hommegagne,exprimeet faitreconnaître
valorisation,
à travers
des autres.
l'approbation
Dans cetteperspective,
l'Etat représente
les intérêts
du groupedominant,
en
les hommes,dansleurconfrontationavec le groupesubordonné,
l'occurrence
les
femmes.
Ainsi,il est logiqueque dans les querellesdomestiquesle statutde la vicla réponsede cet organede l'Etat qui a pourtâchede contrôler
timedétermine
la
25
violence.
Quand des hommesinconnusd'une femme(les policiers)soutiennent
un hommeconnud'elle(son mari)dansla réalisation
de leurintérêt
commundéfini
la
est
défendue
loi
l'Etat
les femmes
définit
l'Etat,
par
impartialement
puisque
de cettecomplicitésurvient
comme«moinségales». La découverte
commeun choc
foisà la protection
de la police.La
pourles femmes
qui fontappelpourla première
des
n'ont
femmes
des
conscience
droits
abandonnent
en se maplupart
pas
qu'elles
riantou en cohabitantavecun homme,maisdansle contextedes violencesdomeset ceux de leurmaricommenceà appaentreleursintérêts
tiquesla contradiction
raître.26
24. Ce n'est là qu'un des nombreuxépisodes de la violence endurée par cette femme
pendant son mariage. Elle a trouvé peu après secours dans un refuse pour femmesbattues.
25 . Depuis le rapportde la Commissiond'Enquête sur la Violence dans le Mariage,une
modificationde la loi a eu lieu : les policiersdoiventdésormaisprocéderà l'arrestationsi le juge
en a délivré l'ordre, alors qu'auparavant cette responsabilitéincombait aux court officiais.
Mais ce n'est guère qu'un pion avancé dans une guerrepsychologique fort complexe, car la
police a toujourseu le pouvoird'arrêterles malfaiteurs.
26. Pour un débat plus approfondisur ces questions, voir : Hanmer,J., «Community
Action, Women's Aid and Women's LiberationMovement»,in Mayo, M. (ed.), Womenin the
Community,Routledge& Kegan Paul, 1977.
80
La prééminencedes intérêtsmasculinss'exprimeà traversune politique
l'une des préoccupations
majeuresdu
explicite: par exemple,en Grande-Bretagne,
de
femmeest
le
la
et
la
famille
la
est
maintien
dans
d'aide
sociale
famille,
système
27En créantune
de l'homme.
définiecommedépendante
dépendance«symétrique»
à l'hommeen rendantdifficile
à la femme
entreles sexes,l'Etatprêtemain-forte
la politiquedu logement,
lespresde romprele mariage.Les lois et leurapplication,
tationssociales,l'emploiet les salaires,toutcela enferme
la femmedanssonstatut
de dépendance.
Pourqu'unefemmepuissequitter,avecses enfants,
un mariviolent,
elle doit êtreprotégéede cetteviolence,avoirquelquepartoù aller,et un revenu.
La Commission
de la dépend'Enquêtea soulignéle rôlede l'Etatdansl'institution
dance féminineen posantcette questiontouterhétorique: «Pourquoiest-ceà la
femmeet aux enfantsde quitterla maisonet nonau mari? Pourquoine créerionsnouspas des foyers
lesmarisviolents?»
pouraccueillir
Du pointde vue idéologiquecommedu pointde vue pratique,le problème
est abandonnéà la victime.Les femmesqui passentdansles refuges
pour femmes
battuesnousdonnentdes exemplesde la façondontla violencede leurmaridevient
«leurproblème»: retourné
contreellespar toutesles instancesofficielles
(services
de santé, assistantssociaux, bénévolesou fonctionnaires,
différentes
instances
le problèmecontrela femme,
on en faitun
policièresou juridiques).En retournant
on
les
de la violenceet l'on renforce
enfin
problèmeindividuel, occulte fonctions
masculine.
l'idéologiequi soutientla domination
Ce processuss'illustretrèsclairement
dansles exemplesque nousavonscités.
La police,les assistants
le
onttousrenvoyéla femme
sociaux, personnel
hospitalier
à «son» problème.De plus,l'Etat supportele poids financier
desconséquencesde
la violencemaritaleen fournissant
les services
vont
la santéde la femme
qui
réparer
ou prendreen chargeles enfants
si besoinest.L'Etat ramasselesmorceauxparl'indeshôpitaux,des foyerspourenfants,
termédiaire
de l'assistance
sociale.2S
Mais si une femmeavec des enfantsà chargearriveà quittersonmari,l'Etat
l'entretiendra
Ainsi,il prendle repar l'aide publiquejusqu'à ce qu'elle se remarie.
lais de la responsabilité
du mari.Commel'indiqueclairement
financière
le Rapport
du Comitéd'Etude sur les Ménagesmono-parentaux,
les hommesne sont financièrement
aveceux.29L'Etat agitainsi
qui cohabitent
responsables
que des femmes
au bénéficedes hommes,qui restenttoujourslibresde s'offrir
les servicesd'une
femme- d'une femmedéfiniepar l'Etatcommedépendante.
Tandisque la femme
qui dépendde l'Etat(le subrogéde sonmari)reçoitun revenuminimum,
pourêtre
au serviced'unnouvelhomme.La politiquede l'Etatestdonc
encouragéeà rentrer
27. Sur l'action de l'Etat visantà renforcerla dépendanceéconomique des femmes,voir :
Land, H., «Women : Supportersor Supported ?», in Barker & Allen, Sexual Divisions and
Society : Process and Change,Tavistock, 1976, pp. 169-203 ; et Lister,R. & Wilson,L., The
Uneaual Breadwinner.NationalCouncil forCivil Liberties.1976.
28. Il y a certainementune analyse à fairede la divisionsexuelle du travaildans le domaine de l'assistancesociale. Quelle signification
sociale faut-ildonnerau faitque la «clientèle»
premièreet aussi les travailleursde base (et non ceux des niveaux hiérarchiquessupérieurs)de
?
l'assistancesociale sont avant tout des femmes Il faudraitaussi analyserles rapportsdes assistantssociaux pour leurprésentationdu systèmesocial des sexes.
29. Report of the Committeeon One ParentFamilies, H.M.S.O. (G.B.), 1974.
81
de renvoyerles femmesau mariage(ou au concubinage)si par «malheur»elles
enétaientsorties.30
masculins
Dans le domainepublic,la complicitéentrel'Etat et les intérêts
indivila
exercée
d'Etat
à
violence
de
à
travers
les
réactions
l'appareil
apparaît
duellementpar des hommescontredes femmes.Il est apparemment
impossible
leuraccèsà toutsecteur
d'assurerla sécuritédes femmesdansla rueou de garantir
au mêmetitreque les hommes.La topologiede
de la villeou de la communauté
sociétéstraditionnelles
estcomparableà cellede nombreuses
nos villesindustrielles
où la maisonou bienl'airedeshommesoccupele centretandisque
noncapitalistes,
Dans nos villes,le centrese compose
viventà la périphérie.
les femmes
et les enfants
D. Poggiet
Commel'expliquent
de
masculine.
l'activité
de bâtiments
publics,foyers
les lieux
M. Coornaertdansl'articledéjà cité(cf. note9), les institutions
centrales,
les plus déoù se déroulentles transactions
de pouvoir,de prestigeou d'influence
fermésaux femmesen tant
terminantes
pour la communautésont effectivement
dans
les sphèresd'activitéursont
les
entrées
En
même
limitées
temps
que groupe.
On
mais
et
de
de
de
loisir
et
de
travail,
baine, production
plaisir. tolèreles femmes,
Les femmesn'ontpas le pleinusagede la cité,«leurschemins
avecdes restrictions.
et de signauxd'alarme».Les femmesdoivent
sont hérissésde passagesinterdits
certains
évitercertaines
rues,
parcsou lieuxpublics,le jour si ellesne sont
quartiers,
et la nuitde toutefaçon.Que
de
bonnes
rôle
dans
leur
d'enfants,
domestique
pas
ce soit dansles magasinset boutiques,seul espaceurbainoù les femmesont libre
accès, ou dans leurfoyer,les femmessont isoléesles unes des autres.Commele
notentD. Poggiet M. Coornaert,la rencontreà l'épiceriedu coin n'a jamaisété
pour une femmel'équivalentdes barset des caféspourles hommes.L'espace ursortirdes espacespermisaux femmes,
bain,pourles femmesest compartimenté,
hommes.
des
de
se
faire
le
courir
c'est
attaquerpar
risque
L'acte de violencequi a reçule plus d'attentionpubliqueest le viol.On dénonce de plus en plus les réactionsde la police et les procéduresdes tribunaux.
Commel'expliquele N.C.C.L. (NationalCouncilforCivil Liberties),les violeurs
ontplus de chancesd'êtreacquittéssi le viol estsocialement
possibleet si le mode
Vivre
mòne s'il estinconnudu violeur,exprimel'autonomie.31
de viede la victime,
avoirparléou
«indécents»,
seule,marcherseule,fairedu stop,porterdesvêtements
pris un verreavec le violeursont des actes susceptiblesd'avoirrendule viol
un amant,
possible.Etrecélibataire,divorcée,adultère,avoirun enfantillégitime,
toutessituations
s'êtrefaitavorter,
qui n'ontrienà voiravec le viol,sontdes facteursde bonneconsciencepourle violeur.Commel'a écritun groupede Féministes
hachez elle,encompagnie,
: «Seuleune femmemariée,enfermée
Révolutionnaires
billéejusqu'au cou, peut êtrereconnuecommevictime; c'est-à-dire
quand le viol
du
maissurtoutsocialement
matériellement
est non seulement
injustifié
impossible,
32
pointde vuedu patriarcat.»
30. Le passage des femmesde l'indépendanceà la dépendance économique n'implique
pas forcémentle mariage légal. Voir le dossier du Bureau d'aide sociale : Living Togetheras
Husband and Wife,SupplementaryBenefitsAdministration
Paper,5, H.M.S.O., 1976.
31. Coote, A. & Gill,T., The Rape Controversy,Nation Council forCivil Liberties,1975.
Griffin,
S., «Rape : The All-AmericanCrime»,Ramparts,sept. 1971, pp. 26-34.
32. Des FéministesRévolutionnaires,«Justicepatriarcaleet peine de won, Alternatives,
n° 1 : «Face-à-femmes»,juin 1977 {Paris, Editions Alternativeet Parallèles).
82
rienà voiravec
Ainsi,on peutdireque des hommesqui n'ontapparemment
en faitla mêmefonction.Les hommesqui harles forcesde l'ordreremplissent
cèlent,attaquent,violentles femmesdoiventêtredécritscomme«les inquisiteurs,
les flics,les garde-chiourmes
de l'ordrepatriarcal»,
des
et noncommedes déments,
inadaptésou des obsédés sexuels,car «la chasse aux femmesest ouvertetoute
l'annéevingt-quatre
heuressurvingt-quatre»
(ibid.).
La peurenvahissante
de la violenceet la violenceelle-même
ontpoureffetde
jeter les femmesdans les bras «secourants»de ceux-làmêmesqui les agressent.
Maris et amants sont censés protégerles femmesde la violencepotentielle
d'hommesinconnus.Les femmesse sententgénéralement
plus en sécuritéencompagnied'un hommedansun lieupublic.Quantau foyer,on en faitle symbolede la
les femmes,
sécuritéet c'est souventainsique le ressentent
alorsque d'unpointde
vue statistique
c'est dansle mariageou le concubinageque les femmesont le plus
de chancesde se faireviolemment
Cettepeurdiffusede se faireagresser
agresser.
dansles lieuxpublicsvientencorerenforcer
la dépendancedes femmes
vis-à-vis
des
hommes.Le faitque de nombreux
marisne battentpas leurfemmeet que de nombreuxhommesn'attaquentpas les femmesdansla rue ne constituepas unepreuve
deshommescontreles femmes
ne sontpas unepratiquecourante,
que les agressions
non
à
limitée
hommes
défavorisés
le condiquelques
systématique,
parla naissance,
tionnement
ou la misère; c'est seulement
la preuvequ'il n'estpas nécessairepour
de songroupe.J.Dollard
lesprivilèges
chaquehommed'agirainsiafinde maintenir
des
«bons
Sud
du
ne
blancs»
dans
lescruautésinfligées
aux
parle
qui trempent
pas
noirspar les autresblancs.Mais l'important
c'est que touthommeblancpouvait
touthommeou femmenoiresanscraintede poursuite
battre,violerou assassiner
de
même
tout
hommepeut s'approprier
le corpsde sa
judiciaire,
que
impunément
femmeou maîtresse.Dollardmontreaussicommentles noirsrecherchaient
la protectiondesblancs,l'égidede «l'ange»blanc.33
Le point essentielà soulignerest que la forceet la menacene constituent
ou résiduelmaisqu'au contraire
ellesconsjamaisun moyende pressionsecondaire
tituentles fondations
des
structures
la
sanction
ultime
premières
hiérarchiques,
qui
soutienttoutesles autresformesde contrôle.Si ce pointde vue n'estpas particulièrement
entrehommeset femmes,
nouveau,on l'a rarement
appliquéaux rapports
cela
sur
une
débouche
de l'exploitation
de
probablement
parceque
problématique
mettre
à
en
avec
de
classe.
sexe,
rapport
l'exploitation
Sexe et classe.
La comparaisonavec la situationdes noirsestutilepour rendreexplicitele
rôlede la forcedans le maintiend'une structure
socialedonnée.L'analyseque fait
J. Dollarddes relationsentreblancset noirsdansune villeaméricaine
du Sud - des
bénéficessexuels,économiqueset de prestigeque les blancsremportent
au détrimentdes noirs- peut êtremiseen parallèleaveccelledu mouvement
en
féministe
ce qui concerneles rapportsd'exploitation
entrehommeset femmes,
où
(rapports
33. Dollard,J.,Caste and Class in a SouthernTown, Yale UniversityPress,1937.
83
commela divisiondu travail).Mais
la sexualité,le statut,le prestige,
interviennent
des blancsne peuventse maintenir
Dollardsouligneaussi que les privilèges
que si
moment
on
et
A
tout
la
la
menace.
soutenue
force
est
impose
par
l'idéologie
par
aux règlessont punies
aux noirsla déférenceenversles blancset les infractions
avanttoutpar la violencephysique,mêmesi Tonfaitégalement
usagede sanctions
économiques.
En ce qui concerneles rapportsd'exploitationentreles sexesqui, horsdu
n'ontpas donnélieu à des analysesaussiapprofondies
mouvement,
que cellesdes
de la famille
voit
dans
l'institution
et
on
entre
noirs
blancs,
généralement
rapports
ontdénoncél'amouret la «nade contrôlesocial.Les féministes
le moyenpremier
On trouveausside
turede la femme»commemoyensidéologiquesd'oppression.
de
le
sur
l'économie
en
d'essais
domestique, problème la valeuréconomiplus plus
surla
maisil y a controverses
du
travail
fourni
gratuitement
par les femmes,
que
î34
les
deux
de
:
le
ou
ce
le
travail
de
bénéficie
savoir
mari, capitaliste,
qui
question
Le rôlejoué par la violencemasculinedans l'exploitationéconomiquedes
dans le travailsalarié- estmentionné
femmes- qui comprendleursous-paiement
On avanceque c'est le capitatotalement
sous
silence.
sinon
subsidairement,
passé
des
non
les
bénéficie
et
hommes,qui
lisme,
agressionsdes hommesenversles
les relations
cherchantà réinterpréter
femmes.Par exemple,R. Frankenburg35,
dansCoal is OurLife,affirme
et leursfemmes
décritesentreles mineurs
qu'il existe
et nondes
bienun bénéficeéconomiqueà la violence,maisau profitdu capitalisme
hommescar ceux-cise défoulentsur leur femmeau lieu de se défoulersurleur
la campagnepourle
patron.C'est aussi,sous un autreangle,la positionque reflète
Tout
servicefourniau
Housework
for
salairedomestique(Wages
Campaign)36.
mâle estconsidérécommeun travailpourlequelun salaireest dû, non
travailleur
par le mari,esclavesalarié,mais par le capitalisme.On ne considèrejamais les
du travailgratuitde leur
hommescommeredevablesdes bénéficesqu'ils retirent
du
fonine.Ces pointsde vuene rendent
pas compte mariageen tantque relationde
et le recourspotentiel
du
rôle
essentiel
ni
qu'y jouentle contrôlefinancier
pouvoir
à la forcephysique.
Mais le rapportentreviolenceet productionéconomique,dans la famille,
n'est pas direct.Si le but étaitd'extorqueraux femmesle maximumde travail,la
de
êtreutiliséesavecmesurepourobtenirce résultat,
forceet la menacedevraient
maintenir
le
taux
dans
le travailindustriel
mêmeque doit l'êtrela coercition
pour
de profit.
étudiantun villagepéruvienoù tous les hommesont l'habitudede
Harris37,
des coups et la
battreleurfemme,note qu'il n'y a pas de rapportentrel'intensité
34. Sur ce débat, voir notamment: Dupont, C, «L'ennemi principal»,Partisans,n° 5455 : «Libération des femmes,année zéro», Maspero, 1970, pp. 157-172. Seccombe W., «The
Housewife and Her Labour under Capitalism», New Left Review, n° 83, 1974, pp. 3-24.
Gardiner,J., «Political Economy of Domestic Labour in CapitalistSociety», in Barker& Allen
andExploitation...,
(edsXDependence
op. cit.,pp. 109-120.
35. Frankenburg,R., «In the Production of their Lives, Men (?)... Sex and Gender in
BritishCommunityStudies», in Barker,D. & Allen, S., Sexual Divisions in Society..., op. cit.,
PP. 25-51.
.. _ _
36. Par exemple, Edmond, W. & Fleming,S., All Workand No Fay, Power oí Women
Collectiveand FallingWall Press,1975.
37. Communicationpersonnelle.
84
la
de ses tâches(qui comprennent
compétencede l'épousedansl'accomplissement
Les
au
hasard.
Les
administrés
«meilleures»
productionagricole). coups paraissent
épousespouvaientaussi bien êtreles femmesles plus battues,tandisque les plus
paresseusesou incapablespouvaientéchapperà ces sévices.Plus prèsde nous,
faitesdans les centresd'aide aux femmesbattues,les
d'aprèsles constatations
violencesdes marisou des concubinsne semblent
pas avoirde rapportaveclesperde
formances
leurs
victimes.
La
est tropsouventcontre-producforce
domestiques
tive; non seulement
les femmespeuventêtregravement
blesséesmaisellespeuvent
de troublesnerveuxqui leurrendront
souffrir
encoreplusdifficile
de s'occuperdes
les
tenir
le
etc.
Elles
de
à
enfants,préparer repas,
budget,
risquent se retrouver
médical
ou
ainsi
au
moins
l'homme,
l'hôpital
psychiatrique,
privant
temporairement,de leursservices.
Les Péruviens
du villagedisaientqu'ilsbattaientleursfemmes
pourengarder
le contrôle; les Britanniques
en disentautant,et à notreavisc'estcetteraison,plutôt qu'une raisonéconomique,qui doit êtreacceptée.Maisalorsc'estconsidérer
la
forceet la menacecommedes facteurs
dans
fondamentaux
l'infériorité
sociale
plus
des femmesque le rôlequ'ellesjouentdansla vieéconomique.L'exploitation
écol'un
n'est
des
bénéfices
les
de
hommes
retirent
l'asservissenomique
plus que
que
mentdes femmes.A mesureque le contrôleque les hommesexercentsur les
femmess'étend,ils en retirent
aussides bénéficesdansle domainede la sexualité,
de la reproduction,
du statut,et dans le sentiment
qu'ils ont d'eux-mêmes,
par
un
sentiment
de
exemple
supériorité.
Les rapportsentrel'exercicede la violenceet la structure
économiquesont
à
de
rechercher
au
niveau
de
l'histoire
des
plutôt
l'organisation sexesdansles différentes
sociétés.Les considérations
sur
d'Engels la violencedansle mariage,
qui ne
sont pour lui qu'une parenthèse,sont à intégrerdans le débat de fond.Selon
les bases de toute formede suprématie
Engels,«... dans le ménageprolétarien,
mâle ont disparu»38,car il n'y a pas de propriété.La loi bourgeoiseréglementant
les relationsdansle mariagene s'appliquepas aux prolétaires
et la possibilité
pour
les femmesprolétariennes
d'obtenirl'indépendance
dansla
économiqueen entrant
des bourgeoises,
ellespeuventse séparerde
productionsignifiequ'à la différence
leurmarisi ellesle désirent.
Cettedescription
idylliquede la vie domestiquede la
femmeprolétarienne
n'estternieque d'unelégèrenote: «sauf,peut-être,
qu'il reste
enversles femmes
quelquechosede la brutalité
qui s'estrépanduedepuisl'introductionde la monogamie.»Pour Engels,l'organisation
de la famillevariedirectement
en fonction
desconditions
de plus
économiques.Selonlui,leshommes,accumulant
en plus de richesses,
ont imposéla monogamieaux femmeset les femmesont acaux hommesparcequ'il avaitété proceptéque le surplusde richessesappartienne
duithorsdu foyer,dansla sphèrede travaildes hommes.«Le faitmêmequi avait
donné à la femmeun rôle prédominant
dansla maison,à savoirsa spécialisation
dansles tachesdomestiques,
assuraitmaintenant
de l'hommedansla
la suprématie
maison ; le travailde la femmeperditsa signification
en regarddu travailde
l'hommepour obtenirles moyensde subsistance.»Engelspensaitque c'est ce
38. N.d.T. : notretraduction.Pour la versionfrançaisepubliée, cf. Engels,F., L 'Origine
de la famille,de la propriétéprivée et de l'Etat, Paris, Editions Sociales, 1974 (p. 80, puis
p. 170).
85
male système
nouveaupouvoiréconomiquequi a permisaux hommesde renverser
en
d'un
de filiationet de transmission
des biens faveur
trilinéaire
systèmepatrilinéaire.Engelsdécritalorsle passagede la cohabitation
(mariageapparié)au mariage
monogame(surtoutdans la bourgeoisie),passaged'une positionoù la femme
se séparerde son conjointet garderle contrôled'une partieau
pouvaitfacilement
moinsdes biensde la communauté
conjugaleà unepositionoù ni l'unni l'autrene
luiétaitpossible.
RosilandDelmar,dans une relecturecritiquede l'essaid'Engels39,souligne
effectuées
anthropologiques
aprèsEngelsn'ontjamaisconfirmé
que les recherches
l'idée d'une divisiondu travailspontanéeet bien tranchée: les femmesà la maison
dansles différentes
et les hommesau dehors,ni l'idéed'uneprogression
historique,
arriventà la
sociétés,du matriarcatau patriarcat.De plus, les anthropologues
conclusionque la violencemasculineenversles femmesexistaitavantla monogamie.Cetteviolencen'estdoncpas un malheureux
capricede la naturehumainesuscitépar la structure
de classes.S'il est vraique les femmesont perduau coursdes
tempsun certainpouvoirsocial,il faudraitconsidérerl'usagede la forcepar les
hommescommeune explicationau moinspartiellede cettepertede pouvoir,car
la seule raisoninvoquéepar Engelsne suffîtpas à expliquerpourquoiles femmes
ont acceptéque le surplusde richessesappartienne
uniquementaux hommeset à
leurlignée.40
de sasuffisantes
Nous ne disposonspas d'informations
qui nouspermettent
de la
voirsi la violencemasculineenversles femmesa augmentéaprèsl'institution
de
l'avis
la
mais
Delmar
nous
classe
d'Engels
dirigeante,
monogamie
rappelleque
par
de bourles femmesles plus oppriméesde son tempsétaientles femmes
lui-même,
Un
des
femmes
battues
démontre
siècle
tard,
geois.
l'expérience refuges
pour
plus
que ce typede violences'exercedanstouteslesclasses.La violencedansle domaine
de classe.
publicn'estpas nonphisunecaractéristique
Exclusionet Contrainte.
Le recoursdes hommesà la violenceou à la menacecontreles femmessert
de certainsdomainesou de restreindre
deux objectifs: l'un estd'exclureles femmes
Les deux
leurchampd'action,l'autrede les obligerà un certaincomportement.
de telle façonqu'aboutirà l'un des objectifsest aiderà l'aboutisseinteragissent
mentde l'autre.
Les femmessont exclues des - ou ont un accès restreint
aux - groupes
masculinssociaux,économiqueset politiques.Les hommesont le pouvoirde définirla réalitésocialeparcequ'ils peuventexclureles femmes
alorsque les femmes
ne peuventexclureleshommessansapparaître
ou déviantes
déraisonnables
(voirles
39. Delmar, R., «Looking Again at Engels Originof the Family,PrivatePropertyand the
State», in Oakley, A. & Mitchell,J. (eds.), The Rightsand Wrongsof Women,Penguin,1976,
pp. 271-287.
40. On retrouvece point de vue sur la violence chez Whitehurst,R., «Violence in
Husband-WifeInteraction», in Steinmetz, S. & Strauss, M., op. cit. ; chez Rüssel, D., The
Politics of Rape, Stein and Day, 1975 ; et chez Brownmiller,S., Against Our Will,Seeker and
Warburg,1975.
86
des centresd'«Aide pourles Femmes»à «expliquer»pourquoiil y a si
difficultés
et leurincapacitéà les en excluretotaled'hommes
dans leursorganisations,
peu
ment).41Le pouvoird'exclusionest le langagede la dominance.Ainsiles groupes
d'hommessontconsidéréscommepublicstandisque les groupesde femmesapcommeprivéset moinspermanents
paraissent
parcequ'ils ne bénéficient
pas de la
validationsociale qui découle d'une positionhiérarchique
Parce que
supérieure.
les hommesdétiennent
le monopoledu public,les femmessontexcluesde, ou ont
un accès limitéà certainsbâtiments,
certainespartiesde la ville.La notiond'exclusioncomporteen soi la menacede représailles
(c'est-à-dire
l'usagede la force)au
cas où les femmesauraientla «prétention»
de pénétrer
dansles domainesinterdits.
L'autreaspectde l'usagede la forceou de la menacepar les hommesest le
faitde contraindre
les femmesà se comporter
de telleou tellefaçonou à exécuter
certainestâches,en particulier
nourricières
et ménagères.Plus les femmessont
excluesdes sphèressociales,économiqueset politiqueset plus il est facilede les
contraindre
au rôledomestique.
Maismêmelorsqueles femmes
ontun certainaccès
au domaineditpublic,ellespeuventêtremaintenues
dansun rôlesubordonné
grâce
à des moyensde contrôleidéologiqueset matériels
(contrainte
économiqueet violence physique)et grâceà la politiquede l'Etat qui soutientla structure
hiérarfamiliale.
Dans
forme
la
sa
la
famille
isole
les
femmes
des
autres
chique
plus rigide,
adulteset détermine
une dépendanceéconomiquetotale,si bienque lesphispetits
et l'échangede parolesmême,dépendentde la bonnevolonté
besoinsmatériels,
masculine.
de noterque le mouvement
Il est intéressant
de la findu 19ème
féministe
sièclecentraitsurtoutsa luttecontrel'exclusiondes femmes- de l'éducation,du
viseplus
travail,de l'appareilpolitique- tandisque le mouvement
contemporain
faite
femmes
aux
un
certain
domesrôle
l'obligation
particulièrement
d'accomplir
de
Le
thème
la
violence
de
faire
le
lien
entre
deux
ces
tique.
permet
aspectsde la
lutteféministe.
Répondreà la violencedes hommes.
S'il arriveparfoisque des hommesattaquentcollectivement
des groupesde
la
est
masculine
le
fait
d'hommes
violence
ou de
individuels
femmes,
généralement
des
femmes
d'hommes
contre
individuelles.
Il
semble
en
effet
rarement
groupes
nécessairepour les hommesd'attaquerles femmesen tant que groupepour les
Le seul exemplerécentdontj'ai entenduparleren GrandeBretagneest
contrôler.
d'un
l'attaque
grouped'hommescontredes femmesqui assistaientà la dernière
NationalLesbian Conference.A noterque, depuis,aucune Rencontrelesbienne
nationalen'a eu lieu car les femmesconcernéesdisentqu'ellesne peuventtrouver
de ce danger.42Le faitque les femmes
aucunlieu de rencontre
en
qui les préserve
41. A la Conférencede la FédérationNationaled'Aide pour les Femmes en 1976, il avait
été décidé que des hommespouvaientparticiperaux actions des groupes de base à condition
des stéréotypessexuels à l'intérieur
que leur rôle reste mineur,afin d'éviter le renforcement
d'une organisationde femmespour les femmes.
42. A 1 intérieurdu mouvementde liberationdes femmes,ce sont les groupes d homosexuelles qui constituentla plus grandeprovocation à l'égard des hommes car, de toutes les
femmes,ce sont celles qui sont le plus indépendantesd'eux.
87
défià la domination
masculineau pointd'attirer
tantque groupeportentrarement
la sanctionultime,peut être l'indice de la peur des
sur elles, collectivement,
ou bienl'indicedu faitqu'ellessontsuffifemmes,qui les rendnon provocantes,
sammenttenuesen mainspar ailleurspourrendreinutilece genrede représailles.
c'est s'exposeraux feuxde l'ennemi,enfonDéfierla domination
masculine,
cer un à un touteune séried'obstacles,dontle premierest l'acceptationgénérale
du systèmesocialsexuel; il fautensuitevaincreen soi la peurde la déviance,de la
des réactions
prendrele risquede déclencher
ruptureavec les normesculturelles,
de
les
se
libérer
du
statutde déet
trouver
cette
assumer
violence
violentes,
moyens
des
dans
le
des
du
l'Etat
domaine
institutionnalisé
revenus,
logement,
par
pendance
loiset de leurapplication.
une nouvelleprisede consciencede
Il estcertainqu'il s'exprimeactuellement
dansla mesurede leursmoyens,commencent
la violencemasculine,et les femmes,
des femmes
élaboréespar
Dans les premières
à y répondre.
analysesde l'oppression
la
a
le mouvement
violence
été
féministe
physique
priseen compte
contemporain,
Sur
ce
thème
s'est
d'autres
facteurs
développéaux Etats-Unis
parmi
d'oppression.
le mouvement
d'actionautourdu violtandisqu'en Grande-Bretagne
un mouvement
s'est d'abord préoccupéde la violencedans le mariage; ces deux aspectsde la
déclenchédes actionsdansd'autrespaysoccidenviolencemasculineont également
Cetteprisede consciences'aftaux.Maisnousne savonspas ce qu'il en adviendra.
ou bien la comprésera-t-il
à
nouveau
le
individualisé,
faiblira-t-elle,«problème»
vasocialedes violencesphysiquessubiesparles femmes
hensionde la signification
de ce thème
une analyseplusapprofondie
entraînant
t-ellecontinuerà se répandre,
etuneradicalisation
des actions?
Le «problèmedes hommes»est encoreà souleversurle planthéorique,ainsi
la psychologie,
des hommes.43L'anthropologie,
que la questionde la rééducation
servià la propagandeet à l'apologiede la visionqu'ont
la sociologieont largement
les hommesde la société,de la culture,des femmes- et de leurmodèledes relaUne nouvelleperspectiveest nécessairepour rétablir
tions hommes-femmes.44
la fonctionde la violenceet de la menace
qui doitsouligner
l'équilibre; perspective
socialeet de toutle processussocialqui recommemaîtressepoutrede la structure
des femmes.Une analysedu rôle de la violencedans le
pose sur l'asservissement
ou collectivement,
individuellement
maintiendu pouvoiret de l'autoritémasculine,
les
de
sociale
à différents
niveaux l'organisation
jusdepuis petitsgroupesinformels
43. Le récit de Gold Fower, dans Beiden, J., China Shakes the World,Pelican, 1973, illustrecomment la domination des hommes sur les femmesdans la Chine pré-révolutionnaire
se maintenaitultlmement«à la force du poignet» et commentce futpar la violenceégalement
Mais les
que les femmesébranlèrenten partie ce pouvoir dans la Chine post-révolutionnaire.
analyses de Chinois ou d'occidentaux pour tenterd'expliquer pourquoi les femmesen Chine
du
facteur
ne
de
la
des
hommes
violence
tiennentpas compte
restentencore sous la domination
ohvsiaue.
44. Pour une mise en question du réductionisme« biologisant» appliqué aux femmes,
voir l'article de Mathieu, N.-C., «Homme-cultureet femme-nature?», L'Homme, vol. XIII,
cahier 3, 1973. Elle dénonce le faitque les anthropologuesn'emploientpas pour les deux sexes
des critèreshomogènes,alors qu'on devraitanalyserle systèmesocial des sexes sur des bases
tout aussi sociologiques que celles utiliséesdans l'étude des systèmeséconomiques, politiques,
religieux,etc.
88
formelde l'Etat à l'échellenationale,devraitclarifier,
par
qu'au fonctionnement
à
de
les
et
le
fondements
fonctionnement,
classes,
l'analyse
indépendants
rapport
de l'antagonisme
de la divisionentreles sexes et de l'exbourgeoisie-prolétariat,
des
femmes.
ploitation
(Traduitde l'anglaisparE. L.)
Note de la Rédaction: II nousa
sembléutile de publierce «fait
divers»récentà titred'«illustration» françaisede la violence
exercée contre les femmes :
# Deux gendarme*de la brigade de Rethel (Ardennes),
MM. ChristianLerat,trente-deux
ans, et Daniel Bédouin, vingtneuf ans, ont été condamnés à
dix mois de prison, dont huit
avec sursis, pour violences et
voies de fait avec préméditation,
par le tribunalde grandeinstance
de Charieville-Mézières.Soua le
prétexted'un contrôled'identité,
Us avaient obligé à se déshabiller
totalement une jeune fille de
dix-sept ans. La condamnation
des deux gendarmes entraine
leur radiation.- (Corresp.)
Le Monde, 31 juil.-ler août
1977, rubrique «En bref...»,
p. 6.
89
Décapitationd'une femme
Gravurehumoristique,début XVIIe siècle.
90
... A proposde la critique
à la critiquedes
danscetterevuesoumettront
Certainsarticlesqui paraîtront
des études...bref,des discoursémanantde femmes
des perspectives,
démarches,
Cettepratiqueme semblenon seulementlégitime,mais encoreindisféministes.
du mouvement
féministe.
pensablepourla radicalisation
Dans le contexteactuel, elle est pourtantsouventconçue par beaucoup
nosforces,etc.A monsens,ilfautse
d'entrenouscommedestructrice,
affaiblissant
défairede cetteangoissequi nous dessertet risqueà brèveéchéancede nous enet moraliseun problèmequi
fermerdans une impasse,parce qu'eue individualise
et moraux.
ne doitpas se poseren des termesindividualistes
dansla critique
Ce qui nous intéresse,
Un discoursestconstituésocialement.
ce qui
sesdéterminants
d'un discours,c'est de repérer
sociaux,d'analyser
féministe
lui donne son poids sociologique.En ce sens,touteidée d' «attaquepersonnelle»
à notreprojet.Ce qui nousretientau contraire,
c'est
contrel'auteurestétrangère
V«enveloppement*
de l'auteurdansdes règles,des schémas,qui luisontextérieurs.
«... Mais, quand même,attaquerdes femmes...»,dira-ton...C'estpourtant
au niveaude ce que nous produisonssurnotreoppressionque nous
précisément
devonsmanifester
le plus de rigueur! Ce qui ne signifie
pas une absencede solidarité: la solidaritéféministene consistepas en une grandesymbiose(l'Union
de nos
Sacrée), elle se constitueplutôt comme mise à jour et questionnement
comme révélationdes modalitéssournoiseset pernicieusesde
contradictions,
à l'intérieur
mone de notrelutte.
l'oppression
Il est vraique la notionde critique
«... Mais la critique,c'est destructeur...»
est ambiguëet mal reçueparcequ'elle inclutsouventl'idée d'une démarchenégative et nihiliste.Or la critiqueest positivenon seulementen ce qu'elle permet
de solidarité
d'uneformenon moralisatrice
l'instauration
politique,maisaussidans
d'une analysepleineet positivede notre
la mesureoù elleprocèdenécessairement
oppression,d'une pratiquemilitantepleine et positivecontrenotreoppression.
M.P.
91
MoniquePlaza
Pouvoir « phallornorphique
»
et psychologiede « la Femme ».
Un bouclagepatriarcal
démontrent
l'existenced'uneoppression
multidimenLes analysesféministes
sionnelledes femmespar le systèmesocial. En décryptant
elles
cetteoppression,
et les rouagesd'un ordrepatriarcalqui prescritaux
révèlentles manifestations
hommeset aux femmesdes fonctions
d'une «différence
rigides,surle fondement
naturelle
dessexes».
Dans le mêmetempsoù ellesmettenten lumièreles diverssystèmes
d'exploitationet d'aliénationdontellessontles victimes,
les femmes
se posentsouventune
sans ce
questionqui pourraits'énoncer: «Que sommes-nous,
que serions-nous
?». Interrogation
modelagesocial ? Qu'est-cequ'une femmeréellement
compréhensibleet inévitable: l'oppression
se vitcommeune restriction
abusivede l'exisConstatantque la femmeest invalidéedansles distence,commeune mutilation.
notre
cours,exploitéedans les pratiques,nous ne pouvonséviterde revendiquer
libération
a une valeurpolitiqueconcrète)
(ce terme,en dépitde ses ambiguïtés,
et de nousinterroger
surce que noussommes.
Les réponsesà ce questionnement
ne manquentpas actuellement
dansnombre de publications
et rubriquesdiversesde magazines.Les plus intéressantes
sont
cellesqui viennent
des femmesen rupturede ban avec le patriarcat,
car ellessont
des enjeuxet des limitesde notrelutte.Tout se passecommesi nos
exemplaires
étaientsans cesse menacésd'êtreanéantis,nos trouvailles
minéesde
défrichages
l'intérieur.Rien d'étonnantà cela, puisque nos discourss'inscrivent
dans une
structure
dontilssonttoujourspouruneparttributaires.
patriarcale,
Du champde notrediscourssurnous-mêmes,
nousparvient
actuellement
une
à
réponseà la questionde notreréalité.Elle pose que la femmeest à rechercher,
à faireémerger.
Le raisonnement
en predécouvrir,
par quoi elle procèdeaffirme
mierlieu que la femmen'existepas, du faitde l'oppressionpatriarcale.
Ce constat
reposesur une analysequasi exclusivedes discours(philosophique,littéraire...).
Parfoiscetteinexistence
estjugée du domainede la valeur: la femmeexiste,mais
l'idéologiedévaloriseson existence; ou bien elle est posée du pointde vue plus
du faitdu schémaoppressif,
n'a pas encoreaccédé
profondde l'essence: la femme,
à son être.1 En secondlieu, il est postuléque la femmeest en trainde naître
: la jeune née2 ; notretâchede femmeestde décrypter
actuellement
nospositions
1. Annie Ledere réfèreà la premièrethèse,Luce Irigarayà la seconde.
2. litre d'un ouvrage de Helene Cixous et CatherineClement, Pans, Umon Générale
d'Editions,1975 (coll. 10/18,série«Féminin futur»).
92
notreessence.En
de découvrir
notrerapportau monde,de rechercher
subjectives,
notrespécificité.
bref,de promouvoir
Ce projetde recherche
séduitbon nombred'entrenous.Parson aspectplein
et positif,ne semble-t-il
nous
râleuses,
suffragettes,
éloignerdes revendicatrices,
pas
volontiers
les
fémiabreuve
et
autres
dont
on
frustrées...,
étiquettes
hystériques
nistes? MariellaRighiniféliciteAnnie Ledere pour la publicationde son livre
:
Les Epousailles,qui s'opposeprécisément
de la critiqueféministe
à la négativité
«Au lieu de dresserl'éternelet interminable
bilan des oppressions,
sanctionsfaitesà la femme(...) ...auxautres,
interdictions,
répressions,
les litanies,les jérémiades,les plainteset les récriminations
(...) Elle
ne dénoncepas.»3
La dénonciation,
se voit supplantéepar un projetqui
posée commefastidieuse,
sembleimmédiatement
constructif
la femmedansl'évidence
parce qu'il interroge
de sescaractères
:
« ...ellelaisseparlerce qui vitlibreen elle(...) Elle va droità l'essentiel:
ce qui lui tientà cœur,et au corps(...) Elle annonceune façonneuve
de vivre,avecbonheuret fierté,son corpsde femme(celui qu'on lui a
donné) et son universde femme(celui qu'elle s'est construit).»4
Laisserparlerle corps...,c'est précisément
cetteproposition
qui éveillenotreattentioncritique.La spécificité
de la femmene tiendrait
ainsien dernière
instancequ'à
son corps,censéêtrele naturellieu de la différence
sexuelle? Pourtant,
faireparler
le corps,revendiquer
notre«différence»,
c'est déjà participer
d'un systèmesocial
et oppressif: la naturene parlepas la différence,
elle fournitdes supportsque
en fonctiondes rapportssociaux.L'individun'a pas d'existence
nous interprétons
bio«naturelle»,il est toujours-déjàsocialisé,y comprisdans son «irréductibilité
ne
Nous
la
trouverons
«vraie»
en
femme
le
de
éliminant
social
notre
logique».
pas
Car le socialest toujourslà, qui imposesa traduction
questionnement.
oppressive.
Si nous récartonsde notreréflexion,
il nous rattrapera
surle
immanquablement
fluxde nos règles,la floraisonde notresexe : il impulseranotreconstruction
de
nous-mêmes.
Nous devonsau contrairele nouerdevantnous afinqu'il ne nous
enferme
pas dansson nexusd'évidences.Croireque nouspouvonsfairel'économie
des analysescritiquesen écoutantles rythmes
de notrecorps,c'est nous enfermer
totalement
dansla logiquepatriarcale
a
notreconnaissancede la difconstitué
qui
des sexes,de la naturede la femme.
férence
Mais si nous incluonsune démarchecritiqueau préalablede notreinvestidansun secondtempsnousconstruire
dansnotre
gation,peut-être
pourrons-nous
êtrevéritable? C'est la démarcheque sembleemprunter
Elle posLuce Irigaray.
«La Femme»,a été excluede la productiondu distule qu'une «X» irréductible,
cours occidentalet définieen fonctionde paramètresmasculins.L'étude du
discoursplatonicienet de la théoriefreudienne
débouchepour Luce Irigaray
sur
le constatque «La Femme» n'existepas actuellement
: elle est masquéepar le
la femme,il s'agitdonc de
discours,et distorduedans sa psyché.Pourconstruire
la projeterdansune prospective
conditionnelle
si sa spécificité
: que serait-elle
était
?
Cette
tenants
à
démarche
semble
des
aboutissants
critiques
intégrer
respectée
3. Mariella Righini,«Le sang d'une femmepoète», Le Nouvel Observateur,oct. 1976,
n° 621, p. 65.
4. Ibid.
93
«conservateurs»
, dansla mesureoù l'oppression
n'y estpas postuléede façoneffecen ce
tive.La critiqueélaboréepar Luce Irigarayapparaîtcommeproblématique
de
«transformation-déformation»
d'un
schéma
l'existence
psycholoqu'elle pose
gique que la femmesubitdu faitde la dominationmasculine.Ce qui l'engageà
à poserl'existenced'une «esc'est-à-dire
chercherun «avantla transformation»,
et
mutilée.
déformée
aurait
l'Occident
sence»féminine
que
ainsitroispostulats:
Le schémairigarayen
intègre
- «La femme»existede façonirréductible
en tantqu'essencejusqu'iciméconnue.
- Cetteessenceféminine
des virtualités
d'existencepsychique
donneaux femmes
écrase
et
occulte.
l'Occident
que
- Cette essencefémininene peut êtredécouvertequ'en dehorsdu cadresocial
dansle corpsde la femme.s
c'est-à-dire
oppressif,
de la découverte
de
L'existencepotentiellede la femmeest doncdépendante
de son corps.Tant que soncorpsne parlera
son essence,qui gît dansla spécificité
de l'existence
la femmen'existerapas. Sommetoute,la virtualité
pas sa spécificité,
à la virtualité
de sa pureréalitébiologique.Autantdire:
de la femmeest rapportée
quandla femmene seraplusêtresocial.
à l'élaboration
Ainsila questionde notreréalitésembleaboutiractuellement
et simplement
de notrecorps,où l'oppressionest,soitpurement
d'uneprospective
mise à l'écart,soit apparemment
posée sous la formed'une critique,maisutilisée
notreexistenceactuelle.
pourinvalider
? Devons-nousla rejetercomme
donc prématurée
Cette questionserait-elle
caduque ? Nullement: l'énergiequ'elle canalise de plus en plus parminous
Loin de procéderà sa
démontre
qu'elleconstitueun enjeuvitalpourle féminisme.
dans
dansla théoriede notreoppression,
Vinscrire
rature,nous devonsau contraire
de saisiren quoi et comle projetde notreexistence.Ceci devraitnous permettre
contrenous. En effet,à projeterla
mentnotreproblématique
peut se retourner
en arguantde son inexistence
conditionnelle
femmedansune prospective
actuelle,
de notreoppression:
nousrestonsprisonnières
idéologiquequi est
1) D'abord en ce que nous confondonsla description
et l'existencemêmedes femmes.On peut
de leuroppression,
donnéedes femmes,
circuitsoppressifs
mettreà plat les différents
que subitla femme;maisce décrypdoit :
tage,pourêtreopératoire,
imsansse référer
formella notionde contradiction
dans son dispositif
a) intégrer
morale
à
une
;6
systématisation
plicitement
le constatde l'existencede la femme:
b) prendrecommeprémissefondamentale
ni surle plan sociologique,ni surle plan psychola femmen'a riend'évanescent,
logique;
c) reposersur un systèmeconceptuelqui théorisel'oppressionsans poserune
équivalence«femmeactuelle= rien».Car cetteéquivalence,qui semblerésumer
5. Les trouvaillesde Luce Irigaraysont absolumentsans surprise.Cf. l'analyse critique
et
que ChristineDelphy a donnée de Parole de femme d'Annie Ledere, dans «Proto-féminisme
Les TempsModernes,mai 1975, n° 346, pp. 1469-1500.
antiféminisme»,
6. Morale que ChristineDelphy dénonce dans son débat avec Daniele Leger {tremier
Mai, juin-juillet1976, pp. 37-43), et qui permetpar exemple d'invalidercertainestâches domestiques des femmesbourgeoises.La condamnationmorale de tâches considéréescomme superflues permet de poser les femmesqui les accomplissentcomme en dehors du systèmesocial
patriarcal,comme non concernéespar l'oppression.
94
la redoubleen fait: nousinterrogeons
notreoppression,
la femmenondansce que
nous sommes,dans ce que nous existons,mais dans ce qu'elle pourraitdevenir,
dansson essence.C'est ici : dansla sociétéoù nousvivons,etmaintenant,
que nous
devonssituernotreréalitéde femmes,
et nondanslesgouffres
de notre
atemporels
de
notre
est
:
le
ou
essence.
nous
courons
corps
L'enjeu
important
risquede sclérosernotrelutte,de l'invalider,
de l'anéantir.
Parceque nous nouséloignonsde la
scènesocialeoù se produitnotreoppression,
de
pournousperdredansla recherche
l'intériorité
féminine.
Parce que, dans l'impossibilité
d'inventer
ce que la femme
pourraitêtre,serait,sera...,nous lui imputonsles caractères«féminins»les plus
fondéssur la «spécificité»de son corps.Ainsila boucleoppressive
traditionnels,
se referme
surnous : nousnousconstituons
en groupe«naturel»,nous référant
à
la notionde «différence».
Et c'est à ce niveauqu'intervient
notresecondempri:
sonnement
2) Car, précisément,
l'oppressiondes femmess'est étayée sur le primat
étonnantde la différence
sexuelle.Que les hommeset les femmesaientdes appareilsgénitauxspécifiques,
de la gestation,
que la femmeaitle «privilège»
n'implique
le
sexe
doive
l'existencepsychiqueet socialede l'inpas que
anatomique
prescrire
dividu.Urinerà distance7n'entraînepas fatalement
la possibilitéde fonderla
civilisation.
Porterdes enfantsne signifie
pas avoirl'exclusivede leuréducation.
L'existenced'une femmene se résumepas à ses règles,à la formede son sexe,ou
à sesgrossesses.
Constituer
un champd'étudessurcettecroyanceen l'inéluctablede la différencenaturelledes sexes ne peut que redoublerla logiquepatriarcale,
et non la
subvertir: à poser la femmecomme l'objet spécifiqued'une oppression,nous
occultonsqu'elle est objet d'une oppression
par le spécifique.Loin de prendrela
Différence
au fondement
de notreprojet,nous devonsla déconstruire
et en dénoncerles truquages.Analysercommentet pourquoielle prendce caractèred'inéluctable: je dois êtrehommeou femme; pas les deux, et pas autrechose...au
d'une solidarité,
à
risquede me perdre.En ce sens,la constitution
indispensable
notresurvie,ne peut reposersurl'élaboration
d'ununiversféminin,
surl'idéed'une
naturecommunedes femmes.Ce qui ne signifie
pas non plus que nous allons«renier»notrecorps,ou vouloir«êtredeshommes».L'oppressiondes femmes
se fonde
surl'appropriation
de leurcorpsparle patriarcat,
surl'enfermement
de la sexualité
dans les cadresimposéspar l'oppositionmasculin-féminin,
de la
l'assujettissement
femmeen couchesau pouvoirmédical,le méprisdes règles,la méconnaissance
de la
sexualité.Maisla reconnaissance
de cettevasteoppressionsexuelledes femmesne
doitpas nous entraîner
à conclureque l'oppression
vientdu corps,vientdu sexe :
le
sociale.Le sexe de la femmeest nié,méconnu.
que corpsexpliquel'oppression
Maiscela ne signifie
pas que l'oppressionde la femmeestissuede cetteméconnaissance. Nous devons nous garderd'une formede «pansexualisme»de notre
travesti.Si la catégoriede sexe prendune
réflexion,
qui n'est qu'un naturalisme
si
dansla logiquepatriarcale,
ce n'estpas parceque le sexedonne
place importante
7. Je reprendsici une formulationde Freud sur le fait qu'urinerà distancepouvait permettreaux hommes d'éteindrele feu. D'où l'attributionaux seules femmes,dans l'impossibilité anatomique de réalisercette «prouesse», de l'entretiendu foyer...
95
sa formeau social : c'est parce que le socialpeut donnerune formeévidenteau
en lui.
sexe,etcachersessystèmes
oppressifs
ne peut se fairetantque
de ce que seraitnotrespécificité
La construction
nousn'auronspas élucidé:
- ce qu'est la réalitéde la femmedu pointde vue de son existenceactuelle;
- le fonctionnement
précisde la catégoriede sexe dans le systèmeoppressif;
- la placecentralequ'y tientla notionde «Différence»
.
C'est au traversdu travailde l'une d'entrenous que je vaisposerces questions.Pourquoicettemédiation? Parce que, en première
lecture,j'ai été séduite
:
ne
de
le
Luce
Irigaray
proposait-ilpas, dans le domaine
par questionnement
et une amorce
subversive
du
théorisation
une
pouvoirpatriarcal,
psychanalytique,
de la femme? Un malaisepourtants'est emparéde moi quandj'ai
de définition
un de ses articleset
entenduLuce Irigaraylire pendantune conférence-débat
scanderque la femmene penseà rien...Alorsj'ai eu l'impression
que l'édificeétait
de transgresdes
«abris
de
d'autant
plein pièges
plus dangereuxqu'ils côtoyaient
de la démarchede Luce Irigaray
sion». En ce sens,le démontage-remontage
que
de notreproblématique.
Il s'agitpour
je proposen'a que valeurd'éclaircissement
moi de montrercommentnos percéessubversives
peuventêtreanéantiespar des
C'est
dire
ne
de
diversifiés.
s'agitpas d'une querellede
qu'il
processus «minage»
mots : le «bouclage»patriarcaltend à annihilernos luttes.J'utiliseà desseince
vocable,qui rendcompteà la foisd'un enfermement
logiqueet d'un encerclement
spatial.
les deux écrits
Luce Irigaraysembleavoirun doubleobjectifen produisant
En
tente
de
les prémisses
référerai
elle
reconstituer
ici.8
premierlieu,
auxquelsje
et
du
décrivant
l'objectivaphilosophiques psychologiques «Logos»9 occidental,y
des femmes.La femmequ'elle étudieainsiest la femme
tionet l'amoindrissement
objet du discoursde l'homme.En secondlieu,elle s'essayeà définirce qu'est la
et tentede
femmeassujettieà ce «Logos» phallomorphique
et phallocentrique,
dans
son
être
si
ce
serait
la
femme
on
être.
la
laissait
décrire que
Jongleravec ces
non
une
d'étude
difficulté
hétérogènesprésente
objets
négligeable,que Luce
semble
sans
ne
ni
réductions.
Irigaray
pouvoirdépasser
simplifications
8. Luce Irigaray,Speculum. De Vautrefemme,Paris, Ed. de Minuit,1974, 463 p. (coll.
Critique) ; et Ce sexe qui n'en est pas un, Paris, Ed. de Minuit,1977, 219 p. (coll. Critique).
9. Le «Logos» semble prendre chez Luce Irigarayle sens de : «discours», «entendement», «fonction logique» et «imaginaire». Cette imprécisionconceptuelle rend d'emblée
confuseson investigation.
96
/. - LES FONDEMENTS DERNIERS DU 'LOGOS OCCIDENTAL'10
1) Elémentsd 'unestratégie.
Le sujet/homme,
constateL. L, dominela scènede la connaissance.
Pourquoi
? L. I. semblene pas poserla question,et de cetteprudencenous lui
domine-t-il
sauronsgré.En effet,cetteinterrogation
de l'origine,
appellesouventla recherche
et permettoutesles fantaisies
surla préhistoire
de l'humanité.Il seraitcertesutile
de savoircommentl'oppressions'est instaurée,
mais cette rechercheest rendue
le
des
dont
nousdisposons.
archives
quasiment
impossible
par truquage
L.
I.
si
la
ne
elle
en
Néanmoins,
pose pas question, y répondimplicitement
cherchant
une origine,dansle royaumedes Idées,du sensde la Logiqueoccidentale. Et ce qu'elle trouven'estriende plus que l'homme,tel que le discoursoccidentalle donneà voir,
m L 'hommedomineparcequ 'ilesthomme
L'hommesembleêtrepour L. I. une entitébiologique-psychologique-essentielle,pourvude caractères
propres: ainsi,il estnarcissique,
belliqueux.Et surtout
il a la chanced'avoirun sexevisible:
«Si le garçonse trouvenarcissisé,
moi'sé,par son pénis - parce que
celui-ciest valorisédansle commercesexuel,et culturellement
surestimé en tantque visible,spécularisable,
fétichisable
(...)»
{Speculum,p. 81)
L. I. rattachela notionde «forme»à celle de «phallique»,et postuleun isomorphismedu discoursoccidentalet du sexe masculin(privilègede l'érection).11
Or,ce n'estpas du faitde sesqualitésintrinsèques
que le pénisestvaloriséau
de la vulveou des seinsqui sont,eux aussi,visibles.C'estdansla mesure
détriment
où la cultureest androcentrique,
patriarcale,
que le phallusestmisau rangde symbole. La «supériorité
phallique»de l'hommen'estriend'autreque l'interprétation,
en termesde natureet de hiérarchie,
de l'oppressiondes femmespar les hommes.
S'il fallaitjustifier
une domination
des femmessurles hommes,l'idéologieprétendraittout aussi aisémentque les hommesmanquentde seins,sontmutiléspuiset qu'ils ont une excroissance
monstrueuse
à la place
qu'ils ne peuventenfanter,
de la vulve.Nous serionstout autantconvaincuespar l'évidencede leur «rienà
voir». L. I. dissociemal l'homme«anatomique»et l'homme«social». L'homme,
commela femme,estun produitsocialdontles caractèresse rapportent
à la place
Les
lui
hommes
ne sont
que la sociétélui donneet à la subjectivité
qu'elle prête.
pas par naturebelliqueux.Ils ne sontpas nonplus les maîtresde leurexistence
Leur positionsocialede dominantn'impliquepas qu'ils détiennent
le projetde la
domination.
C'est pourtantce projetque leurimputeL. L, surle fondement
d'une
détermination
psychologique
irrépressible.
10. Les titressont de moi.
11. Dans une interviewpubliée en anglais,(dans Ideology and Consciousness,may 1977,
n° 1, pp. 62-67), Luce Irigaraydit : «In fact,it can be shown thatall Westerndiscoursepresents
a certainisomorphismwith the masculinesex : the privilegeof unity,formof the sell, of the
visible,of the spécularisable,of the erection(whichis the becomingin a form)[...]»
97
• L'oublide l'utérus
: il veut
se détournede son originematricielle
L'homme,selonLuce Irigaray,
est
né
d'une
d'une
mère.
Ce
lui
méconnaître
femme,
processus échappetotaqu'il
de
Ainsiva-t-il
dans
le reproduire.
en
ce
absolue
est
lement,
l'impossibilité
qu'il
:
un
de
la
mère
enfouissement
sondiscours,
constituer
par
se développeront
donc et s'at«Toute énonciation,toute affirmation,
de la relationintrande l'enfouissement
testerontsur le recouvrement
chablede l'êtreà la mère-matière.»
{Speculum,p. 202)
Le constatde l'horreurde la mère chez certainshommespourraitcertes
Artaud:
avoirvaleurdescriptive
ou mêmeclinique.Rappelons-nous
«... ce n'est pas Jésus-Christ
queje suis allé chercherchez les Tarahumarasmais moi-même,moi, Mr AntoninArtaudné le 4 septembre
1896 à Marseille,
4, ruedu JardindesPlantes,d'unutérusoù je n'avais
que faireet dontje n'ai jamais rieneu à fairemêmeavant,parceque
9 mois
ce n'estpas une façonde naître,que d'êtrecopulé et masturbé
brillantequi dévoresansdentscomme
la membrane
par la membrane,
de mes
disentles UPANISHADS,et je sais que j'étais né autrement,
œuvreset non d'unemère,maisla MERE a voulume prendreet vous
en voyezle résultatdansma vie. - Je ne suisné que de ma douleuret
fairede mêmevous aussi,Mr HenriParisot.Et cettedoupuissiez-vous
leur il faut croireque l'utérusl'a trouvéebonne,il y a maintenant
49 ans, puisqu'il a voulu la prendrepour lui et s'en alimenterpour
n
lui-même
souscouvertde maternité.»
de la mèreet le désird'êtrené seulsontclairement
L'horreur
parArtaud;
exprimés
despsychanalystes
et
et la violencede sesproposn'estpas sansévoquerla virulence
de
femmes
mères
les
«mauvaises
les
«mauvaises
contre
psychotiques»,
psychiatres
d'alcooliques». Maisdoit-onpour autantposercettehorreurde la mèrecommeun
d'êtreresde la psychologie
masculine? L'hypothèse
élémentconstitutif
risquerait
existeaussichez lesfemmes.Les hommes
Car le désird'auto-engendrement
trictive.
- bienavantque la questionde leuridentitésexuellene se pose - suet les femmes
bissentla «violenceprimaire»de leurdépendanceà l'adulte(la mèredans nos soau départsurle postulatde l'auto-engenciétés): en effet,si la psychéfonctionne
de l'enfant,qui apprendla
est
contredit
ce
drement13, postulat
par l'impuissance
densitédu pouvoird'autruisurlui.
D'autrepart,dès lors que l'on considèrela négationde la mèrecommeun
l'on ne peutprécisément
à unecaractérisscénariofantasmatique,
pas le rapporter
met
en
:
de
fantasme
le
sexuée
le
jeu
symboliqueet non l'anatoconcept
tique
à
fournispar des schemes
Le
d'éléments
fantasme
premiers
mique.
s'agence partir
à ce conceptlaL'ordre
si
l'on
veut
référer
culturels.
symbolique
symboliques
Mais ces Signifiants
construisent
et incanien- s'ordonneautourde Signifiants.
en
de
sociale
la
«nature»
fonction
(cette interprétation
l'organisation
terprètent
sociologiquede l'ordresymboliquen'existepas en tantque telledans les énoncés
qui restentbeaucoupplus prèsde la nature; je sorsen faitde la
psychanalytiques,
12. Antonin Artaud, Lettre à Henri Parisot,7 sept. 1945, in Oeuvrescomplètes, Paris,
Gallimard,tome IX, pp. 64-65.
13. Hypothèse clairementdémontréepar Pierà Castoriadis-Aulagnier
dans La violence
de l'interprétation,
Paris,PUF, 1975 (coll. Le Fü rouge).
98
théoriepsychanalytique
pour donnerau conceptd'ordresymboliqueune signifi«Nom du Père» rati«Phallus»et le Signifiant
cationsociale). Ainsile Signifiant
fientla différence
des sexes,et la dualitédes placesde pèreet de mère,que l'orgaa constituées.
nisationpatriarcale
hiérarchique
hommeou femme,est d'embléeprisdansce «défiléde signiTout individu,
Ordresymbolique
dont
essentiellement
fiants»auquel il doit s'assujettir.
patriarcal,
Freud a fourniune description
(à valeurde métaphore)dans Totemet Tabou. Il
du langage.Le
n'y a rienpourl'êtrehumainqui échappeà l'ordination
symbolique
non seulement
médiatisées
«corpsde la mère»,la gestation,sontdes expériences
maisaussiconstituées
la réalité
socio-culturelle,
par l'organisation
parelle.En effet,
de chose»
psychiquene devientsignifiante
que parl'adjonctionà la «représentation
- si tantest que ce conceptsoitcernable- d'une «représentation
de mot». Même
si l'on postulel'inscription,
au plan inconscient
de
archaïque,d'unereprésentation
chose (corps de la mère),l'on ne peutéviterde poserque cettereprésentation
de
chose prendsens pour le psychisme
de mot
d'une représentation
par l'inscription
le fantasme
surle corpsde la mèrene peut
«corpsde la mère».Et,trèsprécisément,
apparaîtreen tantque productionpsychique,qu'à partirdu momentoù l'appareil
psychiqueintègrela signification
qu 'autruidonneà l'énoncé€corpsde la mère».
Toutesles elaborations
psychiquessurle corpset surla mères'appuientnécessairementsurcetteorganisation
limitéepar un langage.Quandla psychanasignifiante
le
renvoie
de
lyse
par exemple complexe castrationà une perceptionanatomique,
elle faitdonc une fautethéoriquepuisqu'ellepose qu'une représentation
de chose
s'inscrire
en
le
dehors
de
toute
pourrait
par regard
organisation
signifiante.
Luce Irigarayprocèdeà la mêmeréductionquand elle pose 1'«enracinement
matriciel»dansle royaumedu «sensible»et qu'elle faitde son occultationle fondementpremier
du «Logos occidental»:
«Première
opérationde passagede la sensationà l'entendement
qui va
- un schématisme
produire- non sansmystère
qui ne rendra
jamaisau
sensiblece qu'il lui doit.Car l'imaginaire,
sa facultéla plussubtile,restera au servicede l'entendement
(...). Ainsile schemetranscendantal
aura pour fonctionde negativer
une particularité
du sensible,qui ne
s'en relèverapas. For(t)clos dans sa naïvetéempiriquepremière.
Et ce
qui de ce fait aura été écarté dans le diversde son ressentir
pour
élaborerle conceptd'objet,c'est l'immédiateté
du rapportà la mère.»
(Speculum,p. 254)
• La scotomisation
: à phallo,falot
de la Différence
sexuelle.Ce
L'homme,pose L. I., nie avec forcel'existencede la différence
refus,toutcommeson oubli de l'utérus,s'expliqueparsonéconomiepsychique.Il
faitporterà la femmele poids de la castration
(elle n'a pas de sexe)parcequ'il lui
estintolérable
de reconnaître
a
un
sexe
qu'elle
qui ne se voitpas :
«La possibilitéqu'un rienà voir,qu'un nonmaîtrisable
la
parle regard,
spécula(risa)tion,ait quelque réalitéserait,en effet,intolérableà
l'hommeparce que venantmenacerla théorieet pratiquede la représentationpar laquelle il auraitsublimé,ou paré l'interditde, la masturbation.»
(Speculum,p. 57)
De cettecrainte,qui lui vientdu faitqu'il esthomme(pénien),s'origine
la conception que l'hommeélabore de la femme.Pour répondreà sa volontéde toute-
99
à sa phobiede l'étranger,
l'hommeva construire
la femmeà
puissanceet satisfaire
son image- doublefalotqu'il dépossèdede l'attribut
délectablede puissance: le
pénis.L'hommerésoutdonc le «problèmede son principe»(phallique)en se fonde son seuldésir.Ce faidantsurI'«A prioridu Même»qui lui assurela domination
de lui, il se refuseà voirdansla femme
sant,il oublieque la femmeest différente
autrechosequ'un homme.La seulepetitedifférence
entreeux doitrésiderdansla
la
du
ou
non-possession pénis.
possession
Il est curieuxque L. I., appelantce mouvement
F«A prioridu Même»,le
dissociede la démarchedifférentielle.
Car F«A prioridu Même»,loin d'êtreune
construction
autonome,est au contrairele concept collaborateur
logiquede la
:
la
l'Autre
à
Différence
réfère
l'Un
Différence
(la femme)
(l'homme),posé en dominant.L'Autreesttoujoursle négatifde l'Un, du Même.La notionde Différence
fondenécessairement
la constitution
d'un dominant
réfèrent
(le Même)et d'un dominéréféré(l'Autre).Elle est redoutabledansla mesureoù elleappelleinexorabledes rapportssociaux,l'idée de hiérarchie.
Elle
ment,quand elle est ordonnatrice
: elle accordele primatà Un termequ'elleérige
consisteen un doublemouvement
en norme,etprécipite
l'Autredansle négatif,
le monstre.
I.
a discrédité
la Différence
L.
la
occidentale»
Quand
pour
pose que «Logique
le narcissisme
de l'homme,elle se livreà une interprétation
réductrice
satisfaire
et,
de ce fait,fausse.D'une part,dansla mesureoù elle ne voitpas que la logiqueoccidentalea au contraireintégréle conceptde Différence
(qui ordonneidéologiquementles rapportsde domination
hommes/femmes),
posantainsil'existenced'une
où les femmessont
des sexes,c'est-à-dire
d'une hiérarchie
irréductible
différence
différenciées
évaluéesnégativement
et, dans le mêmemouvement,
par rapportau
:
en
D'autrepart, ce qu'elle psychologise
son investigationellepose l'exisréfèrent.
tenced'un «homme»pourvud'une psychééternelleet hostileà tout ce qui lui
en caractéristique
un élémentfantasmatique
descriptif
échappe ; elle transforme
à
l'homme
un
confère
désir
de domielle
un
pouvoiroriginel
premier
explicative;
Et
ce
surtout
elle
nation(aussi inconscient
conçoive-t-elle désir).
produitune anade
la
alors
un
étudie
discours,une théorie.
lysepsychologique
«logique»
qu'elle
Le recoursà la psychologiepermetcertesde décriredans la singularité
de
certainscas, le destinde ce que Freudappellela «pulsionde savoir»: on peutalors
rendrecomptede la façondontun individuparticulier,
dansune dimension
inscrit
en
se
constitue
connaissant.
Dans
cette
historiquesingulière,
sujet
optiquerésoluon met donc en relationdes productions
mentpsychologique,
(théoriques,artisdu
les
avec
l'histoire
ce
ne
fait
sujetqui
tiques...)
pas Luce Irigaray
produit; que
le discoursplatonicien
sanspourautantréférer
aux
qui analysepsychologiquement
élémentsanamnestiques
dontFreudfaisaitusage.
Luce Irigaraysembleainsi se situerentredeux typesd'analyse: psychologique, alors même qu'elle ne disposepas du matérielnécessaire; ontologique
(puisqu'elleveutétudierla place de l'Hommeet non d'uncertainhommeX), mais
elle opèrealorsune réductionpsychologique: elle prétendrendrecomptedu conen référence
à un désirde l'homme.Orcetteréductenudes énoncésplatoniciens
tionpsychologique
est injustifiée,
dansla mesureoù un discoursse constituedans
une formation
dont il est le produit.Tout discours- même
socialeparticulière,
des thémas'il est doté d'unehistoricité
qui lui estpropre- agencenécessairement
la
sous-tendu
société, est
par des
tiques épistémologiquesen cours dans
100
et répondà des impératifs
institutionnels
déterminants
économiques.En ce sens,
le sujetqui participeau Discours- l'auteur- est enveloppédansdes règlesextérieuresà sa psychologie.On peut certesdécrirepsychologiquement
commentun
auteurA ou B a trouvéà investir
sa «pulsionde savoir»danstel domainede conréduirele contenudu discoursà cet invesnaissances,mais on ne peut prétendre
tissement.14
en touterigueur,
Que peut-onaffirmer,
quantà la relationdes hommesaux
discours?
Io Que les hommessontles modalitésénonciatives
du discours: ce
privilégiées
sonteux qui produisent
dansleurgrandemajoritélesénoncés.
2° Que, placés dans une organisation
sociale androcentrique,
dominéepar Topdes
les
ont
hommes
des
énoncés
femmes,
pression
produit
tronquéset truqués.
Enoncésdontcertainssontphaho-centrés,
maisnullement
Cette
phaüomorphiques.
est essentielle: le discoursdeshommesn'estpas motivéparla formede
distinction
leursexe,maisobéità l'organisation
patriarcale.
établitentre«logiqueoccidentale»et «énonL'équivalenceque Luce Irigaray
cés sexistesdes hommes»,l'interprétation
des schepsychologique
qu'elle fournit
mes de pensée,l'entraînent
à des conclusionspour le moinsabusivesen ce qui
concerneles femmes.
Nousy reviendrons.
PourL. I., la falsification
du «Logos occidental»reposesurune exclusionde
F«irréductible
et le corpsmaternel.Son
sensible»,«empirie»: le sexe féminin,
étudeexclusivedes discours,et son inscription
dans le socleépistémologique
de la
la
conduisent
à
ce
est
la
psychanalyse,
prendrepourl'origine qui
conséquence,et
à s'enfermer
dansle piègenaturaliste.
En effet,
le typed'analysequ'elleélaborene
lui permetpas de montrer
le statutde la catégoriede sexe dans l'émergence
de la
occidentale.
logique
On peut révélerque les discoursfournis
parl'Occidentontpriscommecentre
naturelle
d'ordination,dans certainsde leursénoncés,la notionde «différence
des sexes», et que cette ordinationpermetla perpétuation
d'un systèmesocial
Maison ne peutpas prétendre
consisteen uneoccultaoppressif.
que l'oppression
tionde la naturedes femmes: le recoursà la natureestau contraire
fondamental
socialedes femmesls. C'est secondairement
pour justifieret masquerl'oppression
que la naturede la femmeest d'une certainefaçonoccultée; toutse passecomme
s'il fallaitconnoter l'existencenaturellede la femme,mais qu'il étaitimpossible
de lui donnerun contenupositif:la femmenepeutêtredécriteque commele vide
parrapportau pleinde l'homme.
14. Et ceci même lorsqu'on se réfère au discours d'un homme que la société juge
«aliéné», c'est-à-dire«étrangerà la société». Le célèbrejuriste fou Schreber,qui a publié ses
Mémoiresen 1903, a faitl'objet d'une analysepsychologiquede la part de Freud, qui a tentéde
repérerles rapportsde l'individuSchreberà son discoursdélirant.Mais l'analyse de Freud - de
son propreaveu - n'épuise pas le sens du discoursschreberien.Les thèmesabordéspar Schreber
s'inscriventdans le discoursqui lui était contemporain: constitutiond'une problématiqueraciste, place de la «discipline» (telle que la décritMichel Foucault dans Surveilleret punir.Naissance de la Prison.Paris.Gallimard.1975. 318 d.. coll. Bibliothèaue des Histoiresi.
15. Cf. Colette Guillaumin, «Pratique du pouvoir et idée de nature» (Communication
au séminaire franco-britannique
SSRC/MSH sur Catégories de sexe et de classe/Economie
relations in domestic group, Londres, oct. 1975) : «Les caractéristiquesphysiques de ceux
qui sont appropriésphysiquementpassent pour être les causes ou les raisonsde la domination
qu'ils subissent. Leurs caractéristiquesphysiques sont censées être pour eux (et pour eux
seuls) la cause de leurscaractéristiquessociales,l'explicationdernièrede celles-ci.»
101
La categorìede sexe introduit
dansles discours,par le biaisde la Différence,
un masquagede l'existencesociale des femmes,
une description
tronquéede leur
la
Ainsi
les
d'oublier
la
loin
constituent.
discours,
Différence,
place.
L'oppression
se trouvedoublementdéterminée: par le naturalisme
de l'investigation,
et par
du
de
Différence.
Naturalisme
et
de
renvoient
Différence
donc
l'intégration concept
aux
sur
façonparfaitement
synchronisée processusoppressifs,
qu'ils masquent le
mode de l'évidenceet de la fatalité.Pénétronsprécisément
dansl'«évidence».Une
femmeest différente
d'un homme: niercela relèvede la névrose,
de la folie.PourCe
n'est
de
l'«évidence»
l'idée
la
tant,
spécificitéde chaque
pose question.
pas
sexe qui est problématique,
mais le questionnement
différentiel
par où la femme
ne peutse décrireque parl'«en moinsque l'homme»,et parsa «nature». Quandon
des sexes»,on ne s'attachenullement
à décrirel'hommeet
parlede «Différence
la femmedansleurspécificité
on
mais
fait
dire
à
de la femmela
la
nature
génitale,
dontl'existencepsychiqueet socialese
raisonde l'oppression
socialedes femmes,
trouveainsientièrement
prescrite
parl'anatomiedeficiente.
2) La tactiquediscursive: le truquagedes énoncés.
Luce Irigarayétablitde Platonà Freudun continuumfondésurl'existence
surle «désir»de l'«homme».Cetteconstrucde la Logiqueoccidentale,
c'est-à-dire
tionpsychologisante
et réductrice
ne lui permetpas d'analyseravecrigueur
la straà
lui
de
mettre
Tout
au
tégiepatriarcale.
plus permet-elle
plat quelquestactiques.
Ainsi,en ce qui concernele discoursfreudien- où toutesles métaphores
construites
-, L. I. formuleun certain
depuisl'Antiquitéont trouvéà s'articuler
On
de
nombre critiques
contrel'organisation
patriarcale. peutlireparexempledans
du psychiqueparl'anatomique(p. 12) ;
Speculumune oppositionà la prescription
de la fonctionséductricede la Loi (p. 39) ; une démystification
une dénonciation
des positionsde pèreet de mère(pp. 40-41) ; une miseen questionde l'assimilation du fonctionnement
psychiqueactuel à des lois éternelles
(p. 120). Cettedédonne à penserque L. I. postuleune oppressiondes femmesfondée
construction
sur une assise sociologique.Qui se concrétisedans Speculumpar le renvoià la
théoriemarxiste:
«... quelle infrastructure
économiquecommandela conceptiondu
rôlede la femmechez Freud ? Quitteà ce qu'il reprocheà celle-cison
sociales,culturelles,
manque d'aptitudes: sexuelles,psychologiques,
etc. Misogyniequi peut s'entendrecommecaution idéologiqueaux
de propriété
en vigueur.»
régimes
{Speculum,pp. 150-151)
De même,dansCe sexe qui nfenestpas un,Luce Irigaray
exposela nécessitéd'une
de
:
la
interrogation
psychanalyse
politique
«On n'a pas finid'énumérer
les questionsque pourraitse poserla psysexuel,impartià la femme,
chanalysequantau «destin»,en particulier
destintrop souventmis au comptede l'anatomie,de la biologie,qui
entreautreschoses,la fréquencetrèsélevée de la friexpliqueraient,
giditéféminine.
Maisles déterminations
de ce destinvaudraient
d'êtreinterhistoriques
reconsidère
les limitesmêmes
rogées.Cela impliqueque la psychanalyse
de son champthéoriqueet pratique,qu'elle s'imposele détourde
102
I'«interprétation»
du fondculturelet de l'économie,notamment
politique, qui l'ont, à son insu,marquée.Et qu'elle se demandes'il est
de la sexualitéféminine
tantqu'on
possiblede débattre,régionalement,
n'a pas établi quel futle statutde la femmedansl'économiegénérale
de l'Occident.»
(«Retoursurla théoriepsychanalytique»
,
in : Ce sexequi n'enestpas un,p.62)
Pourtantelle sembleoublierla plupartde ses critiquesaussitôtqu'elle les a formulées.Ceci tientà l'ambigui
té de sonprojet:
«... J'essaie,commeje l'ai déjà indiqué,de retraverser
l'imaginaire
commentil nous a réduitesau silence,au mumasculin,d'interpréter
etje tente,à partirde là et en mêmetemps,de
tisme,ou au mimétisme,
un espacepossiblepourl'imaginaire
féminin.»
(re)trouver
(«Questions», in : Ce sexequi n'enestpas un,
p. 159. Soulignéparmoi)
Ce projetprenden effetcommeévidencesdes catégoriesqui auraientdû, dansles
termesde Luce Irigaray,être soumisesà une interprétation
politique: F«imaginaire»,le «masculin»,le «féminin».En secondlieu, il s'enfermedans la seule
dimension
de l'idéologique(réduiteici en plus à un «imaginaire»)
; enfin,il annule
de l'oppression
la dimension
essentialiste
le
par une recherche
qui est précisément
ressortmêmede l'oppression.C'est qu'il manqueà L. I. d'avoirdébattu,en pro«du statutde la femmedansl'économiegénéralede l'Occident».
fondeur,
Je vaisessayerde montrer
commentl'ambiguïtéde sonprojetentraîneLuce
à une analyserestrictive
de notreoppression.
Irigaray
//.- LES "CONSEQUENCES" DU
FEMME N EXISTE PAS
PHALLOMORPHISME" : LA
• L'hystérie: mimeet faire-semblant
L'hommea donc constituéle «Logos» de façonà résoudrele problèmede
- la mortpar
son principe,laissantà la femmeles élémentsles plus inassumables
la
exemple(cf. Speculum,pp. 61-63). L'impassedans laquelle l'hommeenferme
femmedépossèdecette dernièredu langage,de son sexe, la produisantcomme
:
hystérique
«... ses pulsionssont,en quelque sorte,en vacance: noninvesties,
vraid'une «psychose»,ni dansl'auto-érotisme,
ment,dansla structuration
ni dansl'édification
d'unnarcissisme,
ni dansle désir,l'amour,pourson
l'avoir- fût-ce le détourde
premierobjet,ni dansl'appropriation,
- de sa sexualité,de son sexe, etc.Il par
la sublimation
ne lui resteque
La psychose? névrose? hystérique.
Surun suspens,dansun
l'hystérie.
ellefera«comme»on
suspens,de l'économiede sespulsionsoriginaires,
lui demande.«Commesi» elle faisaitce qu'on lui demandait.Maisun
ni vraiment
«comme»,«commesi», pour elle nonmaîtrisés,
ludiques,
mêmes'ilspeuventparfoisapparaître
tels(...)»
(Speculum,pp. 85-86)
Luce Irigarayreprendà son comptela théoriefreudienne,
et l'interroge
de l'intérieur.Elle reconstruit
le trajetpsychologique
imposéà la petitefillepourdevenir
103
: la femmeserait-elle
et cherchedes équivalencesconceptuelles-cliniques
franine,
?
?
comme
produite
psychotique mélancolique (Speculum,p. 78 sq.). Elle aboutit
à l'hystérie,
commeFreudet Lacan.Ce qui pose deuxquestions:
Io N'est-ilpas abusifde proposerune catégoriepsycho-pathologique
pourdéfinir
: assujettissement
de la filleà la
ce qui s'avèreêtreun cursuspsycho-sociologique
ne pouvoirdéfiniren termespsyféminité,
que Freud reconnaîtponctuellement
chanalytiques16?
2° Quel contenudonnerau conceptd'hystérie
? L.I. metla notionde «mime»au
centrede ce concept.Certes,le symptômehystériqueapparaîtcommela copie
- non conforme
- de symptômes
organiques,
qui meten échecle pouvoirmédical
de
le
est
Freud
courant
dansce sens).
(il
questionner symptôme
hystérique
depuis
Mais est-ceà direpour autantque la structure
donc
définirla
(censée
hystérique
?
soit
du
«mime»
se
alors
le «faire
sous
définirait
comme
femme)
l'égide
L'hystérie
la
femme
à
faire
ce
l'homme
semblant»: elle consisterait
attend,intégrapour
que
lement.Par exemple,l'analysteattend-ilde 1^ femmequ'elle éprouvel'enviedu
:
pénis,ellel'éprouvera
estparticulière«Bien sûr,ne négligeons
pas que la femme,
hystérique,
mentapte à la soumission,
la suggestion,
la fictionmême,en ce qui
de l'autre.[...] Donc elle dira,et redira,sa
concernele discours-désir
de l'organemâle(...)»
convoitise
(Speculum,pp. 64-65)
le trèstraditionnel
Luce Irigarayintègre,dans cette interprétation
de l'hystérie,
de
veut
schémade l'influence,
qui
qu'un rapport pouvoirs'appuiesurl'aptitudedu
la
à
dominé
faiblesse,l'aptitudedu dominantà la force.Posé de cettefaçon,le
conceptd'hystérie
permetde faireuneéquivalencecomplèteentre:
- la placeidéologiqueofferte
aux femmes
parles discours;
- la femmeen tant que «sujet» inscritdans une existencepsychiquesociale.
entièrement
la femmepeut se définir
Grâceau conceptd'hystérie,
parle disla
vide- se
femme
chose
coursde Freud,par exemple; il suffitd'admettre
que
lui
donne.
du
rôle
l'homme
remplit
que
CommentLuce Irigaraya-t-ellepu réduirela femmeà cet automate? La lecture des observations
de Freud sur les «hystériques»célèbresElizabethvon R.,
von
Dora...
ne
débouchepas surla conclusionque l'hystérie
estle mime
N.,
Emmy
obéissantet soumisau désirde l'homme.Les femmes
Freud
nous
que
dépeintsont
en
révolte
leur
Dora
contre
état
de
femme.
entre
n'était-elle
plutôt
autres,en
pas,
?
Freud
d'être
son
lui-même
a
été
rage
père
objet d'échangepour
obligé de le
relever!
«Lorsqu'elleétait exaspérée,l'idée s'imposaità elle qu'elle étaitlivrée
à M. K... en rançonde la complaisance
dontcelui-citémoignait
vis-à-vis
de sa proprefemmeet du pèrede Dora,et l'on pouvaitpressentir,
derrièrela tendressede Dora pourson père,la raged'êtreainsitraitéepar
lui.»17
16. Dans «Psychogénèse d'un cas d'homosexualité féminine»,Freud note : «Quant à
ressence de ce que, au sens conventionnelou au sens biologique, on nomme «masculin» et
«féminin»,la psychanalysene peut l'élucider ; elle reprendà son compte les deux concepts et
les met à la base de ses travaux» (in Névroses,psychoses et perversions,Paris,PUF, 306 p.,
(Bibliothèque de Psychanalyse); pp. 245-270.
17. SigmundFreud, «Fragmentd'une analyse d'hystérie(Dora)», in Cinq psychanalyses
Paris,PUF. 422 p. (Bibliothèque de Psychanalyse); p. 23.
104
?... Comment
Et n'a-t-elle
manifeste
pas abandonnéFreudà son incompréhension
oublierqu'Anna O. est devenue,malgréle «lâchage»de Breuer,et ses multiples
unemilitante
féministe
résolue? 1S
souffrances,
à la Loi
Freuda certesdépeintle «destin»de la femme: son assujettissement
patriarcale...mais il a été aussi obligéd'admettreque les femmesse révoltaient
contrecetteLoi, ne pouvant,vraiment,
«en avoirfiniavecleurcomplexede virilité
et acceptersansrancœur
...
touteslespossibilités
concevablesde leurrôleféminin»19
ceci dans la mesureoù «en tantqu'ellessontles porteusesdes intérêts
sexuelsde
l'humanité»,les femmes«qui peuventsans doute se satisfaired'un nourrisson
commesubstitut
d'unenfantqui grand'objetsexuel,maisne peuventse satisfaire
dit, les femmesdéçuespar le mariagetombentdans de sévèresnévrosesqui assombrissent
touteleurvie.»20
ne poserait-elle
L'hystérie
pas le problèmede l'impasseactuellede 1'«identité
sexuelle»? Les femmeshystériques,
la littérature
développelonguement
psychamanifestent
une
à
savoir
leur
sexe.
Certes.
Mais comment
nalytique,
impossibilité
en êtreautrement
pourrait-il
quand«êtrefemme»équivautà «menerune existence
?
de l'édificeet l'imposconfinée,dépendante» L'hystérierévèleles contradictions
sibilitépour les femmesà êtrece que l'on attendqu'ellessoient! L'hystérie
est
entrel'assujettissement
et la révolte.
En revanche,la définitionqu'en donne L. I. paraît bien restrictive.
Elle
sembleêtrepermisepar l'insuffisance
de son questionnement
à la psychanalyse
:
Freuda-t-ilpurement
et simplement
enfermé
la femmedansun discoursréducteur,
ou bien a-t-ilrenducomptede son aliénationau patriarcat
? Où est le truquageet
où est la description
du fonctionnement
? Questionsqui deactuel
psychologique
vaientêtreau préalabled'une étude surFreud.Car ellesengagentla constitution
d'unethéoriede l'oppression,
sanslaquelleune étude surla femmeest réductrice.
En fairel'économie,c'est courirle risquede redoublerimplicitement
les schémas
Dans
de
l'éclatement
la
réflexion
les
l'effritement,
oppressifs.
qui accompagnent
un
fil
directeur
est
Ce
L.
I.
semble
démystifications
idéologiques,
indispensable. fil,
à certains
moments
l'avoirperdu,entrefauteuilet divan.
• Le créditfaità Freudsous le couvertde son discrédit
AinsiL. I. répondà Freudsurle «moindresensde la justicedes femmes»que
celui-cipose comme une caractéristique
des femmes.Elle y répondcommes'il
d'une
évidence
:
s'agissait
«Pouren revenir
à la justice,au «sensde la justice»,on pourraitse demandercommentla femmey accéderait,vu son exclusionde la prasinonau titrede marchandise.»
tiquedes échanges,
(Speculum,p. 147)
1972).
18. Cf PhyllisChessler,Les femmeset la folie, Paris,Payot, 1975 (édition américaine:
19. SigmundFreud, «Analyse terminéeet analyseinterminable»,inAuswahl aus Freud's
Schriften,Wien, Zurich. Psvchoanalvtischer
Verlaß,oo. 403-427 : citationextraitede la o. 426.
20. Sigmund Freud, «La morale sexuelle civiliséeet la maladie nerveusedes temps modernes»,in La vie sexuelle,Paris,PUF (Bibl. de Psychanalyse),pp. 28-46 ;p. 39.
105
Or il auraitété plus
L. I. acceptele faitavancépar Freud,et s'essayeà le justifier.
et
Freud
sur
le
d'interroger
conceptde justice,que sa
expéditif plus pertinent
théorien'a jamais développé,et de montrerque son assertionreposaitsurune
La malveillance
raillerie
grossière
misogyne.
qui percedans lesproposde Freudest
surle tissage,seuleinvention
des femmes,
censé
la mêmequi impulseses réflexions
un truquage
constituent
cacherleuramoindrissement
anatomique! Ses remarques
socialeen la posantcommeconséquenced'uneanomaqui invalideune réalisation
lie anatomique(ce qui est une conceptionnormative
sans grandintérêt).et, qui
que
plus est,commeunique(ce qui est faux: les femmesont créé des inventions
ou qu'ilsontniéescommeinventions...).
leshommesse sontappropriées,
de façoncontradictoire.
de considérerla psychanalyse
convient-il
Peut-être
lui donneren regardde l'oppressiondes femmes? L. I.
Quel statutpourrions-nous
ne parvientpas à répondre.Parfoisses critiqueslaissentcroire
manifestement
qu'elle pose les assertionsde Freud commedes inventions
(exemple: le désirdu
intéMais
à
d'autres
moments
elle
sembleadmettre
les
femmes).
éprouvé
par
pénis
D'où ses remarquespessimistessur
gralementles hypothèsespsychanalytiques.
l'hystérie.
*
Trois types d'approche,dont la distinctionest essentielle,me semblent
possiblesdansla théoriefreudienne.
Première
approche
à partird'unmatéLa psychanalyse
traceune théoriegénéraledu psychisme
rielcliniquemixte(hommes,femmes).Cettethéorie,qu'on peutposercomme«méétablitles lois du fonctionnement
ta-psychologie»,
psychiqueet leurmodede structuration: dimensions
de
consciente,inconsciente,
; problématique
préconsciente
la pulsion; fonctiondu symptôme; structure
du désir...Que notons-nous
alors?
Que l'appareilpsychiquen'a pas de sexe.
Deuxièmeapproche
La psychanalyse
établitune théoriede la «culture». Freuddécritla structure
le
de l'ordreculturel,nouslivrantainsi
et
fonctionnement
(patriarcale)
(répressif)
une sortede reconstitution
de l'organisation
de la société.Il
symbolique
patriarcale
le
domaine
de
la
sexualité
est
celui
sur
la
«culture»
pose que
lequel
s'étaye,exide
l'individu
un
de
renoncement
de la vie
restriction
geant
(prohibition l'inceste,
du
Père.
L'ordre
Loi
culturel
à
la
et
un
la
sexuelle)
impose catégorie
assujetissement
du «Manque»,différenciant
sexe masculin/sexe
féminin.Il «châtre»la femmeet
faitaccéderle phallusau rangde symbole(le symbolecommemeurtre
de la chose).
Cettedifférenciation-hiérarchisation
assurele roulement
de la structure
patriarcale
(par l'existenced'unecase videqui rendpossiblele jeu deséléments)etjustifieson
fonctionnement
une divisiondes tâches
oppressif: elle soutientidéologiquement
de la femmepar
qui pose la femmeen dehorsdu circuitsocial,une appropriation
l'homme.
La psychanalyse,
dontle matérielcliniquese constituedes positionssubjectivesdes individus,
rendcomptedu cursuspsychologiqueque suit l'enfantpour
Elle décritdes
acquérirson identitéd'adultesexué,et soumisà la Loi patriarcale.
106
en différenciant
filleet garçon,chacun devantse
processusd'assujettissement,
couler dans la place que le patriarcat,dis-je,l'anatomie,dit Freud,lui donne.
débordesanscesse du cadred'un constatlimitéà uneorgaLa psychanalyse
un dogmenaturaliste.
nisationsocio-culturelle,
Pourtant,à utiliser
pourconstituer
on parvient
le caracà comprendre
malgréellesles constructions
psychanalytiques,
tèreaiguque prendla démarchede différenciation
sexuelledansla sociétépatriartrèsambiguëde
cale. Ceci permetde rompreavec la notionpsychosociologique
et d'évidence
«rôle»,qui ne rendpas comptedu caractèrede violence,d'inéluctable
le processusde l'identification
sexuelle.
que prendchezles individus
nousmontredonc que la «différence
des sexes»
Malgréelle,la psychanalyse
et prendresenspsychiquement
ne peut s'instaurer
la
et
violence,
que par
que son
caractèred'inéluctablelui vientde son amalgameavec des problèmeshumains
fondamentaux,
par la confusionsignalante- identitésexuée.Les ressortset les im:
méritent
d'êtreapprofondis
plicationsde cetteconfusion
L'enfantestconfronté
à la symbolique
dès lorsqu'il estprisdans
patriarcale
les réseauxdu langage.Un certainnombrede constructions
lui sont
imaginaires
et orimposées(théoriessexuellesinfantiles,
Oedipe,castration)qui médiatisent
donnentson approchede la réalitésexuelle.La notionde «Différence
des sexes»
tientune place centraledans ce défiléfantasmatique.
Elle est imposéeà l'enfant
comme:
10étantd'ordrenaturel;
2° appelantunehiérarchie
;
3° indispensable
pouracquérirune identité.
de forcedansle psychisme
Elle est en quelquesorteintroduite
de l'enfant,
et
lui faitconcevoirles sexesféminin
et masculincommeradicalement
opposés le
sexeféminin
comme«rienà voir»,le sexemasculincomme«toutà voir».
L'enfant,dont la questionde l'identitésexuellene se pose pas de prime
abord,réordonneaprès-couptoutesles expériencesde manquequ'il avaitfaites
D'où la place centraleque tientau planpsyavant,sous le primatde la castration.
cette
introduction
de
la
sexuelle.Car la psychéne peutétachologique
différence
blirun fonctionnement
vivableque dansla mesureoù elle inclutla dimensionde
estantil'objetséparédu corps,de l'Autreséparéde soi. Tout processusfusionnel
de
la
constitution
d'une
le
fonctionnement
nomique
singularité,
parquoi
psychique
à contester
cela.
prendsens.Nulne songerait
Mais la psychanalyse,
dont les réflexionssont sous-tendues
par un «socle
commun
aux
sciences
fait
la
de «Difsienne
notion
humaines,
épistémologique»
férence»dontle fondement
estla hiérarchie.
Parlà même,et dansla mesureoù elle
ne peut dissocierle fonctionnement
psychiquedu fonctionnement
symboliquede
- commele faitce mêmesystème
la «culture»,elle est contrainted'amalgamer
- séparation
• pertede l'obsymbolique- le paradigme«Singularité
indispensable
- Primatdu phallus».
jet» et le paradigme«Identité-Différence= Hiérarchie
11y a effectivement
unfatum21de l'êtrehumain,dontla perte,le manque,
la brisuresontles pointsprincipaux.
Mais le roc de la mortn'a pas le mêmestatut
21. Quel mot trouveren françaispour dire le caractère inéluctable de la mort,destin
tragiqueet fatal?
107
les amalgame-tque le roc de la castration.Pourquoila théoriepsychanalytique
elle ? Sans douteparcequ'elle réfèreà ce que, fautede mieux,j'appelle^ordonnancement
patriarcal»qui met en avantla dimensiondu sexe,maisen la posant
simultanément
commedimensioninterdite.
Cet ordonnancement
pose les hommes
et les femmescommedifférents
l'homme
comme
(c'est-à-dire
«positif»,la femme
comme«négatifdu positif»),et étendla dimensiondu sexe à l'universentier: le
sexe est partout,maisles rapportssexuelsimpossibles.
Ce qui coincideadmirablementavec l'impasseactuelledes rapportshomme-femme
du
que la psychanalyse,
faitde sonobjet,ne peutmanquerde décrire.
Dans le cadreactuel,se constituer
une identitéc'estdoncacquérirune identité sexuée,c'est-à-direintégrer
la différence,
ou encorereconnaître
la castration
commemenacepourles garçons,commeréaliséepourles filles.L'effetde violence
aux individusd'êtrepoussésà leur
psychiquequ'exercece systèmedoit permettre
place,et d'y êtremaintenus.
A mon sens,la psychanalyse
n'a pas inventéla structure
patriarcaleet son
incidencesurla subjectivité.
Il semblebien que notresystème
psychiquesoitici et
maintenant
ainsi.Le problèmeque pose plutôtla psychanaappelé à fonctionner
en «conceptiondu monde»et qu'ellejuge
lyse apparaîtquand elle se transforme
inéluctablece qu'elle constate.Car, par ce jugement,elle distordle sensdu matérielparlantqu'ellerecueille.22
- bon an, mal an - nous enseigne,
Si l'on résumece que la psychanalyse
on peutdire: il n'y a pas de différence
des sexesanatomiquequi soitpremière,
ou
de l'ordredu sensible.Il y a une anatomieque l'enfantsymboliseen fonctiondes
- hiérarchie.
schemesimaginaires
qui lui sont imposés,schemesde la Différence
Dans un systèmesymboliquenonpatriarcal,
la dimension
du sexeseraà «sa»
des individusne se résumera
place. La singularité
pas à leuridentitésexuelle.D'ailleursla psychanalyse
nous enseigneaussique dansle cadreactuella fusionsingusexuéen'estpas totale: dansles toutpremiers
larité/identité
tempsde la vie,l'enfantse constitueen sujet autonomeen dehorsde toute référenceà son sexe
anatomique.23
Troisième
approche
Enfinle discourspsychanalytique
un portrait
fournit
de la «femme»
. La femme y est décritecommemarginale,
Mais aussi
inconnue,continentnoir,mystère.
22. Ainsi la psychanalysteEugénie Lemoine-Luccioni dans Partage des femmes (Paris,
Seuil, 1976, coll. Le Champ freudien)élabore une constructionthéorico-cliniquequi part du
constat d'un «état de crise» aujourd'hui,des «plaintesdes femmes».Elle note : «Aussi ne pouvais-je manquer au point présent d'une réflexiongui traversele champ freudien,de m'interroger,moi femme,sur le «que veut une femme»,même si je cours le risque de découvrirqu'elle
veut justement disparaîtrecomme femme» (p. 10). Mais devant cette question capitale, elle
refusede pousser jusqu'au bout la logique du «risgue» et refermevite la brèche en figeantle
fonctionnementactuel dans l'Eternité: «Aucune revolutionsexuelle ne fera bouger ces lignes
de partage,ni celle qui passe entrel'hommeet la femme,ni celle qui divisela femme»(p. 9), et
en s'en tenant à l'incertitude: «... il est bien vrai que la femmese trouveprise dans des paradigmes et systèmesde représentationsvirils.Mais je n'en conclus pas qu'elle ne devraitpas y
êtreprise.Je n'en sais rien». Luce Irigaray,au contraire,pose cette nécessité.
23. D.W. Winnicott,«Objets transitionnelset phénomènes transitionnels»,in Jeu et
réalité, Paris, Gallimard, 1975 (Connaissance de l'Inconscient). Winnicott,qu'on ne peut suspecter de féminisme,a noté que la constitutionde 1'«espace transitionnel»se faisaitsuivant
les mêmes lois chez garçons et filles : le choix de l'objet est indifférent; et les modalités de
son apparitionsont fonctiondes rapportsde l'enfantavec son objet primordial- la mère,qui
peut n'êtrepas biologique.
108
commeinférieure,
irréductiblement,
névrosée,dépassive,masochiste,
narcissique,
bile mentale,egoiste,acariâtre,castratrice...
bref,puisquele primatphalliqueordonnetout,... châtrée.Cettedescription
de «la femme»que Freuddéveloppedans
ses articlessur la sexualité«féminine»,
est un grossier
tissuoù se nouentdes élémentstirésde la théoriede la culture,des constatsissusde la pratiqueanalytique
et des stéréotypes
traditionnels.
(érigésen lois normaleset normatives),
misogynes
Maiselle intègretrèspeu la théorisation
dite
proprement : d'où ses
psychologique
contradictions
ses
son
de
inexactitudes,
flagrantes,
manque rigueur.
de la femmequi a été retenuede l'œuvre
C'est pourtantcette description
Et pourcause : ce portraitde femmeest intégralement
freudienne.
inscritdansle
En
de déchiffrer
il
la
femme
sous
couvert
différencie
effet,
et,
systèmepatriarcal.
son «mystère»,
sa «spécificité»,
il l'englobedansun discoursréducteur,
naturaliste,
.
normatif
etpéjoratif
comme
«femme»
la
définit
qui
uniquement
Ainsicettethéoriefaitd'unepierredeux coups : ellejustifiel'oppression
des
femmes(qui se voyaitdénoncéeau débutdu XIXème)et l'asseoitde façoninéluctable ; elle occultece que parailleursla théoriepsychanalytique
à savoir
démontre,
la
n'est
la
femme
être
femme
seulement
rendu
et
elleest
que
pas
marginal inférieur,
aussil'individu)
'général
*
Luce Irigarayest victimede ce subterfuge
idéologique.Elle occulteque la
différence
des sexes n'ordonnepas dans son entierl'ensemblede la théoriefreudans le portraitde femmeque Freuda peinten surimpresdienne,elle s'enferme
sionsurune toilegénérale,elle prendcettetoilecraqueléepourune œuvred'artet
conclut: la femmen'existepas :
«La femme,
commetelle,ne seraitpas. N'existerait
pas,si ce n'estsurle
modedu PAS ENCORE (de l'être).»
(Speculum,p. 207)
Ce constatd'inexistence
(qu'elle nuanceun peu dansCe sexe qui n'en estpas un,
maisen gardantles mânes prémisses,
ce qui aboutitsensiblement
aux mêmesconclusions: j'y reviendrai)
non
seulement
sur
l'«être»
de
la
femme,maisaussi
porte
sursespossibilités
de transgression.
• L'invalidationdu féminisme
La femme,êtrefalotdépossédédu langage,sembleà Luce Irigaray
incapable
de formuler
:
unecritiquerecevabledu patriarcat
«Car si l'affranchissement
sexuel est une revendication,
notamment
«féministe»,dont les termessont parfois,souvent,maladroitement
posés, mal évalués, trop peu élaborés,donnantprise à la dérision
- ironiefacilepour qui disposedu langageet n'a
pas à en acquérir
l'usagepour,ensuite,le subvertir
(...)»
(Speculum,p. 148)
Cettecritique,qui insistesurl'insuffisance
et la maladresse
des discoursféministes,
commeréférence
normative
l'homme(sa dérision,
sonironie).
prendexplicitement
109
selon
idéepessimiste
Elle sembles'étayersurune idée de l'oppressiondes femmes,
Or
assertion
cette
ne
du
femmes
les
langage
s'exprimer.
pour
disposent
pas
laquelle
est fausse.La femmea toujoursparlé et penséen mêmetempsque l'homme,de
mêmequ'elle a participéà l'histoire.Mais elle a été excluedes discours,rayéedes
archives.Ceci sous deux formes: soit il lui a été impossibled'occupercertaines
a été tue,niée.24
effective
places; soitsa participation
Au furet à mesurequ'ellesaccèdentaux placesde modalitésénonciatives
(ce
cette
cet
les
femmes
mettent
à
car
leur
est
enfouissement,
diffìcile,
barré),
jour
qui
du maladroit
de leurexistence.Telle est une des activités
rature,cetteinvalidation
féminisme...
Luce Irigaraycomplètesa critiquedu féminisme
par une réflexionsur les
:
le
censées
guider
perspectives
politiques
de ses méde ce qui lui revient,
l'inconscience,
«Et, dans l'ignorance,
éventuellede son rôledansl'éconorites,de sa valeur,de la spécificité
mie des échanges,la femmene pourraqu'« envier»,et réclamer,des
pouvoirségaux,ou «équivalents»,à ceux des hommes.Moment,sans
où elle se représentera)commeassujettie,
doute inéluctable,
victime,
du narcissisme
reversde fortune,
pénien,dans le seul but de s'emparer
simde tels privilèges.
sexuellesqui renverseraient
Révolte,révolution
un éternelretourdu
plementles choses,et qui risquentde perpétuer
même. Ainsi,Freud a-t-ilde quelque façon raisonde contesterles
à ceciprèsque les raisonsqu'il invoquesontcontestables,
«féministes»,
de l'importance
de la question.»
de sa méconnaissance
et témoignent
(Spéculum,p. 148)
du phalloainsisans le savoirqu'à une perpétuation
ne viseraient
Les féministes
les choses(que de luttes,de bataillessont
centrisme; en renversant
simplement
de leurvaleurellesmèneraient
condenséesdansce «simplement»
!), inconscientes
une luttecondamnable- par Freud,Luce Irigaray- du faitde leurméconnaisle primatdu Même.
sanceconcernant
L'antiféminisme
qu'exprimeici Luce Irigaraysemble se soutenird'une
théoriede l'aliénationdes femmes- qui invalideleurrecherche
pour insuffisance
le féminisme
concernant
de penséeet de langage; d'une opinion/préjugé
(préjugé
de libérationsexuelle ; or le féminisme
et revendication
qui assimileféminisme
dénoncela répression
sexuellecommel'un des domainesde l'oppression: il ne se
:
du phallocentrisme
de la destruction
résumepas à cela) ; et d'uneproblématique
redonneraux femmes
le primatdu Mêmeet rétablirla Différence,
il fautdétruire
leurvéritablevaleur.Tripleapprochequi pose Luce Irigarayhors du groupedes
- inconscientes
femmes- qui ne saventpas manierle langage-, loindes féministes
de lutte-, prochede Freudmaisplusclairde leurvaleuret de leursperspectives
voyanteque lui.
• Théorieoppressiveou théoriede l oppression?
ne fournit
Luce Irigaray
qu'unereconstipas tantune théoriede l'oppression
offreaux femmes.
Elle ne
tutionde la place idéologique«femme»que le patriarcat
24. Par exemple, on est seulementen trainde découvrirmaintenantdes écritsde femmes
féministesou de femmesrévolutionnaires: ces écrits n'étaientpas compris dans les archives,
dans l'histoiretelle qu'on nous la narreà l'école.
no
nous décritpas ce que les femmes
sont,carlesfemmesne sontpas l'objet«femme»
du discoursmasculin: on ne peutconfondre«la femme»que décritl'idéologieet
les femmesdansleurexistencesociale.L'imagede la femmeque tracele discours
des femmes.
ne rendpas comptede la réalitépsychique-sociale
n'a-t-elle
demander,
Mais,pourrions-nous
pas retracéla sériede violencesque
: mêmesi
attend? Nullement
subitla fillepourdevenirla femmeque le patriarcat
- de l'investissement
l'on se place du strictpointde vue psychologique
imaginaire
des sujets,de leurspositionssubjectives
-, on ne peutconcevoirl'assujettissement
la
commedéfinissant
et sanscontradiction
intégralement
idéologiqueà la féminité
de
sans
de
celle
des
femmes.
C'est
doute
la
notion
«division»
à
«psyché»
qu'à
plus
l'aliénationdes femmes.25
«totalisation»qu'il fautfaireappel pour comprendre
Le dangerdu discourspsychanalytique
(et de sa praxis)estde donnerà croire
la
castration
définit
les
résume
leurexistencepsychique.Or le fantasfemmes,
que
me de la castrationestune violencefaiteaux femmes,
qui tendà briserleuridentià
comme
tètre
leur
«femme= châtrée»pour
le
fication
général»,
imposer signifiant
se définir.
à
du
l'envie
elle
n'est
rien
d'autre
dansles
Quant
pénis,
que l'expression,
termesimposéspar la symboliquepatriarcale,
du désirde la femmeà êtreautre
choseque «la femme»(femme= châtrée).Cela ne signifie
«êtrecommel'homme»
la
dans
mesure
où
sociale
confondle généralet
que
l'organisation
androcentrique
le masculin.
La femmeestproduitecommedivisée,dédoubléesurle planpsychique: elle
est à la foisla mêmeet l'autre.Pourcomprendre,
décrirecettedivisionsansêtre
victimedu psychologisme,
il convientd'établirune connexion(pour le moment
et non explicative: les hypothèses
mécanistessontsi stériles)entre
métaphorique
les registres
et
psychologique sociologique.
Considérons
par exemplele statutde la femmedans les discoursthéoriques.
On s'aperçoitque la catégorie«femme»introduit
un forçagede la différence
qui
tendtrèsprécisément
à exclureles femmesdu généraloù ellesétaientinséréesde
fait.Tout se passecommes'il y avaitun truquagequi produitune mystification
:
celle de donnerà croireque les femmessontailleurs,de parleurnaturede femme
ailleursque dans le langage,ailleursque dansla
(ailleursque dans la civilisation,
ailleurs
dans
la
des sexes,
pensée,
sexualité...).Parl'accentmissurla différence
que
les discourssemblent
les
sont
:
«ailleurs»
dans
le
d'une
poserque
femmes
registre
nature.26
Or les femmessont bien,d'une certainefaçon,plongéesdansun «ailleurs»,
maisdansun ailleursqui ne doit rienà la nature: ellessontintégrées
dansle mode
de production
dont
elles
assurent
la
Et
c'est
patriarcal,
reproduction.27
précisément
en ceciqu'ellesne sontpas ailleursque dansla société,maisbiendansla société.Cefournies
pendant,pour fairece constat,il fautsortirdescatégories
analytiques
par
25. Ceci est l'objet d'un travailen cours. La question se pose en effetde savoirquelle
place le langagelaisse et donne actuellementà la catégoriede sexe, en quoi le processusd'identificationsexuelle peut s'instaurersur un mode contradictoire,si l'androcentrismedu langage
permetune possibilitéde i eu.
26. Cf. Nicole Claude-Mathieu,«Homme-cultureet femme-nature?», L'Homme, XIII
(3), juil.-sept. 1973, pp. 101-113 ;et «Paternitébiologique,maternitésociale... De l'avortement
et de l'infanticidecomme signesnon reconnusdu caractèreculturelde la maternité»(Toronto,
1974), in : Andrée Michel (ed.), Femmes, sexisme et sociétés, Paris, PUF, 1977, pp. 39-48.
21. Cf. ChristineDupont, «L'ennemi principal», in Partisans,Libération des femmes,
année zéro, Paris,(PetiteCollectionMaspero,n° 106), pp. 112-139.
Ill
la sociologieet l'économieclassiques28
; ces deux disciplinesignoranten effetle
la «totalité»de la sociétéqu'ellesthéorisent
estune
mode de productionpatriarcal,
sontabsentes.
totalitéoù les femmes
Les femmesne sontdonc pas excluesde la réalitédu «général»social,mais
désole discoursdominant.
Cettereprésentation
de la représentation
qu'en fournit
cialisel'existencedes femmesparle biaisd'un forçagede la notionde «femme»enDe ce fait,plus «la femme»existe,
tièrement
définiepar des critèresnaturalistes.
leur
moinslesfemmesexistent: plussontlimitéesleursactivités,
plusestrestreinte
sont
leurs
existenceà la seuledimensionfamiliale,
corps,plus est
plus
appropriés
La
difficulté
limitéeleur autonomieindividuelle
corporelle.29
pour nous est d'afNotre
différentielle.
sanssombrer
dansla mystification
firmerla réalitédes femmes
de l'exploitationspécidémarchedoit engloberdans le mêmetempsla révélation
de leur existenceen tantqu'individus«généfique des femmes,et l'affirmation
raux», dès à présent.
La femmeest donc produitecommedédoublée: individusocial,elle accomdes
tâches,elle a une existence; «femme»,elle mène une vie prétendue
plit
naturelle
pourle comptede sa famille.Maisil ne s'agitpas de direque cettedivision
dansla
opposele concretet l'idéologique.Carla notionde «Femme»estimbriquée
dans le cerclefamilial,et
matérialitéde l'existence: les femmessont enfermées
L'ordinationpatriarcalen'est pas seulementidéologique,
travaillent
gratuitement.
elle n'est pas du simpledomainede la «valeur» ; elle constitueune oppression
matérielle
spécifique.Pourrévélerson existenceet mettreà plat ses rouages,il est
de dénoncerle faitque
l'idée de «femme»,c'est-à-dire
nécessairede déstructurer
à des finsoppressives.
la catégoriede sexe a envahides territoires
gigantesques
c'est le signifiant
«femme»qui doit résumer
Au plan psychologique,
pourla
dans son système
femmel'ensemblede son existence.Le forçagede ce signifiant
aux schemesde la symbolipsychiqueest rendupossiblepar son assujettissement
Cursusqui tendà annihiler
l'individuau profitde la seulefemme.
que patriarcale.
en négatifde l'homme,
Et dontle paradoxeestd'imposerà la femmeune définition
: commel'«en
L'«en trop» de femmene se définitque négativement
réfèrent.
de conde domination,
moins»que l'homme.Il y a là une surenchère
productrice
et sourcede malaise(l'hystériquequi, dit-on,ne saitpas quel est son
tradiction,
les féministes
sexe !) ou de révoltechezles femmes
(les homosexuelles,
qui refusent
la possessionparl'homme).
lescadresdu patriarcat,
de remarquer,
Les femmesne peuventmanquerde relever,
que ce n'estpas
C'estpourdes sexesqui ordonnele systèmepatriarcal.
une «véritable»différence
actuellementde promouvoirleur spécificité,d'établir
quoi elles revendiquent
resteprisonnière
VRAIMENTla différence.
Maiscettedémarche(protoféministe)
du schémapatriarcal,
puisqu'elleocculteque la femmen'estpas que la femme.Il
est aussiabusifde définirla femmepar l'hommeque de postulersa radicaledifférenceaveclui.
28. Cf. ChristineDelphy, «Le classementdes femmesdans les études de stratification:
une manœuvrepour masquer leur classe réelle» (Toronto, 1974), in : Femmes, sexisme et
sociétés,op. cit., pp. 25-38.
29. Cest pourquoi toutes les femmes(quelle que soit leur classe sociale) subissentla
mêmeoppression,avec bien sûr des variationsdans les modalités.
112
Les femmesexpérimentent
toujoursà certainsmomentsde leurvie que la
«féminité»est une mascarade.Ce vêtement
qu'ellesdoiventendosserse mue souD'où les «plaintesdes femmes»,leur«insatisventen une carapaceinsupportable.
Commentne pas évoquer1'«Amour»,censérégir
faction»,leursrécriminations»...
la totalitéde leurexistence: n'est-cepas pourl'amourd'unhommequ'ellesdoivent
devenirépousessoumises,désirables,dévouées,et mèresde familleoblatives? Ce
«Amour»qu'elles ont associé à celui de «femme»,et dans lequel elles
signifiant
tendentà se perdre.Quête d'un absolu, d'un impossible.Epure de l'aliénation
qu'ellespoussentparfois
jusqu'au sublime,
jusqu'à la folie.30
La femmea doncuneexistencepsychiquesoumiseaux loisgénérales
du fonctionnement
Elle
elle
elle
elle
désire.
Mais
son
rêve,
assujetpsychique. parle,
pense,
au signifiant
la confronte
à la symbolique
«femme»
tissement
, l'induisant
patriarcale
à se sentirtoujours,quelqueparten elle,indigne.Indignede parler,de penser,de
rêver,de désirer...en dehorsdu lieu où son existenceest nécessaire: lieu familial,
n'estpas
topiqueamoureuse...Et ce qu'elle a pu élaborerdanscet espacerestreint
rien.Nous ne pouvonsni le nier,ni le réifîer
commerelevantde l'éternelle«féminité».
Dire que la femmen'existepas, c'est donc produireun constatfalsifiéde la
réalitépsychologique
et sociologiquede la femme.Car avoirune existenceexploila soufnullement
ne pas être.Subirune divisionqui engendre
tée,cela ne signifie
en aucunefaçonne pas être.
cela ne signifie
francepsychique,
La femmeexistetrop en tantque signifiant.
La femmeexistetropen tant
Le
le
qu'individuexploité,assujetti. «pas assez», «pas encore»se situentnon pas
du côté de l'«être» de la femme,maissurle versantde l'autonomiematérielle
et
des
Ce
de
femmes.
ne
se
construire
dans
une
psychique
qui peut
problématique la
de l'ineffable.
Différence.
Ni dansuneprospective
• Unepriseen comptede la contradiction?
Luce Irigaray,
dans Ce sexe qui n'en estpas un, pose à plusieursreprisesla
de
si
savoir
la femmese réduità cettefonctionde mime(d'inexistente)
question
être
la
sienne.
: elleengageunethéorie
Cettequestionestimportante
qu'ellepostule
de l'oppression.L. I. proposedans sondeuxièmeouvragedes énoncésqui semblent
moins sommairesque ceux assénésdans Speculum,et paraissentintroduire
une
:
dans
un
de
contradictoire.
N'écrit-elle
ses
articles
analyse
pas
«... si les femmesmimentsi bien,c'estqu'ellesne se résorbent
pas simplementdans cette fonction.Elles restentaussi ailleurs: autreinsistancede «matière»,
maisausside «jouissance».»
subordination
du féminin»,
(«Pouvoirdu discours,
in : Ce sexequi n'enestpas un,p. 74)
De même,ellepose l'ambigui
:
té de l'hystérie
«Mais cette «pathologie»est ambiguë,parcequ'elle signifie
aussibien
la réserved'autrechose.Autrement
dit,il y a toujours,dansl'hystérie,
à la foisunepuissanceen réserve
et unepuissanceparalysée.»
(«Question»,in : Ce sexequi n'enestpas un,p. 136)
30. Le sublime de MargueriteDuras dépeignantla quête impossiblede l'absolu Amour
(Le ravissementde Loi V. Stein, Gallimard,1964 , rééd. 1976, coll. Folio, n° 810) ; la folie
d'Emma Santos (J'ai tué Emma S, Ed. Des Femmes, 1976) ; celle de JeanneChampion(Le cri,
Paris,Juilliard).
113
demeure,qui tientau naturalisme
Cependant,la mêmeambiguïtéfondamentale
En
L.
de
effet,
sous-jacent l'investigation
quand I. pose la questionde l'existence
actuelledesfemmes,
elley répondparun appelaux essences:
«... si les femmespeuventjouer de la mimesis,
c'estqu'ellespeuventen
le fonctionnement.
réalimenter
Qu'ellesen ont toujoursnourrile fonc? Le «premier»enjeude la mimesisn'est-ilpas de re-protionnement
? Garduire(de) la nature? De lui donnerformepour se l'approprier
diennesde la «nature»,les femmesne sont-ellespas ceñes qui entretiennent,
donc, la ressourcede la mimesispourles
qui permettent
hommes? Pourle logos?»
du féminin»
subordination
(«Pouvoirdu discours,
in : Ce sexequi n'enestpas un,p. 74)
L'appel aux essenceset à la natureconstitueun «pointaveugle»à partirduquella
boucleoppressive
va se refermer
surLuce Irigaray.
Traitantl'existenceactuellede
la femmecommeun pur néant,elle va chercherun «avanttoute déformation»,
c'est-à-dire
uneessenceféminine.
L'absencede théoriede l'oppression,
la croyanceen l'inéluctable
et l'irréductiblede la Différence
de la notion
l'inflation
sexuelle,la réductionpsychologique,
de «femme»qu'on trouvedansl'investigation
de Luce Irigaray,
ne peuventque débouchersur cette rechercheessentialiste.
Dans le vide laissé par le constatde
de la femme,L. I. va édifierune conception«nouvelle»de la femme.
l'inexistence
sans
Conception
surprise,
puisqu'ellene peut que projeterdansl'inconnule trop
connude l'idéologiemisogyne.
///.- LA NOUVELLE NEE : L'ETERNELLE FEMININE.
Luce Irigaraypostule que la femmen'existepas encore.Contrairement
à
a
ou
moins
le
résolu
de
la
femme
l'homme,qui plus
problème son principe,
la formede son désir,méconnaîtrait
la densitéde sa différence.
L. I. inignorerait
la
femme
dans
sa «spécificité»,
c'est-à-dire
danssoncorps.
terroge
• L'obscurité,l'ineffable,
la syntaxeféminine
Luce Irigarays'essayeà décrirela tentativede sortiede la femmehorsdu
«Logos masculin».Cettepercéedans le royaumedes Idées ne peut qu'êtreabstraiteet obscure,limitéeà desjeux de mots:
«Percée,aveugle,de la chambreferméedu philosophe,de la matrice
où il s'estcloîtrépourclairement
le tout.Echapconsidérer
spéculative
pée de l'«âme» horsd'elle qui pratiqueune antr'ouverture
par où elle
se pourra(re)pénétrer.
Effraction
de sa paroiclôturante,
transgression
de la/sa distinction
entrededans/dehors.
Ex-stasesdanslesquellesbientôt elle risquede se perdre,ou du moinsde voirs'évanouir
l'assurance
de son identitéà elle (comme) même.Sans doutecela ne se ferapas
d'un coup, emprisequ'elle est déjà dansdesreprésentations
et envelopet chaînesdiversesqui la
pementsmultiples,dans des configurations
114
de ce
reconduisent
partieaprèspartieà son unité.A la ressemblance
»
danssa forme,ou substance,
propre.
qu 'elleseraitidéalement
(Speculum,pp. 239-240 ; soulignéparmoi)
Les ex-staseset les antr'ouvertures
de nous plongerdansune rêverie
risqueraient
à ce qui donnetout
particulièrement
enveloppée...si nousne prêtionspas attention
sonsensà cettephrase: la «forme»,la «substance»«propre»de la femme.
à décrire,la poétiquede l'enveloppement
L'impossibilité
qui sourddansle
textejouentde façoncontradictoire.
Pourune part,ellessemblentrendrecompte
des difficultés
la femmedanssa transgression.
Mais,de l'autre,elles
que rencontre
aboutissentà une pétrification
où aucunelutten'estexprimable.
L'échappéehors
du royaumedes Idéesesttoutentièreplongéedansl'ineffable
:
«Ce qui est attendun'estni un ceci, ni un cela, pas mêmeun ici non
Mieuxvautdonc
plusqu'un là. Sansêtre,nitemps,ni lieux,désignable.
se refuser
à toutdiscours,
se taireou s'entenirà quelqueclameursi peu
articuléequ'à peine elle formeun chant.Tendantaussi l'oreillevers
toutfrémissement
un retour.»
annonçant
(Speculum,p. 241)
Ineffablede la «syntaxeféminine»: la femmepourraiten effetdisposerd'une
avec son sexe, que L. I. auraitcommencéà dévesyntaxepropre,isomorphique
dans
son
Speculum.
lopper
Ce qui ne laissepas d'êtregênant,c'estque la revendication
de l'ineffable
s'ac- pour qui en parle- de quelquechosecommed'une
compagnenécessairement
«entourloupette
théorique»:
«Prétendre
que le fémininpuissese dire sous la formed'un concept,
c'est se laisserreprendre
dans un systèmede représentations
«masculin», où les femmesse piègentdansune économiedu sens,qui sertà
l'auto-affection
du sujet(masculin).S'il s'agitbien de mettreen cause
la «féminité»,
il ne s'agitpas pourautantd'élaborerun autre«concept»
- à moinspourune femmede renoncer
à sonsexeet de vouloirparler
commeleshommes.»
(«Questions»,in : Ce sexequi n'enestpas un,p. 122)
Le refusdu termede conceptappliquéau féminin...
qu'est-ild'autrequ'un travail
?...
et
comment
se
formuler
hors
du conceptlui-même
?31
conceptuel
pourrait-il
sexe...
avec
son
en
c'est
effet
comme
statue
la
femme
est
Isomorphisme
que
le mieuxdescriptible.
Statuemuettesoumiseà nos regards,
statue-momie
donton
développelesbandelettes,
corpsjaugédanssa «spécificité»...
• La femmeincomplète
Luce Irigarayn'estpas, poursa part,pétrifiée
Et le lieud'où
par l'ineffable.
ellenousdécritla femmen'estpas «neutre»:
«Or la femmen'estni ferméeni ouverte.Indéfinie,
la
infinie,
in-finie,
maispas plusuneunité:
formene s'y achèvepas. Elle n'estpas infinie,
nombred'une série,nom propre,objet unique(d'un)
lettre,chiffre,
monde sensible,idéalité simple d'un tout intelligible,
entité d'un
31. De plus, on pourrait s'interrogersur la portée politique de la reprisede certains
themesphilosophiquescomme la «perte du sens», la «polysémie», le rejetdu termede concept,
à la mode dans certainscerclesintellectuelsactuels,pour définirle «féminin».
115
de sa forme,de sa morphologie,
etc. Cette incomplétude
fondement,
lui permetà chaque instantde devenirautrechose,ce qui n'est pas
rien.»
direqu'ellesoitjamaisunivoquement
(Speculum,p. 284)
Ce que L. I. dit de notrecorpsréfèreà quelle normepourposernotreformedans
? Quel «devenir»estcenséêtreprescrit
le versantde Fincomplétude
parcette«in?
entre
la
notion
de
«forme»
et celle de
qu'elle opère
complétude» L'assimilation
de
Ce
notre
dans
le
domaine
l'informel.
sexe
la
conduit
à
qui n'est
poser
«phallus»
à
«rien
de
le
comme
voir».
poser
pas plusjusteque
• La femmeéternelleinassouvie
le sexe de la femmecommeune pluralité,dontla
Luce Irigarayinterprète
: sexe clos surlui-même
du faitde ses
seraiten quelque sortevirginale
spécificité
la formedu
deux lèvresqui se touchent.De ce dispositif
anatomique,dépendrait
:
auto-érotique
plaisirde la femme,
principalement
et en elle-même
sansla néces«La femme,elle,se touched'elle-même
sité d'unemédiation,et avanttout départagepossibleentreactivitéet
passivité.La femme«se touche» tout le temps,sans que l'on puisse
car son sexe est faitde deux lèvresqui s'emd'ailleursle lui interdire,
continûment.»
brassent
(Ce sexequi n'enestpas un (pp. 21-32du livre),p. 24)
de l'anatomiequi certestendà s'opposerà la
L. I. fournitici une interprétation
mais
au
du
conception sexe-trou,
prix d'une généralisation
pourle moinssurpre:
de
ne
nous
nante.Surprenante
une
métaphore
prête-t-elle
capacitéintrinsèque
pas
n'est
avait
sans
la
Freud
(qui
jouissanceininterrompue
pas
rappeler conceptionque
du
des filles,«perverses
polymorphes»)? De plus, elle prescritle plaisirféminin
sexe anatomique,ce qui ne peut qu'aboutirà des spéculationssans fin : si l'on
de
conçoitle sexe de la femmecommeun trou,on postuleraque le remplissement
sa béancelui donneson plaisir...,si l'on définitson sexe commeunefleurfermée,
on poseraque la clôturede sespétaleslui donnesonplaisir...
Pour Luce Irigarayla morphologieprescritle plaisir.Mais aussi le désir:
«Le désirde la femmene parleraitpas la mêmelangueque celui de
l'homme,et il auraitété recouvert
par la logiquequi dominel'Occidentdepuisles Grecs.»
(Ce sexequi n 'enestpas un,p. 25)
à saisir.Cependant,
Les notionsde «plaisir»,«désir»,sontdifficiles
du strictpoint
de vue freudien,
l'expériencedu désirne réfèrepas à la catégoriede sexe.De plus,
le désirn'a pas une existenceautonome.Il naît dans un rapportde pouvoiroù
l'enfantest dans l'impossibilité
absolue de satisfaire
ses besoinsvitaux.Puis il est
sans cesse canalisédans des schemesqui lui prescrivent
sa formeet sa matière.
Commentpourrait-on
postulerl'existenced'un désiren dehorsdes cadressociaux,
c'est-à-dire
sans tomberdans le naturalisme,
dans l'oppressionactuelle? Il faut
dénoncerles schemesoppressifs
qui canalisentle désirversdes voiesde garage,et
des rapportsqui ne soientpas «maître-esclave».
Mais bien se garder
promouvoir
d'allerchercher
la «langue»du désirféminin...
seraitsanssurprises.
carla recherche
Hélas.
116
• L'éternelleidiote
Luce Irigaraypoursuitsa construction,
l'existenceintellectuelle
prescrivant
Cetteprescription
et sociale de la femmede sa «morphologie».
ne peutmanquer
I.
on
L.
avait
Freud
se
souvient
chez
la prescription
d'étonner,
quand
que
critiqué
du psychiquepar l'anatomique.Certes,elle privilégie
sa
pour partle conceptde
sur
celui
semblant
référer
vouloir
à quelque chose qui
d'anatomie,
morphologie
? En dépitde cettedistinction,
seraitplus empirique,
moinsconstruit
sa démarche
reste fondamentalement
naturalisteet complètement
influencéepar l'idéologie
Car on ne peutpas décrirela morphologie
commesi ellese présentait
à
patriarcale.
la perception,sans médiationsidéologiques.Le positivismede la construction
se doubleicid'un empirisme
irigarayenne
flagrant.
Et ce qui en découlepour nous est terriblement
négatif.L. I. nous enferme
dans le linceulde notresexe, nous réduità l'étatde femmes-enfants
: illogiques,
:
est
ainsi
le
femme
:
folles,habilleuses,
fantasques...
« «Elle» est indéfiniment
autreen elle-même.
De là vientsansdoute
Sans aller
qu'on la ditfantasque,
agitée,capricieuse...
incompréhensible,
jusqu'à évoquer son langage,où «elle» part dans tous les sens sans
un
qu'«il» y repèrela cohérenced'aucunsens.Parolescontradictoires,
peu follespour la logiquede la raison,inaudiblespour qui les écoute
avec des grillestoutesfaites,un code déjà toutprépaie.C'estque dans
ses diresaussi- du moinsquandellel'ose - la femmese re-touche
tout
le temps. Elle s'écarte à peine d'elle-mêmed'un babillage,d'une
d'une demi-confidence,
d'unephraselaisséeen suspens...»
exclamation,
(Ce sexequi n'enestpas un,p. 28)
Choc. Tout le mode d'existenceque l'idéologieimputeaux femmescommerelevantde l'Eternelféminin,
et que L. I. semblaitavoirun momentposé commele
résultatde l'oppression,est désormaisl'essence,l'être de la femme.Tout ce
qu'«est» la femmelui vienten dernièreinstancede son sexe anatomique,qui se
touchetoutle temps.Pauvrefemme...
Mais devantune telle densitéd'inexistence,
Luce Irigarayne peut que détournerson regardde nous, et adressersa prospectiveà ceux qui parlent,les
hommes:
«Inutiledonc de piégerles femmesdans la définition
exacte de ce
qu'ellesveulentdire,de les faire(se) répéter
pourque ce soitplusclair,
ellessontdéjà ailleursque danscettemachinerie
où vousprédiscursive
tendriezles surprendre.
Elles sontretournées
en elles-mêmes.
Ce qu'il
ne fautpas entendrede la mêmefaçonqu'en vous-même.
Elles n'ont
pas l'intériorité
que vous avez, que vous leur supposezpeut-être.En
cela veutdiredans l'intimité
de ce tact silencieux,mulelles-mêmes,
tiple,diffus.Et si vous leur demandezavec insistanceà quoi elles
pensent,ellesne peuventque répondre: à rien.A tout.»
(Ce sexequi n'enestpas un,pp. 28-29)
Mystèrede notreabsence.De notrerien.De notresilence.Mais alors,qui nous
parle?
117
Ce que j'appellemétaphoriquement
le «bouclagepatriarcal»est un montage
du féminisme.
Donc aprèsla reconidéologiquequi intervient
aprèsl'émergence
naissanced'une oppressiondes femmespar le systèmesocial.Il consisteà invalider
cettedécouverte,
à canaliserles recherches
des femmesdansune optiquequi perdu patriarcat.
mettele masquageet la perpétuation
L'invalidation
qu'il opère s'effectuesuivantplusieursétapes. Le «plan stran'est
Parfois,la prétégique»patriarcal
pas toujoursappliquédans son intégralité.
Le travail
sentationd'un seul de ses élémentssuffîtà bloquertouteinvestigation.
de Luce Irigarayest à cet égardintéressant,
de
car il a nécessitéle déclenchement
de
et
révèle
ainsi
nous
les
du
Génie
plusieursopérations minage,
tactiques
patriarcal
si adéquatpourtantà l'objet !). J'enrends
(qu'on excusece vocabulairemilitaire,
et nonchronologique.
comptesousune formestructurale,
Il s'agitd'unmontage,d'unereconstitution
de ce que me semble
schématique
êtrel'idéologiepatriarcale.
Mon objectifest de décrirela récupération
que faitle
Patriarcat
des postulatssubversifs
J'aichoisid'opposer
avancéspar les féministes.
: cettedivisionmécaniqueest certesune séparation
des personnagesimaginaires
de deux instances
arbitraire
quijouentdansle mêmediscours(la démarchede Luce
Irigaraym'a ici servide modèle),mais elle a le méritede décrireune dynamique
sous uneformeconcrète,de montrer
commentnosquestionnements
subversifs
sont
minéspardes renversements
patriarcaux.
:
J'utiliserai
des initiales
ces personnages
pourdésigner
F = femmeproduisant
un discourscontrele patriarcat.
P = Ordonnancement
patriarcal.
I
a) Premièredénonciationde F : «La femmeest l'objet d'une oppressionmultiple.
Elle estdécritede façonnégative,
extrêmement
misogyne,
parle discoursdominant.
Elle estpsychologiquement
l'homme.»
assujettieà un schémafaitpar/pour
de P : il consisteen une confusionintroduite
entred'une
b) Premierrenversement
partles niveauxdu discours,de la théoriesur «la femme»,et d'autrepartceluide
l'existencedes femmes.L'oppressionestpousséejusqu'à la caricature
parceque «la
femme»,nécessairement
objet du discoursde l'homme,est confondueavec les
femmes.Le discoursque tientl'hommesurla femmedomineceux que les femmes
ou ce que les femmessontdans leurexistence.
peuventtenirsur leuroppression,
H
estréduiteà n'être
a) Nouvellequestionde F : «La femme,
objetd'uneoppression,
rien.Maispourquoicetteméconnaissance
de la femme?»
118
de P : il imposecommeschémacausal de cetteméconb) Nouveaurenversement
naissancel'idée de 1'«Homme»commeessence,entitébiologique.Schémacausal
:
tautologique
- I'«homme»est dominantparcequ'il est «homme»(«homme»= «viril»,ce qui
luipermetde s'imposer
parla force);
- 1'«homme»est dominantparcequ'il n'estpas femme(incapabled'engendrer,
il
son
désir
ce
contredit
la
femme
lui
a
donné
naissance,
archaïque
qui
qui
jalouse
d'auto-création).
III
?»
de F : «Maiscommentl'hommedomine-t-il
a) Insistance
de P : il avanceunecartetruquée,le bluffdu «Même»:
b) Troisièmerenversement
le mondeà son image
«L'hommedominegrâceau primatdu Même,il construit
F
P
comme
même
à
cette
carte
donc
(le
que lui).» suggère
truquéede prendre
par
Même
de
la
:
si
le
le
libératrice
différence
sexuelle
opprimela
hypothèse
postulat
«la
la
libérera.
son
femme, opposé, différence»,
IV
a) Hypothèsede F : «La femmeest assujettieà un schémaqui ne lui correspond
pas, qui la réduità n'êtreriendans la mesureoù tout est centrésurl'hommeet le
Même.»F, piégéedansle jeu du Mane, reprendà soncomptel'hypothèse
suggérée
du Même,et tâchonsde promouvoir
la différence
des sexes.
par P : libérons-nous
On ne connaîtpas la véritabledifférence
de
des sexes,ce qui entraînel'inexistence
la femmedonton ignorela forme.
et amalb) P étendce «constat»à toutesles sphèresde l'existencedes femmes,
vie
Les
confondues
avec
la
sociale...
femmes,
femme,
gamepsychologie,
idéologie,
sontposéescommen'existant
pas.
V
a) Conclusionde F : «La femmen'existepas, il ne lui est pas encorepossible
d'exister.»
sérieuxcar le «encore»lui est dangereux: il
b) P doit se livrerà un enfermement
lutte
des
femmes
solidairescontrel'oppression.
une
Aussi,pour
pourraitimpulser
F
des
féministes
ont
mouvements
d'une
démontré
l'existence
qui
séparer
oppresdestinéesà donnerà F une imagesimpliste
sion,P emploiedes notions-repoussoir
: créationd'unstéréotype
et caricaturale
du féminisme
à valeurpéjorative.
VI
de F contrecellesdontelle se rapprochait
: les féministes
se trompent,
Jugement
elles doiventnécessairement
se tromper,elles veulenten faitperpétuer
le phallo
119
ellessontsexistespuisqu'ellesveulentse contenter
l'ordredes
d'inverser
centrisme,
choses.
VII
de poursuivre
son interrogation
: «La femmen'existepas
a) F ne peuts'empêcher
maisalorsqu'est-elledansson être?»
actuellement,
dansl'inconnu,de
b) P imposele mécanismedes mythes: projectiondansle futur,
ce qui est au départ,c'est-à-dire
de ce qui nous est donnéà entendre
et à voirpar
l'idéologie.
VIII
a) F construitune prospectivede la femme: «La femmesera ce qu'est sa
différence.»
en suggérant
«si les femmes
n'existent
b) P parfaitson œuvredestructrice
pas,cette
.
ne peutleurêtredestinés»
prospective
IX
F nousenferme
dansun linceul: «Si vousleurdemandezavecinsistance
à quoi elles
A
elles
vous
:
rien.
à
tout.»
pensent,
répondront
120
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TEMPS DE FEMME 1978
«Temps de Femme» 1978 est un agenda pratiquequi laisse la
place à la fantaisie.Il est conçu de façon artisanalepar des femmes,
en deux temps : Tun, le semainier,concernela vie civile,la vie sociale ;
l'autre, le journal, permet de noter ses pensées, de gribouiller,de
dessiner.Chaque semaine est prétexte d'un thème aux différentes
absurdes,historiques.
approches: légendaires,
«Temps de Femme» s'adresse à toutes celles qui diviséespar le
temps des autres, clandestinent,truquent,maquillent,patchworkent
les minutes,les heures,les semaines,les mois.C'est une possibilitépour
nous toutesde garderdes tracesd'existence,horsd'atteintedu vacarme
de la loi qui nous est faite.
(Format 12 x 16, en venteà partirdu 15 novembre)
- 75005 PARIS
EditionsTIERCE, 1, ruedes Fossés Saint-Jacques
LES CAHIERS Q ^1^^
DUGRIF cLCXt?S
Vientde Paraître:
N° 17/18- Mères-femmes
A paraître
N° 19 - La ville
N° 20 - Homosexualité
Rue du Musée, 14
1000- BRUXELLES
Tél. : (19-32-2) 513 46 92
lejeudide 9 h à 18 h
Permanence
N° 16 - Novembre1977
Les FEMMES dans leur
rapportau DROIT et à la
JUSTICE
Une parole,longtempscensurée,
éclateen désordre.Elle est
subversive.
Cahiers
d'action
trimestriels
juridique
1, ruedesFossésSaint-Jacques
75005 PARIS
PHOTOS : page 20 Harlingue-VioUet- page 89 Roger-Viollet
aux auteurs
réservés
Copyright
sommaire
Variationssurdes thèmescommuns....
3
Christine
Delphy Nos amiset nous.
Les fondements cachés de quelques
21
discourspseudo-féministes
féminité
Nicole-ClaudeMathieu Masculinité/
JalnaHanmer Violenceet contrôlesocial des femmes. .
MoniquePlaza
51
69
Pouvoir «phallomorphique»et psycho91
logiede «la Femme»
SOMMAIRE DU N° 2
(Parutionfinfévrier1978)
• Pratiquedu pouvoiret idée de nature.
» La SainteVirilité.
• Productionet patriarcaten Tunisie.
• Antagonismeentre les sexes dans le Herefordshire(traduit de
Tangíais).