09 )(8* =-0 - Féministes radicales
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09 )(8* =-0 - Féministes radicales
/';-=09 )(8*=-0/'] /';-=09 )(8*=-0/'] sommaire Variationssurdes thèmescommuns.... 3 Christine Delphy Nos amiset nous. Les fondements cachés de quelques 21 discourspseudo-féministes féminité Nicole-ClaudeMathieu Masculinité/ JalnaHanmer Violenceet contrôlesocial des femmes. . MoniquePlaza 51 69 Pouvoir «phallomorphique»et psycho91 logiede «la Femme» Collectif de rédaction : Colette Capitán Peter, ChristineDelphy, Emmanuelede Lesseps,Nicole-ClaudeMathieu,Monique Plaza. Directricede publication: Simonede Beauvoir. Jacques- 75005 Correspondance: ÉditionsTIERCE - 1, rue des Fossés Saint- 3 Variations surdes thèmescommuns radicale Une revuethéoriqueféministe ne disposepas d'unlieu Ce projetestné du constatque le nouveauféminisme de débatthéorique,alorsqu'il en ressentplus que jamais la nécessité.La presse et c'est non seulementde est dans ce pays pratiquement féministe inexistante, revuesthéoriquesdontnous avonsbesoin,maisencorede mensuelsde grandedifEmmaen Allemagne, fusion(commeSpareribenAngleterre, Effeen Italie).Il nous non pas un maisplusieurs faudrait journauxmilitants (commeTétaientLe Torchon Les Pétroleuses, commel'estHistoiresd Elles). Il seBrûle,Les Femmess'Entêtent, rait souhaitableque la presse d'information pure (comme L'Informationdes Femmes)soitdéveloppéeet multipliée.Si nous avonschoiside nousconsacrerau d'une revue«théorique»,c'est parceque cetteformule lancement noussembleégaet nonparceque nousla jugeonsprioritaire. lementnécessaire, à "théorique"? Quel sensdonnons-nous à l'égardde ce terme: uneréactionambivalente Les femmes ontfréquemment nouséprouvonscertesla nécessitéd'une analyseen profondeur de l'oppression des femmes,mais dans le mêmetemps«théorique»désignetrop souventdes textes inaccessibles, apanaged'une élite sociale.Théoriqueéquivautalors à hermétisme - commesi le caractèreincompréhensible d'un texteétaitla preuvede sa «scient ide son «sérieux». Cette nous la briser. Notre but de voulons est fîcité», équation, restituer son vraisensà la théorieet, du mêmecoup, qu'elle soitl'affairede tout le monde,que chacunepuissenon seulement la consommer maisaussila produire. Car estthéoriquetoutdiscours,quel que soitson langage,qui tented 'expliquer les causeset lefonctionnement, le pourquoiet le commentde l'oppression des femmes en généralou d'un de ses aspectsparticuliers ; c'esttoutdiscoursqui tentede tirer desconclusions ou unetactiqueau mouvement politiques,qui proposeune stratégie féministe. cettedéfinition Privilégiant politiquedu «théorique»,notrerevues'efforcera destextesthéorisant des femmesà travers deslangagesdivers d'intégrer l'oppression et sur des registres et considérera un différents, qu'un tract,une œuvrelittéraire, un articleabstraitpeuventêtremis surle mêmeplan quant à l'élaborapamphlet, tion d'une scienceféministe. Mais nous savonsque la simplicité de l'écrituren'est pas toujourspossible: certainsconceptsn'existentpas dansla languede tous les jourset ne peuventêtretraduits.La possibilitéde reformulation dépenddu niveau 4 du discours. ou de spécialisation d'abstraction La théorie,ce n'estpas seulement des faits,c'esten mêmetemps l'explication la descriptionde la réalité: nous publieronsdonc des textesqui offrentdes informations surl'existencedes femmesen Franceet dansles autrespays,surleur situation présenteet passée. Cettediversité de faireentrer que nous espéronspouvoirpratiquer permettra dansles archives desécritsd'ordinaire du discourset de l'histoire interdits de séjour, de proposerà la discussionélargiedes thèmesqui actuellement ne peuventêtredébattusqu'isolément dansles groupesféministes. Une "scienceféministe": commentet pourquoi ? on étudienécessairement et leur Quandon analysel'oppressiondes femmes, et la intériorisée réelle, l'idéologiequi justifie,idéologie oppressionmatérielle, par les femmeset dontle pouvoircoercitif Or l'undeslieuxpripermetl'exploitation. de cetteidéologie- et de sondéveloppement carellen'estpas vilégiésd'expression une reste fois «la et en toutes les sciences science», produite pour particulier diteshumaines.Une démarcheféministe inclutnécessairement une critiquedu discoursscientifique, le discourssurles femmes maisaussile discoursprétendu«général» : car quoi de plus révélateur de la soque les omissions? Les théories générales ciété et du psychisme, les catégoriesde sexe commenaquand elles considèrent turellessans s'interroger sur leur genèse et leur naturesociale, et qu'elles ne desfemmes, du coup celle-cià leur pas en comptel'oppression prennent reprennent compte, restantdans l'idéologie sexiste la plus sommaire.De ce fait, elles à perpétuer contribuent des femmes dansle mêmetempsqu'ellesconsl'oppression truisent unethéoriefaussede leurobjetd'étude. Nous souhaitonsqu'une scienceféministe puisseadvenir,qui rendecompte de la formation etpar (et de son impactsurles individus), patriarcale hiérarchique là-mêmemodifiel'analyseglobalede la société.L'intérêtde cettescienceféministe esttrèsquotidien: l'émergence des discoursféministes subversifs nous a permiset nouspermetde modifier le coursde nos existences. Mais aussi,la questionse pose de savoircommentun pointde vue féministe dansles champsoù peut intervenir s'exerceune sériede pouvoirsdirectsvisantà la reproduction de la structure patriarcale.Dans certainsdomainesprofessionnels (médecine,gynécologie, psychoassistancesociale),la questionde l'oppressiondes femmesse logie,psychanalyse, de car pose façonaiguë le problèmede 1' «anormal»y apparaîtsanscesse,entraînantl'intervention réadaptatrice... normalisante, Féminismeradical C'est en ces termesque nous identifions notreperspectivepolitique.La notionde radicalisme du constat de d'une luttepolitiquecontre)une oppart (et des femmes le social Pour décrireet démasquer pression par système patriarcal. - entreprise cetteoppression, il fautbriserles évidencesnaturalistes que les fémi- 5 un de nosplus nistesont amorcéedepuisplusieursannées,et qui devraitconstituer avoir été solidesacquis. Il n'en est rien : l'évidencenaturaliste, démasquée, pour et pernicieusement au sein n'en continuepas moins à s'imposersournoisement mêmedu mouvement des femmes(dont certainestendanceslaissentcurieusement et femmes,le mot «libération»).Le courantactuelde tomber,entremouvement attire la «néo-féminité», beaucoupde femmespar son apparenceconstructive, qui comme un retourau classicisme commel'enfermeantiféministe, peuts'interpréter mentdansun des piègesque le patriarcat noustend.Carnotreoppression ne réside de dans le fait «n'être assez mais bien au contraire danscelui de femme», pas pas l'êtretrop : nous sommesempêchéesde menerune existenced'individusà part C'estle système entière,sous le prétexteque noussommes«femme»,«différente». notreexploitation, qui nouspose «différentes» patriarcal pourjustifier lamasquer. C'estlui qui nousimposel'idée d'une «nature»,d'une «essence»féminine. Le féminisme radicalse donnecommepréalablede resterdansle terrain que les premières ont conquiscontrel'idéologienaturaliste. féministes Ce qui exige : • De refuserrésolument de construire, de projeterune idée de «La d'interroger, Femme»en dehorsde la société. • Le corollaireétantde déstructurer la notionde «différence des sexes» qui ordonneet sous-tend cetteidée de «la femme»,partieintégrante de l'idéologienaturaliste.L 'existencesocialedes hommeset desfemmesne dépendnullement de leur naturede mâleetde femelle,de la formede leursexeanatomique. Dans une sociéténon patriarcale, la questiond'êtrehommeou femmen'aura à pas se poserdansles termesoù elle se pose aujourd'huipour nous.Tous les traAu plandespratiques vaux,toutesles tâchesserontassurésparhommeset femmes. entrehomo-et hétéro-sexualité n'auraplusde senspuisque sexuelles,la distinction les individus se rencontreront surle fondement de leursingularité (individuspécifitelle avec et que histoire) nonsurceluide leuridentitéde sexe. Détruirela différence des sexesc'estsupprimer la hiérarchie qui existeactuellemententredeux termesdont l'un est référéà l'autre,et infériorisé danscette le «droità la différence», car cela signifie comparaison.On ne peut revendiquer dansle contexteactuelle droità l'oppression. C'estle droità l'autonomieque nous visonsen premierlieu (ne plus êtreobjetsde, appropriées en par) ; à la singularité dehorsde toute référence à l'identitésexuelleen secondlieu. Cela ne signifie pas que «nous voulonsdevenirdes hommes»,cardansle mêmetempsque nousdétruisonsl'idéede «La Femme», nousdétruisons aussil'idée d' «Homme». • La destruction de l'idée d' «Homme» : cettenotionconstitueun autrepiège nous a permisde démontrer en quoi la patriarcal. Démasquerl'idéologienaturaliste la le science,les théoriesétaientsexistes.De là à affirmer que pensée, langage,le aux femmesparcequ'ils sont«masculins»,il n'y avait discours,sonthermétiques qu'un pas. Celles d'entrenous qui l'ont franchis'enfoncentdans une position d'échecqui nousdessert.Nouvellespirede l'oppression que nousdevonsdénoncer: - d'une part,en rappelantque quand nous nous reconnaissons nous opprimées, ne résumonspas notre«être» : le systèmesocial est contradictoire nous puisqu'il de décrypter les permet,en dépitde l'oppressionqu'il exerce,d'êtreféministes, 6 notamment de traquerles «évidences»idéologiques mécanismesde l'oppression, du langage; et ce, en nousservant dansles discours, - d'autrepart,en affirmant qu'il n'y a riendansle systèmesocialqui soit«masculin».Certainsdiscoursde la science,certainsconceptssonttronquéset falsifiés parce qu'ils sontfondéssurdes rapportsde pouvoir,et nonparcequ'ils sontélade rapboréspar des «hommes».L' «ennemiprincipal»est un typehiérarchique portssociaux,où les hommessont impliquésen tant qu'agentset non en tant qu'êtresbiologiques. Le féminisme radicals'exprimeaussi en référence aux courantspolitiques actuels.Il refusetouteingérence contestataires, des groupespolirévolutionnaires, et considèrecertaines tiquesen place danssa problématique, mots notions,certains d'ordrecommefondamentalement falsifiés de «lutte et se«luttes (idée principale» condaires»; terrorisme de l'explicationuniquepar le capitalisme). Il se proposede retrouver une démarchematérialiste en utilisantpolitiquement certainsconcepts. Ainsi, si l'on fonde la notion de classe sociale correctement, dialectiquement - c'est-à-dire sur l'existenced'une dynamiqueoppressive, et non surun contenu statique-, on peut poser les femmescomme appartenantà une mêmeclasse socialede genre.Cetteanalysede l'appartenance de touteslesfemmesà unemême - est le classesociale - au mêmetitreque la ruptureavec l'idéologienaturaliste : la constitution du mouvraient de libération préalablede toutelutteféministe des femmesen France,par exemple,a reposé sur l'affirmation de ce concept,qui en vigueur. rompaitavecles dogmesmarxistes Actuellement le courantféministe radical,fondésur ces questionnements sembleétouffétantdansles pratiquesque dansles discours.A peinené, subversifs, ou plutôt re-né,le nouveauféminisme est menacédans son sein mêmepar une double droite : la récupération«gauchiste»,d'un côté, la récupérationpar de l'autre.Ces deuxcourants, l'idéologiede la néo-féminité, qui chacunà sa façon, les intérêtsdu patriarcat, sontceux qui ont plus ou moinsdéguisée,représentent droitde citédanslesmedia... Pourtantle courantféministe radicalexiste: il a impulsétoutesles grandes féministes c'est lui est de l'oppression subversif ; campagnes qui fondamentalement des femmes,de toute l'organisation socialehiérarchique. en Enfin, lui se reconnaissentnombrede groupesdisperséset isolésdanstoutle pays.Il est tempsqu'il puisseprendrela parole,qu'il disposed'un lieu de réunionthéoriqueet politique pour mettreen communses expérienceset ses analyses,et pour que son acquis et discuté. puisseêtrediffusé C'est à cela que nous nousproposonsde contribuer, dansles limitespermises Nousespéronsque cetteentreprise aux textes parune revuetrimestrielle. permettra dansles tiroirs, d'en sortir,et aussiaux textesqui n'ontmême qui sonttristement pas étéécrits,fauted'espoird'êtrepubliés,de l'êtreenfin. 7 • féministe Depuisle tempsoù l'on se plaisaità répéterdansle mouvement que la théoriede l'oppressiondes femmes«restaità faire»,il s'estécritet ditbeaucoup de choses,en Francecommeà l'étranger, contribuant à une ou des analysesde et aboutissant à desprisesde positiontactiques. cetteoppression L'achoppementmarxiste Dès le début du mouvement, deux courantsd'analysede l'oppressiondes femmesont émergé,l'un qui s'est appelé«féminisme révolutionnaire)) (aux Etats- et l'autredit «tendance Unis,«féminisme radical»)- auquel nous appartenons luttede classes».Ce derniera tentéde trouverune «articulation», commeon dit, entrela luttedes femmeset la luttede classes,à partirde la théoriemarxiste, mais sans la contesterdans ce qui nous semblenon seulementses lacunesmais ses incohérences des femmes. Pourcettetendance, quandil s'agitde «situer»l'oppression il ne s'agissaitque d'ajouterdiversesconsidérations surles femmes, sansremettre en questionle principedu monopolede la classeouvrière, censéecontenirdanssa luttela subversion totaledu système : le capitalisme. Contester surle seul oppressif sexistes,sansfondercettelutte plan idéologiqueles mentalitéset les institutions suruneanalysematérialiste de l'oppression des femmes, estinsuffisant. Il fautrelier les mentalités, les institutions, les lois sexistesaux structures socio-économiques qui les soutiennent.Ces structures formentun systèmespécifiquepar rapportau et nousle nommons: patriarcat. systèmecapitaliste, L'analysede base du système de des rapportsde production (commesystème production, patriarcal comportant a entre les été faite MLF et nous voulonsdans au sein du sexes) déjà particuliers cetterevuecontribuer à sa compréhension et à son approfondissement. Rappdons trèsbrièvement cetteanalyse: Si leshommessalariéset unepartiedesfemmes 45 %) salariées,environ (les femmes subissentune exploitation les commune dans de économique rapports production l'ensembledes femmes(celles qui font la «double journée» et les capitalistes, femmesau foyer) subissentune exploitationéconomiquecommuneque ne subissent ils en retirent des bénéfices), dansdes rappas les hommes(au contraire, de autres : la des services ports production que capitalistes production domestiques surle modegratuit.C'est la gratuitéde ce travailqui le situe,dansl'analyse,hors du systèmecapitalistedont un des caractèresest le salariat.Les femmesau foyer s ne sontpas rémunérées en fonction de leurtravail, ellessontparcontratde mariage à dépendantesde leurmari,qui retirede (théoriquement vie), économiquement cettedépendanceun pouvoirmatérielet psychologique. de la déCetteinstitution des femmes se sur leur situation le dans travail pendanceéconomique répercute : le salaire«d'appoint»,le travailà mi-temps, le chômagesupérieur rémunéré chez les femmes, etc.,cela veutencorediredépendanceéconomique,obligationdu travaildomestique, renvoiau foyer. Cetteanalysenouspermetde définir les hommeset les femmes commedeux d'intérêts cette d'intérêts seulement lieu groupes opposés, opposition n'ayantpas dans la famille.L'infériorité le des femmes dans travail comme leur économique non-accèsaux postesde pouvoir,y comprispolitiques,et leurmoindreaccès au savoirest à relierà la divisiondu travailentreles sexes,reposantsurl'institution de dontla déla famille.Il en résulteun pouvoirgénéraldes hommessurles femmes, valorisation l'oppsychologiquedes femmes(outre leur exploitationmatérielle), pressionsexuelleet les violencesphysiquesexercéescontreles femmessont des ce pouvoir. autantqu'unmoyende renforcer conséquences Le retourà l'essentialisme Aprèsnous êtregaréesde la gaucheorthodoxe,qui est à notredroitepuisqu'elleévacuela luttedes sexes,il nousfautencoreparerune autredroite: un noudes sexes,par voix de femmes vel assautdu bon vieuxdiscourssur la différence et cettefois,qui évacuematérialisme historique dialectiquepourlaisserparlerla vériténuedu corpséterneldes femmes. des femmesn'a pas toujoursune Tout ce qui s'exprimedansle mouvement ce discoursdes formethéorique.Cela ne veutpas direqu'il n'existepas derrière de Il est important les mettreà jour pourdissiperles amthéoriessous-jacentes. nous semblent conscientes, biguïtésquand ces théoriesimplicites, pas forcément du proposapparentqui se veutféministe. allerà rencontre Il existeactuellement un courantde «parolesde femmes»centrésurla reCes «nous sommesceci et nous sommescela, et cherchede l'identitéféminine. surtoutpas commevous» seraientune façonde «leur» dire : merde.Bien.Mais de l'idéologiemascuun refus,une contestation ce discoursexprime-t-il vraiment lineet du système qui la produit? et le Corps-Identité L 'Altérité éclatement du langage»,c'est-à-dire un «éclatement Des femmesproclament d'unlangagequalifiédemasculin parcequ'il véhicule,entreautres,le phallocratisme. une parole«autre»,qui seraitplus prèsdans sa formedu vécu Elles revendiquent vécu au centreduquel est souventmisle Corps.Ainsiles motsd'ordre: féminin, les mutiS'il est juste de dénoncerl'oppression, et parler-le-corps. libérer-le-corps il le subit corpsféminin, est danque lations,la fonctionnalisation, l'objectivation D'ailde l'identitéféminine. une recherche dans gereuxde se centrersurle corps 9 leursles thèmesde l'Altéritéet du Corpsse rejoignent, carla différence la plusvisiet la seuledonton estsûrqu'ellesoitpermanente ble entrehommeset femmes, (à moinsd'une mutation),est bien la différence des corps.Cettedifférence a été le la prisede pouvoird'un sexesurl'autre. utilisépour«justifier» prétexte Lorsqu'ungroupeest au pouvoir,c'estlui qui répandl'idéologie,qui dicteses catégories.Le groupeau pouvoir,qui a besoinde justifiersa domination, rejette dansla différence ceux qu'il opprime: ils ou ellesne peuventêtretraitésen égaux puisque...Ainsi les colonisésétaientgénéralement «paresseux»,«incapables»de fairefructifier etc.Ces «différences», on ne les attribue eux-mêmes leursterres, pas à une histoirespécifique, car l'histoireévolue,elle peut amenerdes révolutions. Il estplus sûrpourl'oppresseur de parlerde différences invariables naturelles, pardéD'où les idéologiesracisteet sexiste.Ainsile statutd'infériorité finition. devient inextricablement lié au statutde différence. Or, aprèsque les hommesn'aientcessé de nous répéterque nous étionsdifcommesi ellescraignaient de ne pas se faire voilà des femmesqui hurlent, férentes, ! Tu vasà la entendreet commesi c'étaitune trouvaille: nous sommesdifférentes ? à vais la Non, pêche. je pêche en lui-même, Le thèmede la différence quel que soitle contenudonnéaux : tantqu'il détientles armesdu pouvoir,toute sertle groupeoppresseur différences, dansla seuledifférence différence établieentrelui et les autresle confirme qui lui : de le les détenir noirs aient «le dans le et celle Que pouvoir. sang» importe rythme ne cela les de : les contraire au blancs, force, change pas pas qu'importe, rapports tout attributsoi-disantnaturelconféréau groupeopprimésertà l'enfermer dans une Naturequi, étantdonnéson statutd'opprimé,se confondidéologiquement avec une «natured'opprimé».Dans le contexteactuel,l'oppressionn'ayantpas la Différence le caractèresocial),c'estredonner cessé,revendiquer (sansen analyser à l'ennemiunearmequi a faitses preuves. un «parler-Femme», des formesd'expression Revendiquer qui seraientspécifiques des femmes,nous paraît tout aussi illusoire.D'une part,le langagedit «éclaté»prônépar certainesécrivaines, sembles'inscrire dansun courant,sinonde du moins de littéraire des où régnent écoles desmaîtresstyle pensée, répandupar mâles.D est donctoutaussiacadémiqueque d'autreslangageset toutaussi«masculin». D'autre part,ce parler-femme est parfoisdit plus prochedu corps,de la - ce qui veutdirequ'il existerait des sensations etc. une expresdirectes, jouissance, siondu corpsnonmédiatiséepar le socialet qu'en pluscetteproximité au corpset à la natureseraitsubversive. A notrepointde vue,il n'existepas de rapportdirect au corps; le prônern'estdonc pas subversif carc'estnierl'existenceet la forcedes médiations dansnotrecorps.Tout au sociales,celles-làmêmesqui nous oppriment une autresocialisation du corps,maissansrechercher une pluspeut-onrevendiquer naturevraieet éternelle,recherchequi nous détournede la lutteplus efficace contre les contextessocio-historiques dans lesquels l'être humain est et sera S'il de existe une nature l'humain,c'est bien celle d'êtresocial. toujourspris. La Femme-Sorcière et VHomme-Cartésien On pourraitrésumer la démarchede certaines femmes dansleurquêted'identité en une oppositionentrela Femme-Sorcière et l'Homme-Cartésien. Dans le re- 1Û coursà la sorcièrecommeimagepositivede femme,il y a plusieursaspects: leurs à leurhistoire; et les attributs leur en référence activitéssubversives, que certaines : de libération comme symboles prêtent - contact«direct»avecla nature,avecleurcorpset celuides autres; - un faire,une pensée,un langageprésentéscommemodèlepositifde culture ; féminine, opposéeà la culturemasculine-oppressive spécifiquement - et avec tout cela, une auréolede mystèreet de secretévoquantl'idée d'une un royaumeoù ellessontreines. chassegardéedes femmes, de la sorcière, c'était: l'allianceavecle démon; ses pratiquesmédiLa subversion dansles «orgies» cales ; et ses activitéssexuelles,supposéesou non, notamment sabbatiques. L'alliance avec le démon,c'était sûrementpour les femmes,pour le peuple une revanchecontrel'Eglise; maispas un moyende luttecontreelle : misérable, c'estconfirmer croireau Diable,ou fairesemblant, l'EglisedanssondogmeDiablela Femmeavec les Dieu. Et mettreen équation,même sous formevictorieuse, dansl'idéologiede l'Eglise. Forcesdu Mal,c'estencorerentrer commeguérisseuses, Les sorcières avorteuses, sages-femmes, empoisonneuses, les planteset les corpsnon par osmosemaispourles avoirétudiés connaissaient dansla pratique.Si la sorcièreutilisaitefficacement les plantes,c'est parcequ'elle les expérimentait, les classifiait: démarchequ'on nomme«scientifique» . Ce n'est mieux cela mais cela veut dire pas parceque s'appellescientifique, que les sorcières utilisaient leurcerveaude la mêmefaçonque les hommesqui ontmonopoliséplus tardla médecine. Les sorcièresdansaientdansla lande,oui, elless'y cachaientaussi.La nature le seuldomainede surviequi leur sauvageétaitpourles femmesles plusmisérables étaitlaissépar la société.La sorcièrereinedes forêts, c'estcommela femmedomesd'un reine domaine du foyer.Reine tiquée parcequ'excluedes autres.Le mystère, : des parias,des hérétiques. la nuit,la forêt c'est la clandestinité Maquisd'où l'on la liberté. peutse battre,certes,maisqui n'estpas en lui-même La sexualitédes sorcières? Un aspecttrèsintéressant du sabbat,d'aprèsce c'estla contraception. «Nullefemmen'enrevient enceinte», que rapporteMichelet, en spectacled'actessexuels, Il semblequ'il y ait souventsimulation-mise disait-on. et aussi pratiquesdites «contre-nature» pas à la (parce qu'elles n'aboutissaient sexueltrèsrationnellement conception,bien sûr !). Il s'agitlà d'un défoulement Maîtrisede la procréation, donc,mais pour ce qui est de la libéraréglementé. tion sexuelledes femmes...Micheletdécritdans le sabbat «La Femme» qui «se «s'humilie»,«s'offre»,«se donneà mangerà la foule»,etc. Si la sorprosterne», cièreavaitcertainspouvoirs,pour lesquelselle était crainteet respectéedansles de resterobjet sexuel. milieuxpopulaires,cela ne l'empêchaitpas, apparemment, La conclusion,c'est qu'il fautse méfierde ces Trônesde «La Femme»qui la font Autel(«... sursesreins,un démonofficiait.»). Quant au langage«autre» de la sorcière,revendiquépar certainesfemmes - langagedu corps,psalmodie,cri des viscères,etc. (voiremêmeson silencequi paraît-ils'entend,bien la peine de réclamerla parole,alors...)-, ce langagedu est-ilsuffisant corps,ce langage-cri, pour combattrel'oppression? S'il ne faut à pas hésiter hurleravec ses tripesface à un discoursqui vouslaisseà la porte,il H un certaindiscours n'y a pas de raison,en rejetantcomme«masculin-oppresseur» d'en le laisser aux hommes. conceptuel, L'oppression,il fautpouvoirla monopole à ses Les hommes nommer, l'analyser(mettre jour mécanismes), pourla combattre. le monopoledu criviscéralet de l'intuition; là encore nouslaissenttropvolontiers a faitsespreuves.C'estfairele jeu de l'opla ségrégation entremasculinet féminin de savoir et des s'interdire un outilsconceptuels sousprétextequ'il les presseurque a utiliséscontrenous; de même,parexemple,que de rejeterle travailsousprétexte masculin»,alorsque l'exqu'il est «aliénant»,inscritdans le monde «compétitif de l'autonomieéconoclusiondes femmesdu travail(c'est-à-direl'interdiction même de notre une «aliénation» centre est encore au mique) plus grande, oppression. C'esten nousrevendiquant au mondedeshommes,que différentes, étrangères : nousnousfaisonsleursperroquets de l'Homme-Culture. : consécration Femme-Nature de l'Homme-Dieu. Femme-Démon : consécration : gouffre parl'idéologierégnante. Femme-Mystère remplissable : aubergeespagnoledes idéesreçues. Femme-Matrice un : le sourirede l'impuissanceà dire.La femmedétiendrait Femme-Sphinx a dans la lieu sous sans des celui doute, gestation secret, que prétexte origines grand elle en saittrop! Maisellene sait son corps: du coup elle peutresteranalphabète, On la ditau-delàde la savent c'est informulable... ovaires ce sait ?), (ses pas qu'elle : des du la laisser sciences formulation, raisonnement, en-deçà. pour : avatarde la femme-corps, de la femme-sexe, sexeavide,sexe Femme-Jouissance Le les à et la nature sexe n'importequoi. capacitéspartifrigide, rapportspécial culièresde jouissanceprêtéesaux femmes, cela nous rappellefortle langagetenu : «Les ouvriers surles «nègres»,voiresurles ouvriers baisent (en mai68, ce graffiti Un les de sur les hommes le mieux») bref, langage l'idéologie opprimés. siècle, à la frigidité ou à la «pureté»pourmieuxutilisernotrecorps.Le nous renvoient sièclesuivant,à la jouissance«totale»pournous fairecroireque dansle ghettode la «nature»nousdisposonsd'unelibertéque n'auraient pas ceux qui, «aliénés»dans le social,disposenten faitdesmoyensde contrôlesurnous. on retrouve Dans tout ce qui estcensécaractériser les femmes, toujoursl'oppres? sion.Nous avonsl'espritde sacrifice Non, «on» nous a sacrifiées. materInstinct nel ? Non, obligationpour les femmesde remplirun certainrôle.Nous sommes prochesde la nature? Non,on nousdéfendl'accèsaux outilssociauxde la maîtrise, de la connaissancede notreproprecorps,de la création.De la créationon nous laisse,par un jeu de mots ambigu,la «création»d'enfants: à conditionbien sûr codifiéeet «inspirée»par d'autresespritsque le nôtre. qu'elle soit involontaire, Le sexe n 'estpas notredestinée comme nôtrestoutesles potentialités Nous devonsrevendiquer humaines, dont celles indûmentdécrétéesmasculines,c'est-à-diremonopoliséespar les à leurbotte.Par exemple,le discoursrahommespour nous avoirplus sûrement tionnel: à nousde le modifier, à nousd'en choisirle contenu.Parexemple,la vio- 12 lence : à nous d'en choisirles formeset les buts.Mais elle est nécessairecontrela violencede l'oppression. Nousvoulonsl'accèsau choix,sortirde l'équationfemmes = opprimées. Plus que femmes, nous sommesdes individus. seulle mascuJusqu'àprésent, non sexuée),au général.Nousvoulonsl'accès lin a droitau neutre(à la définition au neutre,au général.Le sexe n'estpas notredestinée. Un homme,Sacha Guitry, a dit : «Jeconviendrais bienvolontiers les femmes nous sont si cela que supérieures ou pouvaitles dissuaderd'êtrenos égales.»C'estla tactiquedu Piédestal-Paillasson, encorecelle qui consisteà muterà un poste«honorifique» dont on veut quelqu'un se débarrasser. Ce qu' «ils» veulent, c'estque nousne marchions pas surleursplatesbandes,c'est que nous servionsleursbutsen restantà notreplace.L'égalitéestune menacepourleshommes: menacede la disparition de leursprivilèges. Celles dont la démarchequi se veutféministe consisteà revendiquer avant tout(et peut-être exclusivement contrela notiond'égali?) la Différence, s'érigent té : Quoi ? revendiquer ? l'égalitéavecl'oppresseur Mais égalité-avec-Poppresseur est une contradiction dansles termes.S'il y a ni opprimé.Dans le dictionnaire, égalitéentredeux êtres,il n'ya plusni oppresseur le mot «égal» estainsidéfini: «Qui estde mêmequantité,dimension, natureou valeur. Voir: identique,même,équivalent.»Il y a là deux notions,celle de ressemblanceet celle de mêmevaleur.Vouloir,pourles femmes, êtreconsidérées comme ayantautantde valeurque leshommesne peutêtrecritiquable. S'agit-ilpourautant de ressembler aux hommes? Si êtreégalesaux hommessignifie pardéfinition qu'ils et si nous revendiquons en mêmetempsl'égalitépour cessentde nous opprimer, en tous les êtreshumains,c'est-à-dire que les hommescessentd'êtreoppresseurs ? Selonquelscritères ? Dans la général,quelle différence pouvons-nous revendiquer luttepour une sociétéégalitaire, la différence que nousposons,en tantque féminous desnistes,estcelle de nos choixpolitiques.Quand,dansune manifestation, sinonsla vulveavec nos doigtsau lieu de leverle poing,qu'affirmons-nous ? La de notreluttecontrenotreoppressionspécifique.Nous affirmons spécificité que notrefrontprincipal,en tant que femmes,est la lutte pour la destruction du Mais à partirde notrepositiond'opprimées, de la phallocratie. systèmepatriarcal, ce n'est pas une société«féminine» : c'est une sociétéoù que nous revendiquons hommeset femmespartageraient les mânes valeurs: les mêmes,cela veut dire nécessairement anti-hiérarchiques. anti-phallocrates, Dans notreluttenous exigeonsla reconnaissance de notrehistoiredansl'Histoire: histoirede notreoppression, histoirede nosrévoltes, histoirede nos apports etc. Mais nos apportsspécifiques, il ne fautpas oublierqu'ils culturels, techniques, ont existé,existent,à partird'une divisionsexuelleet hiérarchique des tâches.Si nous avonsinventél'agriculture, la poterie,la sciencedes plantes,la tapisserieou l'artdu patchwork, nous devonsles fairereconnaître commeapportséconomiques maisnous n'avonspas à nousy cantonner. Ce que nous et/ouculturelsgénéraux, nous proposonset devonsapporter(à la foissurle terrainqui nous a été imparti en les obligeantà s'y mettre,et surles par les hommes,mais en le subvertissant, terrains : parexemple,musique,mathématiques, à nousréapproprier architecture..., décisionspolitiqueset économiques),c'esten définitive un changement globalde la société,le partagedes tâches,l'accès égal aux moyensde productioncommeaux outilsculturels. 13 une différence Nous constatons biologiqueentrehommeset femmes: ellen'impliun en elle-même rapportd'oppressionentreles sexes.La luttedes sexes que pas dans une différence entrehommeset femmes n'estpas biologique.Nousconstatons à la fois sociale ; des différences la hiérarchie Voppresexprimant psychologiques sion d'un sexe parl'autreet l'exclusionpourchacundes deux sexesdes potentianousvoulonsles abolir. litésattribuées à.l'autre: ces différences-là, • • Une revue"sur"les femmes? Non. C'estavecqu'ils Le mot femme, je ne peux plus,je n'aijamaispu l'entendre. de LEURS fantasmes cadavre de leur un mot m'ontinsultée.C'est langue, empli et le MOT. Avec bien revoilà contreNOUS. Nous, qui ? Les femmes, sûr, ça, ils nousont «eues»,commeILS DISENT. ce qui se passederrièreleurs Alors,une revuepour essayerde comprendre mots,ceux-mêmes qu'ils nous imposent,parfoisjusque dansnotrerévolte.Savoir que c'est A leursmots que nous nouslaissonsprendre(femme,amour,responsabilité,honnêteté,fidélité,sentimentmaternel,spécificité féminine...)mais PAR travail leursinstitutions (très)matérielles que nous sommeseues (mariage-servage, gratuiten leur faveur,lois et violence sous-payépar rapportau leur,sur-travail du monde...).Ça, ce contrenous,silenceà nous imposé,exploitation, dépossession les suivre? Car,attenn'estpas des «mots». Mais ils jouent des mots.Devons-nous A cinq ans,c'est fait: ilsconnaissent tion,ils saventce qu'ils fontmatériellement. ensuite les arcanesdu langagedu mépris(à cet âge ils vontdroitau fondamental, viendrale (même)langage(mais)censuréà usageoppressif: celuides vaseulement de la Femme-être-spécifique) leurs«féminines», ; c'est faitparcequ'ils possèdent leurépouse). leurfemme: leurmère(en attendant déjà matériellement Pournous,le tempsn'estplus à leursjeux de mots,maisà l'analyseafinque leursmots ne subvertissent pas notrelutte. «ELLES DISENT [...] que chaque Et ce cribledoit être mot doit êtrepassé au crible»(M. Wittig,Les Guérillères). celuide la réalité,que masquentleursmots. Ainsile mot «femme»: nous n'avonsplusle droitde l'employertoutseul, nous n'avonspas le droitde le penserseul. La réalité«femmes»est sociologique (politique),le fruitd'un rapportentredeux groupes,et d'un rapportd'oppression. Le grouperéel des femmesse définitpar sa positionmêmede groupedansce rapdéfini: par port,toutcommele groupedeshommesest,lui aussi,sociologiquement Ce nous sommes «des mais sa positiond'oppresseur. n'estpas parceque femmes», 14 parce que nous sommes,dansce rapport,opprimées, que nous seulespouvonsdéet de les mécanismes monter(= analyser détruire) l'oppression.Et, commetout en la tactique groupe situationde siège,nous devonsentrenousétudieren priorité de l'agresseur: son comportement (sa violence,si parfaitement tranquille)et son discours(ses mots,par quoi il nous enclôt),le faitqu'il nousaffameet le faitqu'il Il ne suffîtpas, dès lors,de direque l'agresseur nous tentede nous démoraliser. déniel'existence,ou qu'il nous nie dansnotreexistence,et de prétendre que, du notremoi,notre«identité», une «autre» coup, nousallonsentrenous «retrouver» identité...de femme.Quel assiégépeutse permettre cela,s'il ne veutpas se suicider dansl'enclos? Il s'agitde savoirque notre«identité»sociale,notredéfinition réelle,matécela. Il fautsavoircomment, rielle,est d'êtreassiégées,et principalement parquelle nous nie la propriété, la libredispositionde nous-mêmes, le stratégie, l'agresseur libreaccès à notreproprenourriture. Actuellement, historiquement, sociologiquement,il nous nie en nous affirmant femmeet en nousobligeantà ce qu'il a décidé êtrela condition«de femme» . Avantde revenir surce point,reprenons la métaphore du siège,et considérons quels en sontles «moments»- ce termedevantêtreentenduà la foisau sensd'une évolutionhistoriquede la situationet au sensdes prisesde positiondiverses qui,au pointoù nousen sommes,coexistent. Féminité,féminitude,féminisme: les trois "moments"de la bataille 1. Premier : Féminité. Ou : «Toutestpourle mieuxdansl'étatde moment est horsde la villedes siège.»L'assiégeantest aux portesdu ghetto.La nourriture femmes; les champssontappropriés C'est un siègetranquille.Il a parl'agresseur. bloqué toutesles issues,saufla grandeporte,fleurie(surtoutle jour de la fêtedes baissémènedansson camp.Tantque les femmesacmères),qui parle pont-levis ce chemin,d'allerquêterleur nourriture ceptentd'emprunter (et en échangede quel travail,d'ailleurs!), il leurdonnedes miettes.Elles ont encorefaimdansleur maisça a l'airsupportable; d'autant dépendance(aspect matérielde la féminité), leur «fournit»aussil'«explication»: plusque (idéologiede la féminité) l'agresseur c'est que leur constitution de femme(biologie)EST d'avoirfaim,ellesSONT un manque...que lui peut combler(la preuve: les miettes).Affaiblies parle travailellesse disentqu'il doitavoirraison,que «c'est servageet le manquede nourriture, contreleursmaîtresles «méchancetés» commeça» . Tout au plusretournent-elles qu'ils leuradressent: ILS SONT ceci,ilssontcela,maisça aussi «c'estcommeça»... refusent individuellement la féminité et deviennent folles, Quelques-unes, pourtant, ou sonttuées. 2. Second moment: Féminitude.Ou mouvementde reconnaissancedes femmes.Ou : «J'aiété affaméeparlui, sansdoute(1ère prisede conscience)mais j'ai de la VALEUR.» Par exemple: «Jesuislégère,je peuxsauteret danser,je vais construire autrechose,loin de lui. Jesuislourdede moncorps ; mon m'envoler, JE le valorise.»Maiscomment, «loinde corpsest beau. Ce moi qu'ils dévalorisent, 15 lui» ? Mais qui, «je» ? Questions critiques.Réponses incertaines.Cette féminitude, semblable à la négritude,cette différencerevendiquéemais «en mieux», es féminisme culturel, semblable au nationalismeculturel noir, feront-ilsque Ton puisse se nourrirde sa faim ? Prendreconfiance en soi, dira-t-on,est nécessaire.Certes,et cela passe nécessairementpar un «entresoi», un entrenous. Mais «soi» est amaigri, le ventreballonné, c'est le produit de la dynamique de l'affamement,de la dynamique du siège. Nous ne pouvons pas nous contenterde tournersur nous-mêmes, de danser toutes seules en rond, tandis-qu'/fr sont là à nous enclore,à nous barrer les chemins de la liberté. Croire que nous pourrions trouvernotre nourritureen nous-mêmes,c'est faire un raisonnementessentialiste(l'idée d'un soi auto-nourrissant) ou métaphysique (attendre que la manne nous tombe du ciel). C'est faire le jeu de l'autre, c'est s'arrêtersur l'artificetactique de l'adversaire(la faim,la féminité) sans voir sa stratégie(le siège, l'enfermement),se centrersur l'effetsans attaquer la cause. C'est s'enfermerdans un raisonnementstatique, c'est fairel'impasse de la réalité. La réalité est que les trottoirset les places de la ville sont soigneusement asphaltés par l'agresseuret que rien ne pousse dans le ghetto qu'il ne l'ait bien voulu (sauf quelques plantes des murailles,qui ne sauraient remplacerla possession des champs de blé). Même nos qualités «féminines»,comme nos «défauts», sont le produit du rapport politique hommes-femmes,le produit du rapport de siège. Au moins, s'il est une qualité - si obligatoirementet durementacquise dans notre servitude- dont nous devons nous servir,c'est bien le courage... Le courage de nous reconnaîtreet de nous rassembler,oui, mais pour forcerle siège. 3. Troisièmemoment : Féminisme. Ou mouvementde libérationdes femmes. Ou : attaquer les racines sociales de la différence.Ou : «Je ne serai ni femmeni homme au sens historique actuel ; je serai quelque Personne dans un corps de femme.» La réalité est que la nourriture,les champs sont hors du ghetto. S'il est un «ailleurs» où nous devons aller cherchernotre nourriture,c'est bien là où elle se trouve, dans l'espace des champs reconquis, au-delà du rapport de siège. S'il est un «autrement» par lequel nous devons acquérir notre nourriture,c'est bien en nous battant sur le champ de bataille. Pas en dansant une ronde poétique sur la place du haut de la ville, celle aux escaliers,comme si nous avions le pouvoir de remonterle pont-levis,de nous renfermersur nous-mêmes.Car le cœur du problème, c'est bien que la machineriedu pont-levis,les chaînes qui le maintiennent baissé vers l'assaillant,est non pas dans nos mains, mais dans ses mains. Le champ de la bataille, c'est la grande porte ouverte de la Féminité,c'est le pont-levisbaissé de l'oppression, c'est le camp de l'agresseur.C'est pour les traverseren force que nous devons rassemblernos forces. Chacune de nous ne pourra être «elle-même» que lorsque toutes nous nous serons réappropriéle monde du réel. (Après seulement, notre imaginaire,comme celui des hommes, sera transformé).Pour le moment, il nous faut de l'imaginationconcrète, tactique, qui procède d'une analyse des faits. Est-ce à dire que l'utopie soit à refuser? Certesnon. Les utopies, comme les cris, nous sont nécessaires : elles sont nos mots d'opprimées,notreimaginationso- 16 l'utopieprocèdeen faitd'une analyse; et il y a plusieurs ciologique.Simplement, Les unes sortesd'utopiescommeplusieurssortesd'analysesqui les sous-tendent. à : les en la réalité savoir en donc contre) (et politique, qui prennent compte = un dans classe l'intérieur, définie (à rapport par) femmes sociologiquement maisdontl'oppressionest elle-même idéologid'oppressionmatérielet historique, à une le dominant soi-disant détermination bioloquementrapportéepar groupe rendre et d'elle seule. Les autres sans s'en de la classe opprimée, qui, parfois gique à leur compte(et contrenous-mêmes) la théoriede l'opprescompte,reprennent = : la femme. son à savoir les femmes seur, idéologiedernière, Biologique,idéologique,politique... à éluciderle rapportentre Il nous sembleimportant de parvenir maintenant le politiqueet le «biologique».Car - et c'est là une sourced'ambiguïtéet de confusionpossibledansnosanalyses- nouspouvonsà la foisdirequ'il n'ya pas de rapportentreune constitution physiqueet une «condition»socialeET reconnaître le il que pour moment,rapport y a ! Et nous avonsà poser- nonpas cettefausse de savoirquellesseraientla (trèsà la mode chez les «scientifiques») problématique du du social dans le et la d'individus comportement «part» «part» biologique sexués - mais bien les questionssuivantes: l)En quoi le biologiqueest-ilpolidit, quelle fonctionpolitiqueremplitle biologique? 2) En tique ? Autrement les aux classesbioquoi (et pourquoi) classessocialesde sexe correspondent-elles ? de sexe 3) Comment,matériellement, joue l'idéologie? Certes,nous logiques avonsdéjà des élémentsde réponseà ces questions, maisl'analyseestà poursuivre. A.- Le biologiquecommeidéologierationalisant le politique.Nous savons définie le dans rapportd'oppression)des hommesnous que la classe politique(= en natureson pouvoird'oppresdéfinitcommeclasse biologique,afinde justifier dessexes,maisdansun seulsens.Car,contraireseur.Ils se serventde la différence il n'ya pas dansleurtêtede mentà ce que nouslaissentcroireleurshauts-parleurs, réelledifférence la reconnaissance de des sexes : si tel étaitle cas, cela supposerait deux groupessexués. Or, eux-mêmes se pensentcommeêtrepurementsociaux, généraux,et non pas comme «groupebiologiquedes hommes».Groupe des hommes,oui. Mais dans leur espritils ont une qualité,nous seulesaurionsune A la définieparla maternité). constitution (principalement physique«particulière» en réponseà «féminité», limite,c'est nous qui utilisonsle termede «masculinité», dans une analysesociologique; mais pour eux, «féminité»(donnée du registre social, biologique)s'opposeà «virilité»(qui est un acte,du registre psychologique, humain,commeils se (nous) l'expliquentavec tantd'affreset de complaisance...). Nous voyonsdoncun groupesocialqui décide,agit,pense,organiseson pouvoirsur commeseulbiologique. l'autregroupesocialen le définissant B. - L'idéologiecommematériellement dans la réalité.C'est efefficiente sur notreapparencephysiquequ'ils se basentpour à chaque instant fectivement mettreen acte leurpouvoir.(Exemple : un travailévalué«en soi» - c'est-à-dire 17 de sexe, c'est-à-diresi un hommese présente- à hors de toute considération femellequi répond 3000 F va baisserà 2000 F si c'est un êtremanifestement à la petiteannonce.)En bref,notreclassesociale «femmes»,fruitdu politique,a bien,de par le jeu de l'idéologie,les contoursmatérielsde notrecatégoriebiologique... C- Le retournement logique du politiquesur le biologique.A partirde notreprisede consciencede leurpolitique,et de notreanalysepolitique(à savoir qu'aucunedes deux catégoriesde sexe n'existe,et donc ne peut se penser,hors du rapportà l'autre),nousconstatonsqu'en conséquencedu faitqu'ils ont choisi leurpropreclassepolitiquecoincide le biologiquepournous définir politiquement, l'exclusion des hommes(physiques) contours avec leurs aussi physiques...Aussi, de nos groupesest l'expressionmêmedu faitque nous avonscomprisleurpolien effet,commegroupepolitique.Nous avons tique, que nous les considérons, Eux n'avaientutilisépolitiquement totalement que la nôtre politiséVanatomie. comme LE Leur exclusion «anaseules sexe). (en nous définissant idéologiquement du Où l'on le retournement de leur voit est un retour politique. logique tomique» contre l'idéologique. politique Forcerle siègeou mourir Si doncc'est bien à partirde notreanatomiede femmesque nousavonsété c'est bien aussipour ne pas oublier obligéesde nous rassembler politiquement, est cette constituée catégoriebiologique politique, que par le rapportsociald'opde Pour même ne pas oublier,pour avoir et pression par l'idéologie l'oppresseur. le couragede reconnaître si de femmesanatomiques, nous réunissons nos forces que en tantque femmessociologiqueset dansle mêmetemps c'estpournous détruire leshommesen tantqu'hommessociologiques. détruire Nous devonsabolirlesclassessocialesde sexe,et pourcela ne pas nouslaisser envahirpar l'insidieusequestionde l'identité,des valeurs«spécifiques»à chaque dansla seulevalorisation de notre«culture»de sexe, ne pas nouslaisserengloutir sexe. Nous ne devonspas oublierque «spécifique»veutdireen premierlieu «qui en propreà une espèce». Pour nous, il n'y a qu'une seuleespècehuappartient ce toutesles hiérarchies maine, qui excluttoutesles discriminations, (de sexes,de races,déclasses...). Pour nous,l'analysedoit êtred'abordcelle du rapportde forcequi transsur formeles femmesen femmes.Un discours,une pratiquequi se centreraient à leurinsulestermesde les femmescommefemmescourentle risquede reprendre l'oppresseur: de fermernotrecatégoriesur elle-même.Et, en faisantcela, de de faire «laissertomber»toutesles femmesqui n'ontpas la possibilitématérielle commesi l'agresseur n'existaitpas - qui n'ont pas le loisirde retomber dans le En de la femme-valeur-femme. ces nous nous retournerions piège acceptant termes, contre nous-mêmes, contre notre groupe social de sexe, en fabriquantune «identité»qui cache l'exploitation et l'oppression, matérielle ce rapporttrèsquotidienqui crée notreclasse. Car les femmesles plus femmes,celles qui corres- 18 pondent le plus pleinement à l'actuelle «identité» de notre classe, ce sont les femmesaux salaires de misère,et celles dont le mari s'oppose à ce qu'elles fassent grève,les femmes sans salaire du tout, les femmesviolées, les femmesbattues, les femmesdélaissées avec les enfantsà leur charge. Ce n'est donc pas nous, les femmes,qu'il s'agit de reconquérir,c'est notreliberté. Nous n'avons pas seulementà promouvoirnotre féminitude.Si nous devons nous vivifier,si nous devons prendre la parole et l'écriture,si nous devons passer aux actes, c'est pour transformer maintenantles rapportssociaux, économiques et à amènent classer politiques qui hiérarchiquement,en groupes dits «de sexe», des individusidentiquementhumains,identiquementsocialisables... Il s'agit d'analyser, pour le détruire,le système des sexes sociaux. Il s'agit de forcerle siège... ou de lentementcontinueide mourir. • • Une revuethéoriquepour le féminisme? Oui. Nous voulons interdirequ'un rapporteurde loi puisse dire, à l'Assemblée, que les femmes vieillissantescoûtent cher à l'économie nationale et que, pour l'amour d'elles, on votera la retraiteà 60 ans pour épargneraux employeursl'ennui d'avoir à s'en débarrasser...Nous voulons comprendreet mettre à jour les déterminantshistoriques et sociaux qui ont permis qu'un groupe social puisse être traitécomme un bétail : qui ont fait de nous - la moitié de l'humanité- des êtres domestiqués, élevés en vue de la reproductionet de l'entretiende l'espèce. Nous connaissons le sens des mots et que «l'amour, l'abnégation, le dévouement» est le langage truqué du mépris,de l'humiliationet de la peur dans nos vies quotidiennes. Nous - des êtres vivants - traitéscomme des objets, parce qu'une société fondée sur la violence, l'exploitation et l'oppression suppose, s'agissant de nous, la dé-possession (du nom, de l'identité, des droits, du corps), le viol, la terreur,le meurtre.Nous, objets, selon le cas, d'usage, de troc, d'échanges, de fortune,de bien-être,de prestige,de pouvoir, de manipulation,de science. Nous, seules de tous les groupes sociaux historiquement dominés, méconnaissant le caractère social de notre condition parce qu'en tant que femmes,assujetties par contratssinguliers(de mariage)au patriarcat. Nous connaissons le sens des mots :«Péternelféminin»,«l'instinct»,le grand renfermementdans «la nature des choses»... Nous savons que psychologie,catégories de la connaissance, disciplinesdu savoir,valeursbourgeoises,idéalisme,sont un langage chiffré.Il n'y a pas d'essence. Pas de femme, de féminité,d'éternel 19 féminin.Il y a un groupe social chargé des basses besognes, méprisé d'avoir à le faire,si peu «spécialisé» que le langage qui nous désigne et nous conformenous décrit simultanémentcomme le sexe, mais comme celui qui n'en a pas, comme la déesse-mère et comme la putain, comme l'hégérie et le bas-bleu. Nous savons que «les femmes» c'est un rapport de force supposant la double journée, la disqualification professionnelle,la plus basse paie, la charge sociale exclusive des vieux, des infirmeset des enfants. Les uns disent : la femme. Nous disons : les femmes. Féministes,nous le sommes parce que la manipulationcommercialede notre corps, de nos vies, ne nous laisse pas le choix ; parce qu'une société qui permet l'exposition du sexe des bébés-filles(ex. : le Danemark) montre clairement le caractère politique de la hiérarchiedes sexes et que ce n'est pas la pornographie qui procure la jouissance, mais la jouissance du pouvoir qui constitue la pornographie. Féministes, nous devons montrer le caractère historique, social, donc arbitraireet réversible,de cette hiérarchiedes sexes, et qu'il n'y a de «femmes»que pour autant qu'un rapportde force inégalitairefait de l'oppression et de l'exploitation d'un groupesocial la condition du pouvoir de l'autre. 20 CLUB DES FEMMES : «Citoyennes,je viens de découvrirsous ce masque perfideun de nos tyransconjugaux qui s'était glissé parmi nous pour nous moucharder: je demande qu'il soit passé à la savateen pleine assemblée». ADOPTÉ. 21 Christine Delphy Nos amiset nous. cachésde quelquesdiscours Lesfondements tes feminis pseudo- L - LE NEO-SEXISME OU LE FEMINISME MASCULIN Où Von voit qu'il y a mieux qu'un silence de femme : une parole d'homme1 Nous comptonsde bons amisparmiles hommes.Nous les fuyonscommela là la démarche peste,et eux tâchentde forcernotreintérêt: qui ne reconnaîtrait mêmede l'amitié! Y. Florenne,aux premiers rangsde ceux-ci,n'arrête pas d'êtreamicaldu haut de sa colonnedu Monde.C. Alzon,du haut de sa tribunedu mêmeou de sa chaire de Vincennes,se proclame«féministe». Nous nous découvronstous les jours de nouveaux«amis» : P. Laine par exemple,découvertdansun numérospécialque la QuinzaineLittéraire a «consacréaux femmes»en 1974 et qui nousa faitl'amitié dans la revue d'écrireun livresur nous, SamirAmin qui «salue le féminisme» Minuit(janv. 1974). ont plumasculinsde la libérationdes femmes, Tous ces amis,ces partisans sieurspointscommuns: - Usveulentse substituer à nous. - us parlenteffectivement à notreplace. - Ils approuvent la libérationdes femmes, et mêmela participation des susditesà ce projet,tantque libérationet femmesles suiventet surtoutne les précèdentpas. - Ils veulentimposerleurconceptionde la libération des femmes, qui inclut la participation des hommes,et réciproquement ilsveulentimposercetteparticipaet le sens : la direction,de la libérationdes tion pour contrôlerle mouvement femmes. 1. Ce texte a été commencé en 1975. Cest pourquoi la plupartdes articlescités dans la premièrepartie datent de 1974. Mais, même en ce qui concerne cette année-là,on s'apercevra vite que j'ai négligénombrede productions.En effetmon propos n'était nullementde dresser un quelconque tableau de l'année sexisteécoulée, mais de décriredes mécanismesen analysant des exemples significatifs. J'ai été les chercherdans toute l'étendue historiquedu mouvement des femmes,et certainsévénementsrappelés remontentaussi loin que 1970. En 1977, mes exemplesont toujoursune valeur illustrative,comme un brefpassage en revuede la littérature actuelleen convaincra. 22 de soientnos amismasculins,ils ne peuvents'empêcher Aussi bienveillants laisserpoindre,à un momentou à un autre,le bout de l'oreille.Ils comprennent : de libération disent-ils les mouvements des femmes, jusque dansleurnon-mixité En ceci ilsse distinguent de «Bien sûr,les opprimésdoiventse libérereux-mêmes.» et se montrent à la grandemajoritédes hommes,qui ne comprend supérieurs pas, et qu'ils renientvertueusement. Eux montrent une attitude«ouverte»; ilsessaient de comprendre parceque ce sontde finestêtespolitiques,du genrequi saitflairer en tantque finestêtes avanttout le monded'où soufflele vent.Maisjustement, de de fines c'est leur devoir Et analyses. ceci les conduitinévipolitiques, produire tablementà repérer, ici ou là, despointsnégligés entenparles femmes, qui restent, dons-nousbien, les actricesprincipalesde leur libération.Mais,ayantrepéré,il seraitmalhonnête,voireinamical,de ne pas nous indiquerces pointspar nous maisfermement. AinsiChénau,l'un de négligés.Et indiquerils font,gentiment, en une page, dans la QuinzaineLittéraire, nos meilleurssupporters, produitune de définitive mouvements des femmes et amitié des analyse oblige grouffres et qu'ellesn'ontpas vus,maisque lui voit.Ces mouvements ontpris qui lesguettent une mauvaisevoie- unevoienon-chénauienne. Son devoir,qu'il assumetristement mais courageusement, est de nous avertirque, dans ces conditions(de non-chéà nous courons notreperte.Et croyezbienqu'il en est désolémaisil y a nauité), réfléchi unepage entière.Alors...que peuventdesmilliers de femmes et desmilliers de pagesvenantdu mondeentiercontrela pénétration d'un Chénau? politique Pourlui,rien Que ces groupesqui travaillent ans six sur une depuis questiondont il disposeen soixantelignes,et toutseul,arrivent à des conclusionsopposéesaux siennes,ne le faitpas douterunesecondede la validitéde son analyse: si quelqu'un se trompe, ce n'estpas lui. Y. Florenne,lui, saitmieuxque lesfemmesquellepsychanalyse les opprimeet à laquelleellesdoivents'attaquer.Lui aussi,et avecle mêmeregret, se doitde nous de sommes cible. Ah, si seulementil y avaitplus signalerque nous nous trompées d'hommescommelui parmiles femmes! C. Alzon faitchorusavecFlorenne,mais surun tondéjà plussec.Carsi le premier en disantque prétendencore«plaisanter» «le féminisme estune chose tropsérieusepourêtrelaisséeaux femmes», C. Alzon ne rigoleplus du tout : le féminisme est son affaireet ces bon dieu de bonnes femmessonten traind'y foutrela merde.A preuve: ellesne traitent pas despromaisc'est à nousde fairele blèmesqu'il a missurleuragenda(car c'estsonaffaire travail),se plaint-ildans sa tribunedu Monde. Et encoresi c'étaitquestionde paresse: mais c'est pire. Il détectede la mauvaisevolonté,voirede la mauvaise foi ; il diagnostiqueque si nous ne traitonspas des problèmesqu'il a décidéque nous devionstraiter,c'est parce que nous ne sommespas prêtesà «tenircompte loyalementde la biologieet de l'ethnologie».En somme,mais est-ceétonnant de la part de femmes,nous refusonsun combatd'hommeà hommeavec ces de chairet de sang êtres(la «biologie»et «l'ethnologie»doiventêtredespersonnes Et notre être avec «loyal» (ou «déloyal») elles). déloyautéellepuisqu'onpeut Et «ce mêmedoit êtremise au compted'un «manqued'honnêtetéélémentaire». n'est pas tout». Nous «préconisons»des «solutionsinacceptables»(pour qui !). Enfinnous ne «précisonspas» que la non-mixité est «affairede tactiqueet non de dogme». Peut-être ne ? nous savons Mais alors que pas quand on ne sait pas on ne lèvepas la main.Rasseyez-vous Mademoiselle et laissezla paroleà votrepetit 23 camaradequi sait : sait ce qui est affairede tactiqueet saitce qui est affairede Alzon Et là, évidemment, dogme,en brefsait ce qu'est le «Radical-Féminisme». a une longueurd'avancesurnouspuisqu'ila inventéle mot.En touslescas le «Raest là : le modèleen est tout clairdans la têted'Alzon,et les dical-Féminisme» en trainde dévoyerce modèle. femmes sonttoutsimplement de ce que une vue si clairenon seulement Maisd'où ces hommestiennent-ils mais de ce qu'il est dansson essence,essencedontles devraitêtrele féminisme, un reflet, mouvements réelsne sontà leursyeuxqu'une incarnation contingente, fait carrément insaimitation tout à sinon à les une et, entendre, approximative ? tisfaisante à ces mouvements Le faitde ne pas participer réels,de ne pas en suivreles enfinle faitde ne pas êtredes individus discussionset les débatscontradictoires, un et premièrement directement impliqués,ne semblentpas pour eux constituer obstacleà la prisede positions.Ils pensentque leursopinionssontnonseulement maismieux,qu'ellessontplus aussi valablesque cellesdes individus sus-mentionnés, leur statut Il leur inévitable valables. semblequ'ils conçoivent non-engagement, non mais au contraire comme un d'observateurs, commeun handicap, avantage. Cetteconception- implicite- va de touteévidenceà rencontrede leurspropres de principespolitiqueset de ceux qu'ils acceptenten acceptantles mouvements des femmes. libération ? C'est que nous ne sommespas des flagrante Pourquoicettecontradiction n'oseraient commeles autres.Ils jamais«conseiller»les Noirs,lespeuples opprimées à forte leur«erreurs»du Tiers-Monde, les Palestiniens plus raison«rectifier» surla façonde menerla luttecontreeux,blancsoccidentaux.Ils n'oseraient jamais sous-entendre que ces opprimés-làsont «à la foisjuge et partie»,tandisque les constamment ne seraient«que juges» (!), commeils le sous-entendent oppresseurs : une bienveilà proposdes femmes.L '«amitié»de nos amis est du paternalisme une bonne dose de mépris,mieux,une bienlance qui comportenécessairement veillancequi ne s'expliqueque par le mépris.Ils se mêlentde nos affaires parce qu'ils nous estimentincapablesde nous en occuper.Mais «ce n'estpas tout» : la vérité- une autrevérité- c'est qu'ils ne peuventse résigner, eux qui sontlespremierspartout,à ne plus l'êtreaussi là : or,là, ils ne peuventmanifestement pas de garderune place,de n'êtrepas n'estqu'une tentative l'être.Leur bienveillance exclus. Il existeune raisonobjectiveet majeureà leur tentativede contrôlerla : la peurqu'ils ne se dirigent contreeux ; maisde surdirectiondes mouvements croîtune tendanceimpriméeen eux dès leur naissance,et devenueune seconde nature,est plus fortequ'eux : il fautque cetteplace soitleurplace,et leurplace c'estdevant. On Ta vu d'une façonspatialeà la première de femmes grandemanifestation en novembre1971 pour la libertéde Favortement. Si un tiersdes hommesétait commeconvenu,les deux autrestiersétaientdevant,cachantles femmes, derrière, laissantcroirequ'il s'agissaitd'une manif.usuelle,c'est-à-dire d'hommes.Aucune exhortation de se remettre, ne pouvaitles convaincre sinonderrière, au moinsdans de les rangs.Et pourtantils étaientconscientsqu'il s'agissaitd'unemanifestation allaitcontreles conséquencespratiquesde ce femmes.Mais leurconditionnement fait.Il fallaitque là encoreilssoient,commed'habitude,au premier rangde ce qui se passait,quitteà mettreenéchecl'objectifpolitiquequ'ilsapprouvaient. 24 entreces «amis» et nos ennemisdéclarés,ceux qui Où est alorsla différence de nous traînentdans la boue et nouscouvrentde ridicule? C'est une différence de de non et de dirait une «affaire et comme ou Alzon, fin, tactique», moyens pas de front et avouent franchement Les nous («loyalestratégie. premiers attaquent à la nôtre).Nos ment»?) leurobjectif: resterà leurplace(et doncnousmaintenir d'une de ont leur choisi amis,eux, façonplus subtile,mais d'essayer garder place sontexclus,de peu puisqu'illeurrestela soaussipluscomplète.Car les premiers tandisque les secondsne visentà ciétéentière, maisau moinsdes rangsféministes, du petit bastionde rien moins qu'à maintenirleur pouvoirjusqu'à l'intérieur à ce pouvoir. résistance de passerun papier Au printemps 1971, nousavonsessayéà plusieurs reprises dans le Monde, avantet aprèsle manifeste «des 343» pourexpliquernotreposition.Le Monde,nousl'a toujoursrefusé,sous le prétexteque cettepositionétait déjà exposée.C'étaitFAUX : de 1970 à 1971 il étaitparuune soixantained'artil'autre dansce journal.La moitiéprovenait des réactionnaires, cles surl'avortement la moitiéétaitcontretoutavortement, l'autremoitiécontre moitiédes réformistes, la libertéde l'avortement. Le Monde avait l'avortement libre.Aucunne défendait donc donnéla paroleen un an au moinstrentefoisà «Laissez-lesvivre»et trente - organisation foisà l'ANEA (Associationnationalepourl'étudede l'avortement) et l'avortement soutenant elitiste, anti-femmes, thérapeutique, anti-démocratique, la mise en tutelledes femmes.Jamaisle Monde n'a accordéla parole c'est-à-dire ni en tantque partiesprenantesd'un aux femmesqui luttaientpourelles-mêmes, ni en d'un manifeste et tantque signataires mouvement historique international, en n'a acceptéde de Jamais il s'est qu'il cependantdépêché publier première page. la était à et qui devait une du manifeste seule fois positionqui présenter l'origine resterle moteurde toute la campagnesubséquente, celle pour la libertétotale de l'avortement. notonsque M. Badiou,leaderd'un grouA titrede comparaison, de Vinmilitants dansl'université totalise maoïste puscule qui vingt-cinq répartis cennestoutentière,eut droiten cettequalitéà exposersesconceptions politiques dansunetribuneduMonde. «des 343», qui a été invitéà parlerau colloqueorgaJusteaprèsle manifeste ? L'ANEA,le Dr Milliez, nisépar le NouvelObservateur, à proposde ce manifeste a E. Sullerot,etc.. maispas les signataires. Qui, à cause de ce mêmemanifeste, ? l'avortement théradans les journaux Les partisansde largement pu s'exprimer de surcroît, combattaitet dontle mouvement peutique- ceux que le manifeste, du maétait en trainde dépériret auraitpériclitésans la «bombe»journalistique : des adversaires de la linifeste.Ainsi,celui-cia faitla fortunede ses adversaires a été du manifeste berté.C'est par un pur hasardque la positiondes signataires le le Nouvel a fait dans Observateur le livre blanc après colloque. Il que publiée n'étaitpas prévupar ce journalqu'elle le fut.En revancheles opinionsde Milliez, et s'yétalaient. etc. avaientété religieusement recueillies Sullerot,Dourlen-Raulier, Le Monde,le NouvelObservateur, A d'autre s'attendre dira-t-on. bien, quoi : parlonsde ? Parlonsalorsdes «révolutionnaires» de la partde l'Establishment Masperopar exemple.Le numérospécialde Partisans: «Libérationdes Femmes, en annéezéro» (n° 54-55,juil.-oct.1970),a été arrachéde hautelutteau rédacteur d'un femmes féministe chefde cetterevue,E. Copferman. ayant Quelques groupe à Maspero,celui-cirefusade l'éditer,et proposaà en 1970 proposéun manuscrit 25 la place d'en publierdes extraitssous formed'articlesdansun numérode Partisans consacréaux femmes.Et de chercherdes auteurspource qui seraitentièrement numéro.Et de les trouver.Qui donc, en dehorsde nos camarades,devaitécrire - qui devaitremplir les deux tiersde la revue? Des spécialistes. Des spécialistes de ! E. ? Ainsi était-il une article Mais du marxisme, voyons Terray pressenti quoi pour sur...Engels,et le resteà l'envie.Voilà ce qu'on appelaitet continued'appelerun «numéroconsacréaux femmes»: des commentaires d'hommessur des livres à trois.Quandnouslui avons d'autreshommes.NoussommesalléesvoirCopferman de libérationdes f«runes,il nous a toisées: dit que nous étionsdu mouvement ?» Ceci pouvaità la rigueurse comprendre : nulne connaissait «Quel mouvement - et notreexistence.Maisjustementnousétionslà pourl'informer. D'êtreinformé ne nous a valu aucunegratitude, maisne lui a parmiles premiers non seulement en suffi. se constitue qu'un grouped'opprimés groupede lutte pas Apparemment, est un acte politiqueen soi danstous les cas, saufdans le cas des femmes.«Com?» Hélas, mentpuis-jesavoirqu'il ne s'agitpas d'un mouvement petit-bourgeois d'un révolutionnaire nous n'avionspas de certificat signé patenté(lui-même parqui d'ailleurs?). Ne sachantrien,comme on l'a vu, de la libérationdes femmes, E. Copferman ne doutaitcependantpas un instoutde sa problématique, ignorant tantde savoirquellesétaientles bonnesquestionsà poser. ? - la «Révolution»tandis D ne doutaitpas de détenir- parquellelégitimité Et il envisageait en demander encore de lui un satisfecit. que nousétions situation la demander ses titresde moinsque nous aurionspu lui retourner question: lui de la Révolution; nousen considérer commeles légitimes et ne héritières, propriété : voiren lui qu'un bâtardsansdroits.A proposde sa questionsur«petit-bourgeois» à côté de la plaque ne lui faisaitni chaud ni qu'elle fûtpour nous complètement froid.Dans les premières réunionsdu groupede Paris,alorsuniqueen 1970, nous avons dû viderphysiquementdes hommes,venus seuls, et persuadésque ces réunionsdevaientêtremixtes.Que les premières concernéesfussentd'un aviscontraireà celui de l'intrusne jetaitpas de doutedansson espritquantà la validitéde sa propreopinion,pas plusque le faitqu'ellesétaientdeuxcentset lui seul. Pources hommes, n'étaientpas unemajorité: je croisque deuxcentsfemmes c'étaitplutôtcommeun seul autreindividu, puisquec'étaienttoutesdes femmes. Et à cet autreet uniqueindividu, l'hommeen questionse sentaitde plus le droit dfimposersonopinionet sa présence. Pouren revenirà Copferman, son arrogance ne nousa pas intimidées comme il l'espérait, maisindignées: nous lui avonsditqu'unmouvement socialn'avaitpas à se justifierdevantun individu, fût-ilrédacteuren chefd'une revue«révolutionnaire»,et nousavonsprisla directionpolitiquede ce numéro,commeil étaitnormal. Nous avons donc fait seules - ou presque,un certainGodmichaus'étant ne se l'est - et ne nous l'a - jamaisparaccroché- ce numéro.Mais Copferman donné.Un numérosuivantde Partisans(n° 57) contenaitdeux articlesvindicatifs du mouvement vis-à-vis et serviles des femmes vis-à-vis de la gauchemasculine, que, ou Maspero,mais qu'importeles indiviCopferman pour comble d'indignité, dus - avaitcommandésà des femmesde leurorganisation Et environ (trotskyste). un an et demiaprès,Partisanspubliaitun articlede C. Alzon,que beaucoupontpris à l'époque pourune femme(ce qu'on devaitespérerchez Masperopuisquel'équivoque - trèsutile- n'a pas été levée),«La femmepoticheet la femmebonniche». 26 Cet articleacceptaitassez du féminisme pour n'être pas récusé d'emblée(et contreluid'autantmoinsqu'il semblaitque l'auteurfutune femme), puisl'utilisait de la récupération. Un an plustard,Masperosortait même: ce qui est la définition en livrece texte,à peineaugmenté.Inutilede direque Masperoavaittoujoursreféministes fusé les quelques manuscrits qui lui avaientété proposés.C'est donc biennotreparoleque C. Alzon a prise,et avec l'aide - avecl'empressement comde France».Le contenudu livreest révélaplice - de «l'ÉditeurRévolutionnaire teuren soi ; mais qu'il soit publiéchez Maspero,quand on sait Panimositéque (ce derniera été jusqu'à adresserune lettred'injuresorMasperoet Copferman l'intermédiaire d'Actuel,à E. Durand,auteurdansPartisansde l'ardurières, par ticlesurle viol) n'ontcessé de manifester au mouvement, étaitdéjà une indication d'anti-féminisme. inutilede direque si il a été fait Quantau numérode la QuinzaineLittéraire, surles femmes, c'est dansle sensqu'il a été faitsurleurdos : carlesmouvements de libérationqui en étaientle sujetn'ontété ni contactésni mêmeprévenus.Un de femmes, numéroentiersurlesmouvements qui s'yprétendde plussympathique, et où la parolen'est pas donnéeune seulefois à une quelconquedes femmesde - pour ! Voilà unebelleperformance, ces mouvements qu'on voudraitvoirréitérée le sport- au sujetdes Palestiniens, des Bretonsou desJeunes.Maisnuldouteque l'on ne le verrapas : l'impudencea ses limites,qu'on ne peut franchir qu'avec les femmes.Mais avec elles,pourquoise gêner? C. Alzon, dont on saitmaintenant qu'il est un hommeet ne faitdonc partie,à son granddam,d'aucungroupefémilibresdu Monde sur...la libération des femmes. niste,a écritce jour deux tribunes On saitavec quel succèsnous avonsdemandéces tribunes. Et C. Alzonn'auraitjamaisbénéficiémêmed'une tribunesurunautresujet; c'estparcequ'il parlesurles femmesqu'il a obtenuces tribunes. Et il ne les auraitjamaisobtenues,surce sujet non plus,il y a cinq ans : c'est le surgissaientdes mouvements de libération et la demandede paroledes femmesqui a crééune demandede parolesurles femmes. Le pouvoirmâle non seulementdissocieces deux exigences,mais utilisel'une contrel'autre: il ne suffisait la paroleaux femmes; il fallait,pour pas de refuser mieuxrétablir faire des hommes surles femmes. Ces hommesparlent l'ordre, parler donc doublementà notreplace : ils parlentde nous,mieux,de notrelibération, et ilsen parlentdeslieuxd'où noussommesproscrites. Ils ontla parolegrâceà nous, maisde plus,en nousla retirant. Plusexactement, c'estpournousla retirer qu'on la leur donne.Tandisqu'auteurset réalisateurs anxieuxde se faireun nom et une carrière sautentà piedsjointset brasraccourcis surce nouveaudomaine: la libération des femmes,éditeurset rédacteurs de livreset de journaux,producteurs de filmsou de télévisionattendent anxieusement ce qui seraplusencorequ'un silence de femme: uneparoled'homme. Où Von voitMerlinl'Enchanteurtransformer les bonnes intentionsen de classe. appartenance Les amismâles de la libérationdes femmes- que d'aucunesappellentavec l'impertinence, pire, l'ingratitude, qui caractérisentles enfantsgâtées, nos «souteneurs»- ont révéléà maintesreprisesque leurcompréhension s'arrêtait là 27 où la véritablelibérationcommence.Comment,dans les conditionsdécritesplus se déclarernos «alliés»? sansforfaiture, haut,peuvent-ils, Ils ne le déclarentpas longtempsd'ailleurs.Il n'en fautpas beaucouppour qu'on s'aperçoiveque la bienveillanceaffichéepar laquelle ils prétendentse des autreshommesrecouvrele mêmeméprisque l'hostilitédéclaréedu distinguer délitde «rectifier nombre. Prisla maindansle sac : en flagrant nos erreurs», grand Y. Florenneabandonnevitela carottepourle bâton: «Prenezgarde,dit-il,de vous aliénerles quelqueshommesqui sont bien disposésenversvous.» Maispourquoi devrions-nous prendregardeà cela ? N'est-cepas de nous que dépendprincipalementnotrelibération? Cettemiseen garderévèleque nos «amis»,qui prétendent le penser,le disenten faitdu boutdeslèvres,partactique,maisn'encroientpas un d'hommes mot : qu'ils estiment«l'alliance»(on verralaquelle)d'uneminorité plus de de la femmes la des conscience importante que prise majorité pourla libération desfemmes. : ce n'estpas des femmes, C. Alzon,lui,le ditcarrément commeon le croirait ultimement l'issue du combat maisde nos «amis» féministe, naïvement, que dépend mâles.Son soucid'appuyerce qu'il voudraitêtrevraides femmessuruneprétendue rendencoreplus patente et cettegénéralisation «loi», le conduità généraliser, de sa proposition: «Aucunerévolution l'absurdité socialen'a pu se fairesansl'apissusdescastesdominantes.» pui d'éléments On peut soutenirque l'appui de quelques ennemisde classes- ou plutôt d'individusayantabandonnéleurpositionde classe,car s'ils la gardent,ils restent à tousmodes ennemis- est utile à certainsmoments.Dire qu'il est important dire est une mentsest allerun peu loin.Mais condition déterminant, qu'il est qu'il ne peutse faire»,està la foisunecontreque sanslui «la révolution indispensable, convictionintellecvéritéhistoriqueet une ineptiepolitique,car c'est confondre tuelleetpositionréellede classe. "Paroled'homme'9ou l'idéalismeà l'œuvre. La pensée qui peut produireune telle confusionest marquéeau coin de l'idéalismeet de la réaction.Y. Florenneva encoreplusloin,si l'on peutdire,dans - naïvement ? - que le rapportindividuel cettepensée.Il affirme entreun homme et une femmeest,de tous les rapports, celuiqui estle plussuceptibled'échapperà la société! On en restebaba. Quant à Alzon, poursuivantsa confusionjusqu'à son termelogique,il soutientque «l'oppositionn'est pas entrehommeset femmesmais entrele fémi. La positionde classeet la façonde la penser- le manismeet l'anti-féminisme» térialisme dontil se réclame- sontlà complètement évacués: il suffit d'unpeu de bonnevolonté,et hop ! on peut fairefi de la structure sociale(tout en «luttant on se demandepourquoi).Et notregrandspéquandmêmecontrecettestructure», cialistede se précipiter dansune ineptiede plus- on ne pourraau moinspas lui re: «l'oppositionn'estpas entreBlancset Noirsmaisentre procherd'êtreincohérent ceuxqui acceptentet ceuxqui refusent un certaintyped'oppression». J'aimele «certaintype»pour sa pudeurvieilleFrance,pour son floutout à fait«rétro». Mais surtout,que j'aime à entendre affirmer des «marxistes» que tout 28 se passe au niveaudes valeurs,mieux,des déclarationsd'intentions (pures,bien ne des les sont des entre luttes conflits révolutionnaires pas groupesconsûr); que tantsaconcrets cretsopposéspardes intérêts mais,commela philosophieidéaliste, d'idées ; que le vanteque vulgaire, nousle serinedepuisdeuxmilleans,desconflits ! Dire que de ou de subirl'oppressionne faitaucunedifférence faitde bénéficier à la réalitéde l'oppresc'est pourAlzon,nonpas se référer cela faitune différence, mais «fairepreuvede rasion,qui est aprèstoutla raisond'êtrede la révolution, . cismeou de sexisme» Le retournement de l'accusationde racismeest une réactionclassiquement défensiveet une défenseclassiquement Et cela faitquelque temps réactionnaire. l'on voit les de accusées sexisme femmes déjà que par des gensqui souventn'en mêmepas le sens originel,maisqui ont l'excusede ne pas poseraux connaissent encore moins aux «féministes».L'accusation de «contre«révolutionnaires», racisme»ou de «sexismeà l'envers»est typiquement réactionnaire ; elle l'estdéjà a priori,avanttout examen,en cela seul qu'elle pose implicitement une symétrie et opprimés.Il est incroyable entreoppresseurs ose de qu'on proférer telleschoses à proposdesnoirs,dontle mouvement estplusancien,plusconnuet plusre-connu, Il estincroyable nonseulement que celuides femmes. que quiconquese prétendant au courantdes luttes,maisde surcroît«spécialiste»,fassepreuved'une telleignorance,au senspremierd'absenced'information ; et que quelqu'unqui ignoredes faitsélémentaires de l'histoirecontemporaine ose aborderle sujet. En effet,le a été démystifié «concept»de «contre-racisme» pource qu'il est : depuislongtemps Et ceci n'estpas un développement une tentative d'intimidation. idéologiquerécent et mal connu: toutel'Amériquele sait.Aucunblanc,encoremoinsun blanc«libén'oseraitl'employeraujourd'huiaux ral», encore moins un «révolutionnaire», Etats-Unis. Cette démystification a été l'œuvrede la «nouvellerévolutionnoire» aux a Etats-Unis, qui commencéen 1965 par l'exclusiondes blancsdes organisations de «droits civiques». Cette révolutiona mis un terme à cinquanteans de réformisme surle problèmeracial- cinquanteans de paternalisme blanc.En effet le fonctionnement de ces groupesétaitfondésurun dénide réalité,un faire-semblantconstant.On faisaitsemblant, commele proposeAlzon,que la situationoù les blancsétaientoppresseurs et les noirsopprimésétaitsansinfluence surle fonctionnement des groupesde droitsciviques: 1) surleurpolitique; 2) surla structure de pouvoirde ces groupes.On faisaitcommesi l'inégalité caractérisant intrinsèque les rapportsentrenoirset blancsétaitannuléedès qu'on entraitdansle local de On niait que les blancs apportaientdes ressourcespolitiquessul'organisation. de et accèsà la structure leurs du pouvoir- et meilleures connaissances périeures des ressources, doit d'un faut autre l'instant, mot,appeler«psycholoqu'on pour Commeon ne peut luttercontrece que l'on ignore,ce que giques»,supérieures. l'on nie,ces facteurs et sansfrein,avec le résultatinévijouaientdoncpleinement table que les blancsoccupaientune positionprivilégiée jusque dans les organisationsconsacréesà «l'amélioration du sortdesnoirs». Mais leur présence,en dehorsmêmede toute positiondominantedans la avaitdes conséquencesencoreplusfondamentales, du groupelui-même, hiérarchie : dansdes domainesencoreplusimportants c'est-à-dire 1 - Dans la définition des objectifs, elle-même est liée à la définition du qui 29 contrelaquelleon estcensélutter.Les noirsne de l'oppression combat,c'est-à-dire D'abordilsne en reconnaître leurpropreoppression. des blancs pouvaient présence dénoncer la des même s'ils la dominante blancsdans voyaient, position pouvaient, le la du officielle fonctionnele groupelui-même, puisque dogme, représentation mentdu groupe,dontdépendaitl'existencedu groupeen tantque tel,c'est-à-dire en tantque groupemixte,déniaita priorila possibilité d'unetellechose. 2 - Surtout,que les blancsdu groupeaientou nondespositionsindividuellementdominantes, la tendanceà adopterla définition domileurprésencerenforçait de dont «souffraient». la blanche les Cette c'est-à-dire définition ce noirs nante, de ce au cette définition diffuse deidéologie, par l'oppresseur qu'est l'oppression, les était les membres intériorisée incarnée blancs du noirs, hors, par par groupe. et il étaitd'autantplusdiffìcile N'étantpas noirs,ils l'exprimaient «sincèrement», tandis que celle-cin'existaitpas vraiment, pourles noirsd'y opposerleurdéfinition des blancsétaitla définition officielle. que la définition L'opiniondes blancsétait donc soutenueà la foisparl'ensemblede la culturedoAir les noirset par participent leurprestige d'oppresseurs. Là résidaitun des pointscruciaux.Car non seulementce prestige empêchait les noirsde trouverleur définition de leuroppression, maisen retourla présence des blancsles empêchaitde luttercontrele prestigeque ceux-ciavaientà leurs yeux. En effet,les noirsne pouvaientà la fois voirdes blancset ne pas les voir d'une façonpositive: ne pas les admirer, ne pas désirerêtreeux,puisquececi està la foisun des résultats, une des manifestations et un des moyensde l'oppression. Etreen présencede blancs,les voir,c'étaitdansle mêmetempset avoirune image positivede la blancheuret en prendreconscience.En prendreconscience,c'était prendreconsciencedans le mêmetempsde la base, de la conditionnécessairede cetteimagepositive: l'imagenégativede la noirceur,et prendreconscienceque cetteimagenon seulementexistait,maissubsistaitet jouait à l'intérieur d'uncombatde «libération». Ce n'est pas un hasardsi l'exclusiondes blancsa coïncidéet avec la mode «afro»- qui estbienplus qu'une mode ou mêmequ'unthérapie- et avecl'apparitiondu slogan«Black is beautiful».La non-mixité étaitla conditionlogiqueet concrète historiquede la luttecontrela hainede soi. Les faitsconcrets- l'histoire de la lutte,et des noirset des femmes- commeles implications logiquesde la l'œuvre propositionque la libérationdes opprimésest d'abord,sinonseulement, des opprimés, amènentà la mêmeconclusion: les oppresseurs ne sauraient jouerle mêmerôledansles luttesde libérationque les opprimés! En attribuant des groupesde femmesà un «reliquat»du «traula non-mixité mâle» auraitcausé aux femmeset en le traitant matisme»que «l'autoritarisme commeun phénomènepassager,et, si non passager,condamnable, C. Alzon est à côté de la plaque autantqu'on peutl'être,et de surcroîtil nietoutsimplement et l'histoireconcrèteet les prémissespolitiquesdes mouvements de libération.Sans manifestesdans sa phraseet parlerde la condescendanceet de l'autoritarisme Alzon démontreson incompréhension à la discréditer, totale qui, seuls,suffiraient - des processusde libération. etgénérale- nonlimitéeaux femmes Sa phaserévèleen effetunevisionà la foisstatiqueet idéalistede ces processus. Pour lui il est clairqu'il s'agitseulement,et seulementpour un temps,de un obstaclepurement contourner et il estclairaussique pourlui «psychologique», 30 «fantasma«psychologique» s'opposecomme«subjectif»(à la limite«imaginaire», est la idéoloà bien c'est-à-dire (ce vulgaire, tique») «objectif» qui conception En à ce et donc comme «structurel». conséquence, traugique), «ép¡phénoménal» est aussifacilement matismeétantd'aprèslui un phénomènesubjectif, guérissable D'autrepart,une foiscet obstacle que touteimpression subjectiveestmodifiable. levé,cettemaladieguériepar une périodede repos(c'est ainsiqu'il voitla nonmixité,c'est ainsi seulementqu'elle est justifiéepour lui : la mi-temps pendant on reprend la partie.La partie,pourlui, laquellelesjoueurspansentleursblessures), c'estuneluttequi n'a plusqu'à procéder: contreune oppression connue. La révolution : prise de conscience ou match de foot ? Or on m'accorderaque le premierempêchement à luttercontreson oppresc'est de ne se sentir le momentde la révoltene sion, pas opprimée.Donc premier à entamer consister la lutte mais doit au consister contraireà se découvrir peut : à l'existence découvrir de opprimée l'oppression.L'oppressionest découverte d'abordquelquepart.Dès lorsson existenceest établie,certes,maisnonsonétendue. C'est à partirde la preuvequ'elle existequ'on la chercheensuiteailleurs,ici, de proche en proche.La lutte féministe consisteautant à là, en progressant les oppressions découvrir inconnues,à voirl'oppressionlà où on ne la voyaitpas, connues.Peut-être, sûrement même,ceci n'est-il qu'à luttercontreles oppressions évident faut-il l'avoir vécupourcomprendre cettedynamique, ; peut-être pas pour à quel pointest faussela représentation de la libération commeune comprendre commeunecarteaux simplelutteen ce qu'elle impliqueunevisionde l'oppression dûment aux contours exactement carte surlaquelleil ne recensés, délimités, points : de des victoires. Bien au la libération d'avancer contraire, s'agiraitplus que gagner consisted'abordà élaborercettecarte,car plus on avance,plus on réaliseque les contoursde ce territoire sontflouset éloignés.Ce procès,ce progrèsne sontpas : chaque nouveauterritoire et territoriaux seulement horizontaux annexéà la proune nouvelledimension, blématiquede l'oppressionest aussiet indissociablement cettefoisdansle sensde signification, la définition ajoutéeà et donctransformant de l'oppression. Si on ne peut,sansl'avoirvécu,connaîtrecela, alorson ne parlepas de ce de le vivrene justifiepas l'ignorance; en qu'on ne connaîtpas ; et l'impossibilité des non-opprimés à participer elle prouveque la prétention à revanche, également la lutteest absurde.On ne peut admettre que quiconqueparlantde libérationen ignorele caractèredynamique,que quiconqueparlantd'oppressionen ignorele caractèreobjectifà tousles niveaux.Or la phrased'Alzon,outrequ'elle implique une vue statiquede la libération- conçuecommeune «lutte»-, impliqueaussi une vue à la foissubjective et interpersonnelle de l'oppression subieparles femmes et exercéepar les hommes.Pour lui, le seul obstacleà la participation égaledes hommesà la libérationdes femmesest «l'autoritarisme» de ceux-ci(facteurde naturesubjective, ce qui signifiepour lui qu'il peut êtrelevé par la seulebonne volontédes hommes)et le «traumatisme» facteurégalesubséquentdes femmes, mentsubjectif.De cettepositionidéaliste(voirplushaut à quellesdéfinitions du de rigoladepour les «psychologique»elle renvoie),il émet la conviction-sujet 31 femmesque l'oppressionpeut être suppriméed'un rapportindividuelhommefemme; mieux,il insinue- et ce faire-valoir estpeut-être le messageréel- qu'il l'a commele vulgaire, suppriméede ses rapportspersonnels.Ceci revientà affirmer, se dans la tête et comme pour tout comme l'oppresseur-type, que passe tête est définipar n'est se dans la ce mieux, pas objectif, l'idéologie qui passe ne se est rien. revientà dire à donc ce Ceci opposition objectif-, qu'il passe qui de le «sexisme»,expressionidéologique l'oppressioninstitutionnelle, partie que constituetoute l'oppression.C'est nier l'existencede la émergéedu patriarcat, structure institutionnelle qui cause le «sexisme».C'est surtoutnierque la structure institutionnelle dansla production est le relaisde la structure qui psychologique, des «préjugés»et du dit «sexisme»et qui en est commeeux la création,est tout aussi concrèteet objective,extérieureà l'action de l'individu,que la structure dontil suffitde n'est pas un traitpsychologique institutionnelle. L'autoritarisme de D'abord, en tant que prendreconsciencepour êtreà même s'en débarrasser. traitpsychologique concret,il ne peut être «aboli» par un acte de volitionpure, pas plus qu'un pont ne peut sautersous par une intentionnon instrumentalisée, même si cela étaitpossible,c'est-à-dire si ce trait le seul effetd'un désir.Ensuite, sa que la simplevolition,êtresupprimé, pouvait,par d'autresmoyensévidemment continuelsuppressionn'aboliraitpas ce qui Va causé à l'origineet le renforce en cause,ce dontl'existencepermetde douterqu'il lement,ce qui estréellement : l'autoritéréelle,c'est-à-dire et institutionnelle existedes moyensde le supprimer matériellement assise,que les hommespossèdenten fait sans avoirbesoin de la ou non. vouloir,et qu'ilssoient«autoritaristes» et que renforce la «conssurlaquellecroît,qui renforce Cettebase matérielle nous ramèneà la structure socialecontraititutionpsychologique»des individus, et aux relationsinter-personnelles gnantepour toutle monde,à la foisextérieure cadre de celles-ci.Quellesque soientmes «opinions»ou «attitudes»(je suistrès polie avec eux, il n'y a pas que C. Alzon qui soit «opposé» à un «certaintype Leur exploitaimmigrés. je profitede l'oppressiondes travailleurs d'oppression»), tionest l'une des conditionsde mon existencematérielle. Queje sois «révolution: je viscommeje visparceque, entreautres naire»ou non ne changerienà l'affaire raisons,les Africainssont exploitésen Franceet que l'Occidentexploitele Tiersmoralesni de battagede coulpe,il n'est Monde.Il n'estpas questionici de subtilités précisépas questionde savoirsi je dois me sentircoupableou non. Au contraire et ce n'estpas en tantqu'individu ment: je n'ai rienfaitpourcela individuellement que j'en profite,mais en tant que membred'un groupeque je n'ai pas choisi. à cetteréalité,elle existe; dansla meQuellesque soientmes réactionssubjectives sureexacteoù je suisexempted'une exploitation, j'en bénéficie,volensnolens,et de deuxfaçons: 1 - Leurexploitation d'unefaçonminimedans accroîtmonrevenu, peut-être la mesureoù ce bénéficem'està son tourreprisparmesexploiteurs. 2 - Mais surtout, je ne le faispas, tant pendantque d'autresfontce travail, en voilà au moinsune que/e ne subispas. cetteexploitation, que d'autressubissent Et inversement, si etpuisqueje, nousne la subissonspas,il fautqu'elleretombesur d'autres d'autres.Sansmêmeparlerde bénéfices positifs, je profitede l'exploitation que moidansla seulemesureoù j'en suisexemptée. 32 Où l'on voitMerlinl'Enchanteurfairesurgirsur l'océan de l'oppression du couple. l'ile-refuge De mêmetous les efforts sa forane- je que faitun hommepourbientraiter ne peuvent me situedansunehypothèse optimiste dansleurrelationpersonnelle, et pour le faitqu'il doitsa situation ni cacher,ni abolir,nimêmemitiger matérielle, à dont ne de la discrimination sa situation les simplifier parlonsque professionnelle, surle marchéde l'emfemmes- groupedontsa femmefaitpartie- sontvictimes ploi. On ne peut dissocierla situationqu'occupentleshommes- donccethomme - de la situationqu'occupentles femmes- donc cettefemme- surle marché. La relationinter-personnette de cet hommeet de cette foranen'estpas, à ce que voudraient contrairement nous fairecroirenos confrères, une fie.Qu'im: ne travaillent ensemble leurs situations surle marché portequ'ils pas respectives du travailpar exemple,en tantque membresde groupesdifféremment traitéssur ce marché,fontpartiede leur situationglobaleet donc de leurrelation,qui n'a rienà voirenapparenceavecle travailou le marché.Les bénéfices involontaires que de de l'hommedu couple dérivesur la scène «professionnelle» son appartenance ne comme relationnelle, groupe, sontpas évacuéssurla scèneconjugale,amoureuse, on voudral'appeler.Ils fontpartiedes ressources objectivesqu'il y apporte,qu'il le en apportantsa personne.Les non-bénéfices de la veuilleou non, simplement femmedu couplefontaussipartiede ce qu'elleapporteou n'apportepas dansla relation.Un individuhommen'a pas à bougerle petitdoigtpourêtreavantagépar surle marchédu travail; maisil ne peutpas nonplus empêcher rapportaux femmes à son avantage. De la mone façon,il n'estpas nécesni renoncer qu'il soit avantagé, saire qu'il prenneactivementavantagede ses privilègesinstitutionnels dans le mariage. Admettonsmêmequ'un hommene cherchepas à tirertoutle partide ses à tousles niveauxet des désavantages à tousles niveauxde la foranequ'il avantages en a facede lui.Admettons Qu'estqu'il veuilleposerla relationcommeégalitaire. ? Tout au plus qu'il ne poursuivra ce que cela signifie pas sonavantagevolontaireson avantageinitialpouren ment,c'est-à-dire qu'il n'utiliserapas volontairement Mais à cet avantageinitialil ne peutrenoncer, obtenird'autres. parcequ'il ne peut à lui toutseul supprimer, ce qu'il n'a pas fait.Et pourla mêmeraison,il détruire ne peut pas plus supprimer les désavantages institutionnels de la forane.Ce n'est de groupe(au que bénéficeset avantagesliés à l'appartenance pas directement dans la «relation»,mais commefac«sexe») jouent leur rôle le plus important teursrendantpossiblele rapportde forcesle plus immédiat.Et celui-ciest dérivé dans le faitqu'il n'y a pas, institutionnellede, mieux,consistetout simplement entreles «conjoints»dans une associationconjugaleou parament,de symétrie conjugale(et toute «relationamoureuse»entreun hommeet une femmeentre dans cettecatégorie).Les contraintes directement économiqueset les contraintes socialesà une associationde ce typesontinfiniment plus fortespourles femmes que pour les hommes,les pénalitésattachéesà son refusinfiniment plus dures pour elles. L'associationd'une foraneavecun hommen'a donc pas le mêmesens objectifpour lui et pour elle, ce que reflètela normeidéologique(le mariageet «les relationshumaines»en généralsontl'affairedes femmeset la préoccupation différentes majeured'une «vraie»forane),ce que reflètela réalitédes subjectivités 33 en général des hommeset des femmes(l'importancede l'amouret des sentiment surle marché dansla consciencedes femmes).On peut direque les discriminations les femmesau mariage, du travailne sont là que pourenvoyeret renvoyer justela plus mentdans la mesureoù elles fontde celui-cila «carrière»objectivement : leur«destin»,leur ou la moinsmauvaise,pourelles(idéologiquement profitable, «raisond'être»). se manifesteà l'occasiond'un mariage,d'une association Cettedissymétrie des alors; maisellen'est tensions en raison donnée, qui émergent inter-personnelles à l'association Cette cette association. causée ; elleest dissymétrie pré-existe par pas estla Mais elle et surtout éventuellement conflictuelle. de raison sa la formeinégale de même cette association. de V existenee cause on ne peutpas direque l'incapacitédes femmesà vivrepour Pourle moment, en interdits matérielles transformées elles-mêmes les impossibilités parl'idéologie soient extérieures au faitque ces et intériorisées parla conscienceet l'inconscient mêmesfemmesaientdes «relations»avec les hommes.Peut-êtreen auraient-elle le besoind'existencesociale,l'abpourd'autresraisonsque la nécessitématérielle, dans un autremonde: et on ne saità quelles senced'identitépropre.Maisce serait dans un autremonde,ces autresraisons, conduitesrelationnelles conduiraient, : cellesqui sontcouramment invoquées «l'amour»,«l'attirance»,etc.,nimême,ni si ces «raisons» subsisteraient surtout, inchangéesdansun mondeautre,ce qui est ces «raisons»existentà titrede hautement douteux.Qu'aujourd'huiet maintenant raisonsest possible,maispeu probable.Ce qui estcertain,c'estque ces sentiments individuelles existent; ce qui l'estmoins,c'estle rôlequ'ilsjouentdansles relations c'estleurstatutcausal. hommes-femmes ; ce qui esttrèsincertain, on ne peutconnaître Si, pourdes raisonsd'analyse,on isoleces «sentiments», : tant leur part exacte dans les relationstantque celles-cisont sur-déterminées Si et l'aliénationdes femmes. expliquéesparl'oppression qu'ellessontsuffisamment forceestde constater on n'isolepas ces sentiments des contraintes, qu'ilsrenforcent Dans un typed'analyse,ils ne tout en la dissumulant. l'action de ces dernières, dansl'autre,ilsjouentun rôlecertes,maishautement jouentaucunrôlenécessaire, suspect. En bref,non seulementil n'estpas nécessairequ'un hommesoitun oppresseur volontairepour qu'une femmesoit oppriméedans un relationinter-personà touterelationparticulière est nelle,maiscetteoppressiongénéraleet antecédante dans l'existencemêmede cetterelation.L'individumâle particulier déterminante avantson entréeen effectuée n'a pas joué de rôlepersonneldanscetteoppression, de sa partne peutdéfaire aucuneinitiative scène; maisréciproquement, personnelle avantet en dehorsde son entréeen scène. ou mitiger ce qui a été perpétré - des rapportshumains,une Seule une vue idéaliste- mieux,naturaliste *t la sortété(mû 1«s entre1'indîvîHn pensée qui effectueune coupurearbitraire mêmesi on les relie,car les relierc'est considèrecomme deux ordresdistincts, entre les posercommeséparés),une coupureentre«l'extérieur»et «l'intérieur», le «politique»et le «personnel», inter-personnelles qui postuleque 1) les relations sontd'une natureasocialeet sont affairede «sentiments»,2) que ces sentiments sociaux,seule 3) que de plus ils ne sontmêmepas affectéspar les déterminismes une telle vue idéalisteproduitla croyanceque des flotsasociaux,des relations personnelleségalitairespeuventexisterà l'intérieurd'une structureoppressive. 34 de gauche»? Oui et Cettepenséedoit-elleétonnervenantd'un «intellectuel intellectuelle commeune discipline non. Oui, si l'on considèrele matérialisme qu'il suffîtde suivre.Non,si l'on considèreque la penséeidéalisteest l'idéologiedomiet que toutenotrevieet nosconceptslesplusterre-à-terre, nante,qu'elle imprègne n'estjamais acquis d'avancemais doit toujoursêtre le pointde vue matérialiste de la penséematérialiste étantl'action conquisde hautelutte.La sourcepremière de le vue matérialiste unequestion il est de sur logique penserque point politique, donnée sera produitpar un mouvementpolitiqueengagésur cette question,à partirdes lieuxsociauxoù existeun intérêtobjectifà démasquerl'idéologie,c'està-direpar ses victimes.Ceci ne signifienullementque ce pointde vue une fois intellectuelle. produitlà ne puisseêtreadopté ailleurs,et d'une façonpurement l'abandon du matéà soi seul L'absence de motivation politiquen'expliquepas à une faut-ilalorsrecourir rialisme(si tant est qu'il s'agissed'abandon).Peut-être de fait la cet au l'occurrence abandon, qu'en explicationplus cynique pensée avecles intérêts entreen contradiction matérialiste objectifsde classe.Il estcertain que la pensée idéologique,appliquéeaux femmes,sertles intérêtsobjectifsdes de ces derniers hommes.En tous les cas, on constateque la rigueurintellectuelle s'arrêtesouvent,pour ne pas diretoujours,aux portesde ce «domaine»,quand La coïncidenceentrece renâclement et bienmêmeilssontmatérialistes parailleurs. leurpositionde classeest tropmarquéepourqu'on y voitl'effetdu hasardet non de noterque leursintérêts l'effetde cettedernière.Dans ce cas il est intéressant : de leur traduction cette trouvent façon que le mode de penséede ces objectifs hommesà proposdes femmestrahit- révèle- leurattachement dissimuléà ces en avoue. en contredisant leur trahissant intérêts, propospolitique Où Merlinl'Enchanteurse faitpasserpour une bonnefée... On retrouve de la mêmenégationde la réalitépolitiquedansles implications mais la propositionselon laquellela lignene passe pas entrehommeset femmes, Les implications entreféministes et anti-féministes. de ceci sontclaires: d'unepart les hommespeuventjouer le mêmerôle que des femmesdans la libérationdes femmes; d'autreparton peut et on doittraitercommedes ennemiesles femmes Il est fortpossible non féministes, au mêmetitreque les hommesanti-féministes. ait pourmotivation implication, uniquela première que toutecettepseudo-pensée égale que tout ce discourssoit destinéd'abord à faireaccepterune participation odieuxqu'Alzon des hommesà la libérationdes femmes.Il est particulièrement Ce seulfaitprouverait, n'hésitepas, poury forcerson entrée,à diviserles femmes. s'il en était besoin,que son souci et son propos ne sont pas la libérationdes ou à tenterde l'affaiblir, si à ce prixil pense femmes, puisqu'ilest prêtà l'affaiblir, sa place. pouvoiry trouver à ce mouIl a choisi,pourprouverque les hommes,et lui,peuventparticiper de d'être fait homme ne vement, prouverque le justifiepas automatiquement : que l'exclusion,et ceci passepourlui par l'assertionde la proposition symétrique Bienentendu, toutesles femmesne sontpas automatiquement concernées. prouver ou la non-appartenance à ce groupene qu'en matièrede groupe,l'appartenance en divisant pas estunegageure.Il estplusfacilede procédernégativement comptent 35 en prouvantque les hommessont autantpartie les femmes,que positivement de celles-ci. la femmes libération les de que prenante commeles hommes traiter les femmes anti-féministes nous devrions Donc, Alzon ce pointune fois acquis signifiant anti-féministes, qu'on traiterales pour il y a en hommesféministes comme les femmesféministes. Malheureusement, L' des hommes de la anti-féminisme Vombre l'occurrence symétrie qu'il postule. pas a de il à sur ce à rien dire leurs intérêts n'y sujet.En reobjectifs, plus correspond de Fanti-féminisme des des femmesdiffèreradicalement vanche,l'anti-féminisme Ce est racisme chez hommes; il lui estmêmediamétralement opposé. qui l'oppresseurest haine de soi chez l'opprimée.Il est normalque les femmessoientantiféministes ; c'est le contrairequi seraitétonnant.Et la prisede conscience,le n'est pas une Pentecôtesoudaineet brutale; la conscience «devenir-féministe» n'est pas acquise en une fois et une foispour toutes; c'est un processuslonget jamais terminé,douloureuxde surcroît,car c'est une luttede tous les instants contreles «évidences»: la visionidéologiquedu monde,et contresoi. La lutte Il n'y a donc pas de ruptureabrupte contrela haine de soi n'estjamais terminée. mais un continuum et les femmes«anti-féministes», entreles femmesféministes de pointsde vue surune mêmesituation.Car,quellesque soientleurs«opinions», - étanta) un obstacleà la prise les femmessont opprimées.Leuranti-féminisme le refletde leur de consciencede leursintérêtsobjectifset b) plus directement de cette l'un maintien est des du dans donc leur moyens subjectivité oppression oppression. des hommesfait partiede l'oppression Aussi,tandisque l'anti-féminisme femmes fait-il des exercée,l'anti-féminisme partiede l'oppressionsubie. Les féministesne peuventen aucun cas considérersur le mêmepied les hommesantiElles ni appelerces dernières des ennemies. et les femmes féministes anti-féministes, ne sontpas séparéesde nous par des intérêtsobjectifsmaispar une faussecons: car nous l'avonseue, cience,et encorecelle-cine nous sépare-t-elle pas vraiment l'avonsencoreenpartie: c'estnotreennemiecommune.Quandnousluttonscontre leurs «opinions»,nous ne luttonspas contreelles, mais contrecette ennemie doncpourelleset pournous. commune, ... et nous meten gardecontreles mauvaises. - de la tentative de divisiondesfemmesL'autrevoletde la démonstration consisteà agiterle chiffonrougequi faitfoncerla vachetteconditionnée: après à prétendre avoirprétenduque la libérationtlintéressepas toutesles femmes, que les femmes. Si en une ne concernepas toutes effet catégoriede femmes l'oppression dès lorsle critèrede genrenejoue plus,et peutêtreconçuecommenon concernée, dans le mouvement, et ce de genremasculinpeuvents'introduire les féministes de mouvement êtrevidéde son contenupolitique: carqu'est-cequ'unmouvement ? Alzon,qui saitce qu'il fait, desfemmes,si le genren'estpluspertinent libération La clé de voûte ne s'embarrasse à laquelle il préfèrel'efficacité. pas d'originalité, de la divisionestle motmagiquede «bourgeoises». de femmes,et Cette questiona longtempsagitéet diviséles mouvements en la continued'ailleursde le faire ; aussi est-onsur de semerla perturbation 36 soulevant.Les raisonsn'en sontpas clairesmaisellesontdéfinitivement plusà voir avec la culpabilitédes femmesqu'avecune quelconqueréalité.En effet,personne ne connaîtces «bourgeoises»donttoutle mondeparle.Ni les femmes qui dansles les «excluaient»d'avance,avantmêmequ'ellesn'aientfrappéà notre mouvements porte,niAlzonqui ne les connaîtque paroui-dire,et quel oui-dire! Les écritsd'un auteurdu XIXèmesiècle ! Qui sont-elles, femmes qui les a vues? ces horribles prià quoi les reconnaîtvilégiéesqui sontnos ennemiesde classe? Et où leschercher, on : quelle est la définition opératoired'une «bougeoise»? Surce point,personne ne sembleà mêmede nous renseigner. Alzon en donneune définition qui esttout saufopératoire,qui s'adresseà une essenceou à une situationabstraite,qui ne si cettesituationexisteou non,encoremoins permeten aucuncas de déterminer le concret, d'analyser qui pose plus de questionqu'elle n'en règle: ce sont- seraient- des femmes«qui ont toutmaisne sontpourtantpas libres»(tribunelibre du Monde, 1974). Non seulementcettedéfinition ne permettrait absolument pas de reconnaître une «bourgeoise»si on la rencontrait, maisde touteévidenceelle d'unefaçonspécialeet pose à son niveaumêmeun problème: à moinsd'entendre ce et il a «avoir» contradiction dansles termes «liberté», y spécieuse que signifient de la définition. En tous les cas, si une tellesituationparadoxaleexistait,quelles en tirer? A quel typed'allégeanceou d'engagepolitiquespourrait-on implications ment(ou de non-engagement) ? Pourquoiet comment? A cette conduirait-elle ne De question,personne répond. mène que la définition 1) est paradoxale,2) ne se réfèreà aucungroupeconcretet 3) ne donnepas les moyensd'identifier un tel groupe,les implicationspolitiquessont laissées dans le vague,procèdentde l'insinuation calomnieuseou de l'affirmation gratuite,le plus souventdes deux, maisjamaisde la démonstration. Les mouvements de femmesont-ilsune vue plus précisede la questionque nos amismâles? Point.Les débatssurle sujetont toujoursété entachésde l'abslesplusmarqués,associéscommeil estde règleà la passion tractionet de l'illogisme la plus vive.Ainsiil se disaitque les «bourgeoises»1) n'étaientpas opprimées, à leurshommes».La contradic2) étaientnos ennemiescar 3) ellesse «rallieraient tion entre1 et 3 ne semblaitgênerpersonne,non plus que le faitque l'on parlait un comportement futur pourdes absentes,non plus que le faitqu'on leurimputait - le «ralliement» - qu'on niaitpoursoi et que l'existencemêmedesgroupesd'où ces accusationsétaientlancéesdémentait. Peut-être la plusgrandeironiede l'affaire était en effetque les femmesqui lançaientces accusationsse définissaient ellesmêmescomme «bourgeoises» . La contradiction entrecetteauto-définition, le fait nonseulement maisconstique quoique «bourgeoises»ellesse sentaient opprimées tuaientles mouvements de libération, et leurspronosticsne semblaitnullement les déranger. Un exemplemanifeste du caractèremythiquede la «menacebourgeoise»est donnépar le faitque la seule référence concrèteconsistaiten l'évocationhorrifiée de MadamePompidou.Or celle-cine constituepas de touteévidenceunecatégorie à elle seule et d'autrepart n'a jamais, pour autantqu'on sache,manifestéla moindrevelléitéd'entrerdans le mouvement, encoremoinsd'en subvertir les obOn auraitpourtant crud'aprèsla teneurde certaines discusjectifsrévolutionnaires. sionsque cetteéventualité était imminente et constituait le dangerle plus immédiat auquel le mouvement dût faireface.Ce qui est intéressant dansl'affaire, c'est 37 que la situationobjectivede MadamePompidou- réputéeunecapitalisteentreles Jackie pires- n'entraitpas en ligne de compte : dans les groupesaméricains, Il et le même est rôle. dont la est situation clair, différente, parle jouait Kennedy, choix d'une individueunique dans les deux cas, et par le choix de la mêmeindividue,la femmedu chefde l'Etat,dansles deuxcas aussi,qu'ellesavaientvaleurde symbole.Maisce qui n'estpas clair,c'estce qu'ellessymbolisent. La hainedes femmesdéguiséeen amourdes prolétaires... sontle produitde la converA mon avis ce symboleet cettesymbolisation de deux de gence types processusidéologiques. I - La «menacebourgeoise»d'unepartreflètepurementet simplement une et se manifeste de sexisme. Celui-ci du par, produit partie l'idéologiemasculine, - le capitaliste- surles entreautres,le déplacementde la hainede l'oppresseur des «réet possessionsde celui-ci.La «bourgeoise»est la cible favorite serviteurs mâles.2 Elle est beaucoup plus haie que l'oppresseurréel, le volutionnaires» «bourgeois».Ceci à son tour correspondà troisprocessusdistinctsmais non : contradictoires du le pouvoirréel de l'oppresseur, 1. L'impuissancepolitique.Précisément non énormes. le rendinattaquable, ou du moins attaquablesansrisques bourgeois, Il estplus facile,et pluspayantaussi,de l'attaquerdanssespossessions, d'attaquer et les de sa puissance.D'une part,ellesla manifestent, des personnesqui participent ; d'autrepart,ellesne la possèdent attaquerc'est s'attaquerà cettemanifestation sa AinsiEldrigeCleaverexprimait pas, ce qui minimiseles risquesde représailles. hainedu pouvoirdes hommesblancssurlui en violantleursfemmes.Leurparticides restesde table,mais desmiettes, pationau pouvoirblancconsisteà en recevoir mêmesi surtoutà êtresous sa protection.Il peut semblerparadoxalde s'attaquer, les risquesde représailles sontmoinsgrands,à ceux ou à cellesqui n'ontque des principaux. délégationsd'un pouvoirqui se situeailleurs,et non à ses détenteurs c'estlà que le bâtblesse,car : Maisprécisément, 2. La détentiondu pouvoirest d'autantplus et non d'autantmoinsprovoDans ce cante que ce pouvoir,aussiminimesoit-il,est perçucommeillégitime. sens,le faitque les bribesde pouvoirdétenuespar les femmesde blancsou les femmesde bourgeoissoientdes délégationset ne soientpas possédéespar ellesen propre,joue non en leur faveurmais en leur défaveur.Le mêmefaitqui devrait amenerà exempterles femmesde bourgeoisde l'attaque- le faitqu'elle détien- les rendparticulièrement nentleurpeu de pouvoird'unefaçonindirecte odieuses aux autresopprimés.L'autoritéqu'une femmede bourgeoispeutexercer- surdes 2. Jusqu'en 1972 au moins (date à laquelle j'ai cessé de les lire), le thème type des bandes dessinées de Hara-Kiri et de Charlie-Hebdo était l'humiliation d'une femme «bougeoise» par un mâle réputé révolutionnaire,ou plutôt que ce seul haut fait suffisaità désigner commerévolutionnaire. On peut en conclure : - que ce thèmesertde signe: signifiela «Révolution» ; - que, réciproquement,puisqu'elle est ainsi utilisée, l'humiliationdes femmesest un des contenusmajeurde la représentation symboliquede la «Révolution». 38 chauffeurs de taxi,des femmesde ménage,etc. - estperçuecommeillégitime précisément 'indirecte. parcequ 3. Cetteperceptionrévèledeux choses: a) cetteautoritéestperçuecomme allant à rencontrede leur statutde droit: elle empêchequ'elles soienttraitées comme elles devraientl'être,c'est-à-dire commedes femmes,ce qui à son tour révèleque le statutde fonineest en droitincompatible avec une autoritéquelcette est autorité comme contradictoire donc illégitime conque ; b) perçue parce est non de la source et considérée commenormalede dérivée, qu'elle classique l'autorité: la main-mise sur l'économie,maisde son contraire: du statutde possessiond'unbourgeois. II - Donc, précisément parce qu'elles sont des possessions, a) l'autoritédes femmesde bourgeoisest indue; b) leurappropriation les privéepar bourgeoisest l'un des exemplesde l'inégalité desclasseset de l'oppression desprolétaires. Rapter leursfemmes,c'est signifier aux bourgeoisqu'on n'acceptepas leuraccaparement des biensde ce monde,et procéderderechefà un débutde redistribution. L'accès aux femmes continue d'être une revendication comdu sentiment égal implicite munistepopulaire(des hommes)centans aprèsla miseau pointde Marx,qui dans son innocencecroyaitce sentiment le faitdes seulsbourgeois! Maiscettemiseau ne rester vœu continue point peut qu'un pieux.Cetteconceptionde l'égalitarisme de sévir- commeun articlepublié dans un hebdomadaire le gauchiste prouve (lettrede Mohameddans Tout, 1971) - et continuede manifester que les femmes sontconsidérées commedesbiens. Donc les attaquescontreles «bourgeoises» révèlenten négatifla conception de l'ordre de ce devrait être. descommunistes, social, populaire qu'il L'indignation des prolétaires, des noirs,des Algériens, brefdes opprimésde genremasculin,que cetordrene soitpas respectédévoilece qu'il est: doiventêtreégalement a) les femmes partagées; il a b) n'y pas de raisonpour que leur «qualité» de possessionde certains les soustraiede surcroîtà certainstraits hommes,qui manifeste l'accaparement, de leur condition«normale».Mettrela main au cul d'une «bourgeoise»,comme de touteautrefemmed'ailleurs,n'estpas un plaisirni unepulsionsexuels,on s'en doute. C'est une façonde la rappeler,et de se rappeler,au sensde la hiérarchie «vraie».Pourles metteurs de mainau cul et pourles hommesen général,l'appartenancede sexe doit l'emportersur «l'appartenance de classe».C'est ce que manifestel'indignation provoquéepar les instancesoù elle ne l'emportepas : où une femme,en qualitéd'épousede bourgeois,donnedes ordresà un homme; ce que les injuresagies,écritesou parléesadresséesà ces femmes. manifestent du statutde sexeparle «statutde L'indignation provoquéepar la mitigation classe» révèleque le genreest conçucommedevantl'emporter surla classe.Il est donc clairque l'hostilitévis-à-vis des «bourgeoises»est due au sentiment qu'elles ne sontpas à leurplace, qu'elles sont des usurpatrices (en sus d'êtredes objets indûmentappropriés).Cette hostilitéest donc fondée sur le contrairede la «théorie»qui la rationalise.Cettethéoriedit que les femmesde bourgeoissont avantd'être femmesc'est-à-direoppri«bourgeoises»,c'est-à-direoppresseuses, en mées,et qu'elles sonthaies à l'instarde leurshomologuesmâlesprécisément raisonde ce que leurclasse- leurqualitéd'ennemies- l'emportesurleurgenre. 39 ce n'estpas parce si les «pouvoirs»des «bourgeoises»indignent, Or, au contraire, sont comme des mais sont bourgeois, parcequ'elles perçuescomme qu'elles perçues n'étantpas des bourgeois- ne devantpas en être.Ce qui indignedans le fait bourgeoises,c'est qu'elles exercentou semblentexercercertainesprérogatives une les exercent indûment, qu'ellesusurpent position.Et non seulement qu'elles «norainsi se dérobent à leurtraitement et aux elles l'usurpent, bourgeois posent mal» ; maisc'estjustementparcequ'ellessontpossédéespar des bourgeois, parce qu'elles sont des possessionset non des bourgeoisqu'elles peuventposer aux et nierqu'ellessontdespossessions! bourgeois Ainsiles attaquesmenéescontreles «bourgeoises»au nom d'uneconscience surle genre- révèlent-elles une «de classe» - pourlaquellela classel'emporterait : consciencediamétralement opposée,pourlaquelle - les femmesde bourgeoissontperçues(correctement) commen'appartenant pas non en tantque sujetsmaisen à la mêmeclasse que les hommes(y appartenant tantqu'objets); - les femmesde bourgeoissont perçuescommeétantfemmesavantque d'être «bourgeoises»; - le genre- ce qui est dû à tous les hommespar toutesles femmes - doitl'emla sur classe. porter ... et fondementdu féminismemasculin. Quand on sait quelle culpabilité- quelle oppression(cf. infra)- sont à on réaliseà quel pointil est du «mythede la bourgeoisie» chezles femmes, l'origine de s'appuyer ou tout simplement odieux de la partd'un hommede les renforcer sur elles.Mais aprèstout,Alzon(La Femmepoticheet la femmebonniche,Paris, librede le faireou de ne pas le faire: il suitle Maspero,1973) n'estpas vraiment mythedans sa versionmasculine,c'est-à-dire pour des raisonsqui ne sontpas la dans son exposétoutesles attihainede soi maisla hainede l'autre: on retrouve tudesmasculines exposéesplushaut. La premièreindicationque nous avonsaffaireà un mytheest Yirrationalité S' appuyantsurune lectotalede ce qu'on n'ose pas appelerune argumentation. une distinction turepersonnelle arbitraire d'Engels,Alzon introduit parfaitement mais entre«oppression»et «exploitation».Non que celle-cine noussoitfamilière, on saitqu'elle ne veutriendiresinonque le locuteurou la locutriceexprimeainsi, en termesqu'il ou elle estimepluspolis,que l'oppressiondes femmesest «secondaire».Cettedistinction est donc une sorted'injureraffinée, maison ne s'attend certespas à voirtoutun pamphletbasé suret consistant en unevariauniquement tionsurce thème.On attenddoncautrechosed'Alzon,d'autantplusqu'il annonce lesmainsavecl'airde celuiqui a trouvéun trucvraiment ça au débuten se frottant et dont la toute bouillevous dit : «Vous allezvoirce que vousallezvoir!» original Maisnon,rien.On ne voitRien. Alzon ne définitaucundes deuxtermes, ce qui va : maisil s'en fout,de cettedifficulté, rendreleurdistinction diffìcile car il n'essaie mêmepas de justifier On pourraitpenserque cettedistinction, la distinction. cette etjustifie «idée»,bonneou mauvaise,prouvéeou non,puisqu'elleouvre,introduit l'existencedu pamphlet,va en sous-tendre la suite,parcourir la «démonstration» 40 et n'en entière.Mais non : il l'abandonnederechef ' juste aprèsl'avoirmentionnée, reparlera plus. Pourquoi? C'est qu'elle a servison propos: tenirlieu de semblant de formulation théoriqueà l'éternelmythe,à la divisionentre«bourgeoises»et «travailleuses». dansle faitqu'il ne se réfère Qu'il s'agissed'un myteest encoremanifeste jamais à aucungroupesocial concret.Pour décrirecette catégoriequ'il dit exister né et mort aujourd'hui,il utiliseen toutet pourtoutunecitationde Paul Lafargue, au XIXèmesiècle.Ceci ne nouséclairepas beaucoupsurqui sontces «bourgeoises», surce qu'ellesfont,suroù on les trouve(apparemment, silui ne les a pas trouvées, non pourquoiLafargue...).Apparemment encore,ce ne sontpas des femmesde mais «bourgeois»au sensmarxistepuisqueleursmarisnon seulementtravaillent tirentleurrevenude ce travailII ne s'agitdonc pas de possesseurs des moyensde productionpercevantla plus-value.Ou la plus-valuea disparusans que je m'en «cadres» et ne s'en aperçoive,ou bien Alzon utilise«bourgeois»pour signifier excuseni ne s'en explique.Mais il a d'autreschiennesà fouetter, c'estpeut-être là son excuse.Ces bourgeoisesne fontrien,vous entendezstrictement RIEN, sinon d'allerà descocktails.Là, je reconnais bienla description que toutle mondedonne des OdieusesOisives,maisje n'y reconnaispersonneque j'aie jamaisrencontrée, ni ait Alzon étant de socialement ces exclus milieux comme les rencontrée, qu' jamais autrespetits-bourgeois. D'abord, les sociologues,dontmoi,dontAlzon,n'ontaucune chancede jamaispouvoirpénétrer ou enquêterdans les milieuxoù ces créaturesfabuleusesrisqueraient de se trouver.Tant que ses sourcesd'information restentcelles de tout le mondec'est-à-dire et une opinion de France-Dimanche MonsieurLafargue, il serait sinon Paul, plus sage, plushonnête,de se taire.D'autre le à des sache conduit femmesqui ne fontstrictement part, peu qu'on penserque la ont des d'autant n'existe rien, enfants, ça pas, pourla bonneraison que plupart des c'est ou une ou même avec commeles inimpossible(sans que domestiques, le le le téressées saventet diraientsi on leurdemandait).Mais qu'importeà Alzon l'absenced'information surces créatures mane que rien mythologiques, qu'importe ne prouvequ'ellesexistent! Ce qui comptepourluice sontles raisonnements auxde et aux dépensdes femmes quels il va pouvoirse livrersurce groupemythique, chairet de sang.Par exemple,leursmarisont été définiscommedes travailleurs ? Ce mais leursfemmessont des bourgeoises. Qu'importeencorela contradiction entreles marisqui peinentet qui compteici, c'est bien de marquerla différence à la sueurde leursfronts(c'est les femmesoisivesque les premiers entretiennent sans doute pourquoiils ont été décrétés«travailleurs» : si les susditsmarisentreà la sueurde leursdividendes, tenaientleursfemmes la conclusiond'Alzonmanqueraitsingulièrement d'impact). On reconnaîtlà la théorievulgaireselonlaquelleles femmes«à la maison» sont «entretenues à ne rienfaire»: ne gagnentpas leurvie,brefne méritent pas a portéun rudecoup à cettevisiondes choses.On a leurpitance.Le féminisme montréque le travailménagerestun travailet que l'entretien, loind'êtreun cadeau, estune formede rémunération en nature- nonen montant- au salaire. inférieure Alzon n'y a riencompriset le démontreabondamment par la suite; maisceci sort de monpropos.L'important c'est que, sansl'avoircompris,il l'accepte.Pourquoi? Parceque en l'acceptant,en «accordant»à certainesfemmes- mercimonsieurqu'elles sont exploitées,et en le refusantà d'autres,il trouveune nouvellebase, 41 plus habile,plus «féministe», pour le même vieux projet : diviserles femmes. femmes en Certes,ce «refus»d'accorderla qualitéd'exploitéesà certaines provient de ce mais elle de son qu'est l'exploitation domestique proincompréhension partie vientsurtoutde son propospolitiquequi à son tourest la causede son incompréhension. Il n'a admisla théoriede l'exploitation domestiqueque pourpouvoir,en en En effet,en ce qui conmieuxdiviserles femmes. déniantl'applicationà certaines, il reprendla visionidéologiqueselonlaquellel'entretien cerneles «bourgeoises», fournipar le mariest un cadeau, donnécontrerien.(Sans compterqu'en ce qui : comme il voitleurexploitation en termesquantitatifs concerneles «travailleuses», - qu'il postulenégative- entrela valeurvénalede l'enen la différence consistant - où, comment? - percetretienet la valeurvénaledu salairequ'ellespourraient voir.La femmetravailleplus que le mariet consommejuste autant: la femmeest «volée» : voilà l'exploitationpour Alzon ; donc, si, tout restantinchangé,les femmesmangeaient plus que leursmaris,le problèmeseraitrésolu.)Mais,ou bien est toujoursun conceptidéologiqueou bien il ne l'estjamais ; on ne «l'entretien» à moitié.Mais encoreune fois,qu'importeà Alzon : son peut pas le démystifier : dansla bourgeoisiece est d'amener cette véritableperle,accrochez-vous propos sontles femmesqui exploitentleursmaris! (A ce compte,les enfants«exploitent» leursparents,les conscrits«exploitent»l'Armée,les vieillards«exploitent»l'hôpital.) Il n'expliquepas commentces marisqui sont «dominants»peuventêtreen une mêmetempsexploités,ce qui est un paradoxelogiqueet serait,si cela existait, de dans l'histoire l'humanité si cela absolument occurrence existe,eh (et unique à bien,ils l'ontméritéparcequ'ils sontvraiment tropbêtes; leurplacej'utiliserais Maiscette un peu de monpouvoirpour fairecessercetteintolérable exploitation). la dépendanceéconomique énormitéest une vétilleaux yeuxde qui a transformé des femmesen exploitationpar elles exercée.AussiAlzon n'est-ilpas là pour résoudrece mystère.Ayantdit,il procède,car son proposn'estpas de justifierdes de trouver maissimplement des insultes doncinjustifiables, aberrantes, propositions . inéditesà lanceraux «bourgeoises» Mais,hélas pour lui, sa passionest trop vive,elle l'entraîneplus loin qu'il n'auraitvoulu: à se démasquer.En effet,pour «mieuxprouverson point»- l'oides «bourgeoises» siveté,donc,selonlui,la non-exploitation -, Alzonlescompare de luxe. Il révèleainsil'étenduede sa compréhension de l'oppresà des prostituées sion des femmes qui exploite (pour lui,ce n'estpas le client,commeon le croirait, la prostituée mais la prostituéequi exploitele client)et la qualitéde son «fémide luxe,c'est pour des fénisme».Dire que les «bourgeoises»sontdes prostituées sont des bien femmesexploitéescomme les autres.Pour ministesdire qu'elles Alzon c'est direle contraire (puisquec'est le nœudde la «théorie»selonlaquelle ces femmesexploitent leursmaris).En effetil utilisecettecomparaison commeun les Or ce d'avec femmes. leur autres différence argument imparablepour prouver en tant n'estcertainement les diffèrent des que prostituées que «bourgeoises» pas autres femmes.Alors pourquoi Alzon a-t-ilcru cet argumentdécisif? Les de luxe diffèrent bien des autresfemmes,d'un certainpointde vue. prostituées Alzonpense«prouver», Maisce n'estpas d'unpointde vueféministe. en les traitant de prostituées de luxe,que ces femmessontnonexploitéesdoncpolitiquement inaux autres.Or,c'est précisément surce pointqu'ellessontsemblables férieures aux 42 n'estpas féministe, autres.Alzonrévèleainsique son pointde vue,non seulement Car le pointde vue d'où ces femmessont appréhendées mais est anti-féministe. d'une façonpéjorative, c'est le pointde vue de l'ouvrierqui traitela «bourgeoise» de «salope». En termes«universitaires», Alzonditla mêmechose: qu'est-cequ'elles sont se croient,ces femmes à moi inaccessibles, qui ne sontpas (parmoi) oppriqui alors sont comme les autres ! Le seulpointde vued'où des mables, qu'elles putains d'Alzonsurles «bourgeoises»sontcompréhensibles, les assertions le seul pointde vued'où ellespeuventêtreémises,c'estceluidu sexisme: pourlequelil estinadmissibleque certainesfemmeséchappentou aientl'aird'échapper, mêmeen partie,au sortcommun; le pointde vuedeshommesindignés de sexede voirleurprivilège en particulier l'accèssexuelà toutesles femmes misen échecpardes «privilèges», de classe ; car le pirepour eux est qu'ils savent plus exactementdes protections, sont dérivésde, obtenuspar une oppressionde sexe : par la que ces «privilèges» la mêmeque celle dontils espéraient maisréservéeà des bénéficier, prostitution, hommesdominants. Ce n'estpas le pointde vue de •quelqu'un qui réclamela fin de l'oppressiondes femmes, mais au contraire celui de quelqu'un- de la majorité des hommes qui réclamel'applicationtotale- sansexemptions nimitigations à toutesles femmessansdistinction, du sortdes plus opprimées.C'est le pointde vue des «partageux»sexuels,ceux qui veulentque cesse la distribution inégaledes femmes. Cettehaine des «bourgeoises»n'est pas, de touteévidence,provoquéepar l'amourdes f«urneset de leurlibération. Maisce n'estmêmepas unehainelimitée à une catégorieparticulière de femmes.C'est la haine de toutesles femmes.Les viséesque dansla mesureoù ellessemblent «bourgeoises»ne sontparticulièrement à l'oppression, ou à certaines ou à l'oppression échapperpartiellement oppressions, de certains hommes. La haine activeest bien réservéepratiquementaux «bourgeoises»,à celles qui paraissentbénéficierd'un statutd'exception,d'une et exemptionscandaleuse.Mais que cetteexemptionsupposéesuscitel'indignation la haineà l'égardde ses «bénéficiaires» montrequelle est la conditionseulejugée convenableaux femmes: la seulequi n'éveillepas l'hostilité estune situationd'oppressiontotale. Cette réactionest classiquedans les annalesdes relationentre et dominés,et a été amplement étudiéedansle Sud des Etatsgroupesdominants Unis en particulier.La bienveillance des blancs pour les noirsqui paternaliste «connaissentleur place» et y restentse transforme en une fureur curieusement meurtrière fémiquandces noirscessentde connaîtreleurplace. Les mouvements nistesaméricains ont aussi analyséles réactionsmasculinesaux tuppitywomen», littéralement les femmes qui ne baissentpas les yeux. Les fameuses«bourgeoises»ne sontpas de ces femmes«arrogantes»: des leurrôle,maisplutôtdes femmesà qui une soumission femmesqui contestent clasà la couchesupésique à un hommevauten retour,quand cet hommeappartient rieurede son sexe,quand cet hommedomined'autreshommesaussibienque des une protection contreces autreshommes.Ceci estvécu,commeje l'ai dit femmes, de la règleidéalequi deplushaut,commeune anomalie,commeunetransgression de toutesles femmesà tous les hommes,et d'autantplus vraitêtrela soumission à outrageantequ'elle est le résultatde l'obéissanceà cette règle.L'attachement cettenormeest rarement verbaliséchez les intelconscient,encoreplus rarement lectuelsde gauche.Il n'estrévéléque négativement que sa transpar l'indignation susciteen eux. gression 43 //.- LA HAINE DE SOI COMME FONDEMENT DU "GAUCHISME" FEMININ Ou les originesdes droitesféministes,ou l'imagede soi dans le miroir de la mauvaiseconsciencedes femmes. C'est dansce contextequ'il fautcomprendre les débatsde consciencede cerde libérationdes femmeset la «politique;)adoptainestendancesdes mouvements tée par certainsgroupes.Ces débatsde consciencene portentpas surune situation concrète réelle,etlesprisesde positionne découlentni d'uneanalysede la situation de catégories nia fortiorid'uneanalysedes implications concrètesde femmes, politiquesde telleou telleposition,ce qui exigeraitque ces positionssoientconnues, dans la luttede libération.Ils sontsimplement une expression pour rengagement de la mauvaiseconsciencedes femmes, mauvaiseconsciencequi, inutilede le dire, est à la foisproduitet signede l'oppression.Les femmes- commeleshommesestimentillégitime que la classe l'emportesur le genre: que leur «appartenance à l'oride classe»- qui est d'ailleurstoujoursfaussement évaluéeet/ouidentifiée se classentd'aprèsla positionde leurpèreou ces femmes gine de classe(c'est-à-dire de leurmari; si ellesse classaientd'aprèsleurpositionpropre,elless'apercevraient qu'aucuned'ellesn'est bourgeoise)- les mettedans des situationsde supériorité totale» vis-à-visde certainescatégoriesd'hommes.Elles ou de «non-infériorité cettemauvaiseconscience- sous formed'hostilité- surune catégorie projettent de femmes censéesexemplifîer cetteanomalie. mythique Cettemauvaiseconscienceestparticulièrement articuléeet expriméesystématiquementdans l'idéologie«gauchiste»: les prisesde positiondes groupesdits «gauchistes»(à cause de leursliensavec l'extrêmegauchemasculine)des mouvements.Mais elle n'y a pas sa source : elle y trouveseulementune formulation mâlescommerationalitoute faite: élaboréepar les gauchistes pseudo-théorique de leursintérêts sation«révolutionnaire» d'hommes. n'estdu pointde vuedes femmes Cetteformulation qu'uneformeparticulière d'unemauvaiseconsciencegénérale,et sansrapportstructurel avecl'idéologieou le mouvement «révolutionnaire». des femmesdans la luttedite«proléL'engagement resteà vérifier3) semble la luttegauchiste(dont le caractèreprolétarien tarienne», 3. Tout ce que j'ai dit pages 28 à 29 à propos des noirss'applique mutatismutandisaux rapportsentreles groupesgauchisteset les prolétaires.«Prolétarien»,dans l'usage qu'ils en font, n'est pas à «prolétaire»comme «ouvrier» (adjectif) à «ouvrier» (nom), mais comme «ouvriériste»(adjectif) à «ouvrier»(adjectif). La critiquede l'extrêmegauche,de ses prétentionsavantgardistesaggravéespar - et hélas, causées par - sa composition exclusivement,ou à peu près, petite-bourgeoise,n'est pas mon propos ici. Elle reste à faire. On peut cependant mentionner dès à présentque, à la critiqueque cette lutte «prolétarienne»n'est ni dirigéeni même suivie par des prolétaires,la pratique du mouvementdes femmesen a ajouté une autre, symétrique mais non semblable : que le combat des petits-bourgeoisrévolutionnairesne part pas de leur propreoppression.Ceci rendraplus claire une note qui aurait dû venirlogiquementà la finde la premierepartie,en réponseà la question qu'on ne peut manquerde se poser : «Mais alors,les hommesne peuventrienfairedans le cadre de la lutte anti-patriarcale ?» A cette question,c'est une autre pratique qui répond ; celle de certainshommesqui, au lieu de nous donnerdes conseils,travaillentsur eux, surleurs problèmessexistes; qui, au lieu de nous interpeller,s'interrogent,au lieu de prétendrenous guider, cherchentleur voie ; qui les conparlentd'eux et non pas pour nous. Ceux-là cherchenten quoi la lutteanti-patriarcale cerne directement,dans leur vie quotidienne.Et ils le trouventsans difficulté,inutilede le dire. Car c'est pour l'ignorerqu'il faut se donner du mal. Quel aveuglement,quelle mauvaise foi ne faut-ilpas pour prendrele point de vue d' Uranus - de Dieu -, pour se prétendreen dehorset 44 impliquerune exclusiondes «bourgeoises»,non en tant qu'individuesconcrètes - puisquepersonnen'a jamaisvu la queue d'une-, maisde la définition du peuple à la libérer.D'une certainefaçonces femmes(les gauchistes)reproduisent dans leursgroupesnon mixtesla mauvaiseconsciencedes membrespetits-bourgeois de la gauchemasculinevis-à-vis des «masses»c'est-à-dire desprolétaires. C'estbien - une imitation- dansle sensqu'elle est fondéesuruneidentiune reproduction à ceux-cique ficationdes femmesà «leurs»hommes.Ce n'estqu'en s'identifiant ces femmespeuventse sentir«privilégiées» et «coupables».Cetteidentification a elle-même : d'une sources à l'identification plusieurs part l'oppresseur «personnel» pris comme modèle,c'est-à-direl'aliénationféminineclassique,d'autrepart la estproduitepar le désirde croireà, et produit fausseconscience.L'identification la croyanceà, la similitude au delà de la barrièredes sexes.Elle est typiquement une réactionmagique,une façon d'annuleren rêve l'oppressionqu'on ne peut dans la réalité.Commetout recoursà la magie,elle portesa propre supprimer sa propreannulation, est la preuvepérempcontradiction, puisquel'identification toirede la non-identité. La croyancetenuepar des femmesnées de bourgeoisou mariées- légalementou non - à des bourgeoisqu'elles sont elles-mêmes des «bourgeois»est un produitde la fausseconscience: car elles ne participent pas commeellesle croientaux privilèges de cetteclasse,et ellesne le croientque grâce à un processusd'identification. Donc ces femmesse sentent des coupablesvis-à-vis : d'une fausse se faussement conscience,parcequ'elles croient prolétaires partpar dansla mêmesituationet dansle mêmerapportobjectifaux prolétaires que leurs «mecs». Mais cette culpabilitéest aussi le produitde ce qui est en un sens le contrairede la fausseconscience: la mauvaiseconscience: le sentiment que ces de dont classe la fausse les les exercent à conscience privilèges persuadequ'elles l'instarde leurshommes,sont,par elles,usurpés.Ce processusest distinctdu premieranalytiquement, bienque les deuxaillentle plussouventensemble. En effet, on peutdistinguer troissituations théoriques: Io celle d'une femmequi estvraiment c'est-à-dire Il y a en bourgeoise, capitaliste. Franceonze millefemmes«Patronsde l'Industrieet du Commerce» . CettecatégoriecomprendRothschildet l'épicierdu coin. Etantdonnéle nombred'épiceries tenues par des femmes,on peut penser que la majoritéde ces onze mille «Patronnes»sont plus vraisemblablement des épicièresou assimiléesque des Rothschild. 2° celled'unefemmemariéeà un bourgeoiset bénéficiant de certaines délégations de pouvoir. 3° celle d'unefemmemariéeà un petit-bourgeois de riendu tout et ne bénéficiant (le cas de nosgauchistes). Dans les cas 1 et 2, les privilèges dérivéssoitde l'appartenance de classe(1) soitde la possessionparla classe(2) sontentachésde culpabilité; redoubléedansle cas 2 parla façondontilsontété acquis(la prostitution que leshommesprolétaires au senspropred'absenceà sa propreexpérience au-dessusde la mêlée,quellealiénation, : en «êtreà côté de ses pompes».Cest pourtant le pointde vue du militantisme languevulgaire, traditionnel. Cest cettetradition oui expliquequ'unSamirAminpuisseécriresérieusement que «les quelquesintuitions des femmes du Tiers-Monde», il les doità un [qu'il a] de l'oppression et de à G. un livre surcroît est Une livre, (de Tillion).Or,SamirAmin égyptien. telle français déclaration suffità invalider nonseulement les analysesqui l'accompagnent, maisce typede militantisme de entier. tout (et militants) 45 leurreprochent avectantde vertu).Dans les cas 2 et 3, ces privilèges peuventêtre en : ils en sont et 2 ils le aux 3, peuvents'ajouter imaginaires toujours privilèges dérivésmais réels.En d'autrestermes,la mauvaiseconsciencejoue danstous les Elle est redoubléedans le secondcas, celui des cas : le sentiment d'usurpation. des femmesde bourgeois, c'est-à-dire «bourgeoises»classiques parla consciencede masculine(cf. p. 38). Dans le troisième la tricheriequi provoquel'indignation fausseconscience,qui peut cas, elle est fondéesurla fausseconscienceuniquement trèsbien fonctionner dansle deuxièmecas aussi : ce n'estpas parcequ'on.a quell'avoirtout entier,au conques miettesde pouvoirqu'on ne peut pas s'imaginer traire. Les femmes«gauchistes»partagent avec leurshommesla culpabilitéd'avoir des privilèges de classe ; mais à cetteculpabilitéde gauches'ajoutepour ellesla indûmenten tant que femmes,c'est-à-dire culpabilitéde posséderces privilèges de de la à classe (qu'elles croientexercer)un renversement d'ajouter l'oppression hiérarchienormaledes sexes. La consciencedouloureusede ce renversement comportedeuxvolets: - le sentiment des hommes; que rienne devraitles mettreà mêmed'opprimer - le sentiment même ne sont vraiment dans la situation pas que leurs qu'elles «font n'est subir» aux hommes,que l'oppressionqu'elles pas fondée prolétaires surlesmêmesbases: estencoremoinslégitime. Le premierest la Ces deux sentiments contradictoires. sont,ironiquement, est d'être des le deuxième la bourgeoises, culpabilitéde n'êtrepas culpabilité ! d'en et même les bourgeoises, privilèges posséderquand La formepolitique- en termede «théorie»- que prendcette mauvaise conscience est systématiséedans certainsgroupes de femmes,généralement mais elle est utiliséeaussi dans des groupesnon gauchistescomme trotskystes, : dansle groupe«Psychanalyse et Politique». Son prétexteest moyende gouverner la luttedes classeset la luttedes femmes»- ce qui exige le projetde «réconcilier «fâchées». Mais au lieu que cette«réconciliation» proqu'on les ait préalablement les rendincapables-, elleprocède cède d'une analyse- ce dontleursmotivations de la magie.On ne cherchepas à analysercommentl'oppressiondes femmes- en - en tantque telle.Il tantque telle - s'articuleavec l'oppressiondes prolétaires et ellesne veulent des femmes faudraitd'abordsavoiren quoi consistel'oppression estefpas le savoir.C'est donc au niveaude groupesconcretsque cettearticulation On metl'accentsurlesfemmesproléfectuée,ou plutôtest censéeêtreeffectuée. - la distinction n'estpas faite,ce qui en dit taires- ou lesfemmesde prolétaires c'est-à-dire longsurl'analysede la positionde classedes femmes, qu'on substitueà une coincidencede fait incarnéeparune et articulations l'analysedes connections un est faiteparcequ'on privilégie situationempirique.On croitque l'articulation groupequi se trouveêtreoppriméà la fois par le capitalismeet par le patriarcat. entreces Maisl'existenced'un tel groupen'éclaireen rienla questiondes relations de ce groupene remplacepas une analyse,qui deux systèmes,et la glorification resteà faire.De surcroît, mentionnée la contradiction plushaut demeureintacte: les femmesquisoutiennent cettepositionnefontpas partie- d'aprèsleuranalysedes femmesseulesdignesd'être«sauvées»puisquedansleurauto-classification elles sontdespetites-bourgeoises, et ne sontdoncpas opprimées. La haine des femmesà l'égarddes «bourgeoises»est le résultatde trois 46 : mécanismes d'oppression une hainede soi puisqueces 1. -Elle est premièrement et objectivement Il est mêmeplus que probablequ'elles commebourgeoises. femmesse définissent se définissent ainsipourtrouver uneassise«objective»à cettehainede soi 2. - Elle est le produitde la fausseconsciencedes femmes: la croyanceerronnéequ'elles possèdentles mêmesprivilèges que les hommes«de leurclasse». 3. -Et surtoutelle a pour sourceleurmauvaiseconscience: le sentiment d'êtreindûmentdans une situationde brefle sentiment d'usurperces privilèges, à ce leur dont elles culpabilitéque contrairement «bourgeois», prouventpar réservée aux hommes. disent elles l'estiment qu'elles Cette haine manifesteencore une autre mauvaiseconscience: car non contentesde se sentirparticulièrement les femmesse sentent d'opprimer, indignes forment d'être les femmes une L'idée classen'estjamais opprimées. indignes que et mais d'une réfutéeavec des arguments façonpassionnelle. théoriques logiques, Ce que cettepassionrévèle,c'estle refusprofondde se considérer surle mêmepied les autres en les que opprimés, particulier que oppriméstype,les prolétaires. ? aussi le La «classe ouvrière» (mais Pourquoi «peuplenoir»)est toujoursreprésentéesous les traitsd'un grouped'hommesdans des attitudesparticulièrement «viriles»: portantdes casques,armés,brandissant le poing.Pour des femmes«rédu est celle statut le cette volutionnaires», image plus élevé.Se penserune classe, c'est se penserhommed'abord,et de surcroîtse penserhommede la catégorie la plusglorieuse: se hisserau rangdes hérosculturels. Or ceci està ce doubletitre la psychologiquement impossiblepour,impensablepar, majoritédes femmes.Ce : de la dignitéd'hommeet de la seraitun doublesacrilège, une doubleprofanation du Mais comme cette s'étend à desopprimésnonnécesdignité prolétariat. dignité tant sont sairement à hommes, prolétaires, qu'ils j'incline penserque c'estla virilité en son au Là encore,c'est le sentiment qui l'occurrence prestige prolétariat. prête et ce sentiment invalidele d'indignitéqui conduità la craintede l'usurpation, discoursrationalisant puisqu'ilreposesurdesprémisses opposées: le discoursratiode la classesurle genre,maisle refus nalisele refussurla base d'une prééminence du genre. reposesurla prééminence Un autreexemplede ce sentiment des femmes estla théoriemasd'indignité surles raisonset lesbutsde l'oppresculine,maisreprisepar beaucoupde femmes, siondes femmesdansla famille.Dans cettethéorie,l'oppressiondes femmesdans des personnalités la familleest causée par la nécessité,pourle Capital,de former des travailleurs dociles: d'où deviennent soumisesafínqu'en grandissant les enfants la répression aussi-, nécessaire sexuellede toutle monde- doncdes femmes pour canaliserl'énergielibidinaleversle travail(W. Reich) ; d'où la structure autoritaire de la famille,les femmesétantopprimées par leurmariparce qu'ils sontopprimés ne leurs et dirigent patrons pour qu'ils pas leurcolèreversle dit patron,et par à etc.. leur les tour enfants, opprimant Ce qui est passionnantdans cettethéoriec'est que mêmel'oppressiondes femmesne les visepas elles.Le rôlede la familledanscettethéorieest purement un certaintypede personnalité est ; et cetteformation idéologique: il estde former un des moyens,un moyenidéologique,d'exploiterles prolétaires. Donc l'oppression matérielleet trèsconcrètedes femmesn'estqu'un moyenou un résultat, de d'uneoppression et toutesfaçonun sous-produit vise les travailleurs idéologiquequi 47 de l'exploitation des qui n'estelle-mêmequ'un moyende l'oppression«véritable», le fondde cettethéorie,maisla Il n'estpas questionde discuter mêmestravailleurs. place qu'y occupentles femmes: ellessontdeuxfois éloignéesdu but- de ce qui est posé commefinalitédu processusqui les opprime.Non seulementleuroppresmais la conséquenceà la limite sion matériellen'est pas une finen elle-même, non seulement cetteoppression«idéolod'une contingente oppressionidéologique, de matérielle n'est leur est la raison oppression pas encoreune finmais gique» qui des maisaucunde un relaispourla véritable (l'exploitation prolétaires), oppression en tantque telles. ces moments- ni les relaisni les fins- ne concerneles femmes Non seulement ellessontexploitées,maisellesne sontexploitéesque dansla meuneautreexploitation. où cela sert sure En d'autrestermes,il est clairque les femmessontperçuescommeindignes même d'être exploitées.On ne peut trouverd'explication,donnerde statut théoriqueà leuroppressionqu'en la posantcommemédiationd'une autreoppression. Cela signifieclairement qu'on ne les estimepas plus dignesd'êtreexploitées Il fautque leurexploitapour elles-mêmes que dignesde vivrepour elles-mêmes. tion,commeleur existence,soitjustifiéepar autrechose qu'elle-même: par son deshommes.Que les femmesne soientpas dans utilitépourla vie ou l'exploitation reflètebien le faitque dansla sola théorieles sujetsde leurpropreexploitation ciétéellesne sontpas les sujetsde leurproprevie. Que le statutthéoriquede leur exploitationsoit médiatisédans la théoriereflètebien que leurstatutdans la société est médiatisé,dans les deux cas par les hommes.Le sens profondde cette ne le seraient «théorie»,c'est que si les hommesn'étaientpas opprimésles femmes que la questionest posée en ces termes: Pourquoiopprimer pas ; cet qui signifie deshommes? desfemmes, sinonpouropprimer La préoccupation passionnée«d'articuler»oppressiondes femmeset oppresen faitla preà peinecachéede rattacher recouvrel'entreprise siondes prolétaires . danscette«articulation» mièreà la seconde,caril n'ya pas l'ombred'unesymétrie des femmesà l'oppression Le pireest que cettehâte à intégrer capital'oppression ne procèdepeut-être liste,avantmêmede savoiren quoi consistela première, pas tantd'unemauvaiseque d'unebonnevolontépolitique: du soucid'établirla réalité en la rendantvisible. de cetteoppression, des et ces hommes,l'oppression Ce que ceci révèle,c'estque pources femmes femmes,si elle n'est pas ainsi «rattachée»,tend à s'évanouirde sous leursyeux, commetoutfait dénuéede signification ; que seule l'oppressiond'hommesa un des sensen soi ; et que, non rattachéeà une oppression auto-justifiée, l'oppression INSENSÉE. femmes estpourelleset eux,proprement La photo de classedes femmesou limage inversée. Ce que les réactiondes femmescommedes hommesà la suggestion que les ce que l'hostilité femmessont oppriméespoint à la ligne : pour elles-mêmes, partagée mais non semblable des femmes et des hommes à l'égard des mêmede ce mythe-bouc-émissaire, ce que la construction révèlent, «bourgeoises», coincideavecce que l'analyseobjectivedévoile.Cetteanalyseobjectiveestinscrite caché.Les en filigrane danslespositionsqui la nient,elleen constituele fondement 48 femmesde bourgeoisne sontpas des bourgeois.Elles ne doiventleur«positionde classe», censél'emporter surle statutde femmes, qu'à ce statut. Ceci esttrèsclairdansle faitque sociologievulgaire commesociologiesavante attribuent aux femmesla classede leurmari: utilisentpourles femmesun critère de celuiutilisépourleshommeset doncpour de classe» différent «d'appartenance les maris,un critèrequi, de surcroît,est totalement non seulementà la étranger définition des catégories marxistedes classesmais à toutedéfinition sociales.Pour les femmes, et pourles femmesseulement, le mariaged'unepartremplacela place dans le processusde productioncommecritèred'appartenance de classe ; d'autre même les femmes ont une dans ce part, quand place propre processusc'est-à-dire travaillent à l'extérieur, le mariagel'emportenéanmoins.Les «bourgeoises» sont donc appeléestelleset identifiées à leursbourgeoisd'époux,non parce qu'on a utilisépourles classerle mêmecritèreque pourleursmarismaisau contraire parce qu'on a utiliséun critèrequi les en distingue: celui du mariage.C'est-à-dire qu'avantde et pour pouvoirles prétendre identiquesà leursmaris,il fautles avoir considéréeset traitéescomme radicalement dissemblables. Ainsi,en mettantles et leurs femmes dans même le on démontre sac, bourgeois par cetteopération mêmequ'ils ne sontpas dansle mêmesac. On ne peut assimiler les unes aux uns en les traitant en différemment les uns classant que précisément par leurplace dans le processusde productionet les unespar leurstatutmatrimonial. Et ce qui f les hommes des emmes dans le distingue bourgeois «bourgeoises» processusde est ce les femmes des femmes classement, précisément qui rapproche «bourgeoises» elles sont aussi la classe de leursmaris.Ainsi «prolétaires», qui cataloguéesd'après on ne peutparlerdes différences de classeentrefemmes- sourceparaît-ilde divi- qu'en les traitant sionspolitiqueséventuelles d'abordtoutesde la mêmefaçon: en déterminant leur«classe»par leurrapportà un homme.Ces différences classificatoires sontdonc fondéessurce que les femmesont toutesen commun: le fait d'être«la femmede quelqu'un». ne faitque refléter la situationobjectivequi est aussi L'usage classificatoire communeà toutesles femmes: le faitque leurexistencematérielle estdéterminée par leur relationà un homme.Cette dépendanceest elle-mêmela cause de leur réelet analytique, danslesclasses- les lieuxsociauxet géographiques placement, où se trouvent les hommesauxquelsellessontattachées.Il ne s'agitdoncpas d'une de classeau senspropre,maisde son contraire. Le faitque cet attaappartenance chementsoitutiliséen lieuet placede l'appartenance de classeréellemanifeste que cettedépendance- le statutde femme,termesynonymeavec celui d'épousede classe : là place dansla production Elle l'emportesurl'appartenance capitaliste. l'emportedansle classement parcequ'ellel'emportedansla réalité: parceque, soit les femmesn'ont pas de place dans la productioncapitaliste, soitcetteplace est moinsimportante pour leur existencematérielle que leurdépendancepatriarcale, de classe,les deux qui constitueleur rapportde productionet leurappartenance - lire étantnon capitalistes. la «théorie»qui pose «l'appartenance» Ironiquement, le rattachementdesfemmes aux classesdu système commeplusimporcapitaliste tantque leurstatutcommunde femmes, est fondéesurle postulatinverse(et sur une lecturecorrecte,quoique niée, de la réalité): sur le postulatimplicite(ou en sociologie)de la prééminence du statutde sexe. explicite, 49 Commeon l'a vu, l'hostilitéà l'égarddes «bougeoises»reposeen dernière à pas réellement analyse,sur la perceptionjuste que ces femmesn'appartiennent de genre,la classe la classebourgeoise; cettehostilitérévèleque l'appartenance sur estperçuecommel'emportant sur,maissurtoutdevantl'emporter patriarcale, terme la au d'une retrouve même chose Si on de classe*. analyse «l'appartenance objectivequ'on a trouvédans les prisesde position«politiques»(émotionnelles), dans ces positions, et souterrainement c'estque cetteanalyseexisteimplicitement sur une sont réalitéen.contraémotionnelles d'autant sont fondées plus qu'elles qui Si la réalitéqui sertde baseau discours dictionabsolueavec le discoursmanifeste. des positionsréacest niée par celui-ci,c'est que ce dernierestdestinéà justifier comme surcetteréalité; pourque celles-cin'apparaissent tionnaires telles,c 'est pas s 'on le aux ne donc la réalitéqui estinversée pas que 'aperçoive par discours, finsqu ce sontlespositionsqui sontà l'envers. de l'oples modalitésdifférentielles Il restecependantà trouveret à définir formes les différentes des que prendl'oppressionà parpressiongénérale femmes, on s'en doute,surune retird'unebase commune.Ceci débouchenécessairement, Maiscetterecherche femmes. les et pas seulement définition de l'oppression, pour de la problématique ne peut procéderà partirdes conceptsutiliséscouramment, selonles lignesdesclassestraditionnelles, de la divisiondes femmes pourles raisons en réalité sur sont fondées ce qui est au : «divisions» qu'on a vues parce que ces de La femmes. ces les contrairecommunà toutes «divisions»,telle perception mais due non à la seulement dépendancematérielle est qu'elle existeactuellement, de Loin d'être une aussià la mauvaiseconsciencequi sontle lot toutesles femmes. et une c'est une manifestation analyse,encoremoinsune analyserévolutionnaire, C'est doncd'ailleurs,d'un ailleursanalytiqueet popreuvede plus de l'oppression. qui connaît et litique, à partird'une problématiquetotalementdifférente, et ne procéderasde la mauvaiseconsreconnaîtcettecommunauté fondamentale, à partird'une problématique féministe, que cette cience,c'est-à-dire proprement de libération. et êtreune recherche recherche peutêtreentreprise, 50 Dans une usine pendantla RévolutionRusse de 1917 51 Nicole-ClaudeMathieu Masculinité/féminité Un fauteuil,unechaise Un bureau,une table Un livre,une revue Unjournal,une feuille Un bol,unetasse Un lit,unecouchette Un bouquet,une fleur Un tout,unepartie Un homme,une femme Un «grandhomme»,une «petitefemme» . la prostitution. Le Panthéon, pourdébuter? C'estque nousutilisonsquoPourquoicet exercicede français masculinisé absolument où tout,estobligatoirement une tidiennement langue tout, du obsessionnelle sexe,où véritablement dire ou féminisé; languequ'on pourrait voir se sans adjoindre aucun être exprimé, concept aucunmot ne peut prononcé, son sexegramun article,un adjectif,etc.,qui marquerason «genre»,c'est-à-dire et fémasculins termes des les choisi,pour opposer, matical Si j'ai volontairement relaune certaine elles entre notions des ou des choses ayant mininsqui désignent totaou maisrespectivement plusgrandes, plus tion catégorielle, plusimportantes, pour les lisantes,pour les termesmasculinset plus petites,ou plus parcellaires, article de cet suite la avec sans qui bien ce n'estpas, sûr, rapport termesféminins, la dans nôtre, mais sociétés des bien dans particulièrement tenterade montrer que, l'idée de masculinporteune valeurde «plus» et celle de fémininune valeurde «moins». Mais centrons-nous pour le momentsur le rapportqui pourraitéventuelleet leur mentexisterentrele sexe (le genre)attribuéaux chosespar la grammaire de constater est Force sorte. en que ce leur«essence» quelque qualitéintrinsèque, vous et France en table déménagez une que rapportn'existepas. Si vous prenez cette même table en Allemagne,voilà qu'elle va changerde sexe ! En France, nous avonsla tableet le journal,en Allemagnele tableet la journal(der Tischet dieZeitung).Quantau livre,il devientneutre(das Buch). 52 dans mais fortutilesà conserver Nous partonslà d'évidencespremières1, non fois-ci le du cette d'aborder moment au genre plus problème appliqué l'esprit c'esttout aux choses,maisaux personnes.Car enfin,dira-t-on, pourlespersonnes, on le reconnaîtra bien : si un hommefrançais à faitdifférent voyageen Allemagne, commehomme,et les qualificatifs qu'on lui attribueraseronten cette langue en effet,il n'ya pas de procommeen la nôtredu genremasculin! Apparemment, entrehommeet femmeexisteà l'inblème,puisqu'ilest certainque la distinction térieurde chaque culture2(et qu'elle estmêmesansdoutele pointde départde Le l'extensionaux choses,danscertaineslangues,des genresmasculinet féminin). problèmecommencelorsqu'onveutbien considérerque les mots «masculin»et mais qu'ils ont, «féminin»ne désignentpas seulementun genregrammatical, un contenupropres: ce sontdes qualificatifs, commetoutterme,une signification, dérivésde substantifs (en lantin: masculus,le mâle,etfemina,la femelle); ils seunesubstance, ici ce qui estpropreà, ce raientdonccensésexprimer adjectivement en quelquesorteessentiellement l'hommeet dans,ce qui définit qui est permanent la femme. En est-onpourautantautoriséà penserqu'il y a un rapportd'essenceentrece que qualifiele terme«masculin»et la réalitébiologique«homme»d'unepart,et ce que qualifiele terme«féminin»et la réalitébiologique«femme»d'autrepart? Auou tellecapacitéque trementdit,a-t-onle droitde penserque tel comportement ont quelque rapl'on estimecouramment «masculins»ou au contraire«féminins» ? de le sexe ce soit avec l'individu biologique portque Le seul fait,de connaissance courante,qu'on puissedirede tel hommequ'il en toute est un peu féminin ou de tellefemmequ'elleestplutôtmasculinesuffirait de contradiction dans les une ces chacun jugementscomporte logique (puisque entre le a de substantif à faire termes) qu'il n'y pas rapportintrinsèque pressentir «femme»et l'adjectif«féminin»,par exemple- bref,que les «traitspsychosont qu'on désignecommemasculinsou féminins logiques»ou les comportements en le arbitrairement le sont tout aussi aux sexes français biologiques que appliqués à féminin table. Il faudra à et le une nous donc un bureau genremasculin genre tenterde comprendre que chaque sociétése sertdes sexesbiologiquespourconstruireune «grammaire sexuelle»- ou, commediraitKate Millet,une «politique de sexuelle»(sexual politics)- tout aussi arbitraire que les genresgrammaticaux la langue. C'est justementle termede «genre»que RobertJ. Stollera retenupour et la féminité entrela masculinité établirla distinction (l'identité psychologiques de genre)d'une part,et les sexes biologiques(auxquelsil réservele mot «sexe») est entresexe biologiqueet sexe psycho-social d'autrepart.La non-concordance à le cas des enfants la dans naissance qui présentent particulièrement frappante un certainsexealorsqu'il des anomaliesgénitalesexternesleurayantfaitattribuer 1. L'absence de rapportentrelangue et réalitédésignée est largementdémontrépar les rechercheslinguistiques.Voir par exemple A. Meillet, «La catégorie du genre et les conceptions indo-européennes»,in Linguistique historique et linguistiquegénérale, Paris, Honoré Champion,1965. 2. Toutefois,lorsqu arriveun étranger,ce n est pas forcementson sexe qui sera identifie en premier: lorsqu'un ethnologueparvientdans une population très isolée, il se peut qu'on le classe d'abord comme «mort» (revenant)ou comme «non-humain». 53 se révèlepar la suite,au coursdu développement, qu'ilssontconstitutionnellement des donnéescliniques,des traitements correctifs de l'autresexe3. La considération ces en est et résulté de ce pour individus psychologiquement parfoisentrepris qu'il de la déterminaetc. révèle inter-sexuels, façonfrappante pseudo-hermaphrodites, des facteurssociaux (avoirété élevé «commeun irréversible tion pratiquement garçon»ou «commeune fille») dans la fixationde l'identitépsychologiquede : «En fait,presquetoujours,de telles sexe, ou plutôtde «genre».Stolleraffirme sur forces[psychologiques] peuventl'emporter les forcesbiologiques.»4 un problèmefortcomplexe,il sembletoutefois Au risque de simplifier intéressant de citerici deux des exemplesprésentésdansce mêmearticle.Dans les deux cas, l'assignation du sexe à la naissances'estrévéléefaussepar la suite,mais de ce le traitement dansle sensd'uneconfirmation dansle cas n° 1 on a entrepris «faux sexe» biologiquequi était devenule «vraisexe», le genrepsychologique; dans l'autrecas, on a tentéde «rétablir»le véritablesexe biologique,allantainsi : à rencontre du genrepsychologique établià la (Cas n° 1) «Le diagnosticdu sexe n'a pas été correctement naissanceet ne le sera qu'à la périodede latence : deux enfants, mâles, dotés d'appareilssexuelsmâles internes chromosomiquement normauxet de testiculesnormauxétaient nés avec des testicules le méaturetral ; le pénisavaitla dimensiond'un clitoris, cryptorchides étaitsituéainsique chezunefilleet le scrotum, avait bifide, l'apparence des lèvres.Les organesgénitauxexternesse présentant commenormaon assignaaux deux enfantsle sexe féminin; ils lementféminins, furentélevéscommedes filles.Puisle diagnostic de masculinité futétaété éveillés les bli pourchacund'eux (des soupçonsayant par «tumeurs ; les inguinales»- en réalité,il s'agissaitdes testiculescryptorchides) au sexe deux enfantsne mettaientpas en questionleurappartenance Le diagnosticfutcommuniqué aux parentset femelle,ni leurféminité. l'on décidaque les enfantscontinueraient à êtreconsidérés commedes et à filles.Le traitement hormonal destiné créer une anatochirurgical Le diagnostic mie féminine a été faitil y a six ans ; aucun futentrepris. ne s'estposé depuis.» problèmepsychologique au sexe mâle est faità la (Cas n° 4) «Le diagnosticde l'appartenance est l'enfant élevé comme un naissance, garçon,tout en étantd'autre : il car part biologiquementfemelle, présenteun hyperadrénalisme le clitoris était un normal un urètre avec des lèvres [...] pénis pénien, externesfusionnées commedans un scrotummâle ; l'induration était telleque les lèvresavaientl'apparenced'un scrotumavecdes testicules non descendus.C'est pourquoion pensaque l'enfantétaitun garçon. à l'âge de six ans, une pubertéprécoce(caractérisMalheureusement, de ces L'orificevaginal cas) provoquale débutde la menstruation. tique 3. De tels cas sont notammentévoqués dans la Nouvelle Revue de Psychanalyse,n° 7 : «Bisexualitéet différencedes sexes», printemps1973 (Paris,Gallimard). 4. K.J. Stoller, «haits et hypotheses.Un examen du concept treudiende bisexualité», NouvelleRevue de Psychanalyse,nô 7. 54 étantbloqué par le péniset le scrotum, unecriseabdominaleaiguë(pédansla ritonite)se produisit,provoquéepar l'amasdu sangmenstruel correctdu sexe. Le cavitéabdominale.On fitalorsenfinle diagnostic pédiatreconseillaaux parentsde fairechangerle sexe et le genrede de filleet de lui faire l'enfant,leur dit de lui acheterdes vêtements Les les à une fille. cheveux comme consultations ultérieures couper à de contrôlerévélèrent cet enfant de était que incapable progresser l'école ; il avait un défautde prononciation n'avait important, pas de fille.» d'amis.Il étaitgaucheet ridiculedanssesvêtements Sans partager tout à faitl'optimisme qui conclutle cas n° 1 (car en fait,les se problèmespsychologiques poserontquandces garçonsbiologiques,transformés en fillespour adapterleuranatomieà leuridentitéde fille,sauront extérieurement ne icic'estla diqu'ils peuventmettreau mondeun enfant),ce qui nous intéresse mensionsocialedu sexe que ces cas mettenten évidence; puisqu'eneffetle problèmes'énonceapparemment ainsipourleurentourage: «on les éduque en filles» ou «on leséduqueen garçons» . Comme il n'y a, dans l'immensemajoritédes cas, aucune difficultéà le sexe d'un enfant,la décisionsocialed'opposerparl'éducationgarçons identifier et filles- autrement inadit,plustard,hommeset femmes- passegénéralement de Ou c'est et l'arbitraire social cette décision reste perçue. plutôt, qui inaperçu, les et croient l'orientation à l'éducaéducateurs différente donnent parents que qu'ils tiond'un enfantselonqu'il s'agitd'ungarçonou d'unefillen'estlà que pour«confirmer la nature»de son sexe, sa «biologie»,ou - dansun raisonnement un peu et ne devienne homosexuel» plus complexe, déjà sociologique «pour qu'il pas ou la femmemasculine (l'hommeféminin évoquésplushaut). Mais au fond,tout cela n'est-ilpas étrange? Cette obsessiondanslaquelle nous vivonsde renforcer à toutprixla dichotomienaturelledes sexes,de confirmerun enfantdansson sexe en l'opposantconstamment à l'autre,à quoi corres? Si la entre les était différence sexes si «naturelle»,pourquoiaurait-on pond-elle ? besoinde la construire l'éducation par a forgél'idéede La sciencecontemporaine (commenombrede mythologies) la «bisexualité»fondamentale de l'êtrehumainpourexpliquerles problèmespsydes sexes : ainsi,chacunayantau départbiolochologiquesque pose la différence et/oupsychologiquement (n'entronspas dansles querellesd'écolespsygiquement les des deux un difficile travailpour sexes,il faudrait chanalytiques5) potentialités et au mieuxsexe «psychologique» fairecorrespondre et sexe somaen définitive biensûr; mais- question tique.Nous disions«au mieux».Le mieuxde l'individu, - le mieuxde l'individu à laquelleles psychologues accordenttroppeu d'attention n'estjamais que ce que sa sociétédécidequi est le mieuxpourlui,c'est-à-dire en fait pour elle, pour le maintiende son ordre.Apparemment, dans notresociété les occidentale,ce maintiende l'ordreexigeencored'opposerpsychologiquement sexes...Nousy reviendrons. 5. Sans compter que les biologisteseux-mêmesdécouvrentde plus en plus l'extraordinaire complexité des mécanismeset des facteurs(génétiques,neuro-hormonaux,etc.) de la différenciation sexuelle... 55 de jetersur Voyonsd'abordquelquessociétésqui nouspermettront peut-être Mead a étudié en notreproprecultureun regardétonné.L'ethnologueMargaret Nouvelle-Guinée troispopulationsvoisinesmaisfortdifférentes quant à leurinterA de du la de sexe. sociale prétation propos «personnalité» chaque sexe, elle conclut: n'ontéprouvéle besoind'instituer «Ni les Arapesh,ni lesMundugumor entreles sexes. L'idéal arapeshest celui d'un homme une différence doux et sensible,mariéà une femmeégalement douceet sensible.Pour d'un c'est marié les Mundugumor, celui hommeviolentet agressif à une femmetout aussiviolenteet agressive. Les Chambuli,en revanche, nous ont donnéune imagerenversée de ce qui se passedansnotresociété.La femmey est le partenaire dominant; elle a la têtefroide,et c'est elle qui mènela barque ; l'hommeest,des deux,le moinscapableet le plus émotif.D'une telle confrontation se dégagentdes conclusionstrès commetraditionque nous considérons précises.Si certainesattitudes, nellementassociéesau tempérament féminin- tellesque la passivité, la sensibilité, l'amourdes enfants- peuventsi aisémentêtretypiques des hommesd'une tribu,et dansune autre,au contraire, êtrerejetées par la majoritédes hommescomme des femmes,nous n'avonsplus aucune raisonde croirequ'elles soient irrévocablement déterminées 6 parle sexede l'individu.» D'une façon générale,les donnéesde l'ethnologienous apprennent que le contenudes qualitésphysiquesou psychologiques attribuées à charespectivement cun des sexes varieconsidérablement (et souvents'opposeabsolument)d'une société à l'autre,de mêmeque les rôlesmasculinset féminins et les tâcheséconoles hommeset les femmes, commele noteencoreM. Mead miquesque remplissent (ibid.) : «... qu'il s'agissede l'opinionconventionnelle chez une tribudes Philippinesqu'aucunhommene peut garderun secret,de l'allégationdes Manusque seulsles hommesaimentjouer avec les enfants, du faitque la plupartdes travauxdomestiquessont décrétéstropsacréspourles femmespar les Toda, de la croyancearapeshque la têtedes femmes estplusrobusteque celledeshommes.» L'exempledes Chambulicité plus haut est particulièrement frappantpour nous puisque les comportements, les rôles économiqueset rituels,les attitudes mentalesdes hommeset des femmesy sont presquetermeà termele contraire de cheznous. Mais ce que nous apprennent de plus les Arapeshet les Mundugumor, c'est qu'il existe des sociétéshumainesoù - bien que les tâches quotidiennesdes - il ne vientà l'idéede personnede raphommeset des femmessoientdifférentes porterà son sexe les qualitésou les défautsd'unindividudonné.Si un enfantmundugumorest violent,ce n'estpas «parcequ'il estun garçon»,puisqu'ons'attend, 6. M. Mead, Mœurs et sexualité en Oceanie [réunion de deux livresparus aux U.S.A. en 1935 et 1928Î Paris,Pion, 1963, pp. 251-252. 56 dans cette culture,à ce que n'importequel individusoit violent.Si une enfant arapeshse metà faireune colère,on ne mettrapas davantageson sexe en cause ; on ne lui dirapas «une petitefilledoitêtresage»,mais«on ne doitpas fairecela». Ainsi,dans ces sociétés,un individun'est-iljamais misen questiondansl'un des : son identitéde sexe,son «genre» les plus fondamentaux aspectspsychologiques - au contrairede ce qui se passe constamment chez nous,où une fillequi siffle au tricotvontrencontrer une réprobation dansla rueou un garçonqui s'intéresse violenteou provoquerun malaisedont ils ne pourrontignorer qu'ils portentsur en et mettent à leur sexe, plusprécisément questionla «norqu'ils l'appartenance sexuel. malité»de leurfuturcomportement Il semblebien,en effet,qu'une extrañeoppositionpsychologique et sociale entreles sexes dans une sociétédonnées'accompagned'une tout aussi extrême craintede l'homosexualité, en mêmetempsd'ailleursque de l'existenceinstitutionnellede cette dernière.Institutionnelle, c'est-à-diresocialement,et souvent de comportement reconnuecommetypeparticulier ialite» ; r«offîc officiellement, contre«les» hopouvantaussibien se traduirepar l'existencede lois répressives mosexuel(le) s que par une entérination à travers des ritespériodiques: les deux existentdansnos sociétésoccidentales; et, chez les Chambulipar exemple(où les sexessont,commechez nousbienqu'avecun contenuinverse, censésposséderdes M. Mead décritdes cérémoniesoù le travestissecontraires), personnalités-types mentsexuelet les parodiesde comportement homosexuelde la partdes hommes ontunegrandeimportance.7 et desfemmes Un autrepoint,tout à faitessentiel, le rapportd'opposition qui caractérise entreles sexesdansnotresociété,et donc les notionsde «masculin»et de «féminin»,estqu'il ne s'agitpas - commeon le prétend(ou le préconise)souvent- d'un maisbien d'un (l'égalitédansla différence), simplerapportde «complémentarité» soutenant (la différence l'inégalité).Les comrapportd'oppositionhiérarchique à mentaires entendus de récemment d'enfants 2-3 ans,sontéclaisuivants, propos rantsà ce sujet: de soi). D'un garçon: «II commenceà 1) D'enfants«volontaires» (affirmation devenirterrible(intonationd'effroimélangéde respect); c'est bienun garçon!» D'une fille: «Elle commenceà avoirun fichucaractère (intonationde fortedésapprobation).» 2) D'enfantsnus surune plage(identitécorporelle).D'un garçon: «Celui-là,au moins,on peut voirque c'est un garçon...»A une fille: «Veux-tute cacher,les petitsgarçonsvontse moquerde toi !» Nous saisissonsici dansla quotidienneté la plusbanale,ces notionsde valode et de attachéesau sexe «moins»,respectivement risation/dévalorisation,«plus» de notre masculinet au sexe féminin haut à «exercicede (et évoquéesplus propos 7. Mead note aussi qu'en revanche,chez les Arapesh et les Mundugumor(sociétés où la personnalitén'est pas définieprincipalementen termesde sexe), elle n'a pas trouvéd'homosexualité. On peut avancer à cet égard deux interprétations, qui ne sont pas contradictoires: d'une part,que l'extensionstatistiquedu comportementhomosexuel est directementfonction de la politique sexuelle d'une société (les sexes comme si «contraires»socialement...qu'ils ne peuvent se rencontrer); d'autre part, que, dans une société qui ne porte pas, contrairement aux nôtres,une attentionforcenéeà la «différencedes sexes», un comportement(dit par nous) homosexuel, même s'il existe, n'est tout simplementpas «vu», parce que non visible socialement,non essentieldans les catégoriesde la connaissanceet de la morale. 57 français»).Ainsion admetmoinsd'une fille- sous prétextede son sexe biolosa volonté,son indépendance (limitationqui va devenir gique - qu'elle affirme la honte on de mais lui son sexe imposeégalement psycho-social), partieintégrante de son sexegénital,sous prétextequ'il n'a pas 1'«évidence»de celuidu garçon.Le sexegénitalde la fille(et donc de la femme)est en quelque sortenié : on dità la foisqu'il fautle cacheret qu'il est caché(ce qui est faux,surtoutchez les petites une encyclopédierécented'éducationsexuelle,diviséeen filles!). En parcourant on peutvoirdes planchesanatomiquesoù, à côté volumesselonl'âge des enfants, de des organesgénitauxmasculinscomplets,figurel'ensembledes organesinternes du une sans la femme, maisoù le vaginse termine tracé, que par simpleinterruption ni le clitorisni les lèvres(qui sontpourtantdesorganesessentiels soientreprésentés de la sensationsexuelle).Que de fantasmes de notreculturece genrede dessin à ! toute la ce Voir sujet sculptureoccidentale,où le sexe extépas n'exprime-t-il rieurde la femmen'estjamaisreprésenté (alorsmêmeque la positiondes statues ! la contraste statutaire africaine et voir par l'exigerait parfois) Nous avonslà donnédes exemplesqui se situentau niveaudes normesmode la culture,maisil ne fautpas oublier ralesde l'éducationou au niveauesthétique des femmespar rapport tout des faits. L'infériorisation cela qu'à correspondent une hiérachiede «valeurs»,elleestunehiérarchie aux hommesn'estpas seulement dans les statistiques du travailou de l'accès de fait,qui s'exprimetrèsclairement . Non on seulement ne trouve à la formation pratiquement professionnelle8 pas de femmesdansles professions qui manientle pouvoirpolitique(hautesinstances des partisou des syndicats, etc.) ou le pouvoirde l'argent(bangouvernement, de alors constituent la quasi-totalité des «personnels qu'elles quiers,notaires,etc.), de mais à l'intérieur une est déservice»; encore, catégorie chaqueprofession, plus valorisée(par rapportaux «responsabilités supérieures»)ou mal payée (cela va ensemble),plus on y trouvede femmes.Et dans presquetous les généralement même celle-cigagnemoinsd'argent, couplesoù l'hommeet la femme«travaillent», à égalitéd'horaires, mêmeà égalitéde qualification. Que dire alors- dans une commela nôtre,où celuiqui a le pouvoirestceluiqui possède économiemonétaire : situation l'argent descouplesoù la femmeest«au foyer»(travailnonrémunéré) de totaledépendance,qui ne se révèle,mais avec quelle acuité,que le jour où la femmedevientveuve ou divorcée9(en général,avec la chargedes enfants), «obligée»de travailler. Ainsidonc le rapportentreles sexes est dans notresociétéun rapportde pouvoirtantau plan des valeursqu'au plan économiqueet juridique,rapportde de la prévalenceet de l'autoritédu pouvoirqui s'exprimedansl'idée hiérarchique sexemasculinsurle sexeféminin. Le rapportde pouvoiréconomiqueet idéologiquen'estcertespas l'apanage des seuls rapportsde sexes,mais il est régulièrement nié pourles relationsentre hommeset femmes.Chaque renouveaude l'analyseféministe se voit opposer: 8. Les données ne manquent pas à ce sujet. Voir par exemple,pour l'historique,Evelyne Sullerot,Histoire et sociologie du travailféminin,Paris, Gonthier, 1968 ; et pour des statistiques françaisesplus récentes,JeannineVerdès-Leroux,«Le travaildes femmes»,Les Temps Modernes,n° 337-338, août-septembre1974. 9. Sur le fait que le divorcen est, pour les femmes,que la parfaitecontinuationde l'état de mariage,voirl'articlede Christine,«Mariage et divorce.L'impasse à double face», Les Temps Modernes,n° 333-334 : «Les femmess'entêtent»,avril-mai1974. 58 entreles sexes,par les uns(plutôtla Droite) ; 1) la grandepeurde l'indistinction de de générations, ou éventuellement ou de la des classes, 2) primauté rapports les la autres races,par (plutôt Gauche). Or, pour répondred'abordau point 2, le faitqu'une bourgeoisepuissese fairetraiterde salopeparun ouvrierà qui soncomportement déplaît; le faitqu'un de ans à une femme de vingt-deux douze les fesses sous gamin puisse pincer de demander l'heure le fait la lui Etats-Unis l'on connaît ; (où qu'aux prétexte violencede l'antagonisme a demandé à des blancs racial),lorsqu'on petitsgarçons s'ilspréféreraient êtredespetitesfillesblanchesou despetitsgarçonsnoirs,ils aient 1° répondu«êtredes petitsgarçonsnoirs» ; le faitque pourune réclameprésentant un jeune hommenu (dans l'ombre),les boucliersde la «pudeur»se soientlevésen Francealors que dans le silencequasi généralles affiches danstoutes manipulent les positionsdes femmesnues ou diversement harnachées; le faitque l'immense soitdes femmes (et qu'au surplusleshommesse prostituent majoritédes prostitués aux alors également hommes) (car il s'agitbiend'une qu'il n'y a pas d'institution institution) équivalentepourles femmes; toutcela, commedes centainesd'autres socialedes sexesn'estpas exemplesqu'il faudraitdonner,montreque la hiérarchie un vainmot. Au niveaudu vécuquotidiencommedes normessociales,la masculinité sociale c'est la possibiliténon remiseen questiond'entreprendre, de «faire».C'estla le Panthéon.La féminitésociale,c'est la limitation avantmême «responsabilité», et dès qu'une difficulté se présente, c'estle recours que l'actionne soitentreprise, à l'homme.La masculinité mieuxparler, sociale,c'estde «savoir»mieuxexpliquer, la roue,mieuxcomprendre mieuxpenser,mieuxdémonter pourquoila machinene fonctionne pas, tendrela mainaux femmesquandellescouraientaprèsles autobus en jupe étroiteet talonsde 7 centimètres. A la «BelleEpoque», lesjeunesouvrières du textiletravaillaient douze heuresparjour avec des corsetsaux montantsde fer leurrentraient dansle ventrechaqui, lorsqu'ilsse cassaient(ce qui étaitfréquent), que fois qu'elles se baissaient(c'est-à-diredes centainesde foispar jour) pour mettredansles caissesles pelotesde laine; au moins,lesmalheureuses étaient-elles sûresd'êtreféminines... La féminitésociale,c'est aussi et surtoutles maternités du qui vous «tombent»dessus,parce qu'on laisse encorede nosjours l'initiative contrôleà l'homme(trèspeu de femmes utilisent les contraceptifs féminins), parce alorsqu'on vousa refusélesmoyensd'éviter qu'on risquela prisonpouravortement 1 à une ce calvaire1 où , époque où la puissancede la science est fantastique, l'hommea atteintla lune et où l'on greffedes cœurshumains.La masculinité c'est la libertéde fairedes enfants, maisde «ne pas savoir»les sociale,en revanche, élever,les fairemanger,les laver,etc. ; c'est aussila faculté,dansle divorce,de ne même pas payerla pensionalimentaire. La masculinitésociale,c'est la lâcheté 10. MargaretMead & James Baldwin, Le racisme en question, Paris, Calmann-Lévy, 1972, p. 136. 11. Aujourdnui, la distinctionentreavortement«légal» et «illegal», avec les inculpations qu'elle entraîne,comme les complicationsmatérielleset morales imposées aux femmesqui désirentavorterpermettentde laissertelle quelle cette phraseécrite en 74. «[La loi Weil du 1701-75] tolère quelques avortementsen hôpitaux : 24 000 avortementslégaux en 6 mois, alors qu'il y avait 800 000 avortementspar an quand c'était interdit! Oue fontles autresfemmes?» (Questions pratiques sur la contraceptionet lavoriement, supplémentau n° 49, janv. 1976, de l'hebdomadairela Criée,Marseille). 59 de cet homme(par ailleurs«gentil»)qui me racontaitses exnaive et meurtrière : «Alors,je lui ai faitune queue de poisson; commec'était ploitsd'automobiliste une femme, je ne risquaispas qu'elledescendepourme casserla gueule!» La fémisocialec'est qu'il nitésociale,c'est encorela prostitution parceque la masculinité est normalde payerpour avoirce qu'on veut,mêmeun êtrehumain.Les prostiet la tués masculinsfontjustementpartiede la féminitésociale.Car la féminité avec n'ontpas de sexe,ou plutôtellesn'ontqu'un rapportstatistique masculinité commenous l'avonsdit,et le sexe biologique,et de plusce rapportest arbitraire, dansune sociétéhistorique. doncprovisoire De nos jours,le meilleurmoyend'asseoirun pouvoirsocial,une hiérarchie, 12 Mais naturel. est de les présenter commeayantun fondement l'hypothèsede la de hommeset sociale entre comme «cause» la hiérarchie différence biologique f«runesn'estpas toujoursfacileà tenirouvertement, carenfin,mêmesansrecourir une mémoirehistoriquetrèscourtesuffirait à la aux connaissances ethnologiques, de nosmèresqui étaientexclues fairetomber: on peut supposerque la physiologie du droitde voteavant1945 (et ce, en tantque femmes biologiquespuisquele fait ou riches ou fussent célibataires etc.,n'y changeaitrien) mariées, pauvres, qu'elles n'avaitpas variéen 1946... pas plus que ne s'estmodifiéela «différence» physiologiqueentrehommeset femmesd'hieret d'aujourd'hui? Forceestbiende reconnaîtreque les (lentes)acquisitionsdans le droitet dans les faitsqui tendentvers non pas les sexes, une égalité(encoreà venir)entrehommeset femmesaffectent et la féminité sociales. maisla masculinité entreles devantune tendanceactuelleversl'indistinction Certainss'affolent font se traiter de «péhommes aux cheveux sexesdansl'aspectextérieur (les longs dales» et les femmesen chaussuresplateset pantalonsde «moches»et de «mal dont on prétendque «ce sont toutesdes baisées», en un mot, de «féministes» : se et les femmes se viriliseraient. Ils hommes les féminiseraient lesbiennes») bref, raison; là où ils ont tort,c'estde prétendre croirequ'ils ont au fondparfaitement parlenten termesbiologiques; ilsparlenten réalitédes sexessociauxet ne fontque d'un changement social,leurcrainte projetersur le biologiqueleurappréhension de fait ne soit ce détruit encore aujourd'huide la mascuque rapport pouvoirqui et irréductibles. Ce que dénotenttoutes des entitéscontraires linitéet de la féminité c'est le refusde l'imagination le ces craintes, sociologique, vertigedevantl'infinité desconstructions socialespossibles. ne perdentpas pied.La théoriede C'estpourquoiles assertions biologisantes en effetpossèdeun atoutmajeurqui estmoinsla possession la «petitedifférence» du pénispar l'hommeque cellede l'enfantparla femme(Freud,qui a en faitdécrit en faisait socialdes sexes,maissansle reconnaître, les résultats du conditionnement d'ailleursdes équivalents).Car s'il devientaprèstout diffìcilede soutenirde nos jours qu'un pénisvous autoriseà votermais qu'un vaginvous rendincapablede 12. Dans les siècles antérieurs,on parlait de droit divin ; depuis le XI Xe siècle on parle biologie, qu'il s'agisse de sexe, de classe ou de race. C'est ainsi que la classe au pouvoira justifié par l'ideologie des «aptitudes naturelles»le moindreaccès des enfantsd'ouvriersà renseignement (voir Noëlle Bisseret,Les inégauxou la sélectionuniversitaire, Paris,PressesUniversitaires de France, 1974). C'est égalementainsique l'idéologie racisteutiliseles caractèresphysiquesdu minoritaire comme «marque» garantissant la permanence d'une différence socialement instaurée(voir Colette Guillaumin,L'idéologie raciste. Genèse et langageactuel, Paris-LaHaye, Mouton, 1972. 60 choisirune orientationpolitique,en revanchevoilà une chose (très importante pour la société)que seulun appareilgénitalféminin peut faire: porteret mettre au mondedes enfants. Sansnousattarder aux théories psychanalytiques qui veulent voirdans l'enviede l'enfant,la jalousie à l'égarddes femmes, la raisonde la prise du pouvoirpar les hommes,il nous sembleplusintéressant de considérer comment la sociétése sertde cettedonnéebiologiquequ'est l'enfantement pourparticularisersocialement la femme,pourdireque la femmea quelquechosede particulier, quelquechose qui lui estpropre,à accomplirdansla société: faire(et élever- là se situedéjà un premier Et du mêmecoup,on glissement sociologique)les enfants. en faitl'essencede sa définition : une femme,c'est quelqu'unqui aura,qui a, ou qui a eu des enfants. La vulgarisation actuelle(«jusqu'à deux ans au moins médico-pédagogique un enfanta absolument besoinde la présencede sa mère»),qui faitdes ravagesau moins dans les classesmoyennes,ignoretranquillement et hardiment non seulementl'ethnologie, mais aussi l'histoire,son propreconditionnement sociologique et ses proprescontradictions. L'ethnologie: parce que les sociétésoccidentales sontpratiquement les seulesà laisserl'entièrechargedesjeunesenfants à uneseule personne,leurmère.L'histoire: parceque cettesituationest en faitrécentedans nos sociétés; mone sans remonter à l'AncienRégime13,il suffîtde penserà la classe ouvrièreau XIXe siècle et au débutdu XXe où il ne pouvaitêtrequestion : les enfantsétaientrapidement qu'aucunepersonnevalidepuissene pas travailler donnésen nourrice(et contrairement à ce qu'on pense souvent,les «nourrices» n'allaitaient souventplusieurs, et de pas toujoursles enfants- ellesen recevaient elles étaient mais le rôle des crèches plus généralement âgées-, remplissaient plutôt actuelles).Le conditionnement sociologique: parceque cettevulgarisation psycholes femmes, matelas pédagogiquesert- dansune sociétéà chômage- à empêcher de main-d'œuvre, «d'encombrer» un peu plusle marchédu travail(ce qui rendpessimistesurla réalisation des promesses électoralesquantaux crèches).Les contraenfin: parceque d'uneparton mesuremieuxl'influence, dictionsde la psychologie et les parfoisnéfaste,que peut avoirsurle toutjeune enfantle comportement fantasmesdu parentqui s'en occupe14(c'est-à-dire la mère),mais généralement qu'en mêmetempselle continueà direque le petitenfanta besoinen prioritéde sa mère. en tantque Or, cettefemme,la sociétéen faitun êtredépendant,dévalorisé divisé... et de On facilement de femme, plus épuisé. parle aujourd'hui «la double de de travail la femme». Mais d'hommes journée peu peuventse rendrecomptede ce que représente une femme soit «au pour (qu'elle foyer»ou salariée,et qu'elle soit avec ou sanshomme)le poids desjeunesenfants: supporter lescris(car la vulaussi de ordonne laisser les enfants garisation pédagogique «s'exprimer»); traîner les gossesavec soi quand on crouledéjà sousle poidsdescourses,ou essayerdésespérémentde les «caser» chez une voisineou chez sa mère,le tempsd'allerà la 13. Il faut toutefoislire à ce sujet Philippe Ariès,L'enfant et la vie familialesous l'Ancien Régime, Paris,Pion, 1960, et son article«Le rôle nouveau de la mèreet de l'enfantdans la famillemoderne»,Les Carnetsde Venfance¡AssignmentChildren,n° 10, juin 1969 (UNICEF). 14. Voir par exemple Maud Mannoni,L enfantarriéréet sa mere, Paris,Seuil, 1964 ; et Bruno Bettelheim,La forteressevide. L'autisme infantileet la naissancedu Soi, Paris,Gallimard,1969 (1ère éd. américaine1967). 61 à la crècheou chez la nourricepour mairie,à la sécuritésociale...Se précipiter et préparerle aussivitepourles reprendre arriverà l'heureau travail,en ressortir dîner; chercher une autrefanniequandla crècheles refuseparcequ'ilsontun peu de fièvre; les laver,les relaver,les nourrir,les re-nourrir, nettoyerles dégâts, Cette écouter... contrainte sans fin,de jour et de nuit, soigner,porter,consoler, de soi, auxquellesaucunedifficulté n'estcompacettedépossession professionnelle ls . Ils ne sont à les les hommes décidés rable, partager l'ignorent. pas La sociétéabandonnedoncles enfantsaux femmes et attacheles femmesaux En de quoi,elleédicté: il et les les à leur vertu mari. enfants, par enfants, épouses de les vertueuses et a deux sortes femmes, y épouses-et-mèresles putains.Les pune sont les mais aussilesjeunes fillesqui vouce seulement tains, pas prostituées, obtenirle droità la viesexuellequ'on reconnaîtà leurs draientparlescontraceptifs Il y a donc plusieurs les divorcées, les célibataires... les mèresqui avortent, frères, sortesde «féminités»entrelesquelles«la femme»doit choisir...Mais de toute de faire),ça ne serajafaçon,quelque choix qu'elle fasse(qu'elle ait l'impression maissi bienque d'êtreun homme... 16. Toute femme Il se pose en faitaux femmesun graveproblèmed'identité està la fois: dansl'imageet Io) obligée,en tantque femmebiologique,de se reconnaître la la réalitésocialesde la féminité, lui comme dérivéede son puisqu'on présente vraide la masculinité sexebiologique(ceci estégalement pourl'homme); en tantqu'êtrehumain,de refuser mais 2°) obligéeégalement, cetteimage et dont la fondamentale est désintégrée destructrice signification que «c'est moins bien d'êtreune femmeque d'êtreun homme»(en revanchele modèlede la maset valorisé). culinitéestà la foisintégré Il est tellement honteuxd'êtreune femmedansnotresociétéqu'on ne doit car que l'on soit pas s'étonnerde ce que les femmessont si souventmisogynes, hommeou femme,êtremisogyne ou non : «De celles-là, c'est dire,consciemment de «ça», je n'en suispas.» Une femmemisogyneest quelqu'unqui dit : non,je ne suis pas une «chose mauvaise»,je suis une personne,alors: non-femme, horsde sexuée.Elle pratiqueindividuellement toute spécification (mais pour des raisons sociologiquesqu'elle ignore)cette séparationdu «mauvais»qu'est son sexe,pour ne plustourner sesregards le détenteur du pouvoirqui, que versla granderéférence, l'humanité,à laquelle elle aspire.Ce n'estpas de lui, a la chancede représenter qu'on lui présentecommeincarnéedans la pénisqu'elle a enviemaisd'humanité, Commentrésoudrecettecassure,ce morcèlement, masculinité. commentresceller ce miroir briséd'elle-même, commentvivreà la foisen tantque «femme»et en tant que Soi ? A cela, deuxsolutions.La première estde se fermer les yeuxet se boucherles oreilles,et ne penserqu'à faireson travail,son ménage,sa lessive,sa cuisine,dans 15. Même dans les sociétés socialistes,où l'égalitédes sexes faitthéoriquementpartiedes normes officielles(et où il est indéniable que des réalisationsont été faites en ce sens), le partagedes tâches domestiqueset éducativesdemeurele grandpoint d'achoppement,comme le montreAndrée Michel dans «Relations prémaritaleset conjugales dans la familleurbaine en Pologne, Russie et Biélorussie», Les Temps Modernes, août-septembre1974, nos 337-338. 16. Et qu on ne compte pas surles manuelsde psychologiepour éclairerla question : les chapitres«identité» sont muets surl'incidencedu sexe socialementimposé. De même la grande majoritédes manuelsde psychologiesociale parus ces dernièresannées. 62 nécessairepourvivre.Surtout,utiliserau moraleabsolument une auto-justification maximumce que la sociétévous présentecommeétantà la fois biologiquement propreaux «femmes»et socialement(enfin!) valorisé: l'enfant.Jouerle jeu de et féminité, mais en mêmetemps,et dans l'oppositionsociale entremasculinité une consciencediffuseque «quelque chose ne va pas», élaborerune sous-culture entrefemmes, occulte(la culturede nos mères,qui se transmet généralement igno- tousles à l'hommel'imageatrocede la féminité rée deshommes)où - renvoyant maux de l'humanité, tous les défautssont attribuésaux «hommes»en tantque tels : «les hommessont douillets,geignards, ils ne puérils; ils sont dégoûtants, pensentqu'à ça...» L'autresolutionest - que l'on soit hommeou femme- de prendreconset la féminité cienceque la masculinité tellesque nous les vivonsaujourd'huine sont pas des catégorieséternelles,car elles ne sontpas biologiques,mais historiques.Les uns,biensur,peuventpréférer que les chosesne changent pas (maisles si bien que cela ?). Mais les autrespeuventenvisager chosesvont-elles qu'unjour ne seraientplus,paradoxalement, que de peut-êtrela masculinitéet la féminité sur il ne besoin serait d'élaborernulfatras. simplescatégoriesbiologiques lesquelles tous Simplescatégories biologiques: c'est-à-dire que l'hommeet la femmeservent de l'espèce,et que la grandeur deux la reproduction de la société«humaine»serait justementde n'en pas faireporterle poids à un seul des sexes. Une sociétéoù du travail, du loisir... chacunauraitunepartégaleà cellede l'autre,de l'instruction, et des enfants.Utopie ? L'utopie faitpartiede la réalité- à preuveles utopies surles notionssocialesde «masculinité/féminité»... biologisantes Ce textea été écritfin74, surcommanded'unhebdomadaire médicalà large diffusion. (On verra,d'aprèsla lettreci-dessous, qu'un accordne pouvaitse faire pour sa publication...).C'était à mon sens l'occasionde «fairepasser»auprèsdu corps médical(dont on sait l'influencequ'il exerce)et de résumerpour d'éventuelleslectricesun certainnombrede faitssociologiquesde base (d'analysesqui, à pour certainesfemmes,sont déjà des acquis),mais ausside voiesde recherche du «sexe». Et ce, en partantde faitsquoticoncernantla définition poursuivre diens,du vécu de tout un(e) chacun(e) ; car c'est bien de notrepratiquela plus nos «théories». quotidienne que s'élaborent Il est intéressant une foisencoreque - beaucoupplusque des de constater énoncés abstraitsqui pourtantparlentde la mêmechose - c'est souventl'évoet de la violencesubies cationsans fard,dans sa banalitémême,de la grossièreté par les femmesqui «choque» le plus, et entraînela dénégation.Car rienn'est plus«délicat»que lespouvoirsétablis... 63 «ChèreMademoiselle, Votre article : Masculinité/ féminité « Jepensequ'il a toutà faitsa place dans notrenuméro,maisje dois vous faire part d'un certainnombrede de notreComitéde lecture: remarques Io La longueur.Vouscomprendrez aisément que dans les conditions actuellesoù travaillent les journaux, en relationavec la gravecrisede l'imprimerie [...] <r... premier de la page 11 paragraphe à ce sujet: et je vousferairemarquer a) Que dans lesformesd'expression artistiquede culturesqui ne connaissentpas la répression sexuelle,le sexe n'est d'habitude anatomiqueféminin où il dans la mesure pas représenté, n'est pas visible,la femmeétantdebout. de ce sexe b) Que la représentation nécessiteque la femmesoit mise en positionquasigynécologique. c) Qu'enfinil est extrêmement difautrement à que sur ficile représenter uneplancheantatomique. <r Tout ceci à monavisn'enlèverien aux femmeset je vousproposeraivolontiersde renoncerà ce paragraphe qui se terminepar les mots: «La statuaireafricaine...» [...] <r 2° J'ai certainement des objections à faireà la page13. Trèshonnêtement je crois que vous ne gagnezrien en adoptant un vocabulairequi est au bord de la vective,ni en défendant MichelPolnareff qui a, dans un mouvementdontje ne contestepas la générosité,offertses fessesà la France, ni en essayantde dénombrer les prostituéesfemmesà l'usagedes hommes ou hommesà l'usagedes hommes,ou hommesà l'usage des femmes.Au COMMENTAIRES QUELQUES QUANDMEME... [Textetroplongparrapportàia commande. Propositionsde réductions.] [= p. 56-57 : «Nous saisissons...»] Il n'existepas de culturesqui, sous une formeou une autre,ne connaissentpas de «répression sexuelle», mais son expressionest, selon les cultures, très inégalementpartagéeentre les deuxsexes... De plus, parlant d'oeuvresartistiques,nous parlonsde symbolisation du sexe (tantpourl'hommeque pour la femme),et non de planchesanatomiques. (De toute façon, sur ces planches,le sexe de la femmen'est justementpas représentéen entier.) Enfin, s'il faut aborder les problèmestechniquesde la sculpture,le sexe fémininn'est en aucune façon plus «diffìcile»à représenter qu'un œil, une main ou... des cheveux. J'ose à peine ajouterque, ni dans la sculptureni dans la vie,«la femme» n'estpas toujours«debout»! [= p. 58 : «Or, pour répondre...»] a) Ce vocabulaireest celui de l'invective,en effet.Je ne «l'adopte»pas. Je le cite. C'est celui qui nous (femmes)est à chaque instantappliqué. Parlerpolimentde ce qui ne l'est pas estunefalsification. b) II s'agissaiten faitd'uneréclame pour une marque de slips masculins (parue en mai 67 dans le NouvelObservateur).Le fait que la phraseait évoqué la publicitépersonnelled'un 64 demeuranton me signalequ'il y a des maisonsmasculines effectivement pourles dames. chanteur(= décidée par lui), et non l'utilisationd'un corpsmasculinanoest nymepar l'institution publicitaire, significatif. c) L'oppositionau dénombrement, est un des moyens aux «statistiques», de la dénégation. S'il existedes «maisons» masculinespourles femmes(?), n'estqu'un leurcaractèreexceptionnel de la prosrévélateurde l'institution titutionà usagedeshommes. € 3° La page 14 est certainement beaucoup trop hétérogène.Il n'est peut-êtrepas utile de remonterà la Belle Epoque dans la mesureoù à ce momentles hommestravaillaient aussi douze heuresparjour,cependantque les enfantsavaientdroit à un traitementde faveurde dix heures.Cest donc un procèssocialque vousfaites, parfaitement justifié, mais qui s'éloignequelquepeu de notrepropos. [= p. 58 : «Au niveaudu vécu..»] Hétérogène? Plutôtune présentation ramasséed'un systèmeparfaite: menthomogènedans sa multiplicité des l'envahissement la «différence par sexes» de tous les aspects du quotidien. Douze heuresparjour,oui,maisles hommesn'avaientpas de corsetsen fer,et - détail(?) supplémentaire l'ouvriergagnaitle double de l'ouvrière. Procèssocial,oui ; tout à faitdans «notre propos» : celui des sexes, et nondesseulesclassessociales. <r 4° Je vous approuvede parlerde l'avortement,mais je voudraisque vousen parliezde façonmoins«populiste»: ce n'estpas parceque l'homme a atteintla luneet qu'on a malencontreusement dépensédes milliards pour greffet quelquescœurshumainsque le peut être problèmede l'avortement résolu. facilement [=p.58] «Populisme : Ecole littérairequi cherche[...] à dépeindreavecréalisme la vie des gens du peuple» (Petit Robert). Le peuple des femmesregardela télévision,là où on fait au de «l'Humapeuple la démonstration nité» : progrèsde la science,de la médecine, lui dit-on. Comment dire d'une femmeenceinte l'étouffement devant elle, malgré l'étalagede cette «science»qui se refuseaux femmes? Jeparlede la politiquede la science,et de la médecine : particulièrement celle qui sévit contre les femmes: a) en leur refusantles techniques de existantespour la libredisposition leurcorps; maisaussib) en accordant moins d'argent à la recherchede 65 techniquesnouvelles(de détectionou de soins) pour les maladies «de femmes»que pour les maladiesgénérales ou de la classe des hommesdirigeants; car l'ensembledes femmes fait partie des gens évalués comme moins importantséconomiquement (voir à ce sujet : AntoinetteChauvenet,«Biologieetgestiondes corps»,in Discoursbiologiqueet ordresocial,Paris,Seuil,1977). <r 5° J'en viens égalementau développementsuivant: vousme paraissez injustepour les hommes,car un certain nombred'entre eux s'occupent effectivementd'enfants, d'autres et ce parpaientla pensionalimentaire : foisdansdes conditionsdramatiques je pourraisvousciterle cas d'unjeune garçon dont je m'occupe qui était [employé],divorcéd'une jeune bourgeoise de [N...] et qui verseà celle-ci environ30 % d'un salairedéjà très maigre. Je pense égalementque pour la tenuede votrearticlevouspouvezfacilementrenoncerà l'anecdotedu bas de la page 14 de l'automobiliste qui a faitunequeuede poisson. [=p.58] Oh, les vilainesstatistiques qui sont On hommes. les peut esinjustespour les à timeractuellement 20 % pensions alimentaires régulièrement payées (2 sur 10, encore un détail, quoi). Et comme dans 85 % des cas, c'est la femmedivorcéequi a la chargedes enfants,on ne se demandeplus pour qui les conditionssont dramatiques. Ah, ces bourgeoisesqui exploitent leurmari! (Cf. C. Delphy,«Nos amis et nous»,mêmenuméro.) « 6° Je passe maintenantpage 15. Je souhaiteque vous supprimiezle paragraphen° 2 qui commencepar les mots : «De nos jours le meilleur moyend'asseoirun pouvoirsocial...». là à une En effet,vousvousréférez n'est raciste pas généraqui position liséeet,de touteslesfaçons,voussormon avis du sujet. tez à <r 7° Je vousdemandeégalement page 15 de supprimerles trois dernières lignesqui, à monavis,n'ajoutentrien. [=p.59] 1. Oui, il s'agit d'une positionraciste. 2. Si, elleest«généralisée». 3. L'idéologie de la naturebioloest,hélas,toutà fait giquedes femmes «dans le sujet». S'il ne tenait qu'à nous d'en sortir...nous le ferionsvolontiers. [= p. 59 : parenthèsedans le paragraphe«Certainss'affolent...»] Toujoursces mots mal famésqui [=p.59] Qui «se tient»mal,mon articleou la gentmasculine? Et de plus elle se persuade,et nouspersuade,que la violence à l'égarddes femmesest «anecdotique»(cf. J. Hanmer,«Violenceet contrôle social des femmes»,même numéro).J'ai parlé de lâchetémeurcartel estlefait. trière, 66 choquent nos intellectuelsraffinés. Mais nous, nous savonsqu'il ne faut pas grand-chose pourque deshommes même «raffinés»nous abreuventde ces termes...Et encoreles termes, mais les coups(mêmedes «camarades»,«de et les gauche») contreles féministes ? homosexuels <r 8° Je ne serai pas loin de vous adresserla mêmeproposition en ce qui concernele paragraphe de la page 16 qui traitede la possessiondu péniset de l'assimilation de celui-cià l'enfant. Toute cette phraséologiefreudienne està monavispeu utile.[...] [=p.59] 1. Phraséologie freudienne peu utile mais combien efficace,hépeut-être, las... 2. ... que justementj'essaie ensuite de contreren rappelantqu'il y a un faitbiologiquebeaucouppluspregnant dans l'idéologieque la question du pénis : c'est le faitde l'enfantement, que, par un tour de passe-passe,on assimileà la reproduction : ce qui permet de penserla femmecommeseul supportde l'espèce. Car l'assimilation qui a été faitedu pénisà l'enfantest basée non seulementsur la négation du sexe de la femme,mais surtout sur l'amalgame entre le concept et celui de reproducd'enfantement tion {cf. N.-C. M., «Paternitébiologique, maternitésociale...», in A. Michel (éd.) : Femmes, sexismeet sociétés,PUF, 1977). <r 9° Page 1 7, le développement consacréà la vulgarisation médicopédagogique actuelle me paraît,pour vous dire la vérité,malfondé et je me demandejusqu'à quel pointvousavez eu l'occasion d'étudierpersonnellement ce problème,ce que j'ai faitil y a une vingtained'années.Il est indiscutable que l'enfantbénéficiebeaucoupplus d'un milieufamilial; je diraiplus, il y a des femmesqui ont (vous bondirezpeut-être)un instinctde maternité qui apparaît d'ailleurstrès tôt chez certainespetitesfilleset il y aurait peut-êtrelieu de tempérerces prisesde positionexcessives. [=p.6O] 1. Toute femme a eu l'occasion - puis«d'étudierpersonnellement» qu'elle est concernée le problème de ce soi-disanténoncé scientifique (nécessaireprésencede la mèreauprès du jeune enfant),qui est surtoutune normemoralisatrice destinéeà faire porter à la femmeseulementcette contrainte. Remarquer que le «personnelle* ment» est sans doute amené par le «Mademoiselle»du débutde la lettre. Car,si n'importequel homme,surtout s'il est «docteur»,se sentcapable de en jugerdes nécessitésdu maternage, 67 <r 10° En bas de la page 18, je pense qu'on peut opposer les vertueuses épouses et mèresaux femmesmaîmaisne pas prononcerle mot tresses, de putain. L'opinion que vous avez de la sociétéactuelle et notamment du consensusmasculinestà monavis injuste. parfaitement revanchen'importequelle femmen'a pas le droitd'en parler: il fautalors au moins qu'elle puisse avancerses troisenfants surl'échiquier... 2. Remarqueraussi commentles dontje soinsexclusivement maternels «milieu se sont transformés en parle familial». S'il étaitbesoind'uneconfirmation,la voilà. 3. Quant à l'instinctmaterneldes petitesfilles,il s'est tout de même écritbeaucoup de chosessurla sociades deux sexesà lisationdifférentielle cet égard... depuis vingtans que le docteura étudiéle problème. [= p. 61 : «La sociétéabandonne...»] Où est le consensusmasculinde la société actuelle ? Dans le cocon de l'élégance(et de la mauvaisefoi), ou dans la rue,dansle lit,dansces mots sur «les femmes»parquoi leshommes exhalentleur haine ou leur ivresse? Nous le vivons,mais nous noustrompons, a dit le docteur.Voilez-vousla devantnos «opinions face,mes frères, injustes». Apparemment,seuls les et les romans gravespsychanalystes porno ont le droitde «montrer»ces mots-là... N.-C.M. <t 11° Enfin,je ne voisaucun inconvénientà gardervotre «chute» bien que je continueà penserque la biologie joue un rôle que vous avez tendanceà minimiser. « 12 Je tiensà préciser que je suispourl'égalitétotaledesfemmeset des hommes d'unegrossesseindésipourla libertéde conception, pour la libertéde terminaison la motivationqui vous pousse à être à rable, que je comprendsparfaitement de ce certainsmomentspamphlétaire, mais qu'en tantque directeurscientifique la publication(que je souhaite)de votretexteque si journalje ne puis envisager vousestimezlégitimeetacceptablepourvousles modifications queje voussuggère. <r Veuillezrecevoir, l'assurance de messentiments je vousprie,chèreMademoiselle, dévoués. DocteurK... » 68 La photo de couverturede «La chasse est ouverte». J^H^^^^^H 69 JalnaHanmer* Violenceet contrôle socialdesfemmes Cet articletraitedu phénomène socialque constituent les violencesphysiques l Notre exercéespar les hommescontreles femmes. problèmen'estpas ici de comet de et les divers violence ni de raffiner surles variaparer d'expliquer types degrés tions de lieu, de tempset les personnalités des individusconcernés.Nous ne cherchonspas non plus l'explicationde tel acte individuel: notrepréoccupation de la violencedes hommes au niveausocialstructurel, centraleest la signification, contreles femmes. le rôlede la violence Pourcomprendre le phénomène, il convientde ré-évaluer Nousconsidérons d'abordl'universalité dansles relationsentrehommeset femmes. des femmes, de la subordination pourexaminerensuiteles formeset les incidences socioune définition. Nouscritiquerons les explications de la violenceet en donner de l'Etat le rôle et de logiqueshabituelles la violenceinterpersonnelleanalyserons de tenterons d'une entre les sexes. Nous dansla création dépendance«symétrique» de violenceentrehommes d'uneanalysedesrapports mettreen évidencela pertinence des catégoriesde «sexe» et de «classe».Et la et femmespour la compréhension : efficacement la violencemasculine? finale est combattre pouvons-nous question Violencedes hommeset subordinationdes femmes. Quand on pose la questiondu partagedu pouvoiret de l'autoritéentreles sexesdansles différentes estque les femmes, toucultures, l'opinionprédominante et ont de et moins d'autorité dans la société partout, pouvoir jours que les hommes.2Les activitésmasculines,quellesqu'ellessoient,sonttoujours,partout, plus valoriséesque celles des femmes.A ce phénomèneon donnegénéralement deux raisonsd'ordrematériel: l'une est que la fonctionreproductrice desfemmes ♦ Chargéede cours à la London School of Economics, Universitéde Londres. 1. Ce texte a e te écnt a la suite d un séminaireanglo-français surles rapportsde violence entrehommeset femmes,organisépar le Social Science ResearchCouncil en 1975. Il a été présenté à la conférenceannuelle de la BritishSociological Association,Sheffield,1er avril1977. 2. Cf. par exemple : Rosaldo, M. & Lamphere,L. (eds.), Women,Cultureand Society, StanfordUniversityPress, 1974. Friedl, E., Womenand Men, Holt, Rinehart& Winston,1975. Reiter,R. (ed.), Towardand Anthropologyof Women,MonthlyReview Press,1975. Dans son Introductionà /'Originede la famille... Engels {The Originof the Family,Private Propertyand the State, Lawrence & Wishart,1972), E. Leacock soulignele faitque nous ne connaissons aucune société qui n'ait subi l'influencede la société occidentale. Les anthropologues ont importéleur proprevision de la société et nulle partplus fidèlementque dans les domaines qui pour eux soulevaientle moins de problèmes : c'est-à-direla divisionsexuelle du travailet l'invisibilitéde la violence. 70 sociale. Le faitde porterles enfants, limiteleur participation les nourrir puisles des activités lesplus élever,est considérécommela base de l'exclusiondesfemmes valorisées(et les plus violentes)dans un grandnombrede sociétés: la guerre,la chasse.Cettedivisionsexuelledu travailestaussiune divisionentresphèrepublique ou hautement déveet sphèreprivéede la vie culturelle, qu'elle soitembryonnaire de la ce à et cloisonnement s'étend ensuite l'accès femmes à des rigidité loppée, l'autoritéet au pouvoir.Le secondfacteurmatérielinvoquéestle rôledes femmes dans la production, maison a constatéque, mêmedansles sociétésoù leurparti50 excède les femmes %, n'atteignent cipation jamaisà la pleineégalité.3Il estrare l'on en la mette relation violence que physiqueet sa menaceavecd'autresfacteurs un mais article tente d'établirl'importance récent relativede la violence sociaux, de du et stade de institutionnalisée, l'idéologie développement économiquedans K. les femmes de leur l'acceptationpar oppression.4D'après Young et 0. Harris, dansles sociétésoù l'on a le moinsde contrôlesurla nature,le modedominant de de la force: leshommespunissent contrôlesocialestl'usageinstitutionnalisé collectivementles individusfemmesqui ont enfreint les règlessociales- par le viol de A un de contrôle surla nature,ce sontlesmégroupe,par exemple. degrésupérieur canismesidéologiquesqui dominent: «II y a prolifération des institutions vécues, la se limite de la force.A un stadede et violence à individuel répressives», l'usage productionencoreplus développé,le mode dominantde contrôledevientl'économie. «Les femmesn'ontpas accès aux moyensde production, ellesne contrôlent etc..» n'ont leur au accès travail [rémunéré], propresurplusdomestique, plus pas Le contrôleidéologiques'affaiblit et la violenceestencoreplusmasquée. Il est certainque dansnotresociété,ni leshommesni les femmes ne sonttrès de de la de le drame reconnaître et la dans violence menace empressés l'importance de la vie quotidienne.Souventon dissimuleet on se dissimuleles sentiroutinier mentset attitudeshostilesqu'on a enversle sexeopposéet on ne les reconnaîtpas de la viequotidienne. commepartieintégrante La violencedes hommesenversles femmesau seinde la famillesembleun de la conscience sujettabou qui faitsurfaceà l'occasion,au moinsdansune frange collective.Par exemple,à la findu 19èmesiècle,en GrandeBretagne, le problème de la violencemaritalea été soulevépubliquement, ce qui a conduità unemodificationde la loi, permettant aux femmesd'obtenirla séparationlégalede leurmari 5 Puisle de de façonrégulière. la ce dernier se manifestait violence lorsque problème tombadansl'oublipourressurgir à pendantla luttepourle droitde vote,sombrer nouveauet refairesurfaceaujourd'hui.Les femmesont,de tempsen temps,pris consciencedu fait que la violencephysiques'exerçaitcontreelles en tantque groupe,mais la plupartdu temps,ce qui est sociologiquement plus important, l'usage de la forceet de la menacen'a été considéréque commeun problème 3. Ibid. 4. Young, K. & Harris,O., «The Subordinationof Womenin Cross CulturalPerspective», Paperson Patriarchy,Women'sPublicationCollective,1977 (à paraître). 5. Young, J., WifeBeating in Britain : a Socio-HistoricalAnalysis, 1850-1914, A.S.A. ConferencePaper, 1976% Entre «les problèmes individuelsdans le milieu social» et «les effetspublics de la structuresociale», les mouvementsféministesont laissé place à l'imaginationsociologique. Les académiciensde la sociologie feront-ilsde même ? {cf. Mills,C. Wright,The Sociological Imagination,OxfordUniversity Press,1959 ;trad. franc.: Paris,Maspero, 1967). 71 la violenceconjugale,y comprisle viol,et les individuel. Aussile faitd'interpréter dontles femmessontvictimessurla voie publique,commedes diversesagressions au nom de tous les hommes,peut-il actes perpétrés par des hommesindividuels tellement avonsindividualisé même nous ce phénomène ou absurde, paraîtreosé, socialimportant. surle sujet,nous ne chercherons Etantdonnéle manqued'informations pas en avecd'autressociétés.Ce que nous voulonsmontrer, à établirde comparaisons de la de même elle est et la si l'utilisation force c'est menace, revanche, que partidans notresociétéindusculièrement occultée,est d'une importancesuffisante trielleoccidentalepourêtrereconnuecommeun facteurmajeurde contrôlesocial des hommessurles femmes.Nous voulonsmontrer égalementque toutce que les de hommesextorquent bénéfices aux femmes, qu'il s'agisse économiques,sexuels, sur l'usagede la forceet de la menace, ou de prestige, reposefondamentalement tout commela dominationexercéesurune classesociale,un groupeethnique,ou unenation. Il s'agit les comportements. La violenceet la peur de la violencefaçonnent là d'un phénomènesociologiquepar excellence.Mais pourpouvoirle comprendre tenircomptedu point à fondde ce pointde vue même,il faut,dans sa définition, ou de la sociétéengénéral. de vuede la victimeaussibienque de l'agresseur Définitionde la violence Dans la vie d'une femme,la peur de la violencemasculineexistede façon A un premierniveau,la peurse ressentcommemalaise: soucide subtileet diffuse. la moquerie.La commeil faut,de ne pas êtreridicule,ne pas attirer se comporter soi-même victime de ou on a été violences, lorsqu'onsaitque peurs'accentuequand des personnesconnuesou inconnuesde soi en ont été victimes; elle s'accentue socialaccepté,ou quand on prévoitseuaussilorsqu'ons'écartedu comportement une femmen'en découragera lementde le faire.Ce qui découragera pas forcément une autre,et le simplemalaisequi accompagneun comportement déviant,comme à ne jamais dérogerau de rentrer seule chez soi le soir,par exemple,peut suffire Mêmesi les principede sécurité,ou à n'en dérogerque trèsexceptionnellement. de la sécurité,chaque femmesait,de façon femmesont des notionsdifférentes et émotionnelle, où se situela frontière intuitive qui la mèneà cettezone d'ombre, où elle a toutesles chancesde ce no woman'sland qui conduità un affrontement existentdansla viedomestique.6 perdre.Ces mêmesfrontières Sous sa formela plusvoilée,la menacede la violenceou la violenceelle-même de comportements commeamicauxou plaisanqui se présentent peuventprovenir donne tins. Ann Whitehead,dans son étude d'un villagedu Herdfordshire7, 6. Jones,B., «The Dynamics of Marriageand Motherhood», in Morgan,R. (ed.), Sisterhood is Powerful Vintage,1970, pp. 46-61 : on y décritles différents subterfugesdu maripour consolidersa position de pouvoir. La menace n'a pas besoin de se crierhaut et fortpour créer la peur de la violence. 7. Whitehead,A.. «Sexual Antagonism in Herefordshire»,in Barker, D. & Allen, S. (eds.), Dépendance and Exploitation in Workand Marriage,Longmans, 1976, pp. 169-203. 72 abusivede la plaisanterie ; l'unede ces plaisanteries plusieursexemplesd'utilisation avaitpour but de rappelerà une femmequ'elle était indésirabledansle pub du de la cliquemâle à laquelleappartenait son mari,tandis village,lieu de rencontre de la l'intérêt autre plaisanterie marquait désapprobation extra-conjugal que qu'une une femmeenversun homme.La description manifestait qu'AlwynRees faitd'une communautédu pays de Galles8 contientplusieursexemplesdu rôleque joue la de la partdesjeunesgensdu villagedansle contrôledes autresmembres plaisanterie de la communauté.Mais il est remarquable soit que ce typede comportement dans la des études négligé plupart monographiques. dansl'anonymat, nousconnaissons bienà la villeles Quantà la «plaisanterie» 9 . de et sifflet le et Coornaert «dragage»DominiquePoggi Monique coups explorent les passagesde la villeinterdits aux femmeset nous rappellentqu'un humoriste établirun «guidede la rue pourles pourraittrèsbien,sans avoirl'air saugrenu, dames».La plaisanterie, avec ses sous-entendus, la formede pressionla représente subtile et se l'un situe des du à extrêmes continuum de la violence. plus Une définitionsociologiquede la violenceenversles femmesdoit tenir comptede l'usagede la forceet de la menacecommemoyend'obligerles femmes de telleou tellefaçon.La mortse situeà ou à ne pas se comporter à se comporter un extrêmeet la menaceà l'autre.Entreles deux,on trouvetoutessortesde comportements quotidiens,depuisles coups superficiels jusqu'aux blessuresgravesen de la violencecomprend sexuelleet le viol.Notredéfinition passantpar l'agression les catégorieslégalesmaisles dépasseen incluanttouslescomportements qui visent à obtenirla soumission. C'est une définition de femme; elle partdu pointde vue de la victime. L'étenduede la violencemasculineenversles femmes. Même si on se limiteaux délitstombantsous le coup de la loi, on peut affirmer : les statisl'ampleurdu phénomène.Le mesurerprésentedeux difficultés de ce qui est enregistré nous informent à la police ou dansles tiquesofficielles maispas forcément des événements De plus,il n'existepas eux-mêmes. tribunaux, de statistiques surle sexede la victime, saufen cas d'homicide.Maisune foistracées ces limites majeures,nous pouvons encore tirer quelques conclusionsdes L'une d'elles est que pratiquement officielles. tousles crimesviolents statistiques sont commispar des hommes.Trèspeu de femmes, en comparaison, commettent des actesde violenceenversdes femmesou des hommes.Autreconclusion: étant donnéla description des crimes,il estévidentque les femmesconstituent la vaste majoritédes victimesde «violencessexuelles»,les «attentatsà la pudeur»repré1° sentant50 % des inculpations de cettecatégorie. Mais le sexe de la victimeest totalementinconnudansl'autregrandecatécommeviolencessexuelles. gorie: «coups et blessures»,dont 10 % sontenregistrés 8. Rees, A., Life in a WelshCountryside,University of Wales Press,1951. 9. Poggi, D. & Coornaert, M., «The City : Off-Limitsto Women», Liberation,julyaugust1974, pp. 10-13. 10. Home Office,Criminalstatistics,angiana ana wales, 1975, H.M.s.u. (Her Majesty StationeryOffice),1976. 73 et la En ce qui concernel'homicide,si on considèreles relationsentrel'agresseur un faitmajeurémerge: une femmea plus de chancesde se fairetuerpar victime, tirer Il estprobableque l'on pourrait quelqu'unqu'elleconnaîtque parun étranger. la mêmeconclusionpour les coups et blessuresou les agressionssexuellessi on faisaitdes statistiques comparables. On trouvecependantquelquesdonnéesstatistiques plusprécises.En 1974,R. et R. Dobash ont étudiéles actesd'accusationinitiauxportantsurtous les délits et dansl'une de Glasgow.11 commisdans toutesles circonscriptions d'Edimbourg un faiblepourcentage La violenceet les menacesconstituaient (1 1, 10 %) des délits de la famille de à et voies la violence l'intérieur menaces Parmi les fait, enregistrés. était un peu moins fréquente(4,79 % des cas) que la violenceextra-familiale (6,31%). A l'intérieur de la famille,les agressions physiquescontrel'épouse constiSi on les violences,retenuesou additionne des délits. la moitié tuaientpresque envers le mari(0,79 %) et les envers violences l'épouse, alléguées,et les menaces 84 et des actesde viodes menaces % les altercations conjugales,on s'aperçoitque de cette et femme. Et la lence dans la familleont lieu entremari quasi-totalité Le violenceest exercéepar leshommescontreles femmes. restese partageentreles contreles enfants(6,69 %), les violencescontreles parents violencesperpétrées (4,26 %), les violencesentrefrèreset sœurs(3,04 %) et les querellessansvoie de faitavec d'autresmembresde la famille(1,94 %). Pource qui est de la violence d'hommescontredes femmesne représentaient les agressions extra-familiale, que 13 % des cas, ce qui permetd'affirmer que c'est en se mariantou en cohabitant avec un hommeque les femmescourentle plusgranddangerde se faireattaquer. et Cela ne suffitpas pourautantà donnerune véritableidée des agressions en particulier dansle foyer.Les policiers blessuresdontles femmessontvictimes, un hommequi bat sa reconnaissent qu'ils ont beaucoupmoinsde chancesd'arrêter femmequ'un hommequi maltraiteun enfantde la familleou quelqu'und'autre 12 à la Commission rapportés que sa femmehorsdu foyerfamilial. Les témoignages n'ont sur la dans le Violence Parlementaire Mariage pas donné lieu à d'Enquête et de le exercéedans la sur l'étendue violence des statistiques rigoureuses type surle sujet.13 de de il recherche notre à n'existe familleet, connaissance, pas projet La questionnousparaitcruciale.Pourquoine consigne-t-on pas les observaet étant donné l'attention la nature des violences à tionsrelatives exercées, surtout, ne recherche-t-on la Commission d'Enquête,pourquoi portéesur ce domainepar ne reflètepas la raretédes ? A notreavis,ce désintérêt pas ce typed'information maisplutôtleuracceptationcommeformede contrôlesocial.Le comportements, phénomènen'apparaîtpas commefaitsocial,il n'estreconnuque commeproblème 11. Dobash, R. & R., The Nature and Extent of Violence in Mariage in Scotland, ScottishCouncil of Social Service,1976. 12. Report from the Select Committee on Violence in Marriage...,vol. 2, H.M.S.O., 1975,pp.270-290, 361-391. 13. Ibid., vol. 1. Le rapport,p. XIII, recommandecomme premierobjectif la création d'un foyer (pour les femmeset les enfants)pour 10000 habitants.Actuellement,à peu près 15 % des bâtimentsnécessairessont disponiblesgrâce à des projets bénévoles dont la plupart émanentde la NationalWomen'sAid Federation(Fédération nationaled'aide pour les femmes). 74 et des statistiques, si bienqu'en cet âge de la sociologie,de l'ordinateur individuel, de ce type de crimesn'est pas considérécommeun priorité.14 le recensement La Contrainte structurelle et la socialisation. En sociologie,le rôle de la violencedansla structuration et le maintiendes rapportsentrehommeset femmesn'a pas la place qui lui revient.Dans les avoirtraità ces problèmes, recherches l'usagede la forceest un qui sembleraient imé.1SEt lorsquedes sociofacteurdonton ne tientpas compteou qui estsous-est logues fontquelque effortpour expliquerla violencemasculine,le faitmême n'estpas intégré dansl'argumentation qu'elle s'exercecontredes femmes théorique. on n'en Quant à la réponsede l'Etat, à traversses diversesinstancesofficielles, tientgénéralement si on on ne la la considère ou, mentionne, pas compte pas commefaisantpartiedu phénomène à définir. à des cas individuels confronté concocteun Malgréces lacunes,le chercheur une car théorie ne seule rendre d'explications, peut comptedu phénopot-pourri mène.A certainsstadescruciaux,se dessineune tendanceà individualiser et psyde Ainsi certaines chologiser. catégories comportement pour expliquer qui ne cadrentpas avec la structure la dite comme violence sociale, irrationnelle, «expressive» (opposée à la violence«instrumentale»), a-t-onrecoursdansla théorie«so. Au pire, aux notionsde frustration, tensionet «butscontrariés» ciale structurelle» de les normes et valeurs sont comme violence considérées sociologiquement parlant, à des ou familles à sous-cultures alors individuelles déviantes, propres quelques que la société dans son ensemblen'est pas touchée.16Au mieux,on considèrela socialequi fournit violencecommerépandueet la famillecommeune institution un terrainprivilégié des et valeurs techniquesde violence. d'apprentissage normes, Les sous-cultures de la violencedeviennent alorsla partieémergéede l'iceberg. 14. Après le rapportde la Commissiond'Enquête, la D.H. S. S. a fourniplusieurscontrats de recherchepour étudier les «systèmesde résorptiondes crises» dans le foyerconjugal et les actions sociales à mener vis-à-visde la violence conjugale. Le Ministèrede l'Intérieur(Home Office) envisagemaintenantl'enregistrement statistiqueséparé des actes de violenceconiugale. 15. Un exemple de cette sous-estimationdu role de la violence : Goode, W., «Force And Violence in the Family», Journalof Marriageand the Family,vol. 33, n° 4, 1971, pp. 624-636. 16.Si dans cet articlenous évitonsle terrainpsychologique,les psychiatres,eux, ne semblent pas y regarderde trop près en adoptant les théoriessociologiques (par exemple : Scott, P., «Battered Wives»,BritishJournalof Psychiatry,125, 1974, pp. 433-441) ou les méthodes sociologiques (par ex. : Gayford,J., «Wife Battering: A PreliminarySurvey of 100 Cases», BritishMedical Journal 25 jan. 1975 ; et «Ten Types of BatteredWives»,The WelfareOfficer, n°l,janv. 1976). On trouveraune excellentecritiquedes travauxde Gayforddans : The ExistingResearch into Battered Women,NationalWomen'sAid Federation,1976. Même E. Maccoby et C. Jacklin(The Psychologyof Sex Differences,StanfordUniversity Press,1974, pp. 264-5) succombentaux affirmations gratuitessortiestout droit des préjugés: «Bien que dans un nombreinconnu de cas des incidentsde ce genreillustrentun côté laid des relationsconjugales côté que souventon ne voit pas ou ne veut pas voir - il ne faitguèrede doute que l'usage directde la forceest raredans la plupartdes mariagesmodernes...Disons simplement que tout couple homme-femmeconstitue habituellementune coalition où l'on s'accorde pour minimiservolontairementla part de l'agressionafin de préserverles aspects de la relation.» mutuellementgratifiants 75 C'est le pointde vue adoptépar Gellesdansune récenteet uniqueétudede avec violentes.17Il combinela théoriede la socialisation 80 famillesaméricaines rendre de la tensionet des buts contrariés les théoriesde la frustration, pour des sujetsétudiés.Par la théoriede la socomptede la variétédes comportements cialisationil essayed'expliquerle comportement passés présentparlesévénements en etc. Les le comportement tout en interprétant présent termesde frustration, considéré,tous les adultesviolents car, dans l'échantillon explicationsfoisonnent n'avaientpas subiou été témoinsde violencesdansleurenfance- et nous savons par d'autressourcesque ceux qui ontconnula violencedans leurenfancene deviolentsà l'âgeadulte.On établitun rapportstatistique viennent pas nécessairement maison ne connaîtpas la dansl'enfance, entrela violenceadulteet la socialisation de la population ne sait faits les entre corrélation pas quelleproportion puisqu'on en généralesttémoinou victimede violencespendantl'enfance- à supposermême du type la notionde violence.De mêmepourles explications qu'on arriveà définir et ce que l'on : ellesne peuvents'appliquerqu'à des cas individuels, «frustration» proposecommeexplicationd'un phénomènesocial n'estque la sommede caractèresindividuels. mêmesi dans La notionde rôle sexueln'est pas un outil plus satisfaisant, et le conditionnement l'idée de rôle on inclutle conditionnement présent passé 18 qui faitcroireque les femmes (renforcéou non). A côtéde l'idéologiedominante et la dépendance, les espritslibérauxadmettent la soumission choisissent qu'ilexiste les différent deux un conditionnement social l'enfance sexes, qui pour depuis aboutit à la soumissionféminineet à l'agressivitémasculine.Si ce type a le méritede mettreen lumièrele rôlede l'idéologiedansle compord'explication de certainsaspectsdu comportement la description tementhumainet de permettre à des structures socialeset des rapportsde acquis,il ne suffitpas rendrecompte domination. La Théoriedes ressources. frôlela possibilitéd'unenouvelleanaGoode, avec sa théoriedes ressources, surl'idée qu'on a recoursà la prudemment lyse,maisse détournepour se rabattre violencelorsqueles autresressourcesmanquent,à savoirles ressourceséconomiques,le prestigeou le respect,d'unepartet l'amitiéou l'amour,d'autrepart.19 Cet auteuradmetbienque le mariageestune relationde pouvoiret que la forceou des ressources habituellespourle mari/père;(de mêmeque la menaceconstituent Ce n'estque dansle le pouvoiréconomiqueet un statutgénéralement supérieur). ses «resdomainede l'amitiéet de l'amourque la femmea deschancesd'augmenter sources»,et à conditionde se dévouertout entièreà son mariet ses enfants. 17. Gelles, R., The ViolentHome, Sage Publications, 1972. (Une étude sur les cas de femmesbattues en Ecosse doit bientôt paraître : Dobash, R. & R., ViolenceAgainst Wives:A Case AgainstthePatriarchy,Free Press,1977.) 18. Voir : Steinmetz,S. & Straus,M., Violencein the Family, New York, Dodd, Mead & Co, 1974 ; et Martin,D., Battered Wives,Glide, 1976. 19. Goode, art. cit. 76 On a largementdissertédans le mouvementféministesur l'amouret la sexualité.On a dit souventque l'amouret les relationssexuellesavec les hommes Les femmes sont et matérielle des femmes. psychologique permettaient l'oppression masculineet renduesrivalesles unesdes autresdansleurquête de reconnaissance aliénéesdansleursexualité.(D'où la jubilationdansle mouvement lorsqueMasters la basebiologique et Johnsonontétablique le clitoris,et non le vagin,constituait On dénoncel'amourcommeune armepernicieuse: c'est de l'orgasmeféminin.)20 tout ce à quoi les femmespeuventaspireret, une foisqu'il est là, il ne faitque leur statutsubordonné.L'amourpour le mari,le foyeret les enfants renforcer installeles femmesdansune relationqui se caractérise parla dépendance.L'amour est donc aussiun moyende contrôlesocialdes hommessurles femmes. lui-même Réciprocitéasymétrique+ Etat = dépendance"symétrique". Maisnousne pouvonspas analyserl'usagede la forceentreindividus dansles le rôlede l'Etat,car l'organisasansprendreen considération sociétésindustrielles dansla tion,le déploiementet le contrôlede la forceet de la menaces'intègrent : à est de cette La au bénéfice s'exerce force? structure étatique. question poser qui La réponseapparaîtà traversla façondont l'Etat déploiesa forceet exercesa les réactionsde l'Etatfaceà ceux fonctionde contrôle,et aussien partieà travers en la dehors de utilisent force qui l'appareilétatique. E. Marx,dans une récenteétude surun villageisraélien, analyseun certain dansle cadrede la familleet de la communauté nombrede manifestations violentes et les relieà l'organisation de l'Etat. Il distingue deux typesde violence,considéL'une estla définition rantque toutesociétéutiliseces deux définitions. politique et légaleet l'autrecelle qui a traitaux relationsinterpersonnelles. Il décritla viode l'Etat commecoercitiveet celle exercéecontre lence contreles représentants des membresde sa familleou d'autresindividus commeun appel(à l'aide). Lorsque de la podes violencesentreindividus ont lieu en public,ellesreçoivent l'attention en ne sont considérées mais si ont lieu elles nécessairement elles lice, privé, pas tombedans sontblesséset que l'affaire commedes délits,mêmesi lesprotagonistes le domainepublic,car «l'intérêtpublicn'est pas en jeu et les organesde la loi de la violence».21Par tendentà leur appliquerune définition plus restreinte mari a sa dans la famille le l'habitude Ederi, d'agresserphysiquement exemple, femmes; les enfantsl'acceptentcommeun événement banal et personnen'interdu mari (ses «buts vient. L'auteur centre son attentionsur les frustrations a de sa craintede dit tel moment il femme à Il sa cause est battu contrariés»). qu'à ne pouvoirsubveniraux besoinsde sa famille.Le ménagedoit payerune dette Mme inattendueet Mme Ederi désiraitquitterson travail.Mais aprèsl'agression, et de il était difficile blessures et lui Ederisouffrait aux graves jambes d'épuisement 20. Masters,W. & Johnson,V., Les Réactions Sexuelles, Paris, Laffont,1968 (édition américaine: 1966). JillJohnston(Lesbian Nation, Simon and Schuster,1973, p. 169) remarque à ce sujet que les féministesont réagi«comme si la reconnaissancede l'insensibiliténerveusedu vagin apportaitaux femmesleur premierargumentlégal dans la plaidoiriecontrel'impérialisme phallique.» 21. Marx, E., The Social Context of ViolentBehaviour,Routledge& Kegan Paul, 1976. 77 de tenirla maisonnéetout en gardantsontravailà tempspartiel.Aprèsl'agression, MmeEderimarmonne: «... ce qu'il veutc'estque j'aille travailler pourqu'il puisse ainsila déclaration resterà la maisonet s'occuperdes enfants.»L'auteurinterprète de la femme: «Elle a comprisà ce momentque le problèmede sonmarin'étaitpas à sa famillele mide ne pouvoirfournir maisla perspective cettedetteparticulière dansl'avenirimmédiat.» nimumde subistance : MmeEderiattribueà sonmariune On peutdonnerune autreinterprétation de son agression si elle estpriseau sérieux,faitplusque raison«instrumentale» qui, de viononinstrumentales en questionla validitédes catégoriessoi-disant remettre lence. Si l'actionavaitun but coercitif- obligerMmeEderià garderson travail contresa volontéet réduireses dépenses- MmeEderine voit-ellepas, elle aussi, ? sesbuts«contrariés» Maissa positionn'estpas analyséede la mêmefaçonque cellede sonmari.Ce sa situationen aucunefaçon. qu'on explique,c'est pourquoielle ne peutmodifier Elle ne peut attendred'aide ni de la police,ni de l'assistancesocialeni du public. de sang, Lorsqu'elles'est montréesur le pas de sa porte,la nuque ruisselante ne non d'aide en d'elle. Elle ne s'est quittant peut plus espérer personne approché son mari.On ne fournitun travailde dépannageou une aide socialeaux femmes qu'à conditionqu'il n'y ait pas d'hommevalidedansla famille,et si MmeEderi du foyeren se séparantde son mari,«elle essayaitd'abandonnerla responsabilité encombrée ne pourraitcomptersur l'aide de l'assistancesocialequi se trouverait . d'enfants» si nombre un grand par de la situation- «lorsSi E. Marxreconnaîtque MmeEderiest prisonnière est leur violente sa femme lui liée commune qui par responsabilité qu'un homme il est très loin d'aller dansla des enfantset par des liensde longuedate, susceptible violencecar il ne craintpas la rupturede leursrelations» il ne considèrepas et le maintiende la dansl'établissement l'Etatcommeune institution qui intervient de M. Ederipar rapportà sa femme.L'auteurconsidère, en repositionprivilégiée de sa femmene menacepas vanche,que la violenceexercéeparle marià rencontre de l'Etatcommele feraitla violenceexercéecontrel'unde ses représenles intérêts tants,qui seraitalorsprisedavantageau sérieux.Dans cetteoptique,l'Etatestune souverainequi réagitselonque son pouvoirest plus ou moinsmenacé. institution Dans cettethéoriede l'Etat,M. et MmeEderine sontpas partieprenante; ils se situenten dehorsde l'Etat(ou biensontopprimés parcelui-ci?). A notresens,cette visiondes rapportsentrel'Etat et le ménageEderi est fausse.On faitsilencesur le faitque Mme Ederi est, tout autantque son mari, à ce qui estditdu mari, etcontrairement frustrée dansla poursuitede ses objectifs, elle n'estpas censée faireappel à la compréhension ni demanderle partagedes Ne voirlà que prévention contrele sexeféminin esttroprestrictif. responsabilités. Il fautse demander pourquoil'analysede la positiondu marine peutêtreappliquée à la victimede l'agression. Notreréponseest que cela dévoilerait les privilèges du de pouvoirdéfoulerses frustrations le privilège surautruisans mari,pas seulement de la partde la victimeou de la communauté, de représailles craindre maisaussile de ne pas avoirà remplir le rôle,normalement attenduselonE. Marx,de privilège de la famille. pourvoyeur provientd'une situationde déD'aprèsE. Marx,la violenceinterpersonnelle de la violencede l'Etat qui est pendancemutuelleentreles sexes,à la différence 78 suscitéequand son pouvoirestmenacé.Ce seraitun moyenpourle maride rétablir l'équilibrede la relationen rappelantà son épouseque leurdépendanceest récihéritéde Lévi-Strauss qui expliquaitl'univerproque.Point de vue probablement salitéde la divisionsexuelledu travailpar la nécessitéd'établirune dépendance réciproqueentreles sexes.Noussoutenonsque dansle cas des Ederi,la dépendance de l'Etat.C'estbienl'intervention de l'Etat n'estmutuelleque grâceà l'intervention et qui obligeMmeEderià dépendrede son mariet donc à accepterses agressions tandisqu'elle doit porterles enfants, les son absencede contribution financière, éleveret travailler. La questioncruciale,tellequ'elle a été posée en Chinedansla luttecontrele systèmeféodal,est : qui dépendde qui ? Ce qui étaitposé au départcommela du seigneurfutreconnu,à l'issue des débatsde dépendancedu paysanvis-à-vis de classe et révélécommeun mode de une fausse comme conscience groupes, force.22 maintenu la rapports par Seulsceux qui ontle pouvoirontle choixde remplir ou nonleursobligations sociales.C'est l'actionde l'Etat qui donnece choix à M. Ederi et le retireà sa Le faitque l'Etatpuisse femme,servantainsil'intérêtpublictouten le définissant. êtremishorsde cause dansl'analysede la violencedomestiquedonnebien la mesure du privilègedes hommesdans la définitionde la réalitésociale.Dans cet le pouvoirprendla formed'une forcerestrictive, ce exempleet dans les suivants, 23 . et ont le de Backrach Baratz «non-décision» que appelé pouvoir Dans notresociétéplus vasteet anonyme,où la communauté restreinte est souventmoinsà mone de limiterl'étenduede la violence,toute la brutalitéde l'Etat (commecelle des maris)se révèle.Voici des variations ad nauseumsur le thème: enflépar les coups que j'étaisdevenuemé«Mon visageétaittellement connaissable.J'avaisperduune dentde devant.Il m'a misetoutenue. Il m'a cogné la tête contreun murde briquespendantune heureen répétant: «Qui était ce type ?» J'ai eu six côtes briséesà coups de pied.J'étaisnoiretoutd'un côté à forcede coupsde poinget de coups de pied. Il m'a tirée par les cheveuxjusqu'en bas de l'escalier.Il n'arrêtait à pas de m'écraserles doigtsde pied,nus,avecseschaussures talonscubains.Il répétaittoutle temps: «Qui étaitce type?» Ensuite il est allé chercher un couteauet a dit qu'il allaitme tuersije ne disais mais i'ai pu pas avec qui j'étais sortie.Il a essayéde me poignarder arrêterle coup en levantle braset j'ai reçuune grandeestafiladesous l'aisselle.Tout cela se passaitdevantmes petitesfillesqui ont cinq et neufans. Bientôtla police est arrivéeaprèsqu'un voisinles aitappelés pour la huitièmefois.Ils ne voulaientpas entrerdansla maison,alors que la porteétaitouverte.Il estsortiet leura ditqu'il me battaitparce que j'avais laisséles enfantstoutesseules.Jeles ai suppliésde m'emmenerà l'hôpitalmais ils ne voulaientqu'à conditionque je porte plainte.Ils sontpartisen lui disantde fairemoinsde bruitparceque les voisinsse plaignaient. Ils ne m'ont pas demandési ce qu'il disait étaitvraiet ne m'ontdonnéaucuneaide. Il est revenudansla maison et nous a dit de noushabiller,moi et les enfants.Il nous a emmenées 22. Hinton,W.,Fanshen, Vintage,1968. 23 Backrach, P. & Baratz, M., «Two Faces of Power», American Political Science Review,vol. 56, 1962, pp. 947-952. 79 ce qu'il lui feraitsi elleluiétaitinfidèle. chez son amiepourluimontrer Puis il lui a demandési ellevoulaittoujoursde lui aprèsqu'elleaitvuce qu'il m'avaitfait.Elle a dit oui - qu'elleavaitconnupireavecsonpremiermari.J'ai dit qu'il fallaitqu'ellesoitfolleet il m'a filéun coup sur la bouche.Puis ils ont mismes fillesau lit,dansla maisonde son amie, et il leur a dit que désormaisc'était leur nouvellemamanparce que j'étais une putainet queje n'étaispas capabledem'occuperd'elles.Ils ont faitdu café,maispas pourmoi,et puisil m'a emmenéeà l'hôpital en me menaçanttoutle longdu cheminet en me disantque sije ne lui de la voiture. Dansle parking disaispasavecquij'étaissortieil emboutirait chez l'hôpitalil m'a dit de leurdireque j'avaisété attaquéeen rentrant moi aprèsêtresortiele soir.Quandnoussommesentrésil leura raconté maisje leurai ditque c'étaitlui et il m'a crachéà la figure cettehistoire en me traitantde salope.Jepensaisqu'ilsme garderaient maisilsm'ont dit qu'ilsmanquaientde litset m'ontrenvoyée il a aveclui. En rentrant misla voituredansle fossépouressayerde me fairepeur.J'aidû rentrer à pied.»M Le pouvoirmasculinet l'Etat. Si l'on admetque la violencedes hommesenversles femmesa pourbut de les tenirsous contrôle,cela expliqueaussi bienla violenceprivéeque la violence de violence.Il peut êtreou publique.Cela rendcompteaussi des débordements semblernécessairede tuer,mutiler, ou handicaper compromettre temporairement la capacitéd'une femmeà fournirdes services,afinde resterle maître.Prestige, estimede soi : c'estce que l'hommegagne,exprimeet faitreconnaître valorisation, à travers des autres. l'approbation Dans cetteperspective, l'Etat représente les intérêts du groupedominant, en les hommes,dansleurconfrontationavec le groupesubordonné, l'occurrence les femmes. Ainsi,il est logiqueque dans les querellesdomestiquesle statutde la vicla réponsede cet organede l'Etat qui a pourtâchede contrôler timedétermine la 25 violence. Quand des hommesinconnusd'une femme(les policiers)soutiennent un hommeconnud'elle(son mari)dansla réalisation de leurintérêt commundéfini la est défendue loi l'Etat les femmes définit l'Etat, par impartialement puisque de cettecomplicitésurvient comme«moinségales». La découverte commeun choc foisà la protection de la police.La pourles femmes qui fontappelpourla première des n'ont femmes des conscience droits abandonnent en se maplupart pas qu'elles riantou en cohabitantavecun homme,maisdansle contextedes violencesdomeset ceux de leurmaricommenceà appaentreleursintérêts tiquesla contradiction raître.26 24. Ce n'est là qu'un des nombreuxépisodes de la violence endurée par cette femme pendant son mariage. Elle a trouvé peu après secours dans un refuse pour femmesbattues. 25 . Depuis le rapportde la Commissiond'Enquête sur la Violence dans le Mariage,une modificationde la loi a eu lieu : les policiersdoiventdésormaisprocéderà l'arrestationsi le juge en a délivré l'ordre, alors qu'auparavant cette responsabilitéincombait aux court officiais. Mais ce n'est guère qu'un pion avancé dans une guerrepsychologique fort complexe, car la police a toujourseu le pouvoird'arrêterles malfaiteurs. 26. Pour un débat plus approfondisur ces questions, voir : Hanmer,J., «Community Action, Women's Aid and Women's LiberationMovement»,in Mayo, M. (ed.), Womenin the Community,Routledge& Kegan Paul, 1977. 80 La prééminencedes intérêtsmasculinss'exprimeà traversune politique l'une des préoccupations majeuresdu explicite: par exemple,en Grande-Bretagne, de femmeest le la et la famille la est maintien dans d'aide sociale famille, système 27En créantune de l'homme. définiecommedépendante dépendance«symétrique» à l'hommeen rendantdifficile à la femme entreles sexes,l'Etatprêtemain-forte la politiquedu logement, lespresde romprele mariage.Les lois et leurapplication, tationssociales,l'emploiet les salaires,toutcela enferme la femmedanssonstatut de dépendance. Pourqu'unefemmepuissequitter,avecses enfants, un mariviolent, elle doit êtreprotégéede cetteviolence,avoirquelquepartoù aller,et un revenu. La Commission de la dépend'Enquêtea soulignéle rôlede l'Etatdansl'institution dance féminineen posantcette questiontouterhétorique: «Pourquoiest-ceà la femmeet aux enfantsde quitterla maisonet nonau mari? Pourquoine créerionsnouspas des foyers lesmarisviolents?» pouraccueillir Du pointde vue idéologiquecommedu pointde vue pratique,le problème est abandonnéà la victime.Les femmesqui passentdansles refuges pour femmes battuesnousdonnentdes exemplesde la façondontla violencede leurmaridevient «leurproblème»: retourné contreellespar toutesles instancesofficielles (services de santé, assistantssociaux, bénévolesou fonctionnaires, différentes instances le problèmecontrela femme, on en faitun policièresou juridiques).En retournant on les de la violenceet l'on renforce enfin problèmeindividuel, occulte fonctions masculine. l'idéologiequi soutientla domination Ce processuss'illustretrèsclairement dansles exemplesque nousavonscités. La police,les assistants le onttousrenvoyéla femme sociaux, personnel hospitalier à «son» problème.De plus,l'Etat supportele poids financier desconséquencesde la violencemaritaleen fournissant les services vont la santéde la femme qui réparer ou prendreen chargeles enfants si besoinest.L'Etat ramasselesmorceauxparl'indeshôpitaux,des foyerspourenfants, termédiaire de l'assistance sociale.2S Mais si une femmeavec des enfantsà chargearriveà quittersonmari,l'Etat l'entretiendra Ainsi,il prendle repar l'aide publiquejusqu'à ce qu'elle se remarie. lais de la responsabilité du mari.Commel'indiqueclairement financière le Rapport du Comitéd'Etude sur les Ménagesmono-parentaux, les hommesne sont financièrement aveceux.29L'Etat agitainsi qui cohabitent responsables que des femmes au bénéficedes hommes,qui restenttoujourslibresde s'offrir les servicesd'une femme- d'une femmedéfiniepar l'Etatcommedépendante. Tandisque la femme qui dépendde l'Etat(le subrogéde sonmari)reçoitun revenuminimum, pourêtre au serviced'unnouvelhomme.La politiquede l'Etatestdonc encouragéeà rentrer 27. Sur l'action de l'Etat visantà renforcerla dépendanceéconomique des femmes,voir : Land, H., «Women : Supportersor Supported ?», in Barker & Allen, Sexual Divisions and Society : Process and Change,Tavistock, 1976, pp. 169-203 ; et Lister,R. & Wilson,L., The Uneaual Breadwinner.NationalCouncil forCivil Liberties.1976. 28. Il y a certainementune analyse à fairede la divisionsexuelle du travaildans le domaine de l'assistancesociale. Quelle signification sociale faut-ildonnerau faitque la «clientèle» premièreet aussi les travailleursde base (et non ceux des niveaux hiérarchiquessupérieurs)de ? l'assistancesociale sont avant tout des femmes Il faudraitaussi analyserles rapportsdes assistantssociaux pour leurprésentationdu systèmesocial des sexes. 29. Report of the Committeeon One ParentFamilies, H.M.S.O. (G.B.), 1974. 81 de renvoyerles femmesau mariage(ou au concubinage)si par «malheur»elles enétaientsorties.30 masculins Dans le domainepublic,la complicitéentrel'Etat et les intérêts indivila exercée d'Etat à violence de à travers les réactions l'appareil apparaît duellementpar des hommescontredes femmes.Il est apparemment impossible leuraccèsà toutsecteur d'assurerla sécuritédes femmesdansla rueou de garantir au mêmetitreque les hommes.La topologiede de la villeou de la communauté sociétéstraditionnelles estcomparableà cellede nombreuses nos villesindustrielles où la maisonou bienl'airedeshommesoccupele centretandisque noncapitalistes, Dans nos villes,le centrese compose viventà la périphérie. les femmes et les enfants D. Poggiet Commel'expliquent de masculine. l'activité de bâtiments publics,foyers les lieux M. Coornaertdansl'articledéjà cité(cf. note9), les institutions centrales, les plus déoù se déroulentles transactions de pouvoir,de prestigeou d'influence fermésaux femmesen tant terminantes pour la communautésont effectivement dans les sphèresd'activitéursont les entrées En même limitées temps que groupe. On mais et de de de loisir et de travail, baine, production plaisir. tolèreles femmes, Les femmesn'ontpas le pleinusagede la cité,«leurschemins avecdes restrictions. et de signauxd'alarme».Les femmesdoivent sont hérissésde passagesinterdits certains évitercertaines rues, parcsou lieuxpublics,le jour si ellesne sont quartiers, et la nuitde toutefaçon.Que de bonnes rôle dans leur d'enfants, domestique pas ce soit dansles magasinset boutiques,seul espaceurbainoù les femmesont libre accès, ou dans leurfoyer,les femmessont isoléesles unes des autres.Commele notentD. Poggiet M. Coornaert,la rencontreà l'épiceriedu coin n'a jamaisété pour une femmel'équivalentdes barset des caféspourles hommes.L'espace ursortirdes espacespermisaux femmes, bain,pourles femmesest compartimenté, hommes. des de se faire le courir c'est attaquerpar risque L'acte de violencequi a reçule plus d'attentionpubliqueest le viol.On dénonce de plus en plus les réactionsde la police et les procéduresdes tribunaux. Commel'expliquele N.C.C.L. (NationalCouncilforCivil Liberties),les violeurs ontplus de chancesd'êtreacquittéssi le viol estsocialement possibleet si le mode Vivre mòne s'il estinconnudu violeur,exprimel'autonomie.31 de viede la victime, avoirparléou «indécents», seule,marcherseule,fairedu stop,porterdesvêtements pris un verreavec le violeursont des actes susceptiblesd'avoirrendule viol un amant, possible.Etrecélibataire,divorcée,adultère,avoirun enfantillégitime, toutessituations s'êtrefaitavorter, qui n'ontrienà voiravec le viol,sontdes facteursde bonneconsciencepourle violeur.Commel'a écritun groupede Féministes hachez elle,encompagnie, : «Seuleune femmemariée,enfermée Révolutionnaires billéejusqu'au cou, peut êtrereconnuecommevictime; c'est-à-dire quand le viol du maissurtoutsocialement matériellement est non seulement injustifié impossible, 32 pointde vuedu patriarcat.» 30. Le passage des femmesde l'indépendanceà la dépendance économique n'implique pas forcémentle mariage légal. Voir le dossier du Bureau d'aide sociale : Living Togetheras Husband and Wife,SupplementaryBenefitsAdministration Paper,5, H.M.S.O., 1976. 31. Coote, A. & Gill,T., The Rape Controversy,Nation Council forCivil Liberties,1975. Griffin, S., «Rape : The All-AmericanCrime»,Ramparts,sept. 1971, pp. 26-34. 32. Des FéministesRévolutionnaires,«Justicepatriarcaleet peine de won, Alternatives, n° 1 : «Face-à-femmes»,juin 1977 {Paris, Editions Alternativeet Parallèles). 82 rienà voiravec Ainsi,on peutdireque des hommesqui n'ontapparemment en faitla mêmefonction.Les hommesqui harles forcesde l'ordreremplissent cèlent,attaquent,violentles femmesdoiventêtredécritscomme«les inquisiteurs, les flics,les garde-chiourmes de l'ordrepatriarcal», des et noncommedes déments, inadaptésou des obsédés sexuels,car «la chasse aux femmesest ouvertetoute l'annéevingt-quatre heuressurvingt-quatre» (ibid.). La peurenvahissante de la violenceet la violenceelle-même ontpoureffetde jeter les femmesdans les bras «secourants»de ceux-làmêmesqui les agressent. Maris et amants sont censés protégerles femmesde la violencepotentielle d'hommesinconnus.Les femmesse sententgénéralement plus en sécuritéencompagnied'un hommedansun lieupublic.Quantau foyer,on en faitle symbolede la les femmes, sécuritéet c'est souventainsique le ressentent alorsque d'unpointde vue statistique c'est dansle mariageou le concubinageque les femmesont le plus de chancesde se faireviolemment Cettepeurdiffusede se faireagresser agresser. dansles lieuxpublicsvientencorerenforcer la dépendancedes femmes vis-à-vis des hommes.Le faitque de nombreux marisne battentpas leurfemmeet que de nombreuxhommesn'attaquentpas les femmesdansla rue ne constituepas unepreuve deshommescontreles femmes ne sontpas unepratiquecourante, que les agressions non à limitée hommes défavorisés le condiquelques systématique, parla naissance, tionnement ou la misère; c'est seulement la preuvequ'il n'estpas nécessairepour de songroupe.J.Dollard lesprivilèges chaquehommed'agirainsiafinde maintenir des «bons Sud du ne blancs» dans lescruautésinfligées aux parle qui trempent pas noirspar les autresblancs.Mais l'important c'est que touthommeblancpouvait touthommeou femmenoiresanscraintede poursuite battre,violerou assassiner de même tout hommepeut s'approprier le corpsde sa judiciaire, que impunément femmeou maîtresse.Dollardmontreaussicommentles noirsrecherchaient la protectiondesblancs,l'égidede «l'ange»blanc.33 Le point essentielà soulignerest que la forceet la menacene constituent ou résiduelmaisqu'au contraire ellesconsjamaisun moyende pressionsecondaire tituentles fondations des structures la sanction ultime premières hiérarchiques, qui soutienttoutesles autresformesde contrôle.Si ce pointde vue n'estpas particulièrement entrehommeset femmes, nouveau,on l'a rarement appliquéaux rapports cela sur une débouche de l'exploitation de probablement parceque problématique mettre à en avec de classe. sexe, rapport l'exploitation Sexe et classe. La comparaisonavec la situationdes noirsestutilepour rendreexplicitele rôlede la forcedans le maintiend'une structure socialedonnée.L'analyseque fait J. Dollarddes relationsentreblancset noirsdansune villeaméricaine du Sud - des bénéficessexuels,économiqueset de prestigeque les blancsremportent au détrimentdes noirs- peut êtremiseen parallèleaveccelledu mouvement en féministe ce qui concerneles rapportsd'exploitation entrehommeset femmes, où (rapports 33. Dollard,J.,Caste and Class in a SouthernTown, Yale UniversityPress,1937. 83 commela divisiondu travail).Mais la sexualité,le statut,le prestige, interviennent des blancsne peuventse maintenir Dollardsouligneaussi que les privilèges que si moment on et A tout la la menace. soutenue force est impose par l'idéologie par aux règlessont punies aux noirsla déférenceenversles blancset les infractions avanttoutpar la violencephysique,mêmesi Tonfaitégalement usagede sanctions économiques. En ce qui concerneles rapportsd'exploitationentreles sexesqui, horsdu n'ontpas donnélieu à des analysesaussiapprofondies mouvement, que cellesdes de la famille voit dans l'institution et on entre noirs blancs, généralement rapports ontdénoncél'amouret la «nade contrôlesocial.Les féministes le moyenpremier On trouveausside turede la femme»commemoyensidéologiquesd'oppression. de le sur l'économie en d'essais domestique, problème la valeuréconomiplus plus surla maisil y a controverses du travail fourni gratuitement par les femmes, que î34 les deux de : le ou ce le travail de bénéficie savoir mari, capitaliste, qui question Le rôlejoué par la violencemasculinedans l'exploitationéconomiquedes dans le travailsalarié- estmentionné femmes- qui comprendleursous-paiement On avanceque c'est le capitatotalement sous silence. sinon subsidairement, passé des non les bénéficie et hommes,qui lisme, agressionsdes hommesenversles les relations cherchantà réinterpréter femmes.Par exemple,R. Frankenburg35, dansCoal is OurLife,affirme et leursfemmes décritesentreles mineurs qu'il existe et nondes bienun bénéficeéconomiqueà la violence,maisau profitdu capitalisme hommescar ceux-cise défoulentsur leur femmeau lieu de se défoulersurleur la campagnepourle patron.C'est aussi,sous un autreangle,la positionque reflète Tout servicefourniau Housework for salairedomestique(Wages Campaign)36. mâle estconsidérécommeun travailpourlequelun salaireest dû, non travailleur par le mari,esclavesalarié,mais par le capitalisme.On ne considèrejamais les du travailgratuitde leur hommescommeredevablesdes bénéficesqu'ils retirent du fonine.Ces pointsde vuene rendent pas compte mariageen tantque relationde et le recourspotentiel du rôle essentiel ni qu'y jouentle contrôlefinancier pouvoir à la forcephysique. Mais le rapportentreviolenceet productionéconomique,dans la famille, n'est pas direct.Si le but étaitd'extorqueraux femmesle maximumde travail,la de êtreutiliséesavecmesurepourobtenirce résultat, forceet la menacedevraient maintenir le taux dans le travailindustriel mêmeque doit l'êtrela coercition pour de profit. étudiantun villagepéruvienoù tous les hommesont l'habitudede Harris37, des coups et la battreleurfemme,note qu'il n'y a pas de rapportentrel'intensité 34. Sur ce débat, voir notamment: Dupont, C, «L'ennemi principal»,Partisans,n° 5455 : «Libération des femmes,année zéro», Maspero, 1970, pp. 157-172. Seccombe W., «The Housewife and Her Labour under Capitalism», New Left Review, n° 83, 1974, pp. 3-24. Gardiner,J., «Political Economy of Domestic Labour in CapitalistSociety», in Barker& Allen andExploitation..., (edsXDependence op. cit.,pp. 109-120. 35. Frankenburg,R., «In the Production of their Lives, Men (?)... Sex and Gender in BritishCommunityStudies», in Barker,D. & Allen, S., Sexual Divisions in Society..., op. cit., PP. 25-51. .. _ _ 36. Par exemple, Edmond, W. & Fleming,S., All Workand No Fay, Power oí Women Collectiveand FallingWall Press,1975. 37. Communicationpersonnelle. 84 la de ses tâches(qui comprennent compétencede l'épousedansl'accomplissement Les au hasard. Les administrés «meilleures» productionagricole). coups paraissent épousespouvaientaussi bien êtreles femmesles plus battues,tandisque les plus paresseusesou incapablespouvaientéchapperà ces sévices.Plus prèsde nous, faitesdans les centresd'aide aux femmesbattues,les d'aprèsles constatations violencesdes marisou des concubinsne semblent pas avoirde rapportaveclesperde formances leurs victimes. La est tropsouventcontre-producforce domestiques tive; non seulement les femmespeuventêtregravement blesséesmaisellespeuvent de troublesnerveuxqui leurrendront souffrir encoreplusdifficile de s'occuperdes les tenir le etc. Elles de à enfants,préparer repas, budget, risquent se retrouver médical ou ainsi au moins l'homme, l'hôpital psychiatrique, privant temporairement,de leursservices. Les Péruviens du villagedisaientqu'ilsbattaientleursfemmes pourengarder le contrôle; les Britanniques en disentautant,et à notreavisc'estcetteraison,plutôt qu'une raisonéconomique,qui doit êtreacceptée.Maisalorsc'estconsidérer la forceet la menacecommedes facteurs dans fondamentaux l'infériorité sociale plus des femmesque le rôlequ'ellesjouentdansla vieéconomique.L'exploitation écol'un n'est des bénéfices les de hommes retirent l'asservissenomique plus que que mentdes femmes.A mesureque le contrôleque les hommesexercentsur les femmess'étend,ils en retirent aussides bénéficesdansle domainede la sexualité, de la reproduction, du statut,et dans le sentiment qu'ils ont d'eux-mêmes, par un sentiment de exemple supériorité. Les rapportsentrel'exercicede la violenceet la structure économiquesont à de rechercher au niveau de l'histoire des plutôt l'organisation sexesdansles différentes sociétés.Les considérations sur d'Engels la violencedansle mariage, qui ne sont pour lui qu'une parenthèse,sont à intégrerdans le débat de fond.Selon les bases de toute formede suprématie Engels,«... dans le ménageprolétarien, mâle ont disparu»38,car il n'y a pas de propriété.La loi bourgeoiseréglementant les relationsdansle mariagene s'appliquepas aux prolétaires et la possibilité pour les femmesprolétariennes d'obtenirl'indépendance dansla économiqueen entrant des bourgeoises, ellespeuventse séparerde productionsignifiequ'à la différence leurmarisi ellesle désirent. Cettedescription idylliquede la vie domestiquede la femmeprolétarienne n'estternieque d'unelégèrenote: «sauf,peut-être, qu'il reste enversles femmes quelquechosede la brutalité qui s'estrépanduedepuisl'introductionde la monogamie.»Pour Engels,l'organisation de la famillevariedirectement en fonction desconditions de plus économiques.Selonlui,leshommes,accumulant en plus de richesses, ont imposéla monogamieaux femmeset les femmesont acaux hommesparcequ'il avaitété proceptéque le surplusde richessesappartienne duithorsdu foyer,dansla sphèrede travaildes hommes.«Le faitmêmequi avait donné à la femmeun rôle prédominant dansla maison,à savoirsa spécialisation dansles tachesdomestiques, assuraitmaintenant de l'hommedansla la suprématie maison ; le travailde la femmeperditsa signification en regarddu travailde l'hommepour obtenirles moyensde subsistance.»Engelspensaitque c'est ce 38. N.d.T. : notretraduction.Pour la versionfrançaisepubliée, cf. Engels,F., L 'Origine de la famille,de la propriétéprivée et de l'Etat, Paris, Editions Sociales, 1974 (p. 80, puis p. 170). 85 male système nouveaupouvoiréconomiquequi a permisaux hommesde renverser en d'un de filiationet de transmission des biens faveur trilinéaire systèmepatrilinéaire.Engelsdécritalorsle passagede la cohabitation (mariageapparié)au mariage monogame(surtoutdans la bourgeoisie),passaged'une positionoù la femme se séparerde son conjointet garderle contrôled'une partieau pouvaitfacilement moinsdes biensde la communauté conjugaleà unepositionoù ni l'unni l'autrene luiétaitpossible. RosilandDelmar,dans une relecturecritiquede l'essaid'Engels39,souligne effectuées anthropologiques aprèsEngelsn'ontjamaisconfirmé que les recherches l'idée d'une divisiondu travailspontanéeet bien tranchée: les femmesà la maison dansles différentes et les hommesau dehors,ni l'idéed'uneprogression historique, arriventà la sociétés,du matriarcatau patriarcat.De plus, les anthropologues conclusionque la violencemasculineenversles femmesexistaitavantla monogamie.Cetteviolencen'estdoncpas un malheureux capricede la naturehumainesuscitépar la structure de classes.S'il est vraique les femmesont perduau coursdes tempsun certainpouvoirsocial,il faudraitconsidérerl'usagede la forcepar les hommescommeune explicationau moinspartiellede cettepertede pouvoir,car la seule raisoninvoquéepar Engelsne suffîtpas à expliquerpourquoiles femmes ont acceptéque le surplusde richessesappartienne uniquementaux hommeset à leurlignée.40 de sasuffisantes Nous ne disposonspas d'informations qui nouspermettent de la voirsi la violencemasculineenversles femmesa augmentéaprèsl'institution de l'avis la mais Delmar nous classe d'Engels dirigeante, monogamie rappelleque par de bourles femmesles plus oppriméesde son tempsétaientles femmes lui-même, Un des femmes battues démontre siècle tard, geois. l'expérience refuges pour plus que ce typede violences'exercedanstouteslesclasses.La violencedansle domaine de classe. publicn'estpas nonphisunecaractéristique Exclusionet Contrainte. Le recoursdes hommesà la violenceou à la menacecontreles femmessert de certainsdomainesou de restreindre deux objectifs: l'un estd'exclureles femmes Les deux leurchampd'action,l'autrede les obligerà un certaincomportement. de telle façonqu'aboutirà l'un des objectifsest aiderà l'aboutisseinteragissent mentde l'autre. Les femmessont exclues des - ou ont un accès restreint aux - groupes masculinssociaux,économiqueset politiques.Les hommesont le pouvoirde définirla réalitésocialeparcequ'ils peuventexclureles femmes alorsque les femmes ne peuventexclureleshommessansapparaître ou déviantes déraisonnables (voirles 39. Delmar, R., «Looking Again at Engels Originof the Family,PrivatePropertyand the State», in Oakley, A. & Mitchell,J. (eds.), The Rightsand Wrongsof Women,Penguin,1976, pp. 271-287. 40. On retrouvece point de vue sur la violence chez Whitehurst,R., «Violence in Husband-WifeInteraction», in Steinmetz, S. & Strauss, M., op. cit. ; chez Rüssel, D., The Politics of Rape, Stein and Day, 1975 ; et chez Brownmiller,S., Against Our Will,Seeker and Warburg,1975. 86 des centresd'«Aide pourles Femmes»à «expliquer»pourquoiil y a si difficultés et leurincapacitéà les en excluretotaled'hommes dans leursorganisations, peu ment).41Le pouvoird'exclusionest le langagede la dominance.Ainsiles groupes d'hommessontconsidéréscommepublicstandisque les groupesde femmesapcommeprivéset moinspermanents paraissent parcequ'ils ne bénéficient pas de la validationsociale qui découle d'une positionhiérarchique Parce que supérieure. les hommesdétiennent le monopoledu public,les femmessontexcluesde, ou ont un accès limitéà certainsbâtiments, certainespartiesde la ville.La notiond'exclusioncomporteen soi la menacede représailles (c'est-à-dire l'usagede la force)au cas où les femmesauraientla «prétention» de pénétrer dansles domainesinterdits. L'autreaspectde l'usagede la forceou de la menacepar les hommesest le faitde contraindre les femmesà se comporter de telleou tellefaçonou à exécuter certainestâches,en particulier nourricières et ménagères.Plus les femmessont excluesdes sphèressociales,économiqueset politiqueset plus il est facilede les contraindre au rôledomestique. Maismêmelorsqueles femmes ontun certainaccès au domaineditpublic,ellespeuventêtremaintenues dansun rôlesubordonné grâce à des moyensde contrôleidéologiqueset matériels (contrainte économiqueet violence physique)et grâceà la politiquede l'Etat qui soutientla structure hiérarfamiliale. Dans forme la sa la famille isole les femmes des autres chique plus rigide, adulteset détermine une dépendanceéconomiquetotale,si bienque lesphispetits et l'échangede parolesmême,dépendentde la bonnevolonté besoinsmatériels, masculine. de noterque le mouvement Il est intéressant de la findu 19ème féministe sièclecentraitsurtoutsa luttecontrel'exclusiondes femmes- de l'éducation,du viseplus travail,de l'appareilpolitique- tandisque le mouvement contemporain faite femmes aux un certain domesrôle l'obligation particulièrement d'accomplir de Le thème la violence de faire le lien entre deux ces tique. permet aspectsde la lutteféministe. Répondreà la violencedes hommes. S'il arriveparfoisque des hommesattaquentcollectivement des groupesde la est masculine le fait d'hommes violence ou de individuels femmes, généralement des femmes d'hommes contre individuelles. Il semble en effet rarement groupes nécessairepour les hommesd'attaquerles femmesen tant que groupepour les Le seul exemplerécentdontj'ai entenduparleren GrandeBretagneest contrôler. d'un l'attaque grouped'hommescontredes femmesqui assistaientà la dernière NationalLesbian Conference.A noterque, depuis,aucune Rencontrelesbienne nationalen'a eu lieu car les femmesconcernéesdisentqu'ellesne peuventtrouver de ce danger.42Le faitque les femmes aucunlieu de rencontre en qui les préserve 41. A la Conférencede la FédérationNationaled'Aide pour les Femmes en 1976, il avait été décidé que des hommespouvaientparticiperaux actions des groupes de base à condition des stéréotypessexuels à l'intérieur que leur rôle reste mineur,afin d'éviter le renforcement d'une organisationde femmespour les femmes. 42. A 1 intérieurdu mouvementde liberationdes femmes,ce sont les groupes d homosexuelles qui constituentla plus grandeprovocation à l'égard des hommes car, de toutes les femmes,ce sont celles qui sont le plus indépendantesd'eux. 87 défià la domination masculineau pointd'attirer tantque groupeportentrarement la sanctionultime,peut être l'indice de la peur des sur elles, collectivement, ou bienl'indicedu faitqu'ellessontsuffifemmes,qui les rendnon provocantes, sammenttenuesen mainspar ailleurspourrendreinutilece genrede représailles. c'est s'exposeraux feuxde l'ennemi,enfonDéfierla domination masculine, cer un à un touteune séried'obstacles,dontle premierest l'acceptationgénérale du systèmesocialsexuel; il fautensuitevaincreen soi la peurde la déviance,de la des réactions prendrele risquede déclencher ruptureavec les normesculturelles, de les se libérer du statutde déet trouver cette assumer violence violentes, moyens des dans le des du l'Etat domaine institutionnalisé revenus, logement, par pendance loiset de leurapplication. une nouvelleprisede consciencede Il estcertainqu'il s'exprimeactuellement dansla mesurede leursmoyens,commencent la violencemasculine,et les femmes, des femmes élaboréespar Dans les premières à y répondre. analysesde l'oppression la a le mouvement violence été féministe physique priseen compte contemporain, Sur ce thème s'est d'autres facteurs développéaux Etats-Unis parmi d'oppression. le mouvement d'actionautourdu violtandisqu'en Grande-Bretagne un mouvement s'est d'abord préoccupéde la violencedans le mariage; ces deux aspectsde la déclenchédes actionsdansd'autrespaysoccidenviolencemasculineont également Cetteprisede consciences'aftaux.Maisnousne savonspas ce qu'il en adviendra. ou bien la comprésera-t-il à nouveau le individualisé, faiblira-t-elle,«problème» vasocialedes violencesphysiquessubiesparles femmes hensionde la signification de ce thème une analyseplusapprofondie entraînant t-ellecontinuerà se répandre, etuneradicalisation des actions? Le «problèmedes hommes»est encoreà souleversurle planthéorique,ainsi la psychologie, des hommes.43L'anthropologie, que la questionde la rééducation servià la propagandeet à l'apologiede la visionqu'ont la sociologieont largement les hommesde la société,de la culture,des femmes- et de leurmodèledes relaUne nouvelleperspectiveest nécessairepour rétablir tions hommes-femmes.44 la fonctionde la violenceet de la menace qui doitsouligner l'équilibre; perspective socialeet de toutle processussocialqui recommemaîtressepoutrede la structure des femmes.Une analysedu rôle de la violencedans le pose sur l'asservissement ou collectivement, individuellement maintiendu pouvoiret de l'autoritémasculine, les de sociale à différents niveaux l'organisation jusdepuis petitsgroupesinformels 43. Le récit de Gold Fower, dans Beiden, J., China Shakes the World,Pelican, 1973, illustrecomment la domination des hommes sur les femmesdans la Chine pré-révolutionnaire se maintenaitultlmement«à la force du poignet» et commentce futpar la violenceégalement Mais les que les femmesébranlèrenten partie ce pouvoir dans la Chine post-révolutionnaire. analyses de Chinois ou d'occidentaux pour tenterd'expliquer pourquoi les femmesen Chine du facteur ne de la des hommes violence tiennentpas compte restentencore sous la domination ohvsiaue. 44. Pour une mise en question du réductionisme« biologisant» appliqué aux femmes, voir l'article de Mathieu, N.-C., «Homme-cultureet femme-nature?», L'Homme, vol. XIII, cahier 3, 1973. Elle dénonce le faitque les anthropologuesn'emploientpas pour les deux sexes des critèreshomogènes,alors qu'on devraitanalyserle systèmesocial des sexes sur des bases tout aussi sociologiques que celles utiliséesdans l'étude des systèmeséconomiques, politiques, religieux,etc. 88 formelde l'Etat à l'échellenationale,devraitclarifier, par qu'au fonctionnement à de les et le fondements fonctionnement, classes, l'analyse indépendants rapport de l'antagonisme de la divisionentreles sexes et de l'exbourgeoisie-prolétariat, des femmes. ploitation (Traduitde l'anglaisparE. L.) Note de la Rédaction: II nousa sembléutile de publierce «fait divers»récentà titred'«illustration» françaisede la violence exercée contre les femmes : # Deux gendarme*de la brigade de Rethel (Ardennes), MM. ChristianLerat,trente-deux ans, et Daniel Bédouin, vingtneuf ans, ont été condamnés à dix mois de prison, dont huit avec sursis, pour violences et voies de fait avec préméditation, par le tribunalde grandeinstance de Charieville-Mézières.Soua le prétexted'un contrôled'identité, Us avaient obligé à se déshabiller totalement une jeune fille de dix-sept ans. La condamnation des deux gendarmes entraine leur radiation.- (Corresp.) Le Monde, 31 juil.-ler août 1977, rubrique «En bref...», p. 6. 89 Décapitationd'une femme Gravurehumoristique,début XVIIe siècle. 90 ... A proposde la critique à la critiquedes danscetterevuesoumettront Certainsarticlesqui paraîtront des études...bref,des discoursémanantde femmes des perspectives, démarches, Cettepratiqueme semblenon seulementlégitime,mais encoreindisféministes. du mouvement féministe. pensablepourla radicalisation Dans le contexteactuel, elle est pourtantsouventconçue par beaucoup nosforces,etc.A monsens,ilfautse d'entrenouscommedestructrice, affaiblissant défairede cetteangoissequi nous dessertet risqueà brèveéchéancede nous enet moraliseun problèmequi fermerdans une impasse,parce qu'eue individualise et moraux. ne doitpas se poseren des termesindividualistes dansla critique Ce qui nous intéresse, Un discoursestconstituésocialement. ce qui sesdéterminants d'un discours,c'est de repérer sociaux,d'analyser féministe lui donne son poids sociologique.En ce sens,touteidée d' «attaquepersonnelle» à notreprojet.Ce qui nousretientau contraire, c'est contrel'auteurestétrangère V«enveloppement* de l'auteurdansdes règles,des schémas,qui luisontextérieurs. «... Mais, quand même,attaquerdes femmes...»,dira-ton...C'estpourtant au niveaude ce que nous produisonssurnotreoppressionque nous précisément devonsmanifester le plus de rigueur! Ce qui ne signifie pas une absencede solidarité: la solidaritéféministene consistepas en une grandesymbiose(l'Union de nos Sacrée), elle se constitueplutôt comme mise à jour et questionnement comme révélationdes modalitéssournoiseset pernicieusesde contradictions, à l'intérieur mone de notrelutte. l'oppression Il est vraique la notionde critique «... Mais la critique,c'est destructeur...» est ambiguëet mal reçueparcequ'elle inclutsouventl'idée d'une démarchenégative et nihiliste.Or la critiqueest positivenon seulementen ce qu'elle permet de solidarité d'uneformenon moralisatrice l'instauration politique,maisaussidans d'une analysepleineet positivede notre la mesureoù elleprocèdenécessairement oppression,d'une pratiquemilitantepleine et positivecontrenotreoppression. M.P. 91 MoniquePlaza Pouvoir « phallornorphique » et psychologiede « la Femme ». Un bouclagepatriarcal démontrent l'existenced'uneoppression multidimenLes analysesféministes sionnelledes femmespar le systèmesocial. En décryptant elles cetteoppression, et les rouagesd'un ordrepatriarcalqui prescritaux révèlentles manifestations hommeset aux femmesdes fonctions d'une «différence rigides,surle fondement naturelle dessexes». Dans le mêmetempsoù ellesmettenten lumièreles diverssystèmes d'exploitationet d'aliénationdontellessontles victimes, les femmes se posentsouventune sans ce questionqui pourraits'énoncer: «Que sommes-nous, que serions-nous ?». Interrogation modelagesocial ? Qu'est-cequ'une femmeréellement compréhensibleet inévitable: l'oppression se vitcommeune restriction abusivede l'exisConstatantque la femmeest invalidéedansles distence,commeune mutilation. notre cours,exploitéedans les pratiques,nous ne pouvonséviterde revendiquer libération a une valeurpolitiqueconcrète) (ce terme,en dépitde ses ambiguïtés, et de nousinterroger surce que noussommes. Les réponsesà ce questionnement ne manquentpas actuellement dansnombre de publications et rubriquesdiversesde magazines.Les plus intéressantes sont cellesqui viennent des femmesen rupturede ban avec le patriarcat, car ellessont des enjeuxet des limitesde notrelutte.Tout se passecommesi nos exemplaires étaientsans cesse menacésd'êtreanéantis,nos trouvailles minéesde défrichages l'intérieur.Rien d'étonnantà cela, puisque nos discourss'inscrivent dans une structure dontilssonttoujourspouruneparttributaires. patriarcale, Du champde notrediscourssurnous-mêmes, nousparvient actuellement une à réponseà la questionde notreréalité.Elle pose que la femmeest à rechercher, à faireémerger. Le raisonnement en predécouvrir, par quoi elle procèdeaffirme mierlieu que la femmen'existepas, du faitde l'oppressionpatriarcale. Ce constat reposesur une analysequasi exclusivedes discours(philosophique,littéraire...). Parfoiscetteinexistence estjugée du domainede la valeur: la femmeexiste,mais l'idéologiedévaloriseson existence; ou bien elle est posée du pointde vue plus du faitdu schémaoppressif, n'a pas encoreaccédé profondde l'essence: la femme, à son être.1 En secondlieu, il est postuléque la femmeest en trainde naître : la jeune née2 ; notretâchede femmeestde décrypter actuellement nospositions 1. Annie Ledere réfèreà la premièrethèse,Luce Irigarayà la seconde. 2. litre d'un ouvrage de Helene Cixous et CatherineClement, Pans, Umon Générale d'Editions,1975 (coll. 10/18,série«Féminin futur»). 92 notreessence.En de découvrir notrerapportau monde,de rechercher subjectives, notrespécificité. bref,de promouvoir Ce projetde recherche séduitbon nombred'entrenous.Parson aspectplein et positif,ne semble-t-il nous râleuses, suffragettes, éloignerdes revendicatrices, pas volontiers les fémiabreuve et autres dont on frustrées..., étiquettes hystériques nistes? MariellaRighiniféliciteAnnie Ledere pour la publicationde son livre : Les Epousailles,qui s'opposeprécisément de la critiqueféministe à la négativité «Au lieu de dresserl'éternelet interminable bilan des oppressions, sanctionsfaitesà la femme(...) ...auxautres, interdictions, répressions, les litanies,les jérémiades,les plainteset les récriminations (...) Elle ne dénoncepas.»3 La dénonciation, se voit supplantéepar un projetqui posée commefastidieuse, sembleimmédiatement constructif la femmedansl'évidence parce qu'il interroge de sescaractères : « ...ellelaisseparlerce qui vitlibreen elle(...) Elle va droità l'essentiel: ce qui lui tientà cœur,et au corps(...) Elle annonceune façonneuve de vivre,avecbonheuret fierté,son corpsde femme(celui qu'on lui a donné) et son universde femme(celui qu'elle s'est construit).»4 Laisserparlerle corps...,c'est précisément cetteproposition qui éveillenotreattentioncritique.La spécificité de la femmene tiendrait ainsien dernière instancequ'à son corps,censéêtrele naturellieu de la différence sexuelle? Pourtant, faireparler le corps,revendiquer notre«différence», c'est déjà participer d'un systèmesocial et oppressif: la naturene parlepas la différence, elle fournitdes supportsque en fonctiondes rapportssociaux.L'individun'a pas d'existence nous interprétons bio«naturelle»,il est toujours-déjàsocialisé,y comprisdans son «irréductibilité ne Nous la trouverons «vraie» en femme le de éliminant social notre logique». pas Car le socialest toujourslà, qui imposesa traduction questionnement. oppressive. Si nous récartonsde notreréflexion, il nous rattrapera surle immanquablement fluxde nos règles,la floraisonde notresexe : il impulseranotreconstruction de nous-mêmes. Nous devonsau contrairele nouerdevantnous afinqu'il ne nous enferme pas dansson nexusd'évidences.Croireque nouspouvonsfairel'économie des analysescritiquesen écoutantles rythmes de notrecorps,c'est nous enfermer totalement dansla logiquepatriarcale a notreconnaissancede la difconstitué qui des sexes,de la naturede la femme. férence Mais si nous incluonsune démarchecritiqueau préalablede notreinvestidansun secondtempsnousconstruire dansnotre gation,peut-être pourrons-nous êtrevéritable? C'est la démarcheque sembleemprunter Elle posLuce Irigaray. «La Femme»,a été excluede la productiondu distule qu'une «X» irréductible, cours occidentalet définieen fonctionde paramètresmasculins.L'étude du discoursplatonicienet de la théoriefreudienne débouchepour Luce Irigaray sur le constatque «La Femme» n'existepas actuellement : elle est masquéepar le la femme,il s'agitdonc de discours,et distorduedans sa psyché.Pourconstruire la projeterdansune prospective conditionnelle si sa spécificité : que serait-elle était ? Cette tenants à démarche semble des aboutissants critiques intégrer respectée 3. Mariella Righini,«Le sang d'une femmepoète», Le Nouvel Observateur,oct. 1976, n° 621, p. 65. 4. Ibid. 93 «conservateurs» , dansla mesureoù l'oppression n'y estpas postuléede façoneffecen ce tive.La critiqueélaboréepar Luce Irigarayapparaîtcommeproblématique de «transformation-déformation» d'un schéma l'existence psycholoqu'elle pose gique que la femmesubitdu faitde la dominationmasculine.Ce qui l'engageà à poserl'existenced'une «esc'est-à-dire chercherun «avantla transformation», et mutilée. déformée aurait l'Occident sence»féminine que ainsitroispostulats: Le schémairigarayen intègre - «La femme»existede façonirréductible en tantqu'essencejusqu'iciméconnue. - Cetteessenceféminine des virtualités d'existencepsychique donneaux femmes écrase et occulte. l'Occident que - Cette essencefémininene peut êtredécouvertequ'en dehorsdu cadresocial dansle corpsde la femme.s c'est-à-dire oppressif, de la découverte de L'existencepotentiellede la femmeest doncdépendante de son corps.Tant que soncorpsne parlera son essence,qui gît dansla spécificité de l'existence la femmen'existerapas. Sommetoute,la virtualité pas sa spécificité, à la virtualité de sa pureréalitébiologique.Autantdire: de la femmeest rapportée quandla femmene seraplusêtresocial. à l'élaboration Ainsila questionde notreréalitésembleaboutiractuellement et simplement de notrecorps,où l'oppressionest,soitpurement d'uneprospective mise à l'écart,soit apparemment posée sous la formed'une critique,maisutilisée notreexistenceactuelle. pourinvalider ? Devons-nousla rejetercomme donc prématurée Cette questionserait-elle caduque ? Nullement: l'énergiequ'elle canalise de plus en plus parminous Loin de procéderà sa démontre qu'elleconstitueun enjeuvitalpourle féminisme. dans dansla théoriede notreoppression, Vinscrire rature,nous devonsau contraire de saisiren quoi et comle projetde notreexistence.Ceci devraitnous permettre contrenous. En effet,à projeterla mentnotreproblématique peut se retourner en arguantde son inexistence conditionnelle femmedansune prospective actuelle, de notreoppression: nousrestonsprisonnières idéologiquequi est 1) D'abord en ce que nous confondonsla description et l'existencemêmedes femmes.On peut de leuroppression, donnéedes femmes, circuitsoppressifs mettreà plat les différents que subitla femme;maisce décrypdoit : tage,pourêtreopératoire, imsansse référer formella notionde contradiction dans son dispositif a) intégrer morale à une ;6 systématisation plicitement le constatde l'existencede la femme: b) prendrecommeprémissefondamentale ni surle plan sociologique,ni surle plan psychola femmen'a riend'évanescent, logique; c) reposersur un systèmeconceptuelqui théorisel'oppressionsans poserune équivalence«femmeactuelle= rien».Car cetteéquivalence,qui semblerésumer 5. Les trouvaillesde Luce Irigaraysont absolumentsans surprise.Cf. l'analyse critique et que ChristineDelphy a donnée de Parole de femme d'Annie Ledere, dans «Proto-féminisme Les TempsModernes,mai 1975, n° 346, pp. 1469-1500. antiféminisme», 6. Morale que ChristineDelphy dénonce dans son débat avec Daniele Leger {tremier Mai, juin-juillet1976, pp. 37-43), et qui permetpar exemple d'invalidercertainestâches domestiques des femmesbourgeoises.La condamnationmorale de tâches considéréescomme superflues permet de poser les femmesqui les accomplissentcomme en dehors du systèmesocial patriarcal,comme non concernéespar l'oppression. 94 la redoubleen fait: nousinterrogeons notreoppression, la femmenondansce que nous sommes,dans ce que nous existons,mais dans ce qu'elle pourraitdevenir, dansson essence.C'est ici : dansla sociétéoù nousvivons,etmaintenant, que nous devonssituernotreréalitéde femmes, et nondanslesgouffres de notre atemporels de notre est : le ou essence. nous courons corps L'enjeu important risquede sclérosernotrelutte,de l'invalider, de l'anéantir. Parceque nous nouséloignonsde la scènesocialeoù se produitnotreoppression, de pournousperdredansla recherche l'intériorité féminine. Parce que, dans l'impossibilité d'inventer ce que la femme pourraitêtre,serait,sera...,nous lui imputonsles caractères«féminins»les plus fondéssur la «spécificité»de son corps.Ainsila boucleoppressive traditionnels, se referme surnous : nousnousconstituons en groupe«naturel»,nous référant à la notionde «différence». Et c'est à ce niveauqu'intervient notresecondempri: sonnement 2) Car, précisément, l'oppressiondes femmess'est étayée sur le primat étonnantde la différence sexuelle.Que les hommeset les femmesaientdes appareilsgénitauxspécifiques, de la gestation, que la femmeaitle «privilège» n'implique le sexe doive l'existencepsychiqueet socialede l'inpas que anatomique prescrire dividu.Urinerà distance7n'entraînepas fatalement la possibilitéde fonderla civilisation. Porterdes enfantsne signifie pas avoirl'exclusivede leuréducation. L'existenced'une femmene se résumepas à ses règles,à la formede son sexe,ou à sesgrossesses. Constituer un champd'étudessurcettecroyanceen l'inéluctablede la différencenaturelledes sexes ne peut que redoublerla logiquepatriarcale, et non la subvertir: à poser la femmecomme l'objet spécifiqued'une oppression,nous occultonsqu'elle est objet d'une oppression par le spécifique.Loin de prendrela Différence au fondement de notreprojet,nous devonsla déconstruire et en dénoncerles truquages.Analysercommentet pourquoielle prendce caractèred'inéluctable: je dois êtrehommeou femme; pas les deux, et pas autrechose...au d'une solidarité, à risquede me perdre.En ce sens,la constitution indispensable notresurvie,ne peut reposersurl'élaboration d'ununiversféminin, surl'idéed'une naturecommunedes femmes.Ce qui ne signifie pas non plus que nous allons«renier»notrecorps,ou vouloir«êtredeshommes».L'oppressiondes femmes se fonde surl'appropriation de leurcorpsparle patriarcat, surl'enfermement de la sexualité dans les cadresimposéspar l'oppositionmasculin-féminin, de la l'assujettissement femmeen couchesau pouvoirmédical,le méprisdes règles,la méconnaissance de la sexualité.Maisla reconnaissance de cettevasteoppressionsexuelledes femmesne doitpas nous entraîner à conclureque l'oppression vientdu corps,vientdu sexe : le sociale.Le sexe de la femmeest nié,méconnu. que corpsexpliquel'oppression Maiscela ne signifie pas que l'oppressionde la femmeestissuede cetteméconnaissance. Nous devons nous garderd'une formede «pansexualisme»de notre travesti.Si la catégoriede sexe prendune réflexion, qui n'est qu'un naturalisme si dansla logiquepatriarcale, ce n'estpas parceque le sexedonne place importante 7. Je reprendsici une formulationde Freud sur le fait qu'urinerà distancepouvait permettreaux hommes d'éteindrele feu. D'où l'attributionaux seules femmes,dans l'impossibilité anatomique de réalisercette «prouesse», de l'entretiendu foyer... 95 sa formeau social : c'est parce que le socialpeut donnerune formeévidenteau en lui. sexe,etcachersessystèmes oppressifs ne peut se fairetantque de ce que seraitnotrespécificité La construction nousn'auronspas élucidé: - ce qu'est la réalitéde la femmedu pointde vue de son existenceactuelle; - le fonctionnement précisde la catégoriede sexe dans le systèmeoppressif; - la placecentralequ'y tientla notionde «Différence» . C'est au traversdu travailde l'une d'entrenous que je vaisposerces questions.Pourquoicettemédiation? Parce que, en première lecture,j'ai été séduite : ne de le Luce Irigaray proposait-ilpas, dans le domaine par questionnement et une amorce subversive du théorisation une pouvoirpatriarcal, psychanalytique, de la femme? Un malaisepourtants'est emparéde moi quandj'ai de définition un de ses articleset entenduLuce Irigaraylire pendantune conférence-débat scanderque la femmene penseà rien...Alorsj'ai eu l'impression que l'édificeétait de transgresdes «abris de d'autant plein pièges plus dangereuxqu'ils côtoyaient de la démarchede Luce Irigaray sion». En ce sens,le démontage-remontage que de notreproblématique. Il s'agitpour je proposen'a que valeurd'éclaircissement moi de montrercommentnos percéessubversives peuventêtreanéantiespar des C'est dire ne de diversifiés. s'agitpas d'une querellede qu'il processus «minage» mots : le «bouclage»patriarcaltend à annihilernos luttes.J'utiliseà desseince vocable,qui rendcompteà la foisd'un enfermement logiqueet d'un encerclement spatial. les deux écrits Luce Irigaraysembleavoirun doubleobjectifen produisant En tente de les prémisses référerai elle reconstituer ici.8 premierlieu, auxquelsje et du décrivant l'objectivaphilosophiques psychologiques «Logos»9 occidental,y des femmes.La femmequ'elle étudieainsiest la femme tionet l'amoindrissement objet du discoursde l'homme.En secondlieu,elle s'essayeà définirce qu'est la et tentede femmeassujettieà ce «Logos» phallomorphique et phallocentrique, dans son être si ce serait la femme on être. la laissait décrire que Jongleravec ces non une d'étude difficulté hétérogènesprésente objets négligeable,que Luce semble sans ne ni réductions. Irigaray pouvoirdépasser simplifications 8. Luce Irigaray,Speculum. De Vautrefemme,Paris, Ed. de Minuit,1974, 463 p. (coll. Critique) ; et Ce sexe qui n'en est pas un, Paris, Ed. de Minuit,1977, 219 p. (coll. Critique). 9. Le «Logos» semble prendre chez Luce Irigarayle sens de : «discours», «entendement», «fonction logique» et «imaginaire». Cette imprécisionconceptuelle rend d'emblée confuseson investigation. 96 /. - LES FONDEMENTS DERNIERS DU 'LOGOS OCCIDENTAL'10 1) Elémentsd 'unestratégie. Le sujet/homme, constateL. L, dominela scènede la connaissance. Pourquoi ? L. I. semblene pas poserla question,et de cetteprudencenous lui domine-t-il sauronsgré.En effet,cetteinterrogation de l'origine, appellesouventla recherche et permettoutesles fantaisies surla préhistoire de l'humanité.Il seraitcertesutile de savoircommentl'oppressions'est instaurée, mais cette rechercheest rendue le des dont nousdisposons. archives quasiment impossible par truquage L. I. si la ne elle en Néanmoins, pose pas question, y répondimplicitement cherchant une origine,dansle royaumedes Idées,du sensde la Logiqueoccidentale. Et ce qu'elle trouven'estriende plus que l'homme,tel que le discoursoccidentalle donneà voir, m L 'hommedomineparcequ 'ilesthomme L'hommesembleêtrepour L. I. une entitébiologique-psychologique-essentielle,pourvude caractères propres: ainsi,il estnarcissique, belliqueux.Et surtout il a la chanced'avoirun sexevisible: «Si le garçonse trouvenarcissisé, moi'sé,par son pénis - parce que celui-ciest valorisédansle commercesexuel,et culturellement surestimé en tantque visible,spécularisable, fétichisable (...)» {Speculum,p. 81) L. I. rattachela notionde «forme»à celle de «phallique»,et postuleun isomorphismedu discoursoccidentalet du sexe masculin(privilègede l'érection).11 Or,ce n'estpas du faitde sesqualitésintrinsèques que le pénisestvaloriséau de la vulveou des seinsqui sont,eux aussi,visibles.C'estdansla mesure détriment où la cultureest androcentrique, patriarcale, que le phallusestmisau rangde symbole. La «supériorité phallique»de l'hommen'estriend'autreque l'interprétation, en termesde natureet de hiérarchie, de l'oppressiondes femmespar les hommes. S'il fallaitjustifier une domination des femmessurles hommes,l'idéologieprétendraittout aussi aisémentque les hommesmanquentde seins,sontmutiléspuiset qu'ils ont une excroissance monstrueuse à la place qu'ils ne peuventenfanter, de la vulve.Nous serionstout autantconvaincuespar l'évidencede leur «rienà voir». L. I. dissociemal l'homme«anatomique»et l'homme«social». L'homme, commela femme,estun produitsocialdontles caractèresse rapportent à la place Les lui hommes ne sont que la sociétélui donneet à la subjectivité qu'elle prête. pas par naturebelliqueux.Ils ne sontpas nonplus les maîtresde leurexistence Leur positionsocialede dominantn'impliquepas qu'ils détiennent le projetde la domination. C'est pourtantce projetque leurimputeL. L, surle fondement d'une détermination psychologique irrépressible. 10. Les titressont de moi. 11. Dans une interviewpubliée en anglais,(dans Ideology and Consciousness,may 1977, n° 1, pp. 62-67), Luce Irigaraydit : «In fact,it can be shown thatall Westerndiscoursepresents a certainisomorphismwith the masculinesex : the privilegeof unity,formof the sell, of the visible,of the spécularisable,of the erection(whichis the becomingin a form)[...]» 97 • L'oublide l'utérus : il veut se détournede son originematricielle L'homme,selonLuce Irigaray, est né d'une d'une mère. Ce lui méconnaître femme, processus échappetotaqu'il de Ainsiva-t-il dans le reproduire. en ce absolue est lement, l'impossibilité qu'il : un de la mère enfouissement sondiscours, constituer par se développeront donc et s'at«Toute énonciation,toute affirmation, de la relationintrande l'enfouissement testerontsur le recouvrement chablede l'êtreà la mère-matière.» {Speculum,p. 202) Le constatde l'horreurde la mère chez certainshommespourraitcertes Artaud: avoirvaleurdescriptive ou mêmeclinique.Rappelons-nous «... ce n'est pas Jésus-Christ queje suis allé chercherchez les Tarahumarasmais moi-même,moi, Mr AntoninArtaudné le 4 septembre 1896 à Marseille, 4, ruedu JardindesPlantes,d'unutérusoù je n'avais que faireet dontje n'ai jamais rieneu à fairemêmeavant,parceque 9 mois ce n'estpas une façonde naître,que d'êtrecopulé et masturbé brillantequi dévoresansdentscomme la membrane par la membrane, de mes disentles UPANISHADS,et je sais que j'étais né autrement, œuvreset non d'unemère,maisla MERE a voulume prendreet vous en voyezle résultatdansma vie. - Je ne suisné que de ma douleuret fairede mêmevous aussi,Mr HenriParisot.Et cettedoupuissiez-vous leur il faut croireque l'utérusl'a trouvéebonne,il y a maintenant 49 ans, puisqu'il a voulu la prendrepour lui et s'en alimenterpour n lui-même souscouvertde maternité.» de la mèreet le désird'êtrené seulsontclairement L'horreur parArtaud; exprimés despsychanalystes et et la violencede sesproposn'estpas sansévoquerla virulence de femmes mères les «mauvaises les «mauvaises contre psychotiques», psychiatres d'alcooliques». Maisdoit-onpour autantposercettehorreurde la mèrecommeun d'êtreresde la psychologie masculine? L'hypothèse élémentconstitutif risquerait existeaussichez lesfemmes.Les hommes Car le désird'auto-engendrement trictive. - bienavantque la questionde leuridentitésexuellene se pose - suet les femmes bissentla «violenceprimaire»de leurdépendanceà l'adulte(la mèredans nos soau départsurle postulatde l'auto-engenciétés): en effet,si la psychéfonctionne de l'enfant,qui apprendla est contredit ce drement13, postulat par l'impuissance densitédu pouvoird'autruisurlui. D'autrepart,dès lors que l'on considèrela négationde la mèrecommeun l'on ne peutprécisément à unecaractérisscénariofantasmatique, pas le rapporter met en : de fantasme le sexuée le jeu symboliqueet non l'anatoconcept tique à fournispar des schemes Le d'éléments fantasme premiers mique. s'agence partir à ce conceptlaL'ordre si l'on veut référer culturels. symbolique symboliques Mais ces Signifiants construisent et incanien- s'ordonneautourde Signifiants. en de sociale la «nature» fonction (cette interprétation l'organisation terprètent sociologiquede l'ordresymboliquen'existepas en tantque telledans les énoncés qui restentbeaucoupplus prèsde la nature; je sorsen faitde la psychanalytiques, 12. Antonin Artaud, Lettre à Henri Parisot,7 sept. 1945, in Oeuvrescomplètes, Paris, Gallimard,tome IX, pp. 64-65. 13. Hypothèse clairementdémontréepar Pierà Castoriadis-Aulagnier dans La violence de l'interprétation, Paris,PUF, 1975 (coll. Le Fü rouge). 98 théoriepsychanalytique pour donnerau conceptd'ordresymboliqueune signifi«Nom du Père» rati«Phallus»et le Signifiant cationsociale). Ainsile Signifiant fientla différence des sexes,et la dualitédes placesde pèreet de mère,que l'orgaa constituées. nisationpatriarcale hiérarchique hommeou femme,est d'embléeprisdansce «défiléde signiTout individu, Ordresymbolique dont essentiellement fiants»auquel il doit s'assujettir. patriarcal, Freud a fourniune description (à valeurde métaphore)dans Totemet Tabou. Il du langage.Le n'y a rienpourl'êtrehumainqui échappeà l'ordination symbolique non seulement médiatisées «corpsde la mère»,la gestation,sontdes expériences maisaussiconstituées la réalité socio-culturelle, par l'organisation parelle.En effet, de chose» psychiquene devientsignifiante que parl'adjonctionà la «représentation - si tantest que ce conceptsoitcernable- d'une «représentation de mot». Même si l'on postulel'inscription, au plan inconscient de archaïque,d'unereprésentation chose (corps de la mère),l'on ne peutéviterde poserque cettereprésentation de chose prendsens pour le psychisme de mot d'une représentation par l'inscription le fantasme surle corpsde la mèrene peut «corpsde la mère».Et,trèsprécisément, apparaîtreen tantque productionpsychique,qu'à partirdu momentoù l'appareil psychiqueintègrela signification qu 'autruidonneà l'énoncé€corpsde la mère». Toutesles elaborations psychiquessurle corpset surla mères'appuientnécessairementsurcetteorganisation limitéepar un langage.Quandla psychanasignifiante le renvoie de lyse par exemple complexe castrationà une perceptionanatomique, elle faitdonc une fautethéoriquepuisqu'ellepose qu'une représentation de chose s'inscrire en le dehors de toute pourrait par regard organisation signifiante. Luce Irigarayprocèdeà la mêmeréductionquand elle pose 1'«enracinement matriciel»dansle royaumedu «sensible»et qu'elle faitde son occultationle fondementpremier du «Logos occidental»: «Première opérationde passagede la sensationà l'entendement qui va - un schématisme produire- non sansmystère qui ne rendra jamaisau sensiblece qu'il lui doit.Car l'imaginaire, sa facultéla plussubtile,restera au servicede l'entendement (...). Ainsile schemetranscendantal aura pour fonctionde negativer une particularité du sensible,qui ne s'en relèverapas. For(t)clos dans sa naïvetéempiriquepremière. Et ce qui de ce fait aura été écarté dans le diversde son ressentir pour élaborerle conceptd'objet,c'est l'immédiateté du rapportà la mère.» (Speculum,p. 254) • La scotomisation : à phallo,falot de la Différence sexuelle.Ce L'homme,pose L. I., nie avec forcel'existencede la différence refus,toutcommeson oubli de l'utérus,s'expliqueparsonéconomiepsychique.Il faitporterà la femmele poids de la castration (elle n'a pas de sexe)parcequ'il lui estintolérable de reconnaître a un sexe qu'elle qui ne se voitpas : «La possibilitéqu'un rienà voir,qu'un nonmaîtrisable la parle regard, spécula(risa)tion,ait quelque réalitéserait,en effet,intolérableà l'hommeparce que venantmenacerla théorieet pratiquede la représentationpar laquelle il auraitsublimé,ou paré l'interditde, la masturbation.» (Speculum,p. 57) De cettecrainte,qui lui vientdu faitqu'il esthomme(pénien),s'origine la conception que l'hommeélabore de la femme.Pour répondreà sa volontéde toute- 99 à sa phobiede l'étranger, l'hommeva construire la femmeà puissanceet satisfaire son image- doublefalotqu'il dépossèdede l'attribut délectablede puissance: le pénis.L'hommerésoutdonc le «problèmede son principe»(phallique)en se fonde son seuldésir.Ce faidantsurI'«A prioridu Même»qui lui assurela domination de lui, il se refuseà voirdansla femme sant,il oublieque la femmeest différente autrechosequ'un homme.La seulepetitedifférence entreeux doitrésiderdansla la du ou non-possession pénis. possession Il est curieuxque L. I., appelantce mouvement F«A prioridu Même»,le dissociede la démarchedifférentielle. Car F«A prioridu Même»,loin d'êtreune construction autonome,est au contrairele concept collaborateur logiquede la : la l'Autre à Différence réfère l'Un Différence (la femme) (l'homme),posé en dominant.L'Autreesttoujoursle négatifde l'Un, du Même.La notionde Différence fondenécessairement la constitution d'un dominant réfèrent (le Même)et d'un dominéréféré(l'Autre).Elle est redoutabledansla mesureoù elleappelleinexorabledes rapportssociaux,l'idée de hiérarchie. Elle ment,quand elle est ordonnatrice : elle accordele primatà Un termequ'elleérige consisteen un doublemouvement en norme,etprécipite l'Autredansle négatif, le monstre. I. a discrédité la Différence L. la occidentale» Quand pour pose que «Logique le narcissisme de l'homme,elle se livreà une interprétation réductrice satisfaire et, de ce fait,fausse.D'une part,dansla mesureoù elle ne voitpas que la logiqueoccidentalea au contraireintégréle conceptde Différence (qui ordonneidéologiquementles rapportsde domination hommes/femmes), posantainsil'existenced'une où les femmessont des sexes,c'est-à-dire d'une hiérarchie irréductible différence différenciées évaluéesnégativement et, dans le mêmemouvement, par rapportau : en D'autrepart, ce qu'elle psychologise son investigationellepose l'exisréfèrent. tenced'un «homme»pourvud'une psychééternelleet hostileà tout ce qui lui en caractéristique un élémentfantasmatique descriptif échappe ; elle transforme à l'homme un confère désir de domielle un pouvoiroriginel premier explicative; Et ce surtout elle nation(aussi inconscient conçoive-t-elle désir). produitune anade la alors un étudie discours,une théorie. lysepsychologique «logique» qu'elle Le recoursà la psychologiepermetcertesde décriredans la singularité de certainscas, le destinde ce que Freudappellela «pulsionde savoir»: on peutalors rendrecomptede la façondontun individuparticulier, dansune dimension inscrit en se constitue connaissant. Dans cette historiquesingulière, sujet optiquerésoluon met donc en relationdes productions mentpsychologique, (théoriques,artisdu les avec l'histoire ce ne fait sujetqui tiques...) pas Luce Irigaray produit; que le discoursplatonicien sanspourautantréférer aux qui analysepsychologiquement élémentsanamnestiques dontFreudfaisaitusage. Luce Irigaraysembleainsi se situerentredeux typesd'analyse: psychologique, alors même qu'elle ne disposepas du matérielnécessaire; ontologique (puisqu'elleveutétudierla place de l'Hommeet non d'uncertainhommeX), mais elle opèrealorsune réductionpsychologique: elle prétendrendrecomptedu conen référence à un désirde l'homme.Orcetteréductenudes énoncésplatoniciens tionpsychologique est injustifiée, dansla mesureoù un discoursse constituedans une formation dont il est le produit.Tout discours- même socialeparticulière, des thémas'il est doté d'unehistoricité qui lui estpropre- agencenécessairement la sous-tendu société, est par des tiques épistémologiquesen cours dans 100 et répondà des impératifs institutionnels déterminants économiques.En ce sens, le sujetqui participeau Discours- l'auteur- est enveloppédansdes règlesextérieuresà sa psychologie.On peut certesdécrirepsychologiquement commentun auteurA ou B a trouvéà investir sa «pulsionde savoir»danstel domainede conréduirele contenudu discoursà cet invesnaissances,mais on ne peut prétendre tissement.14 en touterigueur, Que peut-onaffirmer, quantà la relationdes hommesaux discours? Io Que les hommessontles modalitésénonciatives du discours: ce privilégiées sonteux qui produisent dansleurgrandemajoritélesénoncés. 2° Que, placés dans une organisation sociale androcentrique, dominéepar Topdes les ont hommes des énoncés femmes, pression produit tronquéset truqués. Enoncésdontcertainssontphaho-centrés, maisnullement Cette phaüomorphiques. est essentielle: le discoursdeshommesn'estpas motivéparla formede distinction leursexe,maisobéità l'organisation patriarcale. établitentre«logiqueoccidentale»et «énonL'équivalenceque Luce Irigaray cés sexistesdes hommes»,l'interprétation des schepsychologique qu'elle fournit mes de pensée,l'entraînent à des conclusionspour le moinsabusivesen ce qui concerneles femmes. Nousy reviendrons. PourL. I., la falsification du «Logos occidental»reposesurune exclusionde F«irréductible et le corpsmaternel.Son sensible»,«empirie»: le sexe féminin, étudeexclusivedes discours,et son inscription dans le socleépistémologique de la la conduisent à ce est la psychanalyse, prendrepourl'origine qui conséquence,et à s'enfermer dansle piègenaturaliste. En effet, le typed'analysequ'elleélaborene lui permetpas de montrer le statutde la catégoriede sexe dans l'émergence de la occidentale. logique On peut révélerque les discoursfournis parl'Occidentontpriscommecentre naturelle d'ordination,dans certainsde leursénoncés,la notionde «différence des sexes», et que cette ordinationpermetla perpétuation d'un systèmesocial Maison ne peutpas prétendre consisteen uneoccultaoppressif. que l'oppression tionde la naturedes femmes: le recoursà la natureestau contraire fondamental socialedes femmesls. C'est secondairement pour justifieret masquerl'oppression que la naturede la femmeest d'une certainefaçonoccultée; toutse passecomme s'il fallaitconnoter l'existencenaturellede la femme,mais qu'il étaitimpossible de lui donnerun contenupositif:la femmenepeutêtredécriteque commele vide parrapportau pleinde l'homme. 14. Et ceci même lorsqu'on se réfère au discours d'un homme que la société juge «aliéné», c'est-à-dire«étrangerà la société». Le célèbrejuriste fou Schreber,qui a publié ses Mémoiresen 1903, a faitl'objet d'une analysepsychologiquede la part de Freud, qui a tentéde repérerles rapportsde l'individuSchreberà son discoursdélirant.Mais l'analyse de Freud - de son propreaveu - n'épuise pas le sens du discoursschreberien.Les thèmesabordéspar Schreber s'inscriventdans le discoursqui lui était contemporain: constitutiond'une problématiqueraciste, place de la «discipline» (telle que la décritMichel Foucault dans Surveilleret punir.Naissance de la Prison.Paris.Gallimard.1975. 318 d.. coll. Bibliothèaue des Histoiresi. 15. Cf. Colette Guillaumin, «Pratique du pouvoir et idée de nature» (Communication au séminaire franco-britannique SSRC/MSH sur Catégories de sexe et de classe/Economie relations in domestic group, Londres, oct. 1975) : «Les caractéristiquesphysiques de ceux qui sont appropriésphysiquementpassent pour être les causes ou les raisonsde la domination qu'ils subissent. Leurs caractéristiquesphysiques sont censées être pour eux (et pour eux seuls) la cause de leurscaractéristiquessociales,l'explicationdernièrede celles-ci.» 101 La categorìede sexe introduit dansles discours,par le biaisde la Différence, un masquagede l'existencesociale des femmes, une description tronquéede leur la Ainsi les d'oublier la loin constituent. discours, Différence, place. L'oppression se trouvedoublementdéterminée: par le naturalisme de l'investigation, et par du de Différence. Naturalisme et de renvoient Différence donc l'intégration concept aux sur façonparfaitement synchronisée processusoppressifs, qu'ils masquent le mode de l'évidenceet de la fatalité.Pénétronsprécisément dansl'«évidence».Une femmeest différente d'un homme: niercela relèvede la névrose, de la folie.PourCe n'est de l'«évidence» l'idée la tant, spécificitéde chaque pose question. pas sexe qui est problématique, mais le questionnement différentiel par où la femme ne peutse décrireque parl'«en moinsque l'homme»,et parsa «nature». Quandon des sexes»,on ne s'attachenullement à décrirel'hommeet parlede «Différence la femmedansleurspécificité on mais fait dire à de la femmela la nature génitale, dontl'existencepsychiqueet socialese raisonde l'oppression socialedes femmes, trouveainsientièrement prescrite parl'anatomiedeficiente. 2) La tactiquediscursive: le truquagedes énoncés. Luce Irigarayétablitde Platonà Freudun continuumfondésurl'existence surle «désir»de l'«homme».Cetteconstrucde la Logiqueoccidentale, c'est-à-dire tionpsychologisante et réductrice ne lui permetpas d'analyseravecrigueur la straà lui de mettre Tout au tégiepatriarcale. plus permet-elle plat quelquestactiques. Ainsi,en ce qui concernele discoursfreudien- où toutesles métaphores construites -, L. I. formuleun certain depuisl'Antiquitéont trouvéà s'articuler On de nombre critiques contrel'organisation patriarcale. peutlireparexempledans du psychiqueparl'anatomique(p. 12) ; Speculumune oppositionà la prescription de la fonctionséductricede la Loi (p. 39) ; une démystification une dénonciation des positionsde pèreet de mère(pp. 40-41) ; une miseen questionde l'assimilation du fonctionnement psychiqueactuel à des lois éternelles (p. 120). Cettedédonne à penserque L. I. postuleune oppressiondes femmesfondée construction sur une assise sociologique.Qui se concrétisedans Speculumpar le renvoià la théoriemarxiste: «... quelle infrastructure économiquecommandela conceptiondu rôlede la femmechez Freud ? Quitteà ce qu'il reprocheà celle-cison sociales,culturelles, manque d'aptitudes: sexuelles,psychologiques, etc. Misogyniequi peut s'entendrecommecaution idéologiqueaux de propriété en vigueur.» régimes {Speculum,pp. 150-151) De même,dansCe sexe qui nfenestpas un,Luce Irigaray exposela nécessitéd'une de : la interrogation psychanalyse politique «On n'a pas finid'énumérer les questionsque pourraitse poserla psysexuel,impartià la femme, chanalysequantau «destin»,en particulier destintrop souventmis au comptede l'anatomie,de la biologie,qui entreautreschoses,la fréquencetrèsélevée de la friexpliqueraient, giditéféminine. Maisles déterminations de ce destinvaudraient d'êtreinterhistoriques reconsidère les limitesmêmes rogées.Cela impliqueque la psychanalyse de son champthéoriqueet pratique,qu'elle s'imposele détourde 102 I'«interprétation» du fondculturelet de l'économie,notamment politique, qui l'ont, à son insu,marquée.Et qu'elle se demandes'il est de la sexualitéféminine tantqu'on possiblede débattre,régionalement, n'a pas établi quel futle statutde la femmedansl'économiegénérale de l'Occident.» («Retoursurla théoriepsychanalytique» , in : Ce sexequi n'enestpas un,p.62) Pourtantelle sembleoublierla plupartde ses critiquesaussitôtqu'elle les a formulées.Ceci tientà l'ambigui té de sonprojet: «... J'essaie,commeje l'ai déjà indiqué,de retraverser l'imaginaire commentil nous a réduitesau silence,au mumasculin,d'interpréter etje tente,à partirde là et en mêmetemps,de tisme,ou au mimétisme, un espacepossiblepourl'imaginaire féminin.» (re)trouver («Questions», in : Ce sexequi n'enestpas un, p. 159. Soulignéparmoi) Ce projetprenden effetcommeévidencesdes catégoriesqui auraientdû, dansles termesde Luce Irigaray,être soumisesà une interprétation politique: F«imaginaire»,le «masculin»,le «féminin».En secondlieu, il s'enfermedans la seule dimension de l'idéologique(réduiteici en plus à un «imaginaire») ; enfin,il annule de l'oppression la dimension essentialiste le par une recherche qui est précisément ressortmêmede l'oppression.C'est qu'il manqueà L. I. d'avoirdébattu,en pro«du statutde la femmedansl'économiegénéralede l'Occident». fondeur, Je vaisessayerde montrer commentl'ambiguïtéde sonprojetentraîneLuce à une analyserestrictive de notreoppression. Irigaray //.- LES "CONSEQUENCES" DU FEMME N EXISTE PAS PHALLOMORPHISME" : LA • L'hystérie: mimeet faire-semblant L'hommea donc constituéle «Logos» de façonà résoudrele problèmede - la mortpar son principe,laissantà la femmeles élémentsles plus inassumables la exemple(cf. Speculum,pp. 61-63). L'impassedans laquelle l'hommeenferme femmedépossèdecette dernièredu langage,de son sexe, la produisantcomme : hystérique «... ses pulsionssont,en quelque sorte,en vacance: noninvesties, vraid'une «psychose»,ni dansl'auto-érotisme, ment,dansla structuration ni dansl'édification d'unnarcissisme, ni dansle désir,l'amour,pourson l'avoir- fût-ce le détourde premierobjet,ni dansl'appropriation, - de sa sexualité,de son sexe, etc.Il par la sublimation ne lui resteque La psychose? névrose? hystérique. Surun suspens,dansun l'hystérie. ellefera«comme»on suspens,de l'économiede sespulsionsoriginaires, lui demande.«Commesi» elle faisaitce qu'on lui demandait.Maisun ni vraiment «comme»,«commesi», pour elle nonmaîtrisés, ludiques, mêmes'ilspeuventparfoisapparaître tels(...)» (Speculum,pp. 85-86) Luce Irigarayreprendà son comptela théoriefreudienne, et l'interroge de l'intérieur.Elle reconstruit le trajetpsychologique imposéà la petitefillepourdevenir 103 : la femmeserait-elle et cherchedes équivalencesconceptuelles-cliniques franine, ? ? comme produite psychotique mélancolique (Speculum,p. 78 sq.). Elle aboutit à l'hystérie, commeFreudet Lacan.Ce qui pose deuxquestions: Io N'est-ilpas abusifde proposerune catégoriepsycho-pathologique pourdéfinir : assujettissement de la filleà la ce qui s'avèreêtreun cursuspsycho-sociologique ne pouvoirdéfiniren termespsyféminité, que Freud reconnaîtponctuellement chanalytiques16? 2° Quel contenudonnerau conceptd'hystérie ? L.I. metla notionde «mime»au centrede ce concept.Certes,le symptômehystériqueapparaîtcommela copie - non conforme - de symptômes organiques, qui meten échecle pouvoirmédical de le est Freud courant dansce sens). (il questionner symptôme hystérique depuis Mais est-ceà direpour autantque la structure donc définirla (censée hystérique ? soit du «mime» se alors le «faire sous définirait comme femme) l'égide L'hystérie la femme à faire ce l'homme semblant»: elle consisterait attend,intégrapour que lement.Par exemple,l'analysteattend-ilde 1^ femmequ'elle éprouvel'enviedu : pénis,ellel'éprouvera estparticulière«Bien sûr,ne négligeons pas que la femme, hystérique, mentapte à la soumission, la suggestion, la fictionmême,en ce qui de l'autre.[...] Donc elle dira,et redira,sa concernele discours-désir de l'organemâle(...)» convoitise (Speculum,pp. 64-65) le trèstraditionnel Luce Irigarayintègre,dans cette interprétation de l'hystérie, de veut schémade l'influence, qui qu'un rapport pouvoirs'appuiesurl'aptitudedu la à dominé faiblesse,l'aptitudedu dominantà la force.Posé de cettefaçon,le conceptd'hystérie permetde faireuneéquivalencecomplèteentre: - la placeidéologiqueofferte aux femmes parles discours; - la femmeen tant que «sujet» inscritdans une existencepsychiquesociale. entièrement la femmepeut se définir Grâceau conceptd'hystérie, parle disla vide- se femme chose coursde Freud,par exemple; il suffitd'admettre que lui donne. du rôle l'homme remplit que CommentLuce Irigaraya-t-ellepu réduirela femmeà cet automate? La lecture des observations de Freud sur les «hystériques»célèbresElizabethvon R., von Dora... ne débouchepas surla conclusionque l'hystérie estle mime N., Emmy obéissantet soumisau désirde l'homme.Les femmes Freud nous que dépeintsont en révolte leur Dora contre état de femme. entre n'était-elle plutôt autres,en pas, ? Freud d'être son lui-même a été rage père objet d'échangepour obligé de le relever! «Lorsqu'elleétait exaspérée,l'idée s'imposaità elle qu'elle étaitlivrée à M. K... en rançonde la complaisance dontcelui-citémoignait vis-à-vis de sa proprefemmeet du pèrede Dora,et l'on pouvaitpressentir, derrièrela tendressede Dora pourson père,la raged'êtreainsitraitéepar lui.»17 16. Dans «Psychogénèse d'un cas d'homosexualité féminine»,Freud note : «Quant à ressence de ce que, au sens conventionnelou au sens biologique, on nomme «masculin» et «féminin»,la psychanalysene peut l'élucider ; elle reprendà son compte les deux concepts et les met à la base de ses travaux» (in Névroses,psychoses et perversions,Paris,PUF, 306 p., (Bibliothèque de Psychanalyse); pp. 245-270. 17. SigmundFreud, «Fragmentd'une analyse d'hystérie(Dora)», in Cinq psychanalyses Paris,PUF. 422 p. (Bibliothèque de Psychanalyse); p. 23. 104 ?... Comment Et n'a-t-elle manifeste pas abandonnéFreudà son incompréhension oublierqu'Anna O. est devenue,malgréle «lâchage»de Breuer,et ses multiples unemilitante féministe résolue? 1S souffrances, à la Loi Freuda certesdépeintle «destin»de la femme: son assujettissement patriarcale...mais il a été aussi obligéd'admettreque les femmesse révoltaient contrecetteLoi, ne pouvant,vraiment, «en avoirfiniavecleurcomplexede virilité et acceptersansrancœur ... touteslespossibilités concevablesde leurrôleféminin»19 ceci dans la mesureoù «en tantqu'ellessontles porteusesdes intérêts sexuelsde l'humanité»,les femmes«qui peuventsans doute se satisfaired'un nourrisson commesubstitut d'unenfantqui grand'objetsexuel,maisne peuventse satisfaire dit, les femmesdéçuespar le mariagetombentdans de sévèresnévrosesqui assombrissent touteleurvie.»20 ne poserait-elle L'hystérie pas le problèmede l'impasseactuellede 1'«identité sexuelle»? Les femmeshystériques, la littérature développelonguement psychamanifestent une à savoir leur sexe. Certes. Mais comment nalytique, impossibilité en êtreautrement pourrait-il quand«êtrefemme»équivautà «menerune existence ? de l'édificeet l'imposconfinée,dépendante» L'hystérierévèleles contradictions sibilitépour les femmesà êtrece que l'on attendqu'ellessoient! L'hystérie est entrel'assujettissement et la révolte. En revanche,la définitionqu'en donne L. I. paraît bien restrictive. Elle sembleêtrepermisepar l'insuffisance de son questionnement à la psychanalyse : Freuda-t-ilpurement et simplement enfermé la femmedansun discoursréducteur, ou bien a-t-ilrenducomptede son aliénationau patriarcat ? Où est le truquageet où est la description du fonctionnement ? Questionsqui deactuel psychologique vaientêtreau préalabled'une étude surFreud.Car ellesengagentla constitution d'unethéoriede l'oppression, sanslaquelleune étude surla femmeest réductrice. En fairel'économie,c'est courirle risquede redoublerimplicitement les schémas Dans de l'éclatement la réflexion les l'effritement, oppressifs. qui accompagnent un fil directeur est Ce L. I. semble démystifications idéologiques, indispensable. fil, à certains moments l'avoirperdu,entrefauteuilet divan. • Le créditfaità Freudsous le couvertde son discrédit AinsiL. I. répondà Freudsurle «moindresensde la justicedes femmes»que celui-cipose comme une caractéristique des femmes.Elle y répondcommes'il d'une évidence : s'agissait «Pouren revenir à la justice,au «sensde la justice»,on pourraitse demandercommentla femmey accéderait,vu son exclusionde la prasinonau titrede marchandise.» tiquedes échanges, (Speculum,p. 147) 1972). 18. Cf PhyllisChessler,Les femmeset la folie, Paris,Payot, 1975 (édition américaine: 19. SigmundFreud, «Analyse terminéeet analyseinterminable»,inAuswahl aus Freud's Schriften,Wien, Zurich. Psvchoanalvtischer Verlaß,oo. 403-427 : citationextraitede la o. 426. 20. Sigmund Freud, «La morale sexuelle civiliséeet la maladie nerveusedes temps modernes»,in La vie sexuelle,Paris,PUF (Bibl. de Psychanalyse),pp. 28-46 ;p. 39. 105 Or il auraitété plus L. I. acceptele faitavancépar Freud,et s'essayeà le justifier. et Freud sur le d'interroger conceptde justice,que sa expéditif plus pertinent théorien'a jamais développé,et de montrerque son assertionreposaitsurune La malveillance raillerie grossière misogyne. qui percedans lesproposde Freudest surle tissage,seuleinvention des femmes, censé la mêmequi impulseses réflexions un truquage constituent cacherleuramoindrissement anatomique! Ses remarques socialeen la posantcommeconséquenced'uneanomaqui invalideune réalisation lie anatomique(ce qui est une conceptionnormative sans grandintérêt).et, qui que plus est,commeunique(ce qui est faux: les femmesont créé des inventions ou qu'ilsontniéescommeinventions...). leshommesse sontappropriées, de façoncontradictoire. de considérerla psychanalyse convient-il Peut-être lui donneren regardde l'oppressiondes femmes? L. I. Quel statutpourrions-nous ne parvientpas à répondre.Parfoisses critiqueslaissentcroire manifestement qu'elle pose les assertionsde Freud commedes inventions (exemple: le désirdu intéMais à d'autres moments elle sembleadmettre les femmes). éprouvé par pénis D'où ses remarquespessimistessur gralementles hypothèsespsychanalytiques. l'hystérie. * Trois types d'approche,dont la distinctionest essentielle,me semblent possiblesdansla théoriefreudienne. Première approche à partird'unmatéLa psychanalyse traceune théoriegénéraledu psychisme rielcliniquemixte(hommes,femmes).Cettethéorie,qu'on peutposercomme«méétablitles lois du fonctionnement ta-psychologie», psychiqueet leurmodede structuration: dimensions de consciente,inconsciente, ; problématique préconsciente la pulsion; fonctiondu symptôme; structure du désir...Que notons-nous alors? Que l'appareilpsychiquen'a pas de sexe. Deuxièmeapproche La psychanalyse établitune théoriede la «culture». Freuddécritla structure le de l'ordreculturel,nouslivrantainsi et fonctionnement (patriarcale) (répressif) une sortede reconstitution de l'organisation de la société.Il symbolique patriarcale le domaine de la sexualité est celui sur la «culture» pose que lequel s'étaye,exide l'individu un de renoncement de la vie restriction geant (prohibition l'inceste, du Père. L'ordre Loi culturel à la et un la sexuelle) impose catégorie assujetissement du «Manque»,différenciant sexe masculin/sexe féminin.Il «châtre»la femmeet faitaccéderle phallusau rangde symbole(le symbolecommemeurtre de la chose). Cettedifférenciation-hiérarchisation assurele roulement de la structure patriarcale (par l'existenced'unecase videqui rendpossiblele jeu deséléments)etjustifieson fonctionnement une divisiondes tâches oppressif: elle soutientidéologiquement de la femmepar qui pose la femmeen dehorsdu circuitsocial,une appropriation l'homme. La psychanalyse, dontle matérielcliniquese constituedes positionssubjectivesdes individus, rendcomptedu cursuspsychologiqueque suit l'enfantpour Elle décritdes acquérirson identitéd'adultesexué,et soumisà la Loi patriarcale. 106 en différenciant filleet garçon,chacun devantse processusd'assujettissement, couler dans la place que le patriarcat,dis-je,l'anatomie,dit Freud,lui donne. débordesanscesse du cadred'un constatlimitéà uneorgaLa psychanalyse un dogmenaturaliste. nisationsocio-culturelle, Pourtant,à utiliser pourconstituer on parvient le caracà comprendre malgréellesles constructions psychanalytiques, tèreaiguque prendla démarchede différenciation sexuelledansla sociétépatriartrèsambiguëde cale. Ceci permetde rompreavec la notionpsychosociologique et d'évidence «rôle»,qui ne rendpas comptedu caractèrede violence,d'inéluctable le processusde l'identification sexuelle. que prendchezles individus nousmontredonc que la «différence des sexes» Malgréelle,la psychanalyse et prendresenspsychiquement ne peut s'instaurer la et violence, que par que son caractèred'inéluctablelui vientde son amalgameavec des problèmeshumains fondamentaux, par la confusionsignalante- identitésexuée.Les ressortset les im: méritent d'êtreapprofondis plicationsde cetteconfusion L'enfantestconfronté à la symbolique dès lorsqu'il estprisdans patriarcale les réseauxdu langage.Un certainnombrede constructions lui sont imaginaires et orimposées(théoriessexuellesinfantiles, Oedipe,castration)qui médiatisent donnentson approchede la réalitésexuelle.La notionde «Différence des sexes» tientune place centraledans ce défiléfantasmatique. Elle est imposéeà l'enfant comme: 10étantd'ordrenaturel; 2° appelantunehiérarchie ; 3° indispensable pouracquérirune identité. de forcedansle psychisme Elle est en quelquesorteintroduite de l'enfant, et lui faitconcevoirles sexesféminin et masculincommeradicalement opposés le sexeféminin comme«rienà voir»,le sexemasculincomme«toutà voir». L'enfant,dont la questionde l'identitésexuellene se pose pas de prime abord,réordonneaprès-couptoutesles expériencesde manquequ'il avaitfaites D'où la place centraleque tientau planpsyavant,sous le primatde la castration. cette introduction de la sexuelle.Car la psychéne peutétachologique différence blirun fonctionnement vivableque dansla mesureoù elle inclutla dimensionde estantil'objetséparédu corps,de l'Autreséparéde soi. Tout processusfusionnel de la constitution d'une le fonctionnement nomique singularité, parquoi psychique à contester cela. prendsens.Nulne songerait Mais la psychanalyse, dont les réflexionssont sous-tendues par un «socle commun aux sciences fait la de «Difsienne notion humaines, épistémologique» férence»dontle fondement estla hiérarchie. Parlà même,et dansla mesureoù elle ne peut dissocierle fonctionnement psychiquedu fonctionnement symboliquede - commele faitce mêmesystème la «culture»,elle est contrainted'amalgamer - séparation • pertede l'obsymbolique- le paradigme«Singularité indispensable - Primatdu phallus». jet» et le paradigme«Identité-Différence= Hiérarchie 11y a effectivement unfatum21de l'êtrehumain,dontla perte,le manque, la brisuresontles pointsprincipaux. Mais le roc de la mortn'a pas le mêmestatut 21. Quel mot trouveren françaispour dire le caractère inéluctable de la mort,destin tragiqueet fatal? 107 les amalgame-tque le roc de la castration.Pourquoila théoriepsychanalytique elle ? Sans douteparcequ'elle réfèreà ce que, fautede mieux,j'appelle^ordonnancement patriarcal»qui met en avantla dimensiondu sexe,maisen la posant simultanément commedimensioninterdite. Cet ordonnancement pose les hommes et les femmescommedifférents l'homme comme (c'est-à-dire «positif»,la femme comme«négatifdu positif»),et étendla dimensiondu sexe à l'universentier: le sexe est partout,maisles rapportssexuelsimpossibles. Ce qui coincideadmirablementavec l'impasseactuelledes rapportshomme-femme du que la psychanalyse, faitde sonobjet,ne peutmanquerde décrire. Dans le cadreactuel,se constituer une identitéc'estdoncacquérirune identité sexuée,c'est-à-direintégrer la différence, ou encorereconnaître la castration commemenacepourles garçons,commeréaliséepourles filles.L'effetde violence aux individusd'êtrepoussésà leur psychiquequ'exercece systèmedoit permettre place,et d'y êtremaintenus. A mon sens,la psychanalyse n'a pas inventéla structure patriarcaleet son incidencesurla subjectivité. Il semblebien que notresystème psychiquesoitici et maintenant ainsi.Le problèmeque pose plutôtla psychanaappelé à fonctionner en «conceptiondu monde»et qu'ellejuge lyse apparaîtquand elle se transforme inéluctablece qu'elle constate.Car, par ce jugement,elle distordle sensdu matérielparlantqu'ellerecueille.22 - bon an, mal an - nous enseigne, Si l'on résumece que la psychanalyse on peutdire: il n'y a pas de différence des sexesanatomiquequi soitpremière, ou de l'ordredu sensible.Il y a une anatomieque l'enfantsymboliseen fonctiondes - hiérarchie. schemesimaginaires qui lui sont imposés,schemesde la Différence Dans un systèmesymboliquenonpatriarcal, la dimension du sexeseraà «sa» des individusne se résumera place. La singularité pas à leuridentitésexuelle.D'ailleursla psychanalyse nous enseigneaussique dansle cadreactuella fusionsingusexuéen'estpas totale: dansles toutpremiers larité/identité tempsde la vie,l'enfantse constitueen sujet autonomeen dehorsde toute référenceà son sexe anatomique.23 Troisième approche Enfinle discourspsychanalytique un portrait fournit de la «femme» . La femme y est décritecommemarginale, Mais aussi inconnue,continentnoir,mystère. 22. Ainsi la psychanalysteEugénie Lemoine-Luccioni dans Partage des femmes (Paris, Seuil, 1976, coll. Le Champ freudien)élabore une constructionthéorico-cliniquequi part du constat d'un «état de crise» aujourd'hui,des «plaintesdes femmes».Elle note : «Aussi ne pouvais-je manquer au point présent d'une réflexiongui traversele champ freudien,de m'interroger,moi femme,sur le «que veut une femme»,même si je cours le risque de découvrirqu'elle veut justement disparaîtrecomme femme» (p. 10). Mais devant cette question capitale, elle refusede pousser jusqu'au bout la logique du «risgue» et refermevite la brèche en figeantle fonctionnementactuel dans l'Eternité: «Aucune revolutionsexuelle ne fera bouger ces lignes de partage,ni celle qui passe entrel'hommeet la femme,ni celle qui divisela femme»(p. 9), et en s'en tenant à l'incertitude: «... il est bien vrai que la femmese trouveprise dans des paradigmes et systèmesde représentationsvirils.Mais je n'en conclus pas qu'elle ne devraitpas y êtreprise.Je n'en sais rien». Luce Irigaray,au contraire,pose cette nécessité. 23. D.W. Winnicott,«Objets transitionnelset phénomènes transitionnels»,in Jeu et réalité, Paris, Gallimard, 1975 (Connaissance de l'Inconscient). Winnicott,qu'on ne peut suspecter de féminisme,a noté que la constitutionde 1'«espace transitionnel»se faisaitsuivant les mêmes lois chez garçons et filles : le choix de l'objet est indifférent; et les modalités de son apparitionsont fonctiondes rapportsde l'enfantavec son objet primordial- la mère,qui peut n'êtrepas biologique. 108 commeinférieure, irréductiblement, névrosée,dépassive,masochiste, narcissique, bile mentale,egoiste,acariâtre,castratrice... bref,puisquele primatphalliqueordonnetout,... châtrée.Cettedescription de «la femme»que Freuddéveloppedans ses articlessur la sexualité«féminine», est un grossier tissuoù se nouentdes élémentstirésde la théoriede la culture,des constatsissusde la pratiqueanalytique et des stéréotypes traditionnels. (érigésen lois normaleset normatives), misogynes Maiselle intègretrèspeu la théorisation dite proprement : d'où ses psychologique contradictions ses son de inexactitudes, flagrantes, manque rigueur. de la femmequi a été retenuede l'œuvre C'est pourtantcette description Et pourcause : ce portraitde femmeest intégralement freudienne. inscritdansle En de déchiffrer il la femme sous couvert différencie effet, et, systèmepatriarcal. son «mystère», sa «spécificité», il l'englobedansun discoursréducteur, naturaliste, . normatif etpéjoratif comme «femme» la définit qui uniquement Ainsicettethéoriefaitd'unepierredeux coups : ellejustifiel'oppression des femmes(qui se voyaitdénoncéeau débutdu XIXème)et l'asseoitde façoninéluctable ; elle occultece que parailleursla théoriepsychanalytique à savoir démontre, la n'est la femme être femme seulement rendu et elleest que pas marginal inférieur, aussil'individu) 'général * Luce Irigarayest victimede ce subterfuge idéologique.Elle occulteque la différence des sexes n'ordonnepas dans son entierl'ensemblede la théoriefreudans le portraitde femmeque Freuda peinten surimpresdienne,elle s'enferme sionsurune toilegénérale,elle prendcettetoilecraqueléepourune œuvred'artet conclut: la femmen'existepas : «La femme, commetelle,ne seraitpas. N'existerait pas,si ce n'estsurle modedu PAS ENCORE (de l'être).» (Speculum,p. 207) Ce constatd'inexistence (qu'elle nuanceun peu dansCe sexe qui n'en estpas un, maisen gardantles mânes prémisses, ce qui aboutitsensiblement aux mêmesconclusions: j'y reviendrai) non seulement sur l'«être» de la femme,maisaussi porte sursespossibilités de transgression. • L'invalidationdu féminisme La femme,êtrefalotdépossédédu langage,sembleà Luce Irigaray incapable de formuler : unecritiquerecevabledu patriarcat «Car si l'affranchissement sexuel est une revendication, notamment «féministe»,dont les termessont parfois,souvent,maladroitement posés, mal évalués, trop peu élaborés,donnantprise à la dérision - ironiefacilepour qui disposedu langageet n'a pas à en acquérir l'usagepour,ensuite,le subvertir (...)» (Speculum,p. 148) Cettecritique,qui insistesurl'insuffisance et la maladresse des discoursféministes, commeréférence normative l'homme(sa dérision, sonironie). prendexplicitement 109 selon idéepessimiste Elle sembles'étayersurune idée de l'oppressiondes femmes, Or assertion cette ne du femmes les langage s'exprimer. pour disposent pas laquelle est fausse.La femmea toujoursparlé et penséen mêmetempsque l'homme,de mêmequ'elle a participéà l'histoire.Mais elle a été excluedes discours,rayéedes archives.Ceci sous deux formes: soit il lui a été impossibled'occupercertaines a été tue,niée.24 effective places; soitsa participation Au furet à mesurequ'ellesaccèdentaux placesde modalitésénonciatives (ce cette cet les femmes mettent à car leur est enfouissement, diffìcile, barré), jour qui du maladroit de leurexistence.Telle est une des activités rature,cetteinvalidation féminisme... Luce Irigaraycomplètesa critiquedu féminisme par une réflexionsur les : le censées guider perspectives politiques de ses méde ce qui lui revient, l'inconscience, «Et, dans l'ignorance, éventuellede son rôledansl'éconorites,de sa valeur,de la spécificité mie des échanges,la femmene pourraqu'« envier»,et réclamer,des pouvoirségaux,ou «équivalents»,à ceux des hommes.Moment,sans où elle se représentera)commeassujettie, doute inéluctable, victime, du narcissisme reversde fortune, pénien,dans le seul but de s'emparer simde tels privilèges. sexuellesqui renverseraient Révolte,révolution un éternelretourdu plementles choses,et qui risquentde perpétuer même. Ainsi,Freud a-t-ilde quelque façon raisonde contesterles à ceciprèsque les raisonsqu'il invoquesontcontestables, «féministes», de l'importance de la question.» de sa méconnaissance et témoignent (Spéculum,p. 148) du phalloainsisans le savoirqu'à une perpétuation ne viseraient Les féministes les choses(que de luttes,de bataillessont centrisme; en renversant simplement de leurvaleurellesmèneraient condenséesdansce «simplement» !), inconscientes une luttecondamnable- par Freud,Luce Irigaray- du faitde leurméconnaisle primatdu Même. sanceconcernant L'antiféminisme qu'exprimeici Luce Irigaraysemble se soutenird'une théoriede l'aliénationdes femmes- qui invalideleurrecherche pour insuffisance le féminisme concernant de penséeet de langage; d'une opinion/préjugé (préjugé de libérationsexuelle ; or le féminisme et revendication qui assimileféminisme dénoncela répression sexuellecommel'un des domainesde l'oppression: il ne se : du phallocentrisme de la destruction résumepas à cela) ; et d'uneproblématique redonneraux femmes le primatdu Mêmeet rétablirla Différence, il fautdétruire leurvéritablevaleur.Tripleapprochequi pose Luce Irigarayhors du groupedes - inconscientes femmes- qui ne saventpas manierle langage-, loindes féministes de lutte-, prochede Freudmaisplusclairde leurvaleuret de leursperspectives voyanteque lui. • Théorieoppressiveou théoriede l oppression? ne fournit Luce Irigaray qu'unereconstipas tantune théoriede l'oppression offreaux femmes. Elle ne tutionde la place idéologique«femme»que le patriarcat 24. Par exemple, on est seulementen trainde découvrirmaintenantdes écritsde femmes féministesou de femmesrévolutionnaires: ces écrits n'étaientpas compris dans les archives, dans l'histoiretelle qu'on nous la narreà l'école. no nous décritpas ce que les femmes sont,carlesfemmesne sontpas l'objet«femme» du discoursmasculin: on ne peutconfondre«la femme»que décritl'idéologieet les femmesdansleurexistencesociale.L'imagede la femmeque tracele discours des femmes. ne rendpas comptede la réalitépsychique-sociale n'a-t-elle demander, Mais,pourrions-nous pas retracéla sériede violencesque : mêmesi attend? Nullement subitla fillepourdevenirla femmeque le patriarcat - de l'investissement l'on se place du strictpointde vue psychologique imaginaire des sujets,de leurspositionssubjectives -, on ne peutconcevoirl'assujettissement la commedéfinissant et sanscontradiction intégralement idéologiqueà la féminité de sans de celle des femmes. C'est doute la notion «division» à «psyché» qu'à plus l'aliénationdes femmes.25 «totalisation»qu'il fautfaireappel pour comprendre Le dangerdu discourspsychanalytique (et de sa praxis)estde donnerà croire la castration définit les résume leurexistencepsychique.Or le fantasfemmes, que me de la castrationestune violencefaiteaux femmes, qui tendà briserleuridentià comme tètre leur «femme= châtrée»pour le fication général», imposer signifiant se définir. à du l'envie elle n'est rien d'autre dansles Quant pénis, que l'expression, termesimposéspar la symboliquepatriarcale, du désirde la femmeà êtreautre choseque «la femme»(femme= châtrée).Cela ne signifie «êtrecommel'homme» la dans mesure où sociale confondle généralet que l'organisation androcentrique le masculin. La femmeestproduitecommedivisée,dédoubléesurle planpsychique: elle est à la foisla mêmeet l'autre.Pourcomprendre, décrirecettedivisionsansêtre victimedu psychologisme, il convientd'établirune connexion(pour le moment et non explicative: les hypothèses mécanistessontsi stériles)entre métaphorique les registres et psychologique sociologique. Considérons par exemplele statutde la femmedans les discoursthéoriques. On s'aperçoitque la catégorie«femme»introduit un forçagede la différence qui tendtrèsprécisément à exclureles femmesdu généraloù ellesétaientinséréesde fait.Tout se passecommes'il y avaitun truquagequi produitune mystification : celle de donnerà croireque les femmessontailleurs,de parleurnaturede femme ailleursque dans le langage,ailleursque dansla (ailleursque dans la civilisation, ailleurs dans la des sexes, pensée, sexualité...).Parl'accentmissurla différence que les discourssemblent les sont : «ailleurs» dans le d'une poserque femmes registre nature.26 Or les femmessont bien,d'une certainefaçon,plongéesdansun «ailleurs», maisdansun ailleursqui ne doit rienà la nature: ellessontintégrées dansle mode de production dont elles assurent la Et c'est patriarcal, reproduction.27 précisément en ceciqu'ellesne sontpas ailleursque dansla société,maisbiendansla société.Cefournies pendant,pour fairece constat,il fautsortirdescatégories analytiques par 25. Ceci est l'objet d'un travailen cours. La question se pose en effetde savoirquelle place le langagelaisse et donne actuellementà la catégoriede sexe, en quoi le processusd'identificationsexuelle peut s'instaurersur un mode contradictoire,si l'androcentrismedu langage permetune possibilitéde i eu. 26. Cf. Nicole Claude-Mathieu,«Homme-cultureet femme-nature?», L'Homme, XIII (3), juil.-sept. 1973, pp. 101-113 ;et «Paternitébiologique,maternitésociale... De l'avortement et de l'infanticidecomme signesnon reconnusdu caractèreculturelde la maternité»(Toronto, 1974), in : Andrée Michel (ed.), Femmes, sexisme et sociétés, Paris, PUF, 1977, pp. 39-48. 21. Cf. ChristineDupont, «L'ennemi principal», in Partisans,Libération des femmes, année zéro, Paris,(PetiteCollectionMaspero,n° 106), pp. 112-139. Ill la sociologieet l'économieclassiques28 ; ces deux disciplinesignoranten effetle la «totalité»de la sociétéqu'ellesthéorisent estune mode de productionpatriarcal, sontabsentes. totalitéoù les femmes Les femmesne sontdonc pas excluesde la réalitédu «général»social,mais désole discoursdominant. Cettereprésentation de la représentation qu'en fournit cialisel'existencedes femmesparle biaisd'un forçagede la notionde «femme»enDe ce fait,plus «la femme»existe, tièrement définiepar des critèresnaturalistes. leur moinslesfemmesexistent: plussontlimitéesleursactivités, plusestrestreinte sont leurs existenceà la seuledimensionfamiliale, corps,plus est plus appropriés La difficulté limitéeleur autonomieindividuelle corporelle.29 pour nous est d'afNotre différentielle. sanssombrer dansla mystification firmerla réalitédes femmes de l'exploitationspécidémarchedoit engloberdans le mêmetempsla révélation de leur existenceen tantqu'individus«généfique des femmes,et l'affirmation raux», dès à présent. La femmeest donc produitecommedédoublée: individusocial,elle accomdes tâches,elle a une existence; «femme»,elle mène une vie prétendue plit naturelle pourle comptede sa famille.Maisil ne s'agitpas de direque cettedivision dansla opposele concretet l'idéologique.Carla notionde «Femme»estimbriquée dans le cerclefamilial,et matérialitéde l'existence: les femmessont enfermées L'ordinationpatriarcalen'est pas seulementidéologique, travaillent gratuitement. elle n'est pas du simpledomainede la «valeur» ; elle constitueune oppression matérielle spécifique.Pourrévélerson existenceet mettreà plat ses rouages,il est de dénoncerle faitque l'idée de «femme»,c'est-à-dire nécessairede déstructurer à des finsoppressives. la catégoriede sexe a envahides territoires gigantesques c'est le signifiant «femme»qui doit résumer Au plan psychologique, pourla dans son système femmel'ensemblede son existence.Le forçagede ce signifiant aux schemesde la symbolipsychiqueest rendupossiblepar son assujettissement Cursusqui tendà annihiler l'individuau profitde la seulefemme. que patriarcale. en négatifde l'homme, Et dontle paradoxeestd'imposerà la femmeune définition : commel'«en L'«en trop» de femmene se définitque négativement réfèrent. de conde domination, moins»que l'homme.Il y a là une surenchère productrice et sourcede malaise(l'hystériquequi, dit-on,ne saitpas quel est son tradiction, les féministes sexe !) ou de révoltechezles femmes (les homosexuelles, qui refusent la possessionparl'homme). lescadresdu patriarcat, de remarquer, Les femmesne peuventmanquerde relever, que ce n'estpas C'estpourdes sexesqui ordonnele systèmepatriarcal. une «véritable»différence actuellementde promouvoirleur spécificité,d'établir quoi elles revendiquent resteprisonnière VRAIMENTla différence. Maiscettedémarche(protoféministe) du schémapatriarcal, puisqu'elleocculteque la femmen'estpas que la femme.Il est aussiabusifde définirla femmepar l'hommeque de postulersa radicaledifférenceaveclui. 28. Cf. ChristineDelphy, «Le classementdes femmesdans les études de stratification: une manœuvrepour masquer leur classe réelle» (Toronto, 1974), in : Femmes, sexisme et sociétés,op. cit., pp. 25-38. 29. Cest pourquoi toutes les femmes(quelle que soit leur classe sociale) subissentla mêmeoppression,avec bien sûr des variationsdans les modalités. 112 Les femmesexpérimentent toujoursà certainsmomentsde leurvie que la «féminité»est une mascarade.Ce vêtement qu'ellesdoiventendosserse mue souD'où les «plaintesdes femmes»,leur«insatisventen une carapaceinsupportable. Commentne pas évoquer1'«Amour»,censérégir faction»,leursrécriminations»... la totalitéde leurexistence: n'est-cepas pourl'amourd'unhommequ'ellesdoivent devenirépousessoumises,désirables,dévouées,et mèresde familleoblatives? Ce «Amour»qu'elles ont associé à celui de «femme»,et dans lequel elles signifiant tendentà se perdre.Quête d'un absolu, d'un impossible.Epure de l'aliénation qu'ellespoussentparfois jusqu'au sublime, jusqu'à la folie.30 La femmea doncuneexistencepsychiquesoumiseaux loisgénérales du fonctionnement Elle elle elle elle désire. Mais son rêve, assujetpsychique. parle, pense, au signifiant la confronte à la symbolique «femme» tissement , l'induisant patriarcale à se sentirtoujours,quelqueparten elle,indigne.Indignede parler,de penser,de rêver,de désirer...en dehorsdu lieu où son existenceest nécessaire: lieu familial, n'estpas topiqueamoureuse...Et ce qu'elle a pu élaborerdanscet espacerestreint rien.Nous ne pouvonsni le nier,ni le réifîer commerelevantde l'éternelle«féminité». Dire que la femmen'existepas, c'est donc produireun constatfalsifiéde la réalitépsychologique et sociologiquede la femme.Car avoirune existenceexploila soufnullement ne pas être.Subirune divisionqui engendre tée,cela ne signifie en aucunefaçonne pas être. cela ne signifie francepsychique, La femmeexistetrop en tantque signifiant. La femmeexistetropen tant Le le qu'individuexploité,assujetti. «pas assez», «pas encore»se situentnon pas du côté de l'«être» de la femme,maissurle versantde l'autonomiematérielle et des Ce de femmes. ne se construire dans une psychique qui peut problématique la de l'ineffable. Différence. Ni dansuneprospective • Unepriseen comptede la contradiction? Luce Irigaray, dans Ce sexe qui n'en estpas un, pose à plusieursreprisesla de si savoir la femmese réduità cettefonctionde mime(d'inexistente) question être la sienne. : elleengageunethéorie Cettequestionestimportante qu'ellepostule de l'oppression.L. I. proposedans sondeuxièmeouvragedes énoncésqui semblent moins sommairesque ceux assénésdans Speculum,et paraissentintroduire une : dans un de contradictoire. N'écrit-elle ses articles analyse pas «... si les femmesmimentsi bien,c'estqu'ellesne se résorbent pas simplementdans cette fonction.Elles restentaussi ailleurs: autreinsistancede «matière», maisausside «jouissance».» subordination du féminin», («Pouvoirdu discours, in : Ce sexequi n'enestpas un,p. 74) De même,ellepose l'ambigui : té de l'hystérie «Mais cette «pathologie»est ambiguë,parcequ'elle signifie aussibien la réserved'autrechose.Autrement dit,il y a toujours,dansl'hystérie, à la foisunepuissanceen réserve et unepuissanceparalysée.» («Question»,in : Ce sexequi n'enestpas un,p. 136) 30. Le sublime de MargueriteDuras dépeignantla quête impossiblede l'absolu Amour (Le ravissementde Loi V. Stein, Gallimard,1964 , rééd. 1976, coll. Folio, n° 810) ; la folie d'Emma Santos (J'ai tué Emma S, Ed. Des Femmes, 1976) ; celle de JeanneChampion(Le cri, Paris,Juilliard). 113 demeure,qui tientau naturalisme Cependant,la mêmeambiguïtéfondamentale En L. de effet, sous-jacent l'investigation quand I. pose la questionde l'existence actuelledesfemmes, elley répondparun appelaux essences: «... si les femmespeuventjouer de la mimesis, c'estqu'ellespeuventen le fonctionnement. réalimenter Qu'ellesen ont toujoursnourrile fonc? Le «premier»enjeude la mimesisn'est-ilpas de re-protionnement ? Garduire(de) la nature? De lui donnerformepour se l'approprier diennesde la «nature»,les femmesne sont-ellespas ceñes qui entretiennent, donc, la ressourcede la mimesispourles qui permettent hommes? Pourle logos?» du féminin» subordination («Pouvoirdu discours, in : Ce sexequi n'enestpas un,p. 74) L'appel aux essenceset à la natureconstitueun «pointaveugle»à partirduquella boucleoppressive va se refermer surLuce Irigaray. Traitantl'existenceactuellede la femmecommeun pur néant,elle va chercherun «avanttoute déformation», c'est-à-dire uneessenceféminine. L'absencede théoriede l'oppression, la croyanceen l'inéluctable et l'irréductiblede la Différence de la notion l'inflation sexuelle,la réductionpsychologique, de «femme»qu'on trouvedansl'investigation de Luce Irigaray, ne peuventque débouchersur cette rechercheessentialiste. Dans le vide laissé par le constatde de la femme,L. I. va édifierune conception«nouvelle»de la femme. l'inexistence sans Conception surprise, puisqu'ellene peut que projeterdansl'inconnule trop connude l'idéologiemisogyne. ///.- LA NOUVELLE NEE : L'ETERNELLE FEMININE. Luce Irigaraypostule que la femmen'existepas encore.Contrairement à a ou moins le résolu de la femme l'homme,qui plus problème son principe, la formede son désir,méconnaîtrait la densitéde sa différence. L. I. inignorerait la femme dans sa «spécificité», c'est-à-dire danssoncorps. terroge • L'obscurité,l'ineffable, la syntaxeféminine Luce Irigarays'essayeà décrirela tentativede sortiede la femmehorsdu «Logos masculin».Cettepercéedans le royaumedes Idées ne peut qu'êtreabstraiteet obscure,limitéeà desjeux de mots: «Percée,aveugle,de la chambreferméedu philosophe,de la matrice où il s'estcloîtrépourclairement le tout.Echapconsidérer spéculative pée de l'«âme» horsd'elle qui pratiqueune antr'ouverture par où elle se pourra(re)pénétrer. Effraction de sa paroiclôturante, transgression de la/sa distinction entrededans/dehors. Ex-stasesdanslesquellesbientôt elle risquede se perdre,ou du moinsde voirs'évanouir l'assurance de son identitéà elle (comme) même.Sans doutecela ne se ferapas d'un coup, emprisequ'elle est déjà dansdesreprésentations et envelopet chaînesdiversesqui la pementsmultiples,dans des configurations 114 de ce reconduisent partieaprèspartieà son unité.A la ressemblance » danssa forme,ou substance, propre. qu 'elleseraitidéalement (Speculum,pp. 239-240 ; soulignéparmoi) Les ex-staseset les antr'ouvertures de nous plongerdansune rêverie risqueraient à ce qui donnetout particulièrement enveloppée...si nousne prêtionspas attention sonsensà cettephrase: la «forme»,la «substance»«propre»de la femme. à décrire,la poétiquede l'enveloppement L'impossibilité qui sourddansle textejouentde façoncontradictoire. Pourune part,ellessemblentrendrecompte des difficultés la femmedanssa transgression. Mais,de l'autre,elles que rencontre aboutissentà une pétrification où aucunelutten'estexprimable. L'échappéehors du royaumedes Idéesesttoutentièreplongéedansl'ineffable : «Ce qui est attendun'estni un ceci, ni un cela, pas mêmeun ici non Mieuxvautdonc plusqu'un là. Sansêtre,nitemps,ni lieux,désignable. se refuser à toutdiscours, se taireou s'entenirà quelqueclameursi peu articuléequ'à peine elle formeun chant.Tendantaussi l'oreillevers toutfrémissement un retour.» annonçant (Speculum,p. 241) Ineffablede la «syntaxeféminine»: la femmepourraiten effetdisposerd'une avec son sexe, que L. I. auraitcommencéà dévesyntaxepropre,isomorphique dans son Speculum. lopper Ce qui ne laissepas d'êtregênant,c'estque la revendication de l'ineffable s'ac- pour qui en parle- de quelquechosecommed'une compagnenécessairement «entourloupette théorique»: «Prétendre que le fémininpuissese dire sous la formed'un concept, c'est se laisserreprendre dans un systèmede représentations «masculin», où les femmesse piègentdansune économiedu sens,qui sertà l'auto-affection du sujet(masculin).S'il s'agitbien de mettreen cause la «féminité», il ne s'agitpas pourautantd'élaborerun autre«concept» - à moinspourune femmede renoncer à sonsexeet de vouloirparler commeleshommes.» («Questions»,in : Ce sexequi n'enestpas un,p. 122) Le refusdu termede conceptappliquéau féminin... qu'est-ild'autrequ'un travail ?... et comment se formuler hors du conceptlui-même ?31 conceptuel pourrait-il sexe... avec son en c'est effet comme statue la femme est Isomorphisme que le mieuxdescriptible. Statuemuettesoumiseà nos regards, statue-momie donton développelesbandelettes, corpsjaugédanssa «spécificité»... • La femmeincomplète Luce Irigarayn'estpas, poursa part,pétrifiée Et le lieud'où par l'ineffable. ellenousdécritla femmen'estpas «neutre»: «Or la femmen'estni ferméeni ouverte.Indéfinie, la infinie, in-finie, maispas plusuneunité: formene s'y achèvepas. Elle n'estpas infinie, nombred'une série,nom propre,objet unique(d'un) lettre,chiffre, monde sensible,idéalité simple d'un tout intelligible, entité d'un 31. De plus, on pourrait s'interrogersur la portée politique de la reprisede certains themesphilosophiquescomme la «perte du sens», la «polysémie», le rejetdu termede concept, à la mode dans certainscerclesintellectuelsactuels,pour définirle «féminin». 115 de sa forme,de sa morphologie, etc. Cette incomplétude fondement, lui permetà chaque instantde devenirautrechose,ce qui n'est pas rien.» direqu'ellesoitjamaisunivoquement (Speculum,p. 284) Ce que L. I. dit de notrecorpsréfèreà quelle normepourposernotreformedans ? Quel «devenir»estcenséêtreprescrit le versantde Fincomplétude parcette«in? entre la notion de «forme» et celle de qu'elle opère complétude» L'assimilation de Ce notre dans le domaine l'informel. sexe la conduit à qui n'est poser «phallus» à «rien de le comme voir». poser pas plusjusteque • La femmeéternelleinassouvie le sexe de la femmecommeune pluralité,dontla Luce Irigarayinterprète : sexe clos surlui-même du faitde ses seraiten quelque sortevirginale spécificité la formedu deux lèvresqui se touchent.De ce dispositif anatomique,dépendrait : auto-érotique plaisirde la femme, principalement et en elle-même sansla néces«La femme,elle,se touched'elle-même sité d'unemédiation,et avanttout départagepossibleentreactivitéet passivité.La femme«se touche» tout le temps,sans que l'on puisse car son sexe est faitde deux lèvresqui s'emd'ailleursle lui interdire, continûment.» brassent (Ce sexequi n'enestpas un (pp. 21-32du livre),p. 24) de l'anatomiequi certestendà s'opposerà la L. I. fournitici une interprétation mais au du conception sexe-trou, prix d'une généralisation pourle moinssurpre: de ne nous nante.Surprenante une métaphore prête-t-elle capacitéintrinsèque pas n'est avait sans la Freud (qui jouissanceininterrompue pas rappeler conceptionque du des filles,«perverses polymorphes»)? De plus, elle prescritle plaisirféminin sexe anatomique,ce qui ne peut qu'aboutirà des spéculationssans fin : si l'on de conçoitle sexe de la femmecommeun trou,on postuleraque le remplissement sa béancelui donneson plaisir...,si l'on définitson sexe commeunefleurfermée, on poseraque la clôturede sespétaleslui donnesonplaisir... Pour Luce Irigarayla morphologieprescritle plaisir.Mais aussi le désir: «Le désirde la femmene parleraitpas la mêmelangueque celui de l'homme,et il auraitété recouvert par la logiquequi dominel'Occidentdepuisles Grecs.» (Ce sexequi n 'enestpas un,p. 25) à saisir.Cependant, Les notionsde «plaisir»,«désir»,sontdifficiles du strictpoint de vue freudien, l'expériencedu désirne réfèrepas à la catégoriede sexe.De plus, le désirn'a pas une existenceautonome.Il naît dans un rapportde pouvoiroù l'enfantest dans l'impossibilité absolue de satisfaire ses besoinsvitaux.Puis il est sans cesse canalisédans des schemesqui lui prescrivent sa formeet sa matière. Commentpourrait-on postulerl'existenced'un désiren dehorsdes cadressociaux, c'est-à-dire sans tomberdans le naturalisme, dans l'oppressionactuelle? Il faut dénoncerles schemesoppressifs qui canalisentle désirversdes voiesde garage,et des rapportsqui ne soientpas «maître-esclave». Mais bien se garder promouvoir d'allerchercher la «langue»du désirféminin... seraitsanssurprises. carla recherche Hélas. 116 • L'éternelleidiote Luce Irigaraypoursuitsa construction, l'existenceintellectuelle prescrivant Cetteprescription et sociale de la femmede sa «morphologie». ne peutmanquer I. on L. avait Freud se souvient chez la prescription d'étonner, quand que critiqué du psychiquepar l'anatomique.Certes,elle privilégie sa pour partle conceptde sur celui semblant référer vouloir à quelque chose qui d'anatomie, morphologie ? En dépitde cettedistinction, seraitplus empirique, moinsconstruit sa démarche reste fondamentalement naturalisteet complètement influencéepar l'idéologie Car on ne peutpas décrirela morphologie commesi ellese présentait à patriarcale. la perception,sans médiationsidéologiques.Le positivismede la construction se doubleicid'un empirisme irigarayenne flagrant. Et ce qui en découlepour nous est terriblement négatif.L. I. nous enferme dans le linceulde notresexe, nous réduità l'étatde femmes-enfants : illogiques, : est ainsi le femme : folles,habilleuses, fantasques... « «Elle» est indéfiniment autreen elle-même. De là vientsansdoute Sans aller qu'on la ditfantasque, agitée,capricieuse... incompréhensible, jusqu'à évoquer son langage,où «elle» part dans tous les sens sans un qu'«il» y repèrela cohérenced'aucunsens.Parolescontradictoires, peu follespour la logiquede la raison,inaudiblespour qui les écoute avec des grillestoutesfaites,un code déjà toutprépaie.C'estque dans ses diresaussi- du moinsquandellel'ose - la femmese re-touche tout le temps. Elle s'écarte à peine d'elle-mêmed'un babillage,d'une d'une demi-confidence, d'unephraselaisséeen suspens...» exclamation, (Ce sexequi n'enestpas un,p. 28) Choc. Tout le mode d'existenceque l'idéologieimputeaux femmescommerelevantde l'Eternelféminin, et que L. I. semblaitavoirun momentposé commele résultatde l'oppression,est désormaisl'essence,l'être de la femme.Tout ce qu'«est» la femmelui vienten dernièreinstancede son sexe anatomique,qui se touchetoutle temps.Pauvrefemme... Mais devantune telle densitéd'inexistence, Luce Irigarayne peut que détournerson regardde nous, et adressersa prospectiveà ceux qui parlent,les hommes: «Inutiledonc de piégerles femmesdans la définition exacte de ce qu'ellesveulentdire,de les faire(se) répéter pourque ce soitplusclair, ellessontdéjà ailleursque danscettemachinerie où vousprédiscursive tendriezles surprendre. Elles sontretournées en elles-mêmes. Ce qu'il ne fautpas entendrede la mêmefaçonqu'en vous-même. Elles n'ont pas l'intériorité que vous avez, que vous leur supposezpeut-être.En cela veutdiredans l'intimité de ce tact silencieux,mulelles-mêmes, tiple,diffus.Et si vous leur demandezavec insistanceà quoi elles pensent,ellesne peuventque répondre: à rien.A tout.» (Ce sexequi n'enestpas un,pp. 28-29) Mystèrede notreabsence.De notrerien.De notresilence.Mais alors,qui nous parle? 117 Ce que j'appellemétaphoriquement le «bouclagepatriarcal»est un montage du féminisme. Donc aprèsla reconidéologiquequi intervient aprèsl'émergence naissanced'une oppressiondes femmespar le systèmesocial.Il consisteà invalider cettedécouverte, à canaliserles recherches des femmesdansune optiquequi perdu patriarcat. mettele masquageet la perpétuation L'invalidation qu'il opère s'effectuesuivantplusieursétapes. Le «plan stran'est Parfois,la prétégique»patriarcal pas toujoursappliquédans son intégralité. Le travail sentationd'un seul de ses élémentssuffîtà bloquertouteinvestigation. de Luce Irigarayest à cet égardintéressant, de car il a nécessitéle déclenchement de et révèle ainsi nous les du Génie plusieursopérations minage, tactiques patriarcal si adéquatpourtantà l'objet !). J'enrends (qu'on excusece vocabulairemilitaire, et nonchronologique. comptesousune formestructurale, Il s'agitd'unmontage,d'unereconstitution de ce que me semble schématique êtrel'idéologiepatriarcale. Mon objectifest de décrirela récupération que faitle Patriarcat des postulatssubversifs J'aichoisid'opposer avancéspar les féministes. : cettedivisionmécaniqueest certesune séparation des personnagesimaginaires de deux instances arbitraire quijouentdansle mêmediscours(la démarchede Luce Irigaraym'a ici servide modèle),mais elle a le méritede décrireune dynamique sous uneformeconcrète,de montrer commentnosquestionnements subversifs sont minéspardes renversements patriarcaux. : J'utiliserai des initiales ces personnages pourdésigner F = femmeproduisant un discourscontrele patriarcat. P = Ordonnancement patriarcal. I a) Premièredénonciationde F : «La femmeest l'objet d'une oppressionmultiple. Elle estdécritede façonnégative, extrêmement misogyne, parle discoursdominant. Elle estpsychologiquement l'homme.» assujettieà un schémafaitpar/pour de P : il consisteen une confusionintroduite entred'une b) Premierrenversement partles niveauxdu discours,de la théoriesur «la femme»,et d'autrepartceluide l'existencedes femmes.L'oppressionestpousséejusqu'à la caricature parceque «la femme»,nécessairement objet du discoursde l'homme,est confondueavec les femmes.Le discoursque tientl'hommesurla femmedomineceux que les femmes ou ce que les femmessontdans leurexistence. peuventtenirsur leuroppression, H estréduiteà n'être a) Nouvellequestionde F : «La femme, objetd'uneoppression, rien.Maispourquoicetteméconnaissance de la femme?» 118 de P : il imposecommeschémacausal de cetteméconb) Nouveaurenversement naissancel'idée de 1'«Homme»commeessence,entitébiologique.Schémacausal : tautologique - I'«homme»est dominantparcequ'il est «homme»(«homme»= «viril»,ce qui luipermetde s'imposer parla force); - 1'«homme»est dominantparcequ'il n'estpas femme(incapabled'engendrer, il son désir ce contredit la femme lui a donné naissance, archaïque qui qui jalouse d'auto-création). III ?» de F : «Maiscommentl'hommedomine-t-il a) Insistance de P : il avanceunecartetruquée,le bluffdu «Même»: b) Troisièmerenversement le mondeà son image «L'hommedominegrâceau primatdu Même,il construit F P comme même à cette carte donc (le que lui).» suggère truquéede prendre par Même de la : si le le libératrice différence sexuelle opprimela hypothèse postulat «la la libérera. son femme, opposé, différence», IV a) Hypothèsede F : «La femmeest assujettieà un schémaqui ne lui correspond pas, qui la réduità n'êtreriendans la mesureoù tout est centrésurl'hommeet le Même.»F, piégéedansle jeu du Mane, reprendà soncomptel'hypothèse suggérée du Même,et tâchonsde promouvoir la différence des sexes. par P : libérons-nous On ne connaîtpas la véritabledifférence de des sexes,ce qui entraînel'inexistence la femmedonton ignorela forme. et amalb) P étendce «constat»à toutesles sphèresde l'existencedes femmes, vie Les confondues avec la sociale... femmes, femme, gamepsychologie, idéologie, sontposéescommen'existant pas. V a) Conclusionde F : «La femmen'existepas, il ne lui est pas encorepossible d'exister.» sérieuxcar le «encore»lui est dangereux: il b) P doit se livrerà un enfermement lutte des femmes solidairescontrel'oppression. une Aussi,pour pourraitimpulser F des féministes ont mouvements d'une démontré l'existence qui séparer oppresdestinéesà donnerà F une imagesimpliste sion,P emploiedes notions-repoussoir : créationd'unstéréotype et caricaturale du féminisme à valeurpéjorative. VI de F contrecellesdontelle se rapprochait : les féministes se trompent, Jugement elles doiventnécessairement se tromper,elles veulenten faitperpétuer le phallo 119 ellessontsexistespuisqu'ellesveulentse contenter l'ordredes d'inverser centrisme, choses. VII de poursuivre son interrogation : «La femmen'existepas a) F ne peuts'empêcher maisalorsqu'est-elledansson être?» actuellement, dansl'inconnu,de b) P imposele mécanismedes mythes: projectiondansle futur, ce qui est au départ,c'est-à-dire de ce qui nous est donnéà entendre et à voirpar l'idéologie. VIII a) F construitune prospectivede la femme: «La femmesera ce qu'est sa différence.» en suggérant «si les femmes n'existent b) P parfaitson œuvredestructrice pas,cette . ne peutleurêtredestinés» prospective IX F nousenferme dansun linceul: «Si vousleurdemandezavecinsistance à quoi elles A elles vous : rien. à tout.» pensent, répondront 120 EDITIONS TIERCE - 75005 PARIS 1, rue des Fossés Saint-Jacques Tiercesontuneproposition Initiative de femmes, leséditions d'édition différente. de publiertexteset revuesdansunestructure Possibilité où pourdes femmes nousayonsla facultéde maîtriser nous-mêmes touteslesétapesde la production et circuler d'unécrit: fabrication, vente... Possibilité de faireconnaître diffusion, lestextesproduits etla réflexion de groupes defemmes ; pratique, parla pratique avenir desfemmes, maispeut-être aussid'autres passé,histoire, quiinterrogent, qui tantenFrancequ'à l'étranger. s'interrogent, Nos projets: des revues, un agenda; et la diffusion de revues, desbrochures... brochures... journaux, Revuetrimestrielle 4 numéros paran Imprimée parCopédith 7, ruedesArdennes 75019PARIS Dépôtlégal 4e trimestre 1977 ABONNEMENTS - unan France " unm étranSer - unan soutien 80 francs 10° francs 150 francs à adresser auxÉditions Tierce 1, ruedesFossésSaint-Jacques 75005PARIS ou CCP Chèquebancaire AGENDA-JOURNAL TEMPS DE FEMME 1978 «Temps de Femme» 1978 est un agenda pratiquequi laisse la place à la fantaisie.Il est conçu de façon artisanalepar des femmes, en deux temps : Tun, le semainier,concernela vie civile,la vie sociale ; l'autre, le journal, permet de noter ses pensées, de gribouiller,de dessiner.Chaque semaine est prétexte d'un thème aux différentes absurdes,historiques. approches: légendaires, «Temps de Femme» s'adresse à toutes celles qui diviséespar le temps des autres, clandestinent,truquent,maquillent,patchworkent les minutes,les heures,les semaines,les mois.C'est une possibilitépour nous toutesde garderdes tracesd'existence,horsd'atteintedu vacarme de la loi qui nous est faite. (Format 12 x 16, en venteà partirdu 15 novembre) - 75005 PARIS EditionsTIERCE, 1, ruedes Fossés Saint-Jacques LES CAHIERS Q ^1^^ DUGRIF cLCXt?S Vientde Paraître: N° 17/18- Mères-femmes A paraître N° 19 - La ville N° 20 - Homosexualité Rue du Musée, 14 1000- BRUXELLES Tél. : (19-32-2) 513 46 92 lejeudide 9 h à 18 h Permanence N° 16 - Novembre1977 Les FEMMES dans leur rapportau DROIT et à la JUSTICE Une parole,longtempscensurée, éclateen désordre.Elle est subversive. Cahiers d'action trimestriels juridique 1, ruedesFossésSaint-Jacques 75005 PARIS PHOTOS : page 20 Harlingue-VioUet- page 89 Roger-Viollet aux auteurs réservés Copyright sommaire Variationssurdes thèmescommuns.... 3 Christine Delphy Nos amiset nous. Les fondements cachés de quelques 21 discourspseudo-féministes féminité Nicole-ClaudeMathieu Masculinité/ JalnaHanmer Violenceet contrôlesocial des femmes. . MoniquePlaza 51 69 Pouvoir «phallomorphique»et psycho91 logiede «la Femme» SOMMAIRE DU N° 2 (Parutionfinfévrier1978) • Pratiquedu pouvoiret idée de nature. » La SainteVirilité. • Productionet patriarcaten Tunisie. • Antagonismeentre les sexes dans le Herefordshire(traduit de Tangíais).