LE RENOUVEAU DU THEATRE 1. JEAN GIRAUDOUX (1882/ 1944
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LE RENOUVEAU DU THEATRE 1. JEAN GIRAUDOUX (1882/ 1944
LE RENOUVEAU DU THEATRE 1. JEAN GIRAUDOUX (1882/ 1944) Il fut le plus grand dramaturge de sa génération, celle de l’entre deux-guerres ; après avoir été un romancier fin et reconnu, Adorable Clio (1920), Suzanne et le Pacifique (1921), ce qui lui permis de rencontrer le très grand auteur et metteur en scène Louis Jouvet – qui l’incite à tirer une pièce de théâtre de son Siegfried et le Limousin (1922) – il trouvera son génie dans la dramaturgie. Par son goût pour les mythologies antiques et par la distance qu’il instaure par rapport aux contingences du réel et de l’histoire, Giraudoux donne aux thèmes antiques, donc intemporels, une résonance totalement moderne. Sa collaboration avec son ami Louis Jouvet, qui désormais mettra en scène toutes ses pièces (y compris après sa mort), permettra de faire ressortir une langue classique, élégante, mais sans emphase. 1928 : Siegfried 1929 : Amphitryon 38 1931 : Judith 1933 : Intermezzo 1934 : Tessa 1935 : La Guerre de Troie n’aura pas lieu 1937 : Electre 1937 : L’Impromptu de Paris 1939 : Ondine 1942 : L’Apollon de Bellac 1943 : Sodome et Gomorrhe 1945 : La Folle de Chaillot (posthume) 1953 : Pour Lucrèce (posthume) 2. JEAN ANOUILH (1910-1987) D’origine modeste, c’est le Siegfried de Giraudoux crée par Jouvet (1928) qui lui révéla sa vocation : il lui apprit « qu’on pouvait avoir au théâtre une langue poétique et artificielle qui demeure plus vrai que la conversation sténographique ». A partir de son premier succès l’Hermine (1932), il pourra alors vivre exclusivement de son théâtre. Il range lui-même ses pièces en cinq catégories : Pièces Roses : Le Bal des Voleurs (1938), Léocadia (1939) Pièces Noires : Le Voyageur sans bagages (1937), Le Sauvage (1938), Eurydice (1942) Nouvelles Pièces Noires : Antigone (1944), Jézabel (194), Roméo et Juliette (1946), Médée (1953) Pièces Brillantes : L’Invitation au Château (1947), Ornifle (1955), L’Huluberlu ou le Réactionnaire amoureux (1959) Pièces Costumées : L’Alouette (1853), Becket ou l’Honneur de Dieu (1959) Son œuvre, abondante et inégale est marquée par un pessimisme grandissant. Le monde semble voué à briser la pureté et l’innocence. Anouilh voit l’existence comme une dégradation, où même la révolte (Antigone, 1942) finit par paraître dérisoire. 3. LE NOUVEAU THEATRE A l’instar du roman, l’après guerre vit éclore un Nouveau Théâtre. Si quelques individus comme Roger Vitrac ou Boris Vian avaient déjà pris plaisir à bouleverser la bienséance théâtrale, se faisant l’écho du dadaïsme et d’Alfred Jarry, à partir des années 50 ces tentatives isolées deviennent plus systématiques et plus réfléchies. Il y a une tentative d’en finir avec tous les codes usuels du théâtre classique (temps, lieu, action, caractère, langage) afin de stupéfier les spectateurs. Le plus grand théoricien de ce type de théâtre fut Antonin Artaud (1896-1948), auteur du Théâtre et son doble. De ce Nouveau Théâtre, on peut retenir quelques constantes. Abandon de tout didactisme : Le nouveau théâtre, contrairement à Sartre refuse thèses et propagandes. Il vise à être un « anti-théâtre » sans message, sans motivation psychologique d’où un langage décousu et un décor insituable dans l’espace et le temps. Emergence de paroles conflictuelles : Echoué dans un monde absurde et imprévisible la seule façon d’exister des personnages, qui n’ont rien à dire, et de se poser en s’opposant à travers un dialogue qui devient conflit, par exemple sous la forme de débats domestiques ineptes. Un stylisation symbolique Déshumaniser les personnages révèle un monde absurde. Le sens est évacué au profit d’une situation exagérée et symbolique. D’où le recours à des marginaux (clochards, gâteux, tyrans idiots, sadiques, …). C’est en ce sens que le théâtre devient un jeu cruel. Une forte dénonciation. : Paradoxalement, ce théâtre qui refuse thèse et idée, porte un message fot. C’est ce vide émergeant, cette faille qui met à nu l’angoisse humaine et l’absurdité de notre condition qui devient le message. 4. UNE NOUVELLE GENERATION D’AUTEURS 4.1. JACQUES AUDIBERTI (1899-1965) En dépit de certaines faiblesses, Audiberti n’a pas le génie de ses successeurs que sont Beckett et Ionesco. Son théâtre reste brillant. Retenons une œuvre à plusieurs facettes : 1929 : L’Empire de la Tappe (poésie) 1941 : Des bonnes Semences (poésie) 1943 : Toujours (poésie) 1945 : Ouat-Ouat (théâtre) 1947 : Le Mal court (théâtre) 1950 : Le Maître de Milan (roman) 1959 : L’Effet Glappion (théâtre) 1962 : La Fourmi dans le corps (théâtre) « Je tourne toujours du même problème insoluble, de la même obsession ; l’incarnation. » (Audiberti, 1965) 4.2. JEAN TARDIEU (1903-1995) Comme Audiberti, Tardieu débuta par la poésie. Au théâtre, il mit en scène des personnages quasi anonymes, agités par des problèmes minuscules, qui ne tirent leurs substances que de leur pratique du langage (fantaisiste, poétique et décalé). C’est seulement lorsque le Nouveau Théâtre fut installé que l’on vit en lui un précurseur. 1933 : Le Fleuve caché (poésie) 1939 : Accents (poésie) 1943 : Le Témoin invisible (poésie) 1948 : Jours pétrifiés (poésie) 1951 : Un Mot pour un autre (prose) 1952 : Théâtre de chambre (théâtre) 1960 : Poèmes à jouer (Théâtre II) 1967 : Théâtre de chambre (nouvelle édition argumentée) 1968 : Le Fleuve caché (poésie complète (1924-1961) 1990 : La Comédie de la comédie (Théâtre III) La Môme néant (Voix de marionnette, voix de fausset aiguë, nasillarde, cassée, cassante, caquetante, édentée) Quoi qu’a dit ? - A dit rin. Quoi qu’a fait ? - A fait rin. A quoi qu’a pense ? - A pense rin. Pourquoi qu’a dit rin ? Pourquoi qu’a fait rin ? Pourquoi qu’a pense à rin ? - A’xiste pas. 5. LA RECHERCHE D’UN NOUVEAU LANGAGE (influencé notamment par l’OUPILO) Les jeux de Tardieu sur le langage font penser à du Queneau. Quelques auteurs s’intéressent surtout à des dialogues brillants mais fantaisistes, frôlant le coq à l’âne ou le canular. 5.1. RENE DE OBALDIA (1918- ) René de Obaldia est un poète, romancier et dramaturge. Il a été élu à l’Académie française en 1999 et a ainsi succédé à Julien Green. Il s’amuse dans Génousie (1960) à mettre en scène 8 personnalités prisonnières de leur formation langagière (un psychiatre, un poète, …). 1960 : Génousie 1964 : Le Général inconnu 1965 : Du vent dans les branches du sassafras 1966 : Le cosmonaute agricole 5.2. ROLAND DUBILLLARD (1923- ) Acteur et auteur, il met souvent en scène ses propres pièces (quasiment dénuées d’intrigue) 1961 : Naîves Hirondelles 1961 : La Maison d’Os 5.3. FRANÇOIS BILLETDOUX (1927-1992) Il cultive un humour doux et amer. 1959 : Tchin-Tchin 1967 : Silence ! l’arbre remue encore ! 1969 : Quelqu’un devrait faire quelque chose 6. EUGENE IONESCO (1912-1994) Refusant de distinguer comique et tragique, Ionesco veut rendre visible l’absurde. Ainsi son premier écrit La Cantatrice chauve porte comme sous-titre Anti-pièce et met en scène deux personnages inconsistants. Sa progression n’est soutenue que par les techniques d’un mécanisme théâtral fonctionnant à vide. Ainsi les personnages sont déshumanisés, ils ne parlent qu’en employant des phrases creuses et toutes faites. La scène n’est alors qu’un champ clos où ils se débattent, se dispersent sans que rien d’essentiel ne soit en jeu. Aussi nécessaire qu’illusoire, l’oralité est signée d’une mort qui gagne peu à peu. 1950 : La Cantatrice chauve 1951 : La Leçon 1952 : Les Chaises 1954 : Amédée ou comment s’en débarrasser 1959 : Tueur sans gages 1960 : Rhinocéros 1962 : Le Roi se meurt 1962 : Notes et Contre-Notes (écrits sur le théâtre) 1966 : L’œuf dur 1966 : Entre la Vie et le rêve 1967 : Journal en miettes 1972 : Macbett 1973 : Le Solitaire (roman) 1977 : Antidotes (essai) 1980 : Voyage chez les morts Il fut élu à l’Académie française en 1970. 7. SAMUEL BECKETT (1906-1989) Né à Dublin, Beckett va connaître une vie difficile en Irlande, à Londres, en Allemagne, à paris, publiant sans succès des romans et nouvelles en langue anglaise. C’est juste après la guerre qu’il prend la décision d’écrire en français et qu’il publie en deux ans ses textes romanesques majeurs (1951-1953) ; c’est aussi à cette période, 1953 qu’il passe à une grande notoriété grâce à son théâtre auquel il travaillait secrètement depuis 1947. Notoriété qui n’ira que grandissante jusqu’à l’obtention, en 1969 d’un prix Nobel de littérature. Ses écrits profondément pessimistes, nous montrent un monde en décomposition peuplé de naufragés déclamant d’interminables monologues. 1938 : Murphy (trad. Française en 1947) 1951 : Molloy (roman) 1951 : Malone meurt (roman) 1953 : En attendant Godot (théâtre) 1964 : Comédie (théâtre) 1967 : Têtes mortes 1970 : Le Dépeupleur 1978 : Pas (théâtre) 1982 : Catastrophe et autres dramaticules (théâtre) 1989 : Soubresauts 190 : Proust (posthume) 8. JEAN GENET (1910-1986) Marginal, délinquant, légionnaire, déserteur, homosexuel déclaré (à une époque où cette situation était mal acceptée, voire condamnée), Jean Genet crée un spectacle violent qui fit scandale de son temps. Les Bonnes présentent deux sœurs, exploitées et haineuses qui s’acheminent vers le meurtre quasi rituel de leur maître. Le Balcon met en scène un bordel où les clients ont l’habitude de singer des personnages importants. Ses farces tragiques rompent avec toute tradition et inventent un langage théâtral efficace. 1942 : Condamné à Mort 1944 : Notre Dame des Fleurs 1946 : Miracle de la Rose 1947 : Querelle de Brest (adapté au cinéma par Fassbinder en 1981) 1947 : Les Bonnes 1948 : Le Funambule 1949 : Journal d’un Voleur 1956 : Le Balcon (théâtre) 1959 : Les Nègres (théâtre) 1961 : Les Paravents (théâtre) 1962 : Comment jouer le balcon 1963 : Comment jouer les Bonnes 1986 : Le Captif amoureux (posthume) 1990 : Fragments… (posthume) 9. LE NOUVEAU THEATRE ENGAGE Héritier de Jean Genet et de Brecht dont l’influence en France va croissante, une nouvelle forme de théâtre engagé émerge. Ses deux plus grands représentants furent Arrabal et Gatti. 9.1. FERNANDOARRABAL (1932- ) Né en Espagne, il fuit l’Espagne de Franco et s’installe à Paris en 1955. Il écrira de nombreuses pièces en français dont : 1958 : Pique Nique en campagne 1966 : Le Cimetière des voitures 1969 : Ils passèrent des menottes aux fleurs Cinéaste, il crée Viva la muerte en 1971 (d’après son roman Baal-Babylone, 1959) et « j’irai comme un cheval fou » (1973). 9.2. ARMAND GATTI (1924- ) La mort de son père, victime de la police enracine en lui la passion révolutionnaire. Partisan d’une dramaturgie de large participation, il se lance dans des expérimentations ambitieuses où il entraîne derrière lui une communauté (étudiante, ouvrière, immigrés,…) dans la création collective. Il fut de tous les combats que sa génération put connaître. 1957 : Le Poison noir (évoque l’expérience chinoise) 1960 : Le Quetzal (évoque l’expérience guatemaltèque) 1960 : l’Enfant rat (crie sa haine du nazisme) 1966 : Chant public devant deux chaises électriques (crie son dégoût des Etats-Unis qui ont assassinés Sacco et Vanzetti) 1967 : V. comme Vietnam 1968 : La passion du Général franco (crie sa haine du Fascisme) Sa pièce la plus forte est celle qui évoque la mort de son père à savoir « la vie imaginaire de éboueur Auguste Geai » 1962