Classe de 1ère S3 SEQUENCE 5 : LA2, « Le pain », in Le parti pris
Transcription
Classe de 1ère S3 SEQUENCE 5 : LA2, « Le pain », in Le parti pris
Classe de 1ère S3 SEQUENCE 5 : LA2, « Le pain », in Le parti pris des choses, Francis Ponge, 1942 Introduction : - auteur + contexte : voir polycop. séance 1 (vous pouvez garder la même pour les trois LA) - situation de l’extrait : présenter très rapidement le recueil + piocher dans ce qui suit -> « Le pain » s’intègre dans la série des objets banals évoqués dans le recueil (cf.titre) mais c’est aussi un aliment, au même titre que « L’orange » ou « L’huître ». Cependant, à la différence des fruits ou animaux comestibles, l’objet « pain » possède dans notre culture une valeur métonymique qui en fait la nourriture de base par excellence (cf. schéma heuristique fait ensemble en classe -> « gagner son pain » … symbole aussi de la banalité : « le pain quotidien » …) - annonce de la problématique et du plan : nous verrons comment, dans son poème, Ponge fait d’un objet prosaïque une représentation poétique qui traduit sa posture matérialiste. Pour répondre à cette problématique, nous observerons tout d’abord de quelles manières est évoqué le pain dans le texte pour mettre ensuite en évidence le travail de « pétrissage » effectué sur le langage. ATTENTION : ce plan détaillé est à compléter absolument avec vos propres notes ! I) De la dimension matérielle à la dimension poétique du pain a) Le pain : un objet « quotidien » - Tout d’abord, l’objet « pain » est décrit dans sa dimension et ses aspects concrets : -> la croûte, paragraphes 1 et 2 ; c’est la partie préférée du poète, comme en atteste l’adjectif mélioratif « merveilleuse » l.1 (on développera cette idée dans II, b) -> la mie, fin du deuxième et troisième paragraphe ; c’est la partie détestée par le poète, dont on connaît l’aversion profonde pour le mou ; en atteste l’adjectif péjoratif « ignoble » l.11 -> ce qui a un lien direct avec sa fabrication : le « four », paragraphe 2 -> son évolution, sa transformation avec le temps : « rassit », « la masse en devient friable », paragraphe 3 lignes 15 à 18 - En outre, la banalité du pain est explicitement rappelée à la fin du poème : « le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de consommation » l.18 à 20. Ponge conclut donc le texte en rappelant la réalité matérielle de l’objet, comme pour mieux le libérer des connotations culturelles (cf. schéma heuristique) qui l’emprisonnent. L’objet prosaïque est néanmoins poétisé par de multiples moyens. b) La poétisation de l’objet Tout l’intérêt du travail de Ponge réside dans ce décalage entre l’idée ordinaire du pain que se fait le lecteur et la vision qu’en donne le poète. - A ce titre, le premier paragraphe crée la surprise par le biais d’un changement d’échelle : l’objet pain pourtant petit dans la réalité, est décrit comme un massif montagneux imaginaire. C’est le relief de la croûte qui fait l’objet d’une comparaison : « comme si l’on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes » l.3-4. La distance est ici maximale entre l’objet et l’objeu (voir polycop. séance 6), c’est-à-dire entre la chose et son pouvoir d’évocation - Le deuxième paragraphe accentue ce procédé, en passant de l’échelle terrestre à l’échelle cosmique : « four stellaire », « vallées, crêtes, ondulations, crevasses » l.6 à 8, « lumière » l.9 - Enfin, nous observons le lien continu crée par Ponge entre le monde des objets prosaïques et l’univers tout entier ; ainsi le pain est métaphoriquement associé à des éléments naturels comme les « éponges » par la mie (l.13) [humour de Ponge dont le patronyme est contenu dans le mot « éponges »], les « feuilles ou fleurs » (l.13 et l.15-16) lorsque le pain rassit. Le poète élabore ainsi un réseau de liens métaphoriques entre le minéral et le végétal pour faire de l’objet prosaïque une sorte de maquette de la nature. Transition : Sartre parlait à propos du Parti pris des choses d’une « pétrification du langage » ; dans ce texte on remarque que le poète mime la fabrication du pain et la transformation de la pâte en faisant subir au langage un « pétrissage » équivalent. II) Du pétrissage du pain au pétrissage de la langue a) L’éloge du travail manuel - On peut à ce stade rappeler l’étymologie de poésie (du grec Poiein : « faire, créer »). Ce lien étroit entre le boulanger et le poète (travail manuel dans les deux cas) est d’emblée crée par l’association des paronymes (=mots presque pareils) « pain » l.1 et « main » l.3. - l’adjectif « panoramique » commence par la syllabe pan- qui correspond à la racine latine du « pain », créant ainsi un lien étroit entre l’objet pain et la langue utilisée pour l’évoquer. On relève en outre d’autres analogies tout au long du texte. b) Les analogies apparentes - Au-delà de la description du pain, c’est le récit de l’histoire du pain qui est mis en place, à travers plusieurs étapes : cuisson (§2), durcissement (§2), rassissement (§3), consommation (§4). Le passé simple (à la vois passive) « fut glissée » en est un indice. Par métaphore, ce cycle de la panification semble être un résumé de la création, de l’histoire de la Terre : -> le vocabulaire géologique abonde : « dalles » l.9, « sous-sol » l.12, « friable » l.17… -> la cuisson du pain est rendue par l’analogie avec l’apparition de la Terre : « une masse amorphe en train d’éructer » l.5 (lire note de voc. n°2 sur le polycop.) la masse amorphe rappelle le début de la Genèse (au début la Terre était « informe et vide ») + éructer -> fait songer au volcanisme (+ étymologie du mot « mie » qui vient du latin mica » -> roche d’origine volcanique) -> la présence de points de suspension (l.8 et 17) renforce la valeur durative de l’histoire du pain (à l’image de celle de la Terre) La fabrication du pain fait donc écho à la construction du poème mais aussi à la création du monde, renvoyant ainsi aux grandes questions métaphysiques sur l’origine du monde. c) Une posture matérialiste - Tout le poème repose en effet sur une valorisation de la surface (la croûte est « merveilleuse ») et un dénigrement de la profondeur : « mollesse ignoble sous-jacente » l.1011. Cela dénote un parti pris (cf. titre) pour la réalité matérielle du monde et sans doute un refus de la réflexion métaphysique (athéisme de Ponge). - La phrase citée au cours de l’exposé « fut glissée pour nous dans le four stellaire » l.6 ne contient pas de complément d’agent (glissée par qui ?) ; cette ellipse permet d’éluder la question de Dieu/d’une création divine. Même remarque pour le verbe pronominal « s’est façonnée » qui laisse entendre une autonomie de la création (sans créateur). - Enfin, il semble difficile d’ignorer la dimension chrétienne du pain, et son rôle essentiel dans l’eucharistie ; or le poème se conclut brutalement par l’impératif «brisons-la » et l’expression « moins objet de respect que de consommation » l.18 à 20 -> le pain, corps du Christ dans la liturgie, est ainsi désacralisé. Notons là encore le jeu de pétrissage de la langue avec la polysémie de « brisons-la » // « brisons-là » -> jeu de mots qui signifie « mettons un terme à la conversation » (voir note de voc. n°3 du polyocop.) Conclusion : - réponse à la problématique : Par la définition description du pain, objet du quotidien, Ponge montre toute l’étendue des possibles dans la création poétique : à l’image du boulanger, le poète effectue un travail d’artisan sur la langue, jouant avec les mots, leurs sens et leur étymologie … - ouverture : comme dans « L’huître », on peut dégager dans ce poème des allusions bibliques tournées en dérision par Ponge, ce « poète des choses », ainsi que son aversion pour le mou, l’inconsistant … la description de la mie ici, et de l’intérieur de l’huître pour le texte du même nom … ENTRETIEN QUESTIONS POSSIBLES Envisagez des questions et leurs réponses sur votre fiche ! Par exemple : - définissez les mots « eucharistie », « paronymes » … (on teste votre aptitude à comprendre ce que vous dites !) - comment définiriez-vous la poésie ? - quelles sont les différentes fonctions de la poésie ? (cf. exposé de Tristan : lyrique, engagée …) - quels types de poèmes connaissez-vous ? (exposé de Benjamin et Gabriel !! formes fixes -> sonnet, rondeau … formes libres : calligrammes, prose … savoir définir tous ces termes …) - liens avec le balai de Gaston Chaissac (voir séance 3) - lien avec les autres poèmes (groupement de textes séance 5) - qu’est-ce que « l’objeu » ? (séance 6) - lien avec la chanson « Le sac à main » de Bénabar (séance 7) - quel poème du recueil avez-vous préféré et pourquoi ? - citez trois noms de poètes et leur siècle … … etc.