Thomas Elyot : du courtisan disgrâcié à l`éducateur plébiscité

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Thomas Elyot : du courtisan disgrâcié à l`éducateur plébiscité
Isabelle BORE
Moreana Vol. 49, (June 2012) 187-188 49-75
Thomas Elyot : du courtisan disgrâcié à
l’éducateur plébiscité
Isabelle Bore
Université de Picardie Jules Verne
The purpose of this paper was to bring Sir Thomas Elyot (1490-1546) out of
oblivion. In this perspective, we mentioned important biographical
elements – his reputation as a self-taught man, his involvement in the circle
of humanists meeting at More’s home in Chelsea, his career as a lawyer, his
beginnings at court and his quick fall into disgrace. Then we tackled his
career as a writer resulting from his disgrace. We evoked not only his three
best sellers The Boke Named the Governor, Latin-English Dictionary and The Castle
of Helth but also more obscure works – political pamphlets and moral
treatises which rooted him undoubtedly into the fight against tyranny. As
this fight cannot be won without the irreproachable training of the élite, we
focused then on the education of young noblemen to which he devoted the
beginning of his first work. The reading of the first book of The Boke Named
the Governor gave us the opportunity to discover a true humanist but also a
modern man who raised questions that are still topical.
Keywords: education, learning languages, ancient authors, moral
principles, mens sana in corpore sano
Le but de cet article consiste à tirer de l’oubli Sir Thomas Elyot (1490-1546). Dans cette
perspective, nous rappelons les éléments biographiques marquants, sa formation
d’autodidacte, sa fréquentation du cercle d’humanistes qui se réunit à Chelsea autour de
Thomas More, sa carrière de juriste, ses débuts à la cour et sa rapide disgrâce, puis nous
abordons sa carrière d’écrivain née de son éviction de la cour. Nous évoquons non
seulement ses trois plus gros succès, The Boke Named the Governor, LatinEnglish Dictionary et The Castle of Helth, mais aussi les ouvrages moins connus,
des pamphlets politiques et des traités moraux qui l’inscrivent résolument dans le combat
contre la tyrannie. Ce combat ne pouvant être gagné que grâce à la formation
irréprochable des élites, c’est à l’éducation des jeunes nobles à laquelle il consacre le début
de son premier ouvrage que nous nous intéressons ensuite. La lecture du premier livre de
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The Boke Named the Governor nous permet de découvrir un véritable humaniste
mais aussi un homme moderne qui soulève des questions toujours d’actualité.
Mots-clés : éducation, apprentissage des langues, auteurs antiques,
principes moraux, mens sana in corpore sano
El propósito de este artículo es rescatar del olvido a Thomas Elyot (14901546). Con este fin, revisaremos elementos biográficos importantes –su
reputación de autodidacta; su pertenencia al círculo de humanistas que se
reunían en la casa de Moro en Chelsea; su carrera como abogado; o sus
primeros pasos en la corte, y su pronta caída. Seguidamente, abordaremos
su carrera como escritor, como consecuencia de lo último señalado. The Boke
Named the Governor, Latin-English Dictionary y The Castle of Helth son sus obras
más conocidas, si bien escribió también panfletos políticos y tratados
morales, textos que no dejan duda sobre su lucha contra la tiranía. Dado
que esta batalla no puede ganarse sin formar adecuadamente a la élite,
analizaremos el tipo de educación que debían recibir los jóvenes de la
nobleza, tal y como se expone en el primer libro del The Boke Named the
Governor. Tras estas páginas se adivina la presencia de un verdadero
humanista, pero también la de un hombre moderno que abordó cuestiones
aún candentes hoy en día.
Palabras clave : educación, aprendizaje de lenguas, autores de la
antigüedad, principios morales, mens sana in corpore sano
* * *
Eclipsé par l’aura d’humanistes plus charismatiques que lui et
mal-aimé pour n’avoir pas mis ses pas dans ceux de More et Fisher et
avoir préféré l’enfouissement politique au martyr, Thomas Elyot n’en
reste pas moins un érudit à l’esprit moral et religieux qui a marqué
son temps. C’est à sa redécouverte que nous vous invitons ici. Après
un rappel de quelques éléments biographiques qui mettent en
lumière les conditions de la disgrâce de ce courtisan prometteur,
nous nous pencherons sur le parcours de l’humaniste, l’érudit mais
aussi l’écrivain, ce qui nous amènera à nous intéresser à sa passion
pour l’éducation. En feuilletant le premier livre de son plus grand
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succès, The Boke Named the Governor, nous écouterons ce pédagogue né
décrire l’éducation dont il rêve pour garantir à l’Angleterre que les
jeunes nobles destinés à exercer les plus hautes responsabilités
seront dotés des principes moraux qui, seuls, devront les guider dans
l’accomplissement de leur devoir.
Le destin brisé d’un serviteur de la couronne
Premiers pas
Comme dans le cas de Thomas More, il existe une incertitude
sur la date réelle de la naissance de Thomas Elyot. Cependant, les
biographes s’accordent à dire qu’il serait né dans le Wiltshire aux
alentours de 1490. Il est le premier fils de Sir Richard Elyot et de sa
première épouse Alice Delamere. 1 Son père appartient à la petite
noblesse et a une formation de juriste qui l’amène à remplir différents
offices judiciaires.
Nous ne savons que peu de choses sur l’éducation qu’il reçoit.
En raison de son érudition et de l’importance de son œuvre littéraire,
les universités d’Oxford et de Cambridge ont toutes les deux
prétendu l’avoir eu comme étudiant. On trouve dans les registres de
l’Université d’Oxford quatre références à un Thomas Eliett, Eyllyett,
Elyett ou Elyott. Admis en 1516, cet étudiant obtient une licence de
lettres en 1519 et une licence de droit civil en 1524. Pour ce qui est de
l’Université de Cambridge, les indices de son éventuel passage sont
plus flous. C.H. Cooper, spécialiste de l’histoire de l’Université de
Cambridge, affirme que Thomas Elyot est éduqué à Jesus College et
qu’il décroche une licence de lettres en 1507, mais il ne cite pas ses
sources. L’intéressé, lui, rapporte dans la préface à son Dictionnaire
latin-anglais, que son éducation s’est faite sous le toit paternel et
1
Elle meurt aux environs de 1510.
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qu’à partir de douze ans, il a été son propre tuteur. 2 Dans
l’introduction à un autre de ses ouvrages, The Castel of Helth, il fournit
une liste d’auteurs qui montre qu’il s’est intéressé à la philosophie et
à la médecine et il précise qu’un médecin dévoué, vraisemblablement
Linacre, lui a fait découvrir Galien. 3 Stanford Lehmberg, biographe
de Thomas Elyot, estime que ce dernier est très probablement
largement autodictate mais il avance une autre hypothèse expliquant
son éventuelle présence à Oxford. Il suggère, en effet, qu’en raison de
ses capacités intellectuelles, de la position de son père ou de sa
résidence à proximité d’Oxford, il a pu obtenir l’autorisation de
passer ses diplômes à l’Université à un âge plus avancé que les
étudiants habituels. Quoi qu’il en soit, il entre dans la vie active muni
d’une solide culture et, comme Thomas More avec la jeune Joanna
Colt, il choisit une compagne avec qui il pourra partager son
érudition. C’est ainsi qu’en 1510, il épouse Margaret Aborough dont
Thomas Stapleton affirme que, comme Thomas Elyot, elle est
membre du cercle d’érudits qui se réunissent autour de Thomas
More. 4
Lente ascension d’un serviteur de la couronne
En 1511, Richard Elyot obtient pour son fils un poste de
greffier dans la circonscription judiciaire de l’ouest où lui-même
2
3
4
“… he was educated in his father’s house and not instructed by another teacher
from his twelth year, but led by himself into liberal studies and both sorts of
philosophy”, Thomas Elyot, Dictionary, 1538, f. Av.
“a worshipful physician and one of the most renowned”, Thomas Elyot, The
Castel of Helth, 1541, f. Aiv.
Après l’exécution de Thomas More, Thomas Elyot, dans une lettre à Thomas
Cromwell prend soin d’atténuer l’amitié qu’il lui porte tout en réaffirmant sa
propre fidélité au roi : “the amity betweene me and Sir Thomas More […] was but
usque ad aras, as is the proverb, consydering that I was never so moche adict unto
him as I was unto truthe and fidelity towards my soveraigne lord.” BL, Cotton MS
Cleopatra E.IV, fol. 260.
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officie en tant que juge criminel, poste qu’il occupe jusqu’en 1528.
Parallèlement, entre 1515 et 1529, il exerce, à plusieurs reprises, la
charge de juge de paix pour l’Oxfordshire et le Wiltshire.
La mort de son père en 1522 lui permet d’hériter d’une grande
bibliothèque composée de livres en français et en latin et de quelques
manuscrits ainsi que de la totalité des terres possédées par ce dernier
dans le Cambridgeshire, à l’exception du manoir de Long Combe
légué à un neveu par alliance. Sa mort, l’année suivante, permet à
Thomas Elyot de récupérer l’intégralité de l’héritage.
En 1523, Thomas Wolsey le nomme greffier au Conseil Privé
du Souverain où il retrouve très certainement Thomas More. En 1527,
il est nommé Sheriff de l’Oxfordshire et du Wiltshire. L’année
suivante, il achète la tutelle d’un cousin Erasmus Pym, ancêtre du
parlementaire John Pym (1584-1643). 5 En 1529, il est, à nouveau,
nommé Sheriff de l’Oxfordshire et du Wiltshire, mais, à la chute de
Wolsey, son protecteur, il doit quitter le Conseil. Ami de Cromwell à
qui il se plaint de n’avoir jamais été récompensé pour ses services, il
est néanmoins fait chevalier en 1530 en reconnaissance du travail
accompli.
L’année 1531 marque un tournant. La publication de son
premier ouvrage The Boke Named the Governor attire l’attention du roi et
lui ouvre plus largement les portes de la cour. A la fin de la même
année, Henry VIII l’envoie comme ambassadeur auprès de l’empereur
Charles Quint. Officiellement, il doit représenter Henry VIII à un
chapitre de l’ordre de la Toison d’Or. Officieusement, sa mission
consiste à obtenir de l’empereur qu’il agisse auprès du pape en faveur
du divorce du roi avec Catherine d’Aragon. Mais cette mission n’est
que de courte durée. Le roi percevant sans doute son peu
d’enthousiasme à faire avancer la cause du divorce le rappelle, en
5
Les deux familles étaient liées car le père d’Erasmus, Reginald Pym, avait épousé
Mary Daubrigecourt, belle-fille de Sir Richard Elyot.
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janvier 1532, et envoie Thomas Cranmer comme nouvel ambassadeur
auprès de Charles Quint.
Le temps de la disgrâce
Thomas Elyot ne rentre cependant en Angleterre qu’en juin
1532 après avoir visité les villes de Worms, Speir et Nüremberg en
compagnie de Cranmer et tenté d’arrêter WilliamTyndale aux PaysBas. A son retour, il fait un compte-rendu détaillé de sa mission au
roi et conseille à ce dernier de renoncer à son projet de divorce, ce
qui diminue considérablement l’estime que le roi a pour lui et le fait
rapidement tomber en disgrâce.
A partir de cette date, en effet, il ne se voit confier que des
charges subalternes dans l’administration locale. C’est ainsi qu’en
novembre 1532 il est nommé Sheriff de Cambridgeshire et
d’Huntingtonshire. Quelques années plus tard, en 1538, il intègre la
commission d’enquête instituée par Cromwell pour statuer sur la
suppression des monastères mais n’en tire aucun bénéfice. La
représentation du Cambridgeshire au Parlement de 1539 est sa seule
mission d’ampleur nationale. Quant aux invitations à la cour, elles ne
se font que dans le cadre des cérémonies officielles pour faire
nombre. En 1533, comme tous ceux dont les sympathies pour
Catherine d’Aragon sont connus, il est sommé d’assister au
couronnement d’Ann Boleyn et en 1540 il fait partie du comité
chargé d’accueillir Anne de Clèves en Angleterre.
Ces années de disgrâce ne sont pas, néanmoins, des années
d’oisiveté. Il se retire à Carleton où il produit l’essentiel des œuvres
sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement. Il s’éteint à Carleton
le 26 mars 1546, un an avant le roi Henry VIII. Sans descendant, il
laisse la jouissance de ses biens à son épouse Margaret, biens qui
reviennent, à la mort de celle-ci, à son neveu Richard Puttenham,
frère aîné de George Puttenham, auteur de The Arte of English Poesie.
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Pensant que sa bibliothèque n’intéresserait aucun de ses héritiers, il
ordonne, dans son testament, de vendre ses livres et de distribuer les
bénéfices à des érudits pauvres.
Un homme de lettres et un humaniste
Les œuvres majeures
Au-delà du courtisan à la carrière trop vite brisée, c’est l’érudit
qui marque de son empreinte le XVIe siècle anglais. Il doit sa carrière
d’humaniste à son premier ouvrage The Boke Named the Governor qui
l’inscrit dans la lignée des Sylvius, Pontanos, Guicciardini ou Erasme.
Imprimé, comme toutes les autres œuvres par Thomas Berthelet,
imprimeur du roi, cet ouvrage - très largement inspiré d’une
traduction d’un texte attribué à Plutarque Peri Paidôn Agoges (The
Education of Boys) dont la traduction paraît en 1533 - est publié en
1531 et dédié à Henry VIII. Cet ouvrage est composé de trois livres et
aborde différents sujets. Les tout premiers chapitres développent
une théorie politique centrée sur une vision hiérarchique de la
société, au sommet de laquelle il doit nécessairement y avoir un
souverain unique, le Roi. La monarchie est donc, d’après Elyot, la
seule forme naturelle de gouvernement qui soit adaptée à la société.
Elyot ajoute que le roi en son royaume est comme Dieu dans le sien,
ce qui implique qu’il confère au roi un pouvoir illimité. Cette vision
du gouvernement n’est pas propre à Elyot. On la retrouve chez
Platon, Aristote, Saint Thomas d’Aquin et Castiglione, dont
l’ouvrage, Il Cortegiano, avait vraisemblablement été offert à Elyot par
Thomas Cromwell. Il est cependant probable qu’en publiant The Boke
Named the Governor, Elyot recherche la faveur du roi et les biographes
tendent à considérer que la réflexion sur la monarchie a été ajoutée à
la demande de son ami Cromwell. Le reste du premier livre décrit
l’éducation qu’il convient de donner aux jeunes garçons appelés à
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appartenir à la classe dirigeante. Elyot recommande par exemple les
œuvres classiques qui doivent être abordées en grec et en latin et il
traite également de l’éducation physique, de la danse et de la
musique. Nous y reviendrons ultérieurement. Les deuxième et
troisième livres mettent l’accent sur les vertus dont les gouverneurs
devraient faire preuve. Les définitions sont souvent banales, l’intérêt
résidant essentiellement dans les anecdotes tirées de l’histoire
ancienne qui fournissent à Elyot des exemples d’attitude vertueuse.
Cet ouvrage montre à quel point la connaissance qu’a Elyot de la
littérature classique et de la littérature de la Renaissance est
étendue. Ce livre, très populaire, a connu huit éditions au XVIe siècle
et a largement contribué à propager les nouvelles idées humanistes
sur le rôle du gentilhomme en Angleterre.
Après une interruption de quelques années où ses fonctions de
courtisan l’ont tenu éloigné de l’écriture, Thomas Elyot reprend la
plume à son retour des Pays-Bas, alors qu’il voit s’évanouir sa carrière
de gentilhomme et de conseiller. Il se retire sur ses terres du
Cambridgeshire et consacre le reste de sa vie à l’étude et à l’écriture.
Son œuvre la plus importante est son Dictionnaire latin-anglais. Il ne
s’agit pas du premier dictionnaire latin mais c’est le premier à
s’appuyer sur des sources classiques et à appliquer les principes
humanistes. Publié en 1538, il est, comme The Boke Named the Governor,
dédié à Henry VIII. Elyot écrit dans la préface qu’il aurait été publié
plus tôt si le roi n’était pas intervenu et ne lui avait pas fait étudier
quelques ouvrages complémentaires alors que l’imprimeur avait déjà
réalisé l’ouvrage jusqu’à la lettre M. Cette révision en cours de
publication explique que la fin du dictionnaire présente des
rubriques plus longues et qu’un appendice contenant des entrées
complémentaires concernant les lettres A-M ait été ajouté. Dans la
présentation de son projet, Elyot précise qu’il a donné des
équivalents anglais à tous les mots qui se trouvent dans les textes
classiques et qu’il a également fourni une table de conversion pour
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les poids et mesures. Une édition augmentée paraît en 1542. Elle est
réimprimée en 1545 sans changements significatifs. Le dictionnaire
est ensuite augmenté en 1548 par Thomas Cooper, évêque de
Winchester qui l’intitule Bibliotheca Eliotae. Il sert de source
principale au Thesaurus Linguae Romanae et Britannicae que Cooper
publie en 1565.
The Castel of Helth (1534) complète la trilogie des œuvres
majeures. Il s’agit d’un traité de médecine qui résume les
enseignements des médecins grecs et romains, en particulier Galien,
afin de permettre aux Anglais de comprendre et de réguler leur santé
en connaissance de cause. Il y popularise la théorie des humeurs et
suggère des médicaments et des traitements pour différents maux.
Certainement tiré des études qu’Elyot a faites avec Linacre le texte
diffère néanmoins des écrits de Linacre. En effet, ce dernier traduit
en latin les œuvres que Galien a écrites en grec dans l’espoir de les
rendre accessibles aux médecins mais il n’a jamais voulu permettre
aux hommes et aux femmes ordinaires de diagnostiquer leurs
maladies. Elyot, au contraire, fournit un manuel en langue
vernaculaire accessible à tous ceux qui savent lire. Cet ouvrage n’a
pas manqué de susciter des réactions. Ecrit en anglais par un homme
qui n’est même pas médecin, il a valu à Elyot une pluie de reproches
de la part des médecins de profession. Il a cependant été plébiscité
par le public, puisqu’on lui connaît dix-sept éditions.
Les pamphlets politiques et les traités moraux ou spirituels
Parallèlement à ces trois textes majeurs qui ont fait la
réputation de Thomas Elyot, il existe une série de textes moins
connus, ce qui ne veut pas dire qu’ils sont négligeables. On peut les
regrouper en deux grandes catégories : les pamphlets politiques et
les traités moraux ou spirituels. Les pamphlets politiques ont été
composés au temps de la disgrâce. Nombre d’entre eux sont des
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commentaires à peine voilés de la politique du roi Henry VIII. Déçu
de ne pas être récompensé pour les services rendus à la couronne,
mais certain de sa légitimité à vouloir éclairer le roi, c’est dans les
livres qu’Elyot fait désormais passer ses conseils et ils sont
nombreux ! Pasquil the Playne (1533) est un dialogue qui se déroule
dans la Rome antique où un conseiller tombé en disgrâce fustige les
flatteurs qui entourent le souverain. Of the Knowledge belonging to a Wise
Man (1533) s’appuie sur le récit que Diogène Laërce fait des
expériences de Platon à la cour de Dionysos de Sicile. Il montre que
Platon agit de manière appropriée lorsqu’il avertit Dionysos des
dangers de la tyrannie. The Doctrinal of Princes (1534) est la traduction
d’un texte d’Isocrate où l’on enseigne aux monarques à gouverner
leurs royaumes et leurs cités. Après une interruption de quelques
années consacrées à la rédaction du Dictionnaire, Elyot reprend, via
les livres, son rôle de conseiller du Roi. The Defence of Good Women
(1540) se présente comme un récit de la vie de la reine Zenobia de
Palmyre. Thomas Elyot s’y montre favorable à l’éducation des
femmes à qui il conviendrait d’enseigner les lettres et la philosophie
morale. A l’image de Thomas More et de nombreux autres
humanistes, il défend l’idée selon laquelle des femmes éduquées
pourront faire de meilleures compagnes pour leurs maris avec qui
elles pourront tenir des conversations intellectuelles et de meilleures
mères pour leurs enfants qui pourront bénéficier d’une éducation de
qualité tant sur le plan de la culture que sur le plan de la morale.
Derrière cette défense des femmes lettrées, il s’agit, en fait, d’un
panégyrique de Catherine d’Aragon, dont il prend le parti tout au
long de ce qu’il est commun d’appeler la Grande Affaire du Roi. Image
of Governance, compiled of the Actes and Sentences notable of the most noble
Emperor Alexander Severus (1540) met en œuvre le même stratagème de
dissimulation. Thomas Elyot présente le texte comme la traduction
d’un manuscrit grec du secrétaire de l’empereur Encolpius (qu’Elyot
appelle Eucolpius). Ce manuscrit lui aurait été prêté par un
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gentilhomme napolitain qui aurait réclamé sa restitution avant que
la traduction ne soit achevée, ce qui laisse planer le doute sur
l’identité du véritable auteur de l’ouvrage.
Parallèlement à ces textes politiques, Thomas Elyot est
l’auteur d’œuvres plus personnelles qui témoignent des
préoccupations qui l’habitent en profondeur. Les unes s’orientent
vers la philosophie morale. Il s’agit de The Bankette of Sapience (1534),
recueil d’aphorismes moraux, et How one may lake Profyte of his Enymes
(1535), autre traduction de Plutarque. Les autres prennent une
couleur très nettement chrétienne et révèlent que Thomas Elyot est
tourmenté par la question de la finitude humaine. C’est le cas de la
traduction d’un sermon de saint Cyprien, Cyprianus, A Swete and
Devoute Sermon of Holy Saint Ciprian of the Mortalitie of Man (1534), de la
traduction des Règles de la vie chrétienne (1534) par Pic de la Mirandole
et du recueil intitulé Preservative agaynste Deth (1545) qui regorge de
citations des Pères de l’Eglise.
Un pédagogue et un théoricien de l’éducation
Si nous regardons l’ensemble de l’œuvre de Thomas Elyot,
nous constatons qu’éduquer est une véritable vocation. La pédagogie
semble être au cœur de ses préoccupations. Il n’a de cesse de faciliter
l’apprentissage, ce dont témoigne son Dictionnaire latin-anglais, ou de
rendre accessibles au plus grand nombre les auteurs classiques en
proposant de nombreuses traductions en langue vernaculaire. Quant
aux pamphlets politiques et aux traités moraux, ils révèlent son désir
de conseiller, de guider de façon à ce que ceux qui les liront soient en
mesure d’échapper aux pièges dont il ne manque pas de dévoiler les
dangers. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que l’éducation en tant que
telle soit le sujet du premier texte qu’il publie : The Boke Named the
Governor. Dans le premier livre de cet ouvrage, Elyot préconise une
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éducation moins sévère que celle qui se pratique de son temps, sa
morale pratique s’adressant essentiellement aux classes dirigeantes
dont il est issu. Très populaire, ce livre connaît huit éditions en
cinquante ans. The Boke Named the Governor devient ensuite l’ouvrage
de référence pour tous ceux qui s’intéressent à l’éducation des
enfants. Guillaume Budé y fait écho dans l’ouvrage qu’il dédie en 1547
à François Ier, le De l’institution du prince. On en trouve également des
traces chez Jean Sturm dans le De Educandis erudiendisque Principum
Liberis présenté en 1570 au duc Guillaume, frère d’Anne de Clèves. Il
marque aussi de son empreinte les ouvrages de plusieurs de ses
compatriotes, à commencer par son ami Ascham qui s’en inspire
pour son Scholemaster (1570), mais on en perçoit aussi des inflexions
dans Positions concerning the Training Up of Children (1581) de Mulcaster
ou dans l’ouvrage que Locke consacre lui aussi à ce thème, Some
Thoughts concerning Education (1693).
Les sources
The Boke Named the Governor n’est pas une création ex nihilo.
Dans la lignée du De Regno et Regis Institutione de Francesco Patrizzi et
de l’Institutio Principis Christiani d’Erasme, le livre de Thomas Elyot
doit également beaucoup au traité de Plutarque sur l’éducation des
garçons. Elyot reconnaît d’ailleurs sa dette en publiant, en 1533, The
Education or Bringing up of Children, traduction d’un texte attribué à
Plutarque. Si l’attribution de ce texte à Plutarque ne fait pas
l’unanimité aujourd’hui, au XVIe siècle, elle ne fait aucun doute. Quel
qu’en soit l’auteur, il s’avère que ce traité est l’un des plus influents
dans l’histoire européenne des théories de l’éducation. Il influence
notamment de nombreux humanistes et la traduction anglaise
d’Elyot est d’ailleurs la première d’une longue série. Edward Grant
publie en 1571 sa version qu’il intitule A President for Parentes, Teaching
the Vertuous Training of Children and Holesome Information of Youngmen.
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Sept ans plus tard, John Lyly tire du texte de Plutarque un chapitre
de son Euphues, the Anatomy of Wit. En 1603, c’est au tour de Philemon
Holland de faire paraître sa traduction : Of the Nourriture and Education
of Children. Elyot, pour sa part, souhaite mettre à la disposition du
public ce « petit livre » 6 qui se révèlera être le traité fondateur à
l’origine des deux grands succès du genre : son propre Boke Named the
Governor et le Scholemaster d’Ascham. Elyot dédie l’ouvrage à sa sœur
Margery Puttenham dans l’espoir qu’il l’aidera dans l’éducation de
ses fils, Richard et George, ses « petits neveux » 7. Les écarts d’Elyot
avec le texte source sont infimes. Il omet une anecdote concernant le
mariage de Ptolémée II Philadelphe avec sa sœur Arsinoë et il élude
la question de la pédophilie abordée par Plutarque. 8 Elyot remplace
ces questions jugées inappropriées par des histoires tirées de l’Iliade
qu’il développe longuement contrairement à Plutarque qui les avait
tout juste effleurées. L’intérêt de cette traduction résidant dans la
reconnaissance de Thomas Elyot pour celui qui lui a inspiré son
œuvre majeure, il convient maintenant de se tourner vers cette
œuvre afin de voir quels sont les principes à la base de la théorie de
l’éducation de leur auteur.
Le rôle fondamental des éducateurs
Thomas Elyot insiste sur le rôle essentiel joué par l’entourage
de l’enfant. Il soutient, en effet que la qualité de l’éducation tient
avant tout à la qualité des personnes qui vont entourer l’enfant dès
son plus jeune âge. De zéro à sept ans, le soin des enfants est confié à
6
7
8
“litell boke” Thomas Elyot, The Education or Bringing up of Children in Four
Tudor Books on Education, ed. Robert D. Pepper, Gainesville : Scholars’
Facsimiles & Reprints, 1966, p.4.
“lytell nevewes”, ibid., p.4.
“I have omitted to translate some parte of this matter, conteyned as well in the
Greke as in the Latin, partly for that it is strange from the experience or usage of
this present tyme, partly that some vices be in those tonges reproved, which ought
rather to be unknown, than in a vulgare tonge to be expelled”. Ibid., p.4.
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une nourrice et à une gouvernante. Elles doivent être choisies avec
beaucoup d’attention par le père de l’enfant. La maîtrise de la
prononciation de l’anglais est une exigence minimale, l’idéal étant de
trouver des femmes susceptibles d’inculquer à l’enfant des rudiments
de latin.
Il sera opportun que, dans sa petite enfance, le fils d’un noble
ait continuellement avec lui quelqu’un qui puisse
l’accoutumer petit à petit à s’exprimer dans un latin pur et
élégant. De même, les nourrices et les autres femmes autour
de lui doivent, dans la mesure du possible, faire de même ou
du moins, elles doivent obligatoirement parler un anglais qui
soit pur, raffiné, prononcé parfaitement et distinctement sans
omettre une lettre ou une syllabe comme certaines femmes
stupides le font souvent par manque de discipline, si bien que
de nombreux enfants de nobles et de gentilshommes […] ont
acquis une prononciation très fautive. 9
A sept ans, les enfants quittent le giron des femmes et sont
confiés à un tuteur dont la moralité doit être sans faille. Ce doit être
un « homme d’âge mur et révérencieux chez qui l’on reconnaît une
grande gentillesse mêlée de gravité […] un homme tel que l’enfant en
l’imitant puisse devenir excellent ». 10 Elyot ajoute qu’« il sera
d’autant plus louable qu’il sera instruit ». 11 La fonction de ce tuteur
9
“hit shall be expedient that a noble mannes sonne, in his infancie, haue with hym
continually onely suche as may accustome hym by litle and litle to speake pure
and elegant latin. Semblably the nourises and other women aboute hym, if it be
possible, to do the same : or, at the leste way, that they Speke none englisshe but
that which is cleane, polite, perfectly and articulately pronounced, omitting no
lettre or sillable, as folisshe women often times do of a wantonnesse, whereby
diuers noble men and gentilmennes chyldren, […] haue attained corrupte and
foule pronuntiation.” Thomas Elyot, The Boke Named the Governor, ed. Ben Ross
Schneider, www.luminarium.org /renascence-editions/gov/gov1.htm, 1998,
chapter V.
10
“a tutor, whiche shulde be an auncient and worshipfull man, in whom is aproued
to be moche gentilnes, mixte with grauitie, and, […] suche one as the childe by
imitation folowynge may growe to be excellent”. Ibid., chapter VI.
11
“And if he be also lerned, he is the more commendable”. Ibid., chapter VI.
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consiste plus à éduquer qu’à instruire. Il lui revient néanmoins
d’apprendre à connaître la nature de l’enfant, de repérer ses
dispositions naturelles et ses goûts. Pour éclairer les pères qui
doivent engager un tuteur pour leurs enfants et qui doivent donc
déceler chez les postulants non seulement des vertus mais aussi des
vices, Thomas Elyot cite en exemple Phenix et Leonidas qui sont
choisis par Pélée et Philippe pour leurs fils respectifs Achille et
Alexandre. Une fois que les enfants ont une maîtrise suffisante des
différentes parties du discours, il revient au tuteur de chercher un
maître doté « d’une excellente connaissance du grec et du latin et de
grandes qualités morales : sobre et vertueux, il doit mener une vie
chaste et être capable de beaucoup d’affabilité et de patience pour ne
pas contaminer l’enfant »12 placé sous sa responsabilité par quelque
vice. Par ailleurs, un maître impétueux et cruel ne manquerait pas de
décourager l’enfant. C’est ainsi qu’Elyot préconise, en remplacement
des coups, l’utilisation de la honte et de la louange plus enclines à
l’aider à réfréner ses désirs et à se tourner vers une vie studieuse et
vertueuse. Thomas Elyot est néanmoins conscient du caractère
utopique de ses recommandations. Il fustige notamment l’inconséquence des pères qui négligent l’éducation de leurs enfants. En
raison de l’avarice des pères qui cherchent à faire éduquer leurs
enfants au moindre coût, beaucoup sont instruits « par des maîtres
d’école ignorants » et quand, par hasard, un maître excellent est
choisi, ce dernier n’a pas le loisir d’accomplir sa mission jusqu’au
bout : les enfants lui sont retirés dès qu’ils savent le latin pour être
placés comme pages à la cour ou comme apprentis chez quelque
clerc.
12
“it shall than be time that his tutor or gouernour do make diligent serche for suche
a maister as is excellently lerned both in greke and latine, and therwithall is of
sobre and vertuous disposition, specially chast of liuyng, and of moche affabilitie
and patience : leste by any uncleane example the tender mynde of the childe may
be infected”. Ibid., chapter IX.
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Programme d’étude
Malgré les obstacles auxquels le maître risque de se trouver
confronté, Thomas Elyot propose un programme d’étude qui couvre
quatorze ans de la vie de l’élève. Mis à part les sept premières années
consacrées à l’acquisition de ce qu’on appellerait aujourd’hui les
savoirs fondamentaux, Thomas Elyot divise son programme en trois
grandes phases : une phase d’apprentissage de sept à treize ans, une
phase d’approfondissement de quatorze à dix-sept ans et une phase
de perfectionnement de dix-sept à vingt-et-un ans. Pour chacune de
ces phases, Elyot prévoit un programme d’auteurs à étudier et il
précise pour chacune de ces tranches d’âge les méthodes
pédagogiques appropriées.
Partant du principe qu’à sept ans, l’enfant connaît les parties
du discours et sait les distinguer entre elles, Elyot fait débuter à cet
âge l’apprentissage simultané du grec et du latin, avec une
particularité pour le latin qui doit servir au maître et à l’élève pour
communiquer entre eux. Elyot rappelle que la grammaire n’est pas
une fin en soi et que son apprentissage n’a de sens que dans la
mesure où elle permet aux élèves d’accéder aux textes. Par
conséquent, elle doit être introduite progressivement en fonction des
besoins que génère la lecture des textes.
La grammaire n’étant qu’une introduction à la compréhension
des auteurs, si elle est exposée à l’élève de manière trop
longue ou détaillée, elle mortifie en quelque sorte son
courage. Et lorsqu’il en arrive à la lecture très douce et
agréable des auteurs anciens, les étincelles du désir fervent
d’apprendre sont étouffées sous le poids de la grammaire
comme un feu naissant est vite éteint par un amas de petites
branches. 13
13
“Grammer beinge but an introduction to the understanding of autors, if it be made
to longe or exquisite to the lerner, hit in a maner mortifieth his corage : And by
that time he cometh to the most swete and pleasant redinge of olde autours, the
sparkes of feruent desire of lernynge is extincte with the burdome of grammer,
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A ce stade, Elyot recommande d’étudier exclusivement des poètes.
Les auteurs grecs qui lui semblent le plus accessibles sont Esope,
Aristophane ou Lucien et Homère. En latin, ce sont Virgile et Ovide
qui ont sa préférence. Commencer l’apprentissage du grec et du latin
par la poésie peut paraître surprenant aujourd’hui. De fait, Elyot
considère que la lecture de la poésie classique est plus facile et plus
attrayante que la lecture des discours politiques qui nécessitent de
pouvoir suivre de longs raisonnements. La poésie présente également
l’avantage de pouvoir être apprise aisément par cœur, ce qui permet
d’acquérir en douceur le vocabulaire et les règles grammaticales
essentielles. En raison des maximes ou des sentences qu’elles
contiennent, la lecture des fables présente, en outre, l’avantage de
permettre au maître de « fortifier une vertu à laquelle l’enfant est
manifestement enclin ou de corriger un vice auquel il s’adonne
naturellement ». 14
Au bout de sept ans, l’essentiel de la poésie grecque et latine
étant maîtrisé, il convient d’aborder les prosateurs avec, pour la
deuxième phase d’apprentissage, trois grandes orientations : l’art
oratoire, la cosmographie et l’histoire. Là encore, Elyot fournit une
liste d’auteurs à privilégier. Pour l’art oratoire, Cicéron arrive en tête.
Il doit néanmoins être associé à Hermogène et Quintilien pour
l’étude de la rhétorique et à Isocrate et Démosthène pour
l’apprentissage de l’éloquence. La maîtrise de l’art oratoire est un des
fondements de l’humanisme qui voit dans les langues anciennes la
seule source d’érudition digne de ce nom. Or, cette érudition n’a de
valeur que dans la mesure où elle est exprimée dans une langue en
lyke as a lyttel fyre is sone quenched with a great heape of Small stickes”. Ibid.,
chapter X.
14
“be most accommodate to the aduauncement of some vertue, wherto he perceiveth
the childe inclined or to the rebuke of some uice, wherto he findeth his nature
disposed”. Ibid., chapter X.
66
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adéquation avec elle. Thomas Elyot justifie son choix de faire
pratiquer l’art oratoire par son utilité pour le futur gouverneur.
Quand il devra argumenter au sein d’un conseil, parler devant
un large public ou s’adresser aux ambassadeurs étrangers de
grands princes, il ne se verra pas obligé de débiter des mots
imprévus et désordonnés mais il les agencera de manière
appropriée et rigoureuse. 15
Outre l’art oratoire, le maître doit faire acquérir à son élève des
notions de géographie. Dans ce domaine, Elyot qui doute de la valeur
des récits de voyages médiévaux fait appel à des écrivains de la
période impériale tels que Strabon, Solinus, Pomponius Mela et
Dyonisius. Cet apprentissage est important d’un point de vue
culturel mais également d’un point de vue tactique car il permet au
futur soldat d’avoir une solide connaissance des pays qu’il peut être
amené à traverser, des obstacles qu’il peut rencontrer mais aussi des
endroits plus favorables à l’invasion ou à la dissimulation. Quant à
l’histoire, elle est abordée via Tite-Live, Xenophon, Quinte-Curce,
César et Tacite. Reprenant la définition de Cicéron pour qui
l’histoire est « le témoin des époques […] et le messager de
l’antiquité » 16 Thomas Elyot part du principe que l’histoire est la
mémoire de la sagesse militaire, politique et morale. Par conséquent,
il insiste pour que l’on étudie le style de l’historien, les leçons à tirer
des actions militaires évoquées, la cause de croissance ou de déclin
des états, le talent politique et la valeur morale des gouvernants.
La dernière phase d’apprentissage est entièrement dévolue à la
philosophie morale abordée au moyen d’Aristote, de Cicéron, Platon,
15
“whan he shall happe to reason in counsaile, or shall Speke in a great audience, or
to strange ambassadours of great princes, he shall nat be constrayned to speake
wordes sodayne and disordred, but shal bestowe them aptly and in their places”.
Ibid., chapter XI.
16
“the witnesse of tymes […] and messager of antiquitie”. Ibid., chapter XI.
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des livres de Sagesse et des livres historiques de l’Ancien Testament.
Elyot n’exclut pas l’étude du Nouveau Testament mais il invite à
prendre quelques précautions. Le Nouveau Testament doit « être
manipulé avec autant de révérence qu’un joyau céleste ou une relique
et doit avoir une foi authentique et inébranlable comme interprète
principal ». 17 La lecture du Nouveau Testament doit donc être
réservée à des esprits supérieurs qui ne chercheront pas à
l’interpréter selon les canons de la connaissance séculière. Le
programme d’études proposé par Thomas Elyot se termine sur un
vibrant hommage à « l’excellentissime Docteur Erasme de Rotterdam
[…] dont le livre intitulé l’Institution d’un prince chrétien devrait être
aussi familier aux gentilshommes à tout moment et à tout âge que
l’étaient Homère pour le grand roi Alexandre ou Xenophon pour
Scipion ». 18 Elyot conclut ces chapitres consacrés au développement
intellectuel de l’enfant par quelques remarques concernant l’hygiène
de vie à respecter pour étudier dans de bonnes conditions.
Les tuteurs et les gouverneurs d’enfants nobles ne devront
pas tolérer que ceux-ci se gavent de viandes ou de boissons ni
qu’ils dorment trop, […] huit heures étant le grand maximum.
En effet, il ne fait pas de doute que la satiété et le sommeil
superflu sont les ennemis principaux de l’étude, comme ils le
sont également de la santé du corps et de l’âme. 19
17
“is to be reuerently touched, as a celestiall Jewell or relike, hauynge the chiefe
interpretour of those bokes trewe and constant faithe”. Ibid., chapter XI.
18
“the most excellent doctour Erasmus Roterodamus […] whiche booke is intituled
the institucion of a christen prince, wolde be as familyare alwaye with gentilmen,
at all tymes, and in euery age, as was Homere withe great king Alexander, or
Xenophon with Scipio”. Ibid., chapter XI.
19
“Alway I shall exhorte tutours and gouernours of noble chyldren, that they suffre
them nat to use ingourgitations of meate or drinke, ne to slepe moche, that is to
saye, aboue viii houres at the moste. For undoubtedly bothe repletion and
superfluous slepe be capital ennemies to studie, as they be semblably to helth of
body and soule”. Ibid., chapter XI.
68
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Education artistique et éducation physique
Le programme que nous venons de parcourir peut donner
l’impression de développer exclusivement les compétences
intellectuelles de l’élève. S’il est vrai que Thomas Elyot passe du
temps à détailler les œuvres à faire étudier à l’élève, il n’en néglige
pas moins d’autres aspects de l’éducation, à commencer par
l’éducation artistique. Celle-ci occupe une place importante dans la
phase d’apprentissage du latin et du grec. Elyot est conscient de
l’effort que représente pour un enfant l’apprentissage simultané de
deux langues et de la difficulté qu’il peut avoir à soutenir son
attention dans l’unique but d’acquérir les règles de base de deux
langues mortes. C’est pour pallier ces difficultés que Thomas Elyot
propose d’introduire l’étude de la musique. Elle est plus envisagée
comme une récréation que comme une étude systématique. Prenant
l’exemple du roi David qui, par son habileté à la harpe, parvenait à
chasser le démon lorsqu’il s’emparait de Saül, Elyot reconnaît que la
pratique d’un instrument de musique ne peut être que profitable à
un gentilhomme à condition qu’il n’en abuse pas.
Le tuteur aura à cœur de le convaincre […] que la musique
sert uniquement de récréation après des affaires fastidieuses
et laborieuses et de lui montrer qu’un gentilhomme qui joue
ou chante devant un public commun met à mal sa réputation :
les gens oublient d’être révérencieux lorsqu’ils voient se
comporter comme un vulgaire serviteur ou un ménestrel. 20
Il applique le même raisonnement à la pratique des arts plastiques.
S’appuyant sur l’attirance des enfants pour les images et sur leur
propension à tracer des traits, Elyot recommande d’enseigner la
20
“the tutor’s office shall be to persuade hym […] that it onely serueth for recreation
after tedious or laborious affaires, and to shewe him that a gentilman, plainge or
singing in a commune audience, appaireth his estimation : the people forgettinge
reuerence, when they beholde him in the similitude of a common seruant of
minstrel”. Ibid., chapter VII.
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peinture, le dessin et la sculpture. S’il met l’accent sur le fait que,
comme pour la musique, ces arts doivent être pratiqués avec
modération car ils ne peuvent en aucun cas déboucher sur un métier
qui ne conviendrait pas à leur état, il leur reconnaît, néanmoins, un
double avantage. Non seulement ces activités peuvent distraire les
enfants et leur faire oublier un instant le travail fatigant des livres
mais elles peuvent également les aider à développer des compétences
qui leur seront utiles plus tard s’ils ont à imaginer ou à perfectionner
des machines de guerre, à dessiner des cartes stratégiques, à y noter
les positions tactiques et les lignes de fortification, à concevoir des
maisons, à prendre des mesures et à dessiner des plans et des
croquis.
A partir de quatorze ans, c’est l’éducation physique qui paraît
la plus à même d’équilibrer l’effort intellectuel de l’élève.
Une étude continuelle sans aucune forme d’exercice épuise
rapidement les esprits vitaux et empêche la décoction
naturelle et la digestion, ce qui a pour conséquence de
corrompre rapidement le corps, de l’exposer à diverses
maladies et finalement d’en abréger la vie. Au contraire,
l’exercice […] préserve la santé et la fortifie en endurcissant
les membres par un frottement mutuel et en augmentant la
chaleur naturelle dans tout le corps. 21
Disciple de Galien, Thomas Elyot n’insiste pas sur les bienfaits
de la gymnastique. Il renvoie pour cela à la traduction latine d’un
livre de son maître sur le sujet, De Sanitate tuenda. Il consacre, en
revanche, de longs paragraphes aux sports qui permettent de
21
“continuall studie without some maner of exercise, shortly exhausteth the spirites
vital, and hyndereth naturall decoction and digestion, wherby mannes body is the
soner corrupted and brought in to diuers sickenessis, and finallye the life is therby
made shorter : where contrayrye wise by exercise […] the helthe of man is
preserued, and his strength increased : for as moche the membres by meuyng and
mutuall touching, do waxe more harde, and naturall heate in all the body is therby
augmented”. Ibid., chapter XVI.
70
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développer des qualités telles que l’endurance, la force et l’agilité
susceptibles d’aider le futur homme d’armes à se sortir de n’importe
quel danger. Dans cette perspective, Thomas Elyot énumère les
différents sports qui peuvent être mis au programme. Les exercices à
la disposition des élèves sont variés. L’essentiel pour lui est de
choisir des exercices d’intensité modérée et d’éviter ceux qui
entraînent à trop de violence et peuvent devenir dangereux. De ce
fait, il condamne le jeu de balle au pied 22 dans lequel il ne voit rien
d’autre qu’une « fureur bestiale et une extrême violence ». 23 En
revanche, il recommande la lutte qui peut être utile au combat si le
soldat après avoir perdu ou cassé son arme est réduit à un corps à
corps avec son adversaire. Les exemples d’Achille et Epaminondas
militent en faveur de la course à pieds. De même, la natation qui était
très populaire chez les Romains ne doit pas être négligée. La
pratique de l’équitation éventuellement accompagnée de l’entraînement au maniement de la lance et de la hache de combat paraît être
un exercice indispensable. La chasse, telle qu’elle est décrite dans la
Cyropédie de Xénophon peut également faire partie du programme
d’éducation physique du gentilhomme dans la mesure où elle
s’apparente à une imitation de la bataille.
Non seulement [la chasse] révèle le courage et la force à la fois
du cheval et de celui qui le monte puisqu’il leur faut parcourir
des montagnes et des vallées, affronter et vaincre des bêtes
énormes et puissantes, mais elle augmente également en eux
l’agilité et la rapidité, ainsi que l’habileté pour trouver
passages et détroits où ils sont susceptibles d’éviter ou de
piéger leurs ennemis. Enfin par une pratique régulière ils
22
Thomas Elyot utilise le mot « football » mais, le terme n’entrant dans le
vocabulaire français qu’au XIXe siècle, il nous paraît préférable de traduire par
« jeu de la balle au pied » qui avait cours au XVIe siècle.
23
“foot balle, wherein is nothinge but beastly furie and exstreme violence”. Ibid.,
chapter XXVII.
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supporteront facilement les difficultés inhérentes à la guerre :
la faim, la soif, le froid et la chaleur. 24
Il profite du chapitre dévolu à la chasse pour envisager des
formes particulières de chasse très en vogue dans l’Angleterre du
XVIe siècle. Si le tir à l’arc, qui a fait ses preuves dans de nombreuses
batailles, fait l’objet d’un vibrant plaidoyer, il n’en est pas de même
de la fauconnerie. Thomas Elyot se montre, en effet, très réservé
quant à cette pratique. Elle permet, certes, d’ouvrir l’appétit de celui
qui l’exerce tout en l’éloignant de toute distraction néfaste pour son
corps et son âme mais elle ne lui paraît pas aussi utile que la chasse.
Il déplore en particulier le régime alimentaire des faucons et craint
que si l’on n’y met pas bon ordre, les poules ne deviennent aussi rares
que les perdrix et les faisans !
Les loisirs récréatifs
Si toutes les activités, qu’elles soient intellectuelles,
artistiques ou physiques ont une utilité, cela ne veut pas dire que
Thomas Elyot réprouve toute forme de loisirs récréatifs. Ce qu’il
condamne fermement, ce sont les distractions qui conduisent à
l’oisiveté et au vice. Tout comme Thomas More et avant lui, Socrate,
Xénophon et Théophraste, il place les dés au premier rang de ces
distractions à éviter absolument. Jouer aux dés ne présente
absolument aucun intérêt. Cela n’implique aucun exercice du corps
et de l’esprit et en raison de la tricherie ou de la suspicion de
tricherie, c’est un jeu qui dégénère souvent, ce qui permet à Thomas
24
“nat onely it dothe shewe the courage and strength as well of the horse as of him
that rydeth, trauersynge ouer mountaynes and valeys, encountring and
ouerthrowyng great and mighty beestes, but also it increaseth in them bothe
agilitie and quicknesse, also sleight and policie to fynde suche passages and
straytes, where they may preuent or intrappe their ennemies. Also by continuance
therin they shall easily sustayne trauaile in warres, hunger and thurst, cold and
heate”. Ibid., chapter XVIII.
72
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Elyot d’égrèner les maux qui en résultent : querelles, bagarres et
injures. Elyot développe une telle aversion pour ce jeu qu’il voit en
« Lucifer, prince des démons, le premier inventeur du jeu de dés » 25 et
qu’il imagine que « l’enfer est l’endroit où il a été trouvé ». S’il exècre
les dés, Elyot tolère les cartes. Contrairement aux dés, elles font
appel à l’esprit et ne reposent pas exclusivement sur la fortune. Il fait
plus particulièrement allusion à la bataille des vertus et des vices
également chère aux Utopiens.
Dans ce jeu, on montre très clairement à la fois la désunion
des vices entre eux et leur accord contre les vertus ; on voit
également quels sont les vices qui s’opposent à telles ou telles
vertus, quelles forces les vices déploient dans la lutte ouverte,
à quelles machinations ils ont recours quand ils attaquent de
flanc, quelle position de défense permet aux vertus d’entamer
les armes du vice, par quels stratagèmes elles déjouent leur
attaques, quels moyens permettent à l’un ou l’autre camps de
s’assurer la victoire. 26
Elyot fait enfin la part belle aux échecs car c’est un jeu qui
« aiguillonne l’esprit et renforce la mémoire » 27.
Si ces jeux de société sont autorisés dans la mesure où ils font
travailler le sens tactique tout en affermissant les valeurs morales, ils
n’en présentent pas moins un inconvénient : ils ne nécessitent aucun
effort physique. C’est pourquoi, il convient de leur associer la danse
sur laquelle Thomas Elyot ne tarit pas d’éloges. Après avoir expliqué
25
I “ have good cause to suppose Lucifer, prince of deuilles, to be the first inuentor
of dise playinge, and helle the place where it was founden”. Ibid., chapter XXVI.
26
“Quo in ludo perquam scite ostenditur & uitiorum inter se dissidium, & aduersus
uirtutes concordia. item quae uitia, quibus se uirtutibus opponant, quibus uiribus
aperte oppugnent, quibus machinamentis ab obliquo adoriantur, quo praesidio,
uirtutes uitiorum uires infringant, quibus artibus eorum conatus eludant, quibus
denique modis alterutra pars uictoriae compos fiat”. Thomas More, l’Utopie, trad.
André Prévost, Paris : Mame, 1978, p.470.
27
“the wytte is made more sharpe and remembrance quickened.”, Thomas Elyot,
The Boke Named the Governor, op. cit., chapter XXVI.
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les raisons pour lesquelles saint Augustin condamne la danse et avoir
montré que ce ne sont pas toutes les formes de danse qui sont
réprouvées mais seulement celles qui portent en elles des traces de
superstition et d’idolâtrie et qui poussent à la luxure et à la
débauche, Elyot fait mémoire du rôle joué par la danse dans
l’antiquité et tire des exemples de l’histoire de la Grèce et de Rome
en passant par le royaume d’Israël, l’Inde et l’Ethiopie. Il établit
ensuite les conditions dans lesquelles la danse peut se pratiquer. La
danse étant « l’image du mariage », 28 il pose comme principe que
seuls un homme et une femme peuvent danser ensemble. Il précise
également la posture qu’il convient d’adopter : ils doivent « se tenir
par la main ou par le bras en signe de concorde ». 29 De l’union des
qualités qu’incarnent respectivement l’homme et la femme naissent
plusieurs vertus : la magnanimité, la constance, la sagesse, la
continence. 30 Par effet domino, elle engendre également chez ceux
qui la pratiquent assidument la prudence, la maturité d’esprit, la
prévoyance, l’industrie, le discernement, l’expérience et la modestie.
Les recommandations que nous livre Thomas Elyot
témoignent de la modernité de son esprit. Les questions qu’il soulève
sur l’âge auquel il convient de commencer l’apprentissage des
28
“by the association of a man and a woman in daunsinge may be signified
matrimonie”. Ibid., chapter XX.
29
“holding eche other, by the hande or the arme, whiche betokeneth concorde”.
Ibid., chapter XX.
30
“A man in his naturall perfection is fiers, stronge in opinion, couaitous of glorie,
desirous of knowlege, appetiting by generation to brynge forthe his semblable.
The good nature of a woman is to be milde, timerouse, tractable, benigne, of sure
remembrance, and shamfast. […] And in this wise fiersenesse ioyned with
mildeness maketh Seueritie ; audacitie with timerositie maketh Magnanimitie ;
wilfull opinion and tractabilitie […] makethe Constance a vertue ; Couaitise of
Glorie adourned with benignititie causeth honour ; desire of knowlege with sure
remembrance procureth Sapience ; Shamfastnes ioyned to appetite of generation
maketh Continence, whiche is a meane betwene Chastitie and inordinate luste”.
Ibid., chapter XX.
74
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langues étrangères, sur la place de la grammaire dans l’enseignement
des langues, sur le rôle de l’éducation artistique et physique dans
l’épanouissement de l’élève, sur les moyens à mettre en œuvre pour
rendre l’apprentissage ludique et éviter le surmenage, ne manquent
pas de faire écho aux réflexions menées par des humanistes tels
qu’Erasme ou Thomas More mais aussi aux débats qui ont pu agiter
le monde de l’enseignement depuis plus de quatre siècles et demi et
qui continuent encore de le faire aujourd’hui. C’est pourquoi, alors
que jusqu’ici, il a souvent été négligé par les historiens des théories
de l’éducation, il nous a paru important de lui rendre justice en le
sortant de l’oubli et en lui restituant la place qui aurait dû toujours
être la sienne aux côtés de ses compatriotes Ascham, Mulcaster,
Milton, Locke et Spencer.
Isabelle Bore
[email protected]
Sir Thomas Elyot – Hans Holbein – Windsor Castle
Isabelle BORE
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BIBLIOGRAPHIE
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