introduction Les carlistes espagnols dans l`ouest de la France, 1833

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introduction Les carlistes espagnols dans l`ouest de la France, 1833
[« Les Carlistes espagnols dans l’Ouest de la France, 1833-1883 », Emmanuel Tronco]
[Presses universitaires de Rennes, 2010, www.pur-editions.fr]
Introduction
Le carlisme constitue un mouvement politique d’une importance considérable dans l’histoire de l’Espagne du XIXe siècle. Il apparaît pourtant
oublié en France et quasi occulté au sud des Pyrénées.
Il est frappant de constater que pendant longtemps la production historique française ne s’est intéressée qu’aux événements de la Guerre d’Indépendance de 1808, et, plus d’un siècle plus tard, à ceux de 1936-1939,
qui ont tant marqué nos contemporains. C’est un peu comme si l’espace
chronologique entre ces deux conflits n’avait aucune importance. On
peut d’ailleurs remarquer l’utilisation de l’appellation « la Guerre Civile ».
Comme si l’on estimait que cette péninsule n’avait pas connu au siècle
précédent d’autres affrontements fratricides de grande ampleur.
Pourtant, cette histoire presque oubliée a entraîné des conséquences sur le
destin de la France. Le carlisme, s’il se veut selon ses partisans « purement hispanique », ne peut intéresser la seule Espagne, pour quatre raisons principales :
– ce mouvement politique et idéologique n’est pas propre à ce seul pays,
il s’inscrit dans un contexte général européen, celui de la ContreRévolution opposée au libéralisme montant ;
– le carlisme représente une question épineuse dans les rapports diplomatiques franco-espagnols ainsi que dans les relations de l’Espagne
avec d’autres puissances européennes sur près d’un siècle ;
– la France et d’autres États d’Europe servent de base arrière à la contrerévolution espagnole, permettant le développement d’un activisme
multiforme (propagande, recrutement et contrebande) ;
– enfin, la lutte pour cette cause provoque d’importantes migrations de
réfugiés politiques.
Trois prétendants successifs d’Espagne, prénommés Don Carlos provoquent leur cortège d’affrontements violents sur près de quarante ans.
Le carlisme naît officiellement d’une crise de succession dynastique.
De durs combats se livrent au nom de Don Carlos, d’où le qualificatif
pour ses partisans de carlistas, soit carliste en français. La première guerre
civile carliste éclate en 1833, inaugurant une série de soulèvements pour la
« Sainte Cause ». Néanmoins, d’autres courants politiques plus progressistes
s’expriment également de manière violente, les insurrections et pronuncia13
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mientos sont nombreux. Si le XIXe siècle se révèle celui des révolutions, il
devient également par contrecoup celui des contre-révolutions.
La dernière guerre carliste se déroule de 1872 à 1876. Néanmoins, en
1936, les héritiers du carlisme se battent à nouveau sous la devise « Dieu,
Roi et Patrie » du côté des « nationalistes » unis par le général Franco.
Sous la monarchie de Juillet, la presse et plus particulièrement les
organes légitimistes suivent de près, souvent avec passion ou tout au moins
avec parti pris, cette lutte qui a troublé le pays en 1832 : libéraux contre
royalistes « absolutistes ». Les Français ne vivent pas seulement cette guerre
virtuellement, les autorités, même hors des Pyrénées, se trouvent confrontées à différentes affaires liées à ces événements.
Dès le début du conflit, en 1833, comme dans toutes les guerres qui
embrasent l’Espagne au XIXe siècle, des hommes surtout, mais également
des femmes et des enfants, viennent trouver refuge en France.
Notre étude, loin de toute histoire partisane, concerne tout spécialement
les carlistes, les exilés espagnols les plus nombreux de la monarchie de
Juillet à la Troisième République. Elle s’étend de 1833, à la mort du comte
de Chambord en 1883. Nous pourrons également comparer leur accueil à
celui d’autres réfugiés de la même époque. Nous verrons ainsi si la France
se montre vraiment fidèle à sa vocation de terre d’asile. Nous tâcherons
de discerner si les carlistes réfugiés en 1876 restent les mêmes que ceux de
1839. La société espagnole évolue entre ces années, qu’en est-il des exilés ?
Nous traiterons principalement de l’Ouest de la France, une région
politiquement et sociologiquement à part.
Outre le passé contre-révolutionnaire bien connu de cette région, elle
devient la seule zone relativement éloignée de l’Espagne à être interdite
aux carlistas.
Le soulèvement de 1793 et ses conséquences ont en effet durablement
marqué cette partie de la France. Les relations de l’Administration dans
l’Ouest et des populations face à ces « chouans espagnols » nous intéressent
particulièrement. Cependant, les rapports entre légitimistes français que
l’on appelle encore « carlistes » au début de notre période, car ce sont des
fidèles de Charles X, et leurs coreligionnaires homonymes d’en deçà des
Pyrénées, n’apparaissent pas si simples. Les positions des différents régimes
politiques face au carlisme ne s’avèrent pas également des plus aisées à
définir. Nous nous intéresserons également à la perception de ces rebelles
par l’opinion publique en France et dans l’Ouest. Comment sont perçus
ces hommes, à la fois Espagnols et légitimistes, dans une région marquée
par la Vendée et la chouannerie ?
Le légitimisme français apparaît pluriel. Tous ses partisans soutiennentils les insurgés d’Espagne ? Les légitimistes des deux côtés des Pyrénées
œuvrent-ils pour une même Contre-Révolution ? Pourquoi cette mesure
d’interdiction dans une région relativement éloignée de l’Espagne ?
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Nous tenterons également de démontrer si les complots sous Juillet
n’ont qu’une valeur purement anecdotique. Les historiens ont-ils alors
sous-estimé les conspirations légitimistes car elles ne sont pas parvenues
à renverser le régime en place 1 ? À l’instar de René Rémond, nous avons
adopté cette ligne de conduite : « L’historien se doit de considérer les situations passées non pas telles que la suite connue de lui les éclaire, mais telles
qu’elles furent vues par les contemporains 2. »
Nous mettrons également en évidence les permanences ou les ruptures
dans l’histoire du carlisme. Avec le conflit de 1872-1876, alors que l’Ouest
est à nouveau autorisé à la présence des Espagnols, leurs liens avec les
royalistes de l’Ouest demeurent-ils toujours les mêmes ?
Nous tenterons d’apporter des explications à deux grandes énigmes :
pourquoi l’oubli du carlisme espagnol dans l’historiographie française ?
Et comment peut-on expliquer cette permanence, comme phénomène de
masse, de ce mouvement dans l’Espagne de la première moitié du XXe siècle ?
Enfin, peut-on vraiment comparer ce royalisme à celui qui existe dans
l’Ouest ? Cette région n’apparaît pas seulement en tant que réalité géographique, mais comme un ensemble politique varié qui se singularise du reste
du territoire national.
L’Ouest se voit considéré comme le berceau de la Contre-Révolution.
L’Administration de Louis-Philippe préfère l’interdire aux carlistes exilés.
On trouve dans cette zone « interdite » : l’Ille-et-Vilaine, les Côtesd’Armor, le Finistère, le Morbihan, la Loire-Atlantique, la Vendée, les
Deux-Sèvres, le Maine-et-Loire, la Mayenne, la Sarthe, la Manche et la
Vienne. Il s’agit donc ici de 12 départements des anciennes provinces de
Bretagne, du Poitou, de l’Anjou et du Maine, ainsi que d’une petite partie
de la Normandie.
L’Ouest conserve un esprit politique particulier. Il constituerait encore,
au tout début du XXe siècle, la « forteresse de la résistance » à la Révolution,
selon l’expression d’André Siegfried 3. S’inspirant des fameux travaux de
Paul Vidal de La Blache, il définit cet espace comme dominé par : l’élevage, la culture familiale en pays de population disséminée, une « structure féodale » au niveau foncier et en grande partie par la présence du
« sombre » Massif armoricain 4. Il est vrai que sans tomber dans un déterminisme géographique, cette vaste région granitique apparaît entourée par
une ceinture de plaines calcaires, d’habitat regroupé, au comportement
politique différent depuis la Révolution.
De plus, nous avons fait le choix de travailler sur la Charente et la
Charente-Maritime qui ne font pas partie de l’Ouest tel qu’il est défini
1. R. RÉMOND, Les droites en France, Paris, 1982, p. 74.
2. Ibid., p. 142.
3. A. SIEGFRIED, Tableau politique de la France de l’Ouest, Paris, 1994, p. 51.
4. Ibid., p. 59.
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ci-dessus. Ceci nous permet de comparer la vie des réfugiés dans le voisinage
de cette région politiquement suspecte. Nous aborderons également l’état
de l’émigration au niveau national.
Les archives départementales de l’Ouest se révèlent riches d’informations sur le maintien de ce clivage important entre les royalistes et le reste
de la population.
Les documents évoquant explicitement les guerres carlistes et la venue
d’exilés se révèlent nombreux. Nous pouvons estimer à une quarantaine
le nombre de départements plus régulièrement concernés. L’analyse plus
complète de cette émigration nécessiterait un véritable tour de France.
Pour tenter de répondre à nos différentes interrogations, nous avons
consulté les archives de 17 départements : Gironde, Orne, Aude en plus
des 12 interdits, ainsi que celles des deux Charentes. Les recherches ont été
faites principalement dans la série M et plus particulièrement dans la soussérie 4M, concernant la police des étrangers. L’équivalent de ces documents
a été consulté aux Archives nationales dans la série F7. Néanmoins, des
archives concernant les réfugiés espagnols antérieures à 1870 ont dû brûler
durant la répression de la Commune.
Ces documents, essentiellement administratifs, concernent la
surveillance et l’assistance financière des réfugiés par l’État.
La tournée des dépôts d’archives a pu permettre de reconstituer, peu à
peu, un véritable puzzle de l’émigration carliste en France. D’autres sources
(diocésaines, privées…) pourraient compléter davantage cette page de l’Histoire. Les Archives des Affaires étrangères nous ont permis de cerner la
perception de la première guerre carliste par la France de Juillet. D’autres
sources ont été consultées, la presse notamment, car il a été primordial
d’étudier en détails certains organes légitimistes de l’Ouest, mais également
des feuilles hostiles au carlisme.
Le plus difficile consiste à cerner l’opinion du reste de la population par
rapport aux carlistes. Nous pouvons la percevoir au travers de bribes de la
correspondance administrative de ceux qui informent le pouvoir sur l’état
d’esprit de leurs administrés. Contrairement à Paul Bois, nous laisserons
une large place à ces commentaires « littéraires » et forcément subjectifs 5. Il
s’avère parfois ardu de vérifier l’authenticité des propos tenus, nous considérons néanmoins qu’ils illustrent une des perceptions de la réalité et restituent une atmosphère.
La bibliographie sur le carlisme apparaît imposante, mais elle demeure
peu prolixe sur les thèmes qui nous intéressent ici, à savoir l’émigration en
France et les contacts entre légitimistes des deux pays.
De nombreuses publications en Espagne traitent du carlisme et il continue d’être régulièrement le fruit de nouveaux ouvrages.
5. P. BOIS, Paysans de l’Ouest. Des structures économiques et sociales aux options politiques depuis l’époque
révolutionnaire dans la Sarthe, Paris/Le Mans, 1960, p. XIV.
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INTRODUCTION
Suscitant des passions partisanes ou hostiles, il a fait l’objet de vives
critiques et à l’inverse d’une véritable hagiographie de la part de ses zélateurs.
L’histoire devient moins partisane, à partir des années 1970, avec la « transition démocratique ». Toutefois, il n’est pas rare de constater encore de nos
jours le parti pris favorable d’un auteur pour le carlisme ou au contraire son
opposition catégorique à celui-ci. Actuellement, le parti carliste, antique
mouvement de masse, ne représente qu’une part infime de l’électorat et
il demeure divisé en deux tendances 6. En effet, cette scission survint à la
suite d’une orientation politique surprenante dans les années 1970, pour
un mouvement monarchiste, devenu un pilier du régime franquiste, de
par son hostilité à la république de 1932. Dirigé par Charles Hugues de
Bourbon-Parme, il prône la mise en place d’un « socialisme autogestionnaire ». L’extrême droite intégriste, se voulant gardienne des « vraies » traditions du carlisme, s’est opposée, parfois par la force, à cette orientation 7.
Dégager les bases populaires et les volontés sociales de ce mouvement
qui serait contre les inégalités de richesses produites par le capitalisme,
peut devenir un enjeu politique. De nos jours, on peut constater que sous
l’étiquette carliste se livre à la fois un combat que l’on pourrait qualifier
de gauche ou d’extrême gauche contre la mondialisation et celui plutôt
défendu par une certaine droite, celui de la lutte contre la légalisation
de l’interruption volontaire de grossesse. Cependant, malgré les discours
« gauchisants » des dernières décennies et l’opposition de nombreux carlistes
au franquisme, la grande majorité des Espagnols ne peut concevoir que le
carlisme appartienne désormais au camp socialiste, alors qu’il a fait partie
dès l’origine du Mouvement dirigé par le général Franco.
L’historiographie récente dite « néocarliste » s’efforce donc de prouver
la défense des pauvres par ce parti, considéré comme le plus ancien de la
vie politique espagnole. Elle tente de minorer l’importance des catholiques
intransigeants dits intégristes. Nous pouvons discerner cette double interprétation dans les Guerres de Vendée, considérées pour les uns comme une
résistance des masses populaires contre les bourgeois, ou pour d’autres,
comme celle de la réaction de la France catholique d’Ancien Régime contre
la Révolution athée.
Longtemps, les publications sur le carlisme n’ont traité que de droit
dynastique et surtout, ont été essentiellement événementielles, à l’image
de l’historiographie antérieure à la Seconde Guerre mondiale. Les ouvrages
remplis de détails sur les opérations militaires abondent. Antonio Pirala,
historien libéral, réalise le premier une œuvre monumentale sur la guerre
6. Voir les sites de la Comunión Tradicionalista Carlista (intégriste) et celui du Partido Carlista.
7. À Montejurra, le 9 mai 1976, des intégristes suivant le frère cadet, Sixte-Henri de Bourbon-Parme,
s’opposent de manière sanglante aux autres pèlerins carlistes.
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des Sept Ans 8. Melchor Ferrer publie son Historia del tradicionalismo
español, en 30 volumes 9 !
Cette aventure politique et militaire a inspiré une partie des plus grands
auteurs de la littérature espagnole de la fin du XIXe siècle : Benito Pérez
Galdos et ses Episodios nacionales, Miguel de Unamuno et son Paz en la
guerra en 1897, ou le Galicien Pio Baroja publiant son Zalacaín el aventurero en 1909, ainsi que d’autres romans 10.
Des écrivains notoires ont écrit sur les guerres de l’Ouest. Les plus
célèbres plumes de France se montrèrent souvent favorables au légitimisme,
tout au moins durant leur jeunesse : François-René de Chateaubriand,
Victor Hugo, Honoré de Balzac, Alphonse de Lamartine, Alfred de Vigny,
Barbey d’Aurevilly… Cet engagement romantique par excellence, semble
illustrer une prise de position sentimentale pour une monarchie traditionnelle idéalisée, contre une époque rationnelle, défendue par la majeure
partie de la bourgeoisie.
La littérature française évoque peu le carlisme, à quelques exceptions
près. Victor Hugo ou Stendhal y font référence 11. Pierre Benoit lui consacre
un roman, Pour Don Carlos, jouant un peu, comme souvent dans ce genre
littéraire, avec la vérité historique. Maurice Barres publie en 1894 « La haine
emporte tout ». Enfin, des contes du Pays basque français ont conservé la
mémoire de la geste carliste et de ses contrebandiers 12.
Josep Carles Clemente dans son Historia general del carlismo, répertorie
450 références bibliographiques sur ce thème. Aucun ouvrage français n’est
cité parmi celles-ci, si ce n’est la version en castillan du roman de Pierre
Benoit. Même cas de figure avec un ancien directeur de la Bibliothèque
générale de Navarre, qui a publié en 1954, sa Bibliographie des guerres
carlistes et des luttes politiques du XIXe siècle en 3 volumes 13. Il cite néanmoins
dans son Carlos VII y su tiempo, 11 ouvrages sur le carlisme publiés en
français, dont 8 avant 1914 et 3 avant 1960 14.
Quelques français, spectateurs, comme George Sand, ou acteurs des
guerres carlistes, écrivirent sur ces événements 15. Les seconds sont des
membres de l’armée de Don Carlos. Alexis Sabatier publie ses Souvenirs
d’un soldat de Charles V, à Bordeaux en 1836 et le vicomte Alphonse de
Barres du Mollard nous laisse ses Mémoires sur la guerre de la Navarre et des
Provinces basques : 1833-1838, imprimées à Paris en 1842. Un agent légitimiste, le comte Robert de Custine, publie à Paris en 1839 Les Bourbons de
8. Historia de la guerra civil y de los partidos liberal y carlista, en 6 vol., Madrid (1853-1856) 1984-1985.
9. Publiée à Séville, 1960-1979.
10. Santa Cruz y su partida, Von halen, el oficial aventurero…
11. STENDHAL, Lucien Leuwen, Paris (1836).
12. M. FRANCISQUE, Le Romancero basque (1869).
13. J. Del BURGO, Bibliografía de las guerras carlistas y de las luchas politícas del siglo XIX, Pamplona.
14. Idem, Carlos VII y su tiempo : Leyenda y realidad, Pamplona, 1994.
15. G. SAND, Un hiver à Majorque (1838-1839) Palma de Mallorca. Joseph Augustin Chaho Voyage en
Navarre pendant l’insurrection des Basques, Paris, 1836.
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INTRODUCTION
Goritz et les Bourbons d’Espagne. Le séjour de Don Carlos en exil entraîna
d’autres écrits de zélateurs français 16.
Le premier ouvrage sur le thème de cette migration s’intitule Historia de
la emigración carlista. Publié à Madrid en 1846, Rafael Gonzalez de la Cruz
se focalise en fait sur l’exil du Prétendant. Florencio Sanz, un proche de Don
Carlos, a écrit en France deux volumes sur le conflit et l’émigration, mais
ils ne furent jamais publiés 17. Il faut attendre 1984 pour voir un ouvrage
s’intitulant enfin : El exilio carlista de la España del siglo XIX, Carlistas y
« democratas revolucionarios 18 ». Cependant, Rafael Rodríguez Moñino n’y
évoque que les réfugiés dépendant du Consulat espagnol de Sète.
Les ouvrages sur l’exil des républicains de 1936-1939 fleurissent partout
en France ces dernières années. Les réfugiés libéraux espagnols du XIXe siècle
ont été également étudiés en France et en Angleterre 19. Même les prisonniers de guerre de cette nation, sous l’Empire napoléonien, ont fait l’objet
de publications et d’une thèse soutenue par René Aymes Les Espagnols en
France, 1808-1814, imprimée en 1984.
En France, le carlisme comme la majeure partie de l’histoire du XIXe siècle
en Espagne n’a pas entraîné de nombreuses publications. On ne peut citer,
des années 1970 à nos jours, que trois ouvrages édités sur ce thème.
Le carlisme en 1975 de Vincent Garmendia, constitue une bonne
synthèse. On peut ajouter en 1993 L’Espagne de la contre-révolution :
développement et déclin, XVIII et XXe siècles, de Franck Lafage et Le carlisme :
La contre-révolution en Espagne de Joseph Zabalo.
Les historiens français apportent tout de même leur contribution à
l’histoire du carlisme, Vincent Garmendia a soutenu sa thèse à Bordeaux
sur cette idéologie 20. Des universitaires ou des étudiants travaillent depuis
les années 1980 sur les carlistas dans l’Hexagone. Quelques articles ont
été publiés dans des revues d’histoire régionale et plus rarement dans des
ouvrages collectifs comme : Être Espagnol 21. On peut citer notamment
Jean-Paul Jourdan sur les Pyrénées-Atlantiques 22. Des travaux ont été faits
principalement sur les réfugiés carlistes dans tout le Sud-Ouest, dans le
Berry, la Touraine, le Dauphiné, la Vienne et le Doubs. Sophie Firmino les
a abondamment utilisés ainsi que ses propres recherches sur l’Indre pour
soutenir en 2000 sa thèse de 612 pages sur : Les réfugiés carlistes en France
16. V. DOUBLET notamment qui rencontre « Charles V » à Bourges et publie dans cette ville, en 1842,
Vie de S.M don Carlos de Bourbon, roi d’Espagne.
17. F. SANZ, Historia de la guerra entre don Carlos e Isabel II con los sucesos del tiempo de la emigración
carlista y del conde de Montemolín, 2 vol. 590 et 477 p., cité dans J. M. JOVER, Historia de España,
Madrid 1981, p. 111 et 130.
18. R. RODRÍGUEZ MOÑINO, El exilio carlista de la España del siglo XIX, Madrid, 1984.
19. Nous retiendrons R. SANCHEZ MANTERO, Liberales en el exilio, Madrid, 1971.
20. L’idéologie carliste (1868-1876) : aux origines du nationalisme basque, Lille III, 1984.
21. R. AYMES et S. SALAÜN, Être espagnol, Paris, 2000.
22. P. JOURDAN, « Le département des Basses-Pyrénées et les guerres carlistes » dans le Bulletin de la
Société des Sciences, Lettres et Arts du Béarn et de Pau, 1987, p. 203.
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de 1833 à 1840. Elle n’évoque qu’à quatre reprises, l’objet principal de nos
recherches, le cas particulier de l’Ouest 23. Il faut voir également la thèse de
Cécile Mondonico-Torri sur les réfugiés politiques, L’asile sous la monarchie
de Juillet, soutenue en 1995.
Quelques auteurs, Espagnols surtout, ont brièvement évoqué les
similitudes et les liens réels entre les guerres carlistes et celles menées dans
l’Ouest de la France. Une petite étude monographique, de M. Coutant de
Saisseval fait ressortir l’engagement des « vendéens » sous la bannière de
Don Carlos 24. Des ouvrages d’histoire français évoquant le légitimisme
aborde très succinctement le carlisme. Généralement, ceux qui ces dernières
années évoquent le légitimisme n’oublient pas de parler, en quelques lignes
au moins, de Don Carlos, le cousin d’Espagne.
Dans notre étude, nous traiterons tout d’abord des guerres menées au
nom du carlisme et de son idéologie, des origines à l’aube du XIXe siècle et
de l’attitude de la France face à celles-ci. Nous retracerons ensuite l’accueil
des partisans de la Cause par les autorités en insistant sur le cas particulier de
l’Ouest français. Nous tenterons enfin de dresser un portrait de cette émigration politique et un bilan de son intégration au sein de la société d’accueil.
Insigne de béret, d’après un croquis de Pellicer Montseny J. L.
pour l’ Ilustración española y americana, 1874.
23. S. FIRMINO, Les réfugiés carlistes en France de 1833 à 1840, Lille, p. 123, 124, 129 et 369.
24. C. De SAISSEVAL, la chouannerie espagnole : Les guerres carlistes (1832-1872-1936), Les légitimistes
Français et Vendéens dans les armées carlistes, Cholet, 1957, 23 p.
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« Scapulaire, du Sacré-Cœur, avec lequel les carlistes se croient invulnérables aux balles »,
commentaires de Francisco Pi y Margall dans son Historia de España en el siglo XIX.
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