Pouvoir d`achat des allocations familiales
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Pouvoir d`achat des allocations familiales
-1- Histoire et pouvoir d’achat des allocations familiales Avant d’aborder le sujet qui nous intéresse ce matin, je souhaite faire avec vous un voyage dans le temps et retracer ce qui a prévalu à la création et à l’évolution des prestations familiales. Les prestations familiales telles que nous les connaissons aujourd'hui ne ressemblent pas à ce qu'elles étaient à l'origine. Leur histoire est longue, un peu plus de 200 ans pour arriver à ce que nous connaissons aujourd'hui. Essayer, donc, de vous retracer l'histoire des allocations familiales, nous oblige à démarrer notre voyage au début du 19ème siècle (1804) au moment de la promulgation du texte fondateur du statut civil de la famille moderne, le Code civil dit Code Napoléon. C'est en 1860, époque à laquelle une circulaire impériale instaura en effet un supplément familial Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 1 sur 25 -2- de traitement au bénéfice des marins et inscrits maritimes, que naît la première "allocation" familiale. Il s’agissait d’une indemnité de 10 centimes par jour et par enfant de moins de 10 ans, soit à peu près 5 % d’un salaire ouvrier journalier. Il faudra ensuite attendre encore presque 25 ans pour que les premières initiatives privées apparaissent. Ainsi, l'entreprise Klein à Vizille (Isère) crée, en 1884, un complément de salaire pour ses ouvriers. Ce complément est proportionnel au nombre d'enfants que les employés ont à charge. Nombre de patrons du nord de la France pour lesquels ces bonifications sont un moyen de stabiliser une main d'oeuvre volatile voire indocile, s'engageront dans cette voie. Cet exemple sera suivi dans certains secteurs de la fonction publique. Puis, en 1891, le pape Léon XIII s'en mêle en incitant les patrons à tenir compte dans le calcul de la rémunération, des besoins du travailleur et de sa famille. Comment, en effet, le travailleur père de famille nombreuse pourrait-il remplir le devoir sacré de nourrir et d’entretenir ses enfants, sans gagner rien de plus que le célibataire ? Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 2 sur 25 -3- Des patrons chrétiens se sentirent concernés et cherchèrent une solution. Ils en trouvèrent une : le sursalaire familial. Ainsi, Léon Harmel, patron d’une importante filature en Champagne innova, dans cette mouvance, en créant une « caisse de famille », dont il confia la gestion à une commission ouvrière, pour attribuer des suppléments familiaux à ses employés ayant des enfants à charge. Ces prestations étaient mixtes, partie en argent et partie en nature. Son exemple fut imité au cours des années suivantes. Il est important de rappeler que ces prestations familiales patronales n'exprimaient pas que la philanthropie, mais relevaient aussi d’un motif classique de gestion du personnel rentable pour l’employeur. Voici en effet le discours que tenait en 1900 l’Alliance nationale pour l’accroissement de la population française (1ère (?) association familiale créée en 1896) en vue d’exhorter les patrons à instaurer des sursalaires familiaux : « Il n’est pas de dépenses qui concordent mieux avec l’intérêt de ceux qui les consentent. Qui pourrait méconnaître, en effet, que les sacrifices faits sous cette forme par une grande Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 3 sur 25 -4- administration publique ou privée en faveur de son personnel, soient infiniment moins onéreux qu’un relèvement général des salaires ? ». Elles sont aussi, dans le privé, l’oeuvre de patrons influencés par le christianisme social, par des conceptions familialistes et démographiques (natalité), par une conception patriarcale de la famille et une morale qui veut cantonner la femme aux tâches ménagères. A partir des dernières années du 19ème siècle, des suppléments familiaux de traitement furent mis en place dans différentes administrations d’Etat. Comme pour les retraites quelques décennies plus tôt, cela se fit d’abord administration par administration. Les débats à la Chambre donnèrent cependant l’occasion à un député, l’abbé Lemire, de faire entendre un point de vue nouveau. Les suppléments familiaux étaient habituellement présentés comme répondant aux besoins des familles, comme mettant en oeuvre la justice distributive qui attribue des subsides à ceux que leur seule activité ne suffit pas à faire vivre convenablement. Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 4 sur 25 -5- L’abbé Lemire mit au contraire en valeur l’apport des familles à la nation : selon lui, leur fournir des allocations relevait de la justice dite commutative, celle qui proportionne les revenus aux services rendus. Voici quelques phrases extraites d’une intervention à la Chambre, en 1908, dans laquelle il réclamait une allocation familiale : « Je n’appelle pas secours, je n’appelle pas indemnité, ce que je demande à la Chambre ; un secours est donné pour un besoin pressant ou passager ; une indemnité est accordée pour une perte. Avoir une famille ce n’est éprouver ni un accident ni un dommage. (…) Une allocation c’est une rémunération pour un service. La famille est un service social. » C'est ce qui prévaut aujourd'hui encore dans le mouvement familial, les allocations familiales ne sont pas des aides sociales, mais la compensation des charges familiales. Le point de vue diamétralement opposé avait aussi ses partisans. Le voici tel que l’exprima en 1909 un haut fonctionnaire : « Les charges de famille sont une considération à laquelle il n’y a pas lieu de s’arrêter. Les employés n’ont qu’à Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 5 sur 25 -6- pas se marier, s’ils ne possèdent pas les ressources suffisantes pour élever des enfants. Rien ne les oblige à avoir une famille à entretenir. » Malgré cette opposition, la Chambre vota en 1911, à l’initiative d’Auguste Landry, un jeune député corse fraîchement élu, inscrit à l’Union républicaine radicale et socialiste, une proposition visant à généraliser et augmenter la compensation des charges de famille dans la fonction publique. Adoption au mois de juillet 1913 de la loi sur l'assistance aux familles nombreuses nécessiteuses. Elle prévoit le versement d'une allocation à tout chef de famille d'au moins quatre enfants de moins de 13 ans et ne disposant pas de ressources suffisantes. Cette loi rompt définitivement avec cette idée couramment admise que "les enfants ne pouvaient être qu'à la charge des parents imprudents qui les avaient mis au monde". A la suite de Léon Harmel, des socialistes chrétiens préconisent le salaire familial, partant Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 6 sur 25 -7- du principe qu'à salaire égal, le père de famille a plus de mal à vivre qu'un célibataire ou un marié sans enfant. "Ainsi, un ouvrier serait payé non d'après l'ouvrage qu'il aurait fait, mais d'après ses charges ou ses besoins ; s'il a une femme et des enfants, il serait rétribué deux ou trois fois plus que le célibataire". A l'inverse, l'idée du salaire familial sera critiquée par certains libéraux au motif que cette pratique philanthropique se retourne contre le patron qui s'y livre : renchérissement de ses coûts au profit de ses concurrents qui n'emploient que des célibataires, et aussi contre les ouvriers chargés de famille que les employeurs hésitent à embaucher. Ce débat sur le salaire familial trouvera sa résolution dans la création de caisses de compensation. Au mois d'avril 1918, un syndicat patronal de l'Isère crée une caisse d'allocations familiales ou caisse de compensation. Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 7 sur 25 -8- Les initiatives patronales se multipliant, et des caisses de compensation privées se mettant en place pour mutualiser les contributions patronales aux charges de famille, en 1920, sous l'impulsion de Mathon Motte, de Roubaix, a été créé une sorte de fédération, le Comité central des allocations familiales dont l'objet est l'étude, la documentation, la propagande, mais pas la gestion financière, ni une quelconque compensation. Ce comité n'assure donc que la promotion des caisses de compensation. En effet, le système proposé respecte : la liberté d'adhésion, aucune obligation n'est faite aux entreprises d'adhérer à une caisse, la liberté d'organisation et de gestion des caisses qui, presque toutes, ont le statut d'associations loi de 1901 ; en particulier elles définissent elles-mêmes leur ressort géographique ou professionnel, essayant d'épouser des marchés locaux ou professionnels de main d'œuvre, la liberté d'adjoindre à des prestations en argent d'autres ouvres sociales jusqu'alors organisées par les entreprises : aide Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 8 sur 25 -9- médicale, visiteuses sociales, etc... même, avant 1928, assurance maladie. Et Document promotion des caisses de compensation Le système se répandra très rapidement. En 1930, 10 ans après, on compte 230 caisses de compensation, 32 000 entreprises adhérentes, 1 880 000 salaires couverts, 480 000 familles allocataires. Le 11 mars 1932, dans la foulée des lois de 1930 instituant les assurances sociales, le législateur rendit obligatoire l’adhésion de tout employeur à une caisse de compensation. Cette mesure répondait au désir exprimé par les entreprises adhérentes, qui ne voyaient pas d’un bon œil leurs concurrentes échapper à la charge correspondante. La loi Landry généralise donc les allocations familiales pour tous les employés de l'industrie et du commerce ayant au moins deux enfants. L'adhésion des employeurs à une caisse de compensation devient obligatoire. Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 9 sur 25 - 10 - Les caisses de compensation sont désormais agréées par décret mais l'intervention de l'Etat est encore limitée. Le montant des allocations peut varier selon les catégories professionnelles et d'un département à l'autre. Les caisses gardent donc une certaine liberté pour la fixation des allocations. Elles ne peuvent pas descendre au dessous du taux qu'elles pratiquaient avant la loi, mais elles ne sont pas tenues de l'aligner sur le taux pratiqués par les autres, et elles peuvent librement relever ce taux. Enfin, si la loi ne parlait pas explicitement de conditions de ressources, elle réservait le bénéfice des allocations à des catégories socioprofessionnelles considérées comme disposant de moins de ressources. Les cadres en étaient exclus. En 1938, on comptait 450 000 entreprises adhérentes, avec 5 400 000 salariés et 1 640 000 familles allocataires. Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 10 sur 25 - 11 - L'inflation, à partir de 1936, a imposé des réajustements du taux des allocations qui ont exigé des arbitrages nombreux et accrus à l'extrême, jusqu'au chaos, la diversité des prestations servies selon les professions et les régions. On a du mal à s'y reconnaître. La situation chaotique à laquelle on était parvenu semblait appeler une remise en ordre, sans doute à cause des jalousies que suscitait la différence des prestations d'une caisse à l'autre, il y avait un désir d'uniformisation. La préoccupation démographique (qui n'était pas absente de la loi de 1932) prend la prépondérance sur la préoccupation sociale d'autant plus que la politique nataliste pratiquée en Italie et en Allemagne risque d'accroître les déséquilibres nationaux. Ce changement de motivation fait sortir la politique familiale du domaine des rapports entre employeurs et salariés, pour l'introduire dans celui de la politique gouvernementale. Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 11 sur 25 - 12 - Il y eut deux séries d'intervention législatives : les décrets lois de novembre 1938, le code de la famille proprement dit, adopté à la veille de la guerre (loi du 29 juillet 1939). A partir donc, de 1938 se met en place pour la première fois une véritable politique de la famille dont l'objectif prioritaire est nataliste avec institution d'un fonds national de compensation. En effet un décret loi du 14 juin étend les allocations familiales aux agriculteurs, alors très nombreux ; puis celui du 12 novembre 1938 majore fortement la plupart des prestations, en obligeant les caisses à s’aligner sur les plus généreuses d’entre elles. Ensuite, le décret-loi du 29 juillet 1939, dit Code de la famille, augmenta encore les prestations pour les enfants de rang 2 et plus, mais supprima en compensation partielle les prestations au 1er enfant. Une prime de naissance fut instituée. Ces mesures résultaient clairement de la volonté d’obtenir des résultats rapides au niveau du nombre des naissances. Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 12 sur 25 - 13 - L'évolution de la politique familiale se poursuit pendant les années de guerre, ainsi, les lois du 11 octobre et du 18 novembre 1940, attribuent les allocations familiales aux chômeurs qui étaient jusqu'alors réservées aux travailleurs. En 1941, création l'allocation de salaire unique destinée aux couples dont un seul conjoint est salarié. Les enfants doivent être légitimes et de nationalité française. Au mois de février une autre loi avait majoré le taux des allocations familiales pour les familles de 3 enfants et plus, puis ce furent les assurés sociaux malades qui y eurent droit. En 1942, les veuves bénéficièrent du maintien des prestations. La loi du 14 Août 1943 institue une Chambre syndicale des Caisses d'allocations familiales (association loi de 1901) chargée de la coordination et du contrôle de l'activité de l'ensemble des caisses à l'échelon national. L'on peut considérer que c'est l'ancêtre de la Caisse Nationale des Allocations Familiales. A la Libération, en 1945, les assurances sociales et les caisses de compensation pour les allocations familiales devinrent la sécurité Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 13 sur 25 - 14 - sociale, tout en reconnaissant le principe d'une administration séparée des allocations familiales. Le bénéfice des allocations familiales est étendu à l'ensemble des personnes occupées dans les entreprises affiliés, ainsi les cadres mais aussi les patrons eux-mêmes bénéficient désormais des allocations, et plus seulement les ouvriers et les employés. Est également créé à cette époque le quotient familial, originalité française qui a toujours aujourd'hui beaucoup de détracteurs. Une petite parenthèse pour se rappeler la façon dont Pierre Laroque présentât ce dispositif : « A la différence des mesures fiscales du code de la famille, qui visaient à inciter les familles à avoir 3 enfants ou plus, comme à dissuader les célibataires de le rester et les couples de ne pas avoir d’enfant, le quotient familial répond à un souci de justice distributive. Il s’agit de rendre l’impôt sur le revenu aussi neutre que possible par rapport aux capacités de consommation des familles, suivant leurs charges inégales. » Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 14 sur 25 - 15 - Le statut juridique adopté pour les caisses n'est plus celui des associations loi de 1901 mais celui des sociétés de secours mutuels, ainsi, la gestion n'est plus assurée par les employeurs cotisants, mais par les allocataires La répartition des sièges d'administrateurs entre les représentants des différentes catégories de familles allocataires donna lieu à de longs marchandages. Le projet de l'administration proposait que les 2/3 des sièges soient réservés aux représentants des familles de salariés. On aboutit à ce compromis : le conseil comprend pour moitié des représentants des travailleurs salariés, pour un quart des représentants des travailleurs indépendants, pour un quart des représentants des employeurs. A quoi s'ajoutaient deux représentants du personnel de la caisse, deux personnes qualifiées nommées par le Ministre du Travail, et une personne élue par l'union départementale des associations familiales. En principe, les employeurs ne sont pas représentés au Conseil d'administration en tant que cotisants, mais en tant qu'allocataires. Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 15 sur 25 - 16 - Malgré de multiples réformes, le système dans ses grandes lignes est demeuré le même. En particulier, le gouvernement et l'administration avaient précisé que l'autonomie et la spécificité des caisses d'allocations familiales ne seraient que provisoires. Mais en 1949, la loi du 21 février assure définitivement l'autonomie des caisses d'allocations familiales dans le cadre de la sécurité sociale en dissociant la gestion des prestations familiales des autres risques sociaux. En 1967, l'ordonnance relative à l'organisation administrative de la sécurité sociale du 21 août puis ses décrets d'application donnent au régime général de la sécurité sociale sa physionomie actuelle, en quatre branches parmi lesquelles la branche famille. Ainsi, jusqu'au changement d'orientation de 1970 les allocations familiales ne subirent que peu de changement. Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 16 sur 25 - 17 - Il s'est agit alors « d'assurer aux prestations familiales, sous toutes leurs formes, la stabilité en valeur réelle, et une progression plus rapide en faveur des catégories les moins favorisées ou les plus dignes d’intérêt. » Discours du président de la république au 25ème anniversaire de l'Unaf. Concrètement, ce fut le coup d’envoi pour la mise en place progressive d’un système compliqué de prestations modulées en fonction des revenus, des situations et des comportements avec pour objectif de redéployer les transferts sociaux en faveur des plus déshérités. Ainsi, toutes les prestations instituées par le gouvernement Chaban-Delmas et par les différents gouvernements qui vont se succéder jusqu'en 1981 sont subordonnées à une condition de ressources à l'exception de l'allocation d'éducation spéciale créée en juin 1975. La loi du 24 décembre 1974 relative à la généralisation de la sécurité sociale va Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 17 sur 25 - 18 - accélérer l'évolution déjà amorcée vers un affaiblissement du lien entre droits aux prestations et exercice d'une activité professionnelle d'une part, condition de charge de famille d'autre part. En 1975, l'abandon de la condition d'activité professionnelle est inscrit dans la loi du 4 juillet. Il deviendra effectif à compter du 1er janvier 1978. On peut rappeler ici que les allocations familiales étaient considérées à l'origine comme une sorte de sursalaire. Le débat qui s'instaure alors est le suivant : compenser les charges de familles et/ou réduire les inégalités de revenus ? La compensation des charges de famille et la réduction des inégalités de revenus sont deux des principaux objectifs de la politique d'aide aux familles. Bien que complémentaires ils traduisent des conceptions différentes et ne recouvrent pas les mêmes dispositifs. Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 18 sur 25 - 19 - Ce sont les prestations attribuées sous conditions de ressources qui ont le plus d'impact dans la réduction des inégalités de revenus entre les familles puisqu'elles reposent sur un transfert de ressources des ménages les plus aisés vers les ménages les plus modestes. A l'inverse les prestations universelles (accordées indépendamment des revenus) ont tendance à limiter la baisse du niveau de vie induit par la présence d'enfants entre ménage ayant le même niveau de revenus mais des configurations familiales différentes. D'aucuns considèrent les prestations familiales comme un complément à des ressources devenues insuffisantes du fait de l'entretien des enfants. Dans cette perspective il n'est pas logique d'attribuer ce complément à des familles dont le niveau de vie reste élevé malgré la charge des enfants. Les autres estiment que la finalité essentielle du système de prestations familiales est de réaliser une compensation des charges familiales (par rapport notamment aux ménages sans enfant) quel que soit le niveau de revenus et non d'assurer la correction des inégalités sociales, fonction que le système fiscal est mieux à même d'assurer. Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 19 sur 25 - 20 - La question est récurrente et a été au centre des débats lorsque la branche famille a été déficitaire, c'est-à-dire entre 1994 et 1999. Deux mécanismes correcteurs sont alors envisagés : verser les allocations familiales sous conditions de ressources ou bien imposer les prestations. Le gouvernement d'Alain Juppé évoquera l'une et l'autre option mais finira par y renoncer. En 1997, le nouveau Premier ministre, Lionel Jospin, et sa ministre de la Solidarité, Martine Aubry, décident d'attribuer les allocations familiales sous conditions de ressources au nom du même principe d'équité et en raison de contraintes budgétaires. L'opposition que va rencontrer cette mesure les conduira à supprimer cette disposition l'année suivante et à lui substituer une baisse du plafond du quotient familial. Un petit rappel : près de 50% des prestations servies aujourd'hui par la CNAF sont des allocations sous conditions de ressources. Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 20 sur 25 - 21 - Allocations familiales et pouvoir d’achat J’en arrive à notre sujet du jour, le pouvoir d’achat des prestations familiales. En 1948, la branche famille représentait 50,2% des dépenses de Sécurité Sociale. Elle n’est plus qu’à 13,8% en 2007 (12,1 % si on retire l’Allocation Adulte Handicapé qui n’a rien d’une prestation familiale et le paiement des majorations familiales des pensions de retraite qui relèvent de l’assurance vieillesse). La branche qui représentait 3,5% du PIB en 1950 ne compte plus que pour 2,3% en 2006. Le montant des prestations familiales par enfant rapporté au PIB/personne était de 20,1% en 1950 pour tomber à 10,6% en 1996. (source : Cf « Les politiques sociales en France au XXième siècle Jacques BICHOT - Armand Colin 1997, 177 pages) Plus concrètement, la perte de niveau de vie relatif des familles est considérable : En 1954, toutes les familles de 2 enfants bénéficiaient de l’équivalent de 464 € de prestations mensuelles, hors allocations de logement. Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 21 sur 25 - 22 - Elles ne percevaient plus de 113 € en 2006. Pour une famille de 3 enfants, les prestations équivalaient à 781 € par mois. Elles sont tombées à 403 € pour les familles modestes et 257 € pour les familles aisées (sources : Dominique MARCILHACY) Il y a un an environ, en pleine préparation du Grenelle de l'insertion, une étude de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) n’est pas passée inaperçue. Elle mettait en évidence une conséquence de l'indexation des prestations et des minima sociaux sur l'inflation. Celle-ci permet - en principe - de garantir le maintien du pouvoir d'achat des bénéficiaires de ces prestations en alignant le montant de ces dernières sur l'évolution des prix. Mais l'étude montre que ce mécanisme théorique n'est pas sans faille. Tout d'abord, les gouvernements successifs n'ont pas toujours respecté la règle - non écrite - de l'indexation. Ainsi, la base mensuelle des allocations familiales (BMAF), qui sert de base au calcul des Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 22 sur 25 - 23 - prestations familiales, a subi une baisse de 1,9% de son pouvoir d'achat au cours des dix dernières années et de 4,6% depuis 1984. La situation est un peu meilleure pour le minimum vieillesse : +0,3% de pouvoir d'achat sur les dix dernières années et +3% depuis 1984. Il en va de même pour le RMI, dont le pouvoir d'achat a progressé un peu plus vite que l'inflation jusqu'en 2001, un peu moins vite après. La stagnation du pouvoir d’achat des prestations signifie que celles-ci diminuent constamment par rapport au revenu médian des ménages (tableau 2) et donc par rapport au seuil de pauvreté, fixé à 60 % du revenu médian. Les allocations familiales ont perdu 24,5 % de leur valeur relative depuis 1984 et cette baisse continue. Les enfants coûtent-ils de moins en moins cher à élever ? Peut-on justifier que le niveau de vie des familles avec enfants baisse continuellement par rapport au niveau de vie des personnes sans enfants ? Il faudrait augmenter les allocations familiales de 33 % pour qu’elles retrouvent leur niveau relatif de 1984. Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 23 sur 25 - 24 - Au moment de sa création, le RMI valait 34,9 % du revenu médian. En 2007, il n’en valait plus que 30%, soit une baisse relative de 14 %. En 1990, un Rmiste, qui a droit à l’allocation logement, était légèrement au dessus du seuil de pauvreté (à 52 % environ) ; il est maintenant nettement en dessous (à 45 %). Enfin, le minimum vieillesse a subi une érosion similaire, passant de 52% du revenu médian en 1984 à 42,5% en 2007, soit une perte de 18 % en niveau relatif. Augmenter le minimum vieillesse de 25% ne ferait que le ramener au niveau de 1984. En 2007, compte-tenu des allocations logement, un retraité au minimum vieillesse touchait environ 61,6 % du revenu médian, soit légèrement au dessus du seuil de pauvreté. Le lent effritement du pouvoir d'achat des familles est le moyen le plus discret mais aussi le plus efficace de détruire la politique familiale. Il semble mis en œuvre gouvernements depuis 40 ans. par tous les Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 24 sur 25 - 25 - Depuis 1995, si les prestations familiales avaient évolué comme les salaires, la branche famille verserait chaque année 4 milliards de plus au titre des prestations familiales. Texte construit à partir d'articles de : Jacques BICHOT, Professeur d’économie à l’Institut d’Administration des entreprises de l’Université Jean Moulin (Lyon 3) Jean MAGNIADAS, membre de l'Institut CGT d'histoire sociale et d'articles publiés sur le site http://www.vie-publique.fr édité par la documentation française et aussi celui-ci : http://www.lplm.info Udaf de la Meuse- Uraf de Lorraine - 13 mars 2009 - Pouvoir d'achat des allocations familiales Page 25 sur 25