Pouvoir d`achat des allocations familiales

Transcription

Pouvoir d`achat des allocations familiales
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Histoire et pouvoir d’achat des allocations
familiales
Avant d’aborder le sujet qui nous intéresse ce
matin, je souhaite faire avec vous un voyage
dans le temps et retracer ce qui a prévalu à la
création et à l’évolution des prestations
familiales.
Les prestations familiales telles que nous les
connaissons aujourd'hui ne ressemblent pas à ce
qu'elles étaient à l'origine.
Leur histoire est longue, un peu plus de 200 ans
pour arriver à ce que nous connaissons
aujourd'hui.
Essayer, donc, de vous retracer l'histoire des
allocations familiales, nous oblige à démarrer
notre voyage au début du 19ème siècle (1804) au
moment de la promulgation du texte fondateur
du statut civil de la famille moderne, le Code
civil dit Code Napoléon.
C'est en 1860, époque à laquelle une circulaire
impériale instaura en effet un supplément familial
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de traitement au bénéfice des marins et inscrits
maritimes, que naît la première "allocation"
familiale. Il s’agissait d’une indemnité de 10
centimes par jour et par enfant de moins de 10
ans, soit à peu près 5 % d’un salaire ouvrier
journalier.
Il faudra ensuite attendre encore presque 25 ans
pour que les premières initiatives privées
apparaissent.
Ainsi, l'entreprise Klein à Vizille (Isère) crée, en
1884, un complément de salaire pour ses
ouvriers. Ce complément est proportionnel au
nombre d'enfants que les employés ont à
charge. Nombre de patrons du nord de la
France pour lesquels ces bonifications sont un
moyen de stabiliser une main d'oeuvre volatile
voire indocile, s'engageront dans cette voie. Cet
exemple sera suivi dans certains secteurs de la
fonction publique.
Puis, en 1891, le pape Léon XIII s'en mêle en
incitant les patrons à tenir compte dans le calcul
de la rémunération, des besoins du travailleur et
de sa famille. Comment, en effet, le travailleur
père de famille nombreuse pourrait-il remplir le
devoir sacré de nourrir et d’entretenir ses
enfants, sans gagner rien de plus que le
célibataire ?
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Des patrons chrétiens se sentirent concernés et
cherchèrent une solution. Ils en trouvèrent une :
le sursalaire familial.
Ainsi, Léon Harmel, patron d’une importante
filature en Champagne innova, dans cette
mouvance, en créant une « caisse de famille »,
dont il confia la gestion à une commission
ouvrière, pour attribuer des suppléments
familiaux à ses employés ayant des enfants à
charge. Ces prestations étaient mixtes, partie en
argent et partie en nature. Son exemple fut imité
au cours des années suivantes.
Il est important de rappeler que ces prestations
familiales patronales n'exprimaient pas que la
philanthropie, mais relevaient aussi d’un motif
classique de gestion du personnel rentable pour
l’employeur.
Voici en effet le discours que tenait en 1900
l’Alliance nationale pour l’accroissement de la
population française (1ère (?) association
familiale créée en 1896) en vue d’exhorter les
patrons à instaurer des sursalaires familiaux : « Il
n’est pas de dépenses qui concordent mieux
avec l’intérêt de ceux qui les consentent.
Qui pourrait méconnaître, en effet, que les
sacrifices faits sous cette forme par une grande
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administration publique ou privée en faveur de
son personnel, soient infiniment moins onéreux
qu’un relèvement général des salaires ? ».
Elles sont aussi, dans le privé, l’oeuvre de patrons
influencés par le christianisme social, par des
conceptions familialistes et démographiques
(natalité), par une conception patriarcale de la
famille et une morale qui veut cantonner la
femme aux tâches ménagères.
A partir des dernières années du 19ème siècle,
des suppléments familiaux de traitement furent
mis en place dans différentes administrations
d’Etat. Comme pour les retraites quelques
décennies plus tôt, cela se fit d’abord
administration par administration. Les débats à la
Chambre donnèrent cependant l’occasion à un
député, l’abbé Lemire, de faire entendre un
point de vue nouveau.
Les suppléments familiaux étaient habituellement
présentés comme répondant aux besoins des
familles, comme mettant en oeuvre la justice
distributive qui attribue des subsides à ceux que
leur seule activité ne suffit pas à faire vivre
convenablement.
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L’abbé Lemire mit au contraire en valeur
l’apport des familles à la nation : selon lui, leur
fournir des allocations relevait de la justice dite
commutative, celle qui proportionne les revenus
aux services rendus. Voici quelques phrases
extraites d’une intervention à la Chambre, en
1908, dans laquelle il réclamait une allocation
familiale : « Je n’appelle pas secours, je
n’appelle pas indemnité, ce que je demande à
la Chambre ; un secours est donné pour un
besoin pressant ou passager ; une indemnité est
accordée pour une perte. Avoir une famille ce
n’est éprouver ni un accident ni un dommage.
(…) Une allocation c’est une rémunération pour
un service. La famille est un service social. »
C'est ce qui prévaut aujourd'hui encore dans le
mouvement familial, les allocations familiales ne
sont pas des aides sociales, mais la
compensation des charges familiales.
Le point de vue diamétralement opposé avait
aussi ses partisans. Le voici tel que l’exprima en
1909 un haut fonctionnaire : « Les charges de
famille sont une considération à laquelle il n’y a
pas lieu de s’arrêter. Les employés n’ont qu’à
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pas se marier, s’ils ne possèdent pas les
ressources suffisantes pour élever des enfants.
Rien ne les oblige à avoir une famille à
entretenir. »
Malgré cette opposition, la Chambre vota en
1911, à l’initiative d’Auguste Landry, un jeune
député corse fraîchement élu, inscrit à l’Union
républicaine
radicale
et
socialiste,
une
proposition visant à généraliser et augmenter la
compensation des charges de famille dans la
fonction publique.
Adoption au mois de juillet 1913 de la loi sur
l'assistance
aux
familles
nombreuses
nécessiteuses. Elle prévoit le versement d'une
allocation à tout chef de famille d'au moins
quatre enfants de moins de 13 ans et ne
disposant pas de ressources suffisantes. Cette loi
rompt
définitivement
avec
cette
idée
couramment admise que "les enfants ne
pouvaient être qu'à la charge des parents
imprudents qui les avaient mis au monde".
A la suite de Léon Harmel, des socialistes
chrétiens préconisent le salaire familial, partant
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du principe qu'à salaire égal, le père de famille a
plus de mal à vivre qu'un célibataire ou un
marié sans enfant. "Ainsi, un ouvrier serait payé
non d'après l'ouvrage qu'il aurait fait, mais
d'après ses charges ou ses besoins ; s'il a une
femme et des enfants, il serait rétribué deux ou
trois fois plus que le célibataire".
A l'inverse, l'idée du salaire familial sera critiquée
par certains libéraux au motif que cette pratique
philanthropique se retourne contre le patron qui
s'y livre : renchérissement de ses coûts au profit
de ses concurrents qui n'emploient que des
célibataires, et aussi contre les ouvriers chargés
de famille que les employeurs hésitent à
embaucher.
Ce débat sur le salaire familial trouvera sa
résolution dans la création de caisses de
compensation.
Au mois d'avril 1918, un syndicat patronal de
l'Isère crée une caisse d'allocations familiales ou
caisse de compensation.
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Les initiatives patronales se multipliant, et des
caisses de compensation privées se mettant en
place
pour
mutualiser
les
contributions
patronales aux charges de famille, en 1920, sous
l'impulsion de Mathon Motte, de Roubaix, a été
créé une sorte de fédération, le Comité central
des allocations familiales dont l'objet est l'étude,
la documentation, la propagande, mais pas la
gestion
financière,
ni
une
quelconque
compensation. Ce comité n'assure donc que la
promotion des caisses de compensation.
En effet, le système proposé respecte :
la liberté d'adhésion, aucune obligation
n'est faite aux entreprises d'adhérer à une
caisse,
la liberté d'organisation et de gestion des
caisses qui, presque toutes, ont le statut
d'associations loi de 1901 ; en particulier
elles définissent elles-mêmes leur ressort
géographique ou professionnel, essayant
d'épouser
des marchés locaux
ou
professionnels de main d'œuvre,
la liberté d'adjoindre à des prestations en
argent d'autres ouvres sociales jusqu'alors
organisées par les entreprises : aide
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médicale, visiteuses sociales, etc...
même, avant 1928, assurance maladie.
Et
Document promotion des caisses de compensation
Le système se répandra très rapidement. En
1930, 10 ans après, on compte 230 caisses de
compensation, 32 000 entreprises adhérentes, 1
880 000 salaires couverts, 480 000 familles
allocataires.
Le 11 mars 1932, dans la foulée des lois de 1930
instituant les assurances sociales, le législateur
rendit obligatoire l’adhésion de tout employeur
à une caisse de compensation. Cette mesure
répondait au désir exprimé par les entreprises
adhérentes, qui ne voyaient pas d’un bon œil
leurs concurrentes échapper à la charge
correspondante.
La loi Landry généralise donc les allocations
familiales pour tous les employés de l'industrie et
du commerce ayant au moins deux enfants.
L'adhésion des employeurs à une caisse de
compensation devient obligatoire.
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Les caisses de compensation sont désormais
agréées par décret mais l'intervention de l'Etat
est encore limitée.
Le montant des allocations peut varier selon les
catégories professionnelles et d'un département
à l'autre.
Les caisses gardent donc une certaine liberté
pour la fixation des allocations.
Elles ne peuvent pas descendre au dessous du
taux qu'elles pratiquaient avant la loi, mais elles
ne sont pas tenues de l'aligner sur le taux
pratiqués par les autres, et elles peuvent
librement relever ce taux.
Enfin, si la loi ne parlait pas explicitement de
conditions de ressources, elle réservait le
bénéfice des allocations à des catégories
socioprofessionnelles
considérées
comme
disposant de moins de ressources. Les cadres en
étaient exclus.
En 1938, on comptait 450 000 entreprises
adhérentes, avec 5 400 000 salariés et 1 640 000
familles allocataires.
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L'inflation, à partir de 1936, a imposé des
réajustements du taux des allocations qui ont
exigé des arbitrages nombreux et accrus à
l'extrême, jusqu'au chaos, la diversité des
prestations servies selon les professions et les
régions.
On a du mal à s'y reconnaître.
La situation chaotique à laquelle on était
parvenu semblait appeler une remise en ordre,
sans doute à cause des jalousies que suscitait la
différence des prestations d'une caisse à l'autre,
il y avait un désir d'uniformisation.
La préoccupation démographique (qui n'était
pas absente de la loi de 1932) prend la
prépondérance sur la préoccupation sociale
d'autant plus que la politique nataliste pratiquée
en Italie et en Allemagne risque d'accroître les
déséquilibres nationaux.
Ce changement de motivation fait sortir la
politique familiale du domaine des rapports
entre employeurs et salariés, pour l'introduire
dans celui de la politique gouvernementale.
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Il y eut deux séries d'intervention législatives : les
décrets lois de novembre 1938, le code de la
famille proprement dit, adopté à la veille de la
guerre (loi du 29 juillet 1939).
A partir donc, de 1938 se met en place pour la
première fois une véritable politique de la famille
dont l'objectif prioritaire est nataliste avec
institution d'un fonds national de compensation.
En effet un décret loi du 14 juin étend les
allocations familiales aux agriculteurs, alors très
nombreux ; puis celui du 12 novembre 1938
majore fortement la plupart des prestations, en
obligeant les caisses à s’aligner sur les plus
généreuses d’entre elles.
Ensuite, le décret-loi du 29 juillet 1939, dit Code
de la famille, augmenta encore les prestations
pour les enfants de rang 2 et plus, mais supprima
en compensation partielle les prestations au 1er
enfant. Une prime de naissance fut instituée. Ces
mesures résultaient clairement de la volonté
d’obtenir des résultats rapides au niveau du
nombre des naissances.
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L'évolution de la politique familiale se poursuit
pendant les années de guerre, ainsi, les lois du 11
octobre et du 18 novembre 1940, attribuent les
allocations familiales aux chômeurs qui étaient
jusqu'alors réservées aux travailleurs. En 1941,
création l'allocation de salaire unique destinée
aux couples dont un seul conjoint est salarié. Les
enfants doivent être légitimes et de nationalité
française. Au mois de février une autre loi avait
majoré le taux des allocations familiales pour les
familles de 3 enfants et plus, puis ce furent les
assurés sociaux malades qui y eurent droit. En
1942, les veuves bénéficièrent du maintien des
prestations.
La loi du 14 Août 1943 institue une Chambre
syndicale des Caisses d'allocations familiales
(association loi de 1901) chargée de la
coordination et du contrôle de l'activité de
l'ensemble des caisses à l'échelon national. L'on
peut considérer que c'est l'ancêtre de la Caisse
Nationale des Allocations Familiales.
A la Libération, en 1945, les assurances sociales
et les caisses de compensation pour les
allocations familiales devinrent la sécurité
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sociale, tout en reconnaissant le principe d'une
administration séparée des allocations familiales.
Le bénéfice des allocations familiales est étendu
à l'ensemble des personnes occupées dans les
entreprises affiliés, ainsi les cadres mais aussi les
patrons eux-mêmes bénéficient désormais des
allocations, et plus seulement les ouvriers et les
employés.
Est également créé à cette époque le quotient
familial, originalité française qui a toujours
aujourd'hui beaucoup de détracteurs.
Une petite parenthèse pour se rappeler la façon
dont Pierre Laroque présentât ce dispositif : « A la
différence des mesures fiscales du code de la
famille, qui visaient à inciter les familles à avoir 3
enfants ou plus, comme à dissuader les
célibataires de le rester et les couples de ne pas
avoir d’enfant, le quotient familial répond à un
souci de justice distributive. Il s’agit de rendre
l’impôt sur le revenu aussi neutre que possible
par rapport aux capacités de consommation
des familles, suivant leurs charges inégales. »
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Le statut juridique adopté pour les caisses n'est
plus celui des associations loi de 1901 mais celui
des sociétés de secours mutuels, ainsi, la gestion
n'est plus assurée par les employeurs cotisants,
mais par les allocataires
La répartition des sièges d'administrateurs entre
les représentants des différentes catégories de
familles allocataires donna lieu à de longs
marchandages. Le projet de l'administration
proposait que les 2/3 des sièges soient réservés
aux représentants des familles de salariés. On
aboutit à ce compromis : le conseil comprend
pour moitié des représentants des travailleurs
salariés, pour un quart des représentants des
travailleurs indépendants, pour un quart des
représentants
des
employeurs.
A
quoi
s'ajoutaient deux représentants du personnel de
la caisse, deux personnes qualifiées nommées
par le Ministre du Travail, et une personne élue
par l'union départementale des associations
familiales.
En principe, les employeurs ne sont pas
représentés au Conseil d'administration en tant
que cotisants, mais en tant qu'allocataires.
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Malgré de multiples réformes, le système dans
ses grandes lignes est demeuré le même. En
particulier, le gouvernement et l'administration
avaient précisé que l'autonomie et la spécificité
des caisses d'allocations familiales ne seraient
que provisoires.
Mais en 1949, la loi du 21 février assure
définitivement
l'autonomie
des
caisses
d'allocations familiales dans le cadre de la
sécurité sociale en dissociant la gestion des
prestations familiales des autres risques sociaux.
En 1967, l'ordonnance relative à l'organisation
administrative de la sécurité sociale du 21 août
puis ses décrets d'application donnent au
régime général de la sécurité sociale sa
physionomie actuelle, en quatre branches parmi
lesquelles la branche famille.
Ainsi, jusqu'au changement d'orientation de 1970
les allocations familiales ne subirent que peu de
changement.
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Il s'est agit alors « d'assurer aux prestations
familiales, sous toutes leurs formes, la stabilité en
valeur réelle, et une progression plus rapide en
faveur des catégories les moins favorisées ou les
plus dignes d’intérêt. » Discours du président de
la république au 25ème anniversaire de l'Unaf.
Concrètement, ce fut le coup d’envoi pour la
mise en place progressive d’un système
compliqué de prestations modulées en fonction
des
revenus,
des
situations
et
des
comportements
avec
pour
objectif
de
redéployer les transferts sociaux en faveur des
plus déshérités.
Ainsi, toutes les prestations instituées par le
gouvernement Chaban-Delmas et par les
différents gouvernements qui vont se succéder
jusqu'en 1981 sont subordonnées à une condition
de ressources à l'exception de l'allocation
d'éducation spéciale créée en juin 1975.
La loi du 24 décembre 1974 relative à la
généralisation de la sécurité sociale va
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accélérer l'évolution déjà amorcée vers un
affaiblissement du lien entre droits aux
prestations
et
exercice
d'une
activité
professionnelle d'une part, condition de charge
de famille d'autre part.
En 1975, l'abandon de la condition d'activité
professionnelle est inscrit dans la loi du 4 juillet. Il
deviendra effectif à compter du 1er janvier 1978.
On peut rappeler ici que les allocations familiales
étaient considérées à l'origine comme une sorte
de sursalaire.
Le débat qui s'instaure alors est le suivant :
compenser les charges de familles et/ou réduire
les inégalités de revenus ?
La compensation des charges de famille et la
réduction des inégalités de revenus sont deux
des principaux objectifs de la politique d'aide
aux familles.
Bien que complémentaires ils traduisent des
conceptions différentes et ne recouvrent pas les
mêmes dispositifs.
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Ce sont les prestations attribuées sous conditions
de ressources qui ont le plus d'impact dans la
réduction des inégalités de revenus entre les
familles puisqu'elles reposent sur un transfert de
ressources des ménages les plus aisés vers les
ménages les plus modestes.
A l'inverse les prestations universelles (accordées
indépendamment des revenus) ont tendance à
limiter la baisse du niveau de vie induit par la
présence d'enfants entre ménage ayant le
même
niveau
de
revenus
mais
des
configurations familiales différentes.
D'aucuns considèrent les prestations familiales
comme un complément à des ressources
devenues insuffisantes du fait de l'entretien des
enfants. Dans cette perspective il n'est pas
logique d'attribuer ce complément à des
familles dont le niveau de vie reste élevé malgré
la charge des enfants.
Les autres estiment que la finalité essentielle du
système de prestations familiales est de réaliser
une compensation des charges familiales (par
rapport notamment aux ménages sans enfant)
quel que soit le niveau de revenus et non
d'assurer la correction des inégalités sociales,
fonction que le système fiscal est mieux à même
d'assurer.
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La question est récurrente et a été au centre des
débats lorsque la branche famille a été
déficitaire, c'est-à-dire entre 1994 et 1999.
Deux mécanismes correcteurs sont alors
envisagés : verser les allocations familiales sous
conditions de ressources ou bien imposer les
prestations. Le gouvernement d'Alain Juppé
évoquera l'une et l'autre option mais finira par y
renoncer.
En 1997, le nouveau Premier ministre, Lionel
Jospin, et sa ministre de la Solidarité, Martine
Aubry, décident d'attribuer les allocations
familiales sous conditions de ressources au nom
du même principe d'équité et en raison de
contraintes budgétaires. L'opposition que va
rencontrer cette mesure les conduira à
supprimer cette disposition l'année suivante et à
lui substituer une baisse du plafond du quotient
familial.
Un petit rappel : près de 50% des prestations
servies aujourd'hui par la CNAF sont des
allocations sous conditions de ressources.
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Allocations familiales et pouvoir d’achat
J’en arrive à notre sujet du jour, le pouvoir
d’achat des prestations familiales.
En 1948, la branche famille représentait 50,2%
des dépenses de Sécurité Sociale.
Elle n’est plus qu’à 13,8% en 2007 (12,1 % si on
retire l’Allocation Adulte Handicapé qui n’a rien
d’une prestation familiale et le paiement des
majorations familiales des pensions de retraite
qui relèvent de l’assurance vieillesse).
La branche qui représentait 3,5% du PIB en 1950
ne compte plus que pour 2,3% en 2006.
Le montant des prestations familiales par enfant
rapporté au PIB/personne était de 20,1% en 1950
pour tomber à 10,6% en 1996. (source : Cf « Les
politiques sociales en France au XXième siècle Jacques BICHOT - Armand Colin 1997, 177
pages)
Plus concrètement, la perte de niveau de vie
relatif des familles est considérable : En 1954,
toutes les familles de 2 enfants bénéficiaient de
l’équivalent de 464 € de prestations mensuelles,
hors allocations de logement.
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Elles ne percevaient plus de 113 € en 2006.
Pour une famille de 3 enfants, les prestations
équivalaient à 781 € par mois.
Elles sont tombées à 403 € pour les familles
modestes et 257 € pour les familles aisées
(sources : Dominique MARCILHACY)
Il y a un an environ, en pleine préparation du
Grenelle
de
l'insertion,
une
étude
de
l'Observatoire
français
des
conjonctures
économiques
(OFCE)
n’est
pas
passée
inaperçue. Elle mettait en évidence une
conséquence de l'indexation des prestations et
des minima sociaux sur l'inflation.
Celle-ci permet - en principe - de garantir le
maintien du pouvoir d'achat des bénéficiaires
de ces prestations en alignant le montant de ces
dernières sur l'évolution des prix.
Mais l'étude montre que ce mécanisme
théorique n'est pas sans faille. Tout d'abord, les
gouvernements successifs n'ont pas toujours
respecté la règle - non écrite - de l'indexation.
Ainsi, la base mensuelle des allocations familiales
(BMAF), qui sert de base au calcul des
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prestations familiales, a subi une baisse de 1,9%
de son pouvoir d'achat au cours des dix
dernières années et de 4,6% depuis 1984. La
situation est un peu meilleure pour le minimum
vieillesse : +0,3% de pouvoir d'achat sur les dix
dernières années et +3% depuis 1984. Il en va de
même pour le RMI, dont le pouvoir d'achat a
progressé un peu plus vite que l'inflation jusqu'en
2001, un peu moins vite après.
La stagnation du pouvoir d’achat des prestations
signifie que celles-ci diminuent constamment par
rapport au revenu médian des ménages
(tableau 2) et donc par rapport au seuil de
pauvreté, fixé à 60 % du revenu médian.
Les allocations familiales ont perdu 24,5 % de leur
valeur relative depuis 1984 et cette baisse
continue. Les enfants coûtent-ils de moins en
moins cher à élever ? Peut-on justifier que le
niveau de vie des familles avec enfants baisse
continuellement par rapport au niveau de vie
des personnes sans enfants ? Il faudrait
augmenter les allocations familiales de 33 % pour
qu’elles retrouvent leur niveau relatif de 1984.
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Au moment de sa création, le RMI valait 34,9 %
du revenu médian. En 2007, il n’en valait plus
que 30%, soit une baisse relative de 14 %.
En 1990, un Rmiste, qui a droit à l’allocation
logement, était légèrement au dessus du seuil de
pauvreté (à 52 % environ) ; il est maintenant
nettement en dessous (à 45 %).
Enfin, le minimum vieillesse a subi une érosion
similaire, passant de 52% du revenu médian en
1984 à 42,5% en 2007, soit une perte de 18 % en
niveau relatif.
Augmenter le minimum vieillesse de 25% ne ferait
que le ramener au niveau de 1984. En 2007,
compte-tenu des allocations logement, un
retraité au minimum vieillesse touchait environ
61,6 % du revenu médian, soit légèrement au
dessus du seuil de pauvreté.
Le lent effritement du pouvoir d'achat des
familles est le moyen le plus discret mais aussi le
plus efficace de détruire la politique familiale.
Il semble mis en œuvre
gouvernements depuis 40 ans.
par
tous
les
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Depuis 1995, si les prestations familiales avaient
évolué comme les salaires, la branche famille
verserait chaque année 4 milliards de plus au
titre des prestations familiales.
Texte construit à partir d'articles de :
Jacques BICHOT, Professeur d’économie à l’Institut d’Administration des entreprises de
l’Université Jean Moulin (Lyon 3)
Jean MAGNIADAS, membre de l'Institut CGT d'histoire sociale
et d'articles publiés sur le site http://www.vie-publique.fr édité par la documentation
française
et aussi celui-ci : http://www.lplm.info
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