Les cadres dirigeants territoriaux français au coeur du nouveau
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Les cadres dirigeants territoriaux français au coeur du nouveau
Les cadres dirigeants territoriaux français au cœur du Nouveau Management Territorial VIème SYMPOSIUM INTERNATIONAL Regards croisés sur les transformations de la gestion et des organisations publiques : le gestionnaire public en question ; la difficile conciliation des logiques bureaucratiques et managériales Montréal, 27 et 28 mars 2014 Jérôme DUPUIS IAE / LEM Univ.LILLE 1 e-mail : [email protected] 1 INTRODUCTION : CONTEXTE Les collectivités locales en France ont connu, depuis les années 80, plusieurs mouvements introduisant gestion et management au centre de leurs stratégies et préoccupations Le premier, datant des municipales de 1983 = ère du mimétisme (Trosa, 1993 ; Carles, 1996 ; Kieffer, 1996) à travers l’introduction d’outils venant du secteur privé Le second, datant des années 1995 = ère de « l’hybridation » selon le terme d’Emery (2010), combinant logiques et méthodes du secteur public (processus administratifs garants de l’égalité et de l’intérêt général) et de l’économie des services marchands (qualité, relation « client », marketing) Le troisième, que l’on peut dater de 2007 = ère de la performance sous ses différentes formes : soutenabilité financière, agilité organisationnelle et qualité de vie au travail, valeur des interventions publiques et qualité des services rendus, compétitivité et cohésion territoriales (Carassus et Gardey, 2009 ; Mazouz , 2008) Pas de « Nouvelle gestion publique » mais plutôt « managérialisation douce » (Courpasson, 2000) 2 Désormais, entrée dans la nouvelle gouvernance publique (Osborne, 2006) ou « l’après nouvelle gestion publique » (Emery, 2010) que nous qualifierons de Nouveau Management Territorial adossé aux logiques de gouvernance territoriale (Leroux,2006 ; Chatelin-Ertur et Nicolas, 2007 ; Carles, 2007) et interterritoriale (Vanier et Lorens, 2011 ; Dupuis, 2014). Dans la réalité de chacune des collectivités = superposition, imbrication et métissage de ces différentes couches de « management postbureaucratique » (Trosa, 2007) plutôt que mouvements successifs 3 Dans ce contexte, le rôle des cadres dirigeants territoriaux largement questionné 1. Mimétisme = Gestionnaire de ressources et manager de l’organisation 2. Hybridation = Gestionnaire de processus et manager de programmes publics 3. Performances = Gestionnaire de performances et manager de projets territoriaux 4. Gouvernance = Gestionnaire de partenariats et manager de réseaux 4 INTRODUCTION : PROBLÉMATIQUE Quelles sont les tensions pouvant naître entre ces registres ? Quelles sont les modalités de réponse apportées par les cadres dirigeants territoriaux en fonction de trois postures exercées par ces derniers : l’assistance à maitrise d’ouvrage dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques; la représentation de la maitrise d’ouvrage dans la conduite et la négociation des coopérations territoriales; la maitrise d’œuvre dans le développement et l’évolution des systèmes d’organisation ? Quels sont les défis à relever par les cadres dirigeants territoriaux et les exigences à considérer dans leurs décisions managériales eu égard aux enjeux afférents à la gouvernance territoriale et interterritoriale ? 5 INTRODUCTION : MÉTHODOLOGIE MOBILISÉE Deux séries d’enquêtes menées en 2012 et 2014 auprès d’un panel de cadres dirigeants territoriaux . Définition retenue de ce terme = « partie prenante dans la conception, le pilotage, l’expertise et l’évaluation des politiques publiques supposant pluridisciplinarité, mixité des métiers, diversité des techniques maîtrisées et plurifonctionnalité » (rapport Laurent,2009; p.8 et 9). Choix du panel fondé sur un équilibre des situations de direction (6 DGS/DGA issus des régions, 21 DGS/DGA/Directeurs des départements, 38 DGS/DGA Directeurs de pôles des blocs communesintercommunalités de plus de 75000 habitants) sans viser la représentativité Synthèse interprétative sans prétendre inférer une quelconque taxinomie 6 Objet du questionnement 2012 = regard porté par 65 cadres dirigeants (sur 100 sollicités) sur 10 ans (2003 - 2012) d’évolutions managériales après le déploiement de l’acte 2 de la décentralisation et la mise en place de la réforme territoriale de 2010 20 questions regroupées en 6 thèmes : les spécificités du management territorial ; les évolutions institutionnelles et sociétales impactant le management territorial ; les réponses stratégiques, organisationnelles et managériales apportées à l‘évolution des territoires, des politiques publiques et des organisations ; les rôles exercés et principes d’action développés au regard des mutations identifiées Objet du questionnement 2014 pour le même panel (62 réponses sur les 65 initiales) = identification des inflexions aux réponses apportées deux ans auparavant suite aux modifications du contexte institutionnel (loi MATPAM et projet clarifiant l’Organisation Territoriale de la République, 2014) et au « nouveau » contexte financier + appréciation de la façon dont les défis de la gouvernance territoriale viennent (ré)interroger les valeurs sous-tendant la conduite des affaires publiques locales. 7 SOMMAIRE I. L’émergence du Nouveau Management Territorial II. Le rôle des cadres dirigeants territoriaux et leur gestion des exigences managériales 8 SOMMAIRE I. L’émergence du Nouveau Management Territorial I.1. La perception des évolutions de univers territorial I.2. Les visions des caractéristiques actuelles du management territorial I.3. Les défis et enjeux à relever pour les cadres dirigeants territoriaux 9 I.1. La perception des évolutions de l’univers territorial Les aspects communs (Bourgault et alii UQAM / ENAP, 2003, 2008) – L’ère du changement multi facettes (économique, social, technologique…) – Un monde secoué par les crises et scandales financiers et économiques dans lequel la place de l’Homme, des hommes et des femmes est peu consacrée ou alors appréhendée comme une variable d’ajustement ou résultant de la prise en considération d’autres intérêts la dépassant – La complexité de la gestion publique (ressources, rôle de la puissance publique et des institutions, attentes et comportements des équipes et personnels…) – Des dirigeants politiques peu enclins ou en difficulté pour arrêter des stratégies ou passer des accords socio-économiques et sociétaux utiles au bien collectif, au bien commun 10 Les aspects spécifiques au monde territorial (Enquêtes J. Dupuis 2012, 2014) – Des valeurs « humaines » évoquées voire revendiquées comme des boucliers protecteurs face aux excès de ce qui est perçu comme un paradigme de la logique managériale imposée à l’action publique : la performance – Des « vertus » du local et du territorial (proximité, coopération, régulation…) appelées au chevet de la redéfinition des règles du jeu aux niveaux institutionnel, politique mais aussi managérial – Des principes éthiques du service public (neutralité, intérêt général, équité, solidarité…) (re)interrogés par les réformes administratives fondées sur la culture du(des) résultat(s) et les impératifs de la gestion 11 Vers de nouvelles pratiques jugées légitimes (Alter, 1996), comprises voire acceptées par toutes les parties prenantes. « Dans ce contexte, le management est soucieux de conserver ou de rétablir des routines, donc des règles du jeu légitimes susceptibles de permettre une coordination, si possible prévisible, des acteurs productifs et par conséquent capables de recevoir les acteurs sur la base de buts communs qui transcendent les différents intérêts individuels » (D. Giauque, 2003, p 33) 12 I.2. Les visions des caractéristiques actuelles du management territorial (Enquêtes J. Dupuis 2012, 2014) Ses spécificités au regard du management des organisations marchandes - Des considérations proches : qualité des prestations, adaptabilité aux attentes et besoins - Des particularités : solidarité des territoires, des populations et des générations, création des conditions du « bien vivre ensemble » Ses spécificités au regard du management public - Des finalités identiques : intérêt général, processus de régulation et de coopération - Des particularités : approche citoyenne et de proximité, interaction entre les élus / cadres et agents territoriaux, usagers, habitants et citoyens 13 Les valeurs de l’action publique locale - Égalité et équité d’accès aux services - Solidarité territoriale (cohésions sociale et territoriale) - Innovation et partage -… Les valeurs du service public local - Éthique et esprit de justice (règles de vie en commun, exemplarité, intégrité) - Respect et altérité (écoute, considération, bienveillance) - Responsabilité et initiative (droit à l’erreur, reconnaissance) 14 Recomposition – Représentant Maître d’ouvrage Management des territoires Restructuration – Maitre d’œuvre Refonte et redimensionnementAMO MANAGEMENT TERRITORIAL Management des organisations Management des politiques publiques 15 ∆ Sens et portée du management des territoires – Un projet de territoire multi acteurs et multi niveaux (sens, subsidiarité et partage) prenant en compte les différentes façons de vivre et les temporalités des habitants – Une clarification des vocations des acteurs et niveaux territoriaux en fonction des spécificités locales (et des jeux locaux) combinant allerretour entre espaces de réflexion larges et espaces infra d’action permettant de nourrir la réflexion stratégique Ne pas enfermer le citoyen sur un territoire (assignation identitaire, méconnaissance des interactions avec d’autres territoires) ; Nouer de nombreux partenariats et intervenir à diverses échelles ; Confronter des visions techniques et politiques ; Être en mesure d’articuler développements exogène et endogène; Confronter des visions techniques et politiques . 16 ∆ Sens et portée du management des politiques publiques locales – Une réponse en termes de clarification des compétences perçue comme un leurre voire un « impossible ». Souplesse et plasticité pour s’adapter aux territoires et aux contenus des politiques publiques – Une différenciation entre la responsabilité politique et les conditions administratives et managériales de la mise en œuvre : - Maîtrise d’ouvrage : sens à donner à l’action en traçant une feuille de route aux différents partenaires et en s’assurant de son respect - Maîtrise d’œuvre : voies et moyens pour répondre aux objectifs en assemblant les différentes ressources (ingénierie, finances, coopérations techniques…) voire en les mutualisant Laisser l’intelligence collective émerger et décider quoi ; du partenariat financier, de l’expertise technique ou de l’ingénierie ; sera le mode le mieux approprié pour mettre en œuvre le projet de politique publique territoriale 17 ∆ Sens et portée du management des organisations territoriales – Des organisations plus à l’écoute des besoins des agents, en réflexion permanente du décryptage des attentes de la population Un regard croisé sur la qualité du service rendu entre les professionnels et les usagers – Enrichissement du mode organisationnel hiérarchique par le mode organisationnel transversal et coopératif Mettre les cadres en capacité de se placer en permanence sur plusieurs niveaux de compréhension des problèmes à résoudre, d’avoir une analyse multi dimensionnelle, d’opérer des choix non seulement techniques découlant de procédures bureaucratiques, mais aussi en faisant appel à l’initiative et à la responsabilité 18 I.3. Les défis et enjeux à relever pour les cadres dirigeants territoriaux Les aspects communs (Lynn, Heinrich, et Hill, 2000 ; Agranoff et Mc Guire, 2003 ; Hill et Lynn, 2001,2004,2005 ; Lawler, 2008; Frederickson,2004 ; Maltais et alii,2007) Prendre la mesure : - Des différentes touches du clavier de la gouvernance vue comme modèle logique pour améliorer la ou les performances (« O = f[E,C,T,S,M] ) - Des complémentarités entre gouvernance et gouvernement où les éléments caractéristiques du gouvernement (hiérarchie, ordre, stabilité…) constituent les conditions d’exercice de la gouvernance 19 - Des nécessités managériales du temps présent: . Comprendre les mutations et faire agir dans des environnements complexes et incertains . Savoir agir en assurant la traduction opérationnelle d’une vision . Etre en capacité de décoder les attentes de ses équipes, savoir innover dans les façons de faire afin de faciliter l’adaptation de son organisation à ces environnements 20 Les aspects spécifiques apportés par les DG territoriaux (dans les enquêtes susmentionnées): Prendre la mesure : Des effets d’échelle ou de focale où traditionnellement les organisations ou plutôt les institutions marquaient leurs territoires en référence à des secteurs d’intervention pour passer progressivement à des notions d’interorganisations, d’interterritorialités… le sens = horizontalité et complémentarité ; les valeurs de référence = solidarité et cohésion 21 – Des effets de déplacement avec des outils, dispositifs et systèmes de gestion et de management adoptés, adaptés puis appropriés aux intérêts à agir des différentes parties prenantes (Scott et Lane, 2000) le sens = adaptation à géométrie variable à différents titres (territoires, politiques publiques, organisations) et affirmation de l’identité (ou des identités multiples de par l’affiliation à divers réseaux) de chaque partie prenante à travers la légitimité ou non des pratiques (Rowley et Moldoveanu, 2008) ; les valeurs de référence = respect et reconnaissance. 22 – Des effets de renversement ou de débordement où les anciennes clarifications des rôles (individus et groupes, objectifs, contrats…) dans une logique transactionnelle sont mises à mal par des postures plus floues et incertaines (actions collectives, réciprocité et échanges, conventions…) dans une logique relationnelle (Macneil, 1980) le sens = développement de la cohérence entre le dire et le faire, gage de durabilité des relations ; les valeurs de référence = intégrité (connaissance et compréhension mutuelle), bienveillance et réciprocité (confiance réciproque) 23 SOMMAIRE I. L’émergence du Nouveau Management Territorial II. Le rôle des cadres dirigeants territoriaux et leur gestion des exigences managériales 24 SOMMAIRE II. Le rôle des cadres dirigeants territoriaux et leur gestion des exigences managériales II.1. Le rôle des cadres dirigeants et la qualification de leurs positionnements privilégiés II.2. La compréhension (identification) des postures managériales des cadres dirigeants territoriaux II.3. L’émergence et la cristallisation des tensions entre valeurs et principes d’actions à l’ère des gouvernances territoriale et interterritoriale 25 II.1. Le rôle des cadres dirigeants et la qualification de leurs positionnements privilégiés Les aspects communs aux managers publics (Emery, 2009) Une conduite stratégique des affaires publiques qui prend de l’ampleur et dans laquelle la contribution des dirigeants est cruciale (Forbes et Lynn 2005) - MAIS un contrôle des « opérations » menées qui tend à leur échapper favorisant la prise en compte accrue des attentes et objectifs d’autres acteurs (Peters 2009) Coproduction des politiques publiques (Brudney et England 1983) – Intégration des savoirs faires et expériences du passé (continuité ≠ accélération des changements « change and turn »; Bourgault et Savoie, 2009) – Anticipation stratégique et prospective mettant en exergue les possibles en tenant compte des enjeux socio- économiques, politiques et des risques – Prise en considération des acteurs de l’environnement et des parties prenantes (Mettban, Hazlatt et alii 2005) – Capacité à transformer les objectifs en résultats, les intentions en actions 26 Les aspects spécifiques aux dirigeants territoriaux (dans les enquêtes susmentionnées) Politiques publiques Compétences Vocation Espace public Urbanisme réglementaire – Voirie – Espaces Verts / Nature / Paysages – Domaine public… Faire Réseaux de Services Publics Transport / Stationnement / Mobilités – Eau / Assainissement – TIC... Faire-Faire Cadre de vie Vie sociale et citoyenne Urbanisme opérationnel – Environnement – Habitat – Logement – Cohésion sociale – Santé – Sécurité… Faire avec Accès aux savoirs Epanouissement personnel Animation Education – Formation - Sport – Culture – Loisirs… Faire pour Aménagement Développement Urbanisme prévisionnel Economie (marchande et plurielle) – Tourisme – Enseignement supérieur – Recherche – Innovation… Aider à faire 27 Vocation Faire FaireFaire Faire avec Faire pour Aider à faire Objectifs Optimisation des ressources et création de valeurs environnementale, paysagère et territoriale Optimisation et fructification des ressources et création de valeurs sociale et territoriale Fructification des ressources et création de valeurs économique et territoriale Dynamiques Finalités Valeurs de l’action publique Identité Mutualisation Accessibilité Continuité territoriale Fédération Accroître la qualité de vie Cohésion Solidarité Métropolisation Coopération territoriale Attirer – Créer – Développer Rayonnement Attractivité Equilibre 28 - Une conduite stratégique de la gestion publique locale selon trois rôles Faire Faire + Aider à faire Dirigeants territoriaux = Représentant Maître d’ouvrage Management des territoires Faire + Faire pour Dirigeants territoriaux = Maitre d’œuvre « A force de sacrifier l’essentiel par l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel » Edgar MORIN « Il faut donc déterminer en soi-même, sans précipitation et sans négligence, ce qui en nous constitue le bien-vivre et ce sans quoi les hommes ne sauraient y accéder » ARISTOTE Faire avec + Faire pour Dirigeants territoriaux = AMO MANAGEMENT TERRITORIAL Management des organisations Management des politiques publiques « Il faut d’abord savoir ce que l’on veut, il faut ensuite avoir le courage de le dire, il faut enfin l’énergie de le faire. » Georges CLEMENCEAU 29 - Un positionnement stratégique (Townley, 2002; Bourgault et Savoie, 2009) particulier Politique publique / vocation Espace public / Faire Elus Maître d’ouvrage Dirigeants territoriaux Services Ingénierie de projets et gestion technique Traduction Réseaux SP / Faire faire Maître d’ouvrage Ingénierie technico-économique et conduite d’opérations Médiation Cadre de vie - vie sociale / Faire avec Articulation organisation et politiques publiques Montage de projets Innovation Accès savoir - épanouissement / Faire pour Proximité Gestion administrative et relations Aménagement –développement / Aider à faire Articulation territoires et politiques publiques Négociation de partenariats Vision Intelligence collective Ancrage Influence Assemblage 30 Représentant Maître d’ouvrage Faire Faire + Aider à faire DG = Médiation / Influence Management des territoires Maitre d’œuvre Faire + Faire pour DG = Traduction / Ancrage AMO Faire avec + Faire pour DG = Innovation / Ancrage MANAGEMENT TERRITORIAL Management des organisations Management des politiques publiques 31 II.2. La compréhension (identification) des postures managériales des cadres dirigeants territoriaux Les préoccupations managériales des cadres dirigeants territoriaux – Le processus d’adaptation à travers un double mouvement de conformation et de résistance / subversion qui n’est pas sans rappeler le couple assimilation / accommodation de Jean Piaget « La psychologie de l’intelligence », A. Colin, 1967. • Assimilation, car le dirigeant territorial tente d’intégrer la « dynamique » dans ses schémas de savoir-faire quitte à en subvertir la forme, la structure, les usages initialement prévus par l’initiateur, le concepteur • Accommodation, dans la mesure où la « dynamique » est susceptible d’ouvrir d’autre champs d’interprétation de la situation. Ce processus se construit souvent en initiant, implantant des outils et dispositifs de gestion et de management ; rendant possible l’action collective de façon parfois inattendue (Weick, 1987 ) où la « qualité » d’un outil de gestion réside peut-être moins dans sa capacité à informer la décision qu’à impulser un engagement dans l’action. 32 Le management par les normes, les référentiels, les résultats Chiffres, indicateurs, ratios et procédures Objectifs internes / externes et processus de reporting et d’amélioration régulière = Approches économique, financière, organisationnelle et managériale 33 -Le processus de recherche de l’utilité(s) en s’attachant, face aux difficultés : - à atteindre des objectifs tangibles et immédiats compte tenu des mutations multiples , des incertitudes de l’environnement, des changements de ligne directrice; - à donner une réalité au rassemblement, au dessein, au projet en résonance avec le processus d’élaboration du sens développé par Weick (1979) ; qui intervient lorsque les faits sont en désaccord avec les croyances de l’individu et/ou ses conduites (dissonance cognitive). 34 Le management par les résultats, par le sens… Objectifs internes / externes et processus de reporting et d’amélioration continue Sens des projets / actions et processus de mobilisation interne / externe = Approches organisationnelle et managériale, de la stratégie des politiques publiques, de la stratégie territoriale 35 - Le processus de cohérence de nature à éviter les tensions centrifuges au sein de la collectivité, et d’assurer durablement le consensus sur des règles du jeu communes. Représentation idéalisée (en rapport avec l’idéal, les valeurs de référence) des projets et dispositifs comme symbole (David, 2006) 36 Le management par le sens et par les valeurs Sens des projets / actions et processus de mobilisation interne / externe Intelligence territoriale (prise en compte systémique d’un territoire par la mise en réseau de ses acteurs pour son développement durable, l’amélioration de son attractivité humaine ou entrepreneuriale ) = Approches organisationnelle et managériale, de la stratégie des politiques publiques, de la stratégie territoriale + Approche des gouvernances politique et administrative 37 Représentant Maître d’ouvrage Management souple (négociation partenariats) ou Management de soutien (activation des coopérations) Valeurs du SP = Imagination et Anticipation Management des territoires Maitre d’œuvre Management maximal (arbitrage) ou Management partagé (négociation objectifs/moyens – activités/ressources) Valeurs du SP = Autonomie et Responsabilité AMO Management directif (détermination du niveau de service rendu) ou Management résolu (détermination des voies et moyens) MANAGEMENT TERRITORIAL Management des organisations Management des politiques publiques Valeurs du SP = Equité et Transparence 38 II.3. L’émergence et la cristallisation des tensions entre valeurs et principes d’actions à l’ère des gouvernances territoriale et interterritoriale L’ère des gouvernances territoriale et interterritoriale caractérisée par : – Un système d’organisation fondé sur les influences réciproques entre acteurs et un leadership à géométrie variable en fonction des domaines et des temporalités – Des espaces et des temps valorisant les contributions réciproques entre niveaux institutionnels et échelles territoriales sur le plan vertical (nature différente) et sur le plan horizontal) (nature identique) conduisant à des formes de coordination et d’agencement multi niveaux et multi acteurs. 39 Les tensions entre gestion et management comme principes d’action : Celles entre gestion des ressources et management des organisations fructification des ressources, réduction des coûts et marge de manœuvre ≠ compréhension et partage des enjeux par les équipes aux différents niveaux organisationnels stratégie de réponse managériale : défense de la situation actuelle Celles entre gestion des processus et management des programmes publics optimisation, productivité, mutualisation, fusion ≠ qualité du service rendu, relations usagers stratégie de réponse managériale : recherche de pistes de « dégagement » 40 Celles entre gestion des performances et management des projets de territoire résultats immédiats, efficience allocative ≠ sens de l’action, dynamique territoriale stratégie de réponse managériale : développement des initiatives et innovations Celles entre gestion des partenariats et management des réseaux perte d’identité, maitrise limitée et influence contrariée ≠ sens et justification de la raison d’être des coopérations et alliances stratégie de réponse managériale : renforcement des spécificités et des atouts distinctifs 41 Les trois des cinq dimensions des « régulations organisationnelles » énoncées par Giauque (2003) et les tensions relevant de chacune d’elles : Celles issues de la relation avec l’environnement de l’organisation à travers la gestion des partenariats et le management des réseaux (Boyer,1995 ; Reynaud, 1988 ; Fulconis, 2002) adaptabilité ≠ intérêt général et égalité de traitement stratégie de réponse managériale : privilégier l’ouverture Celles issues des transformations organisationnelles à travers la gestion des ressources et processus et le management des programmes publics et projets territoriaux (Mintzberg 1982, Livian, 2001 efficacité et efficience ≠ responsabilité et initiative stratégie de réponse managériale : sélectionner quelques priorités claires et tangibles 42 Celles issues des relations de pouvoir à travers la gestion des performances et le management des incertitudes et jeux d’acteurs (Crozier et Friedberg, 1977. Francfort et alii, 1995 ; Lodge, 2009 rivalité ≠ coopération stratégie de réponse managériale : clarifier les rôles politiques et administratifs 43 Une quatrième dimension à y ajouter : celle issue de « l’actualisation » des valeurs publiques à travers la gestion des performances et le management par le sens et les valeurs (Liedtka, 1989 ; Bozeman, 2007 ; Chang, 2009 ; Dupuis et alii, 2015) et les tensions qui en découlent : règles ≠ sens arrangements ≠ confiance stratégie de réponse managériale : coproduire puis faire vivre une charte de gouvernance managériale adossée à des valeurs partagées du service public local 44 Prévoir des moments privilégiés pour rappeler le sens et les valeurs afin de ne pas noyer ces notions essentielles dans l’urgence du quotidien; à n’envisager que dans un cadre institutionnel car cela deviendrait contreproductif Se donner une feuille de route et des jalons dans le temps, pour faire passer le message des valeurs et du sens, au bon moment et au bon endroit; tout en étant attentif à la manière de dire les choses, parce qu’en fonction de son auditoire, le dirigeant territorial ne le dira pas de la même façon = mélange subtil d’intuition et de préparation 45 Développer la fonction managériale (agir avec autrui) suppose des temps et les lieux de négociation divers mais cohérents; en identifiant des lieux et types d’échanges où l’on s’autorise la parole, et des lieux et temps d’arbitrage et de décision où l’on s’attache à en comprendre les attendus : Inventer des modes d’échange, de décision, de capitalisation valorisant le développement des compétences (stratégiques, opérationnelles, communicationnelles) et le management à taille humaine. Mettre en place des fonctions nouvelles de veille et de prospective interne et externe, de pilotage et d’évaluation au service des DG, des élus et des cadres intermédiaires et de proximité. 46 Les tensions dans la collaboration entre dirigeants politiques et cadres dirigeants territoriaux dans ce contexte (Enquêtes J. Dupuis, 2014) – Des élus investis désormais dans la gestion des moyens et la préservation des ressources de leurs collectivités respectives Des exécutifs devenant « super héros gestionnaires », argument principal devant les électeurs Un problème de sens – Des DG « mis sous pression » tentés de faire des économies par le haut en regroupant et supprimant des directions et en invitant les cadres les plus employables à partir Solution efficace et rapide pour retrouver des marges de manœuvre financières à court terme Fuite des talents et perte de motivation – Une incitation des DG à : Défier la pente oligarchique Critiquer les élus quand ils se positionnent en patron et gestionnaire alors que cette légitimité est professionnelle 47 – La crise alibi du retour des techniciens ? La tentation est grande de voir revenir dans nos organisations les experts censés trouver des solutions techniques à des problèmes dont la résolution nécessite au contraire d’interroger le sens de l’action. Il est temps de construire un nouvel imaginaire pour la société comme pour les organisations, de créer de nouveaux possibles, de redonner aux citoyens l’envie de se mettre en mouvement et d’accompagner les transformations et c’est bien là la responsabilité des élus et des agents publics. Celle-ci doit pouvoir s’exercer dans le respect des rôles dont l’équilibre, certes fragile, évolue en fonction des protagonistes, de l’histoire, de la culture. « Des élus qui exercent une mission, des fonctionnaires qui exercent un métier » (Denys Lamarzelle) 48 CONCLUSION : SYNTHÈSE Plasticité des territoires et des organisations (prise en compte régulière des adaptations nécessaires) Destination clairement énoncée quitte à réviser à certains moments Itinéraire retravaillé régulièrement suite aux retours d’expérience Anticipation en fonction de ses enjeux et problématiques Dynamique d’apprentissage collectif avec une création de valeurs pour l’usager / citoyen, l’organisation, les personnels… « The trouble with future is that is usually arrives before we’re ready for it » - Arnold H. Glasow 49 Mais des tensions multiples Entre rôles (maître d’œuvre, AMO, représentant Maître d’ouvrage) Entre positionnements (traduction, médiation, innovation, ancrage, influence) Entre postures managériales (souplesse, soutien, directivité, résolution, maximalisation, partage) ET Entre gestion et management (ressources, processus, performances, partenariats, organisations, programmes, projets, réseaux) Entre registres de régulation (relation à l’environnement, transformation des organisations, relations de pouvoir, actualisation des valeurs) 50 … conduisant les dirigeants territoriaux à – Manager dans la complexité et l’incertitude « On mesure l’intelligence d’un individu à la quantité d’incertitudes qu’il est capable de supporter » Emmanuel KANT – Concilier possibles et impossibles ; faire preuve d’audace en se tenant entre confiance et prise de risque , en évitant certitude et témérité (cf les deux facettes de l’audace définies par les Grecs : « tolmos » ou la bonne audace , celle qui fournit un tremplin à l’action sans verser dans l’excès de témérité; « tharsos » ou l’audace effrénée , celle qui qui conduit à la démesure aveugle). « Vivre, exister, aimer, mourir, c’est sans s’en apercevoir, se créer, se reconstruire, attribuer aux autres, transmettre autour de soi des possibles, des impossibles. La question « dans quel monde vivons-nous ? » devient quels sont les possibles et impossibles caractérisant notre monde » Andreu SOLE, Créateurs de monde, nos possibles, nos impossibles 51 CONCLUSION : LIMITES ET PROLONGEMENTS Limites • La constitution du panel de référence • Des matériaux issus exclusivement d’enquêtes qualitatives Prolongements • Une enquête auprès d’un panel quantitatif à partir des items de questions fermées mis en exergue dans ce premier travail de recherche • Une comparaison avec les cadres dirigeants des deux autres fonctions publiques en France (Etat, hôpitaux) et les dirigeants territoriaux d’autres pays (Europe et Canada) 52