Métropoles d`Europe

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Métropoles d`Europe
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Métropoles d’Europe
Jeudi 19 avril 2012
Amphithéâtre Decottignies, Rue Marcoz,
Présidence de l'Université de Savoie-Chambéry
Tower Bridge et la Tamise. © Jason Hawkes
8h30 à 9h50
Manuel APPERT
(Maître de conférences, Université Lumière - Lyon II)
Londres, métropole mondiale
en restructuration à l’approche des J.O.
10h10 à 11h30
Aurélien DELPIROU (Maître de conférences, Institut d’urbanisme de Paris, Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne)
Rome : une ville mondiale non globale ?
Questions et échanges avec la salle
Pause déjeuner
13h45 à 15h05
Boris GRESILLON (Professeur des Universités, Université d’Aix-Marseille)
Berlin, métropole culturelle et artistique
Istanbul, 1er février 2012. © Associated Press
15h25 à 16h50
Pierre RAFFARD (doctorant, Université Paris - Sorbonne)
Istanbul est-elle une métropole européenne ?
16h50 à 17h30
Table-ronde autour des conférenciers : Quelle métropolité européenne ?
Questions et échanges avec la salle
Les journées d'études Géo'rizon sont soutenues par
Prochaine journée d'études : jeudi 20 décembre 2012.
Thème proposé : Antimonde(s).
Organisation : Département de Géographie de l'Université de Savoie
Contact : 04 79 75 86 87. Courriel : [email protected]
12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
Londres, métropole mondiale en restructuration à l’approche des J.O.
Manuel APPERT
Maître de conférences, Université de Lyon (Lumière - Lyon II)
Introduction
Manuel Appert propose une lecture globale de Londres, afin de mettre en exergue le
contexte dans lequel la capitale britannique accueillera les Jeux en cet été 2012. Tout d’abord, il
présente la situation de la gouvernance de Londres, en tant que ville globale notamment. D’autre
part, il propose une lecture des dynamiques métropolitaines dans la métropole britannique. Ensuite,
il illustre l’alibi que constituent les Jeux Olympiques pour la métropole londonienne, avec la
reterritorialisation de Stratford, quartier à l’Est du centre londonien. Enfin, le conférencier propose
des perspectives pour la ville globale, suite à la crise économique que subit le monde depuis 2008.
Plus exactement, la conférence invite à répondre aux questions suivantes : Dans quel contexte la
ville de Londres accueille-t-elle les Jeux Olympiques d’été ? Comment les acteurs les organisentils ? Par ailleurs, cette organisation internationale soulève des enjeux pour une ville globale, mais
aussi pour l’intégralité d’un quartier. Dans quels buts Londres transforme et reterritorialise-t-elle ce
quartier de Stratford ?
1. Gouverner Londres
© M. Appert.
Afin de comprendre les
dynamiques actuelles de la métropole
londonienne, Manuel Appert présente
le contexte métropolitain sur lequel la
ville s’est développée. Londres est né
et s’est reproduite plus par accident
que par une réelle planification. En
effet, Londres a connu un réel
développement urbain au cours du
XIXe siècle, où sa population est
passée de 1 million d’habitants en
1801 à presque 6.6 millions à la fin du
siècle, en 1901. Le transport
ferroviaire a été le facteur dominant
dans cette extension spatiale. A la
différence de la capitale française,
Paris, où la densité de population de
population est très forte au sein de l’aire urbaine, Londres reste une capitale avec une densité
modeste. En se positionnant comme un des places fortes financières à partir du XIXe siècle, Londres
est polarisée par deux pôles : le quartier de la City et celui de Westminster. Comme tous les
processus de métropolisation, le centre londonien a absorbé des villes et des villages des alentours
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
de la capitale, ce qui a créé un espace polycentrique, avec plusieurs pôles correspondant à ces villes
englobées. L’organisation de la vie quotidienne est donc multipolaire. Jusqu’au début du XXe
siècle, la croissance urbaine et les choix urbanistiques de Londres sont donc plutôt spontanés.
En conséquence, Londres s’est constituée par les forces du marché et par l’extension spatiale
des transports. Mais cette extension spontanée, qui semble interminable, conduit à une prise de
conscience qu’il faut stopper cette croissance métropolitaine. Les pouvoirs publics mettent en place
le Plan Abercrombie, en 1944, afin de limiter le développement dans un rayon de 30 km autour de
la ville. Cet aménagement est de type containment, avec la création d’une ceinture verte en lisière
de l’aire urbaine, mais avec aussi la création de villes nouvelles en périphérie de la métropole. Ce
plan d’aménagement va conditionner l’actuelle structure urbaine de Londres. Cette première mesure
d’aménagement illustre des enjeux de densification des villes, et de limitation de l’extension
urbaine. A titre d’exemple, le Sud Est britannique a une densité inférieure à 500 habitants/km².
A partir de XXe siècle, s’élabore une structuration de la région urbaine par des politiques
d’aménagement. Conjointement s’effectue un dépeuplement très rapide de la métropole
londonienne, alors que les cantons limitrophes gagnent en population. Il s’agit d’un processus de
déversement du centre vers la périphérie, qui se manifeste entre les années 1960 et 1980 et qui va
créer des nuisances, notamment en matière de transport. Les pouvoirs publics imaginent des
politiques de restructuration urbaine, bien avant la création du Greater London (Grand Londres).
Un des problèmes pour les pouvoirs publics sont les limites mal définies de cette région
métropolitaine. Cette illisibilité de l’espace londonien rend difficilement quantifiable et identifiable
le Grand Londres. Alors qu’en France, les géographes et aménageurs du territoire créent le concept
d’aire urbaine, on ne retrouve pas cette définition urbaine outre-Manche. En ce qui concerne
l’espace métropolisé londonien, il correspond au Grand Sud-Est du Royaume Uni, avec un rayon de
100 km autour de la ville de Londres. Cet espace identifié est polarisé par le Grand Londres, qui luimême est un espace multipolarisé. En effet, le Grand Londres a un centre : la ville de Londres, et
plusieurs pôles plutôt secondaires, qui correspondent à des grandes villes autour de Londres. A titre
d’exemple, Birmingham serait une de ces deux grandes villes autour de la capitale britannique.
L’aire métropolitaine décrite ci-dessus compte 22 à 23 millions d’habitants pour 45 000 km².
Plusieurs lieux sont l’incarnation de la diversité de l’espace métropolitain. La première illustration
est au sein de Londres : la
City, le lieu le plus dense,
avec 150 000 emplois au
km².
La
deuxième
incarnation
du
Grand
Londres est la ceinture verte,
mise en place en 1944 par le
Plan Abercrombie, avec ces
espaces récréatifs mais avant
tout agricoles. L’Essex est le
théâtre de ces espaces en
difficulté économique au
sein de la métropole
londonienne. Enfin, comme
dernière incarnation, le
Surrey illustre ces « marées
périurbaines », avec son
autoroute M3, avec ses
fortes contestations relevant
du NIMBY.
© M. Appert.
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
Après cette brève présentation du modèle spatial londonien, l’intégration des limites soulève
le problème de la gestion de la région urbaine londonienne. Le mode de gestion politique est
complexe. Le London City Council, que l’on peut qualifier de « municipalité », est créé en 1889.
Cette autorité londonienne ne couvrait pas toute la zone urbanisée de Londres. Le Grand Londres
est officiellement créé en 1963, avec le London Government Act. Il intègre le London City Council
et des comtés périphériques, appelés Outer London. Par ailleurs, entre 1970 et 2000, un effort de
solidarisation politique prend forme avec la formation d’un forum nommé le SERPLAN. Ce forum
réunit London City Council (la municipalité londonienne) et les comtés périphériques. Au cours du
gouvernement de Margaret Thatcher, cette unité est dissoute en 1986. Cependant, cette institution
est reformée en 1994, et le Grand Londres devient une région administrative en 2000, mais géré
indépendamment des périphéries qui disposent d’une gouvernance propre.
Concernant la gouvernance, dans le mode de gestion de Londres, les acteurs privés occupent
un poids considérable. Les régions administratives, comme le Grand Londres, disposent de
Directives d’aménagement. A l’échelle du Grand Londres, une municipalité dispose de pouvoirs
forts d’un point de vue de l’aménagement stratégique. Le London Plan publié en 2004, et modifié
en 2011, s’impose aux municipalités dans le Grand Londres. Cependant, les boroughs
(arrondissements) et la City ont souvent un urbanisme provenant d’acteurs privés, qui dispose du
permis de construire. Du fait d’un mode de gestion des budgets ultra-centralisé, les municipalités
ont donc des fonds propres insuffisants pour aménager leurs espaces. Toutefois, elles font appel de
plus en plus au secteur privé, avec des Planning Games afin de financer des aménités, des services
locaux. Les boroughs sont donc de plus en plus dépendants de ces acteurs privés. La gouvernance
est illustrée par le City Hall, réalisé en 2003, au moment où le Grand Londres a été rétabli. De
manière iconique, il a été réalisé par un promoteur privé, qui a aménagé aussi le More London. Ils
sont l’illustration de ce poids croissant des promoteurs privés dans l’aménagement du territoire. Le
London Plan, outil d’aménagement du Grand Londres, a été constitué autour de grands thèmes
relevant du « développement durable » :
- la construction de nombreux logements, sous la forme d’une densification, et au rythme de
30 000 par an, dont la moitié sera des logements sociaux (un objectif à négocier avec les
promoteurs).
- la fourniture de surfaces de bureaux et d’hôtels pour assurer le rôle de ville mondiale,
surtout autour des nœuds des réseaux de transports collectifs.
- le gel de la construction de routes, afin de développer les réseaux de transport en commun.
- la protection des espace par une Green Belt (ceinture verte), afin d’améliorer les conditions
de vie de la métropole. Dans un objectif de densification, plusieurs types de sites ont été
identifiés : des zones de grandes réserves foncières accessibles en transport en commun,
accompagnées d’un renforcement des bourgs englobés au fil des années.
2. Les dynamiques métropolitaines du Grand Londres
Le centre urbain du Grand Londres est destiné aux fonctions économiques avec une
domination des emplois métropolitains à forte valeur ajoutée, alors que le reste du Grand Londres,
l’Outer London, est plus diversifié en terme d’emplois. La City de Londres est le quartier le plus
stratégique, accueillant des activités financières depuis le XIXe siècle, qui contribuent au classement
de Londres au 2e rang des places financières dans le monde. Le quartier des Docklands accueille
aussi des activités financières. Le développement de ces activités au sein de Londres n’est pas un
fait métropolitain : elles se développement par inertie, par effet de proximité et par les politiques
économiques nationales. Par ailleurs, on peut imaginer que ces quartiers ont souffert de la crise.
Cependant, la finance représente 10 % du produit urbain brut, avec de l’économie créative, qui a
donc plutôt bien supporté la crise.
Cette partie centrale de l’agglomération s’est adaptée au centre ville. Le centre ville de
Londres est devenu un marché immobilier où les acteurs sont internationaux (à plus de 50 %).
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
Canary Warf est une des formes emblématiques de commerce international. Ce poids important
dans la finance donne une caractéristique stratégique à ce lieu, et le risque terroriste est omniprésent
dans les représentations mentales. Cet îlot de l’Archipel Mégalopolitain Mondial a donc des limites
nettes, notamment marquées par les infrastructures de transports où des barrières ont été mises en
place au Nord et au Sud. Ce sont des quartiers surveillés pour les véhicules. Le quartier, très
minéral, est à la fois haussmannien par ces grandes avenues, et américain par ses aspects
morphologiques. A l’échelle de la City, le quartier s’est adapté à la transformation de son économie,
avec des ruptures d’échelles avec les masses de Grandscrapers plutôt imposants, et les Skyscrapers
très verticaux. La City est un élément moteur qui solidarise l’espace du Sud-Est britannique. Par
ailleurs, c’est un marqueur des sélections d’activités dans un espace. En effet, d’autres espaces sont
« spécialisés » dans des activités. Les activités technologiques et financières se sont déplacées vers
l’Ouest, atour de la M3. Au nord, s’étendent plutôt des activités logistiques. Enfin, avec une
dynamique de déplacement des activités vers le Nord et l’Ouest, l’Estuaire de la Tamise à l’Est, est
un espace en déclin. Plutôt spécialisé dans l’industrie, avec des industries automobiles ou des ports,
il est en grande difficulté. Cependant, des activités typiquement installées à Londres le sont dans
des pôles secondaires du Grand Londres, selon un phénomène de déconcentration des activités. A
titre d’exemple, Reading, une ville à 60 km, à l’Est de Londres, est aujourd’hui le premier marché
de bureaux de province.
© M. Appert.
Les dynamiques sociales provoquent une dualisation de la métropole, avec des
déséquilibres très nets. En référence au marché de l’immobilier, le centre ville londonien très cher,
s’oppose à un péricentre qui l’est moins. A l’inverse, les périphéries le sont à nouveau. Les cas
londonien et parisien sont très différents. En effet, Paris connaît un gradient des prix de
l’immobilier du centre vers la périphérie, alors qu’à Londres, ce dernier existe entre le centre et le
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
péricentre, accompagné d’un second gradient inverse du péricentre vers la périphérie. Par ailleurs,
toujours via le critère du marché de l’immobilier, cette dualisation est visible ente l’Ouest et l’Est
londoniens. Ce processus est aussi illustré par l’indice synthétique de précarité (comprenant le taux
de chômage, le revenu, l’accès aux aménités), confortant une polarisation très nette du centre et du
Sud-Ouest de Londres. La précarité se concentre dans le péricentre Nord et le péricentre Est. Par
ailleurs, ce gradient inverse entre péricentre et périphérie, puisque les banlieues les plus extrêmes
sont aussi prospères, est également présent. Corrélé avec les conditions de vie, apparaissent en
filigrane des lieux de manifestations lors des émeutes de Londres (août 2011). Ces émeutes ont eu
lieu dans des quartiers prospères, en lisière des quartiers difficiles.
© M. Appert.
3. Les Jeux Olympiques, un alibi de reterritorialisation ?
Les JO de Londres s’inscrivent donc dans une métropole duale et polarisée. Le site
olympique de Londres 2012 est en majorité dans le quartier de Stratford, à l’Est de la City.
Quasiment terminé, le site olympique change complètement la morphologie du centre-ville
historique de Stratford : il deviendra un quartier résidentiel, commercial et universitaire à l’horizon
2020.
Une question se pose : Comment interpréter ces aménagements et ces réalisations ?
L’évènement est un alibi pour un renouvellement urbain. En effet, Stratford fait l’objet d’une
politique d’aménagement, non pas à l’échelle de cette commune affichée comme en déclin, mais à
l’échelle de l’espace métropolitain londonien. L’installation des infrastructures olympiques est une
opportunité de développer à Stratford un territoire plus compétitif dans un contexte de
métropolisation et de mondialisation. Stratford est situé dans le péricentre Est de Londres, ce qui lui
confère une bonne accessibilité depuis le centre. Le site olympique sera donc relié par plusieurs
lignes de métro, et par la LGV inaugurée dans les années 2000. Le foncier est très abondant, car les
espaces ferroviaires ont été abandonnées. De plus, avec le plan d’aménagement et de reconversion
dans l’estuaire de la Tamise, avec un pôle de croissance pour Thames Gateway, Stratford intègre
pleinement son rôle dans cette reconversion, puisqu’il est l’un des boroughs de ce programme. Pour
aménager ce site, il a été décidé de supprimer les prérogatives des localités. Alors que les acteurs
premiers sont les boroughs, ce sont le Grand Londres et l’Etat qui deviennent les acteurs de cette
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
restructuration urbaine, traduisant une recentralisation des pouvoirs afin d’accueillir cet événement
international. C’est une façon de décentraliser et d’organiser sans avoir affaire à la démocratie
locale.
Pourquoi avoir choisi Stratford ? C’est le lieu d’une opportunité foncière (cf. supra), mais
aussi le choix d’un rééquilibrage social. Malgré une croissance démographique, Stratford reste un
espace avec des friches industrielles et ferroviaires, des problèmes sociaux comme la précarité, un
taux de chômage élevé et un taux d’activité faible. Cependant, les politiques publiques affichent un
Stratford imaginaire. Ce Stratford serait devenu un « no man’s land », avec toutes ses friches.
Certaines photographies anglaises présentent un Stratford qui n’existe pas vraiment. Cette ville
devient l’emblème de ces East lands en déclin. Avec les Jeux Olympiques, les grands ensembles
des années 1970 laissent place à des grands boulevards et à des tours de logement. C’est
l’illustration de l’objectif de régénération urbaine : d’un fait urbanistique en premier lieu, la
régénération urbaine devient un fait politique. En effet, cette politique d’aménagement est
l’illustration de l’action conduite par le parti travailliste de Tony Blair.
Le site olympique a été choisi dans un ancien quartier à dominante logistique du Stratford,
avec aussi quelques résidences, industries et commerces. Dans cette ville de Stratford, une mixité
sociale accompagnait ces activités. Par ailleurs, le centre ville comportait des activités
fonctionnelles, avec un palais de justice notamment. Malgré la diversité des activités, le début des
travaux est marqué par la médiatisation des oppositions, ou des phénomènes autour de Stratford.
En effet, la mise en place des infrastructures olympiques a déplacé 5 000 emplois et exproprié 800
personnes. Le quartier du Clau’s Lane Estate est l’illustration d’une société soudée, qui a été
relogée et éclatée dans le reste de la ville. Un autre fait notable est le déplacement d’une
communauté de gens du voyage, sédentarisée et soumise à des impôts. Le fait qu’ils ne soient pas
« complètement » propriétaires ne leur a pas permis de recevoir des compensations de déplacement.
Le centre terminal international de fret ferroviaire de l’Est de Londres a lui aussi été déplacé,
déconcentré plus loin, à l’Est de la capitale.
Manuel Appert invite son auditoire à observer le changement en l’espace de quelques
années de la ville de Stratford. Il propose une lecture avant, pendant, après.
1. Avant, Stratford était un lieu
résidentiel,
logistique,
commercial
et
administratif, avec des lignes de métro et des
lignes de chemin de fer qui reliaient cette petite
ville au centre de Londres, sillonnée par plusieurs
lignes à haute tension. Dans le centre ville
administratif, il demeure une grande rue avec un
palais de justice. On avait aussi un centre
commercial local à côté d’un giratoire.
2. Lorsque que Londres est choisie en
2005 pour accueillir les Jeux Olympiques d’été
de 2012, Stratford devient le futur lieu d’une
majorité des épreuves olympiques, ainsi que le
lieu de la cérémonie d’ouverture et de fermeture
de ces Jeux Olympiques. Au centre de cet ancien
espace ferroviaire, un parc est construit. Stratford
accueille le plus grand centre commercial de la
région londonienne juste avant 2012. Construit
autour d’un promoteur, il est connecté à la gare à
grande vitesse, rénovée et située sur la High Line
1, qui relie Stratford à Londres Saint Pancras.
© M. Appert.
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
© M. Appert.
Après l’annonce des Jeux, les
promoteurs développent des projets
multiples autour de Stratford. Alors que
Londres s’était développée plus par
accident que par réflexion, le Plan Masse
est élaboré en 2011, afin d’éviter une
incohésion
des
aménagements
à
Stratford. De nombreuses tours de
logement, sur le modèle des skyscrapers
se sont mises en place. Avec ces
nouveaux aménagements, un véritable
décalage se creuse entre le centre
historique et le nouveau centre
olympique de Stratford. D’ailleurs, un
mur métallique matérialise la rupture
entre l’ancienne centralité et la nouvelle
centralité. Sur le site de Stratford, les
aménagements ont coûté plus de 10,7
milliards d’euros. Alors que ces Jeux
Olympiques « durables » souhaitaient
inviter les jeunes créateurs britanniques
pour les nouvelles constructions, le choix
s’est
plutôt
porté
sur
des
« starchitectes ». Compte tenu des
risques terroristes et du manque de
temps, les autorités britanniques ont
justifié le choix de choisir ces grands
cabinets d’architecte de renommée internationale. Par ailleurs, ce sont de grands constructeurs
internationaux, comme Bouygues ou Vinci, qui se sont chargés de développer le projet. Mais les
Jeux Olympiques de Londres sont marqués par une difficulté majeure : l’austérité des budgets. Ces
« jeux de l’austérité » sont illustrés par la piscine olympique. Les aménageurs du Royaume-Uni ont
préféré payer un grand nom architectural plutôt qu’une grande infrastructure, ce qui réduit la
capacité des sites olympiques. Afin de dépasser cette austérité et ne pas trop solliciter les comptes
publics dans la construction des aménagements, le nouveau maire, élu en 2008, a proposé un
concours pour un édifice à fonction économique. Le concours permet de trouver un architecte, mais
surtout un financeur, qui est souvent une grande entreprise internationale. Cet édifice est la tour
Arcelor Mittal Orbit, financé par Arcelor Mittal, et dessiné par Anish Kapoor, un de ces
« starchitectes ». Cette tour illustre l’envergure des jeux, mais aussi ces mesures d’austérité.
3. Après, que va devenir le site olympique ? C’est cet après qui a différencié Paris à Londres
dans la course aux Jeux Olympiques d’été 2012 en 2005. En effet, Stratford doit devenir un quartier
de bureaux, afin d’attirer les entreprises européennes, mais doit proposer des nouveaux quartiers
résidentiels (de haut standing notamment). Certaines infrastructures olympiques seront
déconstruites, à l’image des gradins de la piscine olympique. En outre, une partie du site olympique
doit devenir un quartier universitaire. Alors que l’accès au centre ville sera restreint pendant les
Jeux Olympiques, l’accès sera plus perméable par la suite, avec des nouveaux itinéraires permis par
des nouvelles portes. A titre d’exemple, la gare à grande vitesse ouvrira plusieurs nouvelles portes
afin d’accéder plus facilement au centre ville. Alors que la gare de Stratford est l’objet le plus
structurant pendant les Jeux Olympiques, l’après sera marqué par un nouveau centre métropolitain.
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
En effet, des projets de restructuration du bâti dans l’ancien centre de Stratford, comme des
nouvelles tours en décalage avec l’ancienne centralité. Alors que le Grand Londres souhaitait une
mixité sociale dans ses nouveaux logements à hauteur de 50 % de logements sociaux, 75 % des
nouveaux habitats sont à louer ou à vendre sur le site olympique, et cela représente 82 % autour du
site, ce qui est loin des objectifs fixés. A court terme s’instaure une véritable ghettoïsation de
Stratford, avec une transformation de son image pour attirer les nouveaux promoteurs européens.
© M. Appert.
4. Quelques perspectives
Manuel Appert présente
quelques perspectives de la ville
globale britannique. Tout d’abord,
il convoque son auditoire sur la
manifestation de la crise dans la
capitale londonienne. D’une part,
l’économie londonienne a été plus
résiliente que l’économie de
l’Etat. La finance n’est pas si
présente dans le Produit Brut
Urbain de Londres. En effet,
30 000 emplois ont été supprimés
dans la finance, mais les services
aux entreprises se sont montrés
très résilients. La dualisation
(North South Divide) s’accélère
avec la crise.
Entre l’Est et l’Ouest, la
dualisation de l’espace est encore
plus prononcée. Le chômage a
davantage augmenté à l’Est qu’à
l’Ouest, dans le péricentre et dans
la périphérie londonienne. Existet-il un accroissement du risque
social ? Alors que certains
Britanniques avaient un loyer
largement couvert par cette aide,
l’Etat a décidé de plafonner cette aide à 2 000 £. Des milliers de personnes sont contraints de
changer de logement, ce qui va accroître la ségrégation.
D’un point de vue de la municipalité, les budgets des arrondissements (boroughs) sont
amputés par le gouvernement actuel, par une dégradation des services municipaux. Alors que les
districts travaillistes ont leur budget fortement amputé, et les districts conservateurs vont être
stabilisés. Cette réduction des budgets, et donc des services municipaux, crée des désordres pour les
populations locales. Les projets d’aménagement, financé par les promoteurs (cf. 1.) pourront voir
dans les prochains mois un « NIMBYsme » de plus en plus accru.
Alors que l’Est était déjà touché par un déséquilibre par rapport à d’autres espaces
londoniens, la crise accentue cette dissymétrie. La tentative de réponse par les grands
aménagements pour créer une cohésion au sein de la métropole londonienne est restée vaine, les
investissements pour le port conteneur ou la gare TGV sont gelés, ce qui éloigne les investisseurs.
La construction du nouvel aéroport (Heathrow, Gatwick ou Luton étant insuffisants) prévu dans
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
l’estuaire de la Tamise pourrait redynamiser ce quartier Est de Londres. Par ailleurs, la City et le
péricentre voient les projets de tours se multiplier. En 2012, 240 projets de tours sont en cours à
Londres. Une majorité de ces dernières sont comprises entre 50 et 100 mètres de hauteur, mais
plusieurs dépassent 150 mètres. Pour les acteurs publics, ces tours sont la réponse au
développement durable et à la volonté de densification. Cela répond au discours de durabilité
proposé par la mairie londonienne. Ces tours fournissent à la fois bureaux et logements. Cependant,
ces logements sont moyens ou de standing, et ne répondent pas à cette volonté de mixité sociale. La
silhouette de Londres répond désormais plus à son caractère de ville globale qu’à sa morphologie
du XVIIIe siècle.
Compte-rendu par Julien BESSON, Master 1 STADE Géographie
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
Rome : une ville mondiale non globale ?
Aurélien DELPIROU
Maître de conférences, Institut d’urbanisme de Paris
Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne
Introduction
Pour introduire son intervention, Aurélien Delpirou pose la question de la singularité de
Rome au sein des métropoles d’Europe présentées lors de cette journée d’étude. La capitale
italienne semble la moins « métropolitaine » des quatre en 2012. En effet, si Londres fait figure de
ville mondiale, Istanbul de métropole émergente dans un pays en forte croissance, et alors que
Berlin, capitale de la première puissance européenne, a été l’une des grandes villes du XIXe siècle,
Rome apparaît singulière, notamment en raison de l’historicité de sa trajectoire urbaine. Un
exemple de sa relation précoce avec l’échelle mondiale est la bénédiction papale Urbi et Orbi, qui
s’adresse à la fois aux catholiques physiquement présents au Vatican et à ceux du monde entier.
Capitale d’empire, capitale de la chrétienté, Rome a été très tôt au centre d’un système d’échanges à
l’échelle mondiale. Aujourd’hui, elle occupe pourtant une place périphérique dans l’archipel
mégalopolitain mondial. Cette trajectoire justifie de mobiliser une analyse de type géohistorique,
afin de rendre compte des ruptures comme de l’inertie de certains héritages. L’intervention est
partagée en trois temps : un premier temps pleinement géohistorique, appuyé notamment sur la
thèse de Géraldine Djament (2005, La reproduction de la centralité romaine. De la « ville
éternelle » à la capitale de l’Italie), un second temps portant sur le rôle de Rome comme métropole
mondiale non globale, enfin un dernier temps sur les espaces urbains romains, et les conflits
d’usage et d’échelles auxquels ils sont confrontés.
1. La trajectoire et la construction du rapport entre Rome et le monde
La centralité de Rome a suivi dans l’histoire une évolution cyclique, que le conférencier s’est
proposé de schématiser par la figure ci-dessous. A chaque moment fort de centralité a correspondu
un type de relation différent entre Rome et son environnement.
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
L’approche géohistorique permet d’envisager la mondialisation dans ses aspects historique
et culturel. La Rome antique est déjà une « ville-monde », en ce qu’elle polarise alors des espaces
internationaux majeurs. Elle représente le laboratoire d’une proto-mondialisation. A partir de la
Renaissance, Rome est placée au cœur d’un double système territorial, à la fois régional et mondial,
centré autour de la papauté. Cette aire d’influence est liée à deux éléments :
- Entre le XVe et le XVIIe siècle, s’instaure un important processus de diffusion de la
chrétienté latine dans le monde. Tandis que le Concile de Trente proclame en 1536 le pape « évêque
de l’Eglise Universelle », de nombreuses missions sont menées hors de l’Europe pour évangéliser
les populations, notamment sous l’impulsion des Jésuites emmenés par Ignace de Loyola. Cette
extension territoriale de la foi chrétienne conforte la place de Rome comme capitale mondiale de la
chrétienté.
- En abritant les Etats de la papauté, Rome polarise les affaires de l’Eglise. Celle-ci est alors
une organisation extrêmement hiérarchisée, dont l’administration tout entière se trouve à Rome. Audelà de cette centralité politiques, la ville accueille dès le XIVe siècle des pèlerinages notamment
dans le cadre des jubilés, c’est-à-dire des moments de prières et de visite des lieux saints par les
croyants. Ces pèlerinages connaissent un âge d’or au XVIIe siècle, à l’image du Pèlerinage aux Sept
Eglises, dont chacune représente une partie du monde où le catholicisme est implanté.
Ce triple rôle de « pôle de diffusion » de la chrétienté, de capitale politique, et de lieu saint
fait de la Rome de la Renaissance une véritable ville-monde. De plus, Rome participe de la
construction du système-monde à travers le lien entre expansion religieuse et expansion coloniale :
Gao ou encore Macao sont à la fois des comptoirs coloniaux et des lieux de diffusion du
catholicisme. De même, le Pape, à travers les bulles pontificales, émet des arbitrages « protogéopolitiques ».
Plus largement, depuis la Renaissance, Rome draine de nombreux visiteurs étrangers, tant
des pèlerins que des artistes. Ceux-ci se regroupent par nations, dans des quartiers dans lesquels se
trouvent des églises et des structures d’accueil spécifiques. Cette attractivité religieuse et artistique
s’organise peu à peu autour d’institutions, comme l’Académie de France à Rome, créée en 1666.
Ces institutions accueillent essentiellement des peintres, sculpteurs et musiciens, auxquels se
joignent au XIXe des érudits, historiens ou encore archéologues (création de l’Ecole française de
Rome). Toutes les grandes puissances occidentales vont fonder une académie à Rome, faisant de la
ville « la ville métropolitaine de toutes les régions chrétiennes du monde » (Montaigne).
Enfin, Rome entretient un rapport particulier à l’Europe. Pour beaucoup d’auteurs italiens,
elle est la capitale symbolique du continent. Ainsi, en 1957, la signature du Traité de Rome au
Capitole est censée donner une forme de légitimité à la construction européenne, dont beaucoup de
traités importants ont été signés dans la capitale italienne.
Rome dispose donc d’une historicité à l’échelle mondiale. La ville connaît néanmoins aussi
des éclipses, par exemple lors de la dégénérescence de l’Empire Romain au Moyen Âge, et plus
récemment du milieu du XVIIIe siècle à 1870. Cette dernière période correspond à un moment fort
de mondialisation et d’industrialisation de l’Europe pendant lequel Rome reste à l’écart.
2. Rome : ville mondiale non globale ?
L’histoire politique et institutionnelle de l’Italie est très différente de celle de la France. Le
Risorgimento, processus d’unification nationale parti du Piémont au milieu du XIXe siècle, a été
long, tardif et tourmenté. Il ne s’achève qu’en 1870 avec la « prise de Rome » par les troupes
piémontaises et la disparition du pouvoir temporel du Pape.
Une partie des chrétiens européens voient dans cette prise un outrage à la papauté et
défendent alors le maintien d’une forme d’extraterritorialité de Rome. De fait, jusqu’en 1929 (date
des Accords du Latran), le pape se considère comme « prisonnier » à Rome. Ainsi, la question
romaine a été la source de tensions géopolitiques.
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
Après l’unification, Rome n’est choisie comme capitale du nouvel Etat italien qu’au terme
de vifs débats parlementaires, et pour trois raisons :
- Ce choix permet d’asseoir la légitimité historique du nouvel Etat et l’inscrit dans la
continuité de l’histoire italienne.
- La ville est « neutre » en 1870, puisque démographiquement et économiquement faible et
dépourvue de bourgeoisie intellectuelle et de grandes entreprises. Elle est, à cet égard,
préférée à Milan ou Naples.
- La ville occupe une position de charnière géographique au sein du territoire national.
C’est donc une capitale provinciale et assoupie, peuplée d’à peine plus de 2000 000
habitants, qui émerge en 1871. Le tissu urbain est alors très rétréci par rapport à la Rome impériale
et laisse apparaître de nombreux vides à l’intérieur de la muraille du IIIe siècle. Le retard
économique est par la suite accentué par le souhait des nouveaux dirigeants de tenir Rome en marge
de l’industrialisation : il ne faut pas d’ouvriers à côté du Pape et du Roi. Ce décalage prend
progressivement une dimension symbolique : Rome traîne l’image d’une ville fainéante, parasitaire,
régulièrement secouée par des scandales de corruption. Ce thème de « Rome la voleuse » a été
largement réactivé depuis les années 1990 par le parti régionaliste de la Ligue du Nord.
Ces retards sont cependant progressivement comblés, notamment par un rattrapage
démographique sans équivalent en Europe (excepté peut-être Athènes) : Rome passe de 200 000 à
2,7 millions d’habitants en 1970. En effet, la capitale accueille des populations actives du Nord
(fonctionnaires), mais aussi des migrants du Mezzogiorno en quête d’opportunités de travail. La
période fasciste est en outre marquée par de grands travaux, qui précèdent une phase de décollage
économique entre 1950 et 1970. Dans les années 1970, une partie de l’agglomération de Rome
bénéficie de la politique d’aménagement en faveur du Sud de l’Italie (Caisse du midi). Des
entreprises à forte valeur ajoutée, telles qu’IBM, s’installent au sud de l’agglomération.
© A. Delpirou, S. Mourlane, 2011, Atlas de l’Italie contemporaine. En quête d’unité, Autrement.
Les crises qui marquent les décennies 1990 et 2000 sont plutôt bien traversées par Rome, en
raison de son orientation post-industrielle avant l’heure : la période est marquée par un décollage
des services aux entreprises (finance, recherche et développement...) et de l’industrie
pharmaceutique. La nouvelle place de la capitale dans l’ordre politique et économique de l’Italie
représente une des grandes évolutions contemporaines du pays. Ainsi, le PIB du Latium est passé
durant cette période de 30 000 à 38 000 € par habitant, avec un taux de chômage autour stabilisé
autour de 7 %. Rome est aujourd’hui une ville riche et productive, loin des clichés d’autrefois. Ce
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
dynamisme est à mettre, entre autres, au crédit du renouvellement politique intervenu en 1993 : le
nouveau maire élu, écologiste et dynamique, a été à l’initiative de politiques urbaines innovantes,
ainsi que d’évènements internationaux qui ont restauré l’image et accru le prestige de la Ville
éternelle (Festival International de Cinéma La Notte Bianca).
Pour autant, Rome a-t-elle sa place dans le système des métropoles mondiales ? Certes, la
ville dispose de nombreuses fonctions mondiales :
- le siège de la catholicité, mis en scène lors de grands rassemblements internationaux
(Journées Mondiales de la Jeunesse, Jubilé de l’An 2000) ;
- un grand nombre d’organisations internationales, des ambassades en double, les sièges de la
FAO et du HCR pour la Zone Méditerranée ;
- une attractivité en progression pour les Investissements Directs à l’Etranger, même si les
multinationales viennent surtout pour l’importance du marché de consommation local ;
- un rôle de hub aérien (premier aéroport national devant Milan) ;
- un rôle de métropole touristique mondiale, le tourisme ayant connu une croissance
spectaculaire depuis une quinzaine d’années (30 millions de touristes aujourd’hui, de
nombreux sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO) ;
- un cosmopolitisme ancien et désormais revivifié en raison d’un rôle de porte d’entrée vers
l’Europe et de transit vers d’autres destinations. Ainsi, 10 % de la population romaine est
étrangère (Pays de l’Est, Philippines...).
Cependant, Rome présente des limites, particulièrement visibles dans la comparaison
métropolitaine avec Milan :
- les secteurs bancaires et financiers sont presque exclusivement situés à Milan, tout comme
les sièges des grandes entreprises privées ;
- les taux d’ouverture de l’économie de Milan et de Rome sont respectivement de 88 % et
24 % ;
- la métropolisation régionale est beaucoup plus forte à Milan qu’à Rome ;
- Milan dispose encore d’une certaine avance dans le domaine culturel au sens large (Opéra,
mode, design).
Il existe donc entre les deux villes des disparités notables, malgré des secteurs où la comparaison
devient possible (recherche et développement, sites logistiques...). Selon le classement de certains
géographes urbains (Cicille et Rozenblat, 2002), Rome est une ville européenne de classe 3, alors
que Paris et Londres sont de classe 1 et Milan de classe 2.
3. Comment cette trajectoire historique se traduit-elle dans l’espace urbain ?
Le tissu urbain témoigne d’une véritable culture de l’empilement et du réemploi. Ainsi, en
1870, de nombreux bâtiments institutionnels réinvestissent des bâtiments pontificaux, ce qui n’est
pas sans poser des problèmes de modernisation du tissu urbain. La ville révèle par ailleurs des
discontinuités notables. En effet, la croissance urbaine de Rome s’est faite de manière brutale et
anarchique, en « tâche d’huile », en lien avec des dynamiques spéculatives particulièrement actives
et des lacunes dans la régulation institutionnelle et législative. La ville est aujourd’hui marquée par
une alternance décousue de vides et de pleins, ainsi que par une important tissu informel
(abusivismo).
Il existe toutefois à Rome tous les éléments d’une stratégie métropolitaine :
- le polycentrisme et le renouvellement urbain ;
- des signatures architecturales destinées à apporter de la modernité à un tissu jugé figé par les
dispositions patrimoniales ;
- de grands projets urbains enrobés dans la thématique du développement durable.
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
Conclusion
De manière plus large, Aurélien Delpirou pose pour finir la question de la comparaison entre
les différentes métropoles d’Europe. Que comparer ? Des éléments fonctionnels, tels que les
problèmes communs de gestion à l’échelle du Grand Londres et de la Commune de Rome ? Des
densités à des échelles équivalentes ? Land de Berlin, Commune de Rome, Grand Londres
présentent tous trois des densités similaires de 3 500 habitants/km2. Paris est le seul « mouton noir »
avec une densité de 9 000 habitants/km². Les métropoles européennes peuvent également être mises
en perspective sur le plan de leurs mobilités respectives : à cet égard, Rome présente des conditions
de mobilité parmi les pires d’Europe. Le dernier mot du conférencier va au football : une fracture
territoriale se dessine à Rome entre la Lazio et l’AS Roma.
Compte-rendu par Caroline MEYNET, Master 1 STADE Géographie
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
Berlin, métropole culturelle et artistique
Boris GRESILLON
Professeur des Universités, Université d’Aix-Marseille
Introduction
Le « nouveau » Berlin, capitale politique de l’Allemagne réunifiée, fait référence à la
renaissance artistique que connaît cette ville suite à la réunification. Cet événement a entraîné un
mouvement d’expression artistique incroyable - influençant l’urbanisme, l’architecture et la culture
de manière générale de cette métropole singulière. La métropole berlinoise est ainsi appréhendée
par le prisme de la géographie culturelle, puisque B. Grésillon travaille depuis quinze ans sur les
liens entre Berlin et l’art. L’art est un sujet très vaste. C’est une des raisons pour lesquelles
B. Grésillon s’est consacré dès ces débuts à l’art établi dans l’espace urbain, principalement la rue.
Cet art est nommé « street-art » en anglais. Pour ce faire, il a choisi comme cadre spatio-temporel la
métropole de Berlin dans son ensemble pendant la période qui suit la chute du mur de Berlin (le 9
novembre 1989) jusqu’à aujourd’hui.
L’art et la culture, lorsqu’ils se matérialisent, peuvent être perçus comme des objets
géographiques. Les lieux et les sites d’expression se répartissent dans le milieu urbain berlinois par
rapport aux volontés, aux opportunités mais aussi aux contraintes des artistes. Quels sont ces lieux
et comment traduisent-ils des évolutions dans l’urbanisme de la ville ? L’art, qui est
traditionnellement immobile ou cantonné à une œuvre mobile (toile, objet, statuette, sculpture),
s’approprie des espaces a priori inadaptés pour le recevoir. Les sites appropriés sont nombreux et
les formes d’appropriation également - que se soit les graffitis peints sur les murs, les installations
diverses et variées qui exploitent les moindres lieux qui paraissent intéressant à travailler par les
artistes de rue.
Berlin a été détruite à 90 % pendant la seconde guerre mondiale et a hérité de friches
administratives et industrielles. Ces friches sont parfois mobilisées par les artistes de plusieurs
manières et s’appuyant sur plusieurs arts. Les artistes et même les populations urbaines ont mobilisé
des lieux et des bâtiments disponibles. Le Tacheles est un ancien grand magasin situé dans le
quartier nommé Mitte, au centre de Berlin. L’enceinte du bâtiment a été squatté et rénové par une
collaboration d’artistes dès le début des années 1990. Ce site témoigne bien de cette culture
underground populaire. Situé dans un des quartiers les plus centraux de Berlin (Mitte signifie
« milieu » en allemand), le Tacheles est désormais condamné à être détruit du fait de la haute valeur
foncière du terrain qu’il occupe. La ville a revendu le bâtiment et le terrain vague connexe à une
société de développement urbain qui prévoit d’y construire un nouveau centre commercial. Le lieu,
pourtant conseillé à la visite dans certains guides touristiques, a en partie contribué au rayonnement
artistique et culturel du quartier. Désormais la culture populaire berlinoise semble être menacée par
le tourisme et le développement urbain « moderne ». Sur OrianburgerStrasse, rue dans laquelle est
située l’entrée du Tacheles, ne se trouvent que des lounges « branchés », des bars à cocktails, des
magasins de souvenirs, des vendeurs de curry-wurst et des prostituées une fois la nuit tombée.
Désormais gentrifiée, Berlin et ses “bobos” - ou mieux dans le cas berlinois ces “yuppie” (yuppie
est une abréviation anglo-saxonne qui signifie Young Urban Professional) - contribuent à modeler
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
la ville. Certains quartiers de Berlin (Mitte, Prenzlauerberg) ont déjà vu les prix de logements
augmenter et des expulsions forcées de squatteurs.
L’exposé comprend trois parties : une première concerne la démarche du chercheur et le
contexte des recherches menées à Berlin. Les Berlinois connaissent un fort taux de chômage, mais
sont fiers de leur héritage culturel. Cet héritage est réincarné par la réunification et se traduit par
l’essor d’un style de musique techno et un grand nombre d’artistes issus des arts nouveaux ou
alternatifs (deuxième partie). Dans la troisième partie, le professeur dresse un autre constat : la non
sédentarisation et les déplacements des mouvement artistiques et culturels de Berlin. Les objets
géographiques pouvant être considérés comme mobilisés ou appropriés par la culture dite
alternative ou underground ont été retracés dans cette même dernière partie géo-historique.
© B. Grésillon, 2009, La documentation photographique.
1. La démarche de chercheur pour appréhender un champ d’étude intriguant
Lorsque B. Grésillon a décidé de consacrer ses recherches à la culture urbaine de Berlin, la
géographie culturelle se développait encore en France. Elle est représentée par l’éminent P. Claval
et quelques publications comme la revue Géographie et cultures. Cependant, l’acception du terme
culture est trop large pour B. Grésillon qui, dans sa démarche, décide de restreindre la culture aux
lieux d’art et de création : les sites où la culture s’implante. B. Grésillon a visité Berlin pour la
première fois en 1993. Cette première rencontre fut « déterminante » pour sa carrière
professionnelle et les sujets d’étude qu’il aborde encore aujourd’hui. Berlin a une morphologie
contrastée du fait de la coupure, matérialisée par le Mur, qui dura 28 ans (de 1961 à 1989). Berlin a
connu un renouvellement urbain depuis sa reconstruction au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale (en 1945). Retranchés derrière le Mur, Berlin-est et Berlin-ouest se développent toutes
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
deux en fonction des orientations politiques des deux Berlin. Au lendemain de la chute du Mur (en
1989) et de la réunification (en 1990) la ville hérite des bâtiments administratifs vacants et en
double. En effet, les deux administrations en place durant la coupure de la ville laissent de
nombreuses friches administratives et industrielles.
Une dichotomie peut être perçue dans l’architecture de la ville. Deux styles architecturaux
sont singulièrement opposés : le style soviétique (bâtiments sobres et de grande taille) domine à
l’est et le style occidental (architecture d’ambition et vitrines en rez-de-chaussée) caractérise la
partie ouest de la ville. Cette différence dans le mode de construction tend aujourd’hui à s’atténuer
du fait de la rénovation de la ville et de la volonté politique de gommer la coupure. La tendance
actuelle est à la patrimonialisation de la séparation : des bouts du mur sont muséifiés et les parties
les plus longues encore debout sont mis en valeur. La Bernauerstrasse illustre ce processus de
patrimoine valorisé. On trouve aujourd’hui le long de cet axe un musée dédié au mur, une partie du
mur et de no man’s land ainsi que des fresques (de moments qui ont marqué l’histoire du mur)
peintes sur les nouveaux immeubles résidentiels. La séparation, forte en symboles, n’a donc pas tout
à fait disparu dès la chute du Mur en 1989. Les deux cultures, se rencontrant, ont fusionné et ont
permis à un néo-style culturel berlinois d’émerger.
Pour B. Grésillon, cette culture « foisonnante » peut se diviser en deux catégories. La
première est la culture officielle, mise en scène dans des grandes structures d’État comme les
musées, les opéras et les théâtres : une culture plutôt établie par les élites. Le deuxième type de
culture est plutôt informel, parfois illégal : cette culture ne fait pas consensus au sein des sociétés et
des générations. Certains refusent de l’accepter comme étant un véritable mouvement artistique. On
voit déjà là des raisons qui ont poussé le chercheur à étudier et tenter de comprendre les motifs et
les enjeux des conflits liés à l’art et la culture. Enfin, B. Grésillon rappelle que la ville et la culture
sont liées, voire indissociables : « 90 % de la culture est produite et consommée par la ville de
façon générale ». Les liens entre l’espace urbain et l’art sont très forts, l’art urbain étant peut-être
l’essence même de l’art sous une forme archaïque.
2. Le renouvellement urbain à travers l’héritage culturel de la ville
Suite à la chute du Mur, Berlin a reconquis son statut de capitale politique mais s’est également
imposée culturellement. La culture et l’art s’inscrivent dans un contexte politique, historique et
sociétal à un moment donné. Au moment de la chute du Mur et au début des années 1990,
l’économie est dans un état désastreux (l’Allemagne est endettée et ruinée). Dans ce chaos et ce
pays en renaissance, pour caricaturer les faits, seule la culture mondaine prospère, se servant des
lieux disponibles ; parmi ces sites se trouvent de nombreuses friches urbaines.
Le Reichstag et sa coupole de verre, construite
par Norman Foster. © B. Grésillon.
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
Du fait de la disponibilité de bibliothèques, de piscines, d’opéras, de musées, de théâtres qui
se situent parfois dans des secteurs centraux comme Mitte, une sorte de frénésie se met en place.
D’autant plus que tous ces bâtiments sont souvent présents en double. Les populations bourgeoises
de l’ouest se hâtent d’aller fréquenter les événements culturels de l’est qui leur sont offerts. Berlin a
depuis les années 1920 été vue comme une ville globale, une « Weltstadt ». Le cosmopolitisme
(populaire et artistique), la modernité (d’avant-garde et provocatrice) ainsi que la politisation des
sujets courants sont autant de facteurs qui contribuent à faire de Berlin une ville excentrique à
l’échelle européenne jusqu’aux années 1980. Durant les années 1990, la ville concède le « droit de
centralité » aux populations « minoritaires » : les handicapés, les gays et les immigrés. Ce droit se
traduit concrètement par l’expression de ces populations dans les centres-villes, d’où elles étaient
rejetées ou ignorées auparavant. Les « défricheurs » participent au renouvellement urbain en
développant une connaissance accrue de leur ville et des « places à prendre » rapidement. Les
artistes (ou squatteurs) occupent, utilisent et vont même jusqu’à rénover des bâtiments en ruines.
Le Tacheles, évoqué plus haut, est rénové par les artistes qui y ont aménagé un cinéma, des
bars et des studios de création. La popularité du site a été telle que les guides touristiques
conseillaient volontiers aux touristes de s’y rendre. Mais paradoxalement, la municipalité berlinoise
ferme de tels sites. Un processus par lequel la municipalité tente de « normaliser » ou de
« démocratiser » la culture en détruisant les sites qu’elle juge non conformes. Or une certaine
résistance fait rage chez la population berlinoise qui s’est déjà fait « voler » sa liberté de
déplacement pendant 28 ans (de 1961 à 1989). Au processus en cours de destruction des friches, il
faut ajouter le processus de gentrification pour pleinement comprendre les mutations en cours.
Après New York, Londres et Paris, Berlin est à son tour convoité par des populations aisées, parfois
étrangères et avides de nouveautés. Ces yuppies recherchent d’ailleurs souvent des secteurs
branchés artistiquement et culturellement ; fait paradoxal, car là où ces populations consommatrices
d’art s’installent, les artistes déménagent ailleurs.
3. Berlin : une approche par la dimension géo-historique
Ces processus de dégradation, d’utilisation des friches, de gentrification et de déplacements peuvent
être analysés spatialement. D’abord intégralement endommagé, l’est de Berlin est à la suite de la
chute du Mur un milieu urbain où se nichent des friches, tantôt dans des ruelles, tantôt sur des
places ou des avenues centrales. Ces lieux sont vacants et de ce fait exploitables. Les friches de
Mitte et de Prenzlauerberg (deux quartiers centraux en relation avec le centre historique) sont parmi
les premières à être utilisées. Mais la reconstruction qui est en cours transforme Mitte en quartier
d’affaires et Prenzlauerberg en quartier résidentiel de populations « boboïsés ». Fait marquant, on
trouve dans ces deux quartiers un nombre étonnant de galeries d’art quoique pas toujours
financièrement viables. D’autres quartiers, comme Charlottenburg, accueillent des grandes
infrastructures et des édifices politiques. De là, les artistes et les couches populaires migrent vers
des quartiers moins centraux comme Kreuzberg, Frederichshein ou Wedding - encore très peuplés
d’immigrés à ce jour.
Aujourd’hui, d’autres facteurs contribuent à remodeler Berlin et notamment certains sites d’art et de
culture. Premier facteur capital, le tourisme : Berlin connaît une fréquentation touristique
exponentielle, en 20 ans la ville se place désormais en quatrième position des villes les plus visitées
d’Europe. On assiste à un type de tourisme original, le tourisme alternatif. Les touristes, souvent
jeunes, qui parviennent à Berlin par grands groupes cherchent les lieux de la vie nocturne. Cette vie
nocturne est réputée comme une des plus divertissantes au monde. Mais les friches dont les jeunes
entendent parler n’existent plus toujours lorsqu’ils se rendent sur place. Ces sites sont parfois
remplacés par des banques ou autres bâtiments génériques aux villes européennes (centres
commerciaux). Il s’agit de faits attristants pour une partie de la population berlinoise, malgré
l’arrivée d’un maire gay (ce n’est pas anodin par rapport à la vie nocturne et culturelle de Berlin).
Le Maire Klaus Wowereit a trouvé le slogan « Berlin est pauvre mais sexy ». Les processus de
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
normalisation ou de démocratisation tentés par la Ville et les migrations de populations et d’artistes
semblent être un moyen de fuir ou de prévenir la disparition de la culture alternative berlinoise.
Selon B. Grésillon, les Berlinois disposent d’une grande capacité de déploiement, du fait de la
disponibilité de lieux pour y installer un événement artistique. Dorénavant, ces mouvements
artistiques, qui persistent et se transforment, se maintiennent dans le temps à Berlin. Les Berlinois
font preuve d’une grande efficacité à se déplacer à l’intérieur de leur ville et à pouvoir créer
rapidement des lieux de culture, même si ceux-ci sont voués à rester éphémères.
Compte-rendu par Akin CONOR, Master 1 STADE Géographie
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
Istanbul est-elle une métropole européenne ?
Pierre RAFFARD
doctorant, Université Paris - Sorbonne
Introduction :
Istanbul est une ville à la marge orientale de l’Europe, limitrophe de la Bulgarie et de la
Grèce. La Turquie fait office de zone tampon, d’interface entre l’Europe et le Proche-Orient. De
toutes les villes d’Europe présentées lors de cette journée Géo’rizon, Istanbul est la seule qui n’est
pas une capitale. En effet, en 1923, elle perd son statut de capitale au profit d’Ankara, alors gros
bourg situé au milieu du plateau anatolien. Ce changement de capitale est un choix politique
marquant une rupture avec l’empire ottoman.
En 2010, Istanbul est élue, avec Pécs (Hongrie) et Essen (Allemagne), capitale européenne
de la culture. La ville organise donc pendant un an des événements culturels qui mettent en avant le
caractère cosmopolite des lieux, notamment en utilisant l’image des ponts (pont du Bosphore) qui
sont les symboles d’une ville et d’un pays entre deux civilisations, entre deux cultures. Depuis
quelques années, les décideurs politiques reprennent cette symbolique de ville tampon.
P. Raffard souhaite interroger la perception faisant d’Istanbul une ville européenne.
Longtemps animés par la volonté des dirigeants turcs d’intégrer l’Union européenne1, les discours
politiques, le choix des événements culturels ont mis en avant le caractère européen de la ville,
masquant du même coup sa complexité démographique et culturelle. Réduire Istanbul à un unique
caractère, qu’il soit européen, méditerranéen, pontique ou anatolien pose problème. Pour
comprendre l’organisation de la ville, ses dynamiques internes et ses évolutions, il faut dépasser la
question réductrice de sa supposée européanité et tenter - gageure pour tout individu souhaitant
étudier Istanbul - d’esquisser une analyse générale de cette métropole en mutation constante.
1. Byzance-Constantinople-Istanbul : une ville à l’interface entre l’Orient et l’Occident
1.1. Au départ était un site
Etudier Istanbul, c’est avant tout avoir à l’esprit les spécificités du site sur lequel s’étend la
ville. Istanbul se localise à l’extrémité de deux péninsules, européenne et anatolienne, qui
s’organisent autour du détroit du Bosphore long d’une trentaine de kilomètres, du nord au sud. Un
élément géographique important est une ria qui incise la péninsule européenne. Appelée Corne d’Or
(Haliç en turc), elle qui joue un rôle important dans le développement aussi bien passé que présent
de la ville. Au Sud de la Corne d’Or, la muraille de Théodose montre la frontière entre la péninsule
historique, antique et ottomane, et les extensions urbaines plus récentes.
1
Les réticences attentistes des certains pays membres de cette union ont provoqué une perte ou du moins une
diminution des visées européennes de la Turquie.
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
Site et situation d’Istanbul. © P. Raffard.
1.2. Une situation de carrefour économique, politique et culturel
A côté de la ville historique, le développement urbain s’est fait en particulier sur la rive
européenne autour du quartier de Galata et sur la rive asiatique autour des quartiers d’Üsküdar et de
Kadıköy.
Istanbul bénéficie en outre d’une situation géostratégique importante. Ville carrefour
contrôlant la circulation terrestre entre l’Europe, la Turquie et le Moyen-Orient, la circulation
maritime via le Bosphore (axe Russie-Ukraine-Mer de Marmara-Détroit des Dardanelles-mer
Méditerranée), elle est aussi un point nodal des routes commerciales entre l’Europe et l’Asie.
Historiquement, la ville s’inscrit dans la première route commerciale entre l’Europe
méditerranéenne et le Proche-Orient (Wirth, 1990). Son rôle consistait à être un point de
transbordement et de stockage des marchandises.
Actuellement, le rôle de carrefour est toujours présent dans différents domaines. L’Etat
central intervient de manière massive dans la région notamment par l’intermédiaire du ministère des
transports qui construit des infrastructures permettant de renforcer la cohésion des espaces urbains
et entre les régions du pays. Même si la ville est située à l’extrême nord-ouest de la Turquie,
l’ensemble du système de bus est centré sur Istanbul. De même, les deux aéroports sont devenus des
hubs aériens de premier plan vers le Moyen-Orient et l’Asie centrale.
Istanbul contrôle les trafics maritimes et terrestres mais aussi le Bosphore, qui est une des
principales routes maritimes mondiales. Avec la chute de l’URSS, le Bosphore est devenu une voie
de circulation majeure avec des milliers de passages par an. Selon le Ministère des transports turc,
en 2005, plus de 80 000 navires transitaient chaque année par le Bosphore. Les enjeux de sa gestion
se pensent à plusieurs échelles : échelle internationale, échelle régionale mais aussi échelle infraurbaine (lien entre les deux rives de la ville). Dans ce dernier cas, la géomorphologie du site
conditionne une partie de l’urbanité et de la mobilité des Stambouliotes, autour de la question de la
traversée des deux rives. Plus qu’une séparation, c’est un élément de continuité fort qui forme le
paysage et l’appropriation de l’espace urbain par les Stambouliotes.
Istanbul est aussi une plate-forme de l’immigration, tout à la fois « hub, impasse [et]
comptoir » (Aslan, Pérouse, 2003). Forte de sa position géostratégique, Istanbul fut historiquement
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
un espace de brassage culturel. Sous la période ottomane, l’empire faisait preuve d’une ouverture et
d’une certaine tolérance envers les confessions présentes sur son territoire, à condition de payer
l’impôt et de ne pas faire preuve de velléités d’indépendance trop prononcées. Istanbul a été, et est
encore, une ville cosmopolite avec des migrations en provenance de différentes régions du pays
mais aussi de l’étranger, légales ou illégales, de transit (migrants avec comme destination finale
l’Europe), touristiques, commerciales comme le montre l’exemple des navetteurs à la valise
(commerçants russes, bulgares ou roumains qui profitent de la suppression du visa entre la Russie et
la Turquie pour se rendre dans la ville et acheter en très petites quantités des marchandises, en
particulier du textile à forte valeur ajoutée).
2. Une empreinte européenne indéniable…
Les influences européennes ont une place centrale dans le façonnement de la ville, mais
également dans la culture de la Turquie moderne.
2.1. Brève géohistoire de la présence européenne à Istanbul
Le quartier de Galata et le géosymbole que constitue la tour de Galata sont l’exemple le plus
parlant de la présence européenne à Istanbul. L’influence européenne est en effet particulièrement
visible dans cette partie infime, mais centrale, du territoire urbain.
Galata a deux caractéristiques majeures : c’est une ville dans la ville et une ville occidentale
en périphérie de la rive asiatique. Ce quartier est fondé après 1261, où Byzance et Gênes s’allient
pour lutter contre l’Etat de Venise. Cela aboutit à une première concession accordée aux Génois
dans cette partie de la ville. Au fil du temps, Galata se présente comme un « ghetto » chrétien
pratiquant, du fait d’une certaine proximité culturelle, le commerce avec l’Occident.
Lorsque la suprématie de l’Europe s’affirme, Galata cesse d’être un ghetto pour devenir le
cœur de la ville. Un déplacement de la centralité historique et économique de la ville se fait vers le
nord. En 1863, la mise sous tutelle économique de l’Etat par l’Europe marque le début du
changement impulsé par les Européens. L’habitat se modifie sous l’influence des architectes grecs,
italiens ou arméniens. L’ensemble de la ville s’européanise. Des ambassades européennes
s’implantent le long de l’avenue Istiklal (France, Suède, Pays-Bas, Russie). La présence européenne
marque à la fois l’expansion urbaine et architecturale. L’occidentalisation de l’architecture remonte
au XVIIIe siècle avec les modes européennes introduites par les architectes. Le phénomène prend de
l’ampleur (1839) sous la période des Tanzimat, scandée par de nombreuses réformes
administratives entraînant un processus d’occidentalisation du pays.
Avec la déclaration de la République de Turquie en 1923, le processus de modernisation et
d’européanisation s’accélère encore. Quantité de mesures engagées à cette époque à l’échelle du
pays sont directement inspirées de l’Europe : adoption de l’alphabet latin au détriment de l’alphabet
arabe, division administrative du pays calquée sur la division administrative française, code pénal
inspiré du code pénal suisse…
2.2. Galata une ville marquée par l’action des architectes et urbanistes européens
L’aspect et la morphologie d’Istanbul subissent eux aussi de profondes transformations. A la
fin du XIXe siècle, plusieurs architectes (A. Vallaury, R. d’Aronco) participent à la redéfinition du
paysage architectural de la ville. Le quartier de Galata se couvre progressivement de bâtiments de
style néo-Renaissance italien comportant des éléments ottomanisants.
Sous l’action d’Henri Prost, architecte et urbaniste français qui a notamment travaillé à
Casablanca et au Caire, le plan général d’urbanisme d’Istanbul est lui aussi totalement repensé. En
1937, il est appelé par la République naissante pour repenser le plan d’urbanisme d’Istanbul et pour
lutter contre les problèmes induits par le développement illégal de la trame urbaine (promiscuité,
congestions). Un des objectifs principaux est de préserver la silhouette caractéristique de la ville
dans la péninsule historique de la ville pour que le patrimoine bâti puisse se détacher des
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
immeubles. Le plan directeur préconise le percement de grands axes de circulation sur la péninsule
historique.
Le plan directeur d’urbanisme d’Henri Prost (vers 1937).
Aujourd’hui, une partie de Galata-Beyoğlu2 est demeurée la vitrine européenne d’Istanbul.
Les codes et les valeurs européens y sont omniprésents, mis en scène parfois jusqu’à la caricature.
Certains sous-quartiers (mahalle), comme Cihangir, Çukurcuma ou Tophane sont de plus en plus
touchés par des processus de gentrification tandis qu’une grande partie de la population résidente
est étrangère et issue des catégories socio-professionnelles supérieures.
3. … dans une ville toujours plus anatolienne
3.1. L’Anatolie, région d’origine de la population stambouliote
Si Galata et son cosmopolitisme ont fortement influencé la vie et les images sur Istanbul, il
convient désormais de sortir de cette idée reçue. Certes, Istanbul a connu depuis plusieurs décennies
une explosion démographique sans précédent, la faisant passer du statut de ville peuplée à celui de
mégapole tentaculaire aux contours flous. Néanmoins, elle a vu sa population s’homogénéiser, ses
minorités se réduire jusqu’à disparaître comme peau de chagrin (les minorités grecques,
arméniennes ou juives ne sont plus représentées que par quelques milliers d’habitants), pour se
transformer en une « métropole anatolienne » (Tümertekin).
2
Si le nom Galata est resté dans l’imaginaire, le nom officiel de l’arrondissement est Beyoğlu.
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
Istanbul, une « métropole anatolienne »
© P. Raffard
Au début du XXe siècle, la ville compte environ un million d’habitants ; en 1923, la
population décroît pour compter quelques 600 000 habitants. Baisse de courte durée puisqu’à partir
des années 1950, sous l’action de la modernisation agricole, un exode rural massif se met en place.
La population de la ville explose alors : 1 160 000 habitants en 1950, plus de 3 millions en 1970,
plus de 7 millions en 1990, pour dépasser les 10 millions au début des années 2000.
Cette croissance est en grande partie le résultat de l’arrivée par vagues successives de
populations en provenance des différentes régions du pays, faisant d’Istanbul une mosaïque
démographique dans laquelle chaque région, chaque département, sont représentés. Métonymie de
la Turquie et des différentes cultures et sociétés régionales, Istanbul ne cesse, aujourd’hui encore,
d’attirer des migrants en provenance d’horizons multiples.
3.2. Quelles urbanités stambouliotes ?
Les migrations ont, logiquement, eu des conséquences majeures sur l’étalement urbain de la
ville. A partir de la péninsule historique et de Galata, le nord de la Corne d’or s’urbanise
progressivement au début du XXe siècle. Le phénomène se poursuit dans les premières décennies du
XXe siècle sur les rives de la mer de Marmara, en particulier sur la péninsule anatolienne le long des
axes de transports. L’afflux massifs de migrants à partir de 1950 fait éclater les limites urbaines
jusqu’à alors plus ou moins délimitées. Le continuum bâti qui se développait auparavant le long
d’un axe est-ouest tend de plus en plus à se doter d’une seconde dimension nord-sud. Au fur et à
mesure les villages le long du Bosphore s’intègrent à la nappe urbaine, tandis que celle-ci se
développe conjointement sur les deux rives européenne et anatolienne.
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
© A. Fleury, 2010, Géoconfluences.
Les décideurs politiques sont le plus souvent dépassés par l’étalement urbain et par des
migrants qui s’établissent de manière chaotique là où ils trouvent de l’espace disponible. Les
habitats précaires, appelés gecekondu (littéralement « construit en une nuit »), se localisent autour
des centres historiques de la rive européenne puis asiatique.
Ce sont des bâtiments auto-construits, souvent bas, faits avec les matériaux trouvés ici et là.
S’ils ne sont pas la seule manifestation de l’accroissement urbain d’Istanbul, ils ont longtemps été
perçus par les élites politiques et culturelles du pays comme l’expression la plus visible de l’afflux
de paysans anatoliens mal dégrossis venus colonisés la capitale historique. Le temps passant et les
élections se succédant, les gecekondu et la réserve de voix qu’ils représentaient pour certains
candidats, se virent progressivement légalisés et dotés de l’ensemble des réseaux nécessaires
(voirie, eau, électricité, égout). Sous le coup des politiques urbanistiques de renouvellement urbain
(« en turc »), la présence de ces espaces
Gecekondu à Küçükçekmece
populaires singuliers tend aujourd’hui à
disparaître pour laisser la place à de grands
ensembles d’habitation dont le but est de reloger
ces populations, ou au contraire de les expulser
vers la périphérie pour laisser la place à de
grands projets immobiliers luxueux.
Une chose est sure : sans parler
nécessairement de cette image paroxystique du
paysan rural, cette présence anatolienne a
façonné le profil d’Istanbul et se met encore
© P. Raffard
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
aujourd’hui en scène (associations de migrants, restaurants régionaux, …) donnant lieu, parfois, à la
coexistence sur un espace réduit de différents modèles sociaux.
Source : GÜVENÇ M., 2010, Urbanisme, n°374, p.48.
4. L’Europe, échelle pertinente pour appréhender l’Istanbul contemporaine ?
4.1. Europe/Turquie-Istanbul : « je t’aime, moi non plus »
L’adhésion potentielle de la Turquie à l’Union Européenne a induit de nombreuses avancées
notables du pays sur certains sujets. Cependant, l’attentisme de certains pays européens, puis leur
refus, a provoqué un changement des objectifs du pays qui semble avoir fait depuis quelques années
machine arrière. La politique internationale de la Turquie, largement influencée par les conceptions
géopolitiques de son ministre des affaires étrangères Ahmet Davutoğlu, s’oriente aujourd’hui vers
l’adoption d’une position de neutralité envers les différentes puissances. Le pays souhaite adopter
un rôle d’arbitre dans la région en étant une interface entre les puissances occidentales et les
puissances du Proche et du Moyen-Orient.
De même, au sein de la société turque, la population apparaît très divisée quant à une
potentielle intégration à l’Union Européenne. L’opposition de certains dirigeants européens à
l’entrée du pays ou certaines décisions récentes perçues comme une remise en cause de la
souveraineté du pays (question s kurde et arménienne) ont donné lieu à une certaine europhobie.
Si l’Europe n’est plus l’unique horizon recherché par la Turquie, elle le doit aussi à un
changement d’échelle dans le monde politique et des affaires turc. Le pays et Istanbul cherchent
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
désormais à se placer dans des logiques plus globales et la ville n’hésite plus à afficher ses
prétentions à devenir une métropole de poids à l’échelle mondiale. Cette recherche s’exprime dans
l’espace urbain de manière parfois paroxystique et caricaturale.
4.2. Istanbul à l’heure des grands projets
La ville est au cœur de grands projets, comme pour celui du projet Kanal Istanbul, sorte de
second Bosphore sur la rive européenne. Ce percement permettrait de désengorger l’axe de passage
et de créer deux villes nouvelles d’environ 1 000 000 d’habitants pour un coût pour le moment
inconnu mais estimé, selon certaines sources, entre 10 à 20 milliards de dollars. Ce projet est sujet à
de fortes critiques en particulier sur son financement. De plus, les eaux du Bosphore aujourd’hui
internationales, pourraient laisser la place, dans l’esprit des concepteurs du projet, à un canal dont
les eaux, désormais nationalisées, donneraient lieu des taxes de passages.
La mobilité des Stambouliotes et leur capacité à se déplacer sont également au cœur des
projets d’aménagement du territoire métropolitain. Un métro-bus reliant les deux rives en moins
d’une heure a vu le jour. Toutefois, les problèmes de congestion restent présents. Le projet
Marmaray a pour objectif de relier par un métro sous le Bosphore la rive européenne et anatolienne
d’Istanbul.
D’autres mutations urbaines sont également en cours à l’image du projet de la place Taksim.
Tout à la fois point nodal du réseau de transport, quartier central et lieu symbolique de l’histoire
turque contemporaine, le quartier est aujourd’hui l’objet d’un projet visant à désengorger le trafic
routier sur la place par la création de tunnels. Or ce projet rencontre une levée de bouclier de la part
des associations, car, selon elles, il ne résout pas le problème mais le déplace. De même, le centre
culturel Atatürk présent sur la place pourrait se transformer en musée des religions tandis qu’une
nouvelle mosquée à l’architecture futuriste verrait le jour.
Ces projets ont aussi pour but de faire d’Istanbul une métropole culturelle mondiale à même
de rivaliser avec les grandes métropoles européennes comme Paris, Londres ou Berlin. Des
entrepôts du quartier de Tophane le long du Bosphore ont été transformés en musée d’art
contemporain, tout comme les anciens bâtiments de la Banque ottomane devenus le centre de
création Salt Galata.
4.3. Vers une « dubaïsation » de la ville ?
Le domaine de la construction en Turquie est en pleine expansion. A l’horizon 2025, sous le
prétexte du risque sismique, 50 % du parc immobilier d’Istanbul doit être renouvelé.
Une partie des nouvelles constructions, à destination des catégories socio-économiques
supérieures répondent aux logiques des gated communities, à l’image du projet Bosphorus City
développé par l’entreprise privée Sinpaş. Le concept est de recréer un faux Bosphore dans
l’arrondissement de Küçükçekmece en réutilisant tous les symboles qui font, dans l’imaginaire
collectif, le Bosphore. Pour cela, le promoteur immobilier a creusé un bassin de 750 m, construit de
fausses maisons en bois ou une copie de la célèbre mosquée d’Ortaköy. Toutes les fonctions de la
ville y sont concentrées (commerces, mosquée, cinéma). C’est une vie en autarcie, une ville éclatée
faite de lieux indépendants les uns les autres que dessine ce type de projet. Mettant en avant l’idée
de mixité sociale à l’intérieur de la résidence, le projet contraste avec son environnement direct fait
de gecekondu, désormais classé comme espace de renouvellement urbain, donc amené, à terme, à
disparaître.
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
Le projet Bosphorus City
Source : http://www.bosphoruscity.com.tr/
Les Mall commerciaux et leur développement récent sont représentatifs des dynamiques
urbaines actuelles avec une montée en puissance de ces nouvelles formes d’urbanisme et de
pratiques commerciales. La ville éclate, les centralités sont redéfinies au profit de certains lieux de
concentration à l’image de trois centres commerciaux (Sapphire çarşı, MetroCity et Kanyon),
d’envergure plus ou moins identique, construits à moins de 500 mètres de distance. Dans la même
logique, pensons à l’ouverture dans l’arrondissement d’Esenyurt à l’ouverture, au sein d’un mall
commercial d’une piste de ski indoor sur le modèle de Dubaï.
Conclusion : Quelle mondialisation pour la ville ?
L’augmentation de la démographie d’Istanbul en lien avec sa volonté de devenir une
métropole mondiale induit également des problèmes de gestion urbaine et d’urbanité des
populations. Il y a dix ans, le Premier Ministre turc Recep Tayyip Erdoğan, alors maire d’Istanbul,
eut pour projet de mettre en place un visa d’entrée pour les migrants souhaitant venir à Istanbul. Ce
projet de visa interne a provoqué une levée de bouclier puis fut abandonné, mais le problème de la
gestion de l’accroissement démographique demeure toujours d’actualité.
En outre, longtemps circonscrite au sud, la ville grignote progressivement les espaces au
nord, comme les forêts autour du Bosphore : comment gérer un accroissement désordonné comme
celui d’Istanbul ?
Parallèlement au développement des projets d’habitations luxueuses, les quartiers pauvres
existent encore, mais sont l’objet de programmes de renouvellement urbain qui entraîne des
modifications profondes de la structure spatiale et sociale de l’urbanité stambouliote. Les divisions
socio-spatiales de la ville ne cessent de se creuser alors que la ségrégation de l’habitat continue à se
renforcer.
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
Questions de l’auditoire :
- L’Etat construit des autoroutes qui conditionnent l’expansion du tissu urbain d’Istanbul. La
conférence d’Istanbul (1996) sur le rôle des collectivités urbaines a néanmoins fait ressortir l’idée
que la municipalité pouvait maîtriser le foncier et influencer les décisions étatiques.
- La municipalité se décharge de ses pouvoirs en les attribuant à des organisations comme TOKI ou
aux promoteurs privés. Sur ce point, la législation turque est floue. Les pratiques mafieuses et les
dessous de tables sont encore présents.
- Quelle proportion de la population habite dans les gécékondu par rapport à la population totale
d’Istanbul ?
- Les statistiques sur la population totale de la ville d’Istanbul posent problème au niveau de la
population légale. Dans ces habitats informels, il est donc encore plus difficile de la quantifier. De
manière certaine, nous savons juste que ces populations tendent à baisser du fait des programmes de
rénovations urbaines, qui relogent les habitants dans des barres ou des tours.
Compte-rendu par Lise PIQUEREY,
Master2 STADE recherche (Géographie)
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12e Journée d’études Géo’rizon. Métropoles d’Europe. Jeudi 19 avril 2012
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YERASIMOS S., 1997a, « Istanbul, métropole inconnue », Cahiers d’Études de la Méditerranée Orientale
et du Monde Turco-Iranien, n°24, p. 104-121.
YERASIMOS S., 1997b, « Istanbul : la naissance d'une mégapole », Revue Géographique de l’Est, tome 37,
n°2-3, p. 189-215.
YERASIMOS S. 2001, « Istanbul : approche géopolitique d’une mégapole », Hérodote, n°103/4, p. 102-117.
--Remerciements aux quatre conférenciers et aux quatre étudiant(e)s de Master 1 et 2 ayant
pris en note les interventions.
--Une journée d’études organisée par le Département de Géographie de l’Université de Savoie,
avec le soutien de
Responsable scientifique (invitations des conférenciers, relecture des comptes-rendus)
et organisation :
Lionel LASLAZ - 04 79 75 86 87 - [email protected]
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