Le moment où j`ai su que la Cour suprême appuyait le droit de Kay

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Le moment où j`ai su que la Cour suprême appuyait le droit de Kay
Le moment où j’ai su que la Cour suprême appuyait le droit de Kay Carter à avoir une aide
médicale à mourir a été un moment très réconfortant pour moi. Cependant, la divulgation des
aspects essentiels du projet de loi C-14 m’a fait l’effet d’une douche froide. Le premier
ministre Trudeau avait promis de respecter les exigences de la décision dans l’affaire Carter et
de la Charte. Le projet de loi C-14 ne les respecte pas. Voici ses principales lacunes :
 Le fait d’exiger que la mort soit clairement prévisible est un concept imprécis. C’est une forme
de discrimination envers les personnes qui souffrent d’une manière intolérable sans être atteintes
d’une maladie terminale.
 Il ne permet pas la prise en considération des directives préalables. C’est une forme de
discrimination envers les personnes atteintes de SLA, de démence et d’autres troubles cognitifs
progressifs.
 Il me semble étrange que le projet de loi C-14 exige qu’un patient soit apte au moment qu’il
présente la demande d’aide médicale à mourir et qu’il en bénéficie. C’est aussi une forme de
discrimination envers les personnes atteintes de troubles cognitifs progressifs.
 Le projet de loi C-14 reconstruit des murs que la décision de la Cour suprême dans
l’affaire Carter avait abattus. Où peut-on lire des références à l’affaire Carter dans la nouvelle
loi? Kay Carter elle-même ne serait pas admissible à l’aide médicale à mourir dans le cadre du
projet de loi C-14. Les législateurs doivent s’assurer, de manière consciencieuse, que la loi
respecte la décision dans l’affaire Carter et la Charte des droits et libertés.
Ma famille a été touchée par une loi injuste (interdisant l’aide médicale à mourir) à deux reprises
au cours des dernières années. Nous ressentons encore les effets émotifs des restrictions. Mon
beau-père était atteint du cancer. Il a souffert des douleurs atroces et souhaitait abréger sa
souffrance. Cependant, la loi l’en empêchait. Il a été forcé d’endurer plusieurs mois de
souffrance, contrairement à ce qu’il voulait. En fin de compte, il est mort par noyade en raison
des fluides présents dans ses poumons. C’est une façon de mourir lente, douloureuse, qui
provoque de l’anxiété. Le fait de le regarder mourir de cette manière était aussi très éprouvant
pour ma famille.
Depuis, ma mère souffre de TSPT attribuable au fait d’avoir vu mon beau-père mourir de cette
manière. Elle a des flashbacks et des cauchemars. Elle ne peut même pas penser à rencontrer
quelqu’un d’autre, parce qu’elle est marquée à tout jamais par ce qu’elle a été forcée de voir. Ma
mère et moi croyons qu’il est dangereux de vivre dans un monde qui laisse ce genre de situations
se produire. La loi a empêché mon beau-père de mourir de la manière qu’il le méritait, soit de
façon bienveillante et douce. Ses souhaits étaient très clairs. Cependant, des restrictions injustes
limitaient son droit à mourir.
Récemment, mon grand-père est décédé du cancer. C’était un homme fier, indépendant, bon et
fort. Il m’a élevé, ainsi que mon frère. À la fin, il a énormément souffert de son cancer. Il voulait
bénéficier de l’aide médicale à mourir. Cependant, la loi l’en empêchait. À la fin, il souffrait
tellement qu’il m’interdisait de lui rendre visite. Il ne voulait pas que je le voie ainsi. Le fait de
ne pas avoir pu lui dire adieu m’a blessé de manière permanente. Je sais qu’il voulait me voir.
Cependant, son amour pour moi l’en a empêché. C’était une situation difficile et douloureuse
pour nous deux. Personne ne devrait avoir son mot à dire à propos du moment où il nous a
quittés. J’aurais souhaité qu’il puisse mourir au moment qui lui convenait, en gardant sa fierté et
sa dignité intactes.
Plusieurs arguments contre le décès assisté portent sur le fait de protéger les gens vulnérables.
Cependant, faut-il imposer une douleur aux autres personnes vulnérables et les torturer?
Comment peut-on justifier moralement le fait de protéger un groupe de personnes au détriment
des personnes atteintes de SLA, de la maladie de Parkinson et de troubles cognitifs progressifs
ou qui souffrent d’une douleur chronique insoutenable?
Pourquoi le projet de loi C-14 exige-t-il que le décès doive se produire dans un avenir
raisonnablement prévisible? La Cour suprême a clairement et effectivement indiqué qu’il est
cruel de forcer quiconque à vivre avec une douleur grave et intolérable. C’est ce que fait, en fin
de compte, le projet de loi C-14. La nouvelle loi ignore la compassion de la Cour suprême. Elle
condamne impitoyablement des gens, comme Kay Carter, à une douleur illimitée.
Parmi les 27 intervenants dans le cadre de ce processus, pourquoi neuf faisaient-ils partie
d’organismes religieux? La majorité des Canadiens ne sont pas religieux. Plus de la moitié des
intervenants s’opposaient directement à l’aide médicale à mourir, tandis que la majorité des
Canadiens l’approuvent.
Il n’existe aucune loi meilleure que le projet de loi C-14. La décision de la Cour suprême
propose un meilleur soutien pour les Canadiens les plus vulnérables, ceux qui souffrent d’une
douleur insoutenable. Tout le monde devrait avoir le droit de préparer des directives préalables et
de prendre des décisions concernant sa vie et sa mort.
Dana Carter
Lwr, 844, rue Wollaston
Victoria (Colombie-Britannique)
V9A 5A8
250-857-9040
[email protected]