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Les Chroniques de WatermaelBoitsfort sont éditées par Chroniques de watermael-Boitsfort Nouvelle série n° 26 - mars 2014 Éditeur responsable Jean-Jacques Van MoL avenue Marie-clotilde n°6 Sommaire Éditorial Éditorial .................................................................. p 1 Les élections communales : les années Payfa-fossePrez p 2 Édouard Léon Philippe DewoLfs .............................. p 6 Propos sur la frontière linguistique .......................... p 7 Une boucherie rue du Bien-faire ............................ p 15 entretien avec Philippe MoUthUy ............................ p 16 entretien avec Louis schatteMan ......................... p 18 L’autre panorama du « fer à cheval » en 1927 ...... p 22 anthurium watermaelensis .................................... p 24 avec cette première livraison de cette année 2014, je tiens à vous remercier pour votre fidélité. Vous êtes en effet plus de 300 à nous renouveller votre intérêt pour notre cercle. Par votre confiance, vous nous donnez les moyens de poursuivre une politique éditoriale soutenue. au cours de ctte année, nous pouvons déjà vous annoncer la parution, en deux volumes, d’une monographie consacrée à l’histoire de l’urbanisation du quartier compris entre le Krekelenberg et la gare de Boitsfort, intitulée De la rue Middelbourg au Jagersveld, une urbanisation contrastée. L’empreinte de Léopold II. Le premier Le site du Jagersveld, vu ici au début du 20e siècle, a été aménagé par l’entrepreneur edmond ParMentier, homme de main de Léopold ii, par le percement de l‘avenue Delleur dans le prolongement du boulevard du souverain. La création d’un parc public a été voulu, dans l’esprit du Monarque, pour préserver le pittoresque du paysage au profit d’un lotissement à réaliser le long des avenues Delleur et solvay pour des investisseurs immobiliers fortunés. on distingue les premières villas édifiées le long de la rue de la Vénerie prolongée, future avenue Philippe Dewolfs ; à gauche le carrefour de la rue Middelbourg ; sur les hauteurs à l’arrière, à droite, les premiers immeubles sur le Krekelenberg. carte postale 1912 ; Phototypie Marco Marcovici collection robert GartenBerG !"# $%&'() *# # +,-# . '/01/.2 .'304 5,-#& chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - page 2 traitera de la rue Middelbourg et ses abords, le second traitera du Jagersveld et des abords de la gare de Boitsfort. Vous en serez informé en temps utile. L’histoire des élections communales se poursuit par un cinquième et dernier épisode concernant les années Payfa-fossePrez. Une brève évocation de la vie de Édouard DewoLfs, tombé au champ d’honneur en 1917 nous est proposée ici. Un long entretien avec Guy VanDe PUtte nous éclaire sur la carrière d’un brillant linguiste originaire d’overijsse qui nous éclaire sur la complexité et la nature exacte de la notion de «frontière linguistique» dans notre pays. Un entretien avec Philippe MoUthUy retrace sa carrière d’enseignant à l’École de la sainte-famille. avec l’avènement des congés payés en 1936, le véloci- mars 2014 pède a offert à ceux pour lesquels l’automobile était encore un rêve inaccessible des possibilités d’évasions lointaines. Louis schatteMan nous raconte les expéditions qu’il réalisait en vélo. il évoque aussi, avec force détails, les péripéties burlesques de sa mobilisation en 1940 et ses efforts pour rejoindre son introuvable unité. armand Di Martinelli ravive le souvenir d’une boucherie de la rue du Bien-faire. Dans une de nos précédentes livraisons, nous évoqions l’obtention dans notre commune d’une nouvelle variété horticole d’Anthurium. nous vous proposons ici quelques informations complémentaires à son sujet. La publication d’une vue panoramique prise à watermael au début du XXe siècle a éveillé la sagacité de plusieurs de nos membres. Leur diagnostics se sont accordés sur une localisation qui vous est communiquée en dernière page. Électione communales, chapitre 5 : Les années Payfa-foSSePrez f ondé en 1964, le fDf avait obtenu 5935 voix aux communales de 1970 et 9 sièges de conseiller. il resta dans l’opposition face à l’alliance J wiener-r wiarD-M MasUre. cette fois, le 10 octobre 1976, il obtint 6714 des 16.875 suffrages exprimés, soit un score de 40%. et, les changements constitutionnels agissant, le conseil communal passait de 19 à 29 conseillers : le fDf se retrouvait ainsi avec 14 sièges (+5), le cartel Psc-intérêts communaux : 6 sièges (+1), le parti libéral ex-PLP : 4 sièges (statu quo), le PsBBsP encore unitaire au ni- andrée Payfa-fossePrez 1921-2004 (Photographie Jean-Luc tiLLière) veau national : 3 sièges (+2), et le Vlaamse Kartel-waBo : 2 sièges (+2) avec 1453 voix. ce fut donc le changement qui s’installa, avec une confortable majorité fDf-Ps de 17 sièges sur 29. La désignation des 3 échevins socialistes se fit assez aisément : Max MasUre (action sociale), robert hotyat (Urbanisme, régie foncière et culture), andré MarchaL (Population et relations publiques). au fDf, ce fut un peu plus compliqué car le Dr Marcel Payfa, député depuis 1971 et sé- 6789:;<=> ?@ABCD;E> >: FGH> I BJKLJIM IBNKO PGH>L chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - Marcel Payfa (1921-2003) (Photo Le soir 3/5/1978) mars 2014 page 3 membres d’une même famille siègent dans la même assemblée. or, son épouse andrée Payfa-fossePrez avait obtenu plus de voix de préférence (1220 contre 997). ce fut elle qui fut proposée comme bourgmestre par le fDf. très fière à juste titre d’être la première femme élue bourgmestre dans l’agglomération bruxelloise, et voulant lutter contre la « bruxellisation » de watermael-Boitsfort (grands immeubles en béton), elle s’occupera de l’etat civil, de la Petite enfance et de la Vie sociale. et le fDf avait encore 3 échevins : fernand rossiGnoL (finances et travaux publics), emile DeMin (Jeunesse, sports, commerce et régies) et roger firre (instruction publique, santé et hygiène). Marcel Payfa laissa son siège de conseiller à roger neVens qui, en juin 1979, reprit l’échevinat de r firre, démissionnaire. et il (Marcel Payfa) obtint la présidence de la commission d’assistance publique dont il assura la réforme en centre Public d’aide sociale (cPas), étant un des artisans parlementaires de cette nouvelle loi (votée en 7/1976 et appliquée en 1978). Que retenir de ces 6 années qui concerne hiscinateur depuis 1974, se voyait bien comme « séna- wab ? Les projets entamés précédemment se pourteur-maire ». Mais, la loi n’autorisait pas que deux suivirent en 1976-1977 : constructions rue du De gauche à droite : roger neVens, emile DeMin, andrée Payfa-fossePrez, fernad rossiGnoL Photographie collection woUters QRSTUVWXY Z[\]^_V`Y YU abcY d ]efgedh d]ifj kbcYh page 4 chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - mars 2014 Brillant et avenue ch Michiels, aux Pêcheries, et aux avenues des Gerfauts et de la héronnière. et on vit la fin de la première restauration de la ferme ter coigne et le classement du parc attenant. Dès 1977, r hotyat mettait en chantier divers plans particuliers d’aménagement (PPa) destinés à protéger une bonne partie du territoire communal contre la spéculation, immobilière. et il s’attela à l’aménagement du centre de watermael, un premier plan directeur étant proposé dès mars 1979. D’autre part, avec la région s’élabora un plan de secteur pour la forêt de soignes et ses lisières définissant les zichÉe (zones d’intérêt culturel, historique, économique et esthétique). et, en passant, il faut retenir, en 1980, le rachat du parc tournay-solvay par la région bruxelloise. en juin 1981, on inaugura la nouvelle résidence pour séniors du cPas, aboutissement de l’action du Dr Payfa. L’ancienne Maison de retraite de l’avenue du ramier devenait restaurant scolaire. et il y eut aussi la transformation culturelle des ecuries de la Maison haute. après l’essai de marché doDocument : La présence d’une crèche de noël communale sur les lieux minical organisé par le syndicat publics de la place Keym amena cette légère satire de yvan hUBert dans « d’initative en mai 1976, la Présence laïque » en janvier 1987. bourgmestre eut l’heureuse volonté de reprendre l’idée et d’insque 27 sièges à attribuer. avec 5654 voix, le fDf retaurer définitivement un marché à Boitsfort. ce fut culait à 34% des votes et perdait 2 sièges, en gardant le cas à partir du 1er octobre 1981. 12. Gestion municipale restait à 6 sièges et le PrL en 1981-82 se réalisa une première tranche de la remontait à 5 sièges (+1). Le Ps gardait 2 sièges (rénovation de la place Keym et enfin, en 1982, il y 1). et le nouveau parti créé en 1980, ecoLo, gaeut la poursuite de la saga du « château » charle-al- gnait son premier siège. waBo en perdait un, bert. inoccupé en bordure de forêt et fortement dé- gardant un représentant. gradé, il était l’objet de pressants projets avec 14 sièges, la majorité sortante était affaiblie, immobiliers. La majorité parvint à un début de pro- d’autant qu’une nouvelle génération au sein du fDf tection des lieux. souhaitait une redistribution des responsabilités. Les Le 11 septembre 1982, il y eut aussi, en présence tractations aboutirent à un renfort par le PrL, ce qui de l’artiste, la pose de la première pierre de l’ambi- permit une nouvelle majorité confortable de 19 sur tieux projet de l’espace Paul Delvaux occupant les 27. lieux de l’ancien cinéma select. andrée Payfa-fossePrez gardait le mayorat et ses 3 échevins. f rossiGnoL, aux élections d’octobre 1982, la commune pase. DeMin et r. neVens restaient en fonction au sait en-dessous des 25.000 habitants, et il n’y avait moins en début de mandat, avec quasi les mêmes lmnopqrst uvwxyzq{t tp |}~t x x }~t chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - mars 2014 page 5 compétences. et le Dr M Payfa restait président du cPas pour 3 ans avant de passer la fonction au Dr Jean siMon. Les socialistes gardaient 2 échevins, M. MasUre et r. hotyat, et José stienLet assurait l’échevinat attribué aux libéraux : les classes moyennes, le tourisme et la Vie économique. en décembre 1985, c’était la fin des travaux de la place Keym, réalisation parfois controversée. La prise en compte des problèmes de circulation par l’urbanisme, la création de rond-points dans la commune (epicéas, hannetons, …), et la création par la bourgmestre d’un centre de sécurité routière pour les écoles primaires, se virent attribuer un prix international. et en juin 1985, on inaugura l’espace DeLVaUX. ce fut suivi en 1986, par l’aménagement de l’axe thuyas-epicéas. on rénova également le parc sportif des trois tilleuls et le calypso. L’école de Boitsfortcentre trop peu attractive voyait ses locaux destinés à agrandir l’académie de Boitsfort dirigée par roger soMViLLr. enfin, on peut retenir en 1987 la construction du 2e bâtiment de la royale Belge aux abords du boulevard du souverain, et le développement de Ville et forêt dans le quartier elan-ernotte. Les élections du 9 octobre 1988 auraient pu amener la majorité sortante aux prolongations. en effet, avec 36% des voix, le fDf gardait ses 12 sièges et restait incontournable. et si le PrL perdait un siège (en gardant 4), le Ps en regagnait un. ses 3 sièges +4 +12 auraient pu réinstaller la majorité de 19 sur 27. D’autre part, Gestion municipale (GM), malgré ses années d’opposition, n’atteignait que 5 sièges, en perdant un qui passait à ecolo (2 sièges). et waBo gardait son représentant. Mais des choix divergents au sein du fDf amenèrent un radical changement de majorité, et l’alliance fDf-GM avec 17 sièges sur 27 entama un mayorat qui se révèlera agité. andrée Payfa-ossePrez reste bourgmestre avec 3 échevins fDf. f rossiGnoL reste aux finances. a Jean siMon échoit l’Urbanisme, les sports et l’instruction publique, et Daniel enGeLs occupe quelque temps le 3è échevinat. GM a aussi 3 échevins : Georges MaMMericKX, alain wiarD et roger faBry. Quant au cPas, il est présidé par Martine Payfa. il serait fastidieux et de peu d’intérêt pour hisciwab de détailler les multiples soubresauts et les cheminements personnels qui animèrent essentiellement la composante fDf de la majorité. Les retraits d’at- andrée Payfa-fossePrez 1921-2004 Photographie vers 1988, collection Martine Payfa tributions amenaient une accumulation de charges pour ceux qui restaient, et les appuis de circonstance obscurcissaient le débat. en dehors de la gestion courante, il y eut peu de réalisations au plan urbanistique. La bourgmestre restait ce personnage un peu hors du commun, avec sa fantaisie vestimentaire et ses chapeaux, et aussi son besoin affirmé de participation citoyenne. La tentative louable de J siMon de sauver l’école de « Boitsfort-centre » pour y créer une option « sportsetudes » n’aboutit pas, et l’académie engloba le tout. on peut signaler le classement de la gare de watermael (1992), de l’étang de Boitsfort et du parc tournay-solvay (1993), de la ferme ter coigne (1994). et, en septembre 1994, on doit noter l’inauguration à heiligenborre des logements pour personnes âgées construits par le cPas. La suite concerne des personnes d’actualité, et hisciwab (fondée en 1991) s’occupe d’histoire locale. nous arrêterons donc ici cette série d’articles sur les elections communales. Henri CeuPPens ¡ ¢ chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - page 6 mars 2014 édouard Léon Philippe DEWOLFS 1883-1917 P hilippe DewoLfs, Échevin de 1888 jusqu’à sa mort en 1913, a eu trois fils, Jean Philippe, alexis et Édouard. Deux d’entre eux sont morts jeunes et sans descendance. pour devenir de sousLieutenant de réserve, grade qu’il obtient en septembre de la même année puis, quatre ans plus tard, il devient Lieutenant de réserve. Le 1er avril 1914, il L’histoire de l’ainé, Jean contracte un engagement Philippe, mort en 1903 à copour rester à la disposition quihatville (congo), a été redu gouvernement jusqu’à latée dans le numéro 22 de l’âge de 40 ans. ( est-ce en mars 2013 des Chroniques vue du conflit qui se préde Watermael-Boitsfort. pare ? ). Quatre mois plus Le cadet, Édouard, va tard les allemands envadécéder de ses blessures hissent la Belgique et ensur le front de l’yser un trent à Bruxelles le 20 matin de septembre 1917, août. quelques jours après sa en septembre 1914, maman, qui avait rejoint Édouard participe à son troisième fils en esplusieurs combats aux pagne où ce dernier travailenvirons de Malines ( lait dans une usine solvay. schiplaeken, werchterentré à l’armée en 1900, à wackerzel et Duffel ). l’âge de 17 ans, Édouard est en avril 1915, il est rapidement nommé sergent, nommé capitaine en puis 1er sergent en 1905. Un second et rejoint la 6ième an plus tard, il passe son breDivision de l’armée en vet de sous-Lieutenant puis, avril 1916. au mois Quelque part en france en 1915, les personnages à pour une raison qui nous est d’aout de la même l’arière non idnetifiés. inconnue, quitte l’armée, deannée, il reçoit la croix vient volontaire de réserve et de Guerre, et termine s’installe à hanret (Éghezée), où il se livre à « l’étude l’année comme capitaine commandant. il est désigné appliquée de l’agriculture » ( pour faire des études pour le 12ième régiment d’artillerie en avril 1917 et d’agronomie comme son frère ainé décédé ? ). se fait remarquer à l’yser, à Dixmude, à steenstraete en août 1908, Édouard introduit une demande (à la maison du passeur) et à Boesignhe en juin. il décède à Ghyverinhove, entre ypres et furnes, des suites de blessures par éclats d’obus au ventre, au matin du 4 septembre 1917 et est, comme il était de coutume, rapidement enterré à hoogstaede, à quelques kilomètres du front. il sera fait chevalier de l’ordre de Léopold avec palme, deux jours plus tard. son corps sera rapatrié en décembre 1921 pour être inhumé dans le caveau familial du cimetière de la rue du Buis. De cet homme visiblement courageux et apprécié de tous, il ne reste aujourd’hui que quelques photos en uniforme, un dossier de quelques feuillets aux archives militaires et le sentiment d’un immense gâchis. sur le front de l’yser, Édouard à l’avant-plan. collection Philippe DewoLfs Philippe DeWoLfs £¤¥¦§¨©ª« ¬®¯°±¨²« «§ ³´µ« ¶ ¯·¸¹·¶º ¶¯»¸¼ ½´µ«¾ chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - mars 2014 page 7 Propos sur la frontière linguistique Entretien avec Guy VanDE PuttE par Paul Dirkx * L e 6 août 2012, francofonie a interrogé Guy VAnDe Putte sur ses activités de chercheur dans le domaine des interférences linguistiques en Belgique. Ce germaniste né en 1944 et originaire d'overijse a reçu une formation en philologie germanique à l'université Catholique de Louvain. Il est membre fondateur du Centre d'étude des francophones en flandre - studiecentrum franstaligen in Vlaanderen (CeffsfV). spécialisé dans l'étude de la toponymie et des interactions linguistiques telles que les porte au jour l'histoire locale, il est l'auteur de nombreux travaux sur les relations culturelles entre les communes de la « frontière linguistique ». Ces travaux sont autant de contributions à l'étude des usages et des usagers du français au nord de cette « frontière ». Ils montrent que les contacts entre les mondes germanique et roman ont existé de tout temps et ont engendré des processus d'osmose et d'interférences linguistiques dont l'étude, plus guère encouragée de nos jours, est pourtant loin d'avoir progressé de manière satisfaisante. L'écrivaine néerlandophone overysschoise Brigitte Raskin déclarait récemment, à propos d'un livre qu'elle a consacré en 2012 à la « frontière linguistique » : « Les Belges ont toujours entrenu des rapports pacifiques »(1). Cela fait quarante ans que Guy VAnDe Putte est coutu- on peut commencerpar parler du chercheur que vous êtes. Comment devient-on chercheur spécialisé en matière de « frontière linguistique » ? Je suis tombé dans ce sujet par le biais de l'histoire locale. Je suis mordu par l'histoire en général et par l'histoire locale en particulier. il y a une part d'atavisme; un de mes bisaïeuls du côté maternel, eugèneJoseph riGaUX, a traduit la partie concernant la commune d'overijse (3) de l'histoire des environs de Bruxelles d'alphonse wauters (4), qu'il a complétée en 1888 (5). Un jour - j'avais une dizaine d'années mes parents m'ont mis ce livre de mon ancêtres entre les mains, et cela a été le déclencheur, ça m'a passionné. J'entendais toujours parler de cet ancêtre qu'on admirait beaucoup. J'ai fait l'histoire de ce personnage (6), qui a joué un certain rôle dans l'émancipation flamande. J'ai d'ailleurs signé sa notice dans l'encyclopedie van de Vlaamse Beweging. cela m'a mis sur la voie de la recherche historique et philologique, parce que cet homme écrivait un néerlandais du 19e siècle, une sorte de « nederduytsch », qui ne s'appelait pas encore tout à fait « nederlands ». De plus, cet homme s'est fort intéressé au nederduytsche Beweging, sur lequel existe le livre de LeBrocQUy (2). il connaissait aussi l'allemand - il a traduit des poèmes de schiLLer, de Goethe et d'autres. son fils unique a épousé la fille d'un autre homme de lettres, Louis hoornaert, de saint-nicolas-waes qui, lui aussi, était un historien local et flamingant, ou plutôt « Vlaamsvoelend », c'est-à-dire flamandophile, tout en étant francophone. ces gens appartenaient à une catégorie mier de ce type d'observations à la faveur de ses plongées scientifiques dans le tissu sociolinguistique des populations concernées. L'intervieuw qui suit montre à quel point la zone d'interférences linguistiques et la Région de Bruxelles-Capitale non seulement font partie intégrante de l'étude des francophones et de la francophonie dans la moitié nord de la Belgique (2), mais qu'elle occupe une position centrale, dans la mesure où certaines des questions majeures qu'elle suscite se posent aussi pour tous les citoyens bilingues ou ayant le français comme langue première, où qu'ils résident en flandre. Paul DircKX assez intéressante de figures du 19e siècle. c'étaient des petits bourgeois, donc des francophiles, peut-être par obligation professionnelle, quoique le grand-père Louis hoornaert ait été orangiste, je crois, hollandophile sûrement. c'étaient des bourgeois de province et ils parlaient donc français, en l'occurrence à saintnicolas-waes. tout marchand drapier qu'était Louis hoornaert, il a fondé l'académie des beaux-arts de saint-nicolas-waes et il est le grand-père direct de mon grand-oncle, le peintre overysschois Louis riGaUX (8). tout cela se tient : la peinture, le dessin, l'histoire, l'histoire locale. eugène-Joseph riGaUX a aussi traduit un ouvrage de psychologie - il me semble que c'est un des premiers en Belgique à s'être intéressés à la psychologie, zieleleer, comme on disait à l'époque , un ouvrage du professeur BeneKe, à l'Universtité de Marburg, à savoir les principes d'une psychanalyse avant la lettre (9). riGaUX était instituteur en chef pendant quarante ans à overijse. c'était un personnage très intéressant, c'était vraiment un grand intellectuel de type universitaire avant qu'on n'aille à l'Université. au fond, on n'allait à l'Université que pour faire le droit et la médecine, les seules vraies études universitaires à l'époque. Lui est sorti d'une des premières promotions de l'École normale de Lierre qui, fondée vers 1840, était une des premières écoles de Belgique pour la formation des instituteurs. Même s'il n'était pas célèbre, dans ma famille, c'était un personnage qu'on admirait. ii m'a fasciné. Ma grand-mère me montrait des papiers, que je conserve toujours, où son grand-père lui apprenait à faire des lettres - elle avait cinq, six ans. ¿ÀÁÂÃÄÅÆÇ ÈÉÊËÌÍÄÎÇ Çà ÏÐÑÇ Ò ËÓÔÕÓÒÖ ÒË×ÔØ ÙÐÑÇØ page 8 y a-t-il du côté paternel des personnages du même type ? Du côté de mon père, c'étaient des west-flamands. Le père de mon père s'est installé un peu par hasard à overijse, où i1 y avait un poste d'instituteur vacant. il venait d'arlon, où il avait obtenu son diplôme d'instituteur après avoir fait des humanités à carlsbourg chez les frères maristes, qui avaient une maison à Pittem, d'où la famille VanDePUtte est originaire. Je vois d'ailleurs un lien entre « VanDePUtte » et « Pittem », si on les prononce avec l'accent local, d'autant qu'à un certain moment, « VanDePUtte » s'est aussi écrit « VanDePitte ». c'est donc vraiment une famille de ce coin-là. Mais comme le grand-père appartenait à une famille de treize enfants que le père a abandonnée et dont la mère est décédée en couches, les enfants ont été placés à gauche et à droite après avoir passé une partie de leur enfance à tourcoing et à roubaix. Mon grand-père est né à roubaix, parce que ces gens ont émigré dans le nord de la france. si le père de mon grand-père était, d'après les actes que je possède, forgeron basculier, donc ouvrier qualifié probablement, leurs parents étaient des journaliers, qui se situaient donc au plus bas de l'échelle sociale. or, ces west-flamands « de souche » se sont francisés au 19e siècle, à l'époque où la flandre vivait dans la misère, comme l'irlande et d'autres régions. il y a eu une forte immigration en amérique, mais assez tardive, seulement dans les années 1880-1890, alors que la crise de la pomme de terre se situe vers 1845-1850. Un frère de mon grand-père est d'ailleurs parti au canada - il était devenu anglophone, parlait le français du canada, mais avait gardé son dialecte de Pittem. Mais d'abord l'immigration s'est faite vers le nord de la france et la wallonie. Je suppose que beaucoup de jeunes de votre génération ont une histoire familiale qui a plus d'un point en commun avec la vôtre, mais que, pour autant, ils ne se sont pas mis à faire la philologie germanique pour ensuite... Je ne crois pas. Je ne veux pas être plus original qu'il ne le faut, mais je pense être un peu privilégié. Mon père, le peintre adrien Van De PUtte (10), était un intellectuel; il lisait beaucoup, il écrivait beaucoup, il avait fait des études de droit, même s'il ne les avait pas terminées. J'ai toujours vécu dans ce monde littéraire et intellectuel. nous étions abonnés aux nouvelles Littéraires (11), mes parents avaient un abonnement au théâtre national, fréquentaient les expositions, suivaient la vie intellectuelle à Bruxelles. et mon père, tout en peignant, s'intéressait beaucoup à la vie picturale : il était abonné à des revues artistiques (L'oeiI, etc.), il allait à Paris, chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - mars 2014 il suivait le mouvement. Par ailleurs, si j'étais privilégié, nous étions enracinés dans overijse, vu que nous avions un magasin où passait tout le village. tout le monde parlait dialecte, mes parents parlaient dialecte avec les gens, moi aussi, nous n'étions pas des fransquillons supérieurs ni des aristocrates ni même des notables - nous l'avons été : certains de mes ancêtres l'ont été dans le village, car un autre arrière-grand-père a été secrétaire communal durant trente ans à overijse. c'est une autre frange de la famille, ce sont les Verheyen, qui venaient de la campine anversoise. cela dit, c'est la même histoire. ces Verheyen - et leur nom dit bien qu'ils venaient « van de heide, van de Kempense heide » (12) - étaient originaires d'oostmalle et étaient des agriculteurs, tandis que la grand-mère exploitait le supérette du village. c'est la famille d'où est issu l'écrivain Jozef siMons, père de Ludo siMons, germaniste devenu directeur de l'Archief en Museum van het Vlaams Cultuurleven à anvers, l'actuelle Letterenhuis. elle avait aussi des prétentions intellectuelles, littéraires, musicales. tous étaient des sacristains organistes de leur église, des chanteurs dans la chorale locale et des instituteurs. J'ai vraiment des ancêtres instituteurs à profusion. Bref, je doute que tout le monde soit dans cette situation-là, j'étais de ce point de vue-là privilégié d'une certaine manière, par rapport à mes camarades de classe de l'école primaire d'overijse, qui allaient jouer au football, alors que ça ne m'intéressait pas. Par ailleurs, je jouais « schooltje » : je faisais venir des camarades â la maison et je leur faisais cours. Dans vos souvenirs d'enfant et de jeune d'overijse, qu'en était-il du problème linguistique ? il n'existait pas. exclu. aucun problème linguistique. tous les membres de ma famille parlaient français et dialecte flamand. certains parlaient néerlandais, mais mal, car ce n'était vraiment pas à la mode de parler le néerlandais, même si tant de mes ancêtres étaient instituteurs et enseignaient le néerlandais. Mais une fois sorti de l'école, personne n'a jamais parlé néerlandais. Mais alors, pour vous, dans votre esprit, quand la « frontière linguistique », formule autour de laquelle je mets les guillemets nécessaires (13), quand cette « frontière » a-t-elle pris forme ? Quand est-elle devenue quelque chose de concret dam votre esprit ? Pas avant les années soixante. Dans ma récente communication au congrès d'histoire de Liège (14), j'explique que le hameau de Malaise est très francisé depuis le 19e siècle. La commune d'overijse, quant à elle, fonctionnait en français jusque vers les an- ÚÛÜÝÞßàáâ ãäåæçèßéâ âÞ êëìâ í æîïðîíñ íæòïó ôëìâõ chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - mars 2014 nées vingt du siècle dernier, même les délibérations du conseil communal étant rédigées en français, notamment par mon arrière-grand-père qui, par ailleurs, a été secrétaire de différentes associations, dont une chorale pour laquelle il rédigeait les rapports en néerlandais. Les autorités communales reconnaissaient l'altérité de Malaise et, en 1962, quelques mois avant les lois linguistiques de 1963, le conseil communal a voté des « facilités » pour ce hameau : les noms de rues en deux langues, réponse en français si la commune reçoit du courrier en français, une amabilité linguistique vis-à-vis des visiteurs de Malaise à la maison communale, etc. et il y a toujours eu des velléités d'affranchissement de Malaise envers overijse, non pas pour des raisons linguistiques, mais pour des raisons de commodité administrative, parce que ses habitants étaient beaucoup plus près du centre de La hulpe que du centre d'overijse et que la gare de La hulpe était à deux pas de chez eux qui leur permettait de partir ailleurs que dans le monde néerlandophone pour se franciser à Bruxelles ou en wallonie. À ce moment-là, cette décision d'accorder des facilités faisait du grabuge. cela dit, la chose a commencé à se corser entre 1950 et 1960, avec le refus des volets linguistiques des recensements, la question royale et les marches sur Bruxelles. et quand il y avait des marches sur Bruxelles, il y avait des marches sur overijse, avec notamment des manifestants en uniforme qui rappelaient la guerre, pas si éloignée que cela. Mais surtout, ces manifestants venus d'anvers, de flandre-occidentale et d'ailleurs offusquaient tout le village, qui se demandait : « Wa komme dei heï doe ? Wa kinne dei doevan ? Wa wiëte dei doevan » (15). tous les habitants d'overijse considéraient ces gens comme ignorants de la situation complexe et pacifique de cette zone. « on est bien comme on est. Que viennent-ils nous imposer comme théories, comme idéologie ? » page 9 ouvrage de philologie absolument remarquable (16) et qui traite du Plattdeutsch, auquel son père, Jozef, s'était toujours intéressé. De même que mon propre père, d'ailleurs, car un grand ami de Jozef siMons était franz froMMe, un écrivain Plattdeutsch à la mode dans les années trente et dont mon père a traduit des nouvelles en français, dont plusieurs inédites. il a beaucoup collaboré avec Jozef siMons, cousin qu'il aimait beaucoup, tout en sachant qu'il était flamingant, alors que lui-même ne l'était pas, mais cette amitié allait au-delà de cela. Mais me fascinait aussi le fils Ludo, qui était à ce moment-là assistant d'albert westerLinK à Louvain. or je voulais faire mes études à Louvain, alors que mon père voulait m'envoyer à l'Université libre de Bruxelles. Bien que d'une éducation « archi-catho » issu de l'institut saint-Boniface à ixelles, secrétaire de l'association littéraire scriptores Catholici, lecteur de Jacques Maritain -, il était devenu très réticent à l'égard de l'institution catholique après la guerre. il m'avait donc envoyé à l'athénée d'etterbeek. Mais, comme j'étais épris de culture traditionnelle et d'histoire, il n'y avait pas à mes yeux de meilleure université que la vieille Université de Louvain. D'autant plus que j'avais une grande admiration pour Juste LiPse, auquel on ne pouvait pas échapper en tant qu'overysschois. Donc, je suis allé à Louvain, j'ai fait les germaniques, et en français, car je voulais garder mon lien avec la francité, tout en découvrant l'allemagne et les langues et cultures scandinaves, dont surtout le danois. Le lien avec la « frontière linguistique », ou du moins avec la question des contacts entre les langues, est toujours présent en filigrane, mais qu'est-ce qui l'a fait émerger ? Comment cela s'est-il transformé en intérêt scientifique ? au début, au moment où le flamingantisme a commencé â revendiquer le fédéralisme à coups de maet le choix de vos études, la philologie germanifestations, j'étais anti-flamingant dans l'esprit de nique, il n'a rien à voir avec toute cette situation mon père et je trouvais tout cela honteux. nous qui ou... ? habitions au bord des ardennes brabançonnes, que nous n'appelions pas « la frontière linguistique », ni si, si. J'étais passionné d'histoire et de géographie, « la wallonie », nous étions affligés. Mon père faisait mais je trouvais que ces domaines n'offraient pas partie des peintres des ardennes brabançonnes à La assez d'avenir. Mon père, qui ne jurait que par la hulpe, où les gens parlaient beaucoup moins le walfrancophonie, aurait aimé que je fasse les romanes. lon que le français. Ma passion pour la « frontière Peut-étre par esprit d'opposition à l'époque, j'ai voulu linguistique » date des années qui ont suivi. Je comfaire les germaniques, mais aussi en me disant que mençais mes études de philologie germanique, tout cela me permettrait d'apprendre trois langues au lieu en m'intéressant davantage à la politique et notamd'une. et j'aimais beaucoup l'allemand. J'ai toujours ment à la scission de l'Universitë de Louvain, sans été fasciné par cette langue, aussi par le biais de ce toutefois jamais m'y engager. J'ai fait mon mémoire grand-père traducteur dont j'ai parlé. et le nord m'a de licence, entre 1965 et 1968, sur la toponymie toujours intéressé, la Baltique, la scandinavie. il y a d'overijse. La philologie, l'étymologie, le décortiaussi le mouvement « nederduytsch ». Ludo siMons, cage des mots, l'historique des mots m'intéressaient à cette époque-là, a publié oostnoordoost, qui est un beaucoup. et donc, par le biais de la toponymie, j'ai ö÷øùúûüýþ ÿ ûþ þú þ þ page 10 dû consulter des montagnes d'archives sur overijse. Là, j'ai découvert à quel point - je le savais, mais pas à quel point - rosières était imbriqué dans overijse (17), et combien rosières était roman depuis le Moyen-age, tout en découvrant que les archives d'overijse étaient bilingues. et donc, comme rosières faisait partie d'overijse, j'avais accumulé quelque cinq mille fiches sur l'ensemble du territoire historique d'overijse comprenant rosières. rosières était un cas fascinant, parce que j'y rencontrais notamment des noms « bâtardisés » : la famille witteBroot à overijse s'appelle BLancPain à rosières, les VanDerfossen s'appellent DeLfosse, les De DoBBeLaere DoUBLère, les Minne Minnet, etc. et on distingue une branche flamande, les Minne, d'une branche wallonne, les Minnet, alors que c'est la même famille. Je voulais intégrer ces découvertes à mon mémoire. or mes professeurs se sont méfiés, parce qu'ils n'aimaient pas cela. Mon promoteur était odo Leys, l'onomasticien de l'époque, mais le grand patron, directeur de l'institut d'onomastique, était henri Draye, quelqu'un que j'admirais beaucoup et qui m'a toujours soutenu. Leys, qui était un ouest-flamand, m'a demandé de laisser tomber rosières, non pas pour des raisons scientifiques, mais parce que ça le génait, il n'y connaissait pas grand-chose - ce n'étaient pas des romanistes, ils ne connaissaient pas assez bien le français. toujours est-il qu'on m'a conseillé de laisser tomber ça pour peut-étre y revenir plus tard dans le cadre d'une thèse de doctorat. Donc, la « frontière linguistique » a commencé à devenir dans mon esprit un fait philologique passionnant. et non étudié, parce que, depuis Godefroid KUrth, il n'y a jamais eu une étude de cette ligne imaginaire aussi fouillée (18), mis à part des publications plus modernes parues il y a vingt ans (19). en 1965, moment où vous entamez ce travail, vous disposez, outre Godefroid Kurth, de quels travaux ? KUrth était la référence absolue, et Jan LinDeMans pour le Brabant. Mais il y a aussi Maurits GysseLinG, qui est le grand philologue de la fin du 20e siècle, auteur du toponymisch woordenboek van België, nederland, Luxemburg, noord-frankrijk en West-Duitsland (20). et, dans les années 1980, j'ai fait la connaissance de son émule le plus motivé et le plus motivant, Luc Van DUrMe, qui est un des rares, avec quelques membres de la commission royale de toponymie et de Dialectologie, à encore pratiquer à l'heure actuelle l'onomastique (21), science qui est tombée complètement en désuétude. et donc, du moins à ma connaissance, on n'a jamais fait, comme j'avais commencé à le faire avec mes recherches de mémoire de licence, d'étude de terrain onomastique comparée d'une commune flamande ou plutôt thioise (22) et d'une com- chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - mars 2014 mune wallonne ou plutôt romane. or, d'après moi, on peut le faire tout au long de la « frontière linguistique». Personne ne s'y est attelé ? Presque personne. Dans les cantons de l'est, il y a un Leo wintGens qui a beaucoup écrit sur les fourons notamment. il y en a d'autres. Mais une systématique de la « frontière linguistique » de La Panne à Maaseik, en prenant chaque fois des couples de localités de type overijse / rosières, huldenberg / Grez-Doiceau, etc., ça, ça n'existe pas. ce serait pourtant passionnant. tout comme il serait passionnant d'étudier l'histoire des cantons français qui, introduits en 1795, sont tous bilingues dans cette zone de contacts. ainsi, le canton d'isque - overijse comprenait La hulpe, ohain, Lasne, rosières, chapelle-saint-Lambert, couture, Genval et rixensart, mais aussi hoeilaart, overijse et notre-Dame-au-Bois, c'est-à-dire Jezuseik, pas encore rattachée à overijse. ces cantons étaient gérés en français, sans doute en partie pour franciser davantage les communes flamandes, mais l'occupant français n'avait pas beaucoup de mal à franciser l'administration : elle l'était déjà partiellement. or il n'y a pas d'étude qui a été faite sur l'histoire, de 1795 à 1815, de ces cantons à cheval sur la « frontière linguistique » - notion qui n'est visiblement pas pertinente sur un plan historique. est-ce qu'il existe une étude systématisée de la « frontière linguistique » ? Depuis un peu plus de quinze ans. il s'agit d'un livre de Luc Van DUrMe qui contient des pages extraordinaires (23). Je ne suis pas toujours d'accord avec lui, mais, dans les grandes lignes, nous sommes sur la même longueur d'onde pour ce qui est de cette région. Le problème de la toponymie, c'est qu'elle ne permet pas de se prononcer sur n'importe quel toponyme sans connaître i'histoire du lieu, le contexte précis, concret. Même un Luc Van DUrMe, qui est un scientifique d'une intégrité extraordinaire, ne peut pas savoir ce que je sais sur la région que j'ai étudiée dans ses moindres détails. il pourrait interpréter des mots d'un point de vue plus théorique que concret, concret d'après les archives et la réalité du terrain, qu'il ne connaît pas. J'ai ainsi eu un désaccord avec Maurits GysseLinG au sujet de l'étymologie de « Malaise » / « Maleizen », dont je prétends qu'elle est fiée à « marne » et donc à « marle » (24), comme le montre l'ancienne orthographe « Marleizen » et comme l'attestent aussi le « Marleberg » et le « Meerleberg » à côté, les vieilles carrières de marbre, mergelgroeven. « Malaise », en général, signifie un terrain difficilement cultivable, peu productif, où on ne se sent pas « à l'aise ». en néerlandais, l'équivalent serait plutôt « kwaadgebak », un bout de terrain dont on ne peut rien tirer. or cela ne !"# $ %&'%$( $)&* +"#$$ chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - mars 2014 correspond pas au sol de Maleizen et il s'agit donc d'une étymologie en l'occurrence erronée par rapport aux archives et aux situations locales. tel est un des problèmes majeurs de la toponymie et de l'histoire locale. et, dans ce cas précis, ma force heuristique, c'est que je connais bien les deux langues. Mais, à l'heure actuelle, comme tout est divisé en monoblocs communautaires, il n'y a plus un chat qui connaît suffisamment l'autre langue et qui consulte les écrits dans l'autre langue. Le Cercle d'Histoire d'overijse, que j'ai fondé, ne croit plus qu'il est utile de s'abonner à la revue Wavriensia (25), à la revue de rixensart ou de La hulpe. Mais on s'abonne à la revue Midden-Brabant, à la revue de Louvain, de tervuren. c'est invraisemblable. page 11 vie, en veulent à la mère abbesse, aristocrate et francophone comme le sont souvent les abbesses depuis le 18e siècle. et peut-être qu'elles lui en veulent aussi pour des raisons autres que linguistiques, la langue étant peut-être un prétexte. Les exemples de ce type sont nombreux. ainsi, je pense à ces habitants de rosières qui, en 1795, refusent d'occuper un poste administratif sous prétexte qu'ils ne connaissent pas assez le français, alors que rosières était francisé : cela veut tout simplement dire qu'ils ne voulaient pas collaborer avec le nouveau régime. on prend prétexte à tout. Bref, il faut nuancer tout cela et cesser de se focaliser de manière anachronique sur la langue en elle-même. Il faut faire de la sociolinguistique. L'étude de la « frontière linguistique » se fait donc tant bien que mal, mais chacun... ... dans son petit coin. et c'est ce qu'il faut faire avant de pouvoir en faire une étude globale. il faut d'abord se livrer à de la micro-micro-toponymie. Bien des gens me demandent d'écrire un livre qui intéresserait tout le monde et dépasserait le cas d'overijse. Mais le problème est que l'hyperspécialisation est indispensable (26). cela étant, j'ose prétendre que ce qui se passe à overijse se passe aussi ailleurs, parce que mon expérience et mon attention pour d'autres situations me disent que cela doit être le cas. ce manque d'études favorise en plus les erreurs concernant la « frontière linguistique ». il y a d'abord l'expression même de « frontière linguistique », qui n'est en fait pas utilisable scientifiquement parlant. il y a aussi mille erreurs de perception (27). Par exemple, un récent article dans la revue d'huldenberg a été consacré à l'abbaye de florival, qui se trouve à archennes - florival ou Bloemendaal, archennes ou eerken, près de Grez-Doiceau, alias Graven-Donceel. entre parenthèses, il faudrait voir dans les archives jusque quand ces appellations néerlandophones ont eu cours. La hulpe a été très thiois, beaucoup plus thiois qu'on pourrait le croire à l'heure actuelle. rosières a toujours été très roman, et Malaise l'a été aussi en tant que dépendance de la paroisse de La hulpe. Pour revenir à l'article en question, celui-ci se veut une étude sur l'évolution de la « frontière linguistique » dans cette communauté religieuse. au 18e siècle, des nonnes refusent de parler français, de se confesser en français : des nonnes qui font de l'opposition. Qu'est-ce que cela nous apprend sur la « frontière linguistique » ? rien, parce que ces nonnes, pour commencer, ne sont pas de là. La résistance observée, loin de nous éclairer sur la « frontière linguistique » ne fût-ce qu'à cet endroit précis, se situe à l'intérieur d'une communauté, où des nonnes, souvent des filles d'agriculteurs un peu perdues dans un environnement étranger à leur tout à fait. Ce que vous dites mérite d'être souligné. Primo, rien que le fait que l'étude systématisée de la « frontière linguistique » n'existe que depuis une quinzaine d'années est, d'un point de vue scientifique, assez renversant. Une étude dépoussiérée, une étude moderne, oui. Voilà. Mais, secundo, que cette étude se fasse bon an mal an par des gens de bonne volonté et des gens très intègres comme Luc Van DUrMe, mais chacun à partir de sa monoculture, c'est encore plus époustouflant, parce que, pour étudier la « frontière linguistique », il faut quand même être plus ou moins bilingue et comparatiste, il faut faire de la linguistique comparative. ce à quoi, du reste, je n'ai même pas été formé ! Mais il faudrait imaginer une telle formation, en effet. J'ai prôné, dans le temps, la mise sur pied d'un institut interdisciplinaire sur l'étude de la « frontière linguistique ». J'ai écrit tout cela, j'ai dit et redit ça dans tout ce que j'ai publié. est-ce que, en ce moment, il n'y a personne qui, comme vous, fasse un travail systématique, systémique, bref scientifique, c'est-à-dire qui tienne compte du fait que les locuteurs ne sont pas constitués comme certains le voudraient, à savoir qu'ils ne sont pas mono-identitaires, ni monolingues, mais sont pris dans des situations complexes sinon de bilinguisme, du moins de diglossie ? au moins de diglossie : souvent de triglossie ! non, force est de constater qu'il n'y a personne d'autre. c'est une constatation qui en dit long sur la recherche scientifique sur la « frontière linguistique ». À moins que quelqu'un d'autre se manifeste en lisant ceci... ,-./01234 56789:1;4 40 <=>4 ? 8@AB@?C ?8DAE F=>4?7 page 12 chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - mars 2014 non pas pour les stigmatiser linguistiquement, mais parce qu'ils débordent sur le Baekenbosch qu'il considère comme territoire overysschois. ces wallons de La hulpe, dit-il, viennent empiéter sur le Baeken... et, à ce moment-là, dirait peut-être que j'ai tort. ce bosch : or il dit ça en français, il défend en français qui serait formidable. Mais personne ne l'a jamais dit, les locuteurs nederduytsch d'overijse contre les waltoujours sous prétexte que mes observations ne lons de La hulpe. L'affaire n'est pas linguistique, et concernent globalement que le cas d'overijse. tout aussi maïeur qu'il soit et socialement haut placé, il connaît « son » peuple. craBeeLs est un personNous venons de voir comment vous êtes arrivé à nage fascinant, parce que très intelligent, très anticet objet et comment l'étude de cet objet n'a visi- conformiste. il a des brouilles avec le doyen blement pas beaucoup avancé du côté des univer- d'overijse, parce qu'il ne « tient pas ses pâques » à sités, d'autant moins qu'il y a un contexte qui n'y overijse, qu'il va soi-disant à la messe à l'église est pas favorable. Ma question maintenant est de notre-Dame du finistère à Bruxelles, qu'il joue les savoir si ces zones de contact entre langue frangrands seigneurs, est le confident des princes De çaise et langue néerlandaise le long de la « fron- hornes, est le maïeur républicain d'overijse, mange tière linguistique » ont quelque chose de spécial à tous les râteliers. Mais c'est lui qui tient tout enpar rapport aux zones de contact entre français semble, il est le chef, il fait que les choses marchent. et néerlandais ailleurs en flandre. y a-t-il il connaît tous ces gens qui défilent chez lui dans son quelque chose d'essentiellement différent entre, notariat, rédigeant tantôt des actes en français, tantôt d'une part, contacts entre, disons, « bourgeois » en thiois - ça n'a pas d'importance. Donc, voilà, gantois francophones et « petit peuple » gantois d'après moi, il s'agit là d'un précurseur du bourgeois et, d'autre part, ce qui se passe à la « frontière « fransquillon » du 19e siècle, mais beaucoup plus linguistique » ? près du « peuple ». Dans les zones urbaines en flandre, il y a une distanciation qui a dû se faire, une rupoui, il y a le contexte social. Les habitants de la ré- ture sociale assez terrible. gion d'overijse, jadis viticole, appartiennent dans l'ensemble aux classes populaires et surtout Quelque chose qui ne serait pas tant lié à la moyennes, et les contacts se font quels que soient les francisation qu'à des facteurs socio-éconocodes linguistiques. Par exemple, les tombeekois miques, à l'industrialisation de... épousent des rosiéroises et vice-versa. or cela se fait en dialecte de tombeek pour les uns - les tombee- au statut social. au fait qu'une fraction de la popukois n'apprennent pas la langue standard néerlandaise lation est devenue riche, créant un clivage entre les jusque vers 1850 - et en dialecte wallon pour les au- nouveaux riches et les ouvriers. « Hou jij ze dom, dan tres - le français se généralise à partir de la même zal ik ze arm houden » (30). époque. et ces gens s'entendent, ces alliances se font, et il y a même plein de mariages croisés. L'historien Le cas du maïenr défendant son peuple local Michel erKens a fait un mémoire de licence contre « les Wallons » de La hulpe pourrait très intéressant, sous la direction de nicolas rUwet donner à penser qu'il existe une ethnie flade l'Université catholique de Louvain, de démogra- mande, qui se situerait alors par rapport à une phie locale sur les mariages à Braine-l'alleud, ethnie wallonne, non ? rhode-saint-Genèse et waterloo, qui sont légion et ne posent aucun problème (28). Je n'aime pas le mot. Mais il y a des insultes qu'on se lance, effectivement. D'un côté, on dit « tiesse de flaPeut-on dire qu'il y a un brassage social beaumin », de l'autre côté on dit « woelekajuut » (31). coup plus important dans les villages le long de Mais, comme je le démontre dans la communication la « frontière linguistique » que dans les villes ? que j'ai déjà citée (32), j'ai l'impression que, s'il y a des querelles entre les uns et les autres, ce sont des oui, c'est ça. il faut ajouter que les notables de ces querelles de voisinage entre villages pour la possesvillages n'ont pas la prétention qu'ont l'aristocratie et sion de bouts de territoire. si des garçons de La hulpe la bourgeoisie d'une ville comme Gand, anvers ou viennent s'attaquer, armés de couteaux, à des garçons Bruges vis-à-vis de leur personnel domestique. ils d'overijse aux kermesses, cela se passe dans tous les sont beaucoup plus proches de « leur » peuple - sans villages. c'est « ceux de La hulpe » contre « ceux vouloir tenir des propos paternalistes. on voit ainsi d'overijse », comme cela peut être « ceux d'huldenle maïeur Judocus craBeeLs (29) défendre ses conci- berg » contre « ceux d'overijse ». La notion de comtoyens overysschois contre les gens de La hulpe en munauté à cette époque veut dire « village », et non « parlant d'eux comme « les wallons de La hulpe », ethnie ». ii s'agit de « ceux d'overijse », « ceux de ah ! oui. auquel cas cette interview aura servi à faire avancer d'autant la recherche sur la question. GHIJKLMNO PQRSTULVO OK WXYO Z S[\][Z^ ZS_\` aXYOZ] chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - mars 2014 rosières », « ceux de la paroisse de X ou y ». c'est cela, la communauté, et je crois que c'est très fort, l'esprit de communauté paroissiale, villageoise, je crois que c'est ce qui imprègne l'ancien régime. ce n'est pas l'ethnie, du moins c'est ce que révèlent les archives locales. Vous qui habitez anvers, vous n'avez jamais été intéressé par l'étude des contacts entre néerlandophones et francophones à anvers ? non, parce que ma vie professionnelle et relationnelle a toujours été d'abord à Bruxelles. il y a assez de quoi faire dans la périphérie bruxelloise. c'est un autre sujet, je dirais, certes un sujet connexe, complémentaire. Mais mon monde, c'est Bruxelles et son hinterland oriental aussi bien flamand que wallon. ayant enseigné au collège saint-hubert à watermael-Boitsfort, je me suis aussi beaucoup intéressé à l'histoire lorale de cette commune bruxelloise, ainsi qu'à celle d'auderghem. cela dit, en tant qu'enseignant de néerlandais deuxième langue en milieu francophone bruxellois, et à des élèves habitant bien souvent la périphérie, je me suis toujours efforcé, outre d'enseigner la langue, de les éveiller à la culture, aussi bien « flamande » que « hollandaise », tout en initiant à la problématique flamande des élèves totalement ignares de la chose. c'est d'ailleurs dans ce contexte-là que j'ai traduit, en 1973, le livre culte à l'époque et prémonitoire du journaliste Manu rUys, Les flamands. un peuple en mouvement, une nation en devenir (33). Dans quelle mesure l'étudc de la « frontière linguistique » contribue-t-elle à l'étude des francophones et de la francophonie en flandre ? il y a de nombreux points communs, évidemmtnt : il s'agit partout de locuteurs de langue française dans un contexte devenu majoritairement néerlandophone, sauf dans la région de Bruxelles-capitale. Mais les situations sociolinguistiques sont très différentes, et c'est ça qu'il faut justement étudier. Mon appartenance au CentRe D'étuDe Des fRAnCoPHones en fLAnDRe depuis sa création en 2008 m'a fait comprendre à quel point les francophones des villes flamandes sont différents des francophones « flamands » (34) de Bruxelles et de ses environs. ceux-ci, par comparaison, sont des francophones plus 19e siècle, plus estampillés lutte des classes. Les francophones de Bruxelles et de la périphérie sont des gens qui portent des noms flamands, qui sont des francisés plus récents - trois, quatre générations. Mais ce ne sont pas des descendants de grandes familles telles qu'on en trouve beaucoup dans les villes de flandre. en périphérie bruxelloise, ce sont les pires des « flamands » aux yeux des nationalistes flamands, parce page 13 que ce sont des flamands perdus pour la cause, ce sont les flamands francisés, les flamands bruxellois tache d'huile, ceux qu'ils essaient de récupérer par le biais du discours sur le « Vlaamse Rand » (35) et de l'homogénéisation linguistique. Quoi qu'il en soit, il est donc important de voir que « les » francophones en flandre ne forment pas un seul groupe homogène et qu'il ne faut donc pas les étudier comme tels. il faut parler des francophones de Gand, d'anvers, de courtrai, etc. et il ne faudrait pas oublier les francophones de Bruxelles, de la périphérie, sinon on aurait, sinon on donnerait une image tronquée de la réalité. C'est entendu. Mais la « frontière linguistique », ce n'est pas que Bruxelles, pas que le Brabant. oui, mais ce qui se passe à Bruxelles et dans les environs est tellement extraordinaire, tellement particulier, dans la forêt de soignes, véritable réserve naturelle de toponymes bilingues, dans toute cette région qui est au coeur de glissements linguistiques séculaires, d'hybridations, de mixités, de créolisations. c'est fascinant. Quant aux gens qui vivent cette expérience et savent à la fois le français et le néerlandais, ils tendent à avoir une autre mentalité, finalement, sans être plus intelligents ou plus diplômés que d'autres, mais en ayant, d'après moi, un autre comportement, un autre état d'esprit, un esprit d'ouverture plus marqué. * Paul DirKX est membre fondateur du ceff- sfV. il enseigne la sociologie de la littérature et de la presse à l'Université de Lorraine. Pour citer cet article : Paul Dirkx : « interview Guy VanDe PUtte », francofonie 4 (hiver 20122013). La littérature francophone en flandre depuis 1970 - franstalige literatuur in Vlaanderen sins 1970. références (1) De Belgen zijn altijd vreedzaam met elkaar opgetrokken (Knack 15 septembre 2012, p. 14; Brigitte rasKin : De taalgrens. of wat de Belgen zowel verbindt als verdeelt, Louvain, Davidsfonds 2012. (2) Lire la "Mission" du ceff-sPV (francofonie 1 (été 2009). La fin d'un tabou ? - een taboe doorbroken ? p. 16-17. (3) Guy VanDe PUtte dit "over-isque" (overyssche), selon l'ancienne prononciation francophone. (4) alphonse waUters : Histoire des environs de Bruxelles ou Description historique des localités qui formaient autrefois l'ammanie de cette ville (3 tomes), Bruxelles, Vanderauwera, 1855-1857. alphonse waUters était professeur à l'Université libre de Bruxelles et archiviste de la ville de Bruxelles. eugèneJoseph riGaUX (1824-1895) était écrivain, instituteur et receveur des postes à overijse. (5) alphonse waUters : Geschiedenis der oude vrijheid en heerlijkheid van overyssche. Vertaald door e. RIGAux, overijse, imprimerie aimé De schuytener, 1888. bcdefghij klmnopgqj jf rstj u nvwxvuy unzw{ |stjuy page 14 (6) Guy VanDe PUtte : eugeen-Joseph riGaUX (1824-1895). een verdienstelijk overijsenaar herdacht : proeve ener bio-bibliografie en stamgeschiedenis. Bevatten eveneens bio--bibliografische schetsen met betrekking tot de Vlaamse schrijvers Lodewijk Hoornaert, Petrus¬-Johannes, Petrus-eduardus, en Johannes-Amandus Vandroogenbroeck (ferguut), mede van Antoon-Victor De Veen, roulers, familia & Patria, 1974. (7) Pierre LeBrocQUy : Du flamand dans ses rapports avec les autres idiomes d'origine teutonique, Bruxelles, Van Dale, 1845, coll. analogies linguistiques. (8) 1887-1954. (9) G. raUe et J. M. coLMonts : Dr Beneke's nieuwe zieleleer. uit het hoogduitsch vertaeld door e. Rigaux, Lierre, Van in, 1860. (10) 1911-1994 (11) cet hebdomadaire fondé en 1922 était le titre le plus prestigieux de la presse littéraire franaçaise. (12) " De la Bruyère, de la lande campinoise". (13) Voir l'« Éditorial » de ce numéro de francofonie. cf. Paul DirKX, « Éditorial. identité ? », francofonie 3 (2011). identité(s) - identiteit(en), p. 14-2 1. (14) Guy VanDe PUtte, « La commune d'overijse et ses voisines wallonnes : traces de conflits communautaires (?) dans le passé », communication au neuvième congrès de l'association des cercles francophones d'histoire et d'archéologie de Belgique - LVie congrès de la fédération des cercles d'archéologie et d'histoire de Belgique. (15) « Wat komen die hier doen ? Wat kennen die daarvan ? Wat weten die daarvan ? » (« Qu'est-¬ce que ces gens viennent faire ici ? Qu'est-ce qu'ils y connaissent ? Qu'est-ce qu'ils en savent ? »). (16) Ludo siMons : oostnoordoost. facetten van de uitstraling van Vlaanderens taal en literatuur, anvers, De nederlandsche Boekhandel, 1969. (17) rosières, de l'autre côté de la « frontière linguistique », était une commune à part entière avant de devenir une partie de rixensart à la faveur de la fusion des communes belges en 1977. (18) Godefroid KUrth : La frontière linguistique en Belgique et dans le nord de la france (2 tomes), Bruxelles, société belge de librairie, 1896 et 1898. (19) notamment Danny LaMarcQ et Marc roGGe (éds.) : De taalgrens : van de oude tot de nieuwe Belgen, Louvain, Davidsfonds, 1996, coll. historische reeks. citons aussi les travaux de Luc Van DUrMe (cf. infra]. (20) Maurits GysseLinG : toponymisch woordenboek van België, nederland, Luxemburg, noord--frankrijk en West-Duitsland voor 1226 (2 tomes), s.l., Belgisch interuniversitair centrum voor neerlandistiek, 1959 et 1960, coll. Bouwstoffen en studiën voor de geschiedenis en de lexicografie van het nederlands. (21) Voir en particulier Luc Van DUrMe : Galloromaniae neerlandicae submersae fragmenta, Gand, Koninklijke academie voor nederlandse taal- en Letterkunde, 1996, coll. Koninklijke academie voor nederlandse taal- en Letterkunde, Publikaties van de commissie voor Middelnederlandse taal- en Letterkunde ; id. : Het toponymisch woordenboek van dr. M. Gysseling : aanvullingen en verbeteringen uit de nalatenschap, Bruges, Koninklijke commissie voor toponymie en Dialectologie, 2009. chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - mars 2014 (22) « thiois » est l'équivalent français de « dietsch » ou « Diets », langue germanique parlée dans l'ancien duché de Brabant. ce terme sera utilisé jusqu'à la fin du 18e siècle pour désigner la variante du néerlandais dans cette région. (23) Luc Van DUrMe : Galloromaniae neerlandicae submersae fragmenta, op. cit. (24) La marne est un mélange naturel d'argile et de calcaire. ce mot est une altération de « marle », mot lui-même issu du latin populaire margila. (25) revue bimestrielle du cercle historique et archéologique de wavre et de la région. (26) en fait, le livre qu'évoque ici Guy VanDe PUtte existe, même s'il se concentre sur le cas d'overijse (Guy VanDe PUtte : Belgica Creola. Le contact des langues en périphérie bruxelloise. L'exemple d'overijse, Bruxelles-anvers, ePo, 1999). (27) cf. Guy VanDe PUtte : « La frontière linguistique » avant la frontière linguistique. Conceptualisation et perception dans l'histoire locale au pays de l'Yssche et de la Lasne », actes des Viie congrès de l'association des cercles francophones d'histoire et d'archéologie de Belgique et LiVe congrès de la fédération des cercles d'archéologie et d'histoire de Belgique. congrès d'ottignies - Louvain-la-neuve 26-28 août 2004, Bruxelles, safran, 2007, p. 531-538. (28) Michel erKens : Het huweIijk op de taalgrens. Brainel'Alleud, Waterloo, sint-Genesius-Rode 1715-1824. socio-demografische proeve, Louvain-la-neuve, Université catholique de Louvain, 1978, mémoire de licence inédit. (29) 1743-1812. Voir Jozef iJsewiJn, Guy VanDe PUtte et raymond Denayer (éds.) : Judocus J.C.A. Crabeels. odae Iscanae. schuttersfeest te overijse (1781). tome 3, Louvain, Universitaire Pers Leuven, 1981, coll. supplementa humanistica Lovaniensia. (30) « faites qu'ils restent bêtes, je ferai qu'ils restent pauvres » . (31) « tête de flamand » et « cahute wallonne » (littéralement : cabane wallonne). À noter que le mot français « cahute » est lié à la « kajuit » (cabine d'un bateau) néerlandaise. (32) Guy VanDe PUtte :, « La commune d'overijse et ses voisines wallonnes : traces de conflits communautaires (?) dans le passé », art. cit. (33) Manu rUys : Les flamands. un peuple en mouvement, une nation en devenir. traduit par Guy VanDe PUtte [De Vlamingen. een volk in beweging, een natie in wording]. Préface de Gaston eysKens, ministre d'État, tielt / Louvain, Lannoo / Vander, 1974. Manu rUys (1924), qui est alors en passe de devenir rédacteur en chef politique et éditorialiste du quotidien catholique De standaard, est une des voix les plus écoutées des courants nationalistes flamands du dernier tiers du 20e siècle. son livre sur Les flamands fut « une révélation pour beaucoup de ses compatriotes d'expression française » (Le nouveau dictionnaire des Belges, Bruxelles, Le cri / Legrain / rtBf, 1992). (34) Les guillemets renvoient au fait que Bruxelles est une ancienne ville thioise graduellement francisée au cours des siêcles. (35) sur cette notion destinée notamment à faire pièce à l'expression « périphérie bruxelloise », lire Paul DirKX : « Petra Gunst, Brussel en de Vlaamse rand. een verhaal van migraties en grenzen. Met een fotokatern van Michiel Hendryckx », Leuven / antwerpen, Peeters - Provincie Vlaams-Brabant / aDVn, 2008, coll. accenten uit de geschiedenis van Vlaams-Brabant, 160 p. , francofonie 1(été 2009). La fin d'un tabou ? - een taboe doorbroken ?, p. 62-68. }~ chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - mars 2014 page 15 une boucherie rue de Bien-Faire boucherie de la rue du Bien-faire. en 2013, il a vendu sa boucherie à un architecte de l'avenue coloniale qui en a fait une habitation moderne. andré habite maintenant dans un petit appartement au boulevard du souverain. yvonne était déjà en maison de repos et pour un homme seul, la maison était devenue trop grande et les charges et l'entretien, trop lourds à supporter. Armand DI MARtIneLLI P ropos sur l'ancienne boucherie qui se trouvait au 19, rue du Bien-faire. cette boucherie existait déjà en 1920. sur la première photo, on voit l'angle de la rue du Bien-faire et de la rue de la Montagne (rue des touristes). seule la présence de la bouchère qui pose sur le pas de la porte en robe blanche de travail, montre que la maison, à la façade étroite était déjà un commerce à cette époque. sur la deuxième photo, on voit que la façade a été modifiée. c'était en 1958. rien n'avait changé en presque quarante ans. L'ancien propriétaire était Monsieur Boets. il a vendu son commerce en 1958 à andré Van De Pitte c'est andré qui en 1958 a modernisé la boucherie. il a tenu son commerce jusqu'en 1993, jusqu'à l'âge de la retraite. Pendant 35 ans, andré et sa femme yvonne ont tenu la boucherie à eux deux. ils s'étaient mariés en 1952 et ont eu une fille qui est dans l'enseignement. andré a maintenant 85 ans et yvonne, 82. andré a d'abord travaillé pendant 13 ans comme boucher pour un patron à la chaussée de Boendael. il s'est mis à son compte et, à 30 ans, il a repris la en haut : carte postale ; Édition th. Bogaerts, wattermael - col. r. GartenBerG au milieu : photographie de la façade en août 2010, J-J. Van MoL Ci-dessus : andré et yvonne Van De Pitte photographie a. Di MartineLLi 31.12.1993 ¡ ¢£¤¥¦§¨¡ ¡ ©ª«¡ ¬ ¥®¯¬° ¬¥±®² ³ª«¡¬¥ chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - page 16 mars 2014 Entretien avec Philippe MOuthuy J e m’appelle MoUthUy Philippe, né le 11 août 1950 à Uccle. J’ai toujours habité watermael, mon père (décédé) était le Docteur MoUthUy, et ma mère Madame hUBLet, qui habite encore à la résidence avenue Léopold wiener. J’ai été à l’école de la sainte-famille, ma mère y a été aussi. Quand elle a été un peu plus grande, elle a travaillé dans la nursery à côté de l’école. J’ai bien sûr fait mes études primaires à l’école de la sainte-famille, mais après la 1ère et la 2ème tous les garçons devaient partir et devaient changer d’école. il n’y avait que les filles qui pouvaient rester. Mes souvenirs de cette école, c’était une rue sombre avec beaucoup d’arbres et c’est arrivé que je m’enfuie de l’école et je retournais chez moi, rue du Loutrier. c’est vrai que je trouvais les environs de cette école très sombres. comme élève, les souvenirs que j’ai de mon enfance font peut-être une différence avec la situation actuelle, car je n’étais pas tellement bien, c’était sombre et il n’y avait pas de vie, ce qui n’est plus le cas maintenant sur la matière, je me souviens bien de la religion : le catéchisme était pénible pour moi, j’aimais bien le calcul ; une chose dont je me souviens aussi , c’est le bricolage. Pour le bricolage, les garçons devaient faire quelque chose et les filles faisaient tricot ou couture. Les garçons ne faisaient pas ça, je m’en rappelle bien, et j’aurais voulu recommencer à trouver cela, j’ai même encore cherché sur internet pour savoir comment on faisait : nous devions faire une écharpe. Pour cela on avait une grande planche, allongée, avec des clous, et on devait passer un fil puis avec des grandes aiguilles on passait les fils dans l’autre sens et finalement cela formait une écharpe. c’était un peu un métier à tisser, mais cette méthode est devenue introuvable. Je pense qu’il y aurait moyen d’essayer soimême, mais cela m’a frappé parce que c’est quelque chose que j’aimais bien et qui était original. Je me rappelle aussi de ces tabliers noirs que l’on mettait : dès que l’on entrait on avait son tablier, puis on commençait par du catéchisme ou de la lecture de la Bible où il fallait apprendre des choses par cœur : ce n’était pas mon fort, qui était le calcul. Je me rappelle aussi d’un piano, que j’ai d’ailleurs retrouvé quand je suis rentré comme enseignant : il était toujours là. Un piano noir, des tabliers noirs ; il n’y avait évidemment pas de posters ou autres choses : les murs étaient comme sur les photos que l’on voit des anciennes écoles, il y avait des cartes, etc. Maintenant il y a un ordinateur, c’est tout différent. À un moment donné, on a fait gymnastique au cercle st-clément, dans la salle, ou au stade des trois tilleuls, dans la partie en face des terrains. Donc on devait se déplacer. Je me souviens des sœurs : il y avait entre autres sœur Marie-henri e et mère stanislas (la sœur supérieure) : ce sont elles qui s’occupaient de l’école, qui faisaient l’entretien. ces religieuses n’avaient rien à voir avec le couvent. c’est un autre ordre. elles étaient de Brakel, et elles n’ont rien à voir avec les religieuses du couvent (Les Dames de l'adoration perpétuelle, institut fondé par anna de Meeûs en 1857, devenues les religieuses de l'eucha- ristie en 1969, nDLr). hisciwab a publié un article sur l’histoire du couvent au début 2010. J’ai alors été à l’école saint-Joseph, qui se trouve près de l’église saint hubert. cette école a changé de nom et est devenue néerlandophone. J’ai passé deux ou trois ans à cette école que je n’aimais pas beaucoup. Mais j’ai retenu la thèse de certains professeurs qui m’ont donné envie de continuer. J’ai terminé mes primaires à saint-Joseph, puis j’ai fait des techniques. J’avais entamé des études techniques, c’était un peu familial. Mon père étant médecin, on a d’abord voulu que je fasse des latines, puis des modernes économiques – cela ne m’intéressait pas tellement non plus – et je me suis retrouvé en techniques. Pour moi, l’électricité ne m’intéressait pas non plus, c’était passager. on a voulu me faire tester l’informatique, j’avais de bons tests pour ça, mais l’enseignement qu’on me donnait ne me convenait pas. après cela, j’ai fait l’enseignement à saint-thomas, près de la gare du Midi. J’y ai obtenu mon diplôme d’instituteur et j’ai commencé à travailler. J'ai fait d’abord un an à saint-Joseph, et là on m’a demandé de venir enseigner à l’école de la sainte-famille, car à saint-Joseph j’avais des enfants dont les parents étaient dans le pouvoir organisateur de la sainte-famille. c’était le début de la mixité dans les écoles. il fallait donc commencer avec les enseignants aussi. c’est ainsi que j’ai été le premier instituteur masculin à l’école de la sainte famille. cela se passait en 1975-76. À partir de cette année-là, les garçons ont pu continuer au-delà de la deuxième année. il y a eu des garçons en 3ème, 4ème et ils pouvaient continuer jusqu’en 6ème. c’était l’enseignement primaire uniquement. Quand je suis arrivé il y avait une 1ère, une 2ème, une 3ème, une 4ème et les 5ème et 6ème étaient réunies. Plus tard, on a séparé la 5ème de la 6ème. il y avait donc 6 années, plus 3 maternelles. en première et deuxième il y avait beaucoup d’élèves, car on pouvait commencer la mixité. Ma première classe comptait 26 ou 27 enfants. c’est d’ailleurs la moyenne que j’ai eu ensuite. cette année-ci j’en ai 27. chose bizarre, il y a maintenant plus de garçons que de filles dans les classes. sur les 27 élèves, il doit y avoir à c’était ma première année à l’école de la sainte famille. ´µ¶·¸¹º»¼ ½¾¿ÀÁ¹ü ¼¸ ÄÅÆ¼ Ç ÀÈÉÊÈÇË ÇÀÌÉÍ ÎÅÆ¼ÇÏ chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - mars 2014 peu près 15 garçons et 12 filles, comme je l’ai dit il y a souvent plus de garçons que de filles. Lors de ma première année, les parents m’ont demandé de « remonter » avec ma classe, et j’ai donc donné cours deux ans à la même classe. J’avais commencé en 2ème année, et je suis remonté avec ma classe pour faire la 3ème année avec les mêmes élèves. J’avais demandé que la majorité des parents soit d’accord, sinon je n’aurais pas accepté, car je ne voulais pas avoir de conflit avec certains enfants ou parents. À ce moment-là, le Pouvoir organisateur était composé de Monsieur roMan, Monsieur Jonart (ou Jonin ?), Monsieur thieren. il n’y avait pas d’enseignants dans le Pouvoir organisateur, ce n’était que des parents d’élèves. cela n’a rien à voir ni avec le comité des Parents, ni avec celui des fêtes. L’école appartenait au couvent (des religieuses de l'eucharistie nDLr). Le Pouvoir organisateur devait lui payer un loyer, une certaine somme. cela a changé plus tard, quand le couvent s’est retiré. Dès ce moment, l’école est devenue « son seul maître », elle est devenue propriétaire des bâtiments. il y a eu ensuite une période de travaux, aux environs de 1993-94, où toutes les sœurs qui travaillaient dans l’école sont rentrées dans leur congrégation. À ce moment on a agrandi l’école, de la partie des sœurs on a fait un réfectoire et des classes. on a construit une salle de gymnastique dont auparavant l’école était dépourvue. La partie néerlandophone s’est agrandie aussi. il y a une section néerlandophone à côté. cette section représente entre le tiers et la moitié du nombre d’élèves de la section francophone. au point de vue discipline, on dit souvent que cela devient difficile ; c’est vrai, mais quand j’ai commencé j’ai eu des enfants très difficiles aussi. Pour moi, il n’y a pas de différence. Dans le passé, j’ai eu le cas d’enfants qu’il fallait empoigner pour les faire entrer en classe ; maintenant, cela ne se produit plus. Mais il y a plus de liberté, ils sont peut-être un peu plus bavards. Je me souviens que, quand j’étais petit, on devait se lever. il y avait une discipline qui était tout autre, qui était moins sympathique. Maintenant les enfants sont plus familiers. c’est peut-être un tort ? ils s’expriment plus, parfois il y en a même qui tutoient, c’est la vie qui évolue. Quand ils deviennent adolescents c’est différent, je n’aurais jamais voulu enseigner à des plus grands. J’ai de la chance, je suis toujours avec les plus petits et cela me convient. Je crois que les enfants aussi sont contents. J’ai des élèves de 6-7 ans, et ils utilisent déjà l’ordinateur, ils aiment bien. ce n’est pas pour cela qu’on travaille dessus, c’est plus pour présenter un sujet, par exemple la famille royale, je le fais sous forme de fichier pdf : c’est pour diffuser l’information et à certains moments, ils peuvent l’ouvrir, ce n’est pas pour jouer. ce n’est certainement pas pour aller sur internet, d’abord je ne sais pas y aller et je suis contre l’internet pour les enfants : l’ordinateur est pour eux synonyme de jeux. il y a bien longtemps, il y a eu une période où je donnais cours d’ordinateur, j’ai donné cours de photo aussi, et ils aimaient bien, mais c’était plus pour s’amuser. c’était les débuts, maintenant il n’y a plus de charme parce que toutes les photos sont numérisées ; avant je travaillais les photos… page 17 on utilise aussi l’ordinateur pour les anniversaires. il n’y a pas 27 ordinateurs, mais l’écran est assez grand, ils sont assis en classe derrière : ils peuvent se retourner, regarder, ou alors c’est en petits groupes, car j’ai maintenant la chance de travailler avec une collègue : elle prend parfois un demi-groupe, et au lieu de me retrouver avec 27 élèves, j’en ai 13. Je travaille aussi souvent avec ma collègue de première, en cycle. Le rôle de la religion, c’est comme ce que stipule le règlement de religion, c’est deux heures par semaine. c’est vrai que par rapport à ce qu’on avait avant, c’est peu – je regarde l’horaire de 1955 ou 56, il y avait tous les jours Bible, catéchisme, liturgie… ce n’est pas un prêtre qui donne religion, c’est le titulaire. a un certain moment, nous avons eu quelqu’un qui venait donner religion, Mme Dayez, cantineau. attention, il y a aussi la morale, au choix de chacun. Maintenant, on a de plus en plus de religions différentes : dans le passé dans l’école on avait plus souvent des enfants belges, mais maintenant cela s’ouvre sur toutes les nationalités et toutes les religions, mais nous sommes obligés de prévoir la religion catholique, car l’établissement se revendique de la religion catholique. Pour la gymnastique, au début les titulaires devaient eux-mêmes donner le cours de gymnastique, maintenant nous avons un professeur de gymnastique et nous avons un grand local pour ce cours. au point de vue vestimentaire, quand je suis revenu enseigner, les enfants étaient habillés en bleu. il y avait un uniforme. ce n’est que depuis 5 ou 6 ans qu’on a arrêté l’uniforme. on l’a abandonné, parce que le bleu posait problème : il y avait trop de variantes de bleu et certains ne respectaient pas l’uniforme ; il y avait des enseignants et des parents qui étaient contre, et finalement on a changé. Quand j’ai commencé, c’était « col et cravate », maintenant je ne suis plus en col et cravate. c’est comme le tablier : avant le professeur mettait un tablier, mais je ne me rappelle pas en avoir mis. Ma fille est enseignante également, et elle est dans une école près de la place fernand cocq où il y a aussi beaucoup de musulmans. Je crois que maintenant, cela devient un peu toutes les nationalités. il y a des allemands, des Marocains, des africains. Le château Les tourelles Ma grand-mère habitait le château des tourelles rue du Loutrier. J’adorais cette propriété qui était assez grande. elle a été reprise par La Clairière. Les jardins étaient magnifiques : il y avait des plantes, des fleurs, des fruits à volonté. Parfois même le matin, on allait ramasser les noix. La maison elle-même était pleine de pièces, et j’adorais aller me balader dedans. J’ai beaucoup de souvenirs de ce château. en bas, au sous-sol, il y avait une espèce de pont qui permettait de passer des deux côtés du château. il y avait là un peu de tout, de vieux machins, et comme j’aime ce qui est ancien, j’aimais y aller. au-dessous, il y avait beaucoup de mansardes et tout au bout dans le toit, il y avait une espèce de petite cour et quand on la traversait, on arrivait à une autre petite mansarde un peu plus loin. c’était donc ÐÑÒÓÔÕÖר ÙÚÛÜÝÞÕߨ ØÔ àáâØ ã Üäåæäãç ãÜèåé êáâØãë chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - page 18 mars 2014 une espèce de terrasse à l’air libre, mais personne n’y al- pièces. et en plus,… elle faisait de bonnes confitures ! lait. Moi j’y allais parfois pour voir les tourelles : c’est Je n’ai malheureusement aucune photo de l’intérieur de là que vient le nom de la villa. ces tourelles étaient de la maison. Je l’ai regretté, mais j’ai évidemment les des espèces de grenier. il y avait aussi des espèces de pe- photos dans la tête. À l’étage, au-dessus, il y avait une tites tourelles où il y avait d’ailleurs une salle de jeux, pièce à droite si je me souviens bien, où l’on conservait mais c’était très petit. L’une ne faisait qu’un mètre cin- les fruits. il y avait une salle de bains, une chambre, puis quante de diamètre. J’aimais bien ce château, et comme un couloir avec des petites chambrettes. il y avait aussi nous habitions juste à côté, on pouvait assez facilement une espèce de grand placard où elle conservait ses pots aller profiter du jardin, du tennis (parce qu’il y avait aussi de confiture. elle avait 8 enfants, il fallait les loger… un tennis) à la place du grand bâtiment qui a été construit c’est une famille un peu française : ils sont venus en Belpour La clairière. en bas, il y avait la cuisine, au rez-de- gique mais ma grand-mère était française. chaussée il y avait un petit hall, un grand hall, une petite cuisine avec un passe-plats, une grande salle à manger, un petit salon qui donnait sur le balcon, la terrasse, et il y avait un grand salon chinois. on l’appelait ainsi à cause des meubles chinois qu’il contenait. c’est là qu’on se réunissait tous lors des fêtes. Les plafonds étaient très hauts, donc on pouvait y mettre un grand sapin à noël. La famille était très nombreuse : chez ma mère ils étaient 8 enfants, cela faisait du monde. Étant donné que j’habitais tout près, quand nous étions un peu plus grands nous pouvions décorer le sapin, mais à l’époque c’était un sapin avec des bougies évidemment : on aimait bien les allumer avec un grand bâton avec une bougie allumée, et ensuite on pouvait les éteindre avec un petit capuchon. Quel risque… on en était fier. J’aimais bien aussi me balader au-dessus, car quand ma réunion de famille au château des tourelles. grand-mère est devenue plus âgée il a fallu la veiller, mais comme nous étions à côté, on venait et parfois elle me disait : entertien enregistré le 12 février 2013 à watermael « écoute, tu peux aller faire un petit tour par Jean-Jacques Van MoL » : j’aimais me balader et visiter les transcription Daniel BocKstaL Entretien avec Louis SChattEMan L ouis schatteman, alerte nonagénaire doté d'une mémoire sans faille, nous a ouvert son tiroir aux souvenirs et parmi ceux-ci, trois périodes marquantes de sa vie. « Je m'appelle Louis schatteMan. Je porte le prénom de mon grand-père qui était aussi mon parrain. il était originaire de Destelbergen près de Gand . « Mes parents se sont mariés à Moorsel près d'alost. Ma maman était en service au château de Moorsel. Mes parents ont eu trois enfants. Mon frère aîné est né à Moorsel le 24 février 1918, la dernière année de la grande guerre. Ma grand-mère l'a élevé. Mais mes parents ont dû quitter Moorsel et sont venus se fixer à etterbeek. c'est là que je suis né, le 5 octobre 1920, au 294 de la chaussée d'etterbeek. Ma soeur y est née le 7 février 1924. « Mon père n'avait pas de diplôme. a cette époque-là, les enfants quittaient l'école vers 11 ans. il est allé travailler « au tram ». il a été engagé comme receveur aux tram- ways bruxellois ; il dépendait du dépôt d'ixelles. À la naissance de ma soeur, l'appartement qu'ils occupaient était devenu trop petit. ils ont dû déménager et ont acheté la maison du 32, heiligenborre, propriété de mon neveu Jacques hoyaUX actuellement. c'était au printemps 1924. Je me souviens encore de la découverte du jardin fleuri. J'ai grandi à Boitsfort. Mon frère et moi, avons fréquenté l'école saint-Joseph. Je suis resté à l'école à Boitsfort jusqu'à mes 14 ans. ensuite, on m'a envoyé à Don Bosco à woluwé. J'étais doué pour la technique. À douze ans, j'avais monté un vélo à partir de pièces que je m'étais procurées dans le quartier. et je me suis mis à rouler à vélo un peu partout dans la région et en forêt de soignes. en 1937, ma mère est décédée. c'était une catastrophe. Ma soeur avait treize ans et mon père travaillait souvent le soir. on était livrés à nous-mêmes. c'était difficile. La misère en somme. Je suis resté à Don Bosco jusqu'en 1937-1938. J'ai obtenu un diplôme d'électro-mécanicien spécialisé dans les ìíîïðñòóô õö÷øùúñûô ôð üýþô ÿ ø ÿ ÿø ýþôÿ chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - mars 2014 machines outils. Grâce à un de mes professeurs, j'ai trouvé du travail chez VInCent & fILs, une firme que je n'ai pratiquement jamais quittée. J'ai été engagé le 2 janvier 1939. entretemps, mon frère est parti au service militaire. Ma soeur s'est mariée à 18 ans. comme je suis né en 1920, j’ai été appelé pour éffectuer mon service militaire le 11 mars 1940, deux mois avant l'invasion de la Belgique. où est donc passé mon régiment ? J'aurais dû être incorporé le 15 mai, mais voulant être affecté à l'aviation comme mécanicien, j'ai devancé l'appel et passé un examen. Je l'ai réussi et j'ai été retenu comme électro-mécanicien à l'aviation. Je suis resté à zellik pendant deux mois et le 8 mai, on nous a déménagés à evere, pas sur la plaine, mais dans une salle de danse. c'était la mobilisation et il n'y avait pas assez de place pour tout le monde. Le lendemain, on nous a réveillés à trois heures du matin et on nous a annoncé que les congés étaient rétablis. Mais c'était tout autre chose qui s'est produit. Le 10 mai, on est montés dans des camions avec des remorques remplies de petites bombes que les aviateurs jetaient par dessus bord. Direction haecht, sur une route en pavés. Voilà qu'on est victimes d'une crevaison. il fallait réparer et on a pris du retard. entretemps, les avions allemands ont commencé à attaquer. c'étaient les stukas. Le capitaine-aviateur qui nous accompagnait nous a dit : « cette fois-ci, c'est sérieux ! ». Les bombes explosaient à proximité. on a eu de la chance. on l'a échappé belle. on s'est arrêtés vers 8 heures du matin sur une position improvisée, une petite place à neerwinden, au sud-est de tirlemont. Le capitaine était déjà « liquidé », victime d'une rafale de mitrailleuse allemande au retour d'un vol de reconnaissance. Le soir, arrivé tardivement au cantonnement, je n'avais pas reçu d'armement. Un camarade m'a prêté son fusil et je suis allé monter la garde à l'entrée d'un verger où il y avait deux avions camouflés. Le samedi suivant, à quatre heures du matin, j'étais de nouveau de garde. arrivent deux aviateurs venus prendre possession des avions. ils me demandent ce que je fais encore là, alors que tous les autres sont déjà partis. Je rentre vite au cantonnement. il n'y avait plus personne. J'ai pris mon sac et je suis allé à la gare qui n'était pas loin. J'y ai retrouvé des mitrailleurs qui arrivaient avec leur armement qui datait de 14-18. on est montés sur un train, mais il ne bougeait pas. on nous a dit que Louvain était bombardée et que le train ne pouvait pas passer. a la fin de la journée, on s'est demandé ce qu'on allait faire. on est allés vers la chaussée proche où il y avait un mouvement de charrettes, de véhicules de toutes sortes et de convois militaires. Je suis monté dans un fourgon et j'ai roupillé sous la bâche. Le lendemain, je me suis réveillé à woluwé, au dépôt du tram. J'ai pris le tram pour rentrer à la maison pour manger parce que je n'avais rien avalé depuis deux jours. J'ai mangé et j'ai dormi. L'après-midi, je me suis mis à la recherche de mon régiment. Je ne savais pas où ils étaient et personne n'avait pu me renseigner au cantonnement. Je suis allé à la gen- page 19 darmerie, mais ils ne savaient rien. ils m' ont envoyé à Grimbergen, là où on pourrait me renseigner. Je suis parti à la gare du nord où j'ai pris le tram pour Grimbergen. Là, j'ai trouvé quelqu'un qui pouvait me renseigner. il m'a envoyé à zaventem. retour à Bruxelles nord et en route pour zaventem. comme il était tard le soir, j'ai cherché un endroit pour passer la nuit. Le lendemain, on m'a dit d'aller à Maldegem au-delà de Gand. De nouveau un tram vers la gare du nord où j'ai pris le tram pour alost. a alost, un policier a arrêté une voiture et a demandé à la conductrice qui partait vers Gand de m'y conduire avec un autre militaire rencontré sur le tram et qui cherchait à se rendre à Gand. À la gare de Gand saint-Pierre, on m'a envoyé à la gare de triage de saint-Denis-westrem ; je suis monté dans un train de marchandises sans savoir quand il partirait. Je voyais tout le charroi qui passait sur la route, mais le train, lui, ne bougeait pas. J'ai dit « flûte » et j'ai demandé à un camionneur s'il pouvait m'emmener à Maldegem où se trouvait le Quartier Général. J'y suis arrivé en pleine nuit. on m'a informé de ce que mon régiment avait fait mouvement et qu'il était parti pour tours en france. Pour le rejoindre, il fallait passer par la côte jusqu'à Dunkerque. Quittant Maldegem, j'ai marché et fait du stop jusqu'à Bruges où j'ai passé la nuit dans un abri de fortune, un bâtiment qui avait été bombardé et dont tous les carreaux étaient cassés. Le lendemain matin, je me suis mis en route vers la côte. a ostende, un monsieur m'a demandé où je voulais aller et il m'a emmené à Dunkerque en longeant la côte. Je suis arrivé le soir dans une caserne française à Dunkerque. J'ai pu y manger et y passer la nuit. Le lendemain matin, on m'a conseillé de prendre un train jusqu'à Lille parce qu'il n'y avait pas de liaison entre Dunkerque et Paris. a Lille, j'ai pris un train pour Paris Je n'avais jamais été en france ni aussi loin de chez moi. J'ai pris le train vers la gare du nord à Paris, mais il fallait aller à la gare d'austerlitz prendre un autre train pour Bordeaux. il fallait changer de train en cours de route et ne pas rater la gare de correspondance. J'ai demandé et redemandé comment faire ! en fin de compte, je me suis installé dans le couloir pour pouvoir dormir, mais je n'avais rien à manger. en pleine nuit, on m'a fait descendre dans une petite gare et j'ai pris un autre train pour la gare de tours. Là, il y avait un accueil improvisé dans un hangar où un militaire belge m'a demandé de quel régiment j'étais. Le lendemain matin, on est venu me chercher et on m'a conduit au cantonnement à quelques kilomètres de là. J'ai dû y patienter huit jours avant de retrouver mes camarades parce qu'ils étaient partis construire des baraquements pour les réfugiés. au bout de huit jours, ils sont revenus et on est partis vers la plaine d'aviation de saint-symphorien, le long de la route d'orléans. il y avait d'un côté de la route la plaine d'aviation et de l'autre, la caserne. on y a effectué un service de garde de jour pour l'armée française. La nuit, on pouvait aller dormir à la caserne, mais pendant les trois semaines où on est restés là-bas, on n'y est jamais allés. tous les soirs, il y avait des alertes et on s'installait dans les fossés avec nos casques et notre équipement. au bout de près ! chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - page 20 de trois semaines, comme la Belgique avait déposé les armes, les français ne prenaient plus aucune responsabilité vis-à-vis de nous. on ne pouvait plus travailler pour eux. on a plié bagages et reculé vers le sud. on a logé dans les dépendances d'un vieux château et on y est restés une bonne semaine. ensuite, on est allés encore plus au sud, à 25 kilomètres de toulouse, à Pompignan. on s'y est fixés, en déménageant de temps à autre. Le commandant du régiment n'avait rien pour nous et pour manger, on devait se débrouiller. on recevait un franc de solde, mais il n'avait pas l'argent pour nous payer. on ne savait rien acheter et c'était un petit patelin de rien du tout. certains sont allés travailler chez des paysans et faisaient 10 kilomètres à pied pour y arriver. il n'y avait pas de sanitaires non plus. on est restés là jusqu'au 15 août et, ce soir-là, on est arrivés avec notre charroi à Bordeaux qui était occupée par les allemands. on a pris le train et on a roulé jusqu'à une grande gare de triage où on a été ravitaillés par les allemands. on a encore roulé toute une nuit et au petit matin, à mon réveil, j'ai vu que nous arrivions dans une gare que je connaissais, avec des escaliers de part et d'autre des voies. c'était la gare d'etterbeek. Le train roulait encore doucement. sans hésiter, j'ai sauté du train et monté les escaliers. c'était le matin très tôt et il n'y avait presque personne. au coin du boulevard Général Jacques et de l'avenue de la couronne, je me suis dissimulé derrière un petit sapin et j'ai attendu qu'un tram passe. J'ai pris le tram, toujours en tenue militaire. À sept heures du matin, j'étais à la maison. Pendant et après la guerre Pendant la guerre, j'ai travaillé chez VInCent sur des fraiseuses et des tours comme tourneur. À la libération, j'ai été pendant un an à la gendarmerie parce qu'il n'y avait pas de travail à ce momentlà chez VInCent. J'étais engagé comme supplétif. Je faisais du travail de bureau et dans la matinée, j'étais de service au Palais de Justice. J'avais un brassard blanc avec « gendarmerie ». on allait à la prison de saintGilles prendre possession des détenus. on les amenais au Palais de Justice par la petite rue en mars 2014 pente à l'arrière. Je me mettais toujours derrière pour éviter de prendre des coups de pied. on conduisait les détenus à la chambre où ils devaient être jugés. ensuite, quand les activités économiques ont repris, je suis retourné chez VInCent. De cette époque d'après-guerre, je me souviens de la kermesse du coin du Balai et des bagarres avec des jeunes qui venaient d'overijse. Parmi les habitants, je connaissais surtout ceux qui travaillaient au tram et leurs fils, comme Van PariJs qui habitait de l'autre côté du heiligenborre et Guns qui travaillait aux aiguillages. Leur fils henri qui avait trois ans de moins que moi avait fait les arts et Métiers . c'était mon meilleur ami. sa mère et son père ont été gentils pour moi quand mon père s'est remarié. cette période a été dure pour moi. ils ont accepté de me recevoir parce qu'à ce moment-là, j'ai dû quitter la maison paternelle car mon père en avait repris la pleine propriété. il voulait que je m'en aille et me proposait de me racheter ma part d'héritage de ma mère, soit 16.000 francs. J'ai refusé, mais je n'avais plus de chez moi. J'ai logé pendant deux ans près de chez ma soeur. Je n'avais pas beaucoup d'argent. J'ai toujours travaillé et remis mon salaire intégralement. J'ai quitté la maison en 1947. Le soir, j'allais manger chez ma soeur, ce n'était pas tellement loin. Pendant deux ans, j'ai logé dans une mansarde. J'ai épargné et j'ai eu assez d'argent pour m'acheter des meubles. Je sortais très souvent avec henri et j'allais chez ses parents. en 1949, ils m'ont dit qu'il y avait un appartement de deux pièces pour moi rue eigenhuis. c'était au n°13. J'y ai vécu jusqu'en 1962. J'y ai donc passé une bonne partie de ma vie. Louis schatteMan (à g.) Louis aMerycKX, départ de la rue Middelbourg. collection Louis schatteMan "#$%&'()* +,-./0'1* *& 234* 5 .678659 5.:7; <34*-5 chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - mars 2014 en ce qui concerne les loisirs, il y avait surtout les courses cyclistes. a ce moment-là, le vélodrome de schaerbeek existait toujours. J'allais à l'hippodrome pour y jouer au football, pas pour voir les courses de chevaux. Le dimanche, on allait sur la plaine d'aviation d'evere avec une autorisation spéciale pour faire voler des petits avions. nous allions parfois au cinéma à Bruxelles. on se déplaçait toujours en tram. Le soir, on terminait le travail à cinq heures et on revenait ensemble ou on roulait à vélo. Quand j'allais dans ma famille, c'était en train, en tram ou à vélo. à l'instar des «rois de la montagne» henri m'avait dit qu'il aimerait bien voir la suisse. nous avons préparé un voyage. on prendrait le train jusqu'en suisse et puis on ferait le tour du pays à vélo. page 21 henri est retourné sur les chemins de nos exploits, mais en train. il m'a envoyé une carte postale disant « Quarante ans après l'ascension du saint-Gothard, salut ! » ensuite, je suis parti avec Louis amerijckx qui habitait à côté de la pharmacie Goreux. en 1949, il avait fait seul 1800 kilomètres en autriche. il m'a demandé de l'accompagner l'année suivante. J'ai acheté un meilleur vélo conçu à Moorsel, le patelin de ma mère. il avait de meilleurs freins et huit vitesses. Un double plateau devant et derrière, 4 pignons. Pour la montagne, il offrait un meilleur développement et il ne se soulevait pas quand on dépassait les 10 pour-cents. en 1950, on a débarqué à la frontière autrichienne, près du Liechtenstein et de là, on est arrivés à Garmisch-Partenkirchen en allemagne. amerijckx aurait voulu voir le Jeu de la Passion qui se déroulait tous les dix ans à oberammergau. Pour assister au spectacle, il fallait loger dans un hôtel. c'étaient les hôteliers qui vendaient les places. on ne voulait pas loger dans un hôtel. on a risqué le coup. on a planté la tente à proximité des pistes de ski et on est montés vers oberammergau, soit 18 kilomètres de grimpée. a l'arrivée, on a prétendu qu'il n'y avait pas de place à l'hôtel mais cela n'a pas marché. on est allés à la zugspitze, le point culminant de l'allemagne, à 2960 mètres, à la frontière autrichienne, par le petit train à crémaillère. amerijckx connaissait l'endroit car, né en 1921, il avait dû faire son service militaire après la guerre et il avait été appelé par les américains. il était venu dans cette région avec les soldats américains. Pour payer le train, on avait amené un kilo de café qu'on a vendu pour 400 francs. on est redescendus avec le train. on avait laissé nos vélos en bas et on les y a retrouvés quand on est revenus le soir. Un bel exemple d'honnêteté ! on est partis ensuite vers innsbruck. on a franchi le Brenner et de là, on est passés par le Val d'aoste. Pour ce premier voyage, en 1949, on a pris le train jusque Lucerne. on est passés par Küssnacht, où est morte la reine astrid, puis par san Léonardo et san Bernardino. La route était effondrée à certains endroits. on est passés à côté de trous béants puis on est descendus vers Lugano et Locarno. on a eu de la neige dans les cols. chez VInCent, j'avais quinze jours de congés payés au mois de juillet. c'est pour cela qu'on faisait une partie du voyage en train. il ne fallait pas compter sur les trains internationaux. on partait le vendredi soir par le train de 18 heures dix de la gare du Midi. on faisait enregistrer nos bagages et on montait dans notre compartiment. Vers cinq à six heures du matin, on arrivait à Bâle. on prenait le train suisse pour aller à Lucerne. cela allait vite car le réseau était déjà électrifié alors qu'ici, c'était encore la vapeur. De là, on randonnait à vélo. on a franchi le saint-Gothard. on est passés par le susten pass. on campait souvent chez les gens, dans leurs jardins. suivant la difficulté de l'étape, on partait à six heures et on roulait le plus loin possible. a l'étape, on achetait de quoi manger ou, si ce n'était pas possible, on cherchait un petit restaurant. selon les endroits, on faisait un bon repas le midi ou le soir. on était lourdement chargés : la tente canadienne à double toit, le tapis de sol, les matelas pneumatiques en caoutchouc à l'époque, les sacs de couchage, des vêtements de rechange, une grosse veste, une bâche, etc. Mon premier vélo était un christiaens fabriqué à Boitsfort au Kattenberg. il avait des freins anglais. Dans les fortes montées à 10 pour-cents et plus, il fallait faire attention car la roue avant se soulevait. c'était le premier voyage, le seul que j'ai pu faire avec Louis aMerycKX devant magasin de vélo coin ch de la hulpe et Kattenberg en 1949 henri. en 1989, mon ami Photographies, collection L. schatteman =>?@ABCDE FGHIJKBLE EA MNOE P IQRSQPT PIURV WNOEHH chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - page 22 mars 2014 Pour les voyages suivants, en 1953 et 1954, on avait des congés un peu plus longs et on a allongé nos parcours. en 1953, on a roulé en autriche, en suisse et en italie. en 1954, c'était surtout la france avec les montées des cols rendus célèbres par le tour de france, comme l'iseran, le Galibier ou l'isoard. on est passés en suisse et on a « fait » le Grand-saintBernard. À cette époque-là, c'étaient de belles expéditions. enregistrement : JP CARPentIeR et JP Huts transcription : JP CARPentIeR Le n°32 de heiligenborre Photographie de J. hoyaUX 2014 L’autre panorama du « Fer-à-cheval » en 1927 : n os « chroniques n°25 » étaient illustrées de graphe (et sans doute le même jour !) photographia 2 photos panoramiques prises depuis la tour l’autre versant de ce panorama, le côté du « Logis » wauters (le « fer-à-cheval » du floréal) en en cours de construction. 1927 et vers le watermaelbeek. Le même photo- Photographie n°1. XYZ[\]^_` abcdef]g` `\ hij` k dlmnlko kdpmq rij`cn chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - mars 2014 sur la photo de la page de gauche, on distingue au premier plan une partie du square de la frégate d’où s’éloigne l’avenue du ramier seulement construite sur son côté gauche, et remontant vers la droite jusqu’à une façade alvéolée qui doit être l’arrière du sanatorium installé en cet endroit. sur la gauche du cliché, la rue du Loriot et la rue du friquet sont en cours d’urbanisation et, à travers une large zone inconstruite, rejoignent les ébauches de la rue de la hulotte et de l’avenue du Daim. Plus loin, on distingue l’arrière des maisons de la rue de la herse et, dans la forêt, la silhouette du château Morel, « la héronnière » reconstruite en 1925 après son incendie de 1923. en haut, à droite, la trouée de la rue Middelbourg dans la forêt rejoint la vallée des étangs de Boitsfort. continuant le panorama juste à droite de la photo précédente, ci-dessous, on remarque que seule une partie de la rue de l’autruche et les 2 maisons de la rue de la sarcelle sont édifiées. Dans le coin inférieur droit, le carré de la place du colibri est déjà dessiné par l’urbaniste, et même page 23 planté de ses arbres. cette place précède une large surface agricole, qui fut encore récemment cultivée en champ de blé, toujours inconstruite à ce jour, et qui reste une des dernières réserves d’habitat de la commune. au-delà, tout le plateau entre avenue des cailles, Berensheide et avenue Vanderswaelmen est vide de construction. La présence d’une briquetterie illustre que l’argile locale servit à la confection sur place des briques pour la construction du Logis. La silhouette des trois tilleuls se distingue près du centre-droit de la ligne d’horizon et, un peu plus à droite, les grands arbres entourant la villa-Keym, avenue wiener. Plus vers la gauche, l’église st hubert n’a pas encore sa tour néogothique et, un peu en avant de celleci, on aperçoit une grosse villa blanche qui occupe toujours la colline entre la rue des Garennes et la rue des 3 tilleuls. Les deux documents proviennent de la collection de solange et Jules nyns. Henri CeuPPens Photographie n°2. stuvwxyz{ |}~x{ {w { {~ chroniques de watermael-Boitsfort n°26 - page 24 anthurium watermaelensis Dans notre édition de septembre des Chroniques, nous évoquions l’existence des serres à orchidées situées avenue de Visé à watermael. a ce propos, J-P hUts faisait remarquer qu’une nouvelle espèce d’Anthurium à fleurs noires avait été obtenue dans ces serres. Un de nos membres, fleuriste, Dominique Bion, nous a communiqué un article du professeur BasteLeUs qui nous fournit quelques précisions sur cette espèce. L’avènement au XiXe siècle de telles entreprise horticoles a été favorisé par l’engouement pour des vérandas et des serres dans les secondes résidences que la bourgeoisie bruxelloise se faisait construire dans les faubourgs de la ville. Les plantes ornementales, telles que les orchidées, palmiers, ... et les Anthuriums connaissaient un succès considérable pour les meubler. ces plantes, orchidées en particulier, atteignaient une valeur marchande considérable. cet essor horticole était entretenu par les expéditions de récolte de nouvelles variétés dans les régions tropicales d’où ces plantes étaient originaires. La découverte récente des lois de l’hybridation par Gregor MenDeL (1822-1881) n’était sans doute pas étrangère à cet essor. Anthurium watermaelensis est une variété horticole d’Anthurium à fleur noire ! cette couleur est inhabituelle pour une fleur, dont le rôle est d’attirer les animaux, principalement des insectes, pour assurer leur pollinisation. Le jaune, le rouge, le blanc et le bleu sont les principales couleurs attractives. Dans le cas présent, il existe plusieurs espèces d’Aracées, famille dont fait partie le genre Anthurium, dont le spathe est de couleur noire, en réalité pourpre très foncé. cette famille, à laquelle appartient notre Arum com- mars 2014 mun, possède une fleur dont les particularités anatomiques méritent quelques explications. Le fleur des Aracées est en fait un piège à mouches (Diptères) dont la conformation est très particulière. elle se compose d’une tige charnue verticale, appelée spadice, sur laquelle sont insérées les fleurs qui sont minuscules, portant à sa base une spathe souvent vivement colorée chez quelques espèces. Le nom Anthurium dérive du grec : anthos, fleur, et oura, queue. Les premiers plants d’Anthurium qui ont été importés en europe au milieu du XiXe siècle provenaient du costa rica. Leurs fleurs ont attiré l’attention des horticulteurs par la coloration écarlate particulièrement brillante de leur spathe qui n’était cependant que peu développée. en les multipliant, les obtenteurs s’efforcèrent d’obtenir un accroissement de sa taille. Parmi les espèces introduites sur notre continent, les pépiniéristes Lanthoine et DUchesnes établis avenue de Visé à watermael obtinrent une espèce à spathe noire qu’ils nommèrent Anthurium watermaelensis. fleur d’Anthurium Une publication de HISCIWAB Président : Jean-Jacques VAN Mol 6 avenue Marie Clotilde - 1170 Bruxelles [email protected] Secrétaire : Jean-Pierre CArPeNtIer 42 avenue des Noisetiers - 1170 Bruxelles [email protected] Trésorier : Geneviève Dieu 68 Clos des Chênes - 1170 Bruxelles [email protected] Cotisation annuelle : 10 Euros à verser au compte n°Be47 6528 2172 5680 La photo serait prise dans la descente de l'actuelle avenue de ter coigne. Le massif boisé au fond à droite laisse apparaître les toitures de la villa de l'avenue thomson et on voit à l'extrême-droite au fond le pont du chemin de fer de l'avenue de Visé. La gauche de la photo montre donc dans l'axe la vallée qui va vers la place Keym avec la rue des Bégonias et on devine au fond, juste à gauche du massif boisé, Christian VAnDeRMotten une maison de la rue du roitelet. D’autres réactions confirment cette hypothèse: La vue aurait été prise du haut de l'avenue ter coigne. Vu le point de vue, je dirais même que le photographe devait se situer un peu plus haut, là où actuellement il y a un parking de dissuasion et un terminus des bus de la stiB, au-dessus du bout d'autoroute "de pénétration" où les voitures font un beau lacet vers namur ! Henri CeuPPens Dépôt légal : BD 48699 Publié avec le soutien de la Commission communautaire française du Ministère de la Fédération WallonieBruxelles et de la Commune de Watermael-Boitsfort En collaboration avec l’espace Mémoire Prix de vente à l’exemplaire 3,5 euros