fréquence spatiale-spécifique
Transcription
fréquence spatiale-spécifique
Article original Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2012 ; 10 (4) : 453-62 Vieillissement de la catégorisation visuelle d’objet : interaction entre un déficit « fréquence spatiale-spécifique » et un déficit « catégorie-spécifique » Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Aging of visual object recognition: interaction between a “spatial frequency-specific” deficit and a “category-specific” deficit Pierre Bordaberry Quentin Lenoble Sandrine Delord Laboratoire de psychologie (EA 4139), Université de Bordeaux, France <[email protected]> Tirés à part : P. Bordaberry Résumé. L’objectif était d’étudier le vieillissement de la catégorisation d’objet en manipulant le contenu en fréquences spatiales (FS) de photographies d’objets et leur catégorie. Trente jeunes (m = 22) et 24 adultes matures (m = 57) devaient catégoriser 120 photos d’objets (animaux/outils) présentées pendant 200 ms chacune, dans l’une des trois versions de filtrage : normale (sans filtrage), aucun filtrage passe-bande (filtre gaussien isolant les FS moyennes et élevées) ou passe-bas (isolant les FS basses). Les résultats ont montré l’implication préférentielle de la gamme de FS moyennes et élevées dans cette tâche et ont mis en évidence un déficit massif du traitement de cette gamme chez les participants matures, ce qui générait pour ce groupe un déficit catégorie-spécifique envers les outils, dont la faible similarité intra-catégorie des items rend le codage de ces informations spectrales particulièrement crucial. Une détérioration de la catégorisation avec l’âge a également été observée pour les FS basses, spécifiquement pour les animaux. Cette interaction entre le déficit FS-spécifique avec l’âge et la catégorie est discutée en fonction des informations de FS nécessaires à la tâche et des caractéristiques des deux catégories. Mots clés : vieillissement, vision, catégorisation Abstract. The study investigated the aging of object categorization manipulating the spatial frequency (SF) content in photographs of object and the object category. Thirty young (m = 22 years old) and 24 mature adults (m = 57 years old) categorized 120 items (animals/tools) presented for 200 ms each, in one of three versions: a normal version (no filter), a band-pass filtered version (medium to high SF) and a low-pass filtered version (low SF). Results showed that this categorization task relied mainly on the medium to high SF band and that the mature group had a large impairment on that band. This impairment resulted for this group in a category-specific deficit toward the tools, for which the weak intra-category similarity in the items requires that SF range to be processed. An impairment of performance with increasing age was also found for the low SF band, specifically for animals. This interaction between the SF-specific deficit with age and the category is discussed according to the relevance of SF band for the task and to the characteristics of the two categories. doi:10.1684/pnv.2012.0369 Key words: aging, vision, categorisation L’ étude de l’effet du vieillissement normal sur les processus visuels a montré que certains processus étaient préservés alors que d’autres montraient une involution plus ou moins tardive avec l’avancée en âge [1]. Plusieurs études ont en outre observé une relation entre les déficits visuels liés à l’âge et des difficultés d’adaptation dans des tâches de la vie quotidienne [2, 3] ou, par exemple, en conduite automobile [4, 5]. Les travaux portant sur le vieillissement du système visuel humain ont rapporté que les modifications concernaient aussi bien les niveaux ophtalmologique, neurophysiologique ou comportemental [1, 6-9]. En plus des modifications ophtalmologiques (changements de la cornée, du cristallin, et de l’humeur vitrée, voir Salvi et al. [7] pour une revue), qui affectent la qualité de l’information disponible pour les traitements visuels, Pour citer cet article : Bordaberry P, Lenoble Q, Delord S. Vieillissement de la catégorisation visuelle d’objet : interaction entre un déficit « fréquence spatiale-spécifique » et un déficit « catégorie-spécifique ». Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2012; 10(4) :453-62 doi:10.1684/pnv.2012.0369 453 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. P. Bordaberry, et al. des modifications anatomiques et neurophysiologiques ont été observées dans les premières structures nerveuses visuelles. Dans la rétine, une diminution du nombre des photorécepteurs et des cellules ganglionnaires a été mise en évidence [10, 11], ainsi qu’une réorganisation neuronale [12]. Concernant l’aire visuelle primaire, la sélectivité des cellules corticales dans V1 se détériore avec l’âge, sur le codage de la fréquence spatiale (FS) ou de l’orientation (chez le singe : [13, 14] ; chez le chat : [15]). Il a notamment été montré que la FS critique des cellules diminuait (i.e. il y avait une perte du codage des FS élevées) et que la largeur des courbes d’accord augmentait (i.e. la sélectivité de l’ensemble des cellules diminuait). Bien que certaines modifications du substrat n’aient pas toujours de conséquences comportementales directes (e.g. concernant la diminution de la sélectivité à la FS avec l’âge [16]), un grand nombre de tâches visuelles deviennent déficitaires avec l’avancée en âge. L’acuité visuelle commence à diminuer dès 35 ans chez l’adulte pour ensuite chuter de façon plus importante à partir de 50 ans [17, 18]. Les capacités spatio-temporelles se détériorent avec l’âge [19] ainsi que la discrimination de la direction du mouvement [20], la détection des contours [21] et la perception de la forme [22]. Une perte de la discrimination des couleurs se manifeste également sur l’axe bleu [23]. Ainsi, le vieillissement du système visuel a suscité un nombre important d’études neurophysiologiques ou psychophysiques depuis une cinquantaine d’années qui ont montré l’involution de certaines compétences visuelles élémentaires avec l’âge. Ces recherches ont, plus récemment, été interprétées dans le cadre de la dissociation entre les deux principaux sous-systèmes visuels, le système « magnocellulaire » et le système « parvocellulaire » (e.g. [24, 25]). Ces deux sous-systèmes (dont le nom vient des cellules qui les sous-tendent) ont des propriétés spatiotemporelles différentes, ce qui permet de les dissocier expérimentalement. Le système magnocellulaire répond rapidement, a un fort gain de contraste, répond aux FS basses et code le mouvement mais pas la couleur, alors que le système parvocellulaire a un faible gain de contraste, répond plus lentement aux FS élevées et code la couleur. Le système parvocellulaire est ainsi critique dans la perception détaillée d’un stimulus alors que le système magnocellulaire véhicule la forme globale [26, 27]. Si les atteintes des traitements visuels précoces avec l’avancée en âge ont été assez étudiées, les conséquences de ces déficits sur les traitements cognitifs visuels plus tardifs sont encore peu explorées. L’objectif de cette étude était donc d’investiguer les déficits liés à l’âge dans la catégorisation de photographies d’objets (animaux et outils) en dissociant deux dimensions basiques de la forme : les informations de FS basses véhiculant la forme globale de l’image et les FS élevées véhiculant les détails de la forme. Ces deux types d’information sont traités par des systèmes neuronaux distincts dès les premières étapes visuelles [28, 29] et ont un rôle différent dans les étapes tardives de reconnaissance d’objets. Dans son modèle de 2003, Bar [30] postulait que les FS basses préactivent différentes représentations possibles de l’objet alors que les FS élevées, critiques dans la reconnaissance visuelle, permettent la sélection de la cible parmi ces candidats. Ce modèle postule une intégration “coarse to fine” de l’information visuelle, c’est-à-dire qu’une première vague de traitement, basée sur les FS basses et réalisée par le système magnocellulaire, permet une représentation initiale peu élaborée du stimulus, ensuite complétée par une deuxième vague de traitement plus lente (véhiculée par les FS élevées, véhiculées par le système parvocellulaire) dont le rôle est déterminant pour l’identification. Les études comportementales sur la reconnaissance de scènes [31-33] ou de lettres [34] ont pu rendre compte d’une telle organisation des traitements. Plus particulièrement, le travail de Musel et al. [33], qui étudiait le vieillissement normal, a montré que l’intégration temporelle des traitements des deux gammes de FS (les FS basses étant normalement intégrées avant les FS élevées) se détériorait avec l’âge. Les auteurs ont aussi montré que cette détérioration dépendait de la catégorie de la scène : pour les scènes d’intérieurs, nécessitant davantage le traitement des FS élevées, les deux gammes de FS étaient intégrées à la même vitesse alors que pour les scènes d’extérieurs, les FS basses continuaient d’être intégrées avant les FS plus élevées chez les personnes âgées. Cette interaction entre la FS et la catégorie sémantique avait déjà été mise en évidence pour la reconnaissance d’objets isolés chez le participant jeune [35], ainsi que son interaction avec le vieillissement [36]. 454 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012 Pour les objets, on distingue généralement deux grandes catégories de stimuli : les objets vivants (animaux, végétaux. . .) et les objets non vivants ou manufacturés (meuble, outils. . . [37]). La question du déficit spécifique du traitement d’une de ces deux catégories dans le vieillissement normal a été posée, sans qu’un consensus n’émerge. En effet, une partie des travaux montrait un déficit spécifique de traitement pour les objets vivants [38-41] tandis que d’autres observaient un déficit de reconnaissance des objets manufacturés [42, 43]. Enfin, plusieurs études n’ont observé aucun déficit catégoriel lié à l’âge [44, 45]. D’éventuelles variables confondues avec la catégorie sémantique des objets ont alors été recherchées pour expliquer la discordance des résultats (voir pour revues [46, 47]), d’abord en contrôlant des variables de haut niveau, comme la fréquence lexicale [45], puis d’autres Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Vieillissement de la catégorisation visuelle d’objet variables pré-sémantiques comme la complexité visuelle [47, 48]. Il a notamment été proposé que certains effets catégorie-spécifiques puissent s’expliquer par la ressemblance structurale plus ou moins forte entre les différents items d’une même catégorie [49], par exemple, pour les catégories utilisées dans l’étude présente, les animaux se ressemblent plus entre eux que les outils. Cette interprétation a en outre été reprise récemment en spécifiant que les contraintes de la tâche doivent être prises en compte, notamment la profondeur des traitements requis, pour rendre compte des effets de similarité [47]. Si un traitement rudimentaire de la forme, par exemple à l’étape pré-sémantique de structuration de la forme, suffit pour répondre, par exemple comme on peut le penser pour une simple tâche de catégorisation (naturel/manufacturé), la similarité des items d’une catégorie doit aider alors qu’elle peut rendre les traitements plus difficiles lorsque la tâche implique l’étape de l’accès aux représentations sémantiques dans laquelle la sélection d’un item à l’intérieur d’une catégorie doit être réalisée, comme c’est le cas dans une tâche d’identification. initial où les deux gammes de FS s’additionnent linéairement [50], il existe des interactions entre elles à un plus haut niveau de traitement, comme cela a été modélisé par Bar [30]. Ainsi la procédure utilisée par ces auteurs [35, 36] ne permet pas d’évacuer ces interactions et d’analyser le rôle précis de chaque gamme de FS pour interpréter les effets du vieillissement. En effet, le décalage vers des FS de plus en plus élevées avec l’âge peut aussi bien s’expliquer par un déclin du traitement des FS basses que des FS moyennes (d’après des calculs dérivés des détails de procédure mentionnés dans ces études) ou même des interactions entre elles. Une caractéristique visuelle de plus bas niveau encore, la FS, influe également sur les effets catégorie-spécifiques. Vannucci et al. [35] ont tout d’abord évalué l’influence des différentes gammes de FS dans la reconnaissance d’objets chez de jeunes adultes. La procédure était la suivante : un objet (animal ou outil) était présenté au participant dans une version ne contenant que les FS les plus basses. Toutes les 200 ms, la largeur de bande du filtre passebas s’élargissait de manière à ce que des FS de plus en plus élevées soient ajoutées aux FS basses. Le participant devait identifier l’objet pour la version la plus dégradée possible, parmi les 9 niveaux de filtrage utilisés. Les résultats ont mis en évidence que les animaux étaient identifiés avec des FS plus basses que les outils qui nécessitaient le traitement de FS plus élevées. Suite à l’observation d’un déficit lié à l’âge pour les FS élevées dans une simple tâche de détection de réseau, Viggiano et al. [36] ont répliqué l’expérience pour trois groupes de personnes : matures, âgées ou très âgées. Les résultats ont montré que le vieillissement s’accompagnait d’un recours à des FS de plus en plus élevées pour la reconnaissance des objets, mais que l’expertise pour une catégorie (ici les outils) permettait de s’affranchir de ce déficit.Ces travaux donnent ainsi une première indication sur une modification des informations critiques pour la reconnaissance d’objet dans le vieillissement avec l’utilisation de FS plus élevées. Mais la procédure utilisée par ces auteurs ne permet pas de dissocier le rôle des FS basses et élevées puisque ces informations sont toujours présentées ensemble dans leur paradigme expérimental. Or, on sait que hormis une étape de traitement L’interprétation d’un déficit du traitement des FS élevées avec l’âge est cohérente avec la plupart des études psychophysiques qui montrent un déficit plus important du traitement des FS élevées que des basses dans le vieillissement [51, 52]. Par exemple, Zanlonghi et al. [53] ont mesuré la fonction de sensibilité au contraste de participants âgés de 8 à 82 ans. Pour les FS basses, il n’y avait aucune modification de la sensibilité entre 13 et 82 ans. En revanche, lorsque les FS étaient plus élevées, la sensibilité au contraste diminuait dès 31 ans. Ce résultat confirme celui d’Owsley et al. [54], voir [6], qui avaient observé une perte de la sensibilité au contraste d’abord pour les FS élevées. Selon Corbe [55], le déclin de la sensibilité au contraste est progressif. Un déficit du traitement des FS élevées apparaît d’abord lors du vieillissement, le traitement des FS moyennes est affecté par la suite, au-delà de 60 ans [56]. Certaines études ont montré une diminution de la sensibilité aux FS basses [57]. Cependant, dans une revue de la littérature, Owsley [6] a montré que les études effectuant un contrôle rigoureux de la vision des participants n’observaient pas de déficit pour cette gamme de FS avec ce type de stimuli simples. Toutefois, des travaux récents qui utilisent la variation du contraste plutôt que la manipulation de la FS sur des stimuli simples [24] ou sur des photographies d’objets [25] pour solliciter de façon privilégiée l’un des deux principaux sous-systèmes visuels, magnocellulaire ou parvocellulaire, ont montré une atteinte du système magnocellulaire avec l’avancée en âge. L’étude présente avait donc pour objectif d’étudier le rôle des déficits visuels aux premières étapes du vieillissement normal dans la catégorisation d’objets en dissociant deux gammes de FS, les FS les plus basses et les FS moyennes et élevées. Des photographies d’animaux et d’outils ont été présentées à des participants jeunes et matures en trois versions : normale, filtrées passe-bas (contenant seulement des FS basses) et filtrées passe-bande (contenant seulement des FS moyennes à élevées). De façon complémentaire à la procédure de Vannucci et al. [35] et Viggianno et al. [36], ces deux conditions ont permis d’isoler les deux Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012 455 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. P. Bordaberry, et al. gammes de FS et d’analyser précisément leur influence dans une tâche impliquant des traitements de haut niveau, la catégorisation d’objets. La condition non filtrée servait de condition référence dans laquelle les interactions entre les différentes gammes de FS peuvent se mettre en jeu librement. De manière générale, dans le groupe contrôle, la catégorisation devrait être possible pour les images passe-bas, quoique plus difficile relativement aux images passe-bande, étant donné le privilège de ces dernières dans les modèles de reconnaissance d’objets [30, 58]. Les outils qui se ressemblent moins entre eux que les animaux, devraient être globalement moins bien catégorisés. En outre, le bénéfice des images passe-bande sur les images passe-bas devrait être plus important pour la catégorie des outils, pour laquelle cette gamme s’est révélée plus cruciale que pour les animaux [35]. Concernant le groupe de personnes âgées, si le déficit précoce concernant les FS élevées observé pour des stimuli élémentaires se répercute sur la catégorisation d’objets, une diminution de la performance de catégorisation devrait s’observer de façon plus importante pour les stimuli passe-bande et pour les outils. Méthode Participants Les participants étaient 30 jeunes adultes âgés de 17 à 25 ans (m = 22,6 ± 1,2 ; rang : 18-26) et 24 personnes matures1 (m = 57,3 ± 5,6 ; rang : 52-67). Un test d’acuité visuelle (Freiburg visual acuity test, Bach, 1996) était pratiqué au début de l’expérience afin de s’assurer que le participant avait une vision normale ou corrigée à la normale (un score inférieur à 8/10◦ entraînait l’exclusion du participant). Toutes les personnes présentant des pathologies visuelles (cataracte, glaucome, DMLA. . .) ou, pour les personnes du groupe mature, ayant un score au MMSE inférieur à 26, étaient exclues de l’étude. 1 Comme détaillé dans l’introduction, les déficits visuels, notamment la perte de sensibilité pour les FS élevées, commencent dès la trentaine. Matériel L’expérience a été réalisée sur un ordinateur Dell Precision M6400 17 ” (Core 2 Duo [email protected] GHz sous le contrôle de la carte graphique Quadro FX2700M). Les participants ont été placés à 45 cm de l’écran dans une pièce faiblement éclairée. La génération et la présentation des stimuli ont été réalisées avec le logiciel Matlab 7.2 (The Mathworks) et la Psychtoolbox 3.0 [59]. Stimuli Cent vingt photographies en noir et blanc d’objets isolés sur un fond gris moyen ont été utilisées pour l’expérience (60 animaux/60 outils). Leur taille était de 4,1 cm (soit 5,3 degrés d’angle visuel à 45 cm de l’écran). Trois versions des images ont été présentées : non filtrée, passe-bande et passe-bas. Les images passe-bas étaient formées seulement des composantes de FS basses (0 à 20 cpi, soit 0 à 3,8 cpd) de l’image originale et les images passe-bande seulement des FS moyennes (10 à 40 cpi, 1,9 à 6,2 cpd) à l’aide d’un filtre gaussien (voir des exemples dans la figure 1).Les images ont été appariées en termes de luminance moyenne (moyenne = 121 RGB ± 7), de contraste moyen (moyenne = 62 % ± 5 %), de complexité visuelle (évaluée dans une étude préliminaire menée sur 10 autres participants avec une échelle de Likert à 5 points dans un pré-test) et fréquence lexicale orale et écrite (évaluée par la base de données française Lexique [60]). Procédure L’expérience se composait de 120 essais : pour chacun, un point de fixation était présenté pendant 500 ms. L’une des trois versions de la cible était ensuite affichée pendant 200 ms. Le participant devait effectuer le plus précisément et aussi rapidement que possible une catégorisation sémantique (animaux/outils) à l’aide des touches ‘m’ et ‘q’, respectivement à gauche et à droite du clavier. Chaque participant ne voyait qu’une seule version de chacune des 120 images, dans une des trois conditions de filtrage. Le filtrage était ainsi contrebalancé sur l’ensemble des items tous les trois participants. Figure 1. Exemples de stimuli. Naturel à gauche, artificiel à droite. Pour chacun, l’image originale à gauche, la version filtrée passe-bande (FS moyennes et élevées) au centre et la version filtrée passe-bas (FS basses) à droite. Figure 1. Examples of stimuli. Left: natural, right: man-made. With the original image on the left, the band-pass filtered version (medium to high SF) in the center and the low-pass filtered version (low SF) on the right. 456 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012 Vieillissement de la catégorisation visuelle d’objet Deux Anova ont été effectuées sur la précision (pourcentage de réponse correcte, %RC) et le temps de réponse pour les réponses correctes (TR en ms, filtré à ± 2 écartstypes du TR moyen du participant, ce qui a éliminé 5,4 % des données au total) en prenant le type de filtrage et la catégorie de l’objet comme variables intrasujet et le groupe comme variable intersujet à l’aide du logiciel Statistica. Les résultats montraient un effet principal du groupe significatif sur la précision (F(1,52) =16,1 ; p < 0,001) et tendanciel sur le TR (F(1,52) =3,4 ; p = 0,07). Les participants matures étaient moins précis (80 %) et tendaient à être plus lents (716 ms) que les jeunes adultes (87 % et 659 ms). Il y avait aussi un effet principal du type de filtrage sur la précision (F(2,104) =133,2 ; p < 0,001) et sur le temps de réponse (F(2,104) = 32,4 ; p < 0,001). Les comparaisons de moyenne par contraste montraient plus particulièrement que les images non filtrées étaient catégorisées plus efficacement et plus rapidement (92 % ; 638 ms) que les images passe-bande (86 %, p < 0,001 ; Normal 696 ms, p < 0,001), elles-mêmes mieux et plus vite catégorisées que les images passe-bas (79 %, p < 0,001 ; 725 ms, p < 0,001). Enfin, la catégorie de l’objet avait un effet sur les deux variables dépendantes (%RC : F(2,104) =10,19 ; p < 0,01 ; TR : F(2,104) =37,8 ; p < 0,001). Les animaux étaient catégorisés plus précisément (86 %) et plus rapidement (666 ms) que les outils (82 % ; 707 ms). Un effet d’interaction a été observé entre les facteurs groupe et type de filtrage sur le %RC (F(2,104) =9,18 ; p < 0,001). Chez les jeunes adultes, les images non filtrées (95 %) étaient mieux catégorisées que les images passebande (89 %, p < 0,001), elles-mêmes mieux catégorisées que les images passe-bas (78 %, p < 0,001). Pour le groupe de personnes matures, les participants catégorisaient les images non filtrées (90 %) plus précisément que les images filtrées passe-bande (77 %, p < 0,001) ou passe-bas (74 %, p < 0,001), qui ne différaient pas significativement entre elles. Pour finir, une double interaction entre la catégorie, le filtrage et le groupe apparaissait sur la précision (F(2,104) = 5,86 ; p < 0,01). Comme le montre la figure 2, pour les Passe-bande Passe-bas 100 % 90 % 80 % % RC Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Résultats 70 % 60 % * 50 % Animal Outil Jeune * * Animal * Outil Âgé Figure 2. La précision moyenne (%RC) est montrée sur l’axe des ordonnées en fonction du groupe et de la catégorie sur l’axe des abscisses et du filtrage dans le corps du graphique. Les barres d’erreur verticales représentent l’intervalle de confiance (95 %). Les doubles flèches horizontales en pointillés au bas du graphique représentent un effet significatif de la catégorie pour la comparaison correspondante et les étoiles, un effet significatif du groupe. Figure 2. Accuracy (%RC) as a function of spatial frequency and group. The error bars represent the confidence interval (95%). The horizontal dashed double arrows at the bottom of the graph represent a significant effect of category for the corresponding comparison and stars represent a significant effect of group. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012 457 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. P. Bordaberry, et al. jeunes, l’effet du filtrage allait dans le même sens pour les deux catégories d’objets comme le montraient les comparaisons deux à deux des conditions de filtrage : une plus grande précision était observée pour la version non filtrée que pour la version passe-bande (animaux : p < 0,01 ; outils p < 0,05), et elle chutait encore pour la version passe-bas (animaux : p < 0,01 ; outils p < 0,001). Les comparaisons deux à deux de la catégorie montraient toutefois un effet catégorie-spécifique chez les jeunes dans la condition passe-bas pour laquelle la précision tendait à être moins élevée pour les outils que pour les animaux (p = 0,09). Pour le groupe des sujets âgés, l’effet du filtre était similaire à celui observé pour les sujets jeunes pour la catégorie animal, avec un bénéfice de la condition non filtrée sur la condition passe-bande (p < 0,001), elle-même moins dégradée que la condition passe-bas (p < 0,001), alors que pour les outils la précision était significativement dégradée pour les deux versions filtrées par rapport à la version non filtrée (passe-bande : p < 0,001 ; passe-bas : p < 0,001). Ainsi, dans ce groupe d’âge, un effet catégorie-spécifique a été observé envers les outils, spécifiquement dans la condition non filtrée (p < 0,01) et passe-bande (p < 0,01). Par ailleurs, les comparaisons deux à deux de groupe montraient que la détérioration de la précision avec l’âge s’observait significativement pour les deux conditions de filtrage pour les animaux (passe-bande : p < 0,05 ; passe-bas : p < 0,01) alors qu’elle s’observait pour la version non filtrée (p < 0,05) et la version passe-bande (p < 0,001) pour les outils. pour les images passe-bande et non filtrées. Le déficit du traitement des FS élevées, communément observé dans le vieillissement sur des stimuli simples, se retrouve donc ici sur des stimuli plus complexes comme des objets et il permet de rendre compte du déficit catégorie-spécifique. Effets chez les jeunes L’objectif de cette expérience était l’étude de l’interaction entre le déficit FS-spécifique et le déficit catégorie-spécifique dans le vieillissement normal pour la catégorisation visuelle de photographies d’objets. Le premier résultat est l’implication différente des deux gammes de FS dans cette tâche avec, globalement, un privilège des FS élevées sur les FS basses quel que soit l’âge du groupe, et avec une détérioration plus marquée avec l’avancée en âge des composantes de FS moyennes et élevées que des basses. Le second résultat important est la mise en évidence d’un déficit catégorie-spécifique envers les outils, avec un effet principal significatif du facteur catégorie, qui dépend toutefois à la fois de l’âge des participants et du contenu spectral de l’image puisqu’une interaction entre la catégorie, le type de filtrage, et le groupe a été obtenue. Ainsi, le déficit catégorie–spécifique est FS-spécifique : il tend à apparaître chez les jeunes pour les images intégrant seulement les FS basses et il devient significatif avec l’âge Chez le groupe contrôle des jeunes adultes, l’effet des deux gammes de FS sur la performance de catégorisation est compatible avec le modèle de reconnaissance d’objets proposé par Bar [30] et Kveraga et al. [61]. Dans ce modèle d’identification, un traitement rapide des FS basses permet d’activer différentes représentations compatibles avec l’objet, ce qui représente souvent la catégorie de l’objet, alors qu’un traitement plus lent des FS élevées sert à coder les détails pour sélectionner le bon candidat parmi ces représentations possibles pour l’identification. De fait, dans notre tâche de catégorisation, les deux gammes de FS permettent d’activer la catégorie puisque les performances se situent largement au-dessus du hasard quel que soit le type de filtrage. Ainsi les résultats montrent que la catégorisation peut se fonder sur la forme globale, isolée dans la version passe-bas [62], mais est plus efficace quand une analyse plus locale fondée sur les détails est utilisée (version passebande). Ce privilège des FS élevées sur les basses pour la catégorisation peut être interprété comme la démonstration de la pertinence plus élevée de cette information spectrale pour la tâche, ce qui serait difficile à réconcilier avec le modèle du traitement visuel de Bar [30] et avec différents résultats expérimentaux récents revus dans l’introduction. Cet effet peut également venir du fait que l’identification de l’objet (qui est un processus automatique pourvu que l’information requise soit visible dans le stimulus) est souvent réalisée en même temps que sa catégorisation, même si la tâche ne l’exige pas [63]. Il n’est donc pas exclu que le bénéfice des FS élevées sur les basses vienne de la mise en œuvre irrépressible du processus d’identification. Une autre comparaison a donné des indications à cet égard : la précision était encore plus élevée dans la condition non filtrée, c’est-à-dire lorsque toutes les gammes de FS (i.e. également les plus élevées) étaient disponibles. Ceci peut s’interpréter de deux façons : soit les gammes de FS qui ont été choisies dans nos filtres passe-bas et passe-bande étaient trop restreintes et le bénéfice de la version non filtrée viendrait de l’utilisation dans cette version des FS manquantes dans les versions filtrées, soit ce bénéfice vient de l’utilisation des FS basses en parallèle des FS élevées dans la version non filtrée, les interactions entre les deux gammes de FS aidant peut-être au codage de la catégorie comme elles aident à l’identification [30]. Les résultats 458 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012 Discussion Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Vieillissement de la catégorisation visuelle d’objet concernant le vieillissement qui sont présentés plus loin peuvent permettre de départager ces deux interprétations. Un autre résultat de l’étude concerne l’effet de la catégorie de l’objet, avec un privilège de la catégorie animal sur la catégorie outil obtenu pour cette tâche de catégorisation. Ce déficit catégorie-spécifique envers les outils est compatible avec certains effets catégorie-spécifiques décrits pour des tâches d’identification chez les participants jeunes [35, 64, 65], quoique le patron de résultat inverse est en général observé pour des catégories plus larges, avec un avantage des objets manufacturés sur les objets naturels (e.g. [47] pour une revue). Notre déficit catégorie-spécifique envers les outils est toutefois cohérent avec l’explication pré-sémantique des effets catégorie-spécifiques (Pace) proposée par Gerlach [47] qui propose que les effets divergents de la littérature peuvent être réconciliés si les contraintes liées à la tâche sont considérées. Une plus grande similarité entre exemplaires, comme c’est le cas pour les animaux relativement aux outils, constitue une difficulté dans une tâche d’identification d’objets et la présente recherche apporte des arguments expérimentaux démontrant qu’elle devient une facilitation dans une tâche de catégorisation2 . Cependant, si un effet principal de la catégorie a été observé dans cette étude, l’analyse des interactions montrait une interaction double entre le filtre, la catégorie et le groupe, dont la décomposition des effets à l’aide de comparaisons spécifiques pour le groupe des jeunes montrait que, pour ce groupe, il n’y avait pas globalement de déficit catégorie-spécifique significatif, sauf une tendance à une diminution de la précision envers les outils, spécifiquement dans la condition de filtrage passe-bas. Il est possible que la similarité plus importante des animaux entre eux, relativement aux outils, qui avantage cette catégorie d’objets naturels pour la tâche de catégorisation, rende également les FS basses plus pertinentes pour le codage de la catégorie animal qu’elles ne le sont pour le codage des outils3 . Ainsi l’interaction entre le filtre et la catégorie est également compatible avec l’explication Pace mentionnée plus haut pour rendre compte des effets catégorie-spécifiques [47], puisque la similarité entre exemplaires porte essentiellement sur la forme globale de l’objet : contrairement aux animaux, les outils ne partagent pas aussi souvent de structure globale similaire. Les FS basses qui véhiculent la forme globale de l’objet amènent donc la plupart du temps 2 Même si certaines identifications ont pu être réalisées pour certaines images dans notre procédure comme cela est discuté plus haut, cet effet de la catégorie indique que cela ne doit pas constituer une stratégie systématique. 3 Même si pour ces deux catégories, la gamme de FS élevées était plus pertinente que les FS basses. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012 suffisamment d’informations pour catégoriser l’image comme un animal, alors qu’elles sont souvent insuffisantes pour catégoriser les outils à la forme globale moins similaire. Effet du vieillissement Le groupe d’adultes matures avait globalement une précision moins élevée et tendait à être moins rapide que les jeunes adultes. La diminution de la rapidité de la réponse est conforme au ralentissement habituellement observé avec l’avancée en âge, au plan moteur ou cognitif [66]. La diminution de la précision est moins fréquemment mise en évidence, parfois même le patron inverse est observé [67, 68] ce qui témoigne ici de la détérioration des processus visuels dans cette tâche utilisant des stimuli élaborés. Les caractéristiques d’inclusion dans l’étude et le contrôle préalable de l’acuité visuelle excluaient que des déficits d’ordre ophtalmologique, plus fréquents avec l’âge, ne contaminent les comparaisons intergroupe. Il semble donc que l’avancée en âge s’accompagne, non d’un déficit dans l’extraction visuelle, mais plutôt dans la qualité des traitements visuels précoces ou plus tardifs mis en jeu dans la tâche de catégorisation. En outre, ces déficits s’observaient sélectivement dans certaines conditions expérimentales et non dans les conditions les plus difficiles chez les jeunes, les effets liés à l’âge ne peuvent donc pas résulter d’une exagération de la difficulté de la tâche. L’hypothèse principale de cette étude était que la plus faible capacité à traiter les FS élevées chez les personnes âgées entraînerait une dégradation des performances de catégorisation des outils. Il a été montré depuis longtemps avec des stimuli élémentaires que la sensibilité aux FS élevées diminuait avec l’âge [52-56]. L’interaction entre le groupe et le filtrage, selon laquelle le vieillissement s’accompagne d’une diminution de la précision de la catégorisation de photographies d’objets spécifiquement dans la condition de filtrage passe-bande, permet de généraliser ces effets à des stimuli plus élaborés impliquant des traitements plus profonds. Cette baisse de la sensibilité aux FS élevées a été interprétée comme une atteinte du système visuel parvocellulaire dans le vieillissement normal. La littérature montre, de fait, un déficit plus important du système parvocellulaire dans le vieillissement [24, 69], quoique le système magnocellulaire puisse également être atteint notamment pour des tâches de catégorisation [25]. On sait également que cette gamme de FS élevées est plus pertinente pour les outils que pour les animaux [35, 36] et que la détérioration sélective de leur traitement 459 P. Bordaberry, et al. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Points clés • Le vieillissement normal s’accompagne de modifications du système visuel à plusieurs niveaux depuis le signal d’entrée jusqu’aux traitements visuels complexes. • La dégradation des traitements visuels de bas niveau est observée à partir de la cinquantaine. • La détérioration de la catégorisation d’objets avec l’avancée en âge est plus importante lorsque les détails de la forme, plutôt que la forme globale, doivent être traités. • Il en résulte un déficit plus marqué pour la catégorie « outils » que pour la catégorie « animaux ». avec l’avancée en âge peut donc suffire à rendre compte du déficit catégorie–spécifique. Nos résultats vont également dans ce sens puisque, pour le groupe d’observateurs matures, un déficit de la catégorisation des outils relativement aux animaux a été mis en évidence spécifiquement dans les conditions de filtrage passe-bande et non filtrée. Ainsi, il semble que le déficit catégorie-spécifique envers les outils dépende de la fragilité du système parvocellulaire, isolé expérimentalement dans la condition passe-bande, et qu’il ne puisse pas être compensé par les rétroactions du système magnocellulaire [30], puisque ce déficit se retrouve également dans la version non filtrée pour laquelle les deux sous-systèmes interagissent normalement. La comparaison des deux groupes d’âge dans les différentes conditions de filtrage et de catégorie donne également des indications. Alors que pour les animaux, la détérioration de la performance avec l’avancée en âge s’observe pour les deux conditions de filtrage, elle ne concerne que la condition de filtrage passe-bande pour les outils. Ainsi, comme cela est mentionné plus haut pour le groupe des jeunes, on peut penser que les FS élevées sont plus pertinentes que les basses pour les deux catégories, mais que la similarité plus importante des animaux entre eux rend la gamme de FS basses encore assez utile pour leur catégorisation, alors qu’elle n’est pas aussi pertinente pour la catégorisation des outils. Il faut par ailleurs noter que la diminution de la performance du groupe des observateurs matures dans la condition de filtrage passe-bas pour les animaux témoigne de l’atteinte du système magnocellulaire avec l’avancée en âge, ce qui est conforme avec la littérature concernant le vieillissement normal des deux sous -systèmes, selon laquelle l’avancée en âge s’accompagne d’un déficit parvocellulaire massif et aussi d’un déficit magnocellulaire quoique plus faible. 460 Enfin, les résultats du groupe d’observateurs matures donnent des indications sur la mise en œuvre de certains processus compensatoires. D’une part, l’information de FS basses présente dans l’image normale permet de fluidifier la catégorisation des animaux pour lesquels le déficit lié à l’âge qu’on observe pour les deux versions d’image filtrées ne se retrouve pas significativement dans la condition normale non filtrée [30]. Il est probable qu’il y ait compensation de la perte de la vision des FS élevées par une utilisation plus importante de ce circuit, en utilisant de façon plus importante la forme globale de l’image plutôt que ses détails. Ainsi, les personnes âgées pourraient compenser leurs déficits par une utilisation plus importante de ce réseau pourvu que la forme globale des stimuli puisse suffire à la catégorisation comme c’est le cas dans cette étude pour les animaux. Pour les outils, en revanche, dont le traitement se fonde plus sur les FS élevées, ce processus de compensation ne suffit pas, et les observateurs âgés sont détériorés relativement aux jeunes, même dans la condition non filtrée. Conclusion Cette étude avait pour objectif d’étudier l’interaction entre le déficit FS-spécifique et le déficit catégoriespécifique dans le vieillissement normal. L’hypothèse principale selon laquelle le déficit du traitement des outils est sous-tendu par le déficit du traitement des FS élevées dans le vieillissement est confirmée, puisque la détérioration de la performance pour les FS moyennes et élevées est plus importante pour les outils que pour les animaux. Un déficit des FS basses a également été mis en évidence dans le vieillissement, spécifiquement pour les animaux. Ces déficits fréquentiels avaient été observés pour des stimuli élémentaires et des tâches visuelles simples et ils étaient interprétés comme des dysfonctionnements sélectifs des sous-systèmes visuels magno- et parvocellulaires. L’étude présente permet donc de généraliser ces effets du vieillissement à des stimuli plus élaborés, impliquant des traitements profonds. Elle permet en outre d’évaluer dans quelle mesure ils expliquent les effets catégoriespécifiques, puisque la dégradation de la performance de catégorisation avec l’âge dépend de la catégorie de l’objet, et principalement de la similarité intra-catégorie des items, et de la gamme de FS utiles. Enfin, l’étude a également montré que des compensations étaient mises en œuvre dans la condition normale sans filtrage mais que celles-ci dépendaient également de la catégorie d’objet. Conflits d’intérêts : aucun. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012 Vieillissement de la catégorisation visuelle d’objet Références 1. Enoch JM, Werner JS, Haegerstrom G, Lakshminarayanan V, Rynders M. Forever young : visual functions not affected by aging : a review. J Gerontol A Biol Sci Med sci 1999 ; 54 : 336-51. 2. Muller T, Woitalla D, Peters S, Kohla K, Przuntek H. Progress of visual dysfunction in Parkinson’s disease. Acta Neurol Scand 2002 ; 105 : 25660. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. 3. Laudate TM, Neargarder S, Dunne TE, Sullivan KD, Joshi P, Gilmore GC, et al. Bingo ! Externally supported performance intervention for deficient visual search in normal aging, Parkinson’s disease, and Alzheimer’s disease. Neuropsychol Dev Cogn B Aging Neuropsychol Cogn 2012 ; 19 : 102-21. 4. Owsley C, Ball K, McGwin G, Sloane ME, Roenker DL, White MF, et al. Visual processing impairment and risk of motor vehicle crash among older adults. JAMA 1998 ; 279 : 1083-8. 5. Rubin GS, Ng ES, Bandeen-Roche K, Keyl PM, Freeman EE, West SK. A prospective, population-based study of the role of visual impairment in motor vehicle crashes among older drivers : the SEE study. Invest Ophthalmol Vis Sci 2007 ; 48 : 1483-91. 6. Owsley C. Aging and vision. Vision Res 2010 ; 51 : 1610-22. 7. Salvi SM, Akhtar S, Currie Z. Ageing changes in the eye. Postgrad Med J 2006 ; 82 : 581-7. 21. McKendrick AM, Weymouth AE, Battista J. The effect of normal aging on closed contour shape discrimination. J Vision 2010 ; 10 : 1-9. 22. Norman JF, Clayton AM, Shular CF, Thompson SR. Aging and the perception of depth and 3-D shape from motion parallax. Psychol Aging 2004 ; 19 : 506-14. 23. Jackson GR, Owsley C. Visual dysfunction, neurodegenerative diseases, and aging. Neurol Clin 2003 ; 21 : 709-28. 24. Elliott SL, Werner JS. Age-related changes in contrast gain related to the M and P pathways. J Vision 2010 ; 10 : 1-15. 25. Lenoble Q, Bordaberry P, Renaut-Rougié MB, Boucart M, Delord S. Influence of visual deficits on object categorization in normal aging. Exp Aging Res 2013 : sous presse. 26. Ferrera VP, Nealey TA, Maunsell JH. Mixed parvocellular and magnocellular geniculate signals in visual area V4. Nature 1992 ; 358 : 756-61. 27. Kaplan E. The M, P, and K pathways of the primate visual system. In : Chalupa, LE, Werner JS, eds. The Visual Neurosciences (vol. 1). Cambridge : MA : MIT Press, 2004 : 481-93. 28. De Valois RL, De Valois KK. Spatial vision. Oxford : Oxford University Press, 1990. 8. Spear PD. Neural bases of visual deficits during aging. Vision Res 1993 ; 33 : 2589-609. 29. Maffei L, Fiorentini A. The visual cortex as a spatial frequency analyser. Vision Res 1973 ; 13 : 1255-67. 9. Werner JS, Peterzell DH, Scheetz AJ. Light, vision, and aging. Optom Vis Sci 1990 ; 67 : 214-29. 30. Bar M. A cortical mechanism for triggering top-down facilitation in visual object recognition. J Cogn Neurosci 2003 ; 15 : 600-9. 10. Curcio CA, Millican CL, Allen KA, Kalina RE. Aging of the human photoreceptor mosaic : evidence for selective vulnerability of rods in central retina. Invest Ophthalmol Vis Sci 1993 ; 34 : 3278-96. 31. Parker DM, Lishman JR, Hughes J. Temporal integration of spatially filtered visual images. Perception 1992 ; 21 : 147-60. 11. Gao H, Hollyfield JG. Aging of the human retina. Inves Ophthalmol Vis Sci 1992 ; 33 : 1-17. 32. Schyns P, Oliva A. From blob to boundary edges : evidence for time- and spatial-scale-dependent scene recognition. Psychol Sci 1994 ; 5 : 195-200. 12. Eliasieh K, Liets LC, Chalupa LM. Cellular reorganization in the human retina during normal aging. Invest Ophthalmol Vis Sci 2007 ; 48 : 2824-30. 33. Musel B, Chauvin A, Guyader N, Chokron S, Peyrin C. Is coarseto-fine strategy sensitive to normal aging ? PLoS One 2012 ; 7 : e38493. 13. Schmolesky MT, Wang Y, Pu M, Leventhal AG. Degradation of stimulus selectivity of visual cortical cells in senescent rhesus monkeys. Nat Neurosci 2000 ; 3 : 384-90. 34. Loftus GR, Harley EM. How different spatial-frequency components contribute to visual information acquisition. J Exp Psychol Hum Percept Perform 2004 ; 30 : 104-18. 14. Zhang J, Wang X, Wang Y, Fu Y, Liang Z, Liang Y, et al. Spatial and temporal sensitivity degradation of primary visual cortical cells in senescent rhesus monkeys. Eur J Neurosci 2008 ; 28 : 201-7. 35. Vannucci M, Viggiano MP, Argenti F. Identification of spatially filtered stimuli as function of the semantic category. Brain Res Cogn Brain Res 2001 ; 12 : 475-8. 15. Hua GP, Shi XM, Zhou J, Peng QS, Hua TM. Decline of selectivity of V1 neurons to visual stimulus spatial frequencies in old cats. Neurosci Bull 2011 ; 27 : 9-14. 36. Viggiano MP, Righi S, Galli G. Category-specific visual recognition as affected by aging and expertise. Arch Gerontol Geriatr 2005 ; 42 : 329-38. 16. Govenlock SW, Taylor CP, Sekuler AB, Bennett P. The effect of aging on the spatial frequency selectivity of the visual system. Vision Res 2010 ; 50 : 1712-9. 37. Perani D, Cappa SF, Bettinardi V, Bressi S, Gorno-Tempini M, Matarrese M, et al. Different neural systems for the recognition of animals and man-made tools. Neuroreport 1995 ; 6 : 1637-41. 17. Pitts DG. The effects of aging on selected visual functions : dark adaptation, visual acuity, steropsis, and brightness contrast. In : Sekuler R, Kline D, Dismukes K, eds. Aging and human visual function. New York : Alan R Liss, 1982 : 131-59. 38. Cappa S, Frugoni M, Pasquali P, Zorat F. Semantically bounded anomia. Brain Language 1997 ; 60 : 15-7. 18. Odorn JV, Vasquez RJ, Schwartz TL, Linberg JV. Adult vernier tresholds do not increase with age : vernier bias does. Invest Ophtalmol Vis Sci 1989 ; 30 : 1004-8. 39. Coppens P, Frisinger D. Category-specific naming effect in nonbrain-damaged individuals. Brain Language 2005 ; 94 : 61-71. 40. Gonnerman LM, Andersen ES, Devlin JT, Kempler D, Seidenberg MS. Double dissociation of semantic categories in Alzheimer’s disease. Brain Language 1997 ; 57 : 254-79. 19. Wright CE, Drasdo N. The influence of age on the spatial and temporal contrast sensitivity function. Documenta Ophthalmologica 1985 ; 59 : 385-95. 41. Hillis A, Caramazza A. Category-specific naming and comprehension impairment : a double dissociation. Brain 1991 ; 114 : 2081-94. 20. Ball K, Sekuler R. Improving visual perception in older observers. J Gerontol 1986 ; 41 : 176-82. 42. Moss H, Tyler L. A category-specific semantic deficit for nonliving things in a case of progressive aphasia. Brain Language 1997 ; 60 : 55-7. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012 461 P. Bordaberry, et al. 43. Sacchetti C, Humphreys G. Calling a squirrel a squirrel but a canoe a wigwam : a category specific deficit for artefactual objects and body parts. Cognitive Neuropsychology 1992 ; 9 : 73-86. 57. Hyvarinen L, Laurinen P, Rovarno K. Contrast sensitivity in evaluation of cisual impairment due to macular degeneration and optic nerve lesions. Acte Ophtalmol (Copenh) 1983 ; 61 : 161-70. 44. Laiacona M, Barbarotto R, Capitani E. Semantic category dissociations in naming : is there a gender effect in Alzheimer’s disease ? Neuropsychologia 1998 ; 36 : 407-19. 58. Biederman I. Recognition-by-components : a theory of human image understanding. Psychol Rev 1987 ; 94 : 115-47. 45. Tippet LJ, Meier SL, Blackwood K, Diaz-Asper C. Category specific deficits in Alzheimer’s disease : fact or artifact ? Cortex 2007 ; 43 : 90720. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. 46. Gainotti G. What the locus of brain lesion tells us about the nature of the cognitive defect underlying category-specific disorders : a review. Cortex 2000 ; 36 : 539-59. 47. Gerlach C. Category-specificity in visual object recognition. Cognition 2009 ; 111 : 281-301. 48. Gaffan D, Heywood C. A spurious category-specific visual agnosia for living things in normal human and nonhuman primates. J Cogn Neurosc 1993 ; 5 : 118-28. 49. Humphreys GW, Riddoch MJ. To see but not to see : a case study of visual agnosia. Brain 1987 ; 110 : 1431-62. 50. Olds ES, Engel A. Linearity across spatial frequency in object recognition. Vision Res 1998 ; 38 : 2109-18. 51. Elliott D, Whitaker D, Macveigh D. Neural contribution to spatiotemporal contrast sensitivity decline in healthy ageing eyes. Vision Res 1990 ; 30 : 541-7. 52. Higgins KE, Jaffe MJ, Caruso RC, de Monasterio, FM. Spatial contrast sensitivity : effects of age, test-retest, and psychophysical method. J Opt Soc Am A 1988 ; 5 : 2173-80 59. Pelli DG. The VideoToolbox software for visual psychophysics : transforming numbers into movies. Spatial Vision 1997 ; 10 : 437-42. 60. New B, Pallier C, Ferrand L, Matos R. Une base de données lexicales du français contemporain sur internet : lexique. L’Année Psychologique 2001 ; 101 : 447-62. 61. Kveraga K, Boshyan J, Bar M. Magnocellular projections as the trigger of top-down facilitation in recognition. J Neurosci 2007 ; 27 : 13232-40. 62. Fize D, Fabre-Thorpe M, Richard G, Doyon B, Thorpe SJ. Rapid categorization of foveal and extrafoveal natural images : associated ERPs and effects of lateralization. Brain Cogn 2005 ; 59 : 145-58. 63. Boucart M, Humphreys GW. Global shape cannot be attended without object identification. J Exp Psychol Hum Percept Perform 1992 ; 18 : 785-806. 64. Filliter JH, McMullen PA, Westwood D. Manipulability and the living/non-living category effects on object identification. Brain Cogn 2005 ; 57 : 61-5. 65. Laws KR, Neve C. A “normal” category-specific advantage for naming living things. Neuropsychologia 1999 ; 37 : 1263-9. 66. Thapar A, Ratcliff R, McKoon G. A diffusion model analysis of the effects of aging on letter discrimination. Psychol Aging 2003 ; 18 : 41529. 53. Zanlonghi X, Charlier J, Chevalier N. Sensibilité au contraste spatiale et âge. Bulletin de la Société Française d’Ophtalmologie 1992 ; 10 : 9219. 67. Salthouse TA. Adult age and the speed-accuracy trade-off. Ergonomics 1979 ; 22 : 811-21. 54. Owsley C, Sekuler R, Siemsen D. Contrast sensitivity throughout adulthood. Vision Res 1983 ; 23 : 689-99. 68. Starns JJ, Ratcliff R. The effects of aging on the speed-accuracy compromise : boundary optimality in the diffusion model. Psychol Aging 2010 ; 25 : 377-90. 55. Corbe C. Refractive disorders. Clinical aspects and spontaneous course. Rev Prat 1993 ; 43 : 1761-4. 56. Owsley C, Sloane ME. Contrast sensitivity and the perception of “real-world” target. Brit J Ophthalmol 1987 ; 71 : 791-6. 69. Lenoble Q, Amiéva H, Delord S. Alterations of the contrast gain during normal aging : a dissociation between the magnocellular and parvocellular signatures for old and very-old groups. J Vision 2012 ; 12 : ePub. 462 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 10, n ◦ 4, décembre 2012