Vitamine C et risque lithiasique
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Vitamine C et risque lithiasique
◆ ARTICLE DE REVUE Progrès en Urologie (2003), 13, 1290-1294 Vitamine C et risque lithiasique Olivier TRAXER (1), Margaret Sue PEARLE (2), Bernard GATTEGNO (1), Philippe THIBAULT (1) (2) (1) Service d’Urologie, Hôpital Tenon, Paris, France, Department of Urology and Center for Mineral Metabolism and Clinical Research, The University of Texas Southwestern Medical Center, Dallas, Texas, USA RESUME La popularité de la vitamine C est liée à Linus Pauling qui, dans les années 70, a recommandé son utilisation pour la prévention de la grippe. Depuis, la prise de vitamine C s’est généralisée et elle est largement utilisée dans diverses pathologies. L’acide ascorbique (vitamine C) a été impliqué comme facteur de risque de la lithiase oxalo-calcique en raison de sa conversion enzymatique en oxalate. Cette responsabilité lithogène n’a cependant jamais été clairement établie. Les études évaluant l’effet de l’acide ascorbique sur la lithogénèse ont produit des résultats contradictoires. L’acide ascorbique a également été largement utilisé comme acidifiant des urines pour le traitement des infections urinaires chroniques ou récidivantes. Là encore, les données de la littérature sont contradictoires. Le but de cet article a été de faire le point sur les effets de l’acide ascorbique sur la lithogénèse et le pH urinaires à partir d’une revue de la littérature. Mots clés : Acide ascorbique, vitamine C, lithiase rénale, calcul, oxalate. La lithiase rénale est une pathologie fréquente, récidivante et en constante expansion. Dans les pays industrialisés, elle affecte 5 à 10% de la population et est composée d’oxalate de calcium dans 80% des cas. En France, elle touche 8 à 10% de la population et récidive dans environ 60% des cas. En 1993 aux Etats-Unis, la lithiase rénale était responsable de 0,9% des hospitalisations avec une durée moyenne de séjour de 3 jours et un coût de 1,83 milliards de dollars [1, 43]. En France, la colique néphrétique aiguë est responsable de 1% des consultations dans les services d’accueil et d’urgences et 80% des coliques néphrétiques sont d’origine lithiasique [60]. La morbidité liée à la lithiase rénale est considérable en raison des épisodes d’obstruction, d’infections ou d’hématurie. Si la lithotritie extra-corporelle et l’endo-urologie ont révolutionné le traitement des calculs, l’exploration biologique et la prévention des récidives ne doivent pas pour autant être négligées. La compréhension des mécanismes de formation de la lithiase urinaire est donc essentielle pour la prise en charge médicale des patients afin de réduire l’incidence, la morbidité et le coût de la lithiase rénale [38]. Les principaux facteurs de risque de la lithiase oxalo-calcique sont connus. Il s’agit de l’hyperoxalurie, l’hypercalciurie, l’hyperuraturie, l’hypocitraturie, le pH urinaire bas et le faible volume des urines [11]. L’acide ascorbique a été impliqué dans la formation des calculs oxalo-calciques en raison de sa conversion en oxalate. Cependant, les études évaluant l’effet de l’acide ascorbique sur la lithogénèse ont produit des résultats contradictoires [6, 7, 39, 51]. L’acide ascorbique a été également largement utilisé comme acidifiant des urines pour le traitement des infections urinaires chroniques ou récidivantes [3, 36, 59]. Là encore, les données de la littérature sont contradictoires. Le but de cet article a été de faire le point sur les effets de l’acide ascorbique sur la lithogénèse et le pH urinaire à partir d’une revue de la littérature. ETAT DES CONNAISSANCES Historique Le nombre d’articles originaux de recherche ou de revue concernant l’acide ascorbique (vitamine C) est écrasant. Historiquement, l’acide ascorbique a été utilisé comme acidifiant des urines chez les patients porteurs de sondes urinaires à demeure ou souffrant d’infections urinaires à répétition [6, 36, 59]. L’acidification des urines potentialise l’action de certains antiseptiques urinaires. Ainsi, la Méthénamine (Mictasol®, Uraseptine Rogier®, Uromil®) est convertie de façon importante en milieu acide en formaldéhyde (métabolite actif de la Méthénamine) [36]. Cependant, les études évaluant l’acidification des urines par l’acide ascorbique ont produit des résultats contradictoires. McDONALD et MURPHY ont mis en évidence un effet acidifiant des urines après prise orale quotidienne de 2,5 g de vitamine C [31, 34, 35]. A l’opposé, WALL et TISELIUS n’ont pas noté de modification du pH urinaire après prise orale d’acide ascorbique [56]. La popularité de la vitamine C est en grande partie liée à Linus PAUqui, dans les années 70, a recommandé son utilisation pour la prévention de la grippe [20, 40, 41]. Depuis, la prise de vitamine C s’est généralisée et elle est largement utilisée pour des pathologies LING Manuscrit reçu : juillet 2003, accepté : octobre 2003 Adresse pour correspondance : Dr. O. Traxer, Service d’Urologie, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris. e-mail : [email protected] Ref : TRAXER O., PEARLE M.S., GATTEGNO B., THIBAULT P., Prog. Urol., 2003, 13, 1290-1294 . 1290 O. Traxer et coll., Progrès en Urologie (2003), 13, 1290-1294 aussi diverses que le diabète, l’asthme, la cataracte, les maladies cardio-vasculaires ou cancéreuses et depuis peu dans les phénomènes de vieillissement en raison de son rôle anti-oxydant [15,16]. Ainsi, et particulièrement aux Etats-Unis, la consommation de vitamine C dépasse régulièrement de 10 à 20 fois les apports journaliers recommandés (60 mg/jour). En raison de cet excès de consommation d’acide ascorbique et de sa conversion en oxalate, plusieurs auteurs se sont interrogés sur un possible effet lithogène de la vitamine C [21, 33, 47-49]. Là encore, les résultats se sont révélés contradictoires [17]. Les controverses viennent principalement de la difficulté à doser l’oxalate en présence d’ascorbate et de sa possible conversion in vitro en oxalate [4, 10, 42]. De nombreuses études ont rapporté une élévation de l’oxalate urinaire chez des sujets sains après prise d’acide ascorbique, alors que d’autres n’ont pas noté de modifications. Les résultats ont été tout aussi contradictoires pour les patients lithiasiques [9, 17]. Pharmacocinétique de l’acide ascorbique L’absorption de la vitamine C se fait dans le tube digestif par l’intermédiaire d’un transporteur actif sodium-dépendant . Ce procédé est saturable et la capacité d’absorption est atteinte après une dose unique de 3 grammes [4, 22-24]. La pharmacocinétique de l’acide ascorbique suit une distribution non linéaire, l’absorption gastrointestinale et la réabsorption tubulaire rénale étant deux procédés saturables. En utilisant de l’acide ascorbique marqué au carbone 14, HORNING a montré qu’avec une prise unique de 1, 2, 3, 4 et 5 g d’acide ascorbique la proportion d’acide ascorbique excrété dans les urines diminuait de 75% pour une dose absorbée de 1g, à 20% pour une dose absorbée de 5 g [24]. Une autre étude a montré que le taux d’acide ascorbique urinaire diminuait de 57% pour une prise de 2 fois 500 mg à 19% pour une prise de 3 fois 2 g par jour [25]. Selon l’étude de MÉLÉTHIL, la clearance rénale de l’acide ascorbique serait directement dépendante de la concentration plasmatique [32]. En raison d’un processus saturable pour la réabsorption tubulaire, la proportion d’acide ascorbique retrouvé dans les urines diminue de 73,2 +/- 25,7% pour un apport de 500 mg/j à 35,8 +/- 12% pour un apport de 2 g de vitamine C. Une étude récente a montré que pour obtenir un taux d’acide ascorbique urinaire détectable il fallait consommer des doses supérieure à 500 mg toutes les 12 heures [27]. L’acide ascorbique retrouvé dans les urines correspond à la part non métabolisée mais l’acide ascorbique peut également être excrété au niveau urinaire sous la forme d’oxalate et pour une moindre part au niveau respiratoire sous la forme de CO2. Au niveau urinaire, le rapport entre oxalate et acide ascorbique décroît avec l’augmentation de la concentration urinaire d’acide ascorbique. Ceci explique que le processus de transformation de l’acide ascorbique en oxalate est également un processus limité [53]. Origines et mesure de l’oxalate urinaire Classiquement, l’adulte sain excrète dans ses urines entre 15 et 40 mg/j d’oxalate (170 à 450 µmol/j) sous régime alimentaire équilibré. Les patients atteints d’hyperoxalurie primaire peuvent excréter des quantités très importantes d’oxalate pouvant dépasser 100 mg par jour (supérieur à 1100 µmol/j). Une partie de l’oxalate urinaire est d’origine alimentaire. Les aliments riches en oxalate sont nombreux et variés (cacao, thé, épinards, rhubarbe, bettes, poivre …). L’apport moyen en oxalate dans un régime alimentaire équilibré varie entre 80 et 100 mg (890 à 1100µmol/j). Cependant, une grande partie de l’oxalate est complexée par le calcium dans l’intestin grêle puis excrété dans les selles sous forme d’oxalate de calcium. Ainsi, l’absorption digestive d’oxalate n’excède pas 10 à 20% des apports alimentaires [30, 58]. HECKERS a montré que la concentration urinaire d’oxalate pouvait augmenter de plus de 50% en cas d’alimentation riche en oxalate [19]. Cependant, la majeure partie de l’oxalate urinaire est d’origine endogène correspondant au produit du métabolisme de l’acide glycoxylique et de l’acide ascorbique. L’acide glycoxylique dérive lui-même du métabolisme de la glycine, de l’acide glycolique, de la sérine et représente environ 50 à 70% de l’oxalate urinaire. L’acide ascorbique est à l’origine d’environ 35 à 55% (10 à 20 mg) de l’oxalate urinaire. Enfin, une part mineure est liée au métabolisme du tryptophane, de la phénylalanine, de la tyrosine, de l’acide aspartique et des purines. Les techniques récentes de mesure de l’oxalurie (par chromatographie) ont montré que les anciens procédés étaient inappropriés parce qu’ils favorisaient la conversion in vitro de la vitamine C urinaire en oxalate. Parallèlement, le stockage des urines sur milieu alcalin augmente artificiellement l’oxalurie par conversion in vitro de l’acide ascorbique en oxalate. FITURI a ainsi montré que le chauffage des échantillons d’urine contenant de l’acide ascorbique augmentait de façon artificielle l’oxalurie de 298 +/- 120 à 434 +/260 µmol [14]. De la même façon, HUGHES a montré chez 39 sujets volontaires sains que l’utilisation d’une méthode de mesure colorimétrique nécessitant de chauffer les échantillons d’urine augmentait par un facteur 2 la concentration d’oxalate urinaire en comparaison avec une méthode de mesure enzymatique sans chauffage, et ceci qu’elle que soit la prise d’acide ascorbique (1, 3, 6 ou 9g par jour). Les mêmes auteurs ont également montré que pour ces mêmes doses, la majeure partie était excrétée dans les urines sous forme inchangée [25]. Par ailleurs, SCHMITT a montré que l’excrétion d’oxalate urinaire retournait à son niveau de base au plus tard un jour après arrêt de la prise orale d’acide ascorbique [46]. La mesure de la concentration d’oxalate urinaire après prise de 2 g de vitamine C dans des urines fraîches ou après stockage pendant 90 jours a montré qu’une grande partie de l’oxalate urinaire se formait in vitro au moment du stockage. Qui plus est, cette conversion in vitro est d’autant plus importante que le stockage se fait à température ambiante et en milieu alcalin. Cette conversion in vitro de l’acide ascorbique urinaire en oxalate, au moment des procédures de stockage et de mesure, souligne l’importance de la préparation des échantillons urinaires avant mesure de l’oxalate urinaire. Malheureusement la majeure partie des publications ne spécifie pas les conditions et la durée de stockage des échantillons urinaires. Par ailleurs, les comprimés d’acide ascorbique utilisés dans toutes ces études ne sont pas toujours constitués d’acide ascorbique pur. La présence d’excipients, présents dans les comprimés du commerce, a pu également modifier les résultats. Là encore, la majorité des publications ne spécifie pas la nature exacte des comprimés utilisés. Ces différences méthodologiques peuvent expliquer à elles-seules et en grande partie les résultats contradictoires rapportés dans la littérature. Désormais, on sait que la mesure de l’oxalate urinaire en présence d’acide ascorbique doit s’effectuer sur des urines collectées en milieu acide et immédiatement réfrigérées pour permettre de bloquer la conversion non-enzymatique (in vitro) de l’acide ascorbique en oxalate. 1291 O. Traxer et coll., Progrès en Urologie (2003), 13, 1290-1294 DONNEES CLINIQUES Acide ascorbique et lithogénèse Les résultats des études cliniques évaluant la responsabilité de l’acide ascorbique dans la lithogénèse oxalo-calcique sont contradictoires. Chez le sujet sain Les études les plus anciennes ont rapporté une augmentation de l’oxalurie. Lamden a mis en évidence une augmentation de 45 mg/jour du taux d’oxalate urinaire après prise orale de 8 g/jour de vitamine C [28]. TAKENOUCHI a confirmé ces résultats, de même que TAKIGUCHI (3 g/jour) [12, 52]. En 1973, BRIGGS a rapporté une augmentation de 622 µmol/jour du taux d’oxalate urinaire après prise orale de 4 g/jour de vitamine C [5]. KALLNER et HATCH ont eux aussi rapporté une augmentation de l’oxalurie en rapport avec des prises importantes de vitamine C (respectivement 5 et 4 g/jour) [18, 26]. Si la prise d’acide ascorbique a pu être en partie responsable de l’augmentation de l’oxalurie, elle n’est pas suffisante pour expliquer de telles augmentations, particulièrement pour l’observation de BRIGGS [5]. C’est précisément dans ces études que les conditions de mesure de l’oxalurie et de stockage des échantillons d’urine font défaut. Il semble donc que la conversion in vitro d’acide ascorbique en oxalate soit le principal facteur de ces modifications. Les études les plus récentes contrôlant la conversion in vitro de l’acide ascorbique n’ont pas retrouvé de modification de l’oxalurie ou dans de faibles proportions. Ainsi, LEVINE a montré qu’il existait une augmentation de l’oxalurie de 300 à 440 µmol/j après une prise de 1 gramme d’acide ascorbique chez le sujet sain. Les auteurs ont utilisé une méthode prévenant la conversion in vitro de l’acide ascorbique en oxalate. Même si une oxalurie de 440 µmol/j reste dans les normes, l’augmentation a été statistiquement significative [29]. A l’inverse, les études de SCHMIDT, HUGHES et FITURI n’ont pas noté de modification de l’oxalurie après prise quotidienne de 2 ou 4 grammes d’acide ascorbique [14, 25, 46]. Finalement, la Troisième Conférence de Consensus sur la Vitamine C concluait en 1987 qu’il “semblait raisonnable d’affirmer que la prise orale de doses importantes de vitamine C ne constituait pas un facteur de risque pour la lithiase oxalo-calcique chez la majorité des sujets sains” [44]. Chez le sujet lithiasique Les résultats des études chez les sujets lithiasiques sont encore moins précis. En 1978, SMITH a rapporté une augmentation importante de l’oxalurie chez 5 sujets lithiasiques après prise de 4 g/jour d’acide ascorbique [50]. Là encore, cette augmentation semble avoir été liée à la méthode de mesure qui aurait favorisé la conversion non-enzymatique de l'acide ascorbique en oxalate. En 1985, PENDSE a observé une augmentation significative de l’oxalurie chez des patients lithiasiques après prise de 6 g/jour de vitamine C en ayant contrôlé la conversion in vitro de l’acide ascorbique en oxalate [42]. En 1986, CHALMERS a proposé une théorie séduisante pour expliquer les modifications de l’oxalurie chez les sujets lithiasiques. Il a montré que l’hyper-oxalurie des sujets lithiasiques après prise orale de vitamine C, était liée à une hyper-absorption intestinale d’oxalate provenant de la conversion in situ de l’acide ascorbique en oxalate [8]. URIVETZKY a confirmé les résultats de CHALMERS [55]. Les études les plus récentes n’ont pas rapporté de modification de l’oxalurie chez les sujets lithiasiques après prise orale de vitamine C [7, 12, 13, 57]. Ainsi, les études prospectives récentes de CURHAN n’ont pas mis en évidence d’augmentation du risque lithogène lié à la prise d’acide ascorbique. Il a par ailleurs montré que les sujets lithiasiques, par comparaison aux sujets sains, n’avaient pas d’apports plus importants en vitamine C [12-13]. En 2002, RODGERS a publié les résultats d’une étude évaluant les effets de 5 régimes alimentaires différents sur la lithogénèse urinaire chez deux groupes de sujets sains de race noire et de race blanche. Un des cinq régimes était enrichi en vitamine C (2 grammes par jour). Les auteurs n’ont pas noté de modification de l’oxalurie pour les deux groupes de sujets en rapport avec la prise d’acide ascorbique [45]. Deux critiques majeures peuvent cependant être faites : les auteurs ont évalué uniquement des sujets sains sans antécédents lithiasiques, et ils n’ont pas contrôlé de façon stricte les apports alimentaires. Finalement, deux très récentes études sont venues une fois de plus contredire les données de la littérature en affirmant que l’acide ascorbique était un facteur de risque pour la lithiase oxalo-calcique [2, 54]. BAXMANN a évalué l’effet de l’acide ascorbique sur la lithogénèse et le pH urinaire chez 47 sujets lithiasiques et 20 sujets sains. 23 sujets lithiasiques et 20 sujets sains ont reçu 1 gramme de vitamine C/jour pendant 3 jours et les 24 autres sujets lithiasiques ont reçu 2 grammes/jour pendant 3 jours. Les auteurs ont observé une augmentation significative de l’oxalurie chez les patients lithiasiques et les sujets sains qu’elle que soit la dose d’acide ascorbique absorbée. Ils ont également montré qu’il existait une augmentation significative du risque lithiasique par calcul de l’index de Tiselius. Enfin, aucune modification du risque lithiasique n’a été observée pour les deux groupes de patients et pour les deux dosages d’acide ascorbique. Bien que les apports alimentaires n’aient pas été contrôlés de manière stricte, les résultats de cette étude sont en accord avec ceux de TRAXER [2, 54]. Cette seconde étude a été menée sur un groupe de sujets sains et un groupe de sujets lithiasiques et a évalué les effets de l’acide ascorbique sur la lithogénèse et le pH urinaire. Douze sujets volontaires sains et douze sujets aux antécédents de calculs oxalo-calciques ont participé à cette étude. Il s’agissait d’une étude randomisée en double aveugle comprenant une phase thérapeutique de 7 jours (administration d’acide ascorbique pur) et une phase contrôle de 7 jours (placebo) séparées par une période d’inactivité de 7 à 21 jours. Durant la phase thérapeutique (acide ascorbique), les sujets ont reçu chaque jour 2 grammes d’acide ascorbique. Durant la phase contrôle (placebo), ils ont reçu un placebo d’aspect identique aux comprimés d’acide ascorbique. L’alimentation et les boissons ont été identiques et contrôlées durant les 2 phases de l’étude (“cage métabolique”). Les urines de 24 heures ont été collectées les deux derniers jours de chaque phase pour les études biochimiques et physico-chimiques (J5-J6 et J6-J7). Chaque collection d’urines s’est effectuée pour moitié sur milieu acide (10 ml HCl) pour prévenir la conversion in vitro de l’acide ascorbique en oxalate et pour moitié sur milieu huileux (30 ml) pour mesure du pH, du chlore et de l’acide urique. Chaque collection a été immédiatement réfrigérée pour prévenir la conversion in vitro de l’acide ascorbique en oxalate. Un bilan sanguin a été réalisé la veille (J0) et le matin des 2 derniers jours de chaque phase (J6-J7). Aucune anomalie n’a été notée sur les bilans sanguins réalisés à J0, J6 et J7 pour tous les sujets et pour les 2 phases de l’étude. Pour chaque sujet, aucune différence significative n’a été observée entre les 2 phases de l’étude pour l’ensemble des paramètres sanguins. L’augmentation de l’oxalurie a été significative pour les deux groupes de sujets : augmentation de 20% pour les sujets sains et de 33% 1292 O. Traxer et coll., Progrès en Urologie (2003), 13, 1290-1294 pour les sujets lithiasiques. De la même manière, le taux de saturation relative des urines en oxalate de calcium a significativement augmenté pour les deux groupes de sujets. La signification clinique d’une telle augmentation n’a pas été évaluée et à partir des résultats de cette étude, seule une augmentation du risque lithogène peut être évoquée. Enfin, les sujets sains et lithiasiques ont répondu de la même façon à la prise d’acide ascorbique. En effet, l’augmentation du risque lithogène n’a pas été plus importante pour les sujets lithiasiques [54]. REFERENCES 1. ASPLIN J.R., FAVUS M.J., COE F.L. : Nephrolithiasis. 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Les deux récentes études sur l’effet de l’acide ascorbique chez le sujet sain et le sujet lithiasique ont confirmé les travaux les plus récents. A savoir, l’absence d’acidification des urines pour une prise de 1 à 2 grammes par jour d’acide ascorbique [2, 54]. Toutefois, ces études ne permettent pas de conclure sur l’effet de doses plus importantes. Il faut cependant se souvenir que l’absorption intestinale de vitamine C est un processus actif saturé pour une prise orale unique de 3 grammes [27]. 6. CASTELLO T., GIRONA L., GOMEZ M.R., MENA-MUR A., GARCIA L. : The possible value of ascorbic acid as a prophylactic agent for urinary tract infection. Spinal Cord., 1996 ; 34 : 592-593. 7. CHALMERS A.H., COWLEY D.M., BROWN J.M. : A possible etiological role for ascorbate in calculi formation. Clin. Chem., 1986, 32, 333-336. 8. CHALMERS A.H., COWLEY D.M., MCWHINNEY B.C. : Stability of ascorbate in urine : relevance to analyses for ascorbate and oxalate. Clin. Chem., 1985 ; 31 : 1703-1705. 9. COSTELLO J. : Ascorbic acid overdosing : A risk factor calcium oxalate nephrolithiasis. J. Urol., 1993 ; 149 : 1146. 10. CRAWFORD G.A., MAHONY J.F., GYORY A.Z. : Measurement of urinary oxalate in the presence of ascorbic acid. Clin. Chim. Acta., 1985 ; 147 : 51-57. IMPLICATIONS THERAPEUTIQUES 11. CURHAN G.C. : Epidemiologic evidence for the role of oxalate in idiopathic nephrolithiasis. J. Urol., 1999 ; 13 : 629-631. Pour les patients aux antécédents de calculs oxalo-calciques les données de la littérature permettent d’affirmer qu’ils doivent limiter leurs apports quotidiens en vitamine C sans dépasser une dose quotidienne que l’on peut fixer à 500 mg. D’une façon encore plus stricte, il est possible de recommander aux patients lithiasiques de ne pas dépasser les apports quotidiens nécessaires de 60 mg [37]. En pratique, cette dose d’acide ascorbique est apportée par 2 verres de jus d’orange (1 litre de jus d’orange contenant 350 mg de vitamine C).[22]. 12. CURHAN G.C., WILLET W.C., RIMM E.B., STAMPFER M.J. : A prospective study of the intake of vitamins C and B6, and the risk of kidney stones in men. J. Urol., 1996 ; 155 : 1847-1851. Pour les sujets sains, il ne semble pas licite de préconiser une limitation d’apport en vitamine C. Enfin, l’utilisation de l’acide ascorbique à la dose de 2g/jour est inefficace pour acidifier les urines. Son utilisation dans cette indication n’est donc pas recommandée. CONCLUSION L’acide ascorbique (vitamine C) a été impliqué comme facteur de risque de la lithiase oxalo-calcique en raison de sa conversion enzymatique en oxalate. Cette responsabilité lithogène n’a jamais été clairement établie, de même que son effet acidifiant des urines. Les données les plus récentes de la littérature ont montré que la prise quotidienne de 1 à 2 grammes d’acide ascorbique augmentait de façon significative l’oxalurie chez les sujets sains et lithiasiques et de façon significative les taux de saturation relative des urines en oxalate de calcium. L’ensemble de ces résultats confirme que l’acide ascorbique est un facteur de risque pour la lithiase oxalo-calcique, même si la signification clinique d’un tel risque n’a pas été évaluée. A l’inverse, aucun effet de l’acide ascorbique sur le pH urinaire n’a été mis en évidence aux doses de 1 à 2 grammes par jour. 13. CURHAN G.C., WILLET W.C., SPEIZER F.E., STAMPFER M.J. : Intake of vitamins B6 and C and the risk of kidney stones in women. J. Am. Soc. Nephrol., 1999 ; 10 : 840-845. 14. FITURI N., ALLAWI M., BENTLEY M., COSTELLO J. : Urinary and plasma oxalate during in gestion of pure ascorbic acid : A reevaluation. Eur. Urol. 1983 ; 9 : 312-315. 15. 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Ascorbic acid (vitamin C) has been incriminated as a possible risk factor for calcium oxalate stones due to its enzymatic conversion into oxalate. However, this lithogenic role has never been clearly established. Studies evaluating the effect of ascorbic acid on lithogenesis have reported contradictory results. Ascorbic acid has also been extensively used as an urine acidifier for the treatment of chronic or recurrent urinary tract infection. Once again, the data of the literature are contradictory. The purpose of this article was to review the effects of ascorbic acid on lithogenesis and urinary pH based on a review of the literature. Key Words: ascorbic acid, vitamin C, renal calculi, urolithiasis, oxalate. 1294