Diagnostic Update - Mai 2010

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Diagnostic Update - Mai 2010
Mai 10
Diagnostic
Update
Votre cas clinique
Un cas d’anaplasmose canine
(sans échographie ce jour). Traitement instauré : Laxatone® et Therios® pendant 20j.
Dr. vét Marc Bourguet
92370, Chaville
Remarque: En raison d’une multi-infestation par les tiques signalée
par la propriétaire, un frottis sanguin pour recherche de piroplasmes est réalisé. Il s’avère négatif.
Signalement et motif de consultation
Examen clinique
Le chien Rio, Springer Spaniel mâle, de 9 ans et de 27,5 kg est
présenté en consultation pour des boiteries douloureuses intermittentes, variables et multiples depuis 8j. L’animal a un aspect triste. Les urines sont claires, avec absence
de dysurie.
L’animal présente des douleurs – dont l’anamnèse atteste du caractère ambulatoire - avec une boiterie de l’antérieur droit, un œdème et une douleur du carpe et des phalanges de l’antérieur droit.
Il est noté une absence d’adénopathie, satellite notamment.
Une hyperthermie discrète est notée à 39,2°C.
L’examen clinique ne révèle pas d’autres anomalies. Hypothèses diagnostiques
Les symptômes observés et l’infestation par les tiques font penser
à une maladie vectorielle de type ehrlichiose, anaplasmose ou
borréliose.
Examens complémentaires
Anamnèse et commémoratifs
Rio a des antécédents de «syndrome prostatique» avec des difficultés de défécation, des pertes de sang péri mictionnelles et une
hyperplasie prostatique objectivée par toucher rectal en août 2005
et septembre 2008, ayant justifié respectivement à l’époque des
traitements à l’acétate de delmadinone (Tardak®) et l’ozatérone
(Ypozane®), ainsi que des céphalosporines (Therios®).
Un examen échographique était recommandé en cas de récidive.
En juillet 09 :
Une nouvelle crise a motivé la consultation chez un confrère pour
un examen échographique, qui a alors confirmé une hypertrophie
bénigne de la prostate sévère avec un parenchyme hétérogène,
une prostatite (réaction/hypertrophie des nœuds lymphatiques
lombo-aortiques) et une cystite. Rio avait alors reçu le traitement
suivant: Ypozane® + Xeden® + Spasmoglucinol®.
18 septembre 09 (environ 10 jours auparavant) :
Une seconde visite chez le confrère ayant réalisé l’examen échographique en juillet pour apathie, douleurs et difficultés de défécation.
Le toucher rectal confirme l’hypertrophie bénigne de la prostate
La propriétaire étant déjà sensibilisée à ces maladies vectorielles
par le passé (en particulier la piroplasmose) comprend l’intérêt de
réaliser un bilan « maladies à tiques », demandé au Laboratoire
IDEXX Alfort. Les résultats du bilan se trouvent dans le tableau ci-après (page
suivante).
Diagnostic
Le résultat RealTime PCR d’Anaplasma spp. positif corrélé au tableau clinique évocateur confirme le diagnostic d’anaplasmose.
Bien que l’examen du frottis sanguin n’ait pas permis de mettre en
évidence des inclusions cytoplasmiques caractéristiques (morula)
dans les plaquettes ou au contraire dans les granulocytes, les critères épidémiologiques sont plutôt en faveur d’une anaplasmose
granulocytaire que d’une anaplasmose plaquettaire (ou thrombopénie cyclique infectieuse). En effet, l’animal ne vit pas dans
une région où Rhipicephalus sanguineus (vecteur d’Anaplasma
platys) est présent, alors qu’Ixodes ricinus (vecteur d’Anaplasma
phagocytophilum) y est plus fréquemment rencontré. Toutefois, il
conviendrait de s’assurer que Rio n’a pas séjourné sur le pourtour
méditerranéen dans le mois précédent cet épisode.
Bilan Maladies à Tiques
Maladies vectorielles
Analyses
Résultats
Valeurs usuelles
Interprétation
Ehrlichiose
Ehrlichia canis (anticorps, IF)
1/40
< 1/40
Limite positif. Infection ancienne ?
Ehrlichiose
Ehrlichia spp. (RealTime PCR)
négatif
négatif
Absence d’infection.
Piroplasmose
Babesia spp. PCR (RealTime PCR)
négatif
négatif
Absence d’infection.
Borréliose
Borrelia burgdorferi sensu lato
(anticorps, C6 qualitatif)
négatif
négatif
Absence d’infection.
Anaplasmose
Anaplasma spp. (RealTime PCR)
positif
négatif
Mise en évidence d’ADN d’une ou plusieurs
rickettsies du genre Anaplasma :
A. phagocytophilum, A. platys.
Traitement et suivi
02 Octobre 2009 :
Suite aux résultats du Laboratoire IDEXX Alfort, Rio est traité aux
tétracyclines (Ronaxan®, 350 mg/j en 2 prises) pendant 20 jours.
06 novembre 2009 :
Le contrôle clinique, articulaire et urinaire est satisfaisant à ce jour.
Le contrôle au Laboratoire IDEXX Alfort d’Anaplasma spp. (RealTime PCR) est négatif.
Discussion
Professeur Luc CHABANNE, Docteur Vétérinaire
VetAgro Sup - Campus Vétérinaire de Lyon
L’anaplasmose granulocytaire est une maladie à transmission
vectorielle. Initialement décrite chez les Ruminants sous la dénomination de fièvre des pâtures ou fièvre à tique, elle a été ensuite
reconnue chez le cheval, puis chez l’homme où elle s’est appelée
ehrlichiose granulocytaire. L’agent responsable est une bactérie
intracellulaire obligatoire qui parasite les granulocytes (ou polynucléaires) neutrophiles. Dénommée Ehrlichia phagocytophila chez
les Ruminants, Ehrlichia equi chez le cheval et agent de l’ehrlichiose granulocytaire chez l’Homme ou HGE (« human granulocytic ehrlichiosis »), la classification de ces bactéries dans l’ordre
des Rickettsiales a été récemment reconsidérée et elles sont
désormais regroupées en une seule et même espèce à caractère
zoonotique, Anaplasma phagocytophilum, dont le vecteur est
une tique dure du genre Ixodes, qui assure la transmission de la
bactérie à la faveur d’une morsure. En Europe occidentale, Ixodes
ricinus en est le vecteur principal. Cette tique exophile n’a pas
de tropisme d’hôte étroit, au moins pour les formes immatures
(mammifères, oiseaux et même reptiles), même si le stade adulte
est plus sélectif (ongulés, carnivores). Elle est assez largement
répandue en France (à l’exception des zones d’altitude au dessus de 1000 à 1300 mètres et du pourtour méditerranéen), où elle
est fréquemment rencontrée dans les haies, bosquets, landes
(genêts, bruyères), à la lisière des bois et de forêts de feuillus
(charme, hêtre, frêne). Ixodes ricinus est également le vecteur de
Borrelia burgdorferi, agent de la maladie de Lyme.
Chez le chien, la maladie est de description assez récente et
encore mal connue des praticiens. La plupart des chiens naturellement infectés ne semblent pas exprimer la maladie (infections inapparentes ou subcliniques). Lorsqu’elle s’exprime, elle
évolue sur un mode aigu et s’accompagne de signes cliniques
peu spécifiques. Les signes les plus fréquemment rencontrés
sont une hyperthermie, un abattement, de l’inappétence, voire de
l’anorexie, et des signes de douleur musculo-squelettique s’exprimant par des boiteries ou une appréhension aux déplacements.
La présence d’une toux sèche et non productive est plus rarement
rapportée, de même qu’une polydipsie, des signes gastro-intestinaux (vomissement, diarrhée) ou une pâleur muqueuse. Une polyadénomégalie modérée et une splénomégalie sont également
signalées.
L’anomalie biologique la plus constante est une thrombopénie (80 à 90% des cas). Les autres anomalies de l’hémogramme
constatées sont principalement une lymphopénie, et parfois une
anémie. Parmi les paramètres biochimiques, on note une tendance à l’hypoalbuminémie, une hyperglobulinémie et une élévation modérée des enzymes hépatiques (phosphatases alcalines
principalement).
Le diagnostic repose sur des critères épidémiologiques (exposition à des tiques de type Ixodes), des critères cliniques et
biologiques qui restent toutefois très peu spécifiques, des examens de laboratoire, et parfois sur le résultat d’épreuves thérapeutiques.
Au chevet du malade, on pourra rechercher sur un étalement
sanguin après coloration des images assez caractéristiques d’inclusions cytoplasmiques appelées morula au sein des granulocytes neutrophiles. Pour faciliter leur observation, et augmenter
la sensibilité de la technique, il pourra être intéressant de réaliser un concentré leucocytaire (étalement du « buffy coat »). Lors
d’infection expérimentale, les morulae apparaissent 4 jours après
inoculation et persistent pendant 4 à 8 jours. Le pourcentage de
granulocytes neutrophiles contenant des morulae lors d’infection
aiguë chez le chien varie de 7 à 32%.
Des kits rapides peuvent également être utilisés en pratique pour
la réalisation d’une sérologie rapide, mais seul le SNAP® 4Dx®
d’IDEXX permet actuellement la détection des anticorps anti-Anaplasma. Les anticorps sont détectables 8 jours après l’exposition
initiale et 2 à 5 jours après l’apparition des morulae. Ils peuvent
persister plusieurs mois après résolution de la phase aiguë.
Au laboratoire, la sérologie peut également être envisagée en
utilisant d’autres techniques, mais la préférence doit aller aux méthodes directes de diagnostic mettant en application les techniques de biologie moléculaire, avec utilisation d’amorces dont la
spécificité peut varier selon le laboratoire. Les sondes basées sur
l’amplification du gène de l’ARN ribosomial 16S sont plutôt spécifiques du genre Anaplasma, alors que celles basées sur le gène
msp2 de la protéine de membrane externe p44 sont en général
spécifiques d’A. phagocytophilum. La recherche par PCR sur un
échantillon sanguin (sang prélevé sur EDTA) est sans aucun doute la méthode de choix dans le cas de l’anaplasmose canine,
Ce qu’il faut retenir de ce cas
paludisme ou les principales arboviroses. C’est également le cas
avec certaines parasitoses des carnivores comme la dirofilariose
cardio-pulmonaire. Mais ces infections et infestations sont bien
présentes sous nos latitudes et, dans la majorité des cas, liées
à la présence de tiques. Chez le chien en France, les maladies
vectorielles les mieux connues sont deux maladies liées à des protozoaires, la piroplasmose à Babesia canis d’une part, et la leishmaniose à Leishmania infantum d’autre part. Si on excepte ces
maladies, les maladies bactériennes vectorielles viennent sans
doute très rapidement derrière, la plus connue d’entre elles étant
l’ehrlichiose monocytaire à Ehrlichia canis.
•Hyperthermie et douleurs musculo-squelettiques sont les signes les plus fréquemment rencontrés lors d’anaplasmose
granulocytaire chez le chien.
A-t-on une idée de leur importance/prévalence en
France ?
maladie aiguë caractérisée par la présence de l’agent pathogène
dans certaines cellules sanguines. Un résultat positif peut être obtenu 6 à 8 jours avant et 3 jours après l’apparition des morulae
dans le sang.
D’un point de vue thérapeutique, le traitement de choix est la
doxycycline utilisée à la dose de 5 mg/kg deux fois par jours pendant 15 jours, alors que 28 jours sont préconisés dans le cas de
l’ehrlichiose monocytaire (Ehrlichia canis).
•Une infestation par des tiques est un critère du diagnostic et
doit amener à évoquer plus particulièrement certaines maladies
vectorielles (selon le contexte épidémiologique régional).
•La PCR est la technique la plus sensible et la plus précoce
pour le diagnostic de l’anaplasmose granulocytaire chez le
chien. Les techniques proposées sont le plus souvent spécifiques de genre (Anaplasma spp.) et non d’espèce.
•Le diagnostic ne doit pas se limiter à la prise en compte du
résultat de la PCR, mais il doit prendre en compte d’autres éléments, notamment d’ordre épidémiologique.
•Des réactions sérologiques croisées sont parfois décrites avec
Ehrlichia canis, mais semblent peu fréquentes et mineures.
•Un traitement à base de doxycycline à 10 mg/kg/j, à répartir en
2 prises, pendant 2 semaines est suffisant.
•Suite au traitement, un résultat PCR négatif atteste du succès
thérapeutique, alors que les anticorps peuvent persister plusieurs mois après l’épisode aigu.
Questions
posées au Professeur Luc CHABANNE, Docteur Vétérinaire
Qu’est-ce qu’une maladie vectorielle ?
Définir une maladie infectieuse vectorielle revient d’abord à définir
ce qu’est un vecteur. Selon l’OMS, un vecteur est un arthropode
hématophage qui assure la survie, la transformation, parfois la
multiplication, et la transmission d’un agent pathogène infectieux
ou parasitaire. Par extension certains métazoaires non arthropodes, parfois non hématophages, ont été inclus dans la liste des
vecteurs, mais la majorité des vecteurs font partie soit des insectes, soit des acariens (se réduisant pratiquement aux tiques).
Quelles sont les principales maladies vectorielles en
France ?
Les maladies vectorielles sont souvent considérées comme essentiellement tropicales, car les vecteurs y sont plus nombreux.
C’est vrai si l’on considère des maladies humaines comme le
Si certaines de ces maladies sont de diagnostic clinique assez
aisé, ou tout au moins bien codifié et connu de tous comme la piroplasmose canine, voire la leishmaniose, d’autres le sont moins,
en particulier les infections bactériennes. Du fait de la difficulté
du diagnostic, peu de données sont disponibles quant à leur prévalence en France. Par conséquent, leur implication dans certains
syndromes et signes cliniques est très probablement sous-évaluée.
Depuis le début des années 2000, un certain nombre d’études
ont été initiées pour évaluer la circulation des agents pathogènes notamment au sein des populations de tiques. Ainsi, par des
techniques PCR, on a pu mettre en évidence de l’ADN de Babesia chez plus de 13% des Dermacentors et 6% des Rhipicéphales, de l’ADN d’Ehrlichia ou d’Anaplasma chez pratiquement 20%
des Rhipicéphales et 26% des Ixodes. Quant à Hepatozoon, plus
de 45% des Rhipicéphales en hébergeraient. Enfin, 10% des
Rhipicéphales renfermeraient à la fois de l’ADN de Babesia, Ehrlichia et Hepatozoon.
De manière générale, les informations recueillies sont en faveur
d’une prévalence élevée du portage des agents vectoriellement
transmissibles dans les populations de tiques. Corréler à l’importance et à l’extension des populations de tiques, on est en droit de
dire que les maladies vectorielles sont certainement sous-estimées
par nos confrères et leur importance sous-évaluée en clientèle.
Quels sont les principaux vecteurs associés à ces maladies ? Quelles sont les régions associées ?
Les principaux vecteurs sont les tiques dont il existe en France
trois espèces principales susceptibles d’infester le chien et de
véhiculer des agents pathogènes : Ixodes ricinus, Dermacentor
reticulatus et Rhipicephalus sanguineus (cf. tableau). Ces trois
espèces ont des localisations géographiques qui ne sont pas
identiques.
•Ixodes ricinus est l’une des espèces de tiques les plus fréquentes en Europe, très commune en Europe centrale et septentrionale. En France elle est rencontrée dans presque tous
les départements, à l’exception du pourtour méditerranéen. Le
genre Ixodes regroupe des tiques exophiles (sans habitat spécialisé) et hygrophiles (préférence pour un degré élevé d’humidité ambiante).
•Dermacentor reticulatus est la tique la plus répandue chez le
chien en France. Les tiques du genre Dermacentor sont hygrophiles et sont retrouvées dans les régions plutôt froides. Pour
autant, on retrouve le genre Dermacentor dans des proportions
non négligeables au Sud de la France alors que c’est un genre
mal adapté à la zone méditerranéenne qui ne présente pas les
conditions d’humidité que la tique requiert.
•Rhipicephalus sanguineus est la tique brune du chien ou tique des chenils. C’est une espèce xérophile, particulièrement
adaptée aux habitats de type méditerranéen. Même lorsque
persiste un faible taux d’humidité, et là où d’autres espèces
auraient du mal à le supporter, Rhipicephalus sanguineus peut
se développer. Elle peut toutefois supporter une vaste gamme
de conditions climatiques et est ainsi présente bien au-delà du
pourtour méditerranéen, même si elle reste en faible proportion
par rapport aux autres espèces rencontrées.
Quels sont les signes cliniques pouvant faire penser à
une maladie vectorielle ?
Parmi ceux qui sont les plus fréquemment cités et qui peuvent être
à la base d’une suspicion clinique (ou biologique), on retiendra
principalement quatre grands groupes de signes:
•Des signes généraux : hyperthermie fréquente si ce n’est
constante dans la phase aiguë, de l’infection, mais qui peut passer inaperçue en raison de son caractère fugace ou fluctuant.
L’hyperthermie s’accompagne fréquemment d’apathie et d’anorexie.
•Des phénomènes algiques, dont l’origine n’est pas toujours
facile à déterminer, ni univoque (douleurs multiples et diffuses,
douleurs articulaires ou musculaires, cervicalgies) qui contribuent à l’apathie, voire induisent des troubles locomoteurs
(boiteries, démarche précautionneuse…).
•Des signes cutanés : Le caractère éruptif ou exanthématique de
ce type de maladie tel qu’il est décrit chez l’homme est rarement
rapporté chez nos carnivores, mais on restera attentif à la présence d’ectoparasites lors de l’examen du pelage.
•Une atteinte du système hémo-lymphopoïétique avec polyadénomégalie modérée, ainsi que des signes hématologiques
qui peuvent n’être qu’une découverte de laboratoire. Une diathèse hémorragique (épistaxis, purpura) est susceptible d’accompagner les cas les plus graves.
Selon la maladie en cause, de nombreux autres symptômes peuvent venir se superposer à ces signes de base. Ils peuvent être
interprétés pour beaucoup d’entre eux comme la conséquence de
lésions de vasculite ou d’une maladie par complexes immuns (polyarthrite, uvéite, glomérulopathie, atteintes neuro-musculaires…).
Dans quelle mesure les examens biologiques « de routine » peuvent-ils m’aider à les diagnostiquer ?
Nombre de ces maladies s’accompagnent d’anomalies biologiques qui peuvent effectivement constituer des signes d’appel
lorsqu’on les découvre fortuitement par exemple à la faveur d’un
bilan, ou qui peuvent venir renforcer une suspicion clinique. L’anomalie biologique la plus constante et la plus évocatrice est sans
aucun doute une thrombopénie. Toute thrombopénie vraie (confirmée après examen du frottis) doit conduire à évoquer une maladie
vectorielle. Ce qui est vrai dans le cas de la leishmaniose ou de
la piroplasmose, s’applique également aux maladies vectorielles
bactériennes. Parmi les autres anomalies de l’hémogramme fréquemment citées, signalons une anémie qu’elle soit hémolytique
ou non, mais aussi une lymphocytose à grands lymphocytes gra-
nuleux, ou d’autres anomalies portant sur la lignée blanche peutêtre plus inconstantes et variables : neutropénie ou au contraire
neutrophilie, monocytose... Quant aux paramètres biochimiques,
une tendance à l’hypoalbuminémie et une hyperglobulinémie
sont souvent rapportées, ainsi qu’une majoration modérée des
enzymes hépatiques, et plus particulièrement des phosphatases
alcalines.
Quels sont aujourd’hui les examens de laboratoire
spécifiques ?
L’examen attentif du frottis sanguin à la recherche d’anomalies caractéristiques (inclusions cytoplasmiques dans le cas des agents
de la famille des Anaplasmataceae : Anaplasma, Ehrlichia ; anomalies globulaires périphériques dans le cas des hémobartonelles)
se révèle souvent peu sensible en raison de la faible proportion de
cellules parasitées et du caractère parfois fugace de la parasitémie. La réalisation d’un concentré leucocytaire permet d’améliorer
dans certains cas la sensibilité de cette recherche.
La sérologie est une technique basée sur la réponse systémique de l’individu et atteste d’un contact plus ou moins récent avec
l’agent infectieux. Le résultat obtenu dépend de la qualité de la
réponse immunitaire de l’individu et de la cinétique d’anticorps
(délai d’apparition des anticorps et persistance). Les tests rapides aujourd’hui disponibles ont considérablement simplifié le recours à cette technique.
La PCR enfin présente les avantages d’une très grande sensibilité et spécificité et d’un délai de réponse relativement court quand il
est comparé aux autres techniques du diagnostic direct (isolement
en culture…). Ces avantages ont toutefois leurs limites. L’agent
pathogène ne pourra être recherché que s’il est présent dans
l’échantillon biologique récolté : le choix du ou des prélèvements
à effectuer est primordial et dépend des données cliniques. Dans
tous les cas, les prélèvements devront être réalisés le plus tôt possible et avant la mise en place d’un traitement spécifique, car la
PCR ne permet plus d’établir un diagnostic si l’agent a été éliminé.
La spécificité des techniques repose sur le choix des amorces et
nécessite de bonnes connaissances des séquences génétiques
des agents pathogènes recherchés, ce qui représente parfois un
frein au développement de ces techniques. Des amorces portant
sur des domaines conservés peuvent être mises à profit pour des
détections de différents agents apparentés, mais peuvent générer inversement des faux-positifs. L’utilisation simultanée de plusieurs couples d’amorces (PCR multiplex) pourrait permettre une
meilleure approche de certains syndromes d’étiologie complexe.
Le choix de l’examen le plus approprié est à raisonner en fonction
de chaque situation selon le contexte clinique (durée d’évolution,
formes cliniques), épidémiologique et technique (mise en place
d’un traitement spécifique préalable, choix et disponibilité des
prélèvements, disponibilités des méthodes diagnostiques, qualités intrinsèques des techniques utilisées). Le diagnostic direct par
PCR, quand il est disponible, est plus intéressant que la sérologie
en tout début d’infection (avant l’apparition des anticorps). Toutefois, la sérologie peut s’avérer plus pertinente lors de la mise
en place d’un traitement anti-infectieux ou dans certaines formes
chroniques.
Quels sont les traitements spécifiques efficaces ?
La plupart des agents pathogènes évoqués sont des bactéries
Tiques et maladies vectorielles en France
Vecteurs
Principales caractéristiques et
répartition géographique
Maladies associées
Agent pathogène
Type de
microorganisme
Espèces (chiens ou
chats) touchées
Tests
diagnostiques
Rhipicephalus sanguineus
(tique brune du chien ou
tique des chenils)
• Cosmopolite, adaptée au climat
chaud et sec (espèce xérophile)
Ehrlichiose monocytaire
Ehrlichia canis
Bactérie intracellulaire
chiens
Frottis, Sérologie
(anticorps), PCR
Thrombopénie cyclique
Anaplasma platys
Bactérie intracellulaire
chiens
Frottis, Sérologie
(anticorps), PCR
Hémobartonellose
Mycoplasma haemocanis
Bactérie épicellulaire
chiens
Frottis, PCR
Piroplasmose
Babesia canis vogeli
Protozoaire
chiens
Frottis, PCR
Petite babésiose
Babesia gibsoni, B. microti-like
Protozoaire
chiens
Frottis, PCR
Hépatozoonose
Hepatozoon canis
Protozoaire
chiens, chats
Frottis, PCR
Piroplasmose
Babesia canis canis
Protozoaire
chiens
Frottis, PCR
Encéphalite à tique
Flavivirus de l’encéphalite
à tique
Virus
chiens, chats
Sérologie (anticorps :
serum ou LCR), PCR,
histologie
Borréliose de Lyme
Borrelia burgdorferi
Bactérie
chiens, ? chats
Sérologie (anticorps), (PCR)
Anaplasmose granulocytaire
Anaplasma phagocytophilum
Bactérie intracellulaire
chiens, chats
Sérologie (anticorps), Frottis, PCR
? Petite babésiose
Babesia microti-like
Protozoaire
chiens
Frottis, PCR
• En Europe : plutôt au sud,
pourtour méditerranéen
• Endophile (chenil, habitation)
• Monotrope : Larve, nymphe et
adulte sur le même hôte (chien
de préférence)
Dermacentor reticulatus
• Largement répandue en France
• Larves et nymphes endophiles,
adultes exophiles
• Ditrope : Larve et nymphe privilégient
les petits mammifères (rongeurs),
les adultes le chien et le cheval
• Hygrophile, plutôt de saison fraiche et
humide - Prairies à fourrés arbustifs
Ixodes ricinus
• Tique des forêts, très commune
en Europe
• Exophile
• Télotrope : Larve et nymphe assez
peu spécifiques (petits mammifères,
oiseaux); hôte plutôt de grande taille
pour l’adulte (ongulés de préférence,
carnivores,homme)
• Hygrophile: forêts et pâtures
entourées de haies
© Diagnostic Update, IDEXX Laboratories, Mai 2010
Diagnostic
Update
intracellulaires sensibles aux tétracyclines, et plus particulièrement à la doxycycline utilisée à la dose de 10 mg/kg/j en 1 ou 2
prises quotidiennes, pendant 15 à 28 jours selon l’agent concerné.
D’autres familles d’antibiotiques sont parfois préconisées, c’est le
cas de certains macrolides et notamment de l’azithromycine (25
mg/kg, une fois par jour).
L’imidocarbe semble également posséder un certain degré
d’activité, à condition toutefois d’être utilisé à forte dose (5 mg/
kg contre 2,5 dans le cas de la babésiose) et de façon répétée (2
injections à 15 jours d’intervalle). Cette sensibilité relative pourrait
expliquer une guérison momentanée lors de diagnostic erroné
de babésiose ou lors de co-infection avec Babesia canis.
Traitement
Bactéries intracellulaires (Anaplasma spp., Ehrlichia spp.) et épicellulaires (Mycoplasma haemofelis et M. haemocanis)
Principe actif
Dose
Cyclines
Doxycycline
Minocycline
Tetracycline
10 mg/kg o/b.i.d. 1 mois
10 mg/kg b.i.d. 1 mois
22 mg/kg t.i.d. 1 mois
Quinolones
Enrofloxacine
Marbofloxacine
5 mg/kg b.i.d. 3 semaines ?
2 à 5 mg/kg o.i.d. 3 semaines ?
Macrolides
Azithromycine
25 mg/kg o.i.d. 1 mois
Imidocarbe
5 mg/kg IM 2 fois à 15 jours d’intervalle
Borréliose de Lyme
Principe actif
Dose
Cyclines
Doxycycline
10 mg/kg b.i.d. 1 mois
β lactamines
Amoxicilline
Ceftriaxone
Penicilline G
20 mg/kg t.i.d. 1 mois
20 mg/kg b.i.d.
20 000 U/kg t.i.d. 1 mois
Macrolides
Azithromycine
25 mg/kg o.i.d. 1 mois
Macrobabésies (Babesia canis) : Imidocarbe (dipropionate) : 2,5 à 5 mg/kg, 1 injection IM
Microbabésies : Imidocarbe (dipropionate) : 5 mg/kg, 2 injections IM à 2 ou 3 semaines d’intervalle
Doxycycline : Clindamycine :
10 mg/kg, o.i.d; ou b.i.d., 14 à 21 jours
25 mg/kg b.i.d. 14 jours
Bibliographie – Pour en savoir plus…
Beugnet F, Marié JL. Emerging arthropod-borne diseases of companion animals in Europe. Vet Parasitol. 2009; 163: 298-305
Carrade DD, Foley JE, Borjesson DL, Sykes JE. Canine granulocytic ehrlichiosis: a review. J Vet Intern Med. 2009; 23: 1129-1141
Clément-Sailhac ML. Maladies transmises par tiques dans le Sud de la France chez les carnivores domestiques. Thèse Doct Vet. Lyon, 2003, 80 p
Granick JL, Armstrong PJ, Bender JB. Anaplasma phagocytophilum infection in dogs: 34 cases (2000-2007). J Am Vet Med Assoc. 2009; 234: 1559-1565
Kohn B, Galke D, Beelitz P, Pfister K. Clinical features of canine granulocytic anaplasmosis in 18 naturally infected dog. J Vet Intern Med. 2008; 22: 1289-1295
Marotel M. Tiques des carnivores domestiques en region Rhônes-Alpes, Auvergne, Limousin, Midi-Pyrénées, Aquitaine. Thèse Doct Vet. Toulouse, 2006, 113 p
Signalons deux dossiers conséquents en langue française dans des revues vétérinaires :
Approche clinique des maladies vectorielles des carnivores domestiques. Supplément technique N°99. La Dépêche vétérinaire de 17 au 26 juin 2006
Maladies vectorielles. In Le Nouveau Praticien N°24, août – septembre 2005
Franck Guetta, DVM
Reference Laboratory Medical Associate
Directeur de la publication
Laboratoire IDEXX Alfort
Laboratoire IDEXX Alfort
17 Allée Jean-Baptiste Preux
94 140 Alfortville
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