Dossier Entreprise et expertise
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Dossier Entreprise et expertise
Date : 01/07/2013 Pays : FRANCE Page(s) : 33,34 Rubrique : Dossier Entreprise ; expertise Diffusion : (20000) Périodicité : Hebdomadaire Surface : 177 % Dossier Entreprise et expertise TVA sur franchise de l’administration scale fi bailleur et loyer : redresse locataire ’administration fi scale remet systématiquement en cause le régime de TVA appliqué aux franchises de loyers, chez le loueur comme chez le locataire. Comment anticiper ce redressement et quels sont les arguments à faire valoir ? l est auourd’hui systématiquelors dela conclusion de bauxcommerciaux,quele locataireobtiennedu bailleur une franchisede loyersde plusieursmois (voire de plusieursannées),quecedernier accorde afin de ne pas voir son bien inoccupé trop longtempset d’obtenir éventuellementdu locataireun engagementde prendreà bail le bien sur uneduréepluslongue.Or,cette pratique deplaceinstaurela franchisedeloyer en instrumentde négociationqui fait l’obetd’un nombrecroissant deredressementsfiscaux,que bailleuret locatairedoivent désormaisanticiper. Par Arnaud Moraine, avocat associé, TVA, et LiaLoumingou, avocat manager, TVA,Fidal Direction Internationale ainsila renonciationà lafacultéderésiliationtriennale,au niveaudu preneur,doiventêtreselonellesoumisàlaTVA. De manière plus technique,le serviceconsidèreque le bailleur met seslocaux à la disposition du preneur en contrepartiedela renonciationde cedernier à safaculté de résiliationtriennale,ce qui caractériseune obligation de ne pasfaire(renoncerà un droit). Chacun d’entreeux auraitdonc collecterla TVA à son niveau(le bailleur sur les loyersreprésentatifsdela franchiseet le locataire sur la valeur de la renonciation à son droit de résiliation, que l’administration fiscaleestimecomme égaleau montant desloyersnonpayés).Chacunestdonc redressé 1.Le contexte du montant de la TVA sur lesloyersdont la franchisea Eneffet,à l’occasion de laconclusiond’un bail commercial, étéaccordée,majorédesintérêtsderetardà 4,80% par an. le preneurpeut renoncerdansune clausedu contrat à sa facultéderésiliationtriennaleprévueà l’articleL.145-4du 2.La critique de l’analyse de l’administration Codedecommerce,s’enaeant irrévocablementpour une fiscale périodede locationfixée en généralà six ou neufannées La position de l’administration fiscale, qui en fait un fermesetconsécutivessanspossibilitéderésiliation(voire redressement de place,estcritiquableà plusieurschefs. 12 ansfermesou davantagedanscertainscontrats).Par Tout d’abord ellene tient pascomptede l’absence de lien ailleurs,il peutêtreprévu,auseindu mêmecontrat,u’une direct entrelarenonciationà lafacultéderésiliationtrienfranchisede loyer (en pratique de trois mois à un an ou naleet lafranchisedeloyer. parfoisdavantage)estoctroyéepar lebailleur aupreneur. En effet, lesjurisprudencescommunautaireet nationale1 Lorsquela locationesteffectivementsoumiseàlaTVA (de exigentdemanièreconstanteu’un liendirect etimmédiat plein droit ou sur option selonle type de bail), lesloyers soit établi entre le niveau du servicerendu et la contrethéoriques c’estdire non perçuspar le bailleur) de la partie reçuepour assujettirune opérationà la taxe.Or, périodedefranchisene sont en pratiquejamaissoumis à bien souvent,le contratde bail ne permet pas de caracla TVA. Cettefranchisede loyersesten effet analyséepar tériser l’eistence d’un lien direct entre la renonciationà les partiescommeune réduction deprix accordéepar le la facultéderésiliation triennalepar lepreneur et lafranbailleuraulocataire. chisedeloyer accordéepar lebailleur. Or, l’administration fiscalecontestecette position. Elle Parailleurs,il doit êtrerappeléquel’articleL.145-4duCode soutient u’il existeun échangede servicesréciproques decommercefixeladuréeminimaledu bail commercialà entre le bailleur et le preneur.Il en résulteque lesloyers neufans. Cettedispositionest d’ordre public. Lelocataire théoriquesdelapériodedefranchise,auniveaudu bailleur, quantà lui disposed’une facultéde résiliation anticipée I dû Tous droits de reproduction réservés Date : 01/07/2013 Pays : FRANCE Page(s) : 33,34 Rubrique : Dossier Entreprise ; expertise Diffusion : (20000) Périodicité : Hebdomadaire Surface : 177 % triennale.En effet, aprèschaquepériodede trois ans,il peutmettrefin aucontratdebail,simplementendonnant congéauminimum sixmoisà l’avance aubailleur.Il n’apas à fournir demotif pour cetterésiliationetla renonciation peut intervenir sansformalité particulière.En d’autres termes, l’administrationfiscalevoit danscetterenonciation àla facultéde résiliationtriennaleuneobligationde ne pasfairealorsqueledroit commerciallui-mêmene le prévoit pas. Dèslors,il nepeutpasêtreconsidéréquelarenonciationà la facultéderésiliationtriennaleprocureun avantage individualisé au bailleur, tel qu’il qualifierait une prestation de servicesdevantêtresoumiseàla TVA. En effet, cette renonciationn’estpasun servicedétachabledu contraten tant quetelmaisdavantage uneconditiondu contratetun simpleélémentde déterminationdu loyerglobalde ladite location. En effet, le principed’unicité d’imposition,dont la Cour de justice ne cessede rappeler l’importance2, s’oppose catégoriquementà ce qu’un contratqui poursuitun seul but (la location d’un bien immeuble)puisseêtremorcelé de manièrearbitraireet contraireà l’intentiondesparties en plusieursservicesannexesrendusde part et d’autre, quand cesservicesne sont pas détachablesdu restedu contrat. La Cour rappelleà cet égardque «laprestation constituéed’un seulserviceau plan économiquene doit pasêtreartificiellementdécomposée pour ne pasaltérerla fonctionnalitédu systèmedelaTVA». Parconséquent,la franchisedeloyerdoit selonnousêtre considéréecommeun élémentdiminutif du loyerglobal payépar le locatairede l’immeublesur toute la duréedu bail (donc uneréductiondeprix), qui nedevraitpasêtre traité différemmentdesautresmodalitésde détermination du prix, à l’instar d’une minoration en pourcentagedu loyer négociéepar le preneur,ou de remisesponctuelles accordéesparlebailleur. Cette analyseest d’ailleursconfortéepar le parallèlequi 3 peut êtrefait aveclaloi de modernisationdel’économie , dont l’administration fiscale a admis l’opposabilité immédiateen matièrede TVA4 : lesavantagesfinanciers octroyésdanslecadredelanégociationcommercialesont desréductionsdeprix, àmoinsquedesservicesdistincts et détachablesde l’obligationprincipalesoient caractérisés: tel n’estpasle casdans l’hypothèsede la franchise de loyers. Dèslors,aucuneTVA nedevraitànotresensêtreacquittée au titredelapériodedefranchiseoudelarenonciationàla facultéde résiliationtriennale. 3. Lasolution : anticiper… et contester fermement Malgrélesargumentsmentionnésci-avant,lapositionde l’administrationfiscaledonnelieudepuisplusieursmois à de nombreuxredressements dont l’impact financierpeut êtreconsidérablement réduit s’ilssontanticipés. Ainsi,il convientd’attirerl’attentiondesopérateurs économiquessur lanécessitédeprévenirleseffetsde cetype de redressements, en établissantdesconventionsspécifiques en margedesbauxcommerciaux,prévoyantla possibilité pour lespartiesd’émettrelecaséchéantdes factures rectificativescroiséesau titre desservicesprétendument soumisà la TVA (lorsquele preneurbénéficie de droits à déductionpleinset entier).Dela sorte,le bailleuret le locataires’adresseront, à l’issuedu redressement subi par l’un, par l’autreou parlesdeux,desfacturescroisées, annulant l’impactTVA du redressement etlaissantseulementà chacunlachargedesintérêtsderetardnotifiés. Cetteanticipationdesimpactsfinanciersdu redressement trouvesalimite lorsquelepreneuràbail nebénéficiepas de droits à déductionpleins et entiers(à l’image d’une compagnied’assurance par exemple).En effet, danscette circonstance, lepreneuràbailqui consentiraità recevoiret doncàacquitterdesfacturesavecTVA autitre desloyers théoriquesde la périodede franchisene pourrait pas déduireintégralementla taxeainsifacturée.Il s’ensuivrait un coût directde TVA nonrécupérable.Lepreneurà bail ne seradoncpasenclin àaccepterdesfacturesavecTVA émisesparlebailleur.Seuleresteralavoie contentieuse… Par ailleurs,la solution qui consisteraità appliquerdès ledépartla TVA auxfacturationsdece quel’administration fi scaleconsidèrecommedesprestationsde services réciproquesne seraitpassansconséquence, puisqu’en cas d’émission de facturescroiséesà cetitre, l’administration fiscalepourrait considérerque la taxe a étéappliquéeà tort (donc illégalementfacturée)et refuserle caséchéant ladéductionaubailleurcommeaulocatairesur le fondementde l’article271-I-2°-adu CGI. End’autrestermes,l’administrationfiscalecréel’insécurité juridique et redresseselonlescasla TVA collectéeou la TVA déductibleparpur opportunisme. Dans une situation aussi ubuesque,les opérateursde l’immobilier doiventresterfermes,contesterla position critiquablede l’administration, soutenirau contentieux l’absence deservicescroisés,touten anticipantlesimpacts des redressements afin d’en limiter dansla mesuredu possiblelesconséquences financièresaux seulsintérêts deretard.Q 1. CJCE, 8 mars 1988, Apple and Pear Development Council c/ Commissioners of Customs and Excise ; CE, 9 mai 1990, ministre du Budget contre Comité économique agricole des producteurs de plants de pomme de terre de la région Nord de la France et du bassin parisien. 2. A titre d’exemple, CJUE, 25 février 1999, C-349/96, «Card Protection Plan». 3. Loi 2008-776 du 4 août 2008, dite de modernisation de l’économie, reprise à l’article L. 441-7, I du Code de commerce. 4. Instruction 3 E-2-08 du 18 novembre 2008. 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