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Situation no 17
Un collaborateur
fustigé pour son odeur
UN DE VOS COLLABORATEURS VOUS ANNONCE
QU’IL NE VEUT PLUS TRAVAILLER DANS LE MÊME
BUREAU QUE SON COLLÈGUE PRÉTEXTANT
DES ODEURS CORPORELLES INSUPPORTABLES
La situation : contexte et événements
Un conflit entre 2 collègues apparaît rarement par hasard, c’est le plus souvent
une situation dégradée, larvée, qui atteint son paroxysme par la « révolte » d’un des
protagonistes. Vous aviez bien eu vent de l’inconfort olfactif dans le bureau en question,
objet de sourires et sarcasmes dans les discussions de couloirs (par ceux qui ne sont pas
concernés)... Mais le blocage est là, vous êtes désormais sommé d’agir. Dans votre équipe,
un de vos collaborateurs vient vous annoncer qu’il ne veut plus travailler dans le même
bureau que son collègue, prétextant des odeurs corporelles insupportables.
Les acteurs : enjeux et état d’esprit
Le salarié qui veut changer de bureau est de bonne foi. Il est à bout de patience, ses
messages et sous-entendus n’ont eu aucun effet (ni avec le collègue ni avec vous, son
supérieur hiérarchique) et il veut que cet inconfort s’arrête. Pourquoi lui et pas les
autres ? C’est facile de ricaner au coin café quand ce n’est pas vous qui êtes importuné.
Par ailleurs, il n’a aucun autre point de friction avec la personne, il veut seulement pouvoir
respirer.
Le salarié incriminé, qui n’est pas un mauvais bougre, a bien tenté à l’origine de faire
des efforts qui, sur la durée, ne sont pas convaincants. Le fait d’en entendre parler dans les
couloirs ne le réjouit pas mais il en a désormais pris son parti ; on dit de lui qu’il sent
mauvais mais il trouve que c’est très exagéré et ne se sent pas responsable (réaction
naturelle d’autodéfense). De plus, il ne comprend pas que les plaintes viennent de ce
collègue-là car aucun grief ni contentieux n’existe entre eux.
Pour vous, il faut crever l’abcès, aborder la question et trancher en faveur ou non du
salarié réclamant sa « délocalisation ». Vous ne pouvez pas laisser ce conflit perdurer et
vous ne souhaitez pas qu’il laisse des traces (ressentiment, vengeance).
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Les représentants du personnel ont tout à gagner. Ils regardent comment vous
allez traiter cette demande, vous ayant prévenu de leur vigilance sur les questions
d’application des mesures collectives d’hygiène et de santé, et vous ayant mis en
garde contre toute velléité de prise de sanction individuelle sur la base de sentiments
personnels non étayés.
Aucun des collègues ne prend position, niant la réalité de la situation publiquement.
Mais en face à face avec vous, ils plaignent et comprennent le collaborateur qui veut
changer de bureau, tout en refusant, même par avance, le moindre changement dans les
affectations de locaux (de peur d’être mitoyen du collègue incriminé).
Les risques (de l’incident au scénario
catastrophe)
Les obligations en matière d’hygiène sont présentes dans le règlement intérieur.
A minima avec l’obligation d’observer les mesures d’hygiène et de sécurité stipulées dans
le cadre des dispositions légales et réglementaires en vigueur et des recommandations du
CHSCT ainsi que des prescriptions du médecin du travail.
Pour les entreprises qui n’appartiennent pas au secteur tertiaire, les vêtements de
travail, les équipements de sécurité, la mise à disposition de vestiaires (voire de douches)
rendent plus facile le traitement de cette situation car ils l’intègrent pleinement dans la
sphère professionnelle.
Pour les entreprises de service, comme dans notre situation, les causes des odeurs
insupportables peuvent être d’ordre privé mais les conséquences, sur le lieu de travail,
sont d’ordre professionnel. Le risque est d’outrepasser ses prérogatives en tant que
responsable d’équipe (vexation ou discrimination).
De plus, toute atteinte à l’intime, à l’image de soi, à l’intégrité même de la personne
sont en arrière plan dès lors que l’on aborde cette délicate question avec le salarié
incriminé. Le risque est d’être maladroit, indélicat et de provoquer chez l’autre un
sentiment d’agression qui touche à l’intime. Cela peut entraîner une réaction incontrôlée
de la personne (conflit ouvert, plainte pour harcèlement, jusqu’à son départ de l’entreprise et la perte de ses compétences pour l’organisation).
Au niveau juridique, cette situation rentrera dans la catégorie de la mésentente
entre salariés. Elle ne peut constituer une faute que si elle repose sur 2 éléments : la
situation invoquée doit d’abord reposer sur des faits objectifs et ces faits doivent être
imputables au salarié concerné. Toute imputabilité biaisée (exemple sanction sur le
physique) tombera sous le coup de la discrimination.
En outre, il faut être extrêmement prévenant dans les modalités éventuelles de
sanction, car celles prononcées dans des conditions vexatoires ouvrent droit à des
dommages et intérêts.
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Les outils d’analyse
Gérer un conflit c’est agir au bon niveau
Un conflit naît de la différence entre 2 individus ou entre 2 groupes d’individus. Cette
différence peut apparaître à 3 niveaux :
1. Au niveau le plus intime, le système de valeur personnel (culture, religion, éducation).
2. Les caractéristiques ou spécificités personnelles (qualités, aptitudes,
comportements).
3. Au niveau le plus apparent, les contraintes, intérêts ou objectifs personnels (selon
la pression et les influences externes, mais aussi en fonction des moyens à disposition ou
des ambitions individuelles).
Vouloir traiter durablement un conflit individuel ou collectif exige de travailler au bon
niveau.
Gérer des comportements personnels ou privés
qui entrent dans la sphère professionnelle
Sentir mauvais (plus largement la carence d’hygiène ou la négligence corporelle)
peut être à l’origine de dysfonctionnements au travail. Certaines entreprises n’ignorent
plus ces dangers et s’engagent dans des actions de prévention qui ont en commun :
1. Mise en place d’actions de sensibilisation.
2. Ces actions suscitent des demandes individuelles (médicales, sanitaires ou
sociales).
3. Elles sont renforcées par d’éventuelles formations et suivis (aide au changement
de comportement).
Les entreprises prennent conscience que la santé de leurs collaborateurs entre dans le
cadre de leur politique de responsabilité sociale, améliore la productivité et le bénéfice
collectif.
CONSEILS POUR AGIR
Dans cette situation, évitez...
de minimiser ou de nier l’état de fait, la réalité. Vous êtes saisi d’une demande, les
acteurs vous regardent, vous devez agir. Ne rien faire peut se retourner contre
vous.
. de stigmatiser la personne en question. Toute réunion collective sur le sujet est à
proscrire dans notre cas. Si vous prenez à partie les autres salariés, vous risquez de
fracturer votre service, les pour et les contre. Vous accentuerez les phénomènes
de solidarité (voire de clans) autour des 2 protagonistes. Au final, vous aurez la
moitié d’insatisfaits, ou, plus sûrement, vous mécontenterez tout le monde.
. de déplacer la personne qui demande à changer de bureau comme première
mesure immédiate. Même si les faits sont avérés dans notre situation, le message
affiché aux autres membres de l’équipe peut être interprété comme du chantage
.
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gagnant... qui pourra alors être réinvesti sur d’autres sujets (c’est celui qui crie le
plus fort qui obtient l’accord du responsable).
. de sanctionner, le terrain est glissant (cf. ci-dessus). Agir avec discernement sur
un sujet sensible montre que vous ne laissez pas passer mais que vous restez
respectueux et juste.
Dans cette situation, préférez...
. entendre la demande du salarié qui n’en peut plus, vous engager à agir et obtenir
sa patience pendant la période nécessaire pour traiter le problème. N’agissez pas
dans la précipitation, évitez de céder à un quelconque rapport de force avec votre
collaborateur demandeur.
. vérifier les éléments pour qu’ils soient solidement fondés :
– faites-vous une réelle idée du désagrément, en partageant temporairement
l’espace avec le salarié incriminé ;
– sortez des « on-dit » et de la posture humoristique des conversations de
comptoir ;
– demandez l’avis de personnes de confiance, du service de santé.
. recevoir le collaborateur incriminé. Aborder un conflit sans entendre l’ensemble
des parties et recouper les versions est hasardeux. Tout affichage déséquilibré
peut discréditer votre rôle d’encadrant et nourrir la contestation (voire mobiliser
les opinions) :
– demandez-lui s’il s’est rendu compte de quelque chose ;
– dialoguez avec lui sur ses rapports avec son collègue ;
– annoncez-lui que vous avez un problème de management délicat ;
– énoncez ce problème clairement et sans circonvolution, de façon factuelle ;
– laissez-le réagir.
À ce niveau, la suite dépendra beaucoup de la réaction du salarié incriminé.
Soit il ne comprend pas (voire il est dans le déni) ; le travail de prise de conscience
demandera du temps et de la pédagogie (votre voix ne pourra pas rester isolée, il
faudra enrichir les sources, y compris envisager d’associer l’entourage).
Si finalement le déni persiste, le fait d’avoir mis le problème sur la table sera quand
même déclencheur de quelque chose ; le plus souvent la personne ne peut plus
soutenir les regards des autres et finit par proposer elle-même de s’exclure de la
collectivité (spatialement, temporairement ou définitivement).
Soit la prise de conscience est là ou commence à poindre. Il faudra tenter de le
faire basculer vers une complète compréhension et ensuite obtenir son adhésion
en vue d’agir à la source du problème.
. Envisager des pistes d’actions :
– faire montre d’éducation pour la toilette de base ;
– être attentif aux vêtements et à leur entretien ;
– explorer les pistes médicales (cf. ci-dessous).
. Associer les services compétents, faire appel à des professionnels. Une détresse
physique, un mal-être, une négligence cachent parfois une situation personnelle
qui peut être précaire, un drame familial, un événement intime non assumé. Ce
n’est qu’à ce niveau que vous saurez vraiment si la personne veut changer ou pas
(étant entendu qu’elle en soit capable).
. Déployer les mesures concrètes adaptées, partagées avec les professionnels ;
proposer votre aide et accompagner dans les éventuelles difficultés rencontrées.
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Sans affichage particulier, vous pouvez envisager d’informer le CHSCT que vous
avez entamé une démarche ponctuelle (sans nommer la personne).
. Les représentants du personnel peuvent de leur côté jouer leur rôle (de façon
transparente et en bilatéral). L’expression du ressenti de la personne incriminée ne
sera pas la même qu’avec vous, même si vous avez l’impression que cela prend un
bon chemin. Leur retour, plus proche des collaborateurs et du terrain, sera
précieux.
. En cas d’amélioration, les encouragements et les retours positifs (même collectifs) sont les bienvenus.
. En cas d’échec, il faudra prendre des mesures pour neutraliser la gêne (dans la
mesure des moyens et des espaces disponibles) :
– isoler dans un bureau (au risque que cela soit assimilé à un bannissement) ;
– mettre un autre collaborateur pour prendre la relève du salarié à l’origine de la
demande ? (prévoir alors un temps défini, pour qu’à terme tout le monde « s’y
colle ») ;
– obtenir une avancée, même minime, de la part de la personne pour diminuer
les nuisances.
LES IDÉES CLÉS
N’agissez pas en réaction, à la « va vite ».
Identifiez à quel niveau se situe l’origine du désagrément pour trouver une
solution durable (traiter à la source). Les rencontres individuelles sont à
privilégier.
. Attachez vous aux conséquences professionnelles (vous êtes bien dans votre
rôle de manager) tout en restant bienveillant et prévenant sur les aspects
personnels.
. Allez jusqu’au bout, même en cas de résultat modeste, cela renforcera votre
posture responsable.
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