le document didactique dans la construction des savoirs

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le document didactique dans la construction des savoirs
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1- LE DOCUMENT DIDACTIQUE DANS LA
CONSTRUCTION DES SAVOIRS HISTORIQUES
ARCHER Maurice
Ecole Normale Supérieure d’Abidjan, Côte d’Ivoire, Département
d’Histoire et Géographie.
[email protected]
RÉSUMÉ
Cette contribution se propose d’analyser l’importance du document
dans une situation didactique. Elle s’attache à expliquer comment les
apprentissages sont importants à l’aide des documents. Elle apporte des
éclairages sur les difficultés qu’éprouvent les professeurs à confectionner
les documents didactiques et à les exploiter en vue de faire émerger de
nouveaux savoirs.
Pour donner du sens aux apprentissages en vue d’éviter les obstacles
didactiques, elle propose un modèle didactique d’exploitation du
document dans l’enseignement de l’histoire.
Mots-clefs : Document, apprentissage, théorie des situations
didactiques, obstacle didactique, objectif-obstacle.
ABSTRACT
The aim of this analysis is to show the importance of materials in a
teaching and learning situation. This analysis explains how successful
learning is when it is sustained by documents. It also sheds lights on the
difficulties teachers meet in the design and the exploitation of teaching
materials for good learning.
To avoid teaching difficulties and create meaningful learning, a model of
history lesson document exploitation in secondary schools has been suggested.
Key-words: Document, learning, theory of teaching and learning situations, teaching difficulties, objective-obstacle.
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INTRODUCTION ET PROBLÉMATIQUE
L’histoire se fait avec des documents1. Mais de quel document s’agitil ? Pour Lucien Febvre, elle : « se fait avec des documents écrits, sans
doute, quand il y en a. Mais elle peut se faire, elle doit se faire sans
documents écrits s’il n’en existe point. Avec tout ce que l’ingéniosité de
l’historien peut lui permettre d’utiliser pour fabriquer son miel, à défaut
des fleurs usuelles. Donc avec des mots. Des signes. Des paysages
et des tuiles. Des formes de champs et des mauvaises herbes. Des
éclipses de lune et des colliers d’attelage. Des expertises de pierre par
des géologues et des analyses d’épées par des chimistes. D’un mot avec
tout ce qui, étant à l’homme, sert à l’homme, exprime l’homme, signifie
la présence, l’activité, les goûts et les façons d’être de l’homme »2.
En effet, il existe une multitude de documents utilisés en classe par
l’enseignant: administratif, pédagogique et didactique. Dans le cadre
de cette étude, nous nous intéresserons aux documents didactiques,
et plus particulièrement aux documents écrits.
Les documents sont de diverses sortes que l’on nomme également
« traces « ou encore « sources». Ils sont essentiels pour comprendre
le passé de l’homme, car ce sont les seules preuves qui attestent que
ce passé a existé.
Dans la pratique de la classe, les enseignants s’en servent
quotidiennement pendant les leçons. Pour Alain Dalongeville (1995) :
« il est le point d’appui de toute leçon d’histoire »3. C’est pourquoi, il ne
se passe pas de cours d’histoire sans document. C’est une des raisons
qui fait dire à Antoine Prost (1996) qu’: « Il n’y a donc pas de question
sans document »4.
La place faite ainsi aux documents en histoire, lui confère un rôle
fondamental dans la construction du savoir. Malheureusement, il manque
de travaux qui permettent de cerner son importance dans une situation
didactique.
1 Moniot, Henri (1993), Didactique de l’histoire, Paris, Nathan, p. 49.
2 Febvre, Lucien (1953), in Cadiou, François et al. (2005), Comment se fait l’histoire,
pratiques et enjeux, Paris, La découverte, p. 187.
3 Dalongeville, Alain (1995), Enseigner l’histoire à l’école cycle 3, Paris, Hachette Education,
p. 73.
4 Prost, Alain (1996), Douze leçons sur l’histoire, Paris, Seuil, p.80.
Archer Maurice (2012). Le document didactique dans la construction des savoirs
historiques.
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La question se pose, surtout, de comprendre : comment l’exploitation
des documents se présente-t-elle dans la construction du savoir
historique ?
Pour une meilleure compréhension de cette recherche, nous avons
organisé ce travail en trois parties. La première concerne la définition
du cadre théorique, la seconde aborde la méthodologie de la recherche
et la troisième présente les résultats de l’étude.
I.1- Cadre théorique
Le cadre théorique qui fonde cette étude est issu des travaux de Paul
Ricœur (1985), sur le temps et le récit, et de Guy Brousseau (2004) sur
la théorie des situations didactiques.
Dans la transmission du savoir historique, le professeur doit se sentir
concerné responsable de deux types de savoirs à faire acquérir à ses
apprenants. Ce sont d’une part, les savoirs qui figurent aux programmes,
et d’autre part, ceux que les apprenants peuvent découvrir à l’occasion
d’activités métacognitives menées en classe5. Parmi ces activités, il y a
l’exploitation des documents.
Par essence, l’histoire est connaissance par document 6. Ainsi,
pour Paul Ricœur (1985), si l’histoire est un récit vrai, les documents
constituent son ultime moyen de preuve7.
Dans la notion de document, l’accent n’est plus mis aujourd’hui sur
la fonction d’enseignement, mais sur celle d’appui, de garant, apporté
à une histoire, un récit, un débat8.
En d’autres termes, n’importe quelle trace laissée par le passé devient
pour l’historien un document. Pour Marc Bloch (1974), le document est
une trace. Mais se demande-t-il, est-ce la marque perceptible aux sens
qu’a laissée un phénomène en lui-même impossible à saisir ?9
5 Develay, Michel (1996), Peut-on former les enseignants ?, Paris, ESF, p. 50.
6 Veyne, Pierre (1978), Comment on écrit l’histoire, Paris, Seuil, p. 15.
7 Ricœur, Paul (1985), Temps et récit, tome III, Le temps raconté, Paris, Seuil, p. 214.
8 Ricœur, Paul (1985), op.cit., p. 213.
9 Bloch, Marc (1991), Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Paris, Armand Colin,
p. 56.
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Si l’on se fie au sens commun, le mot trace est lié à des termes
considérés comme synonymes : « restes », « vestiges », « résidus »10.
En effet, il y a trace parce qu’auparavant un homme, un animal est passé
par là, une chose a agi11.
On retient avec Marrou Henri-Iréné que le document est « toute
source d’information dont l’esprit de l’historien sait tirer quelques chose
pour la connaissance du passé humain. En un mot, tout ce qui dans
l’héritage subsistant du passé, peut être interprété comme un indice
révélant quelque chose de la présence, de l’activité, de sentiments, de
la mentalité de l’homme d’autrefois entre dans notre documentation »12.
Il ressort de cette définition que le document est un support ou un
outil servant de témoignage ou de preuve. Toutefois, la façon dont les
apprenants se construisent le savoir avec le document ne préoccupent
guère les différents auteurs précédemment cités. Pourtant, cela nous
semble fondamental, car le document aide à comprendre la manière
dont l’apprenant apprend à travers des situations d’enseignement/
apprentissage. En d’autres termes, le document permet de construire
des situations didactiques.
Pour Guy Brousseau (2004), dans la conception la plus générale de
l’enseignement, le savoir est une association entre les bonnes questions
et les bonnes réponses.
En effet, l’enseignement pose un problème que l’élève doit résoudre :
si l’élève répond, il montre par-là, qu’il sait, sinon, se manifeste un besoin
de savoir qui appelle une information, un enseignement13. Comme on
peut le constater, la théorie des situations didactiques n’est pas une
théorie cognitive.
Son importance fondamentale n’est pas le sujet cognitif, mais la
situation didactique. A travers cette situation didactique, le document
met en relation un ensemble complexe de liens qui se tissent dans une
situation d’enseignement entre professeur, apprenant et savoir. C’est
pourquoi, pour Philippe Meirieu (2009), on peut affirmer qu’il y a situation
10 Ibidem.
11 Ricœur, Paul (1985), op.cit., p.218.
12 Marrou, Henri-Iréné (1967), « La notion de document pour l’historien, le document
utilisable pour la pédagogie », in Histoire, Cahiers pédagogique n° 66, p. 7.
13 Brousseau, Guy (2004), La théorie des situations didactiques, La Pensée sauvage,
Grenoble, p. 305.
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historiques.
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d’apprentissage quand un sujet mobilise une ou des capacités qu’il fait
entrer en interaction avec ses compétences.
L’activité qu’il déploie peut être nommée « stratégie » ; c’est une
activité personnelle, aléatoire à son histoire propre ; c’est aussi une
activité finalisée par laquelle il construit de nouveaux savoirs et savoirfaire, par une série de mises en relation successives, la difficulté à
l’habitude, l’étranger au familier, l’inconnu au connu14. Cette conception
de la situation d’apprentissage explique comment l’apprenant s’approprie
un savoir à l’aide du document.
La stratégie représente l’apprentissage en acte. Ce qui la caractérise,
ou encore la rend observable, c’est qu’elle n’est pas un « état » mais
un « processus ».
Elle représente l’ensemble des opérations effectuées par un sujet,
dans le but de parvenir à un apprentissage stabilisé15. Un des objectifs
attendu dans l’exploitation du document en classe, est que l’apprenant
soit capable de réinvestissement, c’est-à-dire lorsqu’il capable d’utiliser
l’habileté acquise dans une situation de structure voisine à celle au cours
de laquelle l’apprentissage initial a eu lieu.
L’apprenant qui est capable de s’approprier un document dans une
série de difficultés différentes au niveau des données à traiter, mais
similaire au niveau de la structure, est capable de réinvestissement.
Sachant ce qui précède, l’apprentissage est un changement relativement
permanent dans le potentiel de comportement dû à l’expérience16.
Cette définition traditionnelle de l’apprentissage, d’inspiration
cognitivo-behaviorale, a l’avantage d’inclure les trois critères requis
dans l’élaboration de toute définition de l’apprentissage : l’idée d’un
changement qui survient à la suite d’une expérience quelconque et, enfin,
l’idée d’un changement qui présente une certaine durabilité.
Ce changement se manifeste au cours des leçons. La leçon n’est
pas spécifique à l’histoire. Dans l’enseignement de cette discipline, elle
permet de vérifier les connaissances, d’installer les capacités cognitives,
affectives et psychomotrices.
14 Meirieu, Philippe (2009), Apprendre…oui, mais comment, Paris, ESF, p. 133.
15 Idem, p. 137.
16 Vienneau, Raymond (2005), Apprentissage et enseignement, théories et pratiques,
Montréal, Gaëtan Morin, p. 7.
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Une intervention éducative, qu’on appelle une leçon ou cours, est
une succession chronologique des activités éducatives, limitées dans
le temps, visant la réalisation d’un ou plusieurs objectifs spécifiques et
utilisant un ensemble d’outils ou de moyens à cette fin17.
Au total, le cadre théorique de notre étude situe donc le document
dans une dimension didactique, en insistant sur des savoirs à enseigner
et leur maîtrise.
Cette dimension implique un travail du professeur pour favoriser
les conditions d’apprentissage. Elle permet à ce dernier de mieux
comprendre le rapport de l’apprenant aux savoirs. Par ailleurs, les
documents tels qu’utilisés en classe, ne permettent pas aux apprenants
de prendre conscience de son importance dans l’enseignement de
l’histoire.
Toutefois, notre étude sera mieux comprise si nous déterminons aussi
les autres aspects théoriques.
I.1.1- Problème, questions et objectifs de recherche
Le document est en usage dans toutes les classes. Il introduit souvent
le cours et sert de base à la leçon.
Nous avons constaté au cours des visites de classes, une
surabondance de supports didactiques.
En effet, la place du document dans les situations d’enseignement/
apprentissage est connue et pratiquée dans la méthode active.
Cependant, l’exploitation du document en classe ne s’appuie pas sur
une modélisation didactique. La plupart des enseignants éprouvent non
seulement des difficultés de choix, mais aussi, des problèmes dans
l’exploitation des documents.
Au regard de ce qui précède, nos questions de recherche consistent
d’abord à se demander, pourquoi les enseignants choisissent-ils des
documents qui ne produisent pas du sens ? Ensuite, quels sont les
documents les plus utilisés dans la construction des savoirs historiques ?
Enfin, comment les professeurs les incorporent et les exploitent durant
les apprentissages?
Cette recherche vise à comprendre l’importance du document dans
la construction des savoirs historiques. En d’autres termes, il s’agit de :
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Kayembe, Ndia-Bintu (1999), Préparer une leçon, Abidjan, CEDA, p. 17.
Archer Maurice (2012). Le document didactique dans la construction des savoirs
historiques.
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déterminer la place du document didactique dans une séquence
d’enseignement en histoire ;
distinguer les types de documents didactiques les plus utilisés
durant les leçons d’histoire ;
proposer une méthode d’exploitation des documents didactiques.
1.2. Hypothèses de recherche
A travers cette recherche, la première hypothèse de recherche
soutient que les documents utilisés par les enseignants pendant les
leçons d’histoire ne sont pas de supports didactiques qui produisent
du sens.
La seconde vise à démontrer que les professeurs exploitent
abondamment les textes au cours des séances d’enseignement/
apprentissage au détriment des autres supports didactiques.
Enfin, par la troisième et dernière hypothèse, nous soutenons que
les stratégies d’exploitation des documents en histoire ne favorisent pas
la construction de savoirs durables.
Par ailleurs, comment cette recherche a été menée ?
II- MÉTHODE
Nous aborderons au cours de cette partie : l’analyse documentaire,
l’échantillonnage et le site de l’étude.
II.1- Analyse documentaire
L’observation porte sur 100 supports didactiques comportant des
textes, des cartes, des images, et des documents statistiques.
Ces documents concernent toutes les classes du premier cycle et du
second cycle. Ils couvrent également les quatre périodes de l’histoire :
l’Antiquité, le Moyen-âge, les Temps modernes, l’Epoque contemporaine
(tableau I).
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Tableau I. Répartition des documents par période
Périodes
Type de document
Total
Textes
Cartes
Images
Documents
statistiques
Antiquité
10
3
2
1
16
Moyen-âge
10
2
2
1
15
Temps modernes
25
5
2
1
33
Epoque contemporaine
25
5
4
2
36
Total
70
15
10
5
100
II.2- Echantillonnage
Nous avons observé 14 enseignants en situation de classe de
janvier à mai 2011, à l’aide d’une grille d’observation. Elle comportait les
différentes compétences attendues pendant chaque leçon.
Nous avons choisi deux enseignants par niveau (de la Sixième à
la Terminale), soit 8 professeurs de collège et 6 de lycée, qui ont en
moyenne dix années d’ancienneté. Ils sont choisis sur la base de leur
expérience en matière d’encadrement des professeurs stagiaires.
Le corpus est constitué de : 35 leçons (à raison de 5 leçons par
niveau, dont 20 pour le premier cycle, et 15 pour second cycle), 35
heures de cours (soit 5 heures par niveau, de la Sixième à la Terminale),
2 programmes d’enseignement (premier et second cycles), et 28 fiches
de leçon en histoire (soit 2 fiches par enseignant).
II.3- Site de l’étude
L’étude a été réalisée dans trois établissements de l’enseignement
secondaire général : Lycée moderne 1 de Bouaflé, Lycée moderne 4 de
Daloa et Lycée moderne d’Issia.
Nous avons choisi ces établissements parce que l’accueil et le suivi
des professeurs stagiaires sont facilités.
Les anciens et les nouveaux cohabitent. Ils partagent souvent les
mêmes préoccupations dans le choix des supports didactiques, ce qui
représente une certaine dynamique au sein des unités pédagogiques
et des groupes de travail entre les stagiaires.
Archer Maurice (2012). Le document didactique dans la construction des savoirs
historiques.
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Nous avons rencontré des difficultés au cours de ce travail. Ce sont
d’abord les obstacles épistémologiques liés à la nature des savoirs en
histoire, ensuite, la méconnaissance de l’état initial de la conception
des apprenants.
En dépit de ces difficultés, il importe de présenter les résultats de
cette recherche.
III- RÉSULTATS
- Des documents sans intérêt didactique liés à la méconnaissance de leurs fonctions
Les enseignants ont recours aux supports didactiques pendant
les leçons: 90% contre 10% choisissent au moins un document pour
conduire une leçon.
Un constat révèle que tous les documents ne sont pas intéressants.
Certains sont parfois inadaptés au niveau des apprenants, et d’autres
encore trop longs.
Un document est intéressant pour retenir l’attention et l’intérêt des
apprenants. Par conséquent, il ne doit pas être trop complexe, ni trop
abstrait. Aussi, il ne doit pas être non plus trop simple, s’il ne comporte
pas des allusions historiques, car la leçon ne sera qu’une simple questionréponse, sans effort d’analyse, ni de synthèse de la part des apprenants.
Le document didactique est un support qui a du sens parce qu’il doit
permettre le réinvestissement des apprentissages dans des tâches et
des contextes donnés.
Parmi les supports didactiques, les récits, les légendes, les contes
portant sur l’Afrique intéressent mieux les apprenants du cycle
d’observation (6e, 5e). Lorsqu’ils sont bien exploités, ils constituent des
supports dignes d’intérêt pour la construction des savoirs.
Un document est adapté lorsque le choix de celui-ci tient compte des
apprenants auxquels il est destiné. Il doit être accessible, écrit dans une
langue claire, élégante et moderne. Si les apprenants éprouvent des
difficultés à le cerner faute de vocabulaire suffisant, cela veut dire que
le document est mal choisi.
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En 6e, des professeurs ont utilisé un texte d’Antoine Prost18pour la
leçon sur l’histoire et son fondement, alors qu’il existe des extraits dans
le Tarikh es-Soudan19.
Sur le Néolithique, les professeurs préfèrent élaborer une carte qui
fait apparaître les sites et vestiges de cette période, alors que la carte de
l’ouvrage de Gilbert Gonnin et Kouamé Allou (2006)20, est digne d’intérêt.
En 5e, tous les enseignants ayant traité la leçon sur les premiers
mouvements migratoires en Côte d’Ivoire ont choisi l’extrait d’un texte de
Jean-Noël Loucou21, au lieu de s’approprier l’ouvrage de Simon-Pierre
Ekanza22. L’œuvre est riche en allusions historiques, fournit d’importantes
informations sur le cadre chronologique de la leçon. En 4e, un rapport du
subdélégué de Versailles à l’intendant de la Généralité de Paris sur la
Révolution française de 1789 comporte des termes complexes pour les
apprenants, tels que : Chevreuse, setiers, seigle. Malheureusement, le
professeur n’est pas parvenu à les expliquer dans leur contexte. Cette
leçon serait plus riche avec des notions plus simples. Il aurait été judicieux
que les apprenants disposent d’un dictionnaire, ce qui pourrait les aider
à le manipuler et à enrichir leur vocabulaire.
Un texte est de longueur raisonnable lorsqu’il respecte des normes.
En 6e et 5e, une dizaine de lignes suffisent. En 4e et 3e, le texte ne doit
pas dépasser quinze lignes. De la Seconde à la Terminale, le texte doit
comporter au maximum vingt-et- une ligne.
En 4e, les enseignants préfèrent le discours de Jules Ferry pour
traiter la leçon sur l’impérialisme et les causes de Berlin sans tenir de
sa longueur.
Quant aux fonctions des documents, celles-ci sont davantage
méconnues par les enseignants. Au premier cycle et au second cycle,
80% des professeurs estiment qu’un support didactique participe à la
18 Prost, Alain (1996), op.cit., pp. 14-15.
19 Es-Sa’di, Abderrhaman (1964), Tarikh Es-Soudan, Paris, Editions Librairie d’Amérique
et d’Orient Adrien-Maisonneuve, pp. 2-3.
20 Gonnin, Gilbert, Allou, Kouamé (2006), Côte d’Ivoire : Les premiers habitants, Abidjan,
CERAP, p. 15.
21 Loucou, Jean -Noël, in Vennetier, Pierre (1978), [sous la direction], Atlas de la Côte
d’Ivoire, Paris, Jeune Afrique, pp.24-25.
22 Ekanza, Simon Pierre (2006), Côte-d’Ivoire : Terre de convergence et d’accueil (XVe
-XIXe siècles), Abidjan, CERAP, pp.15-36.
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méthode active. Par méthode active, ils entendent la participation des
élèves, leurs réponses aux questions ou consignes sur les documents.
Ils choisissent les documents pour la motivation, soit pour trouver
le titre de la leçon, ou pour dégager l’idée générale du document, alors
que le support didactique peut être choisi comme situation-problème.
Malheureusement, les enseignants ignorent ce point.
L’intérêt d’une situation-problème, c’est qu’elle permet l’implication
de l’apprenant. Elle aide à accéder à des concepts et de comprendre
des notions23.
En didactique, le document a une fonction de découverte. Les
apprenants sont plus stimulés lorsqu’ils découvrent un document en
classe. C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle certains professeurs
estiment qu’il faut préparer le document en classe.
Le support didactique constitue un élément pour le contrat didactique
d’une part, et d’autre part, il permet de faire émerger les conceptions ou
les représentations des apprenants.
Le contrat didactique consiste à expliquer les règles qui vont régir les
relations entre les parties (enseignant-enseigné) au sujet du savoir en
jeu. Il est constitué d’abord de ce que l’enseignant attend de l’apprenant,
et ensuite de ce que ce dernier attend de l’enseignant, avec en annexe
ce qui arrivera à l’apprenant s’il ne fait pas ce qu’attend l’enseignant. En
somme, ce qui compte pour déterminer les actions des deux partenaires,
c’est l’idée qu’ils se font chacun des intentions de l’autre et du résultat
de leurs actions conjuguées. Cela ressemble à un contrat. Les deux
personnages font comme si ce contrat existait, était réel. Quand les
actions de l’enseignant et de l’élève échouent, lorsque l’apprentissage
ne se produit pas de manière satisfaisante, chacun se comporte comme
si un contrat avait été passé et rompu. Les deux acteurs se retournent
l’un vers l’autre avec des accusations et des récriminations. Au regard
de ce qui précède, le contrat didactique est une manière d’interpréter la
situation didactique par divers acteurs.
La représentation est le produit d’une activité mentale par laquelle un
individu (ou groupe d’individu) reconstitue le réel auquel il est confronté,
et lui attribue une signification spécifique. Elle inscrit le sujet qui l’exprime
23 Meirieu, Philippe (2009), op.cit., p. 121.
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dans son rapport d’objectivité au monde. Elle est à considérer non comme
un artefct, une pensée aberrante, une opinion passagère, une image à
l’instant, mais pour chaque sujet comme son réel, sa manière de penser,
son rapport au monde ici et maintenant24. Les représentations sont des
connaissances et des règles d’action que les individus et les groupes ont
élaborées à la lumière de leur vécu, de la signification qu’ils ont donné
aux événements, aux phénomènes, aux concepts.
Dans la perspective constructiviste, l’apprenant part de ce qu’il sait. Le
rôle de l’enseignant, est d’amener l’élève à confronter ses représentations
à la connaissance scientifique qui lui a été enseignée.
Quelque soit le sujet d’étude, les élèves savent déjà ou croire savoir
beaucoup de choses. Ils ont des idées sur tout, plus ou mois erronées,
plus ou moins floues, mais qu’il n’est pas possible d’ignorer.
On peut se demander ce que l’on découvre. Il s’agit de ce qui fait la
spécificité ce que l’on apprend en histoire. En histoire, on apprend des
faits, des concepts, des théories, des principes.
Nous ne sommes pas surpris de constater que les professeurs
éprouvent des difficultés à modifier les représentations de leurs
apprenants et qu’ils relèvent une représentation apparaître après que
l’apprenant ait fourni une explication rationnelle d’un fait ou événement.
Comme le souligne Philippe Meirieu (2009) : « On ne peut enseigner
qu’en s’appuyant sur le sujet, ses acquis antérieurs, les stratégies qui
lui sont familières. L’enseignement est stérile s’il ne met pas en place
des situations d’apprentissage où l’apprenant puise être en activité
d’élaboration, c’est-à-dire d’intégration de données nouvelles à sa
structure cognitive. Rien ne peut être acquis sans que l’apprenant
l’articule à ce qu’il sait déjà. Rien ne peut être acquis en contournant ou
en neutralisant sa stratégie »25.
Modifier le système de représentation d’un apprenant oblige ce dernier
à entrer en conflit avec lui-même. En effet, tout apprentissage conduit
à une déstructuration cognitive, et en même temps une déstabilisation
affective de celui qui apprend.
24 Develay, Michel (1996), op.cit., p. 41.
25 Meirieu, Philippe (2009), op.cit., p. 134.
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historiques.
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En d’autres termes, il ne peut y avoir apprentissage que lorsqu’il
y a rupture et continuité. Il y a rupture parce que tout apprentissage
occasionne une césure avec le système explicatif qui existait jusque-là
chez le sujet.
La continuité car, à la fin de cette rupture, l’apprentissage maîtrisé
s’inscrit dans le champ notionnel qui était déjà présent au départ26.
La prise en compte des apprenants matérialise la nécessité de
raisonner les acquisitions scolaires en termes d’obstacles à franchir, et
d’objectif-obstacle.
L’obstacle en didactique est une connaissance erronée qui empêche
la mise en place d’une nouvelle connaissance27.
Il constitue ce qui est à transformer, à faire jouer dans une
représentation pour en aider à l’évolution. Quant à l’objectif-obstacle, il
caractérise parmi les obstacles présents dans la classe celui qui devient
alors un objectif à franchir pour l’enseignant28.
Un autre constat découle des confusions. Les enseignants font des
confusions entre l’usage du document et sa fonction. Cette confusion
est la cause de nombreuses difficultés qu’ils éprouvent dans le choix
des documents.
Dans l’enseignement de l’histoire, le document répond à deux
objectifs : d’abord, l’analyse de la méthode de l’historien, ensuite,
éviter l’étouffement de la réflexion de l’apprenant par l’enseignement
du professeur.
Le document est un outil au service de la mise en œuvre des
apprentissages. Il contient des informations dans l’intention d’être
communiquées.
Il est utilisé pour susciter un conflit cognitif. Il y a conflit cognitif
lorsque les images ou explications contradictoires coexistent chez un
même individu et que celui-ci tend à le résoudre par un dépassement29.
26 Ibidem.
27 Brousseau, Guy (2004), op.cit., p. 119.
28 Develay, Michel (1996), op.cit., p. 41.
29 Meirieu, Philippe (2009), op.cit. pp. 182-183.
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- Une surabondance de documents en inadéquation avec les savoirs à enseigner
L’analyse des données a permis de relever que les enseignants ont
recours à quatre types de documents durant les leçons : les textes, les
images, les cartes, les documents statistiques.
Nous avons remarqué qu’au cours des séances, 70% des professeurs
ont utilisé trois textes pour une même leçon. Seulement 15% ont varié
leurs supports didactiques comprenant des textes et des cartes, et 10%
ont utilisé des textes, des cartes et des images, 5% ont introduit des
documents statistiques durant leurs cours.
Comme on peut le constater, l’examen du premier tableau montre que
les textes, constituent le support didactique le plus utilisé pendant les
leçons au détriment des autres documents : 70 textes sur 100 supports
didactiques recueillis.
Il se pose donc un problème d’organisation des savoirs. Dans
l’enseignement de l’histoire, il est inadmissible d’aborder une leçon sans
une carte pour situer l’espace géographique.
La carte est utilisée pour mémoriser, ou pour présenter et appréhender
des connaissances. Elle permet de rédiger des informations. Savoir lire
une légende sur une carte, expliquer un phénomène par exemple, sont
des compétences à ne pas ne pas négliger.
Comme la carte, il n’est pas judicieux de faire un cours sans déterminer
le cadre chronologique, d’où l’importance d’une frise chronologique pour
caractériser les événements essentiels de l’étude.
Le tableau statistique permet aussi de mettre en œuvre des savoirfaire qui participent à la construction du savoir la construction : la lecture
horizontale et verticale, l’analyse des données.
En somme, l’utilisation d’une frise chronologique, d’une carte, d’une
image et l’analyse des données statistiques permettent de développer
des capacités d’analyses.
De telles compétences sont fondamentales en histoire. En les
minimisant, les apprenants désapprennent. En effet, en histoire, il y
a application, lorsque le sujet est capable d’utiliser l’habileté acquise
Archer Maurice (2012). Le document didactique dans la construction des savoirs
historiques.
27
dans une situation de même structure que celle au cours de laquelle
l’apprentissage initial a eu lieu30.
Les professeurs choisissent les textes sans tenir compte de la
conception des apprenants. Plusieurs d’entre eux sont guidés par un
mot, ou un paragraphe qui traite d’un objectif spécifique de la leçon.
Une autre lacune découle de la congruence entre les savoirs à
enseigner et les documents. Nous avons identifié 25 textes au premier
cycle et 15 au second cycle, soit 40 textes qui ne correspondaient pas
aux objectifs des leçons.
En classe de Quatrième, un exemple concerne la leçon 3 : Je
m’approprie la révolution industrielle aux XVIIIe et XIXe siècles en Europe
pour m’investir dans des actions d’innovations technologiques.
Les différents savoirs sont indiqués dans le tableau II suivant.
30 Develay, Michel (1996), op.cit., p. 42.
Savoir-faire
-Elaborer un tableau des
principales inventions
-Représenter
la chronologie de la Révolution
industrielle
-Localiser
les principaux de la Révolution
industrielle
-Exploiter
des
documents relatifs
à la Révolution industrielle
-Elaborer un tableau de correspondance entre les grandes inventions
du XVIII siècle
et les technologies d’aujourd’hui.
Savoirs
-Définition de la Révolution
industrielle
-Identifier les facteurs de la
Révolution industrielle
-Dégager
les conséquences de la
Révolution industrielle
-Etablir des relations entre les
conséquences de la Révolution industrielle et les progrès
d’aujourd’hui.
-Se montrer créatif
-Etre attentif au
progrès technique
Savoir-être
-Définition correcte
-Représentation correcte
-Localisation correcte
-Exploitation pertinente
-Production correcte
Critères d’évaluation
Tableau II. Principaux savoirs à enseigner de la leçon 3 de la CB 2 d’histoire en 4e
28
© ROCARE/EDUCI Afr educ dev issues, issn 2079-651X
Archer Maurice (2012). Le document didactique dans la construction des savoirs
historiques.
29
Nous avons observé dix professeurs en situation de classe qui ont
tous choisi le texte de Michel Mourre, tiré du Dictionnaire encyclopédique
d’histoire (volume IV, page 2369 à 2372.
Le texte traite en réalité de la Révolution industrielle en Angleterre.
Or la majorité des professeurs limitent l’Europe à l’Angleterre. Certes, la
Révolution industrielle a débuté dans ce pays pour gagner le continent
européen et le reste du monde, mais, cela ne veut pas dire qu’il faut
centrer la leçon sur l’Angleterre. C’est une erreur. La primauté de
l’Angleterre au XVIIIe siècle est une évidence, mais à partir du XIXe
siècle, la Révolution industrielle a gagné d’autres pays d’Europe tels
que : l’Allemagne, la France, la Suède, la Russie (la partie occidentale),
les Pays-Bas, la Belgique et l’Italie (la partie Nord).
Pour masquer les lacunes, les professeurs suppriment généralement
dans le texte, le terme Angleterre pour faire croire qu’il s’agit de l’Europe.
C’est une des raisons qui justifie parfois la présence de plusieurs sauts
de mots dans le document utilisé pendant le cours.
En Seconde, une autre insuffisance a été repérée dans la leçon 4
portant sur la Traite atlantique, dont voici les objectifs spécifiques :
• montrer la place de l’Afrique puis le rôle de l’Europe dans la
Traite atlantique ;
• analyser l’impact de la Traite atlantique dans l’enrichissement
de l’Europe ;
• apprécier l’ampleur des dommages causés à l’Afrique par la
Traite atlantique ;
• analyser le processus d’abolition de la Traite atlantique ;
• montrer l’impact de la Traite atlantique sur l’Amérique ;
• montrer que la Traite négrière est un crime contre l’humanité.
L’analyse des objectifs spécifiques démontre que l’enjeu de cette
leçon porte sur la Traite atlantique et non sur la Traite négrière. Or, ce
sont deux concepts très différents.
La Traite atlantique ou encore la Traite européenne a perduré du
XVIe au XIXe au siècle. Elle fait partie des Traites négrières. D’ailleurs, on
parle des Traites négrières et non de la Traite négrière. Car la première
terminologie englobe non seulement la Traite arabe, mais aussi la Traite
30
© ROCARE/EDUCI Afr educ dev issues, issn 2079-651X
atlantique. Malheureusement, les professeurs continuent de commettre
cette grave erreur.
Le problème est de deux ordres : la lecture et la compréhension. Le
premier niveau de lecture concerne la documentation. La plupart des
enseignants interrogés ne sont pas inscrits dans des bibliothèques : ils
lisent donc très peu. Ils se contentent de quelques manuels ou d’ouvrages
dont les contenus sont erronés ou d’anciens cahiers de cours.
Sur les thèmes de leçon, rares sont ceux qui ont consulté de nouvelles
publications pour mettre à jour leurs connaissances. Au niveau de leurs
différents conseils d’enseignement, ils échangent rarement entre eux.
Les préparations de cours ne font pas l’objet d’échange, de débat pour
s’entendre sur des centres d’intérêt identiques.
Le deuxième niveau de lecture est en rapport avec le curriculum.
Les enseignants lisent superficiellement les différents savoirs à
enseigner contenus dans les curriculums. Ce qui explique parfois
les anachronismes, comme la leçon sur les premiers mouvements
migratoires où la chronologie s’étend entre le XIe et le XVIe siècle. Or
les textes proposés par les professeurs évoquent les Akan, notamment
les Baoulé, qui ne sont concernés que par les migrations du XVIIe
siècle. Comme les enseignants lisent très peu, ils comprennent alors
difficilement les savoirs à enseigner et leurs différentes dimensions.
Dans la dimension psychologique du rapport au savoir, l’apprenant
doit établir une distance critique à l’égard du savoir auquel il est confronté.
Au niveau de la dimension affective, le rapport aux savoirs scolaires
s’enracine dans l’attitude familiale vis-à-vis de la culture. Quant à la
dimension épistémologique, l’épistémologique des savoirs scolaires a
pour enjeu de préciser les contenus enseignés.
- Une exploitation de texte ne permettant pas de construire des savoirs durables
Dans une exploitation de document en histoire, le support a un
objectif bien clair : c’est un prétexte à la leçon, à l’éclairage des faits.
L’objectif de la leçon consiste donc a invité l’apprenant à mettre au jour
les connaissances attendues par le professeur. Les points abordés par
l’exploitation doivent faire émerger les savoirs au départ déterminés et
Archer Maurice (2012). Le document didactique dans la construction des savoirs
historiques.
31
structurés par le professeur. Il convient de relever que les enseignants
méconnaissent cette pratique. Nous avons constaté que tous ont une
démarche unique d’exploitation des documents articulée autour de six
étapes.
La première commence par la distribution du texte par le professeur,
puis, suit la numérotation des lignes par les apprenants. Une fois le texte
numéroté, l’enseignant le fait lire par un ou deux élèves. Au niveau de la
lecture, nous avons également remarqué que l’objectif des enseignants
n’est pas de donner aux apprenants le goût de la lecture, c’est une des
faiblesses dans les apprentissages.
Après la lecture du texte, il fait préciser le sens de quelques termes
de vocabulaire, du strict point de vue de la compréhension linguistique.
Mais dans 95% des cas, les enseignants ne s’assurent pas de la bonne
compréhension des mots expliqués. Tous semblent dire qu’ils sont pris
par le temps.
Après la présentation de la source du document, il pose une ou des
questions pour dit-il, faire participer les apprenants à la trace écrite de
la leçon, par exemple : « Quelle est l’idée principale du texte ? » ou
« Dégagez l’idée générale du texte », est la question la plus récurrente.
Deux ou trois autres questions ou consignes suffisent à conclure
l’exploitation. L’analyse de cette démarche ne fait pas apparaître de
nouveaux savoirs qui placent l’apprenant en rupture avec ses conceptions
antérieures. Nous pensons qu’il n’y a donc pas d’apprentissage.
Apprendre consiste à transférer dans une nouvelle situation ce qui a
été acquis dans la situation initiale d’apprentissage. Or les questionsréponses ou consignes-réponses développées tout au long des leçons
ne peuvent pas garantir un apprentissage réussi.
Un apprentissage réussi est un apprentissage qui permet des
applications, des réinvestissements et même des transferts31.
L’exploitation du texte est avant tout une initiation à la démarche
historique. Elle passe par cinq étapes :
• poser un problème ;
• prendre conscience du problème ;
• élaborer une hypothèse ;
31 Develay, Michel (1996), op.cit., p. 42.
32
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• vérifier l’hypothèse ;
• conclusion.
De ce qui précède, l’exploitation du texte doit se construire en
cinq phases : la dévolution, l’action, la formulation, la validation et
l’institutionnalisation32.
La situation d’action consiste à placer l’apprenant devant une
situation, nommée situation d’action, telle qu’elle pose à l’élève un
problème dont la meilleure solution, dans les conditions proposées,
est la connaissance à enseigner, qu’il puisse agir sur elles et qu’elle lui
renvoie de l’information sur son action.
La situation de formulation exige de l’apprenant des actions devant
apparaître comme la meilleure possibilité de solution au problème posé.
Ce sont des situations qui permettent aux élèves d’échanger entre eux.
La situation de validation est organisée de telle sorte que les relations
entre les élèves et le milieu a-didactique donnent lieu à la production des
démonstrations. Elle oblige les élèves à expliciter leurs formulations, en
vue d’une réaction positive ou négative de leurs camarades.
Enfin, l’institutionnalisation consiste à donner un statut culturel ou
social aux productions des élèves : activités, langage, connaissances.
Les enseignants doivent prendre acte de ce que les élèves ont fait.
Seul le maître est susceptible d’institutionnaliser les nouveaux savoirs
construits par les élèves, de faire le tri entre les savoirs qui n’ont pas la
même importance du point de vue de la dynamique des connaissances.
Dans l’information traitée, le maître choisit et expose, avec les
conventions en usage, ce qui est nouveau à retenir. Il fait le cours. Ainsi,
l’enseignant à la charge de donner un statut aux concepts qui jusque-là,
sont intervenus comme outils. Il constitue alors un savoir de classe auquel
chacun peut pourra se référer. Il va faire partie du patrimoine de la classe.
CONCLUSION
Cette recherche nous a permis de comprendre l’importance du
document dans la construction du savoir historique. Le document
concerne toutes les classes et joue un rôle essentiel dans le déroulement
de la leçon. Les difficultés qu’éprouvent les enseignants dans leur
32 Brousseau, Guy (2004), op.cit., pp.300-302.
Archer Maurice (2012). Le document didactique dans la construction des savoirs
historiques.
33
exploitation tirent sa source dans la formation initiale. La distinction entre
outil pédagogique et didactique n’est pas encore élucidée dans leur
esprit. L’encrage didactique est encore faible dans la formation. Sur le
terrain, les professeurs ne disposent d’aucun outil d’aide leur permettant
de choisir des documents propices aux apprentissages en vue de
renforcer leurs capacités dans l’exploitation des supports didactiques.
Le document peut jouer son rôle dans le processus didactique à
condition donc que des ruptures s’opèrent. Il faut se décider à modifier
absolument un certain nombre de pratiques enseignantes. Il faut
clairement définir les objectifs : qu’est ce que les apprenants devront
apprendre ou réinvestir pendant le travail sur le document ? En se
posant des questions sur la valeur du document, en se demandant si
l’exploitation du document a un lien avec le thème de la leçon, si les
supports ont un véritable enjeu, les apprenants font certainement preuve
d’esprit critique.
Par ailleurs, quel document développer pour que l’apprenant soit actif
en histoire et qu’il trouve sens à son apprentissage ? Il est préférable de
varier les supports didactiques. Mais, si nous avons mis l’accent sur le
texte, c’est parce qu’il est le document le plus utilisé en classe. L’étude
d’un texte doit se faire sans contrainte. Il doit aider les apprenants à
construire de nouveaux savoirs, en évitant la perte d’intérêt pour le savoir
enseigné. Il faut proposer des textes à partir desquels les apprenants
peuvent se poser des questions, émettre des hypothèses, les vérifier et
proposer des conclusions en vue de l’institutionnalisation du savoir. La
capacité à exploiter un texte permet à n’en point douter des transferts,
c’est-à-dire la capacité de mobiliser une compétence dans un autre
domaine autre que celui qui a permis cette acquisition.
Le rôle de l’enseignant est important dans l’intérêt que l’apprenant
porte aux documents. Le contrat didactique entre le professeur et
l’enseigné doit être constamment développé.
Les consignes doivent être simples, précises. Cette formulation
correcte des consignes traduit tout l’intérêt didactique du document. Il
s’agit entre autres, des techniques locales communes comportant : la
préparation des leçons, du matériel d’enseignement, des méthodes clés
en main, des instruments de gestion, objectifs et évaluation33.
33 Brousseau, Guy (2004), op.cit., p. 335
34
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