lire - Historock

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Musique
Napoléon, l’opéra Rock
L’association Historock, en concert
lors de la Semaine
napoléonienne en
juin à Ajaccio, a
produit deux disques historiques à
vocation pédagogique, dont l’un
retrace le parcours
de l’Empereur. Une
démarche appréciée des enseignants mais un peu
moins de l’Éducation nationale et de
certaines « élites »
U
n opéra rock’n’roll sur Napoléon,
chanté en quinze chansons qui
retracent sa vie, les bons et mauvais côtés ? Que les puristes se
rassurent. Point d’hérésie.
Pour Dimitri Casali, historien et créateur du
groupe Historock, l’idée de départ n’était
pas de créer une superproduction à l’américaine, avec arrangements pyrotechniques,
tournées mondiales, et franchises de produits dérivés dans les McDonald’s.
« C’était avant tout pédagogique afin de
redonner le goût de l’histoire aux jeunes »,
explique au téléphone l’auteur du Larousse
sur Napoléon Bonaparte écoulé à 42 000
copies, quelque temps après le concert du 15
juin sur la place du Diamant à Ajaccio.
Lorsqu’il enseigne l’histoire en 1998 à CergySaint-Christophe, en région parisienne, l’exprofesseur doit se faire une raison. « Les
jeunes sont de moins en moins intéressés
par cette discipline. La place de l’histoire est
devenue catastrophique dans l’enseignement ».
Alors, un jour, il décide de briser le « mur »,
pour « provoquer une étincelle ». Guitare
en main, ce passionné de rock anglo-saxon,
style The Who et The Beatles, chante la chanson sur la campagne d’Italie de Napoléon. «
Tout de suite, les élèves se sont rapprochés,
même les derniers de la classe, et on a senti
qu’ils étaient plus réceptifs ».
2.000 exemplaires
écoulés
Cette méthode, « qui vient en complément
et ne remplace pas un cours magistral »,
reçoit le soutien de sa principale. Un peu
Napoléon en quinze chansons : une autre manière de raconter l’histoire.
moins de la part de l’Éducation nationale
qui lui lance : « Quelle idée de mélanger
rock et histoire ? »
Pourtant, le concept séduit ses collègues qui
seront les principaux acheteurs du premier
tome d’Historock « L’Antiquité », sorti en
1999, écoulé à 2 000 exemplaires et retraçant l’histoire de personnages historiques
tels que l’homme de Cro-Magnon, Cléopâtre, César, Auguste, et autres. Le second opus
sorti en 2002, « Napoléon, l’opéra rock »,
fait encore mieux avec 8 000 copies écoulées.
Chez certains intellectuels, l’accueil s’avère
aussi plutôt chaleureux pour ces CD accompagnés d’un livret explicatif à destination
des enseignants. Alain Decaux, ancien ministre et membre de l’Académie française, parle
« d’un modèle du genre », soulignant «
qu’importe le flacon, pourvu que vous fassiez aimer l’histoire », rapporte le site Internet d’Historock.
D’autres, comme le professeur Jean Tulard
de la Sorbonne, le soutiennent dès le départ
car « l’idée (...) est de s’adresser à des jeu-
Les six membres du groupe
Historock se compose de membres qui ont évolué au fil du temps et se compte aujourd’hui
au nombre de six : le co-auteur-guitariste-chanteur Dimitri Casali, le chanteur-guitariste Pedro Camarasa, l’historien et co-auteur Antoine Auger, le pianiste-chanteur Alain
Pievic, le guitariste Gabriel Uzan, le batteur Nikko Naigeon, et le co-producteur-chanteur Jean-Luc Battini.
Les principaux titres de « Napoléon, l’opéra rock »
« Jeunesse d’un immigré » (d’Ajaccio à Toulon 1769-1793).
« Soldats d’Italie », (campagne d’Italie 1796-1797).
« Du haut de ces pyramides », (expédition d’Égypte 1798-1799).
« 18 Brumaire », (coup d’État de 1799).
« Vivat In aeternum », (sacre 2 décembre 1804).
« Jamais y s’éteint ! », (portrait de Napoléon).
« On va leur percer le flanc ! », (Austerlitz, le 2 décembre 1805).
« Yeah now ! (Iéna) », (campagne de Prusse 1806).
« Joséphine mon incomparable », (tragédie du divorce de Napoléon).
« Les Neiges de Russie », (retraite de Russie 1812).
« Les Adieux de Fontainebleau », (abdication de l’Empereur 1814).
« Le Vol de l’Aigle », (Cent-Jours).
« Waterloo », (chute de l’Aigle 1815).
« Vive l’Empereur ! », (mort à Sainte-Hélène 1821).
nes jusque-là rétifs à la culture classique
pour leur faire apprendre et aimer l’Histoire
».
Paris, province, Corse pour la première fois
en juin dernier, Angleterre en 2010, Allemagne en 2011… le groupe a déjà réalisé
une vingtaine de spectacles, toujours en
mélangeant les genres musicaux (musique pop,
R & B, ou rock…).
« Élites parisiennes bienpensantes »
Malgré tout, « Napoléon, l’opéra rock » soulève la polémique. « Aujourd’hui, faire un spectacle sur ce personnage, même en étant
objectif, reste difficile. Nous sommes accusés de l’admirer, et les subventions et financements refusés », explique Dimitri Casali,
« consterné par cette mentalité », le ton critique à l’égard du « cercle des élites parisiennes bien-pensantes ».
À titre d’exemple, en 2011, le groupe souhaite organiser un concert au pied des Invalides, où se trouve le cercueil de Napoléon.
Sur les 70.000 euros nécessaires à l’organisation, 12.000 manquent. « La mairie de
Paris n’a jamais voulu nous aider. Plus tard,
j’ai appris qu’un des responsables dira Pas question de mettre un centime sur ce personnage ».
Sans nier l’aspect conquérant et polémique
de Napoléon – accusé d’être sanguinaire,
esclavagiste, antisémite…-, Dimitri Casali,
également chanteur et guitariste du groupe,
jure que « ces critiques contre Historock
sont infondées ».
« Nous souhaitons mettre l’histoire à la portée
de tous, de façon impartiale, sans rien occulter,
et faire en sorte que cette discipline ne reste pas
réservée à une élite », assure celui qui a écrit
sa thèse à la Sorbonne sur le mythe musical
napoléonien en recensant 300 œuvres musicales, dont celles de Beethoven, Schumann…
et Elvis Costello.
Selon lui, « cette idéologisation perpétuelle
du personnage est dommage ». La France
se ferme des portes elle-même en refusant
d’avoir « un regard dépassionné » sur l’Empereur.
Semaine du 24 au 30 août 2012 - P 22
(Photo Michel Luccioni)
Comme exemple, il cite Napoléon : Total
War, un jeu vidéo de stratégie créé par les
Britanniques. « Il s’est vendu à sept millions
d’exemplaires, en plus de créer une cinquantaine d’emplois », assure Dimitri Casali, qui
a été conseiller historique pour ce projet.
« L’histoire de France
interdite »
Ce poids idéologique dans l’enseignement,
où « l’histoire est modulée selon les tendances politiques », l’amène à réagir. En septembre prochain, l’ancien professeur va
publier « L’histoire de France interdite » chez
JC Lattès. L’occasion pour lui « de régler ses
comptes avec l’Éducation nationale et certains milieux journalistiques ».
« Dans les nouveaux programmes d’histoire,
en particulier ceux de la 5e, on a quasiment
supprimé Clovis, Henri IV, Richelieu, Louis
XIV, Napoléon, pour évincer tout patriotisme
jugé d’un malsain », lance l’auteur de « L’altermanuel d’histoire de France : Ce que nos
enfants n’apprennent plus au collège », sorti
en 2011.
Se déclarant animé par « une conviction historique et non politique », Historock travaille à son troisième opus « Histoire de
France », un livre qui balaiera l’histoire de Vercingétorix à De Gaulle, en passant par Léon
Blum.
Même « sans aucun soutien, institutionnel ou
privé », et « parfois tenté d’abandonner »,
Historock souhaite continuer à composer et
pousser les décibels. Le nouveau morceau
« La Valse » a été joué pour la première fois
à Ajaccio lors de la Semaine napoléonienne,
tandis que celui de « L’aigle croqueur » le
sera le 16 septembre à la Rueil-Malmaison,
avant le 2 décembre à Paris, au théâtre Bon
Conseil.
Pierre BENEDETTI
Informations supplémentaires
www.historock.com - www.myspace.com/historockmusic. Contact : Association Historock, 13 boulevard de la Tour Maubourg,
75007 Paris, France. 06.64.16.57.97./[email protected]