Mobilité maternelle et accouchement

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Mobilité maternelle et accouchement
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Mobilité maternelle et accouchement
● B. de Gasquet*
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es documents historiques ou ethnologiques que nous
possédons nous permettent de dégager quelques
grandes généralités quant au comportement des
femmes au moment de l’accouchement avant l’apparition du
forceps.
Au-delà des rituels, variables en fonction des composantes culturelles ou religieuses, nous retrouvons des constantes remarquables.
La mobilité est quasi universelle, surtout pendant le travail. On
ne trouve jamais décrite la position de lithotomie, ni la position
assise adossée, bassin rétroversé... qui sont les deux positions
privilégiées dans nos salles d’accouchement !
Beaucoup de balancements, soit en quadrupédie, soit à genoux,
en position assise penchée en avant ou accroupie, sont retrouvés.
Les positions asymétriques sont fréquentes.
On remarque souvent une aide, un soutien physique dans ces
positionnements. C’est le plus souvent une femme, parfois
deux, parfois un homme, qui permettent une suspension, ou
qui aident à l’étirement.
On peut noter la recherche constante d’étirement, quelle que soit
la position, et la notion de serrage en ceinture, très différente de
l’expression abdominale qui s’exerce sur le fond utérin.
INFLUENCE DE LA TECHNOLOGIE
C’est de l’apparition des forceps que date la position lithotomique. On peut penser que sa généralisation a généré par
elle-même le recours plus fréquent aux extractions, justifiant
ainsi une posture favorable à l’intervention. Ce type de biais
sera souvent retrouvé en obstétrique...
Plus récemment, les progrès technologiques ont entraîné dans
un premier temps l’immobilité quasi rigide de la femme.
Les premiers monitorings ne permettaient pas les mouvements
maternels, et les premières péridurales “paralysaient” le bas du
corps de la parturiente, tandis que l’ensemble du dispositif de
sécurité la ficelait sur la table.
Il y a dix ans, les accouchements physiologiques étaient rares.
Il fallait la plupart du temps accélérer, assez fréquemment faire
une manœuvre d’extraction, de l’expression, et systématiquement une poussée bloquée, sans réflexe expulsif. L’épisio-
tomie a été la règle pendant de longues années. On peut dire
que les progrès technologiques ont fait pendant un temps reculer la physiologie, pour assurer la sécurité d’accouchements
considérés comme potentiellement pathologiques.
LE TOURNANT ACTUEL
Alors que les outils sont devenus extrêmement performants, une
tendance semble s’amorcer, visant à remettre la technologie au
service de la physiologie.
Les tables d’accouchement les plus modernes mettent l’accent
sur les possibilités de mobilité ; les réflexions sur les
“chambres de naissance”, les “salles nature”, les accessoires
du type baignoires, estrades, ballons ou sièges figurent dans la
plupart des projets de maternité.
Le nombre de congrès, de journées de formation et de
mémoires d’élèves sages-femmes sur les positions d’accouchement révèle le mouvement actuel.
Les péridurales de plus en plus modulables, les monitorings de
plus en plus sensibles permettent de libérer les mouvements
maternels, et d’alléger les perfusions de remplissage ou d’ocytociques. L’épisiotomie systématique est remise en question.
Il ne reste plus qu’à changer l’image de la femme couchée et
attachée, qui est aujourd’hui la représentation inscrite dans la
tête des futures mamans...
Il faut revaloriser le rôle de la mère, lui redonner confiance en
son corps à travers une préparation et un accompagnement
autre que seulement scientifique.
Aujourd’hui, il devient possible d’allier surveillance, sécurité,
analgésie et respect de la physiologie.
PROPOSITIONS
Il ne s’agit pas ici de donner un modèle, mais de rappeler
quelques principes mécaniques, afin de donner des idées aux
mères et à ceux qui les accompagnent, quel que soit le cadre,
et en particulier sur des tables d’accouchement classiques.
LE TRAVAIL
* Médecin généraliste, 16, rue de la Glacière, 75013 Paris.
Permettre et faciliter la mobilité maternelle
Si le meilleur traitement de la menace d’accouchement prématuré reste à ce jour le repos et la position horizontale, il paraît
contradictoire de se coucher pour favoriser le travail !
Pour illustration de l’intérêt des changements de position, on
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peut citer la quasi constante accélération de la dilatation lors
de la pose de la péridurale, avant même que l’analgésie ait pu
agir. Le changement de position (assise penchée en avant ou
sur le côté, dos rond) suffit à influencer la dynamique.
La déambulation
Il a été montré que la déambulation permettait d’accélérer le
travail sans augmenter la fréquence des contractions, ce qui est
appréciable pour le bébé et fondamental pour la mère. En effet,
si les contractions sont très rapprochées, elles sont beaucoup
plus difficiles à supporter. Cela entraîne généralement la
demande de péridurale, laquelle conduit à l’immobilisation.
C’est un cercle vicieux.
Les nouvelles possibilités offertes par les péridurales ambulatoires permettent de se passer d’ocytocine, la mobilisation
assurant l’efficacité des contractions.
D’une manière générale, le tandem travail spontané et déambulation assure une durée de travail plus brève que le tandem
péridurale-ocytocine.
Les limites de la verticalité
Outre les risques de procidence du cordon et les blocs moteurs,
la verticalité n’est pas toujours supportable pour la parturiente.
Très spontanément, beaucoup de celles qui déambulent se penchent en avant au moment des contractions. En effet, la pression sur le périnée peut être trop forte si le bébé est bas.
Au contraire, d’autres, et surtout si le bébé est haut, chercheront à s’accroupir ou à se verticaliser (debout ou à genoux par
exemple) au moment des contractions, quitte à se reposer
assises ou à quatre pattes entre deux contractions.
Si les contractions sont très intenses et rapprochées, elles
seront peut-être plus “prostrées”, gardant leur énergie pour surmonter la violence du travail et retrouver tant bien que mal
leur souffle...
Même si elle paraît être, dans un modèle théorique, le moyen
idéal de faire descendre le bébé, la verticalisation ne saurait
être imposée, et il ne faudrait pas retomber dans l’autoritarisme qui a couché les femmes sur le dos, puis sur le côté
gauche (bien que certaines s’en trouvent très mal) pour en arriver aujourd’hui à les verticaliser systématiquement.
Nécessité d’un réapprentissage
On pourrait en conclure qu’il suffit de laisser les femmes
libres.
Ce n’est pas si simple. Il est difficile de savoir instinctivement
ce qu’on voudrait faire alors que l’instinct a été réprimé dans
toute notre éducation et notre vie sociale, et dans un moment
où tout est nouveau, y compris l’environnement.
L’image inconsciemment intégrée par les femmes occidentales
est celle de la passivité, de la position couchée pour le travail
et gynécologique pour la naissance.
Il faut souvent avoir préparé les choses au cours de la grossesse, avoir familiarisé les femmes avec les lieux, le matériel,
les possibles.
Il faut aussi soutenir les mères et leur donner des éléments de
mobilité : des prétextes (aller prendre un bain), des accessoires
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(le ballon, un siège bas, une barre), ou, mieux encore, le soutien physique (s’accrocher, ou être soutenue par le père par
exemple).
On peut, en effet, noter la fréquence des accessoires ou des
aides dans les images traditionnelles.
Ne pas créer d’obstacle mécanique
Les trois détroits à franchir ont des axes opposés.
Le bébé va devoir s’adapter et modifier sa trajectoire. Mais la
mère peut aussi participer à cette adaptation par sa mobilité,
dans la mesure ou elle entraîne la mobilité du bassin par rapport à la colonne vertébrale, et donc à l’axe d’engagement,
puis dans les rapports des différents os du bassin entre eux, par
l’articulation sacro-iliaque essentiellement.
La mobilité maternelle est le meilleur gage d’adaptation, une
position unique étant a priori moins adéquate.
On peut encore souligner ici l’intérêt du ballon, qui entraîne un
mouvement du bassin quasi automatique, sans aucune difficulté pour la mère.
LES DIFFÉRENTES PHASES DE L’EXPULSION
L’engagement
Lever les obstacles mécaniques
Le principal obstacle est l’hyperlordose maternelle.
C’est ce qu’a développé le professeur Rosa, en précisant la
position des fémurs par rapport au rachis.
En effet, dès que l’angle fémur-rachis est inférieur à 90°, il n’y
a plus de lordose.
Si la femme est debout, il ne sera pas facile, sans appuis, de
garder une bonne position.
Si la femme est en décubitus dorsal, jambes allongées, la cambrure est encore présente, et des accessoires seront nécessaires
(coussins sous les genoux par exemple) pour lui permettre une
détente totale en rétroversion du bassin.
En décubitus latéral, il faut des supports adaptés pour que sa
cuisse supérieure soit bien remontée, sans coincer le ventre. Si
elle utilise les étriers, elle doit être très descendue sur la table
(figure 1).
Figure 1. Position dite “anglaise” : cuisse relevée.
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La position gynécologique, par la position même de la plupart
des étriers, entraîne une lordose et crée un blocage au niveau
du promontoire (figure 2).
avant soit plus verticale, sans tassement. Dans tous les cas,
l’angle fémur-rachis doit être inférieur à 90° (figure 3).
Les postures quatre pattes (ou équivalent) sont aussi de très
bonnes positions pour l’engagement, si l’on respecte l’angle
fémur-rachis inférieur à 90°.
Figure 2. Position gynécologique, angle tronc/cuisse supérieur à 90°.
Cambrure.
On comprend la difficulté pour la femme d’improviser les adaptations, alors que le mobilier qui lui est offert ne peut répondre à
cette règle simple sans aménagements, parfois très empiriques
(par exemple, mettre les gouttières à l’envers, placer la femme
les fesses dans le vide...)
S’assurer que le sacrum n’est pas en nutation
Le deuxième élément important serait de s’assurer de la bonne
position du sacrum, qui doit être, lors de l’engagement, en
contre-nutation.
Ce type d’examen du bassin et de la statique est rarement réalisé aujourd’hui. Un sacrum en nutation entraîne généralement,
dès la grossesse et lors du travail, des douleurs sacro-iliaques
qui amènent les femmes à privilégier les positions antalgiques
de type “quatre pattes”. L’analgésie peut masquer le problème,
qui demeure néanmoins au niveau mécanique.
Un repérage dans le pré-partum permet d’envisager des traitements ostéopathiques. Les manœuvres connues de contre-nutation au cours du travail sont assez complexes à mettre en
œuvre, puisqu’il faut assurer la fixité du sacrum par rapport à
une mobilisation des iliaques, ou réciproquement.
Obliquer le bassin
L’enfant s’engageant en oblique, il est important de posturer le
détroit supérieur de telle sorte qu’il y ait concordance avec
l’axe d’engagement.
Il est donc préférable de permettre des postures asymétriques,
lesquelles sont d’ailleurs souvent prises spontanément par les
femmes, qui “ouvrent plus une jambe, soulèvent plus un
genou, etc”.
Propositions
En fonction de ce qui a été dit plus haut, on peut combiner les
effets de la pesanteur et les postures délordosantes, par
exemple dans les accroupis, dans les postures debout, en appui
contre un mur ou contre le père, ou une jambe remontée (un
pied en appui, par exemple sur un tabouret, etc.). Une asymétrie est possible dans l’ouverture des hanches et le balancement
du bassin, dès lors que le bassin est libre.
On peut aussi être assise sur la table d’accouchement, ou sur
une chaise, à condition d’être en étirement, soit penchée en
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Figure 3. Position asymétrique verticale.
Le décubitus latéral, une cuisse bien remontée afin d’assurer la
délordose, est une position intéressante par l’asymétrie. On
pourra placer les deux gouttières afin de permettre une mobilité des hanches (adduction ou abduction des fémurs)
(figure 4).
Figure 4. Asymétrie et mobilité en décubitus.
Importance de l’étirement
Il permet une respiration abdominale qui, seule, assure la
détente et la vascularisation de l’utérus et du petit bassin. À
l’expiration, l’utérus est plaqué contre la colonne, centré, ce
qui améliore l’axe d’engagement et de descente. L’utérus est
stimulé et les résultantes de pression sont bien dirigées, sans
perte d’énergie (figure 5).
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Favoriser le réflexe expulsif
Plus les ischions sont rapprochés, moins le transverse périnéal
est étiré et moins on aura de réflexe expulsif, car le périnée ne
sera pas sollicité.
La position la plus remarquable pour favoriser ce réflexe est la
position accroupie, fémurs parallèles, et non en rotation
externe (ce qui ferme le périnée postérieur).
On sera donc tenté, pour activer la descente, de faire une poussée
volontaire.
Dans ce cas, le réflexe expulsif ne surviendra pas, il sera
“déconnecté”. On a donc un deuxième cercle vicieux : mauvaise position, mauvaise progression, pas de réflexe, poussée
volontaire, pas de réflexe...
Figure 5.
Antéversion
du bassin
et étirement.
La descente
C’est souvent là que les discordances mécaniques sont les plus
évidentes, et les plus faciles à corriger.
Il faut favoriser la progression fœtale vers le bas et l’arrière.
Lever les obstacles
Deux positions sont à éviter : le décubitus dorsal et la position
assise tassée.
En effet, ces deux positions n’aident pas l’utérus à diriger le
bébé et bloquent le sacrum. Or, il est important que la poussée
du fœtus dans l’excavation fasse nuter le sacrum, ce qui agrandit les dimensions du détroit moyen, à la fois dans le diamètre
antéro-postérieur et dans le diamètre transverse, puisque les
épines sciatiques vont s’écarter lors de la nutation.
Importance de la rotation des fémurs
Il est important de noter que la position des fémurs (ou du bassin) influence l’écartement des épines sciatiques :
– la rotation externe des fémurs (ou rétroversion active du bassin) rapproche les ischions, et donc les épines ;
– la rotation interne des fémurs (ou l’antéversion dynamique
du bassin) écarte ischions et épines sciatiques.
Rôle néfaste de la position gynécologique
La position gynécologique, avec abduction-rotation externe
des fémurs, est un obstacle à la descente d’un triple point de
vue : la pesanteur n’est pas utilisée, le sacrum est bloqué et les
épines sont rapprochées.
Or, il est très rare d’attendre que les épines soient franchies
pour mettre la femme en position.
La descente pose donc souvent un problème, car elle paraît
trop lente, d’autant que le réflexe expulsif, principale et incomparable force, ne sera pas au rendez-vous.
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On connaît les dégâts sur le périnée, et en particulier sur le
sphincter anal, de ces poussées violentes et prolongées.
En tout état de cause, l’étirement du périnée entraîne sa
contraction par réflexe myotatique, ce qui augmente les résistances et conduit à une épisiotomie ou à une déchirure.
Propositions
La solution la plus simple, sur une table d’accouchement, est
de laisser la femme assise penchée en avant le plus longtemps
possible, puis de la posturer en décubitus latéral jusqu’au
dégagement.
Cela correspond à la position dite “anglaise”, qui permet une
bonne mobilité du bassin jusqu’au dernier moment.
Si la femme ne supporte pas la position assise penchée en
avant, on peut la laisser en décubitus latéral, mais on ne doit
pas la laisser assise tassée.
Intérêt des positions asymétriques
Lors de la descente, la rotation sera facilitée par la pression sur
l’utérus (obliques abdominaux, psoas), mais surtout par la différence de tension des releveurs droits et gauches dans les
postures asymétriques.
Les problèmes d’asynclitisme seront améliorés par les mouvements asymétriques alternatifs, souvent spontanés. On peut
noter à ce sujet l’intérêt du ballon, qui induit une grande mobilité du bassin.
La poussée
Idéalement, elle est totalement réflexe, la femme n’ayant rien à
apprendre, rien à gérer. “Ça pousse” avec une puissance inégalable. C’est un moment extraordinaire, où la douleur devient
souvent secondaire.
Dans le cas ou ce réflexe ferait défaut (péridurale fortement
dosée, poussée volontaire trop précoce), il faudrait essayer de
s’en rapprocher, au lieu de faire l’inverse.
Il faut serrer fortement les abdominaux de ceinture par-dessus
l’utérus, et non pousser le diaphragme vers le bas et faire sauter
la ceinture. Cette dernière technique est prolabante, très violente pour le système ligamentaire et pour le périnée qui se
recontracte. Il faut souvent pousser longtemps et très fortement,
rajouter parfois de l’expression...
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Au contraire, dans le réflexe, le diaphragme est refoulé vers le
haut, ce qui détend le périnée (figure 6).
Poussée bloquée
Flexion de la nuque, diaphragme bloqué en position inspiratoire.
Diastasis des grands droits. Antéversion utérine, poussée du bébé
vers le périnée postérieur.
Intérêt des positions en suspension
S’il est intéressant d’utiliser la pesanteur pour faire descendre
le bébé, il est parfois trop violent de pousser dans une position
verticale, en raison de la pression exercée sur le périnée. De
plus, le maintien d’une position verticale, surtout avec appui
(siège d’accouchement par exemple) favorise les œdèmes périnéaux et un étirement du périnée qui n’est pas compatible avec
sa détente.
C’est pourquoi l’iconographie ancienne montre que le dégagement se faisait presque toujours en position soit soutenue,
soit suspendue, soit repoussée (les bras repoussant les cuisses
ou des appuis), afin d’alléger le périnée, de permettre son
ouverture vers l’intérieur et non vers l’extérieur.
En effet, dans la suspension, le diaphragme remonte, les abdominaux profonds se resserrent (les grands droits s’allongent),
le périnée est libre et aspiré vers le haut.
Il peut paraître difficile de réaliser des suspensions sur les
tables d’accouchement traditionnelles.
Les plus récentes en proposent. Il est toujours possible d’utiliser
un drap et un aide debout derrière la table, qui permettent à la
mère de s’accrocher et de se laisser suspendre (figure 8).
Poussée sur l’expiration
Hyperflexion des hanches. Rétroversion du bassin et de l’utérus.
Serrage maximal des abdominaux profonds.
Remontée du diaphragme et détente périnéale.
Figure 6. Respiration et poussée.
Propositions
– Faire descendre le bébé par la mobilisation et non par des
efforts expulsifs.
– Aménager la position gynécologique pour ouvrir le périnée
et permettre le serrage des abdominaux profonds : cuisses
hyperfléchies sur l’abdomen, mains repoussant les genoux,
coudes remontés, tête en appui sur l’oreiller et surtout pas
relevée (figure 7).
– Pousser sur le serrage abdominal en expiration freinée.
Figure 8. Suspension en décubitus.
Le dégagement
Il pourrait en réalité se faire dans les positions de descente,
puisque le coccyx est libre et que c’est le seul élément qui va
bouger spécifiquement à cette étape.
Pour des raisons psychologiques, les mères préfèrent souvent
ramener le bébé vers elle à ce moment-là, et donc rétroverser
le bassin. La rotation externe des fémurs va alors refermer le
périnée postérieur et ramener l’enfant vers le périnée antérieur.
On peut donc reprendre, au tout dernier moment, la position
gynécologique aménagée, cuisses hyperfléchies sur le ventre,
bassin légèrement surélevé, pour ouvrir le périnée devant le
bébé.
Figure 7. Hyperflexion des hanches et étirement.
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Les présentations postérieures
La rotation sera bien évidemment plus difficile en décubitus
dorsal.
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Ces présentations entraînent souvent des douleurs sacroiliaques au cours du travail, et la recherche de positions antalgiques est très cohérente avec la mécanique : les femmes se
posturent naturellement à quatre pattes, ou dans des équivalents quatre pattes, afin de mettre le ventre dans le vide, ce qui
permet à la pesanteur d’entraîner le dos du bébé vers l’avant.
Certaines disent que les positions de la grossesse peuvent aider
à un meilleur positionnement de l’enfant. Au cours de l’accouchement, on utilisera les positions penchées en avant ou le
décubitus latéral (figure 9).
Figure 9. Penchée
en avant, “ventre
dans le vide”.
À ce propos, on est souvent tenté de proposer d’emblée à la
mère de s’allonger du côté opposé à la présentation. Cela est
parfois mal toléré par la parturiente (l’utérus tire trop sur les
ligaments en raison du vide relatif du côté opposé) ou par le
bébé.
On est donc parfois amené à proposer de coucher la maman
presque sur le ventre, de façon à repousser le dos du bébé vers
le centre, par appui sur la table ou sur un coussin. Ce n’est que
progressivement qu’on pourra passer de l’autre côté, avec un
coussin pour combler le vide.
Les postures de torsion, par exemple assise penchée en avant,
accrochée au cou du père lui-même placé sur le côté, favorisent les rotations. Il y a en effet cohérence et continuité entre
les abdominaux obliques, les psoas et l’hémivagin, qui entraînent le bébé dans un toboggan tournant.
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ÉVALUATION
Trop peu d’expériences de mobilité en salle d’accouchement
classique sont encore réalisées pour permettre des méta-analyses comparant statistiquement les accouchements statiques et
dynamiques. Les premières études sont encourageantes : Flers,
Dinan, Paimpol, Voiron, Saint-Omer, Lille, Grenoble... et bien
d’autres sites, qui constatent l’intérêt de la mobilité du point de
vue de la durée totale de l’accouchement et surtout de la poussée, de l’utilisation moindre des manœuvres d’extraction, du
meilleur état fœtal et de la satisfaction des couples.
On peut raisonnablement penser que le développement des
péridurales ambulatoires va permettre d’évaluer l’intérêt de la
mobilité, toutes choses égales par ailleurs. L’impact sur le
périnée et la statique pelvienne devront aussi être analysés.
Plus difficile sera l’appréciation de l’impact sur la relation mèreenfant et père-mère-enfant. On peut imaginer qu’une plus
grande participation des couples à la mise au monde de leur
enfant ne peut qu’être positive (surtout s’il ne s’agit pas de choisir entre souffrir ou ne rien sentir et être totalement dirigée).
La pratique de ces propositions ne fait prendre aucun risque
quant à la surveillance, car il est toujours possible de revenir
au schéma traditionnel en quelques secondes. Elle ne nécessite
pas non plus d’investissement particulier, même si une conception plus dynamique des salles de naissance est souhaitable.
La seule difficulté réside donc dans la motivation des femmes,
des couples et des équipes, à qui cela demande sans doute plus
de disponibilité et d’écoute.
Mais peut-être l’enjeu en vaut-il l’effort ?
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