Booklet 2000-2001 - Théâtre de la Ville

Transcription

Booklet 2000-2001 - Théâtre de la Ville
SAISON2OOO2OO1
façons de vivre, façons de penser
toujours public
1999/2000, plus de 200 000 spectateurs.
La saison 2000/2001 du Théâtre de la Ville et des Abbesses – la 33e pour le
premier et la 5e, déjà, pour le second – débutera le 26 septembre pour se terminer le 23 juin.
375 représentations, 94 programmes, 29 créations…
Des chiffres qui parlent et se passent de commentaires.
Toujours les mêmes principes, mais à chaque saison sa personnalité.
D’année en année, la politique suivie s’affirme, fait ses preuves et justifie son
financement par l’argent public, en l’occurrence celui des Parisiens via la
Mairie de Paris.
Diversité des programmes, cohérence de l’ensemble.
Nouvel équilibre entre théâtre et danse – la danse, majoritaire (37 programmes, 179 représentations).
Une meilleure complémentarité entre les deux théâtres. La recherche
constante du choix du meilleur lieu pour chaque programme.
sens obligatoires
De nos jours, le théâtre, la danse, la musique, les arts plastiques se métissent
et s’enrichissent mutuellement. Le "pur" se fait rare et fait presque "mauvais
genre". Plus que jamais, le théâtre et la danse sont en quête de sens, pour
vivre et pour penser.
Les "ouvertures" donnent le ton.
Les Pensionnaires de Jérôme Deschamps et Macha Makeieff, le Réformateur
de Thomas Bernhard.
Jan Lauwers avec les danseurs de Forsythe, François Verret, Jan Fabre…
Aux Abbesses Gilles Jobin, La Ribot, Lynda Gaudreau, Jérôme Bel.
La musique toujours à 17h – toujours d’excellents interprètes –, toujours des
programmes choisis en toute liberté, loin des "lois du marché".
Les musiques du monde, nullement "mondialisées" – toujours bon nombre de
découvertes et de concerts rares.
2, c’est mieux
Pour mieux comprendre, pour mieux apprécier.
Le Théâtre de la Ville n’est ni un festival, ni une vitrine ; il n’est pas fort en
thème, déteste les "coups" et aime les trajectoires.
2 Lear, 2 Koltès, 2 programmes pour Wim Vandekeybus, Sankai Juku, Sasha
Waltz, Pina Bausch… mais également pour Gilles Jobin, La Ribot, Lynda
Gaudreau, Jérôme Bel.
autres danses,
autrement,
autre part
« Il existe des gens qui tirent les conséquences de leur époque et d’autres
qui ne savent pas les tirer » déclarait Pierre Boulez dans le journal Le Monde
du 24 mars 2000.
Depuis quelque temps, des danseurs, des chorégraphes, jeunes et moins
jeunes, mais tous expérimentés, s’interrogent, interrogent le corps, la représentation, leur statut, les règles du jeu, contestent, revendiquent, cherchent…
trouvent, parfois. Des gens de leur époque – indispensables pour la danse
en son état actuel.
Leur démarche très personnelle, et souvent radicale, impose un nouveau rapport entre artistes et publics.
À cet effet, en plus des Abbesses, le plateau et la coupole (salle de répétition) du Théâtre de la Ville seront ponctuellement aménagés.
Pour public averti, pratiquant, curieux, disponible… En un mot, pour public
de rêve !
Opinions contrastées, avis partagés garantis.
France Culture, qui justifie son nom, a décidé de s’associer pour "faire
entendre" cette danse-là.
tout cela n’a pas
de prix
Il faut cependant les fixer.
Simplification et normalisation des différents tarifs. Baisse même de certains,
pour justifier encore plus le service public.
70 F pour ces autres danses, 50 F même pour les abonnés. À ce prix-là,
l’aventure devient une affaire !
3, c’est bien
Le Théâtre de la Ville a 3 sites :
1 site Internet, www.theatredelaville-paris.com, pour communiquer et s’informer.
2 sites "uniques", 2placeduchatelet.paris,
31ruedesabbesses.montmartre pour se divertir et s’enrichir,
mais, contrairement à Internet, pour les fréquenter
il faut se déplacer, histoire de rester vivant !
un rappel –
un conseil
Sans les abonnés, qui s’engagent longtemps à
l’avance auprès des artistes, pas de créations,
pas de découvertes… Merci à eux.
Prenez connaissance attentivement des programmes proposés.
Après, mais après seulement, faites vos jeux.
le directeur
Gérard Violette
théâtre
THEATRE AU THEATRE DE LA VILLE
CHANSON-THEATRE AUX ABBESSES
DU 26 SEPT. AU 28 OCT.
DU 30 JAN. AU 3 FÉV.
LES PENSIONNAIRES
Jérôme Deschamps
et Macha Makeieff
JEAN-CLAUDE DREYFUS
De porc en port
création
DU 20 MARS AU 1er AVRIL
PHILIPPE MEYER
DU 18 JAN. AU 10 FÉV.
LEAR
création
Edward Bond
Christophe Perton mise en scène
Paris la Grande
création
DU 28 FÉV. AU 17 MARS
COMBAT DE NÈGRE
ET DE CHIENS
création
Bernard-Marie Koltès
Jacques Nichet mise en scène
danse
DANSE AU THEATRE DE LA VILLE
DU 26 AU 28 AVRIL
NEEDCOMPANY’S
KING LEAR
Shakespeare
Jan Lauwers mise en scène
Carlotta Sagna chorégraphie
2, 3, 4 NOV.
JAN LAUWERS
DjamesDjoyceDead
création
DU 9 AU 11 NOV.
FRANÇOIS VERRET
création
création
14, 15, 17, 18 NOV.
JAN FABRE
THEATRE AUX ABBESSES
As long as the world needs
a warrior’s soul
création
DU 21 AU 25 NOV. 1er PROG.
DU 28 SEPT. AU 14 OCT.
LE RÉFORMATEUR
Thomas Bernhard
André Engel mise en scène
WIM VANDEKEYBUS
DU 28 NOV. AU 2 DÉC.
EDOUARD LOCK
LA LA LA HUMAN STEPS
DU 7 AU 18 NOV.
LA NUIT JUSTE AVANT
LES FORÊTS
création
Bernard-Marie Koltès
Kristian Frédric mise en scène
Salt
reprise
6, 8, 9 DÉC.
BERNARDO MONTET
création
Dissection d’un homme armé
SANKAI JUKU
DU 28 NOV. AU 14 DÉC.
PIERRE, POUR MÉMOIRE
Anne-Marie Roy
François Duval
adaptation, mise en scène et interprétation
USHIO AMAGATSU
15, 16, 17, 19, 20, 21 DÉC. 1er PROG.
création
création
27, 28, 29, 30 DÉC. 2e PROG.
Hibiki
reprise
4, 5 ET 6 JAN. 2e PROG.
DU 9 AU 27 JAN.
BAKKHANTES
création
Omar Porras mise en scène
JÉRÔME BEL
The show must go on
d’après les Bacchantes d’Euripide
DU 10 AU 13 JAN.
DU 15 AU 25 MAI
RUI HORTA
MONNAIE DE SINGES création
Arlequin d’Occident, Tarô-Kaja et
le Roi Singe d’Orient
Didier Galas
création
Inasmuch as Life is borrowed…
conception et direction
Blindspot
création
création
DU 20 AU 24 MARS
MATHILDE MONNIER
Signé
création
DU 27 AU 31 MARS
23, 24, 25, 27 ET 28 AVRIL
ANNE TERESA
DE KEERSMAEKER
GUESH PATTI
création
Elle sourit aux larmes
création
DU 8 AU 12 MAI 2e PROG.
DU 4 AU 7 AVRIL 1 PROG.
GILLES JOBIN
SASHA WALTZ
création
er
SCHAUBÜHNE AM LEHNINER PLATZ
création
création
DU 5 AU 9 JUIN
Na Zemlje
SALIA SANOU
Taagalà, le voyageur
DU 9 AU 12 MAI
EA SOLA
Requiem
création
DU 12 AU 16 JUIN
DANIEL LARRIEU
+ qu’hier, pleins feux
et Petit Bateau
DU 15 AU 19 MAI 2e PROG.
SASHA WALTZ
création
création
SCHAUBÜHNE AM LEHNINER PLATZ
Zweiland
PINA BAUSCH
DU 7 AU 14 JUIN 1er PROG.
création
création
DANSE AU THEATRE DE LA VILLE
plateau ou coupole
DU 18 AU 23 JUIN 2e PROG.
Danzón
reprise
DU 13 AU 17 FÉV. 21H 2e PROG. COUPOLE
LA RIBOT
Still Distinguished
DU 20 AU 24 FÉV. 21H COUPOLE
DANSE AUX ABBESSES
OLGA MESA
DU 17 AU 21 OCT. 21H 1er PROG.
esTO NO eS MI CuerpO
GILLES JOBIN
DU 10 AU 21 AVRIL 21H PLATEAU
Braindance
ROBYN ORLIN
DU 17 AU 21 OCT. 19H30 1er PROG.
Daddy, I’ve seen this piece six
times before and I still don’t know
why they’re hurting each other
LA RIBOT
Mas Distinguidas
LYNDA GAUDREAU
DU 17 AU 21 AVRIL 19H30 COUPOLE
DU 24 AU 28 OCT. 1er PROG.
VERA MANTERO
Document 1
DU 22 AU 25 NOV. 2 PROG.
Poesia e selvajaria
Still Life n° 1
DU 24 AU 28 AVRIL 19H30 COUPOLE
DU 19 AU 22 DÉC. 1er PROG.
ALAIN BUFFARD
e
JÉRÔME BEL
Le Dernier Spectacle
INtime/EXtime
MORE et encore
29 ET 30 DÉC
DU 22 AU 26 MAI 19H30 COUPOLE
KAZUO OHNO
XAVIER LE ROY
Self-Unfinished
DU 7 AU 10 FÉV.
SIDI LARBI CHERKAOUI
Rien de rien
création
création
DU 6 AU 10 MARS
SAMUEL LOUWYCK
October 13th
HERVÉ ROBBE
PACO DÈCINA
WIM VANDEKEYBUS
création
DU 22 AU 26 MAI 21H PLATEAU
Polaroïd
DU 27 FÉV. AU 3 MARS 2e PROG.
création
DU 13 AU 17 MARS
CHRISTOPHE HALEB
Idyllique
création
création
Lettre au Silence
Neti-Neti
Les Pensionnaires
JÉRÔME DESCHAMPS
et MACHA MAKEIEFF
DU 26 SEPT. AU 28 OCT.
un spectacle de
Jérôme Deschamps et Macha Makeieff
scénographie Michel Cova
musique Philippe Rouèche
lumières Roberto Venturi
costumes Macha Makeieff
direction technique François Noël
avec
Jean-Marc Bihour, Philippe Duquesne,
Yolande Moreau, Christine Pignet,
Yves Robin, Olivier Saladin
musiciens Philippe Rouèche,
et en alternance
Vincent Petit ou Jérôme Pouré,
Benoît Vion ou Michel Zakrzewski,
Fabien Wallerand ou Éric Secq
production
Compagnie Deschamps & Deschamps –
Théâtre national de Bretagne, Rennes
4
Un grand rire, une grande claque. Des gens.
Confinés dans un de ces lieux sans âme,
fonctionnels, voire à vocation sociale : hôpitaux, hospices, cantines, commissariat… Une
sorte de salle d’attente, pendant dérisoire aux
couleurs franchement laides, du vestibule de
la tragédie classique : on la traverse, l’action
s’y amorce, s’y termine, mais se passe
ailleurs. Un no man’s land entre deux endroits
invisibles, probablement aussi plaisants qu’un
parloir de prison. Aussi inquiétants en tout
cas, aussi mystérieux.
On attendrait presque la tribu errante de cloportes effarés, crapahutant derrière un individu en sarrau gris, kil de rouge sous le bras :
les Blouses. On se croirait presque retournés
au salon sombre de la maison de retraite avec
ses placards déglingués et son pianiste
furieux, où des artistes oubliés fêtent un anniversaire : les Petits Pas.
Nous sommes chez Jérôme Deschamps et
Macha Makeieff. Les portes sont trop petites,
les paquets trop volumineux, les chaussetrappes nombreuses, le plafond tombe, les
assiettes volent… Habillés mode Deschiens,
les gens qui sont là, ce sont les Pensionnaires. De quoi de qui, peu importe. Ils sont là,
s’activant fébrilement à des choses dont ils ne
savent plus à quoi elles correspondent, et
puis brusquement sont arrêtés dans leurs
gestes, dans leurs paroles, le regard éteint,
liés bon gré mal gré les uns aux autres pour
un temps indéterminé – avec ce que ça
comporte d’exaspération, de rivalité, de mauvais coups – sous l’autorité d’un petit chef
débordé, évidemment hargneux, amoureux
des mots qui sentent la productivité.
Une belle brochette, représentative de nos
maladresses, avec son souffre-douleur qui
réconcilie tout le monde contre lui.
Jérôme Deschamps et Macha Makeieff ne
veulent jamais oublier l’humanité de leurs
"héros", même au pire de leur médiocrité. Ils
en soulignent les ridicules sans jamais verser
dans le mépris. Ici comme dans le rituel glamoureux du Défilé (de mode), ils saisissent les
tics de la soumission à des règlements
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
photos Marc Enguerand
créé le 18 mai 1999 au Théâtre national
de Bretagne
« flous, douteux, pas même édictés déjà
admis […] l’instant avant la règle totalitaire ».
Chez les Deschiens, le rire ne cache pas l’angoisse, il l’accompagne. Non pas comme une
délivrance, plutôt comme une arme. Un début
de révolte. C’est par le rire qu’on se rapproche
de ces gens sur scène, à qui nous avons ressemblé un jour ou l’autre. « On peut être "pensionnaire" de multiples façons, y compris dans
sa famille. Ce que nous voulons montrer ce
sont tous ces moments et ces endroits où on
nie l’histoire des individus, que ce soit à l’école, au travail ou dans les hôpitaux », déclarait Jérôme Deschamps au Monde.
Colette Godard
Jérôme Deschamps et Macha Makeieff
Jérôme Deschamps a joué avec Patrice
Chéreau, au temps du lycée Louis-le-Grand.
Après l’École de la rue Blanche, le
Conservatoire, la Comédie-Française, il travaille avec Antoine Vitez. Après deux créations, Baboulifiche et Papavoine pour le
Théâtre national des enfants (1973), Blanche
Alicata (1977), rejoint par Macha Makeieff, il
fonde en 1979 la Famille Deschiens, dont les
succès ne se comptent plus. Au hasard : les
Oubliettes (1979), les Blouses (1982), les
Petits Pas (1986), Lapin-chasseur (1989), les
Frères Zénith (1990) ; C’est magnifique (1994),
les Précieuses ridicules (1997)… Beaucoup
de ces spectacles sont enregistrés en vidéo,
les Deschiens sont présents sur Canal + en
clair, dans le cadre de Nulle part ailleurs. À la
Villette ou à la Fondation Cartier, entre autres,
Macha Makeieff expose d’étranges compositions, suivies de livres, où se reconnaît sa
façon, unique, de saisir la noblesse du kitsch
ringard. Des millions de spectateurs se reconnaissent en les Deschiens, et apprennent à
s’aimer.
C.G.
EDWARD BOND
CHRISTOPHE PERTON
DU 18 JAN. AU 10 FÉV.
mise en scène
Christophe Perton
assisté de Fadhila Mas
décors Christian Fenouillat
lumières Thierry Opigez
son Laurent Doizelet
avec
Rachid Benbouchta,
Gilbert Beugniot,
Jean-Luc Bideau,
Nazim Boudjenah,
Gilles David,
Jörn Cambreleng,
Vincent Garanger,
Michèle Goddet,
Frédéric Kontogom,
Gilles Masson,
Alexia Monduit,
Laurent Schilling…
(distribution en cours)
coproduction Comédie de Valence,
centre dramatique national – Théâtre de
la Ville, Paris – Maison de la culture de
Bourges, scène nationale
avec la participation du Jeune Théâtre
national
« Lear a vécu aux environs de 3100, a été roi
pendant soixante ans… » annonce Edward
Bond en exergue de sa pièce, Lear, lointainement inspirée de Shakespeare. Le Lear de
Bond s’acharne à faire construire autour de
son royaume un mur, dont les ouvriers sont
traités en bagnards. Il a deux filles, des harpies sadiques. Elles épousent ses deux principaux ennemis. Chacune guigne pour elle
seule le pouvoir. Ensemble, elles le font prisonnier. Libéré par souci politique, il rencontre
dans sa fuite un garçon compatissant, qui
sera massacré par les soldats. Et qui, devenu
fantôme, tel le Fou de Shakespeare, suit le roi
déchu. Et dont la femme, Cordelia, lève une
armée pour le venger…
Une histoire folle d’aventures et d’horreur.
Comme une évidence elle s’est imposée à
Christophe Perton. Par la façon dont elle fait
écho à des traces profondes en lui. Par la
façon dont elle installe un moment intemporel
à la charnière d’une apocalypse, dans un paysage dévasté, « façonné par des êtres
humains vivant dans la terreur d’eux-mêmes
et des autres. Cette forme de terreur qui
engendre la violence. Une violence non pas
hystérique, mais froide. Utilitaire, stratégique ».
Ce sont les causes de la peur qui d’abord
intéressent Christophe Perton : pourquoi Lear
fait-il construire, construit-il en lui-même ce
mur qui l’aveugle, le protège du monde, de la
vérité des êtres. Pourquoi ses filles veulentelles le détruire, lui. Pourquoi ne supporte-t-il
pas de constater qu’elles sont en âge de se
marier, de procréer. D’où découle un second
thème : comment la découverte d’un événement banal peut démasquer brutalement une
réalité insupportable, « la croissance du corps
de ses filles, leur mutation, révèle à Lear l’imminence de sa propre mort ».
Pour Christophe Perton, le thème le plus aigu
est la filiation. Il le trouve ici, en particulier
dans les relations de Lear avec le fantôme,
plus étroites encore que celles du Lear de
Shakespeare avec le Fou. « Qui, du vieillard et
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
du jeune homme a le plus besoin de l’autre ?
La question reste posée, je n’ai pas l’intention
de la résoudre. Lear est confronté à une autre
sorte de paternité, de relation à la paternité. Il
couve et vénère un enfant mort, le fantôme. À
Christophe Perton, ph. David Anemian
création
Edward Bond, ph. J.-F. Abert
Lear
partir de là, leur trajet commun devient passionnant autant qu’angoissant ».
Le Lear de Bond choisi par Christophe Perton : un acteur hors norme, Jean-Luc Bideau,
pour un personnage hors du commun, vieillard aux limites du ridicule, dépassé par la
société dans laquelle il vit et qu’il refuse.
Héros tragi-comique d’une tragi-comédie qui
flirte avec le Grand-Guignol, contourne l’insoutenable de la cruauté grâce à un humour
cinglant, savoureux, paradoxal, parfaitement
anglais.
À côté de Lear, de ses filles, du fantôme,
s’agite une foule de personnages. Certains
passent en flèche, disent quelques mots.
Aucun d’eux n’est accessoire, toute parole est
indispensable. Du plus humble au plus fort,
du plus fugace au plus important, tous sont
pris dans un même engrenage, dans la
nécessité de dominer pour ne pas être dominé. À diverses échelles les mêmes comportements se reproduisent, se répondent comme
en un jeu de miroir brisé.
La vraie violence de la pièce, elle est dans la
lucidité caustique avec laquelle Edward Bond
pointe les tours et détours de la chasse au
pouvoir, montre comment chacun s’en empare et en use.
Colette Godard
Christophe Perton
En 1987, Christophe Perton fonde à Lyon la
Compagnie des Cigognes, avec laquelle
d’année en année il présente Play Strindberg
de Dürrenmatt, Architruc de Pinget, Roulette
d’escroc de Harald Mueller, l’Anglais de Lenz,
l’Exil de Jacob de Philippe Delaigue. En 1993,
la ville de Privas signe une convention avec la
compagnie, qui partage ses activités entre un
travail de proximité dans la région, appelé
"Théâtre de parole", et la création de
Conversation sur la montagne de Durif, le
Soldat de Lenz (1994), Faust de Lenau,
Affabulazione de Pasolini (1995), le Naufrage
du Titanic d'Enzesberger, la Condition des
soies d’Annie Zadek, Paria de Strindberg
(1996), Médée et les Phéniciennes de
Sénèque, Mon Isménie de Labiche (1997),
Les gens déraisonnables sont en voie de disparition de Handke (1998), la Chair empoisonnée de Kroetz et Toller (1999, aux
Abbesses), Quatorze Isbas rouges de
Platonov (à la Colline).
C.G.
5
Combat de nègre
et de chiens
création
BERNARD-MARIE KOLTÈS
JACQUES NICHET
Bernard-Marie Koltès, ph. M. Enguerand
DU 28 FÉV. AU 17 MARS
mise en scène Jacques Nichet
scénographie Laurent Peduzzi
avec
Alain Aithnard Alboury,
François Chattot Horn,
Loïc Houdré Cal,
Martine Schambacher Léone
et un musicien-chanteur (en cours)
6
L’histoire se passe le temps d’une nuit
quelque part en Afrique, dans un chantier de
travaux publics sur le déclin. Y vivent encore
le chef, qui vient de faire venir de Paris une
femme, et un jeune ingénieur. Autour il y a le
vent, l’orage, des chiens. À l'intérieur s’introduit un Noir, homme mystérieux, insaisissable.
Il vient réclamer le corps d’un ouvrier mort sur
le chantier, désormais introuvable… « On en
vient même à se demander si ce n’est pas,
sous la forme d’un revenant, l’âme du mort qui
réclame son propre corps à jamais perdu »,
écrit Jacques Nichet.
Avec Combat de nègre et de chiens, il revient
à Bernard-Marie Koltès, dont il a monté en
1995 le Retour au désert, avec François
Chattot, qu’il retrouve ici. Le désert du Retour,
c’est la France provinciale, une famille bourgeoise malade de l’Algérie. Ici, il est géographique, et, plus encore, symbolique. Le
spectacle se passe en un lieu à la fois clos et
illimité, qui retient les hommes, annule le
temps. Un monde indéfini, un ciel de nuages,
un sol de terre, quelques accessoires insolites, inutiles – un piano par exemple. C’est un
conte africain, c’est le désert des cœurs, un
espace de solitude encerclé de voix, et puis
les cris des gardiens noirs autour des petits
Blancs oubliés.
Ils ont voulu s’exiler d’eux-mêmes, sont venus
chercher un ailleurs qui n’existe pas. Ils sont
pitoyables, déchus et déchirés, mesquins,
pourtant on voudrait les aimer. Entre la femme
et le Noir s’engage un amour – « un cri d’espoir dans cette nuit terrible » – évidemment
voué à l’échec. Bernard-Marie Koltès ne se
préoccupe pas de faire progresser l’intrigue, il
scande un piétinement obsessionnel. Les
mots arrivent par vagues, faisant rouler sur
place des tourbillons de peur, d’angoisse, de
poésie. « Fantastique, amour fou, ironie, voilà
les trois pistes que nous aimerions
emprunter ».
Chacun monologue pour soi, communique
par invectives. Et voilà que le Noir parle dans
sa langue ouolof à la femme, qui, entre Alsace
et Allemagne, récite pour lui le Roi des
Aulnes… Au-delà de ces sonorités étrangères, ils se reconnaissent, pendant ce
moment la peur s’efface. Il y a quelque chose
de fatal dans cette rencontre, « une incroyable
attirance, une insurmontable singularité » écrit
Koltès.
Jacques Nichet ajoute : « Il suffit d’un geste
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
fou, un geste épique : se graver sur les joues
les marques tribales de la fidélité pour
répondre à la folie du monde ». Les marques,
qu’avant de reprendre la route, la femme inscrit sur son visage. Derrière elle, le feu, la
mort, des cris d’éperviers. Et elle, on l’entend
chanter, en alsacien, sa délivrance.
Colette Godard
Jacques Nichet
En 1964, Jacques Nichet fonde une troupe
universitaire, le Théâtre de l’Aquarium, qui
devient professionnelle en 1970. Sur l’invitation d’Ariane Mnouchkine, la compagnie aménage en 1973 sa Cartoucherie, où il présente
des créations collectives : Gob ou le Journal
d’un homme normal, Tu ne voleras point, la
Jeune Lune. Puis, en 1975, Ah Q, de Jean
Jourdheuil et Bernard Chartreux. Suivent,
entre autres, un spectacle Feydeau, et les
Heures blanches, avec Didier Bezace.
Nommé en 1986 au centre dramatique du
Languedoc Roussillon, Jacques Nichet monte
notamment la Savetière prodigieuse de
García Lorca, le Triomphe de l’amour de
Marivaux et Monstre aimé de Javier Tomeo
(prix Georges Lerminier), le Baladin du monde
occidental de Synge, le Magicien prodigieux
de Calderón, le Retour au désert de Koltès, la
Tragédie du roi Christophe d’Aimé Césaire. Il
est, depuis 1998, directeur du Théâtre national de Toulouse, qu’il consacre au "théâtre
jeune public" et aux auteurs contemporains :
Horváth (Casimir et Caroline), Daniel Keene
(Silence complice), Daniel Danis (le Pont de
pierres), Koltès…
C.G.
François Chattot, ph. B. Enguerand
production
Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées
coproduction Théâtre de la Ville, Paris
photos M. Vanden Abeele
Needcompany's
King Lear SHAKESPEARE
JAN LAUWERS ET NEEDCOMPANY
en néerlandais (traduction française simultanée)
DU 26 AU 28 AVRIL
d'après King Lear de Shakespeare
traduit en néerlandais par Hugo Claus
mise en scène, scénographie Jan Lauwers
chorégraphie Carlotta Sagna
avec
Tom Jansen, Grace Ellen Barkey,
Dirk Roofthooft, Simon Versnel, Dick Crane,
Hans Petter Dahl, Anneke Bonnema,
Muriel Hérault, Eduardo Torroja,
Misha Downey, Tijen Lawton
production Needcompany
coproduction Brussel 2000, Bruxelles –
Schauspielhaus, Hambourg
réalisé en collaboration avec le
Kaaitheater, Bruxelles
Needcompany est ambassadeur culturel
de la Flandre et bénéficie de l'aide du
ministère de la Communauté flamande
et de la Loterie nationale.
Si l’on en juge par les dernières Rencontres
de théâtre européen de Taormina, le théâtre
contemporain serait en train de redécouvrir le
sens du tragique. Certes. Mais aux côtés des
Thomas Ostermeier, Romeo Castellucci, et
autres metteurs en scène d’une génération
turbulente, il serait fâcheux d’omettre l’extraordinaire travail de Jan Lauwers, curieusement
sous-estimé en France malgré le fidèle
compagnonnage du Théâtre de la Ville.
Depuis ses premiers spectacles sous le nom
de l’Epigonentheater, et depuis une dizaine
d’années avec la Needcompany, Jan Lauwers
a affûté un théâtre d’une féconde puissance
visuelle et dramaturgique. La mort et le pouvoir, en leurs jeux de séduction réciproque et
de fascination rituelle, sont au cœur des préoccupations de Jan Lauwers. « On ne peut
pas montrer sur scène la mort ; l’amour non
plus, d’ailleurs. L’impossibilité de montrer certaines choses, et le fait de les montrer malgré
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
tout : c’est cette contradiction qui fait l’intérêt
du théâtre. Pour cela, il faut chercher à se rapprocher des abstractions… », estime Jan
Lauwers : son intérêt ne se porte pas sur l’enchaînement narratif de ce que raconte une
histoire, mais sur sa nervure même et les articulations de sens et de rythme qui en forment
la trame. Fulgurance du trait, sans les fioritures. Lauwers, initialement venu des arts
plastiques, n’est pas un homme du répertoire.
D’entre les "classiques", seul Shakespeare a,
à ce jour, mobilisé son attention. Après Julius
Caesar (1990), Antonius und Kleopatra (1992)
et Macbeth (1996), voici venir l’éprouvant cortège de King Lear, « histoire de la folie croissante d’un roi et de la ruine ultime qui en
découle ». Avec le copieux Tom Jansen dans
le rôle de Lear, Jan Lauwers frappe dans la
constellation des personnages, confie les
indications scéniques aux éructations d’un
bouffon déchaîné, laisse à des interludes dansés de nécessaires plages de respiration,
laisse ensuite la folie gagner l’espace du plateau ; un surtitrage assurant le défilement du
texte lorsque la parole devient inaudible, couverte par une bande son où trouvent place
des mélodies rock (The Residents)… Et, last
but not least, emballe la complexe intrigue
finale en quinze minutes d’une farce burlesque gonflée à bloc. King Lear n’est de
toute façon pas une pièce de tout repos. Jan
Lauwers en fait un bloc d’intensités, un tourbillon d’éclats : langage scénique lui-même
éclaté en strates superposées, mais tout
entier vers l’inexorable marche funèbre que
Lear met en œuvre, dans la violente érosion
du pouvoir de dominer.
Jean-Marc Adolphe
7
le Réformateur
THOMAS BERNHARD ANDRÉ ENGEL
DU 28 SEPT. AU 14 OCT.
texte français Michel Nebenzahl
mise en scène André Engel
décor Nicky Rieti
costumes Pierre Yves Gayraud
lumières André Diot
son Serge Chambon
avec
Serge Merlin, Michèle Féruse,
Georges Mavros, Pierre Gavarry,
Mama Chriss
Pour avoir écrit, naguère, un traité sur la
nécessaire réforme du monde (mais après
destruction), un vieux misanthrope malade,
complaisamment paranoïaque, isolé chez lui
avec sa femme – son souffre-douleur – va être
fait docteur honoris causa de l’Université où il
a enseigné. Il accepte d’entrouvrir un moment
son refuge au recteur et au doyen accompagnés du maire de la ville, qui viennent lui
apporter sa médaille. Peut-être est-il seulement malade de sa lucidité haineuse envers
l’humanité qui l’entoure, peut-être le poids de
son désespoir rageur l’accable-t-il plus que
celui des ans. Toujours est-il que si ses visiteurs s’attendent à quelque reconnaissance
émue !…
La pièce est de Thomas Bernhard, imprécateur obsessionnel, contempteur furieux des
tares du monde et de son pays, l’Autriche.
Fureur quasiment génétique : il est né en 1931
aux Pays-Bas, sa mère ne voulant pas accoucher dans sa patrie. Le fait d’avoir, à la fin de
la guerre, passé un an dans un collège nazi
n’a certainement pas arrangé les choses.
André Engel reprend le Réformateur – toujours, et de plus en plus actuel dix ans après
sa création à la M93 de Bobigny, avec déjà et
encore aujourd’hui Serge Merlin, tyran incandescent, odieux et pitoyable dans sa grandiose entreprise d’autodérision. André Engel
rapproche le personnage des « grands atrabilaires comiques et mégalomanes du répertoire », à savoir le Malade imaginaire, le
Misanthrope, et même le roi Lear. Un de ces
forcenés, incapables de rentrer dans le rang,
qui envers et contre tout s’acharnent à cette
utopie : intégrer la réalité à leurs rêves. Et en
meurent. Tout au moins se retirent au désert.
Se réfugient au cœur de leur amertume.
Du Baal de Brecht au Woyzeck de Büchner en
passant par Alceste justement, par Kafka,
Prométhée, Job, Lulu…, les marginaux, les
révoltés appartiennent au répertoire personnel d'André Engel. Sans doute se trouve-t-il en
accord avec les joies mauvaises et l’ironie
vitriolée des "héros" de Thomas Bernhard
(dont il a également mis en scène la Force de
l’habitude en 1997), avec cependant une
différence importante : ses colères sont géné-
8
LES ABBESSES • TARIF A
ph. Marc Vanappelghem
production Centre dramatique
national de Savoie
avec Bonlieu, scène nationale
d'Annecy – l'Espace Malraux,
scène nationale de Chambéry
et de la Savoie
reuses : arrivé aux limites du plus noir pessimisme, vient l’espoir d’un autre monde.
Meilleur ?
Sans doute André Engel retrouve-t-il "son"
Thomas Bernhard dans ce témoignage de
Claus Peyman – metteur en scène allemand,
directeur du Théâtre de Bochum, puis du
Burgtheater de Vienne avant de prendre l’an
dernier la tête du Berliner Ensemble – et qui,
ayant fait connaître celui qu’on a appelé le
'Timon autrichien' – par rapport au Timon
d’Athènes de Shakespeare, devenu par rancœur une sorte d’anachorète – le définit ainsi :
« Il s’est érigé contre tout ce qui est normalisé
et étriqué avec un sens infaillible du
comique ».
Colette Godard
André Engel
Après avoir enseigné la philosophie, André
Engel entre au Théâtre de l’Espérance, dirigé
par Jean Jourdheuil et Jean-Pierre Vincent,
qu’il suit au Théâtre national de Strasbourg.
Hors les murs il monte notamment, outre Baal
de Brecht (1976), Ils allaient obscurs sous la
nuit solitaire d’après Beckett (1979). Intra
muros, il couvre la scène de brouillard pour
Penthésilée de Kleist (1981), de sable pour le
Misanthrope de Molière (1985), imagine de
faire tournoyer les gradins des spectateurs
pour Légendes de la forêt viennoise (1992),
fait entrer les spectateurs dans la boîte noire
d’une caméra magique pour un Woyzeck âpre
et bouleversant (1999). Il peut aussi s’offrir le
luxe de scénographies que l’on pourrait dire
classiques : le Baladin du monde occidental
de Synge (1994), la Force de l’habitude, le
Réformateur… Parallèlement, il monte des
opéras. Entre autres Salomé de Richard
Strauss (1987 et 1994), Carmen de Bizet
(1990), Freischütz de Weber (1987 et 1999),
Rake’s progress de Stravinski (1999), la Petite
Renarde rusée de Janacek (2000). En
novembre 1996, il a été nommé directeur du
centre dramatique de Savoie.
C.G.
la Nuit
juste avant les forêts
création
BERNARD-MARIE KOLTÈS
KRISTIAN FRÉDRIC
DU 7 AU 18 NOV.
mise en scène Kristian Frédric
décor Bruno Lahontàa
sculptures Ousmane Sow
lumières Yannick Anché
son Nicolas Barillot
avec Denis Lavant
Kristian Frédric, ph. Delahaye
Lorsque Kristian Frédric est touché par une
œuvre, il s’attache à l’artiste, en suit passionnément le parcours, veut tout savoir de lui.
Bernard-Marie Koltès fait partie de ses
« artistes de chevet », et il aborde la Nuit juste
avant les forêts après avoir, en 1994, mis en
scène Dans la solitude des champs de coton.
Un lien évident existe entre les deux pièces,
comme si une course sans fin après les mots
"je t’aime" aboutissait trop tard à la rencontre
entre deux fantômes, deux flamboiements de
mémoire.
Le désir de mettre en scène la Nuit juste avant
les forêts a pris forme un soir où, relisant la
pièce, Kristian Frédric s’est souvenu du film
de Leos Carax, Boy meets girl, de son héros
fragile et décalé, Denis Lavant. À ce moment,
il l’a identifié au personnage sans nom de
Koltès, "le Locuteur". L’étranger qui dans la
jungle des rues pluvieuses, clame son abandon, sa révolte, poursuit son rêve d’aimer.
Kristian Frédric s’est souvenu d’une sculpture
de Giacometti – artiste de chevet, également –,
l’Homme qui marche, avec « ses longues
jambes, ses pieds, sa tête penchée, son poids
de solitude », a appris que le titre complet est
l’Homme qui marche sous la pluie.
C’était comme un signe pour aller plus avant
avec ce texte qui commence par « Tu tournais
le coin de la rue : lorsque je t’ai vu, il pleut… »,
dont les derniers mots sont « Quel fouillis,
quel bordel, camarade, et puis toujours la
pluie, la pluie, la pluie, la pluie ».
Ensuite, les choses se sont enchaînées sans
heurt comme des ramifications naturelles.
Enki Bilal a imaginé une longue plaque, dont
le matériau s’accorde avec le costume de
Denis Lavant. Dans ce décor, Kristian Frédric
a voulu des sculptures. Il les a demandées à
Ousmane Sow – lui aussi admirateur de
Giacometti – parce que « il crée des êtres
humains. Ils sont là, fuyant les paroles du
Locuteur, perdus dans leur propre isolement,
lourds de leur propre étrangeté ». Bien que le
propos n’ait rien à voir avec un "choc des
cultures", il a voulu s’adjoindre ces deux
regards différents, l’un du nord, l’autre du sud.
Et puis il laisse faire le texte de Koltès, qui
bouscule, bouleverse, ouvre des portes sur
d’autres portes, déstabilise, qui obsessionnellement interroge « Où en es-tu, toi, de ta
solitude ? ». Qui raconte l’irrépressible et
impossible besoin de l’autre. Le besoin de
donner de l’amour, d’entendre les mots de
l’amour, l’urgence de ne pas disparaître sans
laisser sa trace, avalé par la violence de l’univers anthropophage dans lequel nous vivons
jour après nuit.
Bizarrement, Kristian Frédric rêve de se
confronter un jour à l’Andromaque de Racine,
à la beauté du texte, de plonger dans « cet
orage de passion qui ne laisse pas de place
aux âmes. Dont les personnages s’entrechoquent, se déchirent, se noient. Une pièce
de guerre, finalement ». Finalement, pour
résister à la sauvagerie du monde, Kristian
Frédric croit au pouvoir des mots, à l’absolue
nécessité d’aimer, même sans retour, juste
aimer et le dire pour ne pas mourir.
Denis Lavant, ph. I. Ruppert/Enguerand
Colette Godard
Kristian Frédric
Comédien, animateur de radio, assistant de
Jean-Louis Thamin, de Patrice Chéreau,
Kristian Frédric dirige une compagnie qu’il a
appelée "Les lézards qui bougent". Lui-même
a beaucoup bougé avant de se retrouver à
Bayonne, où il travaille régulièrement avec la
scène nationale, dirigée par Dominique
Burucoa, qui a produit la plupart de ses spectacles. Notamment Ils crèvent les yeux aux
colombes d’Arrabal (1992), Dans la solitude
des champs de coton (1994), Lumières en
pays basque, un opéra de Jacques Ballue
(1997). En 1998, à Villeurbanne, au TGP, il a
mis en scène Isabelle Sadoyan-Bouise dans
le Récit de Colometa, d’après la Place du diamant de Mercé Rodoreda.
C.G.
9
LES ABBESSES • TARIF A
Pierre, pour mémoire
ANNE-MARIE ROY FRANÇOIS DUVAL
DU 28 NOV. AU 14 DÉC.
texte Anne-Marie Roy (éditions Actes Sud)
adaptation, mise en scène
et interprétation François Duval
assistante à la mise en scène
Hélène Boisbeau
scénographie Rodolfo Natale
lumière et son Éric Da Graça Neves
coproduction Compagnie Fortune Carrée
– Olivia Lecasble – Théâtre de l’Escalier
des Doms, Avignon – L’Athanor, scène
nationale d’Albi
rable sincérité des enfants. Pierre est resté un
enfant avide d’amitié, délaissé. « Il n’est pas
construit pour se défendre. Il est sensible et
désarmé ».
François Duval s’est lancé dans son spectacle
comme s’il devait ça à Pierre, pour ne l’avoir
pas sauvé de ses enfers : l’enfer familial, entre
des parents qui le refusent, des frères et
sœurs lointains. L’enfer de la guerre d’Algérie,
la torture et la découverte de la camaraderie.
L’enfer des hôpitaux, où il a été interné la première fois, un soir de réveillon parce qu’il risquait de déranger la fête. L’enfer des amours
gangrenés, le repli. Il le montre, seul, essayant
d’organiser à sa convenance des cartons,
comme les cubes d’un jeu de construction.
S’adressant à la seule personne qui l’a assez
aimé pour l’écouter, sa sœur, « transparente à
force de lui dire "parle, Pierre, parle". (Denis
Roche, le Nouvel Observateur).
« Pierre gêne comme ces gens perdus en
eux-mêmes, SDF, mendiants, handicapés…
On est gêné d’être gêné. On ne peut rien. "Je
suis content d’être dans cette chambre mais
enfin, cette solitude", dit Pierre pour finir ».
Colette Godard
10
LES ABBESSES • TARIF B
C.G.
photos Jacques Polony
En premier, il y a Anne-Marie Roy, qui cherche
son frère dont elle est séparée depuis vingt
ans. Il vient de sortir d’un hôpital psychiatrique. Un monde qu’il connaît bien pour y
avoir passé quinze ans de sa vie. En second,
il y a les confidences du frère à la sœur, transcrites avec leur désordre, leurs errances,
dans un manuscrit reçu par Hubert Nyssen,
avec lequel, immédiatement, il inaugure les
éditions Actes Sud.
En troisième, il y a François Duval, comédien,
toujours en quête de textes déroutants, déroutés. Il lit Pierre, pour mémoire. Pas en entier. Il
est agacé. Il le reprend. Le laisse. Le
reprend… Et ainsi pendant plus de quinze
ans. Et puis surgit la vraie question : pourquoi
un tel acharnement à vouloir « comprendre ce
que, profondément, cette parole veut dire ». À
partir de là, il décide de la porter sur scène,
d’incarner Pierre. En trois mois, il adapte le
livre. Pendant un an et demi, il travaille sur
l’écriture, l’absence de ponctuations, les
phrases arrêtées. Puis il apprend le texte.
Quand commencent les répétitions – il est son
propre metteur en scène –, il se laisse guider
par les mots, par leur musique. « Je n’ai pas
choisi, ça s’est installé en moi, à mon insu
c’est parti. Quand pendant un an et demi vous
êtes habité en permanence par quelqu’un,
vous pouvez croire que vous connaissez les
recoins, les cavités de sa pensée ».
Pierre n’est pas un fou délirant, il est animé
par une terrible énergie vitale. Sur le monde
dont il est exclu, il porte un regard aigu, atrocement lucide jusqu’en ses dérives les plus
baroques. Par moments, on pense à l’inexo-
François Duval
Élève de Marcel Bluwal au Conservatoire d’art
dramatique de Paris, François Duval a beaucoup joué – notamment le Locataire de Joe
Orton, les Parents terribles de Cocteau, Six
Personnages en quête d’auteur de Pirandello,
les Exilés de Joyce, Lorenzaccio de Musset. Il
a travaillé sous la direction de Jacques
Charon, Jean Meyer, Jean-Luc Tardieu, JeanLouis Barrault. En 1993 commence son parcours d’adaptateur et metteur en scène sur
des textes qu’il découvre et prend le temps
d’absorber : L'oiseau n’a plus d’ailes, d’après
les lettres de Peter Schwiefer. En 1997, Vilar :
notes de service. En novembre 1998, Pierre,
pour mémoire, créé à la Maison des Arts et
Loisirs de Laon.
photos J.-P. Lozouet
Bakkhantes
création
EURIPIDE OMAR PORRAS
DU 9 AU 27 JAN.
d’après les Bacchantes d’Euripide
traduction et adaptation
Omar Porras, Marco Sabbatini
mise en scène Omar Porras
assistantes à la mise en scène
Cécile Kretschmar, Chryssoula Nissianaki
scénographie Teatro Malandro
collaboration artistique Fredy Porras
coiffures et maquillages Cécile Kretschmar
assistée de Véronique Bertrand
lumières Sébastien Revel
son Jean-Baptiste Bosshard
régie générale François Béraud
avec Joan Mompart, Anne-Cécile Moser,
Abder Ouldhaddi, Omar Porras, Nicole
Seiler, Bartek Sozanski, Caroline Weiss
et chœur des Bacchantes
(distribution en cours)
production Teatro Malandro
coréalisation Théâtre Forum Meyrin
avec le soutien de l'Organe genevois de
répartition de la Loterie romande, la
Fondation Pro Helvetia et le DIP, État de
Genève
Un rideau translucide, des ombres chinoises,
des corps nus déformés, une danse lente, et
la voix de Dionysos rappelant les amours de
Zeus avec sa mère Sémélé, brûlée vive tandis
que son divin amant cache l’enfant en le cousant dans sa cuisse. Ainsi sauvé, Dionysos
parcourt l’Orient, entraînant une armée de
femmes vouées à son culte, les Bacchantes.
Mais à Thèbes, sa ville natale, sur laquelle
règne Penthée, elles et lui sont indésirables…
Bakkhantes est la dernière œuvre connue
d’Euripide, la plus complexe, la plus sauvage
sans doute. Obligatoirement, elle devait attirer
Omar Porras, qui, la saison dernière, se révélait aux Abbesses avec Noces de sang de
García Lorca, rituel furieux, joyeux, du désir et
de la mort.
Ici plus encore, dans son adaptation resserrée
sur l’essentiel, on plonge jusqu’aux racines du
tragique grinçant, dans le sang, dans la mutilation et les chants, dans les danses et les
masques, dans les travestissements. On
plonge jusqu’aux racines du théâtre dont on
dit qu’il est né des rites célébrant Dionysos,
les bacchanales.
C’est sur les échanges d’identité, sur les fauxsemblants et les passions vraies que se
construit l’histoire de Bakkhantes : Dionysos
entre à Thèbes sous l’apparence d’un humain.
Par esprit de vengeance, il convertit les
Thébaines, convainc Penthée de les rejoindre,
pour voir, se rendre compte, sévir. Mais alors,
le roi, le macho, doit se vêtir en femme. Et plus
encore, abandonner à jamais son état
d’homme. Entraîné dans la bacchanale, il sera écartelé, déchiré, lacéré par sa propre
mère, Agavè, qui, mêlée aux bacchantes,
s’est dissoute dans l’ivresse du rituel.
On a parfois donné à la légende une coloration politique, Penthée symbolisant le
"monstre froid" de l’État, la dictature de la raison, alors que Dionysos porte la liberté, le
goût du bonheur. Mais, parce que né en
Colombie, ses premiers contacts avec la théâtralité passent par l’Église, Omar Porras se
réfère à ce qu’il appelle une iconographie religieuse. À vrai dire absolument païenne. Il
entre de plain-pied dans le labyrinthe du
mythe. Il multiplie les ambiguïtés. Les bacchantes arborent des signes féminins et
masculins, la part animale est visible chez la
plupart des personnages. Une actrice interprète Dionysos, qui lors de sa rencontre avec
Penthée, se transforme jusqu’à sembler son
double, son inquiétant reflet…
« Nous avons cherché des éléments "organiques", vestiges du culte dionysiaque […] En
dansant et en chantant [notre corps] traduit
son besoin d’exprimer la part érotique et mortelle de notre existence » écrit Omar Porras.
Chez lui, l’ironie n’est jamais loin de l’effroi,
l’émotion se heurte à la dérision, tragique et
grotesque ne font qu’un.
Colette Godard
Omar Porras
Après avoir suivi des cours de danse et de
théâtre à Bogotá, Omar Porras part pour la
France, s’arrête à Paris où il vit du théâtre de
rue – et de métro. Il voyage, s’arrête en
Suisse, s’installe à Genève où il fonde le
Théâtre Malandro, avec lequel, en 1991, il
monte Ubu roi de Jarry. Un an plus tard, c’est
la Tragique Histoire du docteur Faust. En
1993, il crée la Visite de la vieille dame de
Dürrenmatt, qui reçoit en 1994 le prix romand
du spectacle indépendant, tourne en Europe
et en Amérique latine. En 1995, Claude Stratz,
alors directeur de la Comédie de Genève, l’invite, et il monte Othello de Shakespeare.
Suivent en 1997, Strip-tease de Mrozek à
l’Usine de Sécheron, et Noces de sang de
García Lorca à la Comédie de Genève – où,
sous la direction de Claude Stratz, Omar
Porras est le Dr Hinkfuss dans Ce soir on
improvise, de Pirandello.
C.G.
11
LES ABBESSES • TARIF A
Monnaie de singes
création
DIDIER GALAS
Arlequin d’Occident, Tarô-Kaja et le Roi Singe d’Orient
DU 15 AU 25 MAI
conception et direction Didier Galas
collaborateur artistique
Jean-Philippe Vidal
scénographie Daniel Jeanneteau
lumières Pablo Roy
conseillers à l’écriture
Françoise Bon, Yasusuke Oura
avec
Zhihua Dong (Chine),
Didier Galas (France),
Kaoru Matsumoto (Japon)
Trois personnages se rencontrent sur scène.
Ils ne se connaissent pas, se toisent, s’affrontent… Situation théâtrale des plus classiques, si ce n’est que ces trois-là n’étaient
vraiment pas faits pour se rencontrer. Ils sont
frères pourtant, mais très éloignés géographiquement, culturellement. Il s’agit du Roi des
Singes, personnage de l’Opéra de Pékin : né
d’une pierre, il s’en va chez les humains à la
recherche de l’immortalité et de la reconnaissance avant d’accompagner un moine à la
recherche des écritures sacrées dans la
patrie de Bouddha. Du Japonais Tarô-Kaja,
type de valet que l’on retrouve dans les
Kyogen, courtes farces jouées entre les différentes parties d’une journée de Nô. Enfin de
notre valet à nous, notre Arlequin.
Grâce aux Italiens qui parcouraient les rues et
les marchés de l’Europe, déjà Molière a pu
connaître, adopter, adapter Arlequin. D’où
vient-il ? Il pourrait bien, selon Didier Galas,
être enfant du Diable avec un reste de corne
sur le front de son masque, ou la « maisnie de
Hellequin » entraînant les noctambules
égarés dans une chevauchée sans fin. Ou
l’homme sauvage s’extirpant de sa caverne,
vêtu de haillons – les losanges rapiécés de
son costume.
Didier Galas a une expérience très personnelle du personnage : pendant cinq ans, à la
Comédie de Reims et un peu partout en tournée, par amour du masque il est Ahmed, personnage imaginé par Alain Badiou (Ahmed le
subtil, philosophe, se fâche, les Citrouilles).
Après quoi, de plus en plus fasciné par le
masque, avec une bourse de l’AFAA (Association française d’action artistique), il part
pour le Japon étudier avec un maître du Nô. Il
a voulu s’imprégner de cette tradition séculaire, pratiquée de père en fils. Il n’a pas voulu,
pourtant, devenir l’Occidental qui joue du Nô.
Et puis, dans le personnage de Tarô-Kaja, il
reconnaît l’équivalent japonais d’Arlequin.
12
LES ABBESSES • TARIF B
ph. Michèle Constantini
coproduction Théâtre de la Ville, Paris –
Ensemble Lidonnes – Comédie de
Clermont-Ferrand, scène nationale –
Amiens 2000, les Couleurs du monde –
Fesival d’Avignon – Théâtre de la
Manufacture, centre dramatique national
Nancy-Lorraine
avec le soutien des Laboratoires
d’Aubervilliers ; de la Maison de la Culture
d’Amiens, scène nationale ; de l’AFAA
(Association française d’action artistique),
ministère des Affaires étrangères ;
du service culturel de l’Ambassade de
France en Chine ; de l’Institut
franco-japonais du Kansai
D’où l’idée d’une rencontre entre les deux, qui
s’est élargie lorsque quelqu’un lui a fait remarquer : « ton style de mouvement rappelle le
Roi des Singes ».
Autant les préoccupations des valets restent
terre à terre et charnelles, autant le Roi, fût-il
des singes, s’ébat dans le surnaturel. Chacun
parle sa langue. Dépositaire du rôle à l’Opéra
de Pékin, Zhihua Dong joue le Roi des Singes.
Matsumoto, interprète de Tarô-Kaja, est disciple de la famille Shigeyama, grande famille
du Kyogen. Il n’y avait rien de commun entre
eux ni avec Didier Galas. Rien. Sinon le
théâtre, et c’est le théâtre qui permet leur rencontre. Non pas entre trois comédiens. Entre
trois figures, trois comiques, trois arnaqueurs,
chacun avec son histoire. La situation se
développe selon un schéma inspiré de la
farce médiévale. Pareillement naïf, pareillement proche du théâtre que chacun porte en
soi depuis l’enfance.
Colette Godard
Didier Galas
Didier Galas aborde le théâtre au Conservatoire de Marseille, continue à Paris, dans la
classe de Claude Régy. Et parallèlement avec
Mario Gonzales, il étudie le masque. C’est une
révélation. Avec lui il joue Masques, avec
Claude Régy le Cerceau de Slavkine, cherche
sa voie, la trouve à la Comédie de Reims, où
Christian Schiaretti lui donne à jouer l’Arlequin
inventé par Alain Badiou, Ahmed. En quatre
épisodes, l’aventure se poursuit de 1992 à
1997. Puis il voyage : au Japon où il étudie le
Nô, au Venezuela où il monte sa propre adaptation de Don Quichotte à l’Ateneo de
Caracas. En Chine, où il travaille avec l’Opéra
de Pékin. En 1999, en France, il joue François
Rabelais dans une adaptation de François
Bon, mise en scène par Charles Tordjman.
C.G.
Jean-Claude Dreyfus
création
DU 30 JAN. AU 3 FÉV.
En 1986, Jean-Claude Dreyfus joue au Studio
des Champs-Élysées une pièce américaine,
l’une des premières à traiter du sida : Tel quel.
En même temps, il fait ses débuts de chanteur
à la Maison de la Culture de Bobigny, avec
des textes d’Yvane Daoudi, comédienne et
auteur de théâtre. Il a toujours eu le goût de
l’insolite.
Bientôt il retrouve le chemin du théâtre et du
cinéma. « On ne peut pas tout faire, même si
on en a envie ». L’envie de chanter pourtant
ne le quitte pas. D’autant qu’il est pris en
charge par une maison de disques, laquelle
lui offre des cours : il doit devenir un vrai professionnel. « Je chante mieux qu’à mes
débuts, en tout cas ». Jean-Claude Dreyfus
épuise plusieurs professeurs avant de trouver
celle qui lui convient : Armande Altaï. Un "personnage" à sa démesure. On imagine mal
Jean-Claude Dreyfus suivre les rails communs.
Ayant fait ses classes avec Tania Balachova,
qui enseignait les techniques de l’intériorité, il
passe presque directement à la Grande
Eugène – l’Olympe du cabaret dans les
années 70. Il y incarne un personnage – « estce un homme, est-ce une femme » – nommé
Herna von Scratch, en hommage à un film de
Fassbinder.
De loin en loin, Jean-Claude Dreyfus reprend
contact avec ses musiciens, avec ses compositeurs et paroliers entre deux rôles au cinéma
ou au théâtre. L’habitude de jouer Molière,
Victor Hugo, Claudel, Thomas Mann, Arrabal –
parmi beaucoup d’autres – le rend exigeant
sur les textes, et les musiques qui vont avec.
Les chansons, écrites spécialement pour lui,
lui offrent l’occasion de mettre en valeur les
recoins de sa personnalité : son humour, le
mystère caché derrière son sourire, le rêve qui
habite ses yeux plissés, la tendresse de sa
voix dans laquelle passe quelque chose
comme un rêve indicible.
Jean-Claude Dreyfus confie qu’à présent, il
n’éprouve plus le besoin de se signaler par
des extravagances, art dans lequel il est
passé maître, c'est-à-dire qu’il le maîtrise. Il
sait jouer et s’amuser du trouble des mots,
des ambiguïtés, des doubles et triples sens,
de l’autodérision en forme de pied de nez… Et
puisque son tour de chant relève de l’autobiographie romancée truffée de chaussetrappes, il invite chez lui. Avec des éclairages
appropriés, quelques objets qui lui tiennent à
cœur – il a un frère brocanteur –, en hôte chaleureux il recrée son ambiance.
Un jour, quand il se promènera dans la rue, les
passants oublieront de lui souhaiter bonne
fête le 15 août (en l’honneur des spots publicitaires sur les plats cuisinés Marie dont il est
la star). Ils fredonneront Comment savoir – titre
d’une chanson de Bernanos et Delettrez, inscrite à son nouveau tour, De porc en port. *
Jean-Claude Dreyfus
Vingt-six courts métrages et quarante longs,
avec, en 1992, une nomination aux Césars
pour le premier film bien déjanté de Jeunet et
Caro, Delicatessen. Une bonne trentaine de
rôles à la télévision – sans compter les spots
Marie. Au théâtre, Jean-Claude Dreyfus a été
nommé deux fois aux Molières, en 1991 pour
la Nonna de Cossa par Jorge Lavelli, et en
1998, pour Hygiène de l’assassin d’Amélie
Nothcomb par Didier Long. Il a joué une cinquantaine de pièces, avec notamment Claude
Régy (Les gens déraisonnables sont en voie
de disparition de Peter Handke, Tueur à
gages de Ziegler, la Trilogie du revoir de
Botho Strauss), André Engel (le Misanthrope
de Molière, Lulu de Wedekind), Jérôme
Savary (Chantecler d’Edmond Rostand), Yvan
Le Gouic (l’Accommode sans tiroir, textes de
Cocteau qu’il a lui-même adaptés)… La liste
est trop longue, on ne peut que survoler. JeanClaude Dreyfus a mis en scène Fando et Lys
d’Arrabal, s’est mis en scène dans ses tours
de chant.
C.G.
ph. Birgit
De porc en port
Colette Godard
* Également au programme, des chansons écrites
par Lionel Corti, Philippe Minyana, Ivane Daoudi,
Frédéric Botton… , sur des musiques de Philippe
Bresson, Franck Thomas… (NDLR)
13
LES ABBESSES • TARIF D
Philippe Meyer
Paris la Grande
création
DU 20 MARS AU 1er AVRIL
arrangements musicaux
Jean-Pierre Gesbert, Pascal Le Pennec
lumières Serge Peyrat
avec
Jean-Pierre Gesbert piano,
Pascal Le Pennec accordéon
ph. M. Constantin
Paris est une ville de liberté, de recommencements, d’énergie. « Une cité incomparable en
variété », écrivait déjà Montaigne, qui ajoutait :
« Je l’aime jusqu’à ses verrues et à ses
taches ». Paris la Grande est une célébration
de cette ville qui, à elle seule, est un monde.
Une sorte d’Amérique où chacun peut espérer
un nouveau départ. Un grouillement où l’on
échappe au regard de cet ennemi naturel de
l’homme qui s’appelle le voisin, en même
temps que l’on peut y lier tant de connaissances, y nouer tant de camaraderies. Une
ronde qui tourne quelquefois si vite qu’elle
vous laisse sur le carreau.
Paris la Grande est un voyage à travers les
mythes de Paris, à travers ses lumières, ses
ombres, ses villages, ses habitants si divers.
Un voyage en paroles, en poésie, en chansons.
Paris la Grande est un spectacle écrit et
donné par un Parisien gourmand des saveurs,
des charmes, des surprises et des cocasseries de Paris, par un amoureux d’une ville
avec qui il n’est pas d’amour sans brouilles,
sans malentendus, sans nostalgie. Une ville
imprévisible, insupportable, ingrate, tonique,
dure, incomparable, dont l’histoire est un héritage qui fourmille de promesses.
n
ph. Ervin Marton, D.R.
Philippe Meyer de l’extérieur…
Liberté, curiosité, diversité : tels sont les mots
clefs d’une vie professionnelle qui aura
conduit Philippe Meyer de la recherche en
histoire sociale à la scène (et, qui sait, demain
peut-être à pire encore…) en passant par le
journalisme, le cinéma documentaire, le billet
radiophonique et la musique classique.
1979 à l’Express : critique des livres d’Histoire
et des Sciences humaines puis éditorialiste.
1982-1989 : "Télescopages" à France Inter,
magazine satirique ayant la télévision pour
cible.
À partir de 1989 : chronique quotidienne sur
France Inter “Nous vivons une époque moderne” puis “Le progrès fait rage” qui deviennent des phrases clins d’œil, des mots de
passe entre amateurs de vraie impertinence,
d’impertinence pertinente.
1986 : De Nuremberg à Nuremberg, documentaire réalisé avec Frédéric Rossif.
Parallèlement, travaille sur la musique classique : émission sur M6, la Sept, producteur à
France Musiques et France Culture et réalise
des portraits politiques sur France Inter et
pour la télévision.
ph. X, D.R.
1998 (novembre) : Causerie, son premier
spectacle, « monologue déambulatoire », est
présenté au Théâtre des Abbesses.
n
14
LES ABBESSES • TARIF D
danse
Sasha Waltz, Zweiland, ph. Delahaye
15
DANSE AU THEATRE DE LA VILLE
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
2, 3, 4 NOV.
CRÉATION
Jan Lauwers
NEEDCOMPANY / BALLETT FRANKFURT / DAS TAT
DJamesDJoyceDead
Jan Lauwers et William Forsythe, ph. M. Vanden Abeele
LITTÉRATURE SAMPLÉE
« C’est un chef-d’œuvre » : William Forsythe,
après avoir vu en 1998 la version intégrale de
The Snakesong Trilogy de Jan Lauwers, a été
droit au but. Il avait raison. Entouré d’une
constellation d’acteurs épatants, Jan
Lauwers, metteur en scène belge de la
Needcompany, est l’un des plus vigoureux et
talentueux agitateurs du théâtre contemporain
en Europe. S’il ne renonce pas au texte, loin
s’en faut (ses approches de Shakespeare
sont d’une rare acuité), Jan Lauwers a fréquemment convoqué dans ses spectacles la
physicalité du mouvement, confiant même
récemment à l’Italienne Carlotta Sagna le soin
de chorégraphier certaines séquences. En
même temps, on sait Jan Lauwers dubitatif
face aux seules capacités dramaturgiques de
la danse. Mais William Forsythe aura su le
convaincre d’engager une (première) collaboration avec le Ballet de Francfort. Au demeurant, Lauwers ne dérogera pas à l’hétérogénéité constitutive de son art : il adjoint à douze
danseurs de la troupe de Forsythe (parmi lesquels Stephen Galloway, Dana Caspersen et
Tony Rizzi), deux acteurs de Needcompany
(Mil Seghers, Viviane De Muynck). Ce sera
DJamesDJoycedDead, titre grinçant que n’aurait sans doute pas désavoué l’auteur
d’Ulysse. Le spectacle est conçu en forme de
diptyque : au sulfureux monologue de Molly
Bloom (interprété par Viviane De Muynck),
succédera une chorégraphie « sans début ni
fin » qui viendra charrier à même « un torrent
flamboyant de paroles et d’images » l’exubérance joycienne, mots et corps disséqués
dans une partition lue à haute voix puis humblement chuchotée. Littérature samplée dans
le chaos d’une modernité fébrile.
16
François Verret, ph. T. Valès/Enguerand
2 comédiens, 11 danseurs
avec le Festival d’Automne
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
DU 9 AU 11 NOV.
CRÉATION
François Verret
COMPAGNIE FRANÇOIS VERRET
création
d’après Bartleby d’Herman Melville
DANS L’INACHÈVEMENT DU SENS
Depuis sa première création importante,
Tabula rasa, en 1980, François Verret fait figure d’éternel contretype de la danse contemporaine. Les titres de ses spectacles brillent
comme autant d’étoiles charbonneuses : il y
est question de fin, d’éclipse, de chute, de
secret, de folie et de nuit. Œuvre tourmentée,
parfois proche du vertige. Veilleur aux confins,
travailleur des marges, François Verret est l’un
des artistes-architectes de ces "contreespaces" dont une culture à besoin pour ne
pas s’assoupir.
Dans le compagnonnage des nuits d’insomnie qui hantent toute création et tiennent
éveillée la lucidité du jour, François Verret aura
croisé d’autres figures du trouble : Faustus,
Rapport pour une Académie (d’après Kafka)
et le récent Kaspar Konzert, libre variation
autour du personnage de Kaspar Hauser, sont
notamment venus aimanter l’obscur éclat de
consciences à contre-sens, dont les trajectoires épaisses nourrissent un état d’intranquillité.
C’est sur les pas du Bartleby d’Herman Melville que François Verret trace sa prochaine
création. Dans ce récit qu’un avoué fait de son
mystérieux copiste, le lecteur arpente les
« contours déchiquetés » d’une vérité toujours
fuyante. C’est cet inachèvement du sens que
le chorégraphe, expert en identités labyrinthiques, s’emploiera à mettre en corps et en
voix, avec la comédienne Edith Scob, le musicien Jean-Pierre Drouet, deux acrobates et
des interprètes rompus à un art des
méandres.
Ce n‘est pas pour rien que Bartleby a notoirement intrigué certains philosophes (Gilles
Deleuze, Jacques Derrida, Giorgio Agamben…) : dans ce récit d’une énigme, « Melville
nous laisse un signe à déchiffrer, un signe qui
échappe à la raison, un signe fait pour être
questionné plutôt que résolu ». François
Verret est là en terrain familier : comment tisser, avec le fil de ce qui échappe à la loi
commune, la conscience ouverte d’un théâtre
des lisières.
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
CRÉATION
Wim Vandekeybus, ph. M. Vanden Abeele
14, 15, 17, 18 NOV.
Jan Fabre
TROUBLEYN
As long as the world
needs a warrior’s soul
11 danseurs et 4 musiciens
Wim Vandekeybus, ph. Reinhilde Terryn
L’ART DE LA RÉVOLTE
Politiquement incorrect. Certes, Jan Fabre ne
s’est pas manifesté jusqu’alors par des spectacles tranquilles. Depuis les lointains et tonitruants C’est du théâtre comme il était à espérer et à prévoir et le Pouvoir des folies théâtrales, deux œuvres au long cours réalisées
en 1982 et 1984, Jan Fabre s’est toujours distingué comme un salutaire perturbateur des
conventions théâtrales. Entre discipline et
chaos, Fabre ne choisit pas. Plasticien autant
que metteur en scène et chorégraphe
(= guerrier de la beauté ?), il explore une
frange qui dérange, comme l’a montré l’accueil assez souvent houleux que ses spectacles ont recueilli au Théâtre de la Ville. S’il ne
se refuse aucune provocation, rien dans la
démarche de Jan Fabre n’est pour autant gratuit, hormis l’impitoyable liberté avec laquelle
il bouscule les genres établis. Dans des spectacles comme Sweet Temptations, et tout
récemment The fin comes a little bit earlier this
siècle (but business as usual), le corps est le
lieu essentiel du conflit, non pas tant contre un
ennemi extérieur que contre les entraves que
nous nous imposons à nous-mêmes. Avec As
long the world needs a warrior’s soul, sa dernière création, Jan Fabre franchit toutefois un
cran, signant là, peut être, sa première pièce
ouvertement politique. Si l’on était amateur de
clichés faciles, il suffirait de dire : voilà une
pièce révolutionnaire sur la révolution. Mais
Jan Fabre a l’art de dépecer les clichés, de
les faire éclater en tous sens. Posant la révolte
comme condition de l’existence humaine (« Je
me révolte, donc nous sommes », disait Albert
Camus), Jan Fabre n’hésite pas à s’engager
dans une esthétique de la saleté, maculant les
acteurs de chocolat à tartiner et de ketchup ;
un théâtre de la cruauté qui expose sa viande
animale, soutenu par un propos d’une extraordinaire férocité, avec un (magnifique) texte de
Dario Fo sur la mort de Ulrike Meinhoff.
Charge virulente contre l’inanité des "socialdémocraties" en carton-pâte, appelant à renverser un monde qui nous figure en poupées
Barbie, As long the world needs a warrior’s
soul est aussi une très belle fable sur l’énergie
de créer, dans la nécessité de reprendre à
zéro, à partir de l’intrinsèque nudité des corps
à naître, le modelage empirique de la chair et
de l’esprit, unis dans une inaliénable sauvagerie d’être. Contre le clonage des grisailles,
l’outrage du vivant.
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
DU 21 AU 25 NOV. 1er PROG.
CRÉATION
Wim
Vandekeybus
ULTIMA VEZ
Jan Fabre, ph. M. Martens
Inasmuch as life
is borrowed… 11 danseurs
LE RISQUE DE VIVRE
Il y eut d’abord le déboulé de l’impulsion, la
décharge de l’influx. Et puis le corps-commando de ses premiers spectacles s’est aguerri.
La physicalité féline d’une danse confrontée à
l’urgence et au danger s’est infiltrée dans des
univers plus oniriques, où l’énergie du désir
est venue se jouer des remparts de la volonté.
In spite of wishing and wanting, son dernier
spectacle au Théâtre de la Ville, joignait à la
dimension du fantastique, des accents pasoliniens, dans une déflagration de sens où la
pulsion du rêve venait déverrouiller le naturalisme organique des corps. C’est une
constante des spectacles de Wim Vandekeybus : seul paramètre tangible de notre présence au monde, le corps biologique est,
dans son animalité même, le lieu d’une "survie" où s’incarnent les fantasmes les plus irrationnels.
La relation entre la nature et les passions
humaines est à nouveau au cœur de sa dernière création, Inasmusch as life is borrowed
(Dans la mesure où la vie est empruntée).
Entre naissance et mort, Vandekeybus sonde
les états extrêmes d’une conscience du
vivant, dans un jeu (parfois dangereux) avec
les limites. Joyeuse acceptation du risque de
vivre que scelle ce paradoxe : « N’est-ce pas
la perpétuelle contemplation intérieure de la
mort qui fait avancer l’homme ? N’est-ce pas
cette conscience de notre disparition imminente de ce monde qui crée en nous la volonté d’agir, de vivre, de communiquer, de danser ? » Au rythme des embardées chorégraphiques de Vandekeybus, prolongées par la
projection d’un court métrage de création, le
guitariste Marc Ribot (formidable partenaire
de Tom Waits, Elvis Costello, the Lounge
Lizards, the Jazz Passengers ou encore John
Zorn) signe une musique originale qui sera
exceptionnellement jouée "live" au Théâtre de
la Ville. Il y a du survoltage dans l’air, puisque
la vie (et la danse) emprunte à des rythmes
conducteurs le mystère des forces qui la
tiennent en éveil.
17
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
DU 28 NOV. AU 2 DÉC.
Edouard Lock
La La La
Human Steps
Salt
reprise 9 danseurs, 3 musiciens
L’ÉNERGIE IMMORTELLE
Le désir accompli d’une virtuosité étourdissante qui excède le contrôle et déborde la
maîtrise, articulé à des visions enflammées,
« millefeuilles de forces organiques sensibles
et charnelles ». Le chorégraphe canadien
Édouard Lock est le roi (mi-ange, mi-démon)
d’un territoire de danse où le survoltage tient
force de loi. À partir de Human Sex, en 1985,
les créations de La La La Human Steps ont
parcouru la planète, livrant à bon port l’adrénaline raffinée d’une "danse de l’extrême",
notamment incarnée par Louise Lecavalier,
toute en impulsions nerveuses et élans
voraces. Infante destroy d’une énergie en
apnée permanente. Doucement, Louise
Lecavalier s’en va aujourd’hui vers d’autres
aventures. Après deux expériences antérieures (pour le Ballet national de Hollande, et
les Grands Ballets canadiens), Édouard Lock
met ici sa danse sur pointes, « augmentant la
distance entre les interprètes et le sol, en leur
donnant une emprise sur le monde aussi
ténue que celle des âmes ». On pense évidemment aux grandes heures d’une Karole
Armitage dans cet incessant "riff" de jambes
démesurées, en verticales tour à tour magnifiées et empêchées. La musique du minimaliste new-yorkais David Lang (piano, violoncelle
et guitare électrique) accompagne dans un
pointillisme pop (parfois empreint de réminiscences classiques) l’éclatant et aveuglant
éclat d’une danse qui semble découpée à
même la lumière. Depuis une humanité de
chair qu’Édouard Lock rappelle avec
d’étranges projections de films, le chorégraphe vise l’au-delà : pure présence de
lignes qui exauce la finitude de l’être et son
désir d’immortalité. L’énergie, règle de vie.
THEATRE DE LA VILLE • TARIF B
6, 8, 9 DÉC.
CRÉATION
Bernardo
Montet
ASSOCIATION MAWGUERITE–BERNARDO MONTET
Dissection
d’un homme armé
livret Jean-Pol Fargeau
7 danseurs, 1 musicienne
18
DANS LA RUINE DE L'IDENTITÉ
Sang mêlé, sang bouillant. Guyanais et
Vietnamien par ses origines, Bernardo Montet
est chorégraphe du déchirement. Longtemps
partenaire des créations de Catherine
Diverrès, depuis le fameux duo d’Instance
(1983), il a pris voici peu son autonomie pour
poursuivre l’acharnement d’une danse
d’outre-danse qui débusque, comme aux
aguets, une rage de croire et de vivre. Danse
de révolte et d’exorcisme, dont la physicalité
acérée rôde entre violence et douceur. Après
quelques solos initiatiques, il y eut l’univers
dévasté d’Opuscules (1995), la fouille d’une
langue malaxée par l’asservissement, partagée par des danseurs ivoiriens et l’écrivain
Pierre Guyotat dans Issê Timossé (1997), puis
la géographie écartelée de Ma Lov’, conçu
avec des artistes israéliens (1998). Désormais
artiste associé au Quartz de Brest, Bernardo
Montet vient d’y créer Dissection d’un homme
armé, une pièce pour sept interprètes cosmopolites (dont le danseur de butô Ko
Murobushi) et la musicienne ivoirienne Manou
N’Guessan. « Nous endurons parce que nous
sommes l’énergie inversée, nous sommes
l’autre pôle. Parce que nous sommes le motif
souterrain de l’humanité. Parce que nous
sommes le Sud ! ». À partir d’un livret du scénariste-écrivain Jean-Pol Fargeau, matière
souterraine de cette chorégraphie, Bernardo
Montet défait la brillance du mouvement pour
capter, dans les soubresauts d’une danse
frappée d’étrangeté, le trouble d’identités
morcelées, errantes, ruinées. De quelle souffrance le corps est-il armé lorsqu’il laisse tomber l’armure guerrière ? Cette dissection est le
carnet d’esquisses d’une guerre perdue, vainqueurs et vaincus pris dans la même ruine de
l’identité. Comment, alors, retrouver le geste
d’une altérité qui puisse accéder à une "vérité
intérieure" où les corps, conquérants de rien,
hors des "terrorismes des territoires", sauraient
faire du transitoire et du protéiforme, des lieux
d’être ?
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
Sankai Juku
Ushio
Amagatsu
15, 16, 17, 19, 20, 21 DÉC. 1er PROG. CRÉATION
création
27, 28, 29, 30 DÉC. 2e PROG.
Hibiki
reprise
L’ALCHIMIE DES LENTEURS
De la résonance du plus lointain passé. En
donnant ce sous-titre à Hibiki, la dernière
création de Sankai Juku, Ushio Amagatsu
indiquait une nouvelle fois ce qui est la racine
même de son œuvre : animisme des entrailles, patiente archéologie des sédiments
d’humanité. Être au monde, pour Amagatsu,
c’est perpétuer le cycle du vivant, en révélant
dans une présence à la fois diaphane et fantomatique, toute l’ancestralité qui nous constitue.
Depuis Shoriba (1979), qui rappelait les anciennes danses kagura du culte shintoïste, et
Jomon Sho (1982), référence explicite à la préhistoire, Ushio Amagatsu a conduit le groupe
Sankai Juku vers une esthétique de plus en
plus raffinée, délaissant progressivement l’initiale radicalité sulfureuse du butô – cette
danse d’avant-garde née dans le Japon
contestataire des années 60 –, pour accéder
à des épures visuelles au symbolisme prégnant. Prince des lenteurs, Amagatsu déplie
de pièce en pièce le rituel envoûtant d’une
mystérieuse offrande muette. Chaque spectacle est une voluptueuse procession de mouvements "noueux" au cœur de la matière. Issu
d’une culture qui considère la naissance et la
mort comme deux étapes du perpétuel
recommencement de la vie, sous l’égide malicieuse des esprits (les kami), Amagatsu délie
le temps en alchimiste des transformations.
Dans Hibiki, les danseurs-officiants, maquillés
de blanc, crânes rasés, incarnent la naissance d’un monde qui émerge difficilement
de gouttes d’eau nourricière, tombant à longs
Edouard Lock, ph. T. Valès/Enguerand
Bernardo Montet, ph. Delahaye
Jérôme Bel, ph. H. Sorgeloos
Jérôme Bel, ph. Mutsumi Tsuda
Sankai Juku, ph. Birgit
intervalles de lanternes de verre bleuté. Voici
quelques années, Amagatsu comparait "l’équilibre" du danseur de butô à un récipient
rempli d’un liquide, et ne pouvant contenir une
goutte de plus. Havre parisien de Sankai
Juku, le Théâtre de la Ville accueillera, outre la
reprise de Hibiki, une nouvelle création
d’Ushio Amagatsu. Aucune information n’a
encore filtré sur cette œuvre à venir : au rituel,
il sied une part de mystère.
THEATRE DE LA VILLE • TARIF C
4, 5 ET 6 JAN. 2e PROG.
CRÉATION
Jérôme Bel
The Show must go on
18 acteurs
Radical avec humour, Jérôme Bel ose, dès
1994, un art minimal encore non identifié.
Doté d’une réjouissante obsession pour le
sens des choses, il entreprend non pas de
danser comme on pourrait s’y attendre de la
part d’un interprète qui a travaillé chez différents chorégraphes dont Bouvier-Obadia et
Philippe Decouflé, mais de déshabiller les
apparences. Celles du monde de la danse
dont il est issu comme celle des autres arts.
De l’économie du spectacle aux comportements les plus ordinaires, des phénomènes
de société à la plus triviale banalité, rien
n’échappe à son regard. Avec un langage qui
ressemble fort au degré zéro de l’écriture,
Jérôme Bel procède à un savoureux décapage de l’environnement. Sa propre rigueur
conceptuelle est minée de petites bombes
poétiques et humoristiques. Dans sa première
pièce Nom donné par l’auteur, avec pour
complice de ses œuvres Frédéric Seguette, il
imagine un spectacle dont les danseurs sont
dix objets ordinaires dont un aspirateur, un
dictionnaire et une salière. Shirtologie est une
ode aux tee-shirts et à leurs inscriptions qui
circulent dans le monde. Jérôme Bel, pièce
manifeste, se consacre à la danse, à l’histoire
des corps et de la modernité au travers de la
nudité dont les interprètes explorent les
joyeuses ressources au poil près.
Énumération et mise a nu rythment cette
démarche singulière que le Théâtre de la Ville
accueille avec deux récentes créations. Quoi
de commun entre Hamlet, André Agassi,
Susanne Linke et Jérôme Bel ? C’est la question que pose le Dernier Spectacle. Ces
figures sont tour à tour dérisoirement interprétées par quatre personnalités épatantes dont
l’auteur, et trois partenaires : Antonio Carallo,
Claire Haenni et Frédéric Seguette. L’un après
l’autre, ils déclinent une identité passagère
avant d’interpréter entre autres un solo de la
chorégraphe allemande Susanne Linke et de
disparaître dans le glissement progressif du
jeu et de l’écriture. Ce faisant, les acteurs
cernent méthodiquement, avec un humour
insolite, les contours de l’illusion théâtrale, de
la représentation et ses statuts ainsi que ceux
de la société du spectacle. Cet art de l’ellipse
revient comme un éternel retour. Sans
craindre de se contredire, l’auteur poursuit sa
réflexion en intitulant la création suivante The
Show must go on. L’expression commune,
issue du monde du spectacle, incite Jérôme
Bel à un nouveau travail qui a pour matériau
premier la chanson et interroge la réception
des œuvres. Renouant avec la veine de
Shirtologie, cette pièce réunit dix-huit acteurs
danseurs européens. Une série de tubes
sélectionnés en surfant sur Internet et MTV,
est constituée. Elle allie le groupe Queen aux
Beatles, le rock à la techno, créant une sorte
de narration en filigrane. Le montage est réalisé sur scène par un dj économe en effets.
Mêlant ingénument attitude conceptuelle et
mass médias, The Show must go on réfléchit
sur le langage et le musical, la culture et l’intime. Un cocktail détonant entre danses et
musiques, qui ouvre sur un monde pop où la
provocante délicatesse de Jérôme Bel poursuit son œuvre, fidèle, mais autrement, à l’esprit de la danse contemporaine et à sa subversive dynamique.
Q
19
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
DU 20 AU 24 MARS
CRÉATION
Mathilde
Monnier
Rui Horta, ph. X, D.R.
CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL DE
MONTPELLIER LANGUEDOC-ROUSSILLON
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
DU 10 AU 13 JAN.
CRÉATION
Rui Horta
Blindspot
6 danseurs
L’ESPACE AU CORPS
D’une formation initiale en architecture, le chorégraphe portugais Rui Horta a gardé le sens
des espaces et de leur mise en lumière. Peutêtre a-t-il simultanément appris à se méfier
des "systèmes asphyxiants" et des "machines
emprisonnantes". Son intérêt pour la danse le
porte en tout cas à envisager le corps comme
un refuge, qu’il conviendrait de préserver d’un
monde agressif et blessant. Non que les
contre-espaces qu’il s'est employé à rendre
visibles depuis 1984 soient des havres de
quiétude absolue : « le calme est un luxe que
je ne me permets pas », écrit Rui Horta. De
fait, ses pièces donnent consistance à une
danse de l’urgence, qui aime se confronter au
risque. Légèreté, vitesse, multiplicité, sont
quelques-uns des contours qui formalisent
ses chorégraphies. Autre caractéristique de
ce bâtisseur d’éphémère, le nomadisme. Parti
à New York au début des années 80, il revient
à Lisbonne fonder une compagnie de danse
en 1984, avant d’émigrer en Allemagne où il
prend la direction en 1990 du S.O.A.P Dance
Theater. Et puis, nouveau changement de cap
voici trois ans : Rui Horta choisit l’itinérance,
entre France et Portugal. Ce goût du déplacement n’est pas sans relation avec la "libre circulation" du rêve ; et les spectacles de Rui
Horta évoquent souvent cette faculté des
rêves à venir perturber l’immuabilité du quotidien. Pièce pour six danseurs, Blindspot lance
ainsi une humble constellation de personnages « perdus dans l’immensité d’un rêve de
conquête » en une mosaïque de solos, duos,
trios et situations d’ensemble où se joue le
vivant paradoxe du trajet solitaire et du besoin
de compagnie. Dans un espace ouvert, tendu
par un cyclorama mobile qui donne l’illusion
d’un trajet dans le temps – ligne d’horizon infinie –, Blindspot est une sorte de road movie
abstrait, pour « mesurer le ciel au plateau ».
En quête d’une architecture fluide qui saurait
harmoniser l’espace d’un idéal et l’espace
physique.
Signé
6 danseurs
LE MERCI À MERCE
La danse est certes art de l’éphémère. En
quoi serait-ce incompatible avec un travail de
mémoire ? La création ne parvient à bien
dépenser que ce qu’elle a patiemment accumulé, en souvenirs, expériences, répétitions…
Encore faut-il, pour échapper à une logique
strictement muséale, inventer la mémoire, la
mettre en tension avec un présent.
Élève de Viola Farber au C.N.D.C. d’Angers,
Mathilde Monnier est consciente de ce que la
danse contemporaine doit à Merce Cunningham. Comme d’autres chorégraphes de sa
génération, c’est au studio de Merce, à New
York, que Mathilde Monnier a "fait ses classes"
au début des années 80, goûtant et apprivoisant, bien au-delà de l’apprentissage technique, l’esprit d’une "liberté formidable".
Mais il faut bien s’opposer aux pères, d’autant
que Cunningham lui-même n’a jamais franchement incité au "pater noster". Mathilde
Monnier a frayé sa voie en belliqueuse
espiègle, dans les tutus froufroutants de
Pudique Acide, dans la théâtralité composite
des premières pièces avec Jean-François
Duroure, et depuis sept ans à la tête du
Centre chorégraphique de Montpellier, avec
des œuvres telles que l’Atelier en pièces ou le
triptyque des Lieux de là, en recherche sensible de nouvelles configurations de l’acte
chorégraphique, dans les ressources d’une
« pensée moderne aux prises avec le réel ».
Est-il temps de faire retour aux origines ? De
s’abreuver à nouveau au puits où tout a
commencé ? Signé, la prochaine création de
Mathilde Monnier, s’annonce en tout cas
comme une pièce "référencée" à Merce
Cunningham. Ni hommage, ni contre-hommage, mais une forme de "poème visuel" qui
procédera « par libre association de mouvements, d’actions et de sons ». Une chorégraphie « née sous X, d’une paternité perdue,
retrouvée, reperdue ». La mémoire n’enferme
pas, elle fermente, et rejaillit dans les espaces
où a été semée la liberté d’être.
Anne Teresa De Keersmaeker
Sasha Waltz, Zweiland
ph. Herman Sorgeloos
ph. Delahaye
20
Mathilde Monnier, ph. Marc Coudrais
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
CRÉATION
Sasha Waltz, ph. Matthias Zölle
DU 27 AU 31 MARS
Anne Teresa
De
Keersmaeker
ROSAS / AKA MOON
création
LE COUDOIEMENT D’UNE ŒUVRE
EN DEVENIR
En architecte du mouvement diplômée de la
science du vivant, Anne Teresa De
Keersmaeker a maintes fois fait preuve d’une
maestria rodée à toutes les structures, de
l’harmonie à la dissonance, du déchiffrage
des virtuosités au défrichage des énergies
latentes. Des cycles répétitifs de ses premières pièces de danse (Fase, Rosas danst
Rosas) à la complexité ouvragée des spectacles aux dramaturgies hybrides (Kinok, Just
before, I said I…), la chorégraphe de Rosas
poursuit sans relâche une obstination à mettre
à l’épreuve, en le rejouant comme on jette les
dés, un savoir-faire en appétit de nouveaux
espaces. Dans l’enchevêtrement mobile et
vivant des lignes de flux et de tension, Anne
Teresa De Keersmaeker ouvre désormais un
territoire partagé qui ne s’effraie pas de la juxtaposition des plans. L’œuvre n’est jamais
unique, ni dogmatique, elle réunit des forces
collectives qui tissent, ensemble, l’essentiel
coudoiement dont toute création se devrait
d’être le corps conducteur. Ce processus de
création, entamé avec la parole des danseurs
dans Just Before, ramifié dans I said I (texte
de Peter Handke, coexistence musicale de
l’ensemble Ictus, du groupe Aka Moon et du
dj Grazzhoppa), s’est encore développé avec
In real time, qui n’aura plus été strictement
annoncé comme "création d’Anne Teresa De
Keersmaeker", mais bel et bien sous la signature conjointe de la compagnie Rosas, du collectif de théâtre tgStan, et du groupe de
musique Aka Moon.
Chaque art, sans doute, vise plus ou moins
délibérément l’extrapolation de ses limites. Ce
travail aux confins, qui traverse toute l’œuvre
d’Anne Teresa De Keersmaeker, prend désormais un tour plus nettement affirmé. Œuvre en
devenir, dont la prochaine création de Rosas
(mars 2001) devrait sceller un nouveau chapitre.
Sasha Waltz, Na Zemlje
ph. Arno Declair
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
Sasha Waltz
SCHAUBÜHNE AM LEHNINER PLATZ
DU 4 AU 7 AVRIL 1er PROG.
Na Zemlje
12 interprètes
DU 15 AU 19 MAI 2e PROG.
Zweiland
7 interprètes
GÉOGRAPHIES DE LA NATURE HUMAINE
Initialement formée par un élève de Mary
Wigman, avant de se familiariser aux courants
d’improvisation chorégraphique à Amsterdam
puis New York, Sasha Waltz a commencé au
début des années 90 une œuvre voyageuse.
Le périple qu’elle engage alors ne conduit
vers aucun exotisme ; il s’agit au contraire
d’explorer les territoires du réel, du quotidien,
du social. Le cycle Travelogue, qui forme une
trilogie réalisée entre 1993 et 1995, interroge
ainsi les représentations du masculin et du
féminin, la désagrégation de l’espace familial,
la mutation des comportements individuels
façonnés par les outils de la "communication
de masse". Sociologue avisée de ce qui se
joue sous la surface du réel, Sasha Waltz pervertit les apparences, questionne la vérité du
monde qui l’entoure, au plus cru des fantasmes qui ne s’avouent pas. De cette prédilection pour des espaces concrets tangibles,
naît ainsi Allee der Kosmonauten (1996),
composé à la façon d’un reportage sur la vie
quotidienne d’une famille nombreuse qui
partagerait un appartement exigu, dans la
banlieue d’une grande ville allemande. Pour
qualifier cette mise en pièces du réel, la critique a extrait de son attirail une étiquette rédigée pour l’occasion : voici venue l’heure de la
"post-danse-théâtre". Peu importe. Le voyage
de Sasha Waltz ne s’arrêtera pas en si bon
chemin… La voici aujourd’hui propulsée, aux
côtés du jeune metteur en scène Thomas
Ostermeier, à la codirection de la fameuse
Schaubühne de Berlin.
Après Körper, le Théâtre de la Ville présentera cette saison deux spectacles qui ont précédé cette prestigieuse nomination. Zweiland,
créé en 1997, se donne pour cadre les rues
de Berlin, une ville prise dans le chantier de
sa réunification, et où toutes les divisions,
entre est et ouest, peinent parfois à s’effacer.
Avec sept interprètes d’origines diverses,
Sasha Waltz tend à sa ville d’adoption un
miroir pas toujours aimable, faisant ressortir
avec un humour désenchanté les multiples
distorsions d’une "unité divisée".
Na Zemlje (Sur terre) est une œuvre élaborée
en 1998 à Ljubimovka, dans les environs de
Moscou, avec des acteurs de l’École d’art
dramatique d’Anatoli Vassiliev. Tout espoir de
changement en Russie y semble englué dans
la survivance d’un ruralisme boueux. Spectacle dansé, joué et chanté, Na Zemlje oscille
entre pathétique et burlesque, entre réalisme
rustique et onirisme fantastique.
D’un territoire à l’autre, la nature humaine
semble avoir trouvé en Sasha Waltz une portraitiste sans concession qui aurait troqué une
vieille défroque utopique contre les oripeaux
modernes d’un constat lucide et amer.
21
Ea Sola, ph. Claude Le Anh
THEATRE DE LA VILLE • TARIF A
DU 9 AU 12 MAI
CRÉATION
Ea Sola
Requiem
danseurs et musiciens vietnamiens
LE NOMBRE DIVISÉ EN PERSONNES
« L’orchestre de Requiem, c’est le temps. La
voix de Requiem est la mélodie de la partition.
La danse de Requiem est un nombre ; un
groupe de monde dansant la personne. »
Ainsi écrit la Vietnamienne Ea Sola, et l’on a
déjà, dans la saveur légère de ces quelques
mots, toute la promesse poétique d’un travail
enraciné dans l’essentialité.
Tout a débuté avec ce formidable chant de
l’âge que fut Sécheresse et Pluie, porté par
l’humble délicatesse de vieilles paysannes du
Nord-Vietnam. Ea Sola, qui avait fui à quinze
ans son pays lessivé par la guerre, faisait
retour vers la mémoire incorporée d’une
contrée dont le peuple avait su entretenir les
formes d’un art savant. Sans céder au
moindre "folklore", Ea Sola aura au contraire
jeté une passerelle incroyablement vivace
entre la fertilité des traditions et l’horizon d’une
modernité dont le Vietnam contemporain est
le passionnant chantier. Après Sécheresse et
Pluie, deux autres spectacles, Il a été une fois
et Voilà, voilà *, sont venus séquencer ce
voyage subjectif et sensible d’un travail des
origines en chemin vers son devenir. Une
œuvre grandiose, d’une douleur paisiblement
transmuée, dont Requiem devrait être le geste
d’adieu, indiquant le passage du "voilà d’où
nous venons" au seul "nous venons". Quinze
danseurs et quinze musiciens vietnamiens
célébreront, dans l’achèvement d’un cycle,
l’imminence de cette venue, de cet avènement ; au passage du "collectif" de l’identité
d’un peuple (en lui-même composite) au "singulier" de la personne. Avant la danse, les
mots d’Ea Sola le disent déjà : « Le
nombre/Divisé en personnes/Réveille la personne/Divisée dans la joie ».
* Coproduits par le Théâtre de la Ville.
THEATRE DE LA VILLE • TARIF EXCEPTIONNEL
Pina Bausch
TANZTHEATER WUPPERTAL
7, 8, 9, 11, 12, 13, 14 JUIN 1er PROG.
création
création
sements qui sont le sel de la vie. Oui, ce sel
vient parfois brûler des plaies mal cicatrisées :
la relation entre hommes et femmes, l’écart
entre désespérance et besoin d’affection, le
dérisoire et le pathétique, l’espoir et le désenchantement. « Entre la solitude et la compagnie, il est un geste qui ne commence en personne et qui se termine en tous », écrit le
poète Roberto Juarroz. Avec le Tanztheater
Wuppertal et ses sublimes interprètes, Pina
Bausch aura réussi à faire des solitudes de
chacun le foyer d’une compagnie, donnant
corps à la communauté sensible des êtres
séparés, mais cependant unis dans un « battement de cœur de l’essentiel ».
Dès 1979, le public parisien découvrait
Barbe-Bleue et les Sept Péchés capitaux. Ce
fut le début d’une longue histoire d’amour
entre Paris et le Tanztheater Wuppertal :
depuis plus de vingt ans, le Théâtre de la Ville
aura été l’écrin parisien de cette œuvre proliférante, dont chaque pièce vient faire jaillir
l’infini recommencement d’un bouleversant
cortège de vérités et de déguisements, de
dérisions et de tragédies. Insatiable rivière
d’une soif d’amour dont le flot charrie, à la
source même des gestes, le désenchantement nostalgique.
Tout l’art de Pina Bausch tient peut-être dans
l’impossible deuil d’une innocence à jamais
bafouée ; dans le secret d’une enfance perdue. Cette douleur, si elle a sans doute racine
liée à la propre enfance de Pina Bausch (née
en Allemagne en 1940), est le registre étendu
de l’expérience commune, dans la mise en
partage du particulier : qu’avons-nous tous
perdu de l’enfance de chacun ? Cette impossibilité à remonter le fil du temps est au cœur
de Danzón, vingt-troisième pièce de Pina
Bausch. Des rites de déshabillage à la poursuite d’un état de nudité, des feux follets d’un
théâtre d’ombres aux rêves de voyage vers
une lointaine jeunesse, Danzón est comme
une ronde d’adieu, inhabituellement ascétique, aux jeux de l’enfance. Paradis perdu
dont Pina Bausch vient elle-même danser
l’éloignement, en sémaphore nocturne des
beautés englouties.
Depuis le sublime Viktor (1986), qu’elle répéta
en partie à Rome, et plus singulièrement
Palermo, Palermo, créé en 1989 en Sicile,
Pina Bausch a pris le goût d’un dépaysement
qui se laisse irriguer par les ambiances mystérieuses de certaines villes : à mille lieues
des clichés touristiques obligés, c’est encore
à un travail de fouille, d’exhumation, que se
livre la chorégraphe. Dans l’appel des
rythmes bigarrés (ceux du sud, notamment),
ses dernières pièces ont conquis une gaieté
contagieuse, où la danse revient en force et
s’émaille en solos vertigineux. Après
Lisbonne, Madrid, Hong-Kong, Buenos Aires
et Rome, c’est à Budapest que le Tanztheater
Wuppertal fait aujourd’hui escale. Au bord du
« beau Danube bleu », récemment sali par
d’importantes pollutions, nul doute que Pina
Bausch saura une fois de plus explorer les
berges de la mémoire, entraînant le vertige
des corps dans la lancinante nostalgie des
violons tsiganes.
18, 19, 21, 22, 23 JUIN 2e PROG.
22
reprise
LES BERGES DE LA MÉMOIRE
Résolument. Définitivement. Pina Bausch aura
marqué l’histoire de la danse et du théâtre,
outrepassant les limites de l’une et de l’autre
dans un art de vérité qui a en partage le bien
commun de l’humanité. Chorégraphe de
l’être, Pina Bausch a su composer, de pièce
en pièce, une vaste fresque des turpitudes,
lâchetés, rêves d’amour, fantasmes, tendresses, cruautés, jeux, manigances et ravis-
Pina Bausch, ph. M. Vanden Abeele
Danzón
LES ABBESSES • TARIF C
er
DU 17 AU 21 OCT. 19H30 1 PROG.
La Ribot
Mas Distinguidas
conception, interprétation La Ribot
musique Erik Satie, Javier Lopez de
Guereña, Rubén Gonzalez, Carles Santos
lumières Daniel Demont
LA DISTINCTION MALICIEUSE
Tableaux vivants, à vendre. Les Pièces distinguées de La Ribot sont de brefs solos (de 30
secondes à 7 minutes), vendus comme des
œuvres d’art aux "distingués propriétaires" qui
en font l’acquisition comme on le ferait d’un
tableau ou d’une sculpture. Très éloignées,
donc, des écritures chorégraphiques courantes, les "miniatures" de La Ribot sont de
délicieuses perles, souvent enrobées d’humour, avec parfois un zeste caustique qui en
relève le goût. Mais, plus que des "sketches",
ce sont de véritables "poèmes mobiles" qui
s’animent à même le corps, avec le soutien
occasionnel d’accessoires dérisoires. À la
lisière de la chorégraphie et de la performance, Maria-José Ribot a entamé ce cycle
de la "distinction" en 1993. Figure de proue de
la nouvelle danse madrilène, la presse espagnole l’a élevée au rang de "reine dada", "surréaliste, drôle et élégante". « André Breton lui
aurait sûrement dédié Nadja », écrit même le
grand critique Roger Salas. C’est aujourd’hui
à Londres qu’elle tente de trouver un environnement plus propice à la reconnaissance de
l’art décalé qui est le sien. Avec un flegme
pince-sans-rire qui est le lot des grands burlesques métaphysiques, La Ribot bichonne
l’absurde pour s’amuser des vanités qui nous
tiennent lieu d’apparence. Avec une classe où
l’aristocratique et le vulgaire se mélangent les
pinceaux, elle parvient à satisfaire par la
déception. Son Strip-tease est ainsi un grand
moment du genre ! N’en dévoilons rien.
Disons simplement ceci : La Ribot a compris
que, pour amener à voir, il fallait de prime
abord décevoir. Peut-être est-ce là le secret
de sa vraie "distinction". Évidemment malicieuse.
Les années 80 nous avaient habitués à des
productions de danse contemporaine qui, sur
le modèle du théâtre, construisaient en créations successives des univers, des styles, des
"gestuelles" mises au service d’un sens du
spectaculaire. Rien de tel chez La Ribot.
Comme d’autres artistes apparus ces der-
Gilles Jobin, ph. Isabelle Meister
La Ribot, ph. Jaime Gorospe
La Ribot, ph. Isabelle Meister
DANSE AUX ABBESSES
nières années, elle bouscule un certain format
"obligé" des pièces de danse. Chez elle, tout
est indiqué d’emblée dans un concept chorégraphique unique, qui est amené à se développer en de subtiles variations. Le jeu des
"séries" permet de séquencer et de canaliser
la prolifération de l’idée initiale, dont elle est
l’unique interprète.
Quelques spectateurs parisiens auront peutêtre vu à la Ménagerie de verre les 13 premières Piezas distinguidas, créées à partir de
1993. La Ribot s’est donné comme objectif de
"collectionner" cent pièces distinguées : plus
qu’un spectacle, c’est donc une œuvre au
long cours que l’on aura le bonheur de découvrir la saison prochaine au Théâtre de la Ville,
en deux temps.
Au Théâtre des Abbesses, La Ribot présentera les treize solos d’un cycle intitulé Mas
Distinguidas, qu’elle a achevé en 1997. Et au
Théâtre de la Ville dans la salle de répétition,
elle créera Still distinguished, 6 nouvelles
pièces.
LES ABBESSES • TARIF C
DU 17 AU 21 OCT. 21H 1er PROG.
Gilles Jobin
Braindance
chorégraphie Gilles Jobin
musique originale Franz Treichler
autres musiques The Young Gods, Subspicy
lumières Emma Wilson
costumes Anna Van Bree
avec
Estelle Héritier, Juan Dominguéz,
Genevieve Byrne, Gilles Jobin,
Nuria de Ulibarri
avec le Festival d’Automne à Paris
AU-DELÀ DE L’OBSCÉNITÉ
Chorégraphier. Avant toute prétention à l’écriture, ce serait exhiber le corps. Au sens
premier, juridique, d’exhiber : "Produire (un
document officiel, une pièce) devant l’autorité". Au-delà de la nudité manifeste de son premier spectacle de groupe, A + B = X, le chorégraphe Gilles Jobin a d’emblée trouvé la
force d’exhibition d’un corps soumis à l’autorité d’une "loi" de représentation. La détournant,
la dé-jouant, par un singulier travail de cadrage, de mise en lumière, de manipulation.
Venu à la danse par l’interprétation (avec
Fabienne Berger, Laura Tanner et Angels
23
Margarit), Gilles Jobin a rodé à Genève, en
quelques solos et performances, l’avènement d’un travail de chair qui ne dénierait pas
au mouvement sa dimension cérébrale.
Braindance, nouvelle œuvre pour cinq danseurs, convoque à nouveau la nudité (mais
pas seulement) dans la nécessité d’une âpreté sans concession. Loin de prétendre sublimer quoi que ce soit, le "dispositif" de corps et
d’images que met en scène Gilles Jobin désigne plutôt l’espace d’une vulnérabilité, la
menace d’une déshumanisation de l’expérience de vivre. « Fasciné par les images de
guerre, intéressé par l’utilisation du corps
comme instrument de propagande politique
et de terreur », Gilles Jobin use d’une magistrale lenteur pour "animer" ces morts manipulées que nous stockons inconsciemment,
obligeant à regarder ce qui ne peut être vu.
Danse clinique, qui ne s’égare pas dans l’état
de fièvre, mais ose entreprendre le corps audelà de l’obscénité de la mort.
LES ABBESSES • TARIF C
Lynda
Gaudreau
COMPAGNIE DE BRUNE
DU 24 AU 28 OCT. 1er PROG.
Document 1
direction artistique, chorégraphie,
conception scénographique,
direction sonore Lynda Gaudreau
musique originale
Rober Racine piano (1999)
lumières Lucie Bazzo
costumes Lynda Gaudreau, Carmen Alie,
Denis Lavoie
œuvres chorégraphiques intégrées de
Jonathan Burrows Hands (vidéo, 1995) ;
Meg Stuart et Damaged Goods
No Longer Readymade (extrait, 1993 ;
interprété par Benoît Lachambre,
sur une musique de Hahn Rowe) ;
Benoît Lachambre Solo à la hanche
(création originale)
accessoires chorégraphiques de Daniel
Larrieu (ballon et plumes) utilisés dans
Feutre (1999)
avec Sarah Doucet, Mark Eden-Towle,
Sophie Janssens, Sarah Stoker
et Benoît Lachambre artiste invité
DU 22 AU 25 NOV. 2e PROG.
Still life n°1
24
duo
ANATOMIE DU VIVANT
Singulière pépinière de talents chorégraphiques, le Klapstuk de Louvain a accompagné ces dernières années l'émergence d’artistes tels qu’Alain Platel ou Meg Stuart. Ce
festival, doublé d’un accueil de résidences de
création, a été de 1992 à 1997 le port d’attache d’une chorégraphe québécoise, Lynda
Gaudreau, dont les pièces sont conçues,
avec exigence et précision, comme autant
"d’architectures émotives". Simultanément formée à la danse (moderne et classique), à
l’histoire de l’art et à la philosophie, Lynda
Gaudreau se définit comme une « anatomiste
du mouvement ». Ce travail lumineux, qui n’a
jusqu’à présent guère été vu en France, a
d’ores et déjà conquis quelques-uns des festivals les plus renommés en Europe et au
Canada. Ce succès est d’autant plus remar-
Jérôme Bel, ph. Herman Sorgeloos
Gilles Jobin – suite
quable qu’à rebours de toute surenchère
spectaculaire, Lynda Gaudreau apprivoise le
temps du regard. Espace, masses, volumes
sont ici le véritable objet d’une quête sensible
où l’influence de la peinture et de la sculpture
(des dessins au fusain de Michel-Ange à
Cézanne, de Rodin à Giacometti) sert de
matrice à des "études de mouvement" dont le
danseur est à la fois peintre et modèle. Lynda
Gaudreau ne craint pas d’assigner à ses
compositions (pures, élégantes, détaillées et
minutieuses) une dimension "encyclopédique". Document 1 égrène ainsi un alphabet
ludique dont pieds, mains, bras, hanches et
tête stimulent tour à tour la formation de motifs
et d’ornements. Cette "collection" de fragments sait emprunter à bon escient certaines
pièces déjà existantes ou créées pour l’occasion : extrait vidéo d’une œuvre de Jonathan
Burrows (Hands), solo d’ouverture du No
Longer Readymade de Meg Stuart, Autoportrait à la hanche confié au danseur/performer
Benoît Lachambre, "citations" chorégraphiques de Daniel Larrieu, Jérôme Bel, etc.. À
|’intérieur d’un espace volontairement restreint, se succèdent ainsi les tableaux d’un
paysage humain, qui procède par déclinaison, énumération, classification. Document 1
inaugure un projet associatif que Lynda
Gaudreau entend construire sur plusieurs
années, dans la logique d’un "gai savoir"
encyclopédique peu courant en danse.
Rejoignant ce projet au long cours, le Théâtre
de la Ville donnera également à en voir l’une
des arcanes avec Still Life n°1. Ce duo, qui se
veut « une méditation sur le corps humain »,
superpose les univers de l’anatomie et de la
peinture. En un cérémonial figuratif d’une mise
à nu minutieusement dépliée, un homme et
une femme se partagent la mise à plat de la
chair, sur une table de dissection qui pourrait
aussi être table de massage. La froideur clinique de l’espace n’est ici en rien opposé à la
sensualité densifiée des corps qui s’exposent
en constantes transformations.
Saillie des muscles, des os, dans une mosaïque de lignes et de courbes qui déjoue la
"nature morte" au profit d’un entrelacs de la
vision et du toucher ; comme si une "leçon
d’anatomie", sortant de la platitude figurative
de la "planche", devenait "leçon de choses"
chorégraphiée à même le vivant des corps. La
mise en scène épurée de cette déconstruction organique, accompagnée par une
composition sonore de Rober Racine toute en
étirements, chocs et effondrements, produit
l’extraordinaire enchantement des formes se
dépliant à l’infini dans l’abîme de la perception, illimitant l’espace intime du regard et du
toucher. Somptueuse profondeur du silence
obscur des corps, puisque comme le dit simplement Lynda Gaudreau : « La danse est un
moyen de donner une forme à ce qui ne peut
être dit ».
Lynda Gaudreau, ph. Herman Sorgeloos
Gilles Jobin, ph. Isabelle Meister
Jérôme Bel
Le Dernier Spectacle
4 interprètes
CRITIQUE DU SPECTACLE
Artiste minimaliste dans ses propositions,
maximaliste dans la radicalité corsée d’humour avec laquelle il déjoue les attendus du
spectacle vivant, Jérôme Bel a réussi à transformer une critique de l’art chorégraphique en
œuvre à part entière.
Élève du C.N.D.C. d’Angers, il a dansé pour
Preljocaj, Bouvier-Obadia, Larrieu et Caterina
Sagna, puis fut l’un des assistants de
Decouflé pour les cérémonies des Jeux olympiques d’Albertville, avant de signer en 1994
son premier "avis de non-conformité" : Nom
donné par l’auteur ; chorégraphie sans danse,
il se joue autour d’un tapis et d’objets de salon
manipulés par deux interprètes. Un jeu sur le
langage, d’une banalité à la fois ludique et
réflexive. Jérôme Bel assume le décalage qu’il
opère dans le champ de la danse. Sa pièce
suivante s’intitule… Jérôme Bel. Cinq interprètes nus, une ampoule pour seul éclairage,
l’air fredonné du Sacre du printemps pour
seule musique ; dans son apparente pauvreté,
ce spectacle est une mine d’intelligence. Le
corps se dépouille des attributs de la modernité pour accéder à la plus caustique des simplicités. Deux ans plus tard, Shirtologie, créé
avec des adolescents de Gand, joue habilement sur les inscriptions portées sur tee-shirts :
de quoi le corps commun est-il la vitrine ? La
rupture avec les bonnes manières de la danse
contemporaine est consommée. La quatrième
pièce de Jérôme Bel s’appellera, sans rire, le
Dernier Spectacle. En manipulant la citation et
les variations en série, Jérôme Bel convoque
des figures vues et entendues : André Agassi
y croise Hamlet dans un match des apparences et des identités, qui renvoie dans les
limbes toute prétention démiurgique de l’artiste-auteur. À l’ère de l’emprunt généralisé,
du copier-coller et de la connexion, Jérôme
Bel peut bien rejouer tel quel un extraordinaire
solo de la danseuse Susanne Linke. Sauf que
tel quel il n’existe pas : la représentation
démultipliée de ce solo s’offre comme jeu de
variables. La répétition du même est un leurre,
un trompe-l’œil. Le monde n’existerait-il plus
que dans l’interprétation que nous pouvons
faire des clichés qui nous sont adressés ? Déjouer la ruse de la représentation, ce n’est en
rien, pour Jérôme Bel, ajouter de l’imagination
au réel ; mais plutôt élaborer des concepts qui
permettraient de démonter, avant remontage,
la mécanique empirique du sens. Dans le
Dernier Spectacle, plus encore que dans ses
précédents essais, un pratique éclairage du
recyclage se pose comme critique en actes
de la prolifération d’une production (notamment artistique) qui tournerait à vide. Un critique a eu raison d’écrire que le Dernier
Spectacle pourrait « être à la danse ce que
Fin de partie est au théâtre ». Depuis qu’il a
radicalement manifesté ne plus avoir le désir
de danser, on s’arrache les chorégraphies de
Jérôme Bel !
Gilles Jobin, ph. Isabelle Meister
DU 19 AU 22 DÉC. 1er PROG.
Lynda Gaudreau, photos Michael Slobodian
LES ABBESSES • TARIF C
25
LES ABBESSES • TARIF A
29 ET 30 DÉC.
Kazuo Ohno
LA FLEUR SANS ÂGE
À 94 ans, Kazuo Ohno défie l’entendement.
Inventeur avec Tatsumi Hijikata du butô, la
"danse des ténèbres" dont l’imagerie est
volontiers torturée, convulsive et parfois morbide, Ohno déploie tout au contraire dans sa
danse l’expression d’un ravissement illuminé
qui se pare de délicatesse, voire de coquetterie. Venu à la danse presque par hasard et
assez tardivement, il est parvenu à incarner
une sorte d’absolu de la danse (son Hommage à la Argentina est désormais légendaire). C’est que Kazuo Ohno, après avoir
pulvérisé une certaine image de la danse, est
passé de l’autre côté du miroir, dans un
domaine sacré où son irréductible singularité
est devenue, comme par enchantement,
sublime évidence : l’évidence de l’âme.
Chapeaux à fleurs sur des cheveux en chignon, robes de coquette, hauts talons, visage
fardé de blanc fendu d’un sourire lunaire,
Divine Ohno entre dans l’arène de Dieu
comme un clown sur la piste du cirque. À l’instar de Nijinski, il est "clown de Dieu ". La vie, la
mort, sont pour ce bateleur d’éternité des
étapes passagères d’une aventure bien plus
grande que l’existence individuelle : « L’esprit,
le corps doivent être ouverts au monde ; pas
seulement aux vivants, mais à tous ceux qui
nous ont précédés dans la lignée dont nous
sommes le dernier maillon, avant ceux qui suivront. Et ces morts, comme le public vivant
dans la salle, je les sens physiquement autour
de moi sur la scène. C’est pour cela que je
danse sur un espace étroit : pour leur laisser
le reste de la place ». Kazuo Ohno ne danse
presque pas, mais il fait danser chaque particule d’air autour de lui. En solo ou avec son
fils Yoshito, il célèbre une danse qui, ayant
outrepassé les limites de l’âge, épouse sans
ostentation le mystère du vivant. « Une voix
me dit : même vieux, même avec un corps
délabré, il faut faire attention à ta vie. On te
permet de vivre à ta manière. […] Rien qu’en
y pensant, mon cœur bat. »
LES ABBESSES • TARIF B
DU 7 AU 10 FÉV.
CRÉATION
Sidi Larbi
Cherkaoui
LES BALLETS C. DE LA B.
Rien de rien
5 danseurs et Roel Dieltiens violoncelle
26
AUTODIDACTE DU MOUVEMENT
On n’est pas près d’oublier, dans le remugle
du Iets op Bach d’Alain Platel, l’aisance stupéfiante de Sidi Larbi Cherkaoui. Filant le parfait unisson dans un duo avec Gabriella
Carrizo, ondulant avec une sensualité désarmante sur une musique de Prince, ou encore
apprivoisant le feu dans les paumes de ses
mains, il rejoignait en un seul spectacle l’élite
des danseurs "classieux" ; chez qui l’évident
plaisir de la scène ne se traduit pas en épate
démonstrative. Le Concours du meilleur solo
de danse belge (malicieusement créé par
Alain Platel), aura récompensé, en 1995, la
ténacité de Sidi Larbi Cherkaoui, autodidacte
du mouvement. Aux quelques années d’école
coranique imposées par un père marocain
plutôt sévère sur les principes de l’islam, il
aura bien vite préféré l’école de la télé et des
vidéo-clips, avec le show-biz en ligne de mire.
Il participe d’ailleurs à quelques émissions de
variétés, tout en prenant ses premiers cours
de classique, de hip-hop et de danse jazz.
Admis en 1996 à P.A.R.T.S., l’école d’Anne
Teresa De Keersmaeker, il en sortira avant la
ligne d’arrivée pour rejoindre la création
d’Alain Platel, maestro des beautés rebelles.
On n’attend pas d’un tel parcours, venant de
quelqu’un qui se présente lui-même comme
« Belgo-Marocain homosexuel », qu’il puisse
déboucher sur un quelconque "purisme" chorégraphique. Mais les surprises ne surviennentelles pas précisément de ce qu’on ne les
attend pas ? À l’enseigne des Ballets C. de la
B., la prochaine (et première) création de Sidi
Larbi Cherkaoui, Rien de rien, met d’ores et
déjà l’eau à la bouche. Sans autre promesse,
pour l’heure, que celle d’une distribution qui
réunit, outre le chorégraphe, une ex-danseuse
classique sexagénaire du Ballet des Flandres,
une adolescente de 14 ans, un danseur
slovène issu de P.A.R.T.S et un ex-danseur de
la compagnie israélienne Batsheva. Sans
omettre la présence en scène du violoncelliste
Roel Dieltiens, formidable "orchestrateur" des
musiques de Purcell et de Bach dans les derniers spectacles de Platel.
LES ABBESSES • TARIF A
DU 27 FÉV. AU 3 MARS 2e PROG. CRÉATION
Wim
Vandekeybus
ULTIMA VEZ
création 2001
5 danseuses
LA FORCE DE L’INTUITION
Charo Calvo, qui fut l’une des premières interprètes de la compagnie Ultima Vez de Wim
Vandekeybus, s’est désormais orientée vers la
composition musicale. Et l’électroacoustique
est son domaine de prédilection : « C’est une
expérience sensorielle immédiate, physique,
qui passe d’abord par les sens et laisse une
empreinte forte, pas seulement dans l’ouïe,
mais à travers l’intensité des vibrations, jusqu’à faire réagir le système nerveux ». Une
conception pas très éloignée de la virtualité
du mouvement que met en actes Wim
Vandekeybus, dont on se souviendra des premiers élans chorégraphiques sur les
Musiques de tables de Thierry De Mey : "corépondance" immédiate du son et du geste de
la percussion sur l’influx et le déchargement
de l’action corporelle.
Dans une même corrélation organique entre
danse et musique, Charo Calvo travaillera
pour cette création avec les voix et les sons
produits sur scène : respirations, chants,
textes, manipulations d’objets…, qui donneront lieu à un traitement "live". L’occasion pour
Wim Vandekeybus, dans cette pièce pour
cinq danseuses, de revenir à certaines de ses
premières préoccupations : exalter l’imagination comme instinct de conservation (trouver
des réponses dans l’instant), explorer la frontière ténue entre conscience corporelle et
conscience mentale, débusquer « la force de
l’intuition insaisissable, non pas comme compétence mais comme don naturel ». Force du
jaillissement comme ensemencement de l’expérience.
Kazuo Ohno, ph. Delahaye
Sidi Larbi Cherkaoui, ph. Kurt Van der Kleist
Samuel Louwyck, ph. J.-P. Maurin
Wim Vandekeybus, ph. W. V.
Christophe Haleb, ph. Bruno Fert
LES ABBESSES • TARIF B
October 13th, peu de signes avant-coureurs :
le souvenir personnel de l’explosion d’un
pavillon de banlieue et d’un dérisoire radiateur
de style victorien resté accroché à un pan de
mur. « Les bâtiments ne sont pas construits
pour durer », a dit un jour l’architecte Frank
Lloyd Wright. Ce à quoi Samuel Louwyck fait
remarquer : « Mais ça n’élimine pas la douleur
quand ils disparaissent ». October 13th serait
alors danser à la source de l’explosion, pour
agrandir l’espace de la douleur et garder un
peu de chaleur dans les décombres.
DU 6 AU 10 MARS
CRÉATION
Samuel
Louwyck
October 13th
6 danseurs, 1 musicien
BAD BOY AU CŒUR TENDRE
La saison 2000/2001 du Théâtre de la Ville ne
manque pas d’objets chorégraphiques non
(encore) identifiés. Parmi eux, Samuel
Louwyck fait figure de total inconnu. Ce chorégraphe aurait déjà signé trois pièces depuis
1995 : la Tachycardie ou maladie du cœur ;
Flippers et After Hours, ainsi que trois vidéoclips du groupe rock Deus. Il prétend de plus
avoir été champion de Belgique d’aviron.
Serions-nous menés en bateau ? Le bateau en
question est une embarcation cosmopolite,
les Ballets C. de la B., où Samuel Louwyck a
appris dans l’équipage d’Alain Platel la navigation chorégraphique par temps de forte
houle. Il était déjà dans le légendaire Bonjour
madame, comment allez-vous, il fait beau, il
va sans doute pleuvoir, etc. Plutôt inquiétant
en gaillard patibulaire à bottes de fourrure,
déplaçant au sol le corps d’un enfant inanimé.
Récidivant quelques années plus tard dans
Iets op Bach en sordide voyeur limite pédophile. C’est donc sous des allures pas très fréquentables que Samuel Louwyck a prêté aux
spectacles d’Alain Platel sa silhouette de danseur classique mal dégrossi. "Bad boy" au
cœur tendre, il est aujourd’hui l’un de ceux sur
qui les Ballets C. de la B. peuvent compter
pour cultiver dans l’après-Platel les pousses
d’une danse âpre, faussement désinvolte et
vraiment coriace. De la prochaine création
(pour six interprètes) de Samuel Louwyck,
LES ABBESSES • TARIF B
DU 13 AU 17 MARS
CRÉATION
Christophe
Haleb
LA ZOUZE – COMPAGNIE CHRISTOPHE HALEB
Idyllique
Opéra Beat
7 danseurs, 2 musiciens,1 chanteur
POÈTE D’UNE BEAUTÉ CONVULSIVE
L’art pour l’art, très peu pour lui ! « Mes expériences, dans la vie courante, font partie de
ma nécessité d’agir, et d’inventer une alternative à notre réalité. » Depuis une solitaire
Conquête du voyageur déshydraté (1993),
Christophe Haleb construit un univers d’insolence insoumise, dopé par une fièvre rebelle
qui oppose au « citoyen-thermostat » et au
« cyber-bétail » la fougue d’un « corps élargi,
nerveux, rageur, exalté ». Cet ex-interprète de
Larrieu, Verret et Preljocaj, a opté pour la
verve d’une radicalité autonome, barbare, qui
préfère la "jouissance" au "respect des règles".
Stations migratoires, la Marche des vierges et
27
LES ABBESSES • TARIF B
23, 24, 25, 27 ET 28 AVRIL
CRÉATION
Guesch Patti
Elle sourit aux larmes
chorégraphies
Daniel Larrieu, Odile Duboc, Odile Azagury,
Pascale Houbin, Dominique Mercy
LA CHANSON QUI DANSE
« Croyez-vous savoir tout de vous ? […] Il y a
d’autres terres en dessous. » Guesch Patti,
"rockeuse de goualantes", lancée en chanson
par le formidable succès d’Étienne (1988), n’a
jamais oublié ses premières amours du côté
de la danse. D’une enfance "tutuesque" à
l’école de l’Opéra de Paris, de ses débuts professionnels au sein des ballets Roland Petit,
elle a ensuite trouvé âme qui vive aux côtés
d’Anne Béranger, de Joseph Russillo, de
Carolyn Carlson, puis dans l’expérience collective du Four Solaire (avec Anne-Marie
Reynaud et Odile Azagury) au mitan des
années 70. Elle a su rester entière, résistant
autant que faire se peut au business du showbiz, toujours en quête d’une voix buissonnière
et de voies en lisière, du côté du cinéma
(Elles, 1997) ou de la mode (défilé Castelbajac, 1997). Et la danse, qui revient périodiquement, comme une respiration nécessaire.
En 1992 déjà, elle offrait ses mélodies chaloupées à un spectacle de Daniel Larrieu, pour le
festival Montpellier Danse. Un Daniel Larrieu
qu’elle retrouvait en 1998 pour un solo au
Théâtre contemporain de la danse, à Paris.
Attachée aux « simples complicités qui font la
vie », Guesch Patti s’engage aujourd’hui dans
la création d’un spectacle qui tentera de tisser
le fil « des parcours séparés, de la danse à la
chanson ». Anne-Marie Reynaud, Daniel
Larrieu, Odile Duboc, Pascale Houbin, Odile
Azagury et Dominique Mercy ont accepté
d’ouvrir, avec et pour Guesch Patti, cette
« parenthèse de l’amitié ». Elle sourit aux
larmes, bien loin d’un autoportrait au miroir
des vanités, sera plutôt « croquis d’émotions
fortes, comme ces face-à-face que l’on redoute toujours ». Une chanson qui danse,
dans la valse mélancolique du refrain de la vie.
28
Gilles Jobin, ph. Pau Ros
Repères sont venus éclater la gangue des
mouvements policés, au profit d’une théâtralité fortement imagée en même temps qu’iconoclaste. Poète d’une "beauté convulsive",
chorégraphe de l’hétérogénéité, Christophe
Haleb a signé en 1997 une œuvre charnière,
Sous les pieds des citoyens vivants. Danse,
textes et chants, musique technoïde du
groupe Pushy et "percussions picturales" d’un
peintre-vidéaste composaient les fragments
de « l’agonie d’un monde qui ne correspond
plus aux désirs profonds des hommes qui le
composent ». Une même énergie composite
devrait guider la prochaine création d’Idyllique, "opéra beat pour sept danseurs, deux
musiciens et un chanteur". La démarche de
Christophe Haleb se politise d’un cran, envisageant la danse comme un « écosystème »
utopique : « Il pourrait être question d’un nouveau contrat (d’union) social qui interroge
notre relation au monde urbain, à sa vitesse,
sa pensée libérale, ses artifices, ses espaces
de liberté mais aussi à la place qu’il réserve à
la nature ».
Guesh Patti, ph. Elodie Lachau
Christophe Haleb – suite
LES ABBESSES • TARIF C
DU 8 AU 12 MAI 2e PROG.
CRÉATION
Gilles Jobin
The Moebius Strip
PART D’OMBRE
Il est difficile de dire d’un travail théâtral ou
chorégraphique qu’il a à voir avec la mort. En
tout cas, ce n’est pas un argument "publicitaire", comme on dit. Mais qu’est-ce qui n’aurait pas à voir avec la mort ? L’issue de vivre
n’est-elle pas l’horizon qui hante en secret le
moindre de nos actes ? Sauf que nous
sommes dans une ère où la mort semble
déréalisée, irreprésentable, et une fois tout
rituel évaporé, rangée dans la bibliothèque de
l’inconscient comme un livre suranné. Sans
être assimilables à quelque danse macabre
que ce soit, les spectacles de Gilles Jobin
sont tramés par ce filigrane de la mort. Battant
le rappel que non seulement nous sommes
tous mortels, mais que quelque chose de l’humanité pourrait bien ne pas survivre. Il ne
s’agit pourtant pas d’une vision apocalyptique, mais d’un simple travail de chair qui
vient s’opposer aux leurres du virtuel. Après
A + B = X et Braindance (également présenté
cette saison aux Abbesses), Gilles Jobin met
en chantier une nouvelle pièce, The Moebius
Strip, et précise d’emblée : « Certains interprètent la bande de Moebius comme une spirale de la réversibilité de tous les signes dans
l’ombre de la séduction et de la mort ». Cette
part d’ombre, que s’emploient à réduire les
commerçants de la vie transparente, à travers
clonage, manipulations génétiques, synthèse
d’organes et tutti quanti, devrait être le vif du
sujet que s’impose Gilles Jobin. Contre l’asphyxie programmée, un projet de respiration
partagée. Prenant appui sur le mouvement, le
son (avec le compositeur Franz Treicher) et
l’image subjective de la vidéo, « Je traiterai
une fois de plus des altérations de l’esprit
humain, prévient Gilles Jobin. Moebius Strip
est un travail sur la générosité. C’est-à-dire
l’intimité ».
LES ABBESSES • TARIF B
DU 5 AU 9 JUIN
CRÉATION
Salia Sanou
COMPAGNIE SALIA NÏ SEYDOU
Taagalà, le voyageur
Salia Sanou, ph. Marc Coudrais
L’INTÉRIORITÉ VOYAGEUSE
Ils ont fait équipe commune avec Mathilde
Monnier dans la création de Pour Antigone.
Huit ans déjà. Pour Salia Sanou et Seydou
Boro, cette aventure partagée aura cristallisé
la conviction que « la danse africaine ne peut
être circonscrite à la seule tradition. La danse
africaine existe dans la réalité d’un monde
changeant et, à l’image des autres arts, elle
est mise au défi de notre époque ». Sans couper les ponts avec le Centre chorégraphique
de Montpellier, Salia Sanou et Seydou Boro
ont créé leur propre compagnie au Burkina
Faso, ouvert des portes et battu en brèche
bien des préjugés. En deux spectacles, ils ont
surtout réussi à tracer leur chemin, en s’éloignant des conventions sans avoir à renier
leurs racines. Dans le Siècle des fous, puis
dans Figninto (l’aveugle, en langue bambara),
l’énergie est concentrée dans une intériorité
qui est la matrice de toutes les émotions. La
musique reste très présente (percussions,
flûte, kora), mais devient une trame plus
qu’une scansion. « Le silence, ce sont des
notes de musique qui ne sont pas extériorisées », résume joliment Salia Sanou. Taagalà,
le voyageur, la nouvelle création de la
compagnie Salia nï Seydou, réunit quatre danseurs, deux musiciens (Dramane Diabaté et
Amadou Dembelé), et une scénographie du
sculpteur burkinabé Goudou Bambara. Corps
qui se métamorphose dans l’espace, le voyageur est bien sûr une métaphore du danseur
« qui porte un fardeau et se refuse à le déposer ». Dans le perpétuel mouvement du déplacement qui repousse l’horizon, il est question
d’un « corps qui s’oublie pour donner à voir
même au-delà de l’invisible » .
Là où j’allume un feu est ma demeure, dit un
proverbe nomade. En donnant vie à des
foyers d’énergie fluctuants, Salia Sanou et
Seydou Boro chorégraphient cette ouverture
du regard sur le monde, identité en mouvement vers l’acceptation de l’inconnu.
Daniel Larrieu, ph. Quentin Bertoux
pour 4 danseurs, 2 musiciens
LES ABBESSES • TARIF A
DU 12 AU 16 JUIN
CRÉATION
Daniel Larrieu
CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL
DE TOURS-DANIEL LARRIEU
+ qu'hier, pleins feux
et Petit Bateau
Avec une vingtaine d’années consacrées à
l’art chorégraphique, Daniel Larrieu, directeur
du Centre chorégraphique national de Tours,
a tissé son œuvre comme une toile, un véritable ciel changeant constellé d’attentats poétiques. Délicat, grave avec fantaisie, ce
peintre des nuances, des flux et du temps relit
aujourd’hui son travail sous un angle légèrement primitif. Plus qu’hier, sa dernière création, est une mosaïque de danses où se
croisent les tonalités les plus vives ou profondes de plusieurs de ses pièces, dont
Chiquenaudes, les Marchands, Jungle sur la
planète Vénus et plusieurs de ses remarquables solos comme Emmy ou Little B.. Mais
bien malin qui s’y reconnaîtrait. Ici tout est
démultiplication, détournement, patine, déformation. Prenant pour objet son propre matériau chorégraphique, Daniel Larrieu donne
une nouvelle impulsion à son travail. La matière qu’il a sélectionnée subit, au fil de découpages choisis, une série de métamorphoses
successives. Ainsi le chorégraphe continue
de travailler la relation au monde et l’image
poétique. Petit théâtre des affections, figures à
contours humains, deviennent les instruments
d’une narration souvent humoristique.
Un tressage serré de danses et de musiques
compose cette nouvelle pièce menée par un
mouvement fluide, perpétuellement mobile.
Partition précise, quasi incisive, portée par la
qualité gestuelle de sept danseurs dont les
transformations incessantes glissent, avec àpropos, du recueillement à la plaisanterie
gestuelle, de la poésie abstraite aux motifs
folkloriques. Un fond vif et géométrique de
couleurs primaires jaune et rouge éclaire ou
absorbe tour à tour la danse. Sur un sol rouge
complémentaire, Daniel Larrieu, danseur,
déroge à ses propres lois de l’harmonie au
profit des vibrations et palpitations du vivant.
Les corps chantés sous toutes les coutures
invitent au jeu, à la fête. Rumeur de chansonnettes décousues, conte du Petit Poucet, du
jazz à la techno en passant par Fréhel, le chorégraphe fait état de ses convictions envers le
langage de la danse, de la sensualité d’une
écriture sans cesse affinée dans une abstraction colorée d’extravagances discrètes.
Q
textes danse Jean-Marc Adolphe
29
autres danses, autrement, autre part
AU THEATRE DE LA VILLE : COUPOLE OU PLATEAU HORS ABONNEMENT
Certaines démarches, très personnelles et souvent radicales, imposent un nouveau rapport entre artistes
et publics. À cet effet, deux nouveaux lieux seront aménagés : la coupole (salle de répétition) et le plateau du Théâtre de la Ville.
Il serait vain d’essayer de réunir ces artistes sous la même « bannière ». Quelques impressions, en vrac, de
personnes concernées :
« L’idée de "nouvelle génération" est l’invention de quelques critiques paresseux et de responsables culturels inconséquents pour qui la formule est bien pratique ; je parlerais, pour ma part, tout au plus d’affinités
électives, et parfois stimulantes, avec quelques-uns de ces chorégraphes. J’entretiens avec les "générations précédentes" des relations autrement plus complexes et intenses. […] »
Jérôme Bel 1
« […] Une génération de mieux en mieux informée qui trouve des outils pour réinventer et son geste et son
statut. La danse ne se définirait plus à travers une discipline précise, mais davantage comme une topique,
comme un champ de pensée, de pratiques et de recherches. Comme une collectivité, encore minoritaire certes, mais fort capable de prendre en charge ses propres exigences. Se détachant de la philosophie du corps à l’œuvre dans la modernité de la danse (même si elle en conserve, comme l’ont fait les
périodes d’avant-garde, les aspects les plus radicaux), elle est probablement en train d’inventer son
propre au-delà ».
Laurence Louppe 1
« […] Quelle est cette angoisse à vouloir définir ce qui est nouveau ou ce qui ne l’est pas ? Ce qui compte,
c'est qu'un spectacle soit bon. […] »
Gilles Jobin 1
Journal de l’ADC (Association de danse contemporaine de Genève) n° 2, mai-juin 2000.
La Ribot, ph. Pau Ros
Olga Mesa, ph. Isabelle Meister
1
THEATRE DE LA VILLE COUPOLE • TARIF C
e
DU 13 AU 17 FÉV. 21H 2 PROG. CRÉATION
DU 20 AU 24 FÉV. 21H
La Ribot
Olga Mesa
Still distinguished
solos dansés par La Ribot
30
THEATRE DE LA VILLE COUPOLE • TARIF C
Après avoir présenté Mas distinguidas au
Théâtre des Abbesses, La Ribot créera au
Théâtre de la Ville Still distinguished.
L’évolution de ce travail et ses possibilités de
diffusion, ont conduit à en adapter la présentation dans des galeries d’art et des espaces
d’exposition. La Ribot y a puisé le motif d’une
nouvelle variation : il s’agit désormais de s’affranchir de l’espace théâtral et de sa perspective frontale. Dans cet esprit, le cycle Still
distinguished réunit six nouvelles pièces
"acquises" par Victor Ramos, Lols Keldan et
Franko B., la galerie basque Arteleku, Jérôme
Bel, le Théâtre de l’Arsenic à Lausanne,
Matthieu Doze. La présentation de ce dernier
travail exige un espace approprié. Le Théâtre
de la Ville ouvrira pour l’occasion un nouveau
lieu d’une capacité publique nécessairement
limitée. Salle de répétition, la Coupole
deviendra donc dès février 2001 un espace
supplémentaire pour certains spectacles, performances et expériences portées par des artistes qui, à l’instar de La Ribot, manifestent le
net "retour de l’art dans la danse", et inventent
les formes chorégraphiques du présent, dans
le choix assumé d’un rapport délicat entre
œuvre et publics.
(Pour plus de détails sur La Ribot, se reporter
p. 23)
COMPAÑA OLGA MESA
esTO NO eS MI CuerpO
solo dansé par Olga Mesa
Olga Mesa danse sous la loi du cœur, dans le
spectre des émotions. Son langage brut,
parfois austère, est empreint d’une forte
dimension charnelle et terrestre. Lenteur, maladresse, accident, manifestations involontaires, série de tremblements ou déflagrations
de gestes font partie de son vocabulaire qui
envisage le corps dans la terrible beauté de
sa défaite. C’est d’ailleurs l’un des points
communs avec lesquels s’impose une nouvelle génération d’artistes pluridisciplinaires.
Olga Mesa fait partie de la mouvance alternative de la nouvelle danse madrilène. Artiste
performer, elle a travaillé avec Blanca Calvo
et La Ribot dans les années 80 et, depuis
1992, elle crée ses propres spectacles, participant à différents projets avec des musiciens
et des vidéastes. Esto no es mi cuerpo, est un
solo, le premier volet d’une trilogie intitulée
Res non verba, "les choses pas les mots", réalisée en étroite collaboration avec Daniel
Guerrero, scénographe et vidéaste. Au
tableau de Magritte intitulé Ceci n’est pas une
pipe, la chorégraphe répond par une pièce
fondatrice de son travail "Ceci n’est pas mon
corps". Rêverie autobiographique de l’artiste
qui rend hommage au cinéma de Tarkovski.
Vêtue d’une combinaison grise, Olga Mesa
dessine au sol à la craie des formules mathématiques et trace trois mots : début, attente,
fin. Sa peau est tatouée par les noms des
artistes qu’elle admire, dont Pina Bausch.
Entre états de veille exprimés sur le plateau et
comportements durant le sommeil projetés
sur écran, la chorégraphe opère une sorte de
mise à nu des sentiments. Porteurs d’une forte
charge d’érotisme, ses gestes, ses postures
sont crus, reflets d’une solitude en exil de soi,
d’un corps qui ne se reconnaît plus. S’il y a
quelque chose d’un peu archaïque, de sali,
dans ce travail sans concession, c’est
qu’Olga Mesa chorégraphie une suite de lapsus corporels, une sorte de plastique des
impulsions par où l’intime manifeste ses
désordres, ses doutes et ses imperfections,
dévoilant les caprices et les appétits de l’instinct.
Q
THEATRE DE LA VILLE PLATEAU • TARIF C
DU 10 AU 21 AVRIL 21H
Robyn Orlin
titres de ses pièces (notons, au passage : If
you can’t change the world change your curtains) indiquent d’emblée la mordante ironie
d’une œuvre qui ne craint pas la provocation.
Iconoclaste en diable, elle tire son (ir)révérence à tous les styles de danse pour viser audelà des formes convenues, dans un brouillon
diantrement orchestré d’expressions parodiques, caustiques, éclatées ; à rebours de
bien des intégrismes esthétiques. En un maelström d’actions radicalement drôles et virulentes, Daddy, I’ve seen this piece six times
before… est une charge au vitriol contre la
désuétude du ballet classique, contre la prégnance des "jolis clichés" (succulent pervertissement des ballets à la Esther Williams),
contre la "politesse" sous toutes ses formes.
"Pièce pour cinq danseurs et une scène",
cette chorégraphie à la sauce piquante n’hésite pas à réveiller quelques aigreurs d’estomac. Les questions du pouvoir, de l’identité,
de la représentation, de la place du public,
des tensions entre identités raciales et stéréotypes y sont allégrement amorcées, dans un
redoutable patchwork d’atteintes au bon goût,
à la bienséance et à l’ordonnancement, tous
faux-semblants avec lesquels Robyn Orlin
semble avoir définitivement rompu les
amarres.
(J.-M. A.)
CITY THEATER & DANCE GROUP
Daddy, I’ve seen this
piece six times before
and I still don’t know
why they’re hurting
each other…
Papa, j'ai déjà vu cette pièce six fois, et je
ne sais toujours pas pourquoi ils se font mal
5 interprètes
Robyn Orlin, ph. X, D.R.
Robyn Orlin, ph. John Hogg
ICONOCLASME À LA SAUCE PIQUANTE
Précis de liberté, la danse contemporaine est
inséparable de la démocratie. Il va de soi que
l’Afrique du Sud, au temps de l’apartheid,
n’était guère propice aux expressions d’une
modernité ouverte, généreuse, critique. Les
choses ont aujourd’hui heureusement changé,
et Johannesburg, en dépit des tensions parfois vivaces qui y demeurent, s’affirme désormais comme une singulière pépinière de
renouveau artistique et culturel. Les récentes
Rencontres de danse africaine contemporaine
ont permis de découvrir plusieurs compagnies sud-africaines qui semblent promises à
un avenir certain. Parmi ces chorégraphes,
Robyn Orlin est l’une des plus remuantes. Les
Robyn Orlin est drôle avec conviction. Son
humour au style direct est une arme redoutable qui manie l’irrévérence la plus transgressive et pulvérise tout ce qui passe à sa portée.
Et ce qui passe à sa portée n’est pas une
simple affaire. Chorégraphe sud-africaine
blanche, elle est depuis longtemps engagée
dans le difficile processus de démocratisation
des mœurs de son pays tout autant que dans
l’émancipation de son art. On comprend donc
pourquoi son travail problématise l’espace du
côté du politique. Rien que les titres de ses
pièces donnent la mesure de cette radicalité
explosive. De Si vous ne pouvez pas changer
de monde, changez de rideaux, pièce créée
en 1990, à Papa, j’ai vu la pièce six fois avant
et je ne comprends toujours pas pourquoi ils
se battent, l’une de ses plus récentes créations, on voit bien ce que le cours du temps
mobilise chez elle et l’énergie qu’il faut pour
en découdre avec les conventions, l’intolérance, les stéréotypes raciaux, les questions
de pouvoir, d’identité, de territoire. Cette
même énergie réclamée au début de Daddy…
par une sublime et immense beauté noire.
Vêtue de trois robes successives, rouge,
bleue, jaune, elle se contemple lascivement
dans le regard du public, ondule des hanches
31
Robyn Orlin – suite
avec un cygne en porcelaine puis des
bananes sur la tête… Robyn Orlin chorégraphie le réel avec des ingrédients pluridisciplinaires, des objets et des chansons populaires, des références à la comédie musicale.
Son théâtre met en scène les rues de
Johannesburg. Les assiettes en plastique
rouge vif qui recouvrent le sol en un carré bien
aligné – où suffoque une femme blanche
jouant avec de petits canards mécaniques –
sont celles des marchands de légumes de
Soweto. Une danseuse noire en tutu d’une
blancheur immaculée en fait le tour. Courbée
en avant dans un geste traditionnel de
semailles, elle saupoudre le sol de farine
blanche, y laisse l’empreinte de ses pas avant
de se blanchir les jambes. Le chœur des performers, tous vêtus de la même robe à fleurs,
danse une suave mélopée restituant sur
l’écran les figures de Busby Berkeley. Chez
Robyn Orlin la liberté n’est pas une statue
mais un piment aux couleurs éclatantes. Une
puissante réjouissance.
Q
Alain Buffard, ph. Marc Domage/Tutti
Vera Mantero, photos João Tuna
THEATRE DE LA VILLE COUPOLE • TARIF C
DU 17 AU 21 AVRIL 19H30
Vera Mantero
O RUMO DO FUMO
Poesia e selvajaria
pièce pour cinq performers
Les choses du corps qui n’ont jamais été
contrôlées sont pour Vera Mantero un terrain
d’investigations infini, pure cristallisation d’énergie dont elle innerve sa danse faite de
puissante animalité comme de souveraine
défaillance. Pour la chorégraphe, chaque
création est un espace ouvert qui accueille
tous les débordements. L’excès est un élément majeur de sa recherche. Figure importante de la danse contemporaine portugaise,
Vera Mantero a commencé son travail en 1987
et orienté sa démarche sur les voies de l’expérimentation. Les titres de ses pièces donnent
le ton : Une rose de muscles, Peut-être elle
peut danser d’abord et penser après, la Chute
d’un ego, Une danse de l’exister. Chacun de
ses spectacles, dont de nombreux solos, est
un essai au fort impact physique plastique ou
littéraire. Poesia e selvajaria (Poésie et sauvagerie), sa récente création, réagit à l’appauvrissement de l’esprit, à la normalisation des
formes. L’artiste, accompagnée de cinq performers dont l’inénarrable Christian Rizzo,
imagine une scène avec quelques gradins
autour et convie les spectateurs à partager un
moment de radicale démesure. L’espace peu
à peu saturé d’objets domestiques : pinces à
linge, tas de vêtements, ketchup, cacao, machine à laver, gants de caoutchouc, semble
habité d’une joyeuse folie contagieuse. Une
jubilation farouche à jouir de l’instant et des
corps sans limite ni contrainte habite les interprètes dont les jeux s’appuient sur la bêtise et
l’ordinaire, qu’ils malaxent jusqu’à en extirper
humour et cruauté, jusqu’à en revenir à la
beauté. Poesia e selvajaria invente un monde
primitif qui tient de la fête barbare ou du
théâtre façon Artaud. Une sorte de sabbat
entre l’insolence et la grâce, un véritable
éloge du désordre.
Q
32
THEATRE DE LA VILLE COUPOLE • TARIF C
DU 24 AU 28 AVRIL 19H30
Alain Buffard
[PI:ES]
INtime/EXtime
avec
Alain Buffard, Matthieu Doze, Anne Laurent
MORE et encore
avec Alain Buffard, Matthieu Doze,
Xavier Le Roy ou Rachid Ouramdane
« Simplement pouvoir marcher sur un plateau,
voilà pour moi l’état absolu de la danse »,
déclare Alain Buffard1 à propos de son solo
Good Boy créé en 1998. Comme d’autres
artistes chorégraphiques qui remettent aujourd’hui en question une certaine idée de la
danse contemporaine, il cherche d’autres rapports à la présentation du corps : cela passe
parfois par une mise à nu des procédés de
composition. Cela suppose toujours une présence et une attention aux transformations
possibles du corps. Alain Buffard, longtemps
interprète (notamment chez Brigitte Farges et
Daniel Larrieu), ne s’intéresse pas au mouvement au sens habituel du terme. Il préfère
explorer les images du corps, affronter sa
plasticité, questionner son inscription dans les
limites indécises de nos souveraines identifications : il ne faut pas s’étonner si cela peut
l’entraîner du côté du politique et des arts
plastiques. C’est ainsi que son travail, proche
en cela de la performance, le conduit à revisiter les œuvres de quelques artistes qu’il juge
décisives pour son propre parcours. Faut-il
souligner qu’elles sont également représentatives d’engagements radicaux ? Dans
INtime/EXtime et MORE et encore, pièces
créées en 1999, il imagine un dispositif qui
interroge notre façon de regarder en recyclant
des matériaux d’un trio à l’autre. Des images
naissent à partir de ballons de latex, parfois
éclairées par de petites lampes ; les corps
prennent de curieuses proportions aux limites
incertaines. Le plateau devient un réservoir de
mondes étranges. Le corps de Matthieu Doze
est ainsi défiguré et reconfiguré ; ses partenaires en explorent les articulations ou lui
inventent de nouvelles extensions : dans son
collant empli de billes de polystyrène, le danseur ne cesse de devenir méconnaissable.
D’une énumération de verbes dessinant un
corps, à l’identification de certaines de ses
parties les yeux bandés, un parcours s’accomplit qui révèle un goût réel pour la composition et met en jeu nos catégories de la
perception.
Q
1
Vacarme n° 7, janvier 99.
Xavier Le Roy, photos Véronique Dubin
THEATRE DE LA VILLE COUPOLE • TARIF C
DU 22 AU 26 MAI 19H30
Xavier Le Roy
Self-Unfinished
de et par Xavier Le Roy, d'après une
collaboration avec Laurent Goldring
« Si je regarde un vol d’oiseaux, il se peut que
pendant une fraction de seconde je sois affublé de leurs ailes », écrit Stan Brakhage dans
ses propos sur le cinéma. La même chose se
produit devant le travail de Xavier Le Roy.
Entre métaphores et visions, avec pour seul
matériau son propre corps, ce chorégraphe
de l’impensable nous entraîne sur les voies
méconnues d’un corps non identifiable en
perpétuelle transformation. Singulière proposition au charme terriblement enchanteur.
Dans une conférence autobiographique,
pièce intitulée Produit des circonstances,
Xavier Le Roy expose, danse et raconte comment après une thèse de doctorat en biologie
moléculaire, une expérience de danseur entre
autres chez Christian Bourrigault, il choisit, en
1992, de vivre et travailler entre Berlin et la
France. La loi des genres n’est pas son genre.
Chorégraphe, il peut aussi bien participer à la
reconstitution des pièces de Steve Paxton ou
d’Yvonne Rainer avec le Quatuor Albrecht
Knust, qu’organiser différents projets qui
réunissent artistes et théoriciens. La recherche d’un corps en mutation continue,
motive ses gestes. Tel un savant démiurge qui
jongle avec les phénomènes, il en explore les
possibilités. On entre dans Self-Unfinished
comme dans un laboratoire vide ou presque.
Blancheur clinique, néon blanc, une table,
une chaise et lui. Ses gestes, exécutés dans
une certaine lenteur, donnent l’impression que
les membres de son propre corps ne lui
appartiennent plus, qu’ils sont animés d’une
vie propre. En interrogeant les mécanismes
de la perception, Xavier Le Roy crée des
métamorphoses, se transformant en hommeinsecte, en demi-couple dansant, et autres
configurations étranges proches du conte et
des jeux d’enfants. Ces étonnantes figures
issues de l’image corporelle portent en leur
sein une drôle et inquiétante démesure.
Q
33
Paco Dècina, ph. Thierry Fonteneau
THEATRE DE LA VILLE PLATEAU • TARIF C
DU 22 AU 26 MAI 21H
Hervé Robbe
CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL
DU HAVRE HAUTE-NORMANDIE
Polaroïd
solo dansé par Hervé Robbe
Paco Dècina
COMPAGNIE POST-RETROGUARDIA
Lettre au silence
solo dansé par Paco Dècina
Neti-Neti
duo
34
Hervé Robbe, ph. X, D.R.
HERVÉ ROBBE
Architecte dans l’âme, c’est en termes d’espace, de circulation, d’identité qu’Hervé
Robbe disserte sur la fonction de son art et la
relation au public. Dès ses débuts, en 1988, le
chorégraphe se distingue par la maturité
d’une écriture forte et rigoureuse. Et s’il manie
les concepts avec aisance, sa danse sait aussi se faire voluptueuse, procurant simultanément une sensation de puissance d’ancrage
et de débordement. Travaillant souvent sur le
déséquilibre, le corps a son propre espace,
dégagé, libre, ouvert au mouvement perpétuel, aux stimulations de la pensée, attitude
qui conduit le chorégraphe à modifier sans
cesse le processus de création. Après plus de
dix ans d’un itinéraire chorégraphique aux
projets multiples, dont une œuvre magistrale
réalisée en collaboration avec le plasticien
Richard Deacon, Hervé Robbe accède à la
direction du Centre chorégraphique du Havre.
La nouvelle aventure qui commence le
conduit, dans un premier temps, à réinterroger son parcours sous la forme d’un solo.
Créé en 1999, Polaroïd est une sorte d’autoportrait, un instantané du temps, captant une
à une les strates de mémoire qui ont conduit
un fils de famille ouvrière à l’abstraction de la
danse contemporaine. Enquête pudique qui
fait retour sur l’intime, soutenue par des
images réalisées par le vidéaste Aldo Lee.
L’enfance d’Hervé Robbe s’est déroulée à la
périphérie de Lille, dans une barre de HLM
vouée à la disparition que l’on retrouve à l’image. Quant au chorégraphe, il réfléchit sur le
refermement de l’espace sur ces lieux autrefois baptisés citées radieuses, aujourd’hui
souvent synonymes de violence. Au pied des
images rapides, Hervé Robbe interprète ce
cheminement fait d’éclats, de bribes, qu’il
relie pourtant avec une danse au flux infini,
pleine, essentielle, qui se développe par
vagues. Sur le fil du déséquilibre, entre
appuis, torsions, glissements, Hervé Robbe
ouvre son travail à l’intuition. Il en émane un
paysage aride dont la force émotionnelle
guide les gestes. L’écriture particulière du
solo, nourri de cette confrontation à l’expérience du réel, devient alors une déambulation
sensible dont l’écriture abstraite cisèle les
confidences.
Q
PACO DÈCINA
S’il faut une certitude intérieure pour exister, il
semble bien que Paco Dècina ait placé la
sienne dans la danse. Danseur de l’immobile,
comme on a pu dire justement de lui, le chorégraphe réfléchit sa danse du côté du
recueillement. Elle est un travail du passage
qui, étape après étape, demande à s’extraire
de la rumeur du monde pour faire son nid
dans le silence, s’abandonner à l’espace.
Affinant sa gestuelle – faite de poses, de postures, de figures – qui revisitait avec autant
d’aisance les mosaïques byzantines ou les
peintres de la Renaissance italienne, Paco
Dècina s’est peu à peu dirigé vers l’abstraction. Les corps subtils qui intéressent le chorégraphe impriment désormais à son travail
des effets de vibrations, de transparence et
composent avec une gestuelle qui tient de la
calligraphie. Depuis la méditation poétique
sur la mort que certains ont pu voir au Théâtre
de la Ville dans Ciro Esposito fu Vincenzo,
pièce créée en 1993, son travail a subi plus
d’une transformation. Avec une danse pleine,
charnelle, fluide, le chorégraphe atteint une
simplicité qui tient de l’épure. C’est la première chose qui touche les sens dans Lettre
au silence et Neti-Neti, un solo suivi d’un duo,
dénudés de tout apparat, à l’écoute du seul
mouvement. Dans le premier, Paco Dècina
relit à sa façon les œuvres d’un plasticien italien, Raffaele Biolchini, des lettres qui se présentent sous la forme de tablettes de terre
cuite où l’artiste à gravé des signes abstraits.
Debout dans un rai de lumière, le chorégraphe avance lentement. Comme s’il parlait
à l’invisible, ses bras dessinent des arcs, son
corps devient une courbe où les gestes s’étirent, enroulant leurs motifs. Une suite d'hiéroglyphes secrets en découle. Dans le texte
muet de cette écriture composée de traces où
se mêlent mémoire et imaginaire, Paco Dècina
entretient un mystérieux dialogue avec le
monde sensible. Qualités que le chorégraphe
reconduit dans son duo Neti-Neti dont le titre
est emprunté à un dialecte de l’Inde. Le terme
signifie "ni ceci ni cela". La sagesse qu’il
contient, liée au détachement, est inscrite au
cœur du processus de travail et oriente l’écriture de la pièce. Là, deux interprètes, Valeria
Apicella et Paolo Rudelli, se livrent avec talent
au périlleux exercice d’un mouvement lent et
continu qui sans cesse se déplie, se délie,
multipliant les courbes et les entrelacs.
Précieux sans esthétisme, résolument libre
dans la forme, ce chant des corps vers le
silence se déroule sur fond noir nappé de
lumière. À la recherche d’un espace neutre où
se dénouent les tensions, les oppositions,
Paco Dècina réalise une architecture des
corps dont la qualité pacifie sacrément les
cœurs.
Q
danse : partenaires au 10 mai
JAN LAUWERS DJAMESDJOYCEDEAD
Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – South Bank Center,
Londres – Tanztheater International/Expo 2000, Hanovre –
Bruxelles/Brussels 2000 & Kaaitheater, Bruxelles – Festival de
Flandres Bruxelles-Europe (International) – Kunstencentrum
Vooruit, Gand – Octobre en Normandie – Festival d’automne, Paris – Rotterdamse Schouwburg, Rotterdam.
Needcompany bénéficie de l’aide du ministère de la
Communauté flamande et de la Loterie nationale.
FRANÇOIS VERRET CRÉATION
Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – La Compagnie FV
– Théâtre national de Bretagne, Rennes – Espace des Arts,
Chalon-sur-Saône – Polyphon.
JAN FABRE AS LONG AS THE WORLD NEEDS A WARRIOR’S SOUL
Production Troubleyn, Anvers ; coproduction Théâtre de la
Ville, Paris – deSingel, Anvers – Festival Montpellier Danse
2000 – Expo 2000, Hanovre ; avec la collaboration du
Festival Bogota 2000. Jan Fabre/Troubleyn est en résidence
au Théâtre deSingel et est ambassadeur culturel des
Flandres, avec le soutien de la Communauté flamande.
WIM VANDEKEYBUS IN AS MUCH AS LIFE IS BORROWED…
Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – deSingel, Anvers –
Festival de Flandres Bruxelles – Festival de Marseille – Teatro
comunale di Ferrara, Italie. La compagnie Ultima Vez reçoit
l’appui de la Communauté flamande – administration de
la Culture, et de la Loterie nationale ; elle est soutenue
structurellement par le Festival de Flandres Bruxelles et est
"compagnie de danse d’honneur" au Teatro comunale di
Ferrara.
WIM VANDEKEYBUS CRÉATION
Production Ultima Vez ; coproduction Théâtre de la Ville,
Paris – Teatro comunale di Ferrara, Italie – Festival de
Flandres Bruxelles
EDOUARD LOCK/LA LA LA HUMAN STEPS SALT
coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Saitama Arts
Theater, Saitama (Japon) – Centre national des Arts,
Ottawa (Canada) – Het Muziektheater, Amsterdam –
deSingel, Anvers – Theater der Stadt, Remscheid (Allemagne) – Association Léonard de Vinci-Opéra de Rouen ;
avec le soutien de l’Internationale Tanzwochen Wien,
Vienne (Autriche) et de la Fondation Daniel Langlois,
Montréal
BERNARDO MONTET DISSECTION D’UN HOMME ARMÉ
Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Association
Mawguerite – Le Quartz, CNDC de Brest – Montpellier
Danse 2000. Avec l’aide du Théâtre national de Bretagne
L’Association Mawguerite est financée par la DRAC
Bretagne, ministère de la Culture et de la Communication ;
le conseil régional de Bretagne ; le conseil général du
Finistère ; Le Quartz.
SANKAI JUKU HIBIKI
Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – université d’Iowa,
Hancher Auditorium – Biwako Hall Center for performing
Arts, Shiga (Japon) – Sankai Juku, Tokyo. Avec la collaboration du CNDC d’Angers-l’Esquisse. Avec le soutien de
Mtsubishi Motors et Shiseido
SANKAI JUKU CRÉATION
coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Biwako Hall Center
for performing Arts, Shiga (Japon) – Sankai Juku, Tokyo.
Avec la collaboration du CNDC d’Angers-l’Esquisse. Avec
le soutien de Shiseido et du Tokyo Metropolitan for History
and Culture
JÉRÔME BEL THE SHOW MUST GO ON
Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Gasthuis,
Amsterdam – Centre chorégraphique national Montpellier
Languedoc-Roussillon – Arteleku, San Sebastian – R.B., Paris
JÉRÔME BEL LE DERNIER SPECTACLE
Coproduction Centre culturel de Belem, Lisbonne –
Kaaitheater, Bruxelles – R.B., Paris. Avec le soutien du CNDC
d’Angers-l’Esquisse ; de la Ferme du Buisson, Marne-laVallée ; de la Ménagerie de Verre, Paris ; de l’Internationale
Tanzwochen,Vienne. Ce projet a reçu l’aide de la DRAC Île
de France, ministère de la Culture et de la Communication.
RUI HORTA BLINDSPOT
Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – MCB/Maison de la
Culture de Bourges, scène nationale – Mufathalle, Munich –
Conseil culturel de la Ville de Munich – Tafelhalle, Nürnberg
– Bayerischer Tanzverband für Zeitgenösslscher Tanz
MATHILDE MONNIER SIGNÉ
Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Centre chorégraphique national Montpellier Languedoc-Roussillon – Festival
de Danse contemporaine – "tanz2000.at". ReMembering
the body. Coopération Wiener Festwochen et Im Puls-Tanz
SASHA WALTZ NA ZEMLJE
Production Sasha Waltz & Guests. Avec l’aide de l’École
d’art dramatique de Moscou et de la Sophiensæle de
Berlin. Coproduction Aarhus Festival – Düsseldorfer Schauspielhaus – Internationales Sommertheater – Festival de
Hambourg – Schauburg München – Welt in Basel 1999 –
Instituts Goethe de Moscou et de Munich. Avec le
concours du département culturel de la Ville de Moscou et
du département de la Science, de la Recherche et de la
Culture du Sénat de Berlin. Avec l’aide de la Fondation de
charité Stanislavski, de l’entreprise Wella et de la
Schaubühne am Lehniner Platz
SASHA WALTZ ZWEILAND
Production Sasha Waltz & Guests/Sophiensæle de Berlin.
Coproduction Berliner Festspiele GmbH – Grand Théâtre
de Groningen, Pays-Bas – Schauburg München – Staats-
schauspiel Dresden. Avec le concours du département de
la Science, de la Recherche et de la Culture du Sénat de
Berlin.
EA SOLA REQUIEM
Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Tanztheater International/Expo 2000, Hanovre – Grand Théâtre de
Groningen, Pays-Bas – Hebbeltheater, Berlin.
LA RIBOT MAS DISTINGUIDAS
Production La Ribot. Avec le soutien de l’INAEM, ministère
de la Culture d’Espagne ; de l’Institut Cervantes (Paris).
Avec la collaboration de ICA ; Live Arts (Londres) ; Danças
Na Cidade (Lisbonne).
LA RIBOT STILL DISTINGUISHED
Production Théâtre de la Ville, Paris. Avec le soutien de
London Arts Board (Londres), Dance4, Body Space Image,
Future Factory (Nottingham), de l’Institut Cervantes (Paris).
GILLES JOBIN BRAINDANCE
coproduction Théâtre de l’Arsenic, Lausanne – Zuercher
Theater Spektakel, Zurich – Maison des Arts, Thonon-Évian –
Festival des Arts vivants, Nyon. Avec le soutien de l’ambassade suisse de Londres ; le Canton de Vaud ; SSA ; la Ville de
Lausanne ; Pro Helvetia (The Arts Council of Switzerland) ; la
Loterie romande ; la Fondation Nestlé pour l’Art et la
Fondation Stanley Thomas Johnson.
GILLES JOBIN THE MOEBIUS TRIP
Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Théâtre de
l’Arsenic, Lausanne – Zuercher Theater Spektakel, Zurich.
LYNDA GAUDREAU DOCUMENT 1
Coproduction Festival international de Nouvelle Danse,
Montréal – Centre national des Arts, Ottawa – Compagnie
De Brune, Montréal. Partenaires du projet Théâtre de la
Ville, Longueuil (Québec) – Centre chorégraphique national de Tours.
LYNDA GAUDREAU STILL LIFE N° 1
Coproduction Festival Klapstuk 97, Louvain – Compagnie
De Brune, Montréal.
SIDI LARBI CHERKAOUI RIEN DE RIEN
coproduction Théâtre de la Ville, Paris – e.a. Centre d’Arts
Vooruit, Gand – Le Botanique, Bruxelles – Rotterdamse
Schouwburg. Les Ballets C. de la B. sont ambassadeur culturel de Flandres.
SAMUEL LOUWYCK OCTOBER 13TH
Production Maison de la Culture de Bourges. Coproduction
Théâtre de la Ville, Paris – Comédie de Caen, centre dramatique national de Normandie – Cultuur Centrum, Bruges
– Tanzhaus, Düsseldorf. Avec le soutien de l’Institut français
de Marrakech.
CHRISTOPHE HALEB IDYLLIQUE
Coproduction CNDC de Chateauvallon – Ballet Preljocaj,
centre chorégraphique national de Provence-Alpes-Côte
d’Azur. La compagnie est subventionnée par la DRAC Île
de France, ministère de la Culture au titre de l’aide aux
compagnies.
SALIA SANOU TAAGALA LE VOYAGEUR
Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Montpellier Danse
2000 – Maison des Arts de Créteil – Centre chorégraphique
national Montpellier Languedoc-Roussillon – Festval de
Marseille 2000 – Afrique en créations – ministère de la
Communication et de la Culture du Burkina Faso – centre
culturel Georges Méliès, Ouagadougou – compagnie Salia
nï Seydou. Avec le concours du 651 Arts Black Dance :
Tradition and Transformation program ; du Doris Duke
Charitable Foundation. Avec le soutien des services français de la Coopération ; du Zaka, espace culturel
OLGA MESA ESTO NO ES MI CUERPO
Coproduction INAEM, ministère de la Culture – Compagnie
Olga Mesa. Avec la collaboration de La Caldera,
Barcelone ; Estudio 3, Madrid ; La Ribot, Madrid.
ROBYN ORLIN DADDY, I'VE SEEN THIS PIECE…
Coproduction fnb Vita Dance Umbrella, Johannesbourg –
Keith Kirstens – Basa – Institut français de Johannesbourg.
VERA MANTERO POESIA E SELVAJARIA
Coproduction Institut portugais des Arts et Spectacles –
centre culturel de Belem, Lisbonne – Merguhlo no
Futuro/Expo 98 – EIRA. EIRA est subventionnée par le ministère de la Culture.
ALAIN BUFFARD INTIME/EXTIME – MORE ET ENCORE
Coproduction Daniel Larrieu, centre chorégraphique
national de Tours – Centre national de la Danse, Paris.
XAVIER LE ROY SELF/UNFINISHED
Production In situ productions – Le Kwatt. Coproduction
Substanz-Cottbus – TIF Staatsschauspiel Dresden – Fonds
Darstellende Künste e.v. aus Mitteln des Bundesministeriums
des Innern. Avec le soutien de TanzWerkstatt, Berlin ; de
Podewil, Berlin ; du Département de la science, de la
recherche et de la culture du Sénat de Berlin.
PACO DÈCINA LETTRE AU SILENCE
Coproduction Tir Danza – Compagnie Post-Retroguardia –
Forum culturel du Blanc-Mesnil – Festival de Pavullo.
PACO DÈCINA NETI-NETI
Coproduction Centre chorégraphique national de Rennes
et de Bretagne – Forum culturel du Blanc-Mesnil –
Compagnie Post-Retroguardia/Paco Dècina.
35
musique
AU THEATRE DE LA VILLE
AUX ABBESSES
SAM. 14 OCT. 17H
SAM. 21 OCT. 17H
PIOTR ANDERSZEWSKI
piano
MARC COPPEY
violoncelle
BACH - SZYMANOWSKI - BEETHOVEN
BACH - KURTÁG - KRAWCZYK
SAM. 11 NOV. 17H
SAM. 25 NOV. 17H
FABIO BIONDI
EUROPA GALANTE
JUAN MANUEL QUINTANA
CÉLINE FRISCH clavecin
AMANDINE BEYER violon baroque
SAMMARTINI - LOCATELLI - VIVALDI - NARDINI
viole de gambe
MARAIS - COUPERIN - RAMEAU
SAM. 18 NOV. 17H
QUATUOR TAKÁCS
ALEKSANDAR MADZAR
SAM. 2 DÉC. 17H
piano
MOZART - SCHUMANN
ARTHUR
piano-forte
SCHOONDERWOERD
BACH - C.P.E. BACH - MOZART - HAYDN - BEETHOVEN
JEU. 7 DÉC. 20H30
GIDON KREMER violon
OLEG MAISENBERG piano
SCHUBERT - DVORÁK - ENESCO - RAVEL
SAM. 13 ET DIM. 14 JAN. 17H
ANDREAS SCHOLL contre-ténor
EDIN KARAMAZOV luth
A Musicall Banquet
SAM. 20 JAN. 17H
NELSON FREIRE
SAM. 3 MARS 17H
SAM. 27 JAN. 17H
ST. LAWRENCE
STRING QUARTET
piano
MENDELSSOHN - DEBUSSY - PROKOFIEV
ALEXANDRE THARAUD
HAYDN - JANÁCEK - SCHUMANN
piano
RAMEAU - SCHUBERT - WEBERN - DUKAS
SAM. 3 FÉV. 17H
CHRISTIAN TETZLAFF
LARS VOGT piano
violon
BRAHMS - WEBERN - SCHÖNBERG
SAM. 10 MARS 17H
GRAF MOURJA violon
BRUNO CANINO piano
DEBUSSY - PROKOFIEV - BARTÓK
SAM. 31 MARS 17H
MUSICA ANTIQUA KÖLN
REINHARD GOEBEL
MUSSI - GABRIELI - FONTANA - ROSSI - LEGRENZI TORELLI - VIVALDI - CALDARA - MOSSI
DIM. 1er AVRIL 20H30
KRONOS QUARTET
P. Q PHAN - HELMUT OERING - MICHAEL GORDON
SAM. 28 AVRIL 17H
CANTUS CÖLLN
KONRAD JUNGHÄNEL
ROSENMÜLLER - BUXTEHUDE - KUHNAU - BACH
SAM. 12 MAI 17H
ANDREAS STAIER piano
ALEKSANDAR MADZAR
piano
BACH/KURTÁG - MOZART - BRAHMS - DEBUSSY
SAM. 24 MARS 17H
ANDREW MANZE violon baroque
RICHAR EGARR clavecin
BACH - PANDOLFI
ph. Thierry Martinot
ph. Andrzej Swietlik
MUSIQUE AU THEATRE DE LA VILLE • TARIF D
SAM. 14 OCT. 17H
PIOTR ANDERSZEWSKI piano
BACH : Partita n° 6, en mi mineur, BWV 830
SZYMANOWSKI :
Deux Mazurkas op. 62, Sonate n° 3
BEETHOVEN : Six Bagatelles op. 126
RETENEZ CE NOM !
Ce conseil qui faisait le titre d’un article que Le
Monde de la Musique consacrait au jeune pianiste, il y a quelques mois, le Théâtre de la
Ville le donne depuis 1996. Le public pouvait
y admirer encore, en novembre 1999, sa lumineuse simplicité face à l’exubérance brillante
du jeune Russe Alexander Melnikov. Un imaginaire doublement puissant, hongrois par sa
mère, polonais par son père brûle Piotr
Anderszewski. À l’œuvre dans son nouveau
récital, il attise une fois de plus son obsession
de la pureté.
Bach, son « projet pour la vie avec Mozart »,
la comble, bien sûr. Piotr Anderszewski y est
d’emblée chez lui. La céleste Partita n°6 le
livre « aux choix infinis à faire dans cette
musique qui, d’un côté, implique rigueur et
logique, et de l’autre, liberté et improvisation ». À l’inverse des partitions de Karol
Szymanowski où « l’imprévisibilité surgit d’une
surabondance de paramètres ». Piotr Anderszewski « a longtemps rejeté la musique du
maître polonais mort en 1937, mais, voulant
savoir pourquoi, il a décidé, il y a quelques
années, d’y faire face. Après plusieurs mois
de cauchemars, ce fut une révélation ». Les
deux Mazurkas, un peu sur le chemin de
Bartók, sentent bon les montagnes des Tatras
au sud de la Pologne. Mais, « après les
sombres harmonies et le contrepoint, strict et
démesuré à la fois de la Sonate n° 3, il a
besoin, dit-il, des Six Bagatelles – ce que
Beethoven a écrit de plus parfait et de plus
pur pour le piano ». Ce perfectionniste a vraiment la nostalgie du diamant.
SAM. 11 NOV. 17H
FABIO BIONDI violon baroque
EUROPA GALANTE
l'Italia galante
G.-B. SAMMARTINI :
Sinfonia en sol majeur
LOCATELLI : Sinfonia Funebre, Concerto
grosso en ré majeur, op. 1 n° 3
VIVALDI : Concerto pour cordes, en sol
mineur, RV 157
NARDINI :
Concerto pour violon op. 1 n°1
LA STAR ITALIENNE DU VIOLON BAROQUE
Fabio Biondi vient pour la dixième fois au
Théâtre de la Ville et pour la quatrième avec
son ensemble Europa Galante. Toujours hors
des sentiers battus, il éclaire cette fois le XVIIIe
siècle musical de son pays : avec Giovanni
Battista Sammartini, père milanais de la symphonie classique italienne, puis avec Locatelli.
Si les concerti grossi de l’opus 1 du grand disciple de Corelli furent et sont encore un cheval
de bataille, sa très mystérieuse Sinfonia
Funebre n’est jamais jouée. « La copie faite au
XXe siècle est-elle le miroir de l’original détruit
par un bombardement pendant la Deuxième
Guerre mondiale ? Le fin compositeur y
pleure-t-il la femme qu’il perdit à Rome ? Peu
importe ! Cette œuvre que je jouerai pour la
première fois en France est si dramatique, si
belle ! » Autre découverte : Nardini, « un des 7
ou 8 génies italiens du violon. Selon Leopold
Mozart, il jouait les adagios de façon extraordinaire. Ce musicien polyvalent, curieusement
oublié des baroqueux – parce que trop difficile techniquement ? –, est pourtant essentiel
car il fit évoluer le langage musical de son
époque en créant le style galant classique ».
Et, si une saison musicale du Théâtre de la
Ville ne se conçoit pas sans Fabio Biondi, un
programme de cet artiste ne se conçoit pas
sans Vivaldi : « C’est un tel porte-bonheur ! Le
public de Paris va découvrir son Concerto en
sol mineur, pas comme les autres. Le dernier
mouvement, très difficile pour les violons, est
démoniaque pour la basse… » De quoi diaboliser le violoniste.
SAM. 18 NOV. 17H
QUATUOR TAKÁCS
ALEKSANDAR MADZAR piano
MOZART : Quatuor en ré majeur, K 575
SCHUMANN : Quintette pour piano et
cordes, en mi bémol majeur, op. 24
UNE PREMIÈRE RENCONTRE,
AU SOMMET DE LA MUSIQUE
La lumineuse intégrale des quatuors de
Beethoven de la précédente saison a prouvé,
s’il le fallait encore, que le Quatuor Takács,
fétiche du Théâtre de la Ville, est l’un des plus
grands : intelligence et profondeur de la
conception, fusion de quatre sonorités admirables en une seule, infiniment riche, homogène, ferveur de l’interprétation, perfection
technique. Ces qualités, les deux Anglais et
les deux Hongrois de la formation les mettent
au service des compositeurs qu’ils savent si
bien questionner. Nul doute que Mozart leur
confie le secret de son K 575, l’un de ses trois
derniers quatuors, appelés prussiens, dont la
grâce transcende l’extrême détresse dans
laquelle il a été écrit. Nul doute que Schumann
trouve en eux comme en Aleksandar Madzar,
la passion, la puissance et la jubilation
37
– suite
Quatuor Takács, ph. Th. Martinot
Aleksandar Madzar, ph. Sasha Gusov
qu’exige son Quintette op 44, véritable charte
du romantisme. L’élégant pianiste, qui vient
pour la cinquième fois au Théâtre de la Ville,
ne cesse de partir à la conquête du grand
compositeur allemand. Son tempérament est
d’eau. La source jaillie en haut de la montagne
aspire aux flots d’océan, aux puissants courants sombres ou éclaboussés de soleil, aux
gazouillis de vague du premier grand chefd'œuvre pour piano et cordes. Pianiste et quatuor de toutes les émotions à marée haute.
Gidon Kremer, ph. Klaus Rudolph
Quatuor Takács
JEU. 7 DÉC. 20H30
SAM. 20 JAN. 17H
GIDON KREMER violon
OLEG MAISENBERG piano
NELSON FREIRE
SCHUBERT : Sonatine pour violon et piano,
en sol mineur, op. 137 n° 3, D 408
DVORÁK : 4 Pièces romantiques
pour violon et piano, op. 75
ENESCO : Impressions d’enfance, op. 28
RAVEL : Sonate pour violon et piano
JOYEUX ANNIVERSAIRE !
Cela fera 20 ans à un jour près que le grand
Gidon Kremer donnait ses premiers récitals à
Paris. C’était au Théâtre de la Ville, du mardi 2
au samedi 6 décembre 1980 avec, au piano,
sa première femme, Elena. Depuis, il est revenu dans cette salle à six reprises pour y offrir
de surprenants mini-Lockenhaus. Comme
celui consacré entièrement à Vincent Lourié
en 1989, ou à Gubaidulina et à Astor Piazzolla
en 1996. À 53 ans, Kremer est toujours aussi
passionné, anticonformiste et surtout libre. Né
à Riga en Lettonie, s’identifiant totalement aux
pays baltes, il y a fondé en 1997 la Kremerata
Baltica, un nouvel orchestre auquel il se
dévoue. Sa conception de la musique naît
d’une viscérale indépendance : « N’être qu’un
costume trois pièces dans le système bien
propre d’une entreprise bien propre qu’on
appellerait musique, ne m’enthousiasme pas
du tout* ». Il en découle un jeu hors du
commun : « J’improvise de temps en temps
des phrasés, des coups d’archet ou des positions de la main gauche mais c’est à cela que
doit servir la maîtrise de la technique* ». Les
prises de risques de son génial partenaire,
Oleg Maisenberg va les partager dans l’intime
fondu enchaîné de leur nouveau programme :
tendres demi-teintes de la Sonatine de
Schubert, lyrisme absolu des quatre Pièces
romantiques de Dvorák, sortilèges envoûtants
des Impressions d’enfance d’Enesco qui, violoniste virtuose lui aussi, créa, avec le compositeur au piano, en 1927, la Sonate de Ravel
qui scelle le concert de son éloquence
dépouillée.
38
* Répertoire, avril 2000.
piano
MENDELSSOHN :
Variations sérieuses, en ré mineur, op. 54
DEBUSSY :
Étude Pour arpèges composés
2 Images pour piano :
Hommage à Rameau, Poissons d’or
PROKOFIEV : Sonate n° 6, op. 82
LA MUSIQUE ET ELLE SEULE
Privilégiant l’être au paraître, Nelson Freire, a
très vite abandonné la carrière de star qu’il
avait commencée dès l’âge de 15 ans. C’est
l’un des plus grands pianistes d’aujourd’hui…
« Il a l’élégance de ne rien donner en spectacle mais d’offrir avec une pudeur généreuse
la musique et elle seule ». Ainsi Marie-Aude
Roux saluait-elle, dans Le Monde du 13
octobre 1998, son premier concert au Théâtre
de la Ville. Le nouveau récital, puissant, de
"Nelshino", le dieu vivant de son Brésil natal, si
rarement en Europe, est un événement.
Mendelssohn dit s'être « divinement amusé »
en écrivant, en 1841, ses Variations sérieuses.
Le charme étrange et fantasque de ce chefd’œuvre pour piano romantique, mène à la
lumière de l’avant-dernière des 12 études de
Debussy, Pour arpèges composés. En 1915,
trois ans avant sa mort, le grand compositeur
français y donne la quintessence de son
art. Le goût parfait et l’élégance stricte de
l’absolue beauté qu’honore son Hommage à
Rameau, en sont indissociables. Pour suivre
les périlleux ébats des Poissons d’or, il faut
aussi avoir la virtuosité éblouissante de
Nelson Freire. Au tragique funèbre de la
Sonate n° 2 de Chopin, composée en 1839, le
puissant pianiste a fini par préférer un autre
regard sur la mort. Celui de Prokofiev qui écrit,
ou plutôt crie comme Munch, à la veille de la
seconde déflagration mondiale, la deuxième
de ses "trois sonates de guerre". Barbare.
Nelson Freire, ph. Th. Martinot
Alexandre Tharaud, ph. Th. Martinot
Christian Tetzlaff, ph. Th. Martinot
Oleg Maisenberg, ph. Th. Martinot
SAM. 27 JAN. 17H
ALEXANDRE THARAUD
SAM. 3 FÉV. 17H
piano
RAMEAU : Extraits des Nouvelles Suites de
Pièces de Clavecin, en la (1728)
SCHUBERT : Sonate pour piano en la
majeur, op. posth. 12, D 664
WEBERN : Variations pour piano, op. 27
DUKAS : L’Apprenti sorcier, scherzo symphonique (transcription pour piano
d’Alexandre Tharaud)
UNE INSOLENTE AUDACE
« Qui oserait de tels programmes ? Qui en
aurait la domination intellectuelle, la compréhension profonde et simultanée ? ». Cette
phrase d’André Tubeuf qui accompagne les
inédits de Marcelle Meyer, la grande artiste
française de l’entre-deux-guerres, s’applique
totalement à Alexandre Tharaud. Il se sent
d’ailleurs l’un de ses petits-fils. Comme elle, il
adore jouer Rameau et propose 5 des 16
pièces des Nouvelles Suites, sommet de la
musique pour clavecin du grand compositeur
baroque français. « Cet univers ancre les
choses et prépare très bien Schubert », dit
celui qui vient d’y consacrer un album. « Élégante, joyeuse, la Sonate D 664, vraiment
viennoise dans son troisième mouvement,
annonce l’opus 27 de l’Autrichien Webern.
Ces Variations très profondes, très noires,
sont un concert en soi malgré leur brièveté. Et
dans leur dodécaphonisme, il y quelque
chose du mystère de Dukas et de son
Apprenti sorcier ». Fasciné par ce scherzo
orchestral maléfique, Alexandre Tharaud l’a
transcrit pour avoir le plaisir de le jouer. À
l'époque où il s’amusait follement avec son
piano, composait, faisait l’école buissonnière.
Tellement, qu’il a décidé, depuis trois ans, de
vivre sans. Pour nous distiller un bonheur
comparable à celui dont son intégrale
Poulenc inonda le Théâtre de la Ville en 1999,
il ira « se jeter sur le piano de l’un des quatre
amis chez qui il va désormais travailler, beaucoup plus vite, d’une manière beaucoup plus
concentrée ». Et toujours aussi brillante.
CHRISTIAN TETZLAFF
LARS VOGT piano
violon
BRAHMS :
Intégrale des 3 sonates pour violon et piano
n° 1, en sol majeur, op. 78, "Regensonate"
n° 2, en la majeur, op. 100, "Thun"
n° 3, en ré mineur, op. 108
WEBERN : 4 Pièces pour violon et piano, op. 7
SCHÖNBERG :
Phantasie pour violon et piano, op. 47
UN VIOLONISTE RARE
« Dès les premières notes, une certitude : la
pureté a rendez-vous avec l’élégance », écrivait Marie-Aude Roux dans Le Monde après
l’intégrale des sonates et partitas de Bach par
le jeune Allemand au Théâtre des Abbesses
en 98. Retour de cet artiste, transparent à la
musique, dans la grande salle cette fois, avec
un autre programme à couper le souffle. Deux
subtiles passerelles du XXe siècle directement
connectées à Brahms, le génie allemand du
XIXe, relient en effet les trois sonates – trois
chefs-d’œuvre – de son grandiose triptyque
pour violon et piano. « C’est chaque fois fini
avant de commencer » s’était écrié le père de
Webern après avoir entendu l’opus 7 (1910)
de son fils. Les 4 miniatures de celui qui fut
l’élève de Schönberg durent 5 minutes, en
effet ! Quelle richesse l’interprète doit-il avoir
pour nourrir une concision allant jusqu’au
kaum hörbar, l’"à peine audible" de la troisième pièce ! Mais le silence n’est-il pas le
fondement de la musique ? La pensée de
Brahms habite l’œuvre de Schönberg, directement issu de la tradition germanique et obsédé parce qu’il appelait « le démon de la justification historique ». Sa Phantasie opus 47 fut
d’abord écrite (en 1949) pour violon seul. Elle
requiert une virtuosité et une pensée d’acier.
Tetzlaff a les deux. Son partenaire, Lars Vogt,
jeune Allemand de 30 ans, aussi. Dialogue
assuré entre Brahms et les deux Viennois.
39
SAM. 31 MARS 17H
MUSICA ANTIQUA KÖLN
REINHARD GOEBEL
La Cremona
Kronos Quartet, ph. Caroline Greyshock
Bruno Canino, ph. X, D.R.
Graf Mourja, ph. Vincent Pancol
Musique italienne pour violon (1600 -1720)
MUSSI - GABRIELI - FONTANA - ROSSI LEGRENZI - TORELLI - VIVALDI - CALDARA MOSSI
SAM. 10 MARS 17H
GRAF MOURJA violon
BRUNO CANINO piano
DEBUSSY : Sonate pour violon et piano,
en sol mineur
PROKOFIEV : Sonate n° 2 pour violon
et piano, en ré majeur, op. 94a
BARTÓK : Sonate n° 1 pour violon et piano
40
LA FORCE DE L’INTUITION
La flamme, l’inspiration du jeune violoniste
ukrainien ont subjugué le public du Théâtre de
la Ville depuis sa première apparition dans le
"Place aux jeunes !" de 1996. Son instinct
musical exceptionnel, son père le développa
dès l’âge de 3 ans, en lui apprenant le violon.
De nombreuses années de travail à Moscou
avec le grand professeur Irina Botckova l’ont
étayé d’une technique époustouflante. Sans
ces qualités, innées et acquises, il n’aurait
jamais pu songer au puissant programme,
ancré dans le XXe siècle, qu’il propose. Graf
Mourja a toujours possédé les clés de la
musique française. C’est lui qu’Alexandre
Tharaud a choisi pour son intégrale Poulenc,
sur scène comme au disque. Les accents
pathétiques dont Debussy, un an avant sa
mort, en 1917, déchire discrètement l’humour
et la gaieté apparente de sa Sonate, sont
naturellement les siens. Comme l’irrésistible
élan qui sous-tend le classicisme de la Sonate
n°2 de son compatriote Prokofiev, initialement
écrite pour flûte en 1942 puis transcrite pour
violon à la demande d’Oistrakh. Mais c’est
peut-être dans l’audace inégalée, âpre et sauvage de la Première Sonate de Bartók (1921)
qu’il donnera la mesure de son talent. Celui,
très grand, de Bruno Canino, partenaire
renommé des plus grands musiciens,
Accardo, Mullova, Perlmann…, en est le plus
beau des écrins.
UN STYLE NOUVEAU
Le violoniste Reinhard Goebel et son
ensemble baroque ont enflammé le public du
Théâtre de la Ville où ils donnaient leur premier concert, "per l’Orchestra di Dresda", en
mars dernier. Séduction des œuvres qu’ils ont
bien raison de ressusciter, maîtrise de la technique, entente idéale. Et la vie, toujours la vie.
Qui peut résister au charisme de Reinhard
Goebel ? L’accident qui handicapa sa main
droite ne l’a pas brisé. Il a tout simplement
réappris à jouer du violon de la main gauche.
Aussi bien que de la main droite. Et comme
beaucoup d’organisateurs de concerts en
doutaient, il a tout simplement repassé et
gagné tous les concours qui prouvent sa nouvelle excellence. Les répétitions de l’ensemble sont à l’image de ce chef : explosives.
Tour à tour, les musiciens vont dans la salle
écouter les autres, puis font leurs commentaires, leurs critiques. Cela discute, frictionne
et rit. Beaucoup. Le résultat en représentation
est cette connivence de tous les instants, ce
synchronisme parfait, cette vitalité revigorante. Le prochain concert plébiscité conduit
à Crémone, la ville mythique des luthiers et
des violonistes. Reinhard Goebel y raconte
« le combat que le violon, ce mal aimé, dut
mener dans le quartier le plus malfamé de
Venise, vers 1600, contre le clan des violes de
gambe aux épaules lourdes et tombantes »,
pour devenir le héros de partitions à 3 ou 4
voix. D’un style nouveau, divin, "la Cremona".
DIM. 1er AVRIL 20H30
KRONOS QUARTET
P.Q PHAN - HELMUT OERING MICHAEL GORDON (programme en cours)
UNE BELLE HISTOIRE D’AMOUR
Depuis 1992, Kronos Quartet et le Théâtre de
la Ville s’aiment. Ils ont en commun une fidélité à leur mission – celle du quatuor a 27 ans,
celle du théâtre 32 –, un éclectisme réjouissant, le goût des métissages et un ancrage
obstiné dans le présent. Ce qui n’empêche
pas le quatuor, que son nom grec relie à des
temps vraiment anciens, de revisiter parfois
Guillaume de Machaut, Hildegarde von
Bingen… Terry Riley lui-même, grand ami des
quatre musiciens, s’inspire de Pérotin et de
l’École de Notre-Dame dans l’émouvant
Requiem pour Adam donné en l’an 2000. Le
présent demeure cependant leur priorité. À
l’écoute des événements qui le tissent ou le
déchirent comme cette guerre du Vietnam,
matrice du Black Angels de Crumb, à l’origine
de la vocation du quatuor, Kronos vibre aux
résonances entre Nord et Sud, Orient et
Occident. Tel P.Q Phan dans Tragedy at the
opera, qui fut programmé pour son 25e anniversaire en 1998. Le Vietnamien, émigré aux
États-Unis depuis 1982, est à l’affiche 2001.
Avec deux nouveaux venus. D’Helmut Oering,
né en 1961 de parents sourds et muets, il faut
attendre une conception du son et de la
communication fatalement originale et exacerbée. Et de Michael Gordon, élevé au
Nicaragua au sein d’une communauté européenne de la banlieue de Managua, un style
qui doit autant aux underground rock bands
de New York qu’à l’université de Yale où il a
fait ses études. De la nitroglycérine !
SAM. 12 MAI 17H
ANDREAS STAIER piano
ALEKSANDAR MADZAR piano
BACH-KURTÁG : Chorals
MOZART : Sonate pour deux pianos,
en ré majeur, K 448
BRAHMS : Variations pour deux pianos,
sur un thème de Haydn, op. 56b
DEBUSSY : En blanc et noir
SAM. 28 AVRIL 17H
CANTUS CÖLLN
KONRAD JUNGHÄNEL
luth et direction
LE SCOOP !
Andreas Staier, le virtuose du clavecin et du
piano-forte, dans un programme pour deux
"grands noirs" de concert !
Faut-il vraiment s’étonner que l’artiste allemand nous surprenne une fois de plus ?
L’insatiable curieux avait déjà exploré la littérature pour deux pianos-forte en compagnie
d’Alexeï Lubimov. Prenant de nouveaux
risques, il en continue l’étude, au piano pour
la première fois, et réalise ainsi son désir de
jouer avec Aleksandar Madzar dont il admire
le talent. Le voyage qu’il offre au Théâtre de la
Ville, très différent des quatre précédents, est
d’une amplitude d’époque (XVIIIe-XXe siècles) et
de style exceptionnelle. La Sonate K 448,
seule mais superbe contribution de Mozart au
deux-pianos, relie la spiritualité confidentielle
des Chorals de Bach – revisités par Kurtág,
phare de la composition contemporaine hongroise – à la symphonie colorée des Variations
sur un thème de Haydn que Brahms destinait
à l’orchestre. Écrits en 1915, où Debussy avait
en projet une sonate pour clavecin, ses trois
caprices, En blanc et noir, témoignent de l’intérêt renouvelé du compositeur français pour
les claviers. Ils sont particulièrement propices
à cette précieuse « longueur d’onde commune,
beaucoup plus facile à établir, selon Madzar,
avec un autre pianiste qu’avec un quatuor ».
Les gris à la Velasquez de la partition, chers à
Debussy, favorisent autant « l’équilibre très
particulier entre le mental et l’instinctif qui
caractérise l’impressionnant Staier » que la
poétique et le rêve du jeune Yougoslave.
Gott, sei mir gnädig
(Seigneur, aie pitié de moi)
MUSIQUE SACRÉE DU XVIIe SIÈCLE
Cantus Cölln, ph. Eric Larrayadieu
Musica Antiqua Köln, ph. Susesch Bayat/DGG
LE CHANT DES ANGES
Magique est l’ensemble vocal allemand
fondé, comme son nom l’indique, dans la baroquissime Cologne, par Konrad Junghänel.
En 1987, en effet, le divin luthiste, partenaire
privilégié de Jacobs, a réuni cinq chanteurs
solistes tellement complémentaires, homogènes, que leurs timbres semblent être les
harmoniques d’une seule et même voix. De
découverte en découverte, ces sonorités
célestes nous mènent sur des chemins d’art
inconnus, dessinent le paysage musical allemand du XVIIe siècle. Quatre œuvres, dont deux
instrumentales, rappellent que Rosenmüller
est un maître parmi les maîtres. La cantate de
Buxtehude qui fut en son temps le premier
compositeur germanique et l’un des grands à
l’échelle européenne, nous fait comprendre
pourquoi Bach, venu à pied, de loin, pour le
voir à Lübeck, eut l’un des plus grands chocs
artistiques de sa vie. Gott sei mir gnädig (Dieu,
aie pitié de moi), qui donne son titre au
concert, page superbe, expressive et pure de
Kuhnau, fondateur du fameux Collegium
Musicum de Leipzig, jette un pont entre le
passé et le nouveau style, influencé par l’Italie,
dont Bach allait devenir le génie. Mais la
Cantate de Pâques est une œuvre de jeunesse du futur Kantor de Leipzig. Elle appartient à la tradition musicale riche et variée de
l’Allemagne centrale, ce qui ne l’empêche pas
d’être une merveille dont Cantus Cölln révèle
la perfection.
Andreas Staier, ph. Birgit
ROSENMÜLLER :
Beatus vir (concert sacré)
Regina cœli lætare (concert sacré)
Sonate en ut majeur, pour 2 violons,
violoncelle et basse continue
Sonate en ré mineur, pour 2 violons, alto
et basse continue
BUXTEHUDE : Herzlich lieb hab ich dich,
o Herr, BuxXV 41(cantate)
KUHNAU :
Gott, sei mir gnädig (concert sacré)
BACH : Christ lag in Todesbanden, BWV 4
(cantate)
41
J. M. Quintana, Céline Frisch, ph. Georges Gara
MUSIQUE AUX ABBESSES • TARIF D
SAM. 25 NOV. 17H
SAM. 21 OCT. 17H
MARC COPPEY
violoncelle
BACH : Suite pour violoncelle seul n° 3,
en ut majeur, BWV 1009,
Suite pour violoncelle seul n° 5,
en ut mineur, BWV 1011
KURTÁG : János Pilinszky : Gérard de
Nerval, pour violoncelle seul
KRAWCZYK : Repetitio
(création mondiale, commande de
Musique Nouvelle en Liberté)
42
DE LA FAMILLE DES GRANDS
Le jeune violoncelliste français qui, pendant 5
ans, fut la voix grave et racée de l’excellent
Quatuor Ysaÿe, a choisi de reprendre la carrière de soliste commencée dès l’âge de 18
ans. Le Théâtre de la Ville, dont il est l’invité
depuis 1994, est heureux de lui offrir son nouveau premier récital à Paris : subtil, intelligent,
à l’image du musicien.
« Notre métier ne continuera que si nous mettons la musique du passé en regard avec
celle du présent ». Cet « enjeu majeur » innerve le programme du virtuose où deux
Suites de Bach entretiennent entre elles et
avec deux œuvres d’aujourd’hui de fines ramifications. « Comme les 2e et 6e suites, j’aime
réunir les 3e et 5e. Tonale, ut majeur, ut mineur,
leur opposition naît aussi de leur caractère :
jubilatoire dans la troisième, dramatique dans
la cinquième, la seule "à la française" et peutêtre la plus riche des 6. Sa sarabande, la plus
nue et la plus intense à la fois, possède une
polyphonie secrète magique. Kurtág, qui a la
même manière de créer le silence que Bach,
en instille une autre dans son œuvre inspirée
par son compatriote, le poète János
Pilinszky. » Franck Krawczyk, compositeur (et
pianiste) français de 30 ans, « connaît par
cœur le répertoire pour violoncelle. Tel Kodály,
il sait, lui aussi, le faire sonner polyphoniquement. Cette qualité signe toutes les œuvres
majeures pour l’instrument seul ». Marc
Coppey est sûr, avec la prochaine création de
son ami de lycée, de faire battre le "chœur" de
son violoncelle.
JUAN MANUEL QUINTANA
viole de gambe
CÉLINE FRISCH clavecin
AMANDINE BEYER violon
MARIN MARAIS, FRANÇOIS COUPERIN,
JEAN-PHILIPPE RAMEAU
SONORITÉS RARES
Le gambiste argentin Juan Manuel Quintana a
la force de l’autodidacte. Seul, il choisit, étudie, cherche et trouve. L’instinct puissant, totalement étranger à sa famille, qui l’a poussé,
gamin, dans les bras de l’instrument rare, ne
l’a jamais quitté. Il a 28 ans et son épanouissement est déjà celui d’un maître. Sous ses
doigts, la viole, sensuelle, fiévreuse, gémit ou
rit, pleure ou chante : elle respire, elle est
vivante.
Le clavecin de Céline Frisch crépite de pluies
d’or. Sa maman, flûtiste à bec amateur, le lui fit
apprendre dès l’âge de 6 ans. Il est l’autre
langue maternelle de la jeune Française, qui
en joue naturellement. Comme on parle dans
les cafés, à ce "Zimmermann" que fréquentait
Bach à Leipzig et dont Céline Frisch a donné
le nom à son propre ensemble. Quant à son
dialogue avec Juan Manuel Quintana, il a
commencé à la Schola Cantorum Basiliensis
où elle étudiait en même temps que lui.
En 1998, le Théâtre de la Ville offrait aux deux
musiciens leur premier concert en duo. Pour
leur troisième passage, ils ont invité une autre
amie de Bâle, Amandine Beyer. Cette jeune
surdouée, agrégée de musique ancienne,
joue aussi bien de la vielle que du violon moderne. Mais c’est le timbre chaud de son violon
baroque – elle y excelle aussi – qui s’unit aux
sonorités, chatoyantes de la viole de gambe,
cristallines du clavecin. Au programme, Marin
Marais, Jean-Philippe Rameau et François
Couperin, trois maîtres de la musique française du XVIIIe siècle. Si belle !
Arthur Schoonderwoerd, ph. X, D.R.
Marc Coppey, ph. Th. Martinot
SAM. 2 DÉC. 17H
Andreas Scholl, ph. Th. Martinot
ARTHUR piano-forte
SCHOONDERWOERD
Mozart, Haydn, Beethoven et la
famille Bach, hôtes du baron van
Swieten
BACH :
Prélude et Fugue en do dièse mineur
du premier livre du Clavier bien tempéré
C. P. E. BACH : Rondo en do mineur –
extrait du 5e recueil de Sonates et Rondos
pour les Connaisseurs et les Amateurs
MOZART : Sonate en fa majeur, K 533
avec le Rondo K 494,
Adagio en si mineur, K 540
HAYDN : Variations en fa mineur, "Sonata
un piccolo divertimento", H. XVII/6 (1793)
BEETHOVEN : Sonate en ré mineur,
"La Tempête", op. 31 n° 2
UN HOMME DE GOÛT
Dans la Vienne des années 1780, le baron van
Swieten, diplomate, mécène et compositeur,
hollandais de naissance, conviait souvent
Mozart ou Haydn le dimanche matin. JeanSébastien Bach dont le cinquième fils, Carl
Philipp Emanuel lui avait fait connaître la
musique à Berlin, le fascinait. Aussi le baron
leur demandait-il à chaque fois d’en jouer.
Deux siècles plus tard, Arthur Schoonderwoerd, subjugué par son noble compatriote,
réunit les artistes qu’il a tant soutenus. Le
jeune piano-fortiste, qui a l’art de rendre présent le passé, avait déjà, en mai 1999, avec
son ensemble Cristofori, ressuscité Mozart et
sa version pour quatuor à cordes et pianoforte de trois concertos : un bonheur, une
invention qui irisent son nouveau récital au
Théâtre des Abbesses. « Le fantastique prélude et fugue à 5 voix de Jean-Sébastien
Bach, Mozart, dit-il, l’a probablement déchiffré, avec gourmandise, chez le baron. » Bach
est d’ailleurs en filigrane dans l’étonnante
polyphonie de sa Sonate en fa majeur K 533.
Le rondo antérieur qui la complète curieusement, répond à celui, agréable et aisé, de
C.P.E. Bach qui précède. Le drame ironiquement appelé "un piccolo divertimento" représente Haydn, et la Tempête son élève
Beethoven. Celui-ci avait dédicacé sa première symphonie au « ministre de la Culture
avant la lettre » de l’empereur Josef II. Arthur
Schoonderwoerd donne à ses hôtes la voix de
son splendide piano-forte Walter, copie de
l’original de Nuremberg qui a appartenu à
Mozart. Pouvait-il en choisir un autre ?
SAM. 13 ET DIM. 14 JAN. 17H
ANDREAS SCHOLL contre-ténor
EDIN KARAMAZOV luth
a Musicall Banquet
Chansons de cour de la Renaissance en
France, Espagne, Italie et Angleterre rassemblées par Robert Dowland, fils de John
Dowland.
UN ABSOLU
L’athlète à la voix d’ange que le Théâtre de la
Ville, où il vient pour la 6e fois, révélait en 1994,
est devenu une star. L’univers sait désormais
que la perfection n’est pas seulement une
idée mais une réalité. La beauté de ce timbre,
aussi rare que sa tessiture de haute-contre, en
est l’incarnation. Le Musicall Banquet auquel
convie le jeune Allemand, en distille les plus
capiteux sortilèges. Le compact qui va sortir
en décembre, quelques jours avant le
concert, dévoile lui aussi les secrets de cette
anthologie cosmopolite signée Robert
Dowland. Mais ce médiocre compositeur
anglais (1586-1641) qui, semble-t-il, n’a jamais quitté son pays, a-t-il pu rassembler les
chansons pour luth venues de toutes les cours
de la Renaissance européenne ? A-t-il su les
choisir avec autant de goût, les arranger avec
autant de talent ? N’est-ce pas plutôt son
illustre père, John, qui, voulant lancer la carrière musicale de son fils, lui a fait ce cadeau ?
Lui qui ne cessa de voyager, de travailler à
l’étranger, connaissait parfaitement ces différents répertoires dont il sut alimenter son
admirable et propre style. Quoi qu’il en soit, ce
recueil explore en France, en Angleterre, en
Espagne et en Italie, le séduisant paysage de
la chanson de cour à la Renaissance. Il s’inscrit avec raffinement dans le petit palais des
Abbesses. Dont Andreas Scholl est prince.
43
St Lawrence String Quartet, ph. Christian Steiner
SAM. 3 MARS 17H
ST LAWRENCE
STRING QUARTET
HAYDN : Quatuor en ré mineur,
"les Quintes", op. 76, "Erdödy", n° 2
JANÁCEK : Quatuor n° 1, "Sonate à Kreutzer"
SCHUMANN :
Quatuor en la majeur, op. 41 n° 3
RETOUR ATTENDU DU QUADRIGE
DE PURS SANGS CANADIENS
L’impétueux St Lawrence String Quartet, parrainé par le Quatuor Emerson puis par le
Juilliard, avait mis le feu aux poudres en janvier 1994 lors de son premier passage au
Théâtre de la Ville où il vient pour la 5e fois.
« Le quatuor de stars » – ce fut le titre du
Monde – s’empare des partitions, les décortique avec autant d’acuité formelle que de
fièvre passionnelle. Deux qualités dont son
nouveau programme exploite la quintessence.
Seule une totale maîtrise de style et d’analyse
peut honorer "les Chants d’expérience" de
l’opus 76 qu’Haydn écrit en 1797. Le Quatuor
n° 2, les Quintes, en fait partie et le maîtrefondateur y atteint une perfection éblouissante. Dans son Quatuor n° 1, Janácek met en
musique la Sonate à Kreutzer de Tolstoï,
drame où une femme adultère est tuée par
son mari. Les 4 instrumentistes seront les voix
idéales de cet opéra sans paroles composé
en 1923 par le compositeur tchèque, grand
amoureux de l’amour et de la femme. C’est
pour plaire à Clara, la passion de sa vie, que
Schumann produit dans l’enthousiasme, en
deux mois de l’été 1842, trois fulgurants quatuors. « Tout y est neuf mais clair, travaillé
avec délicatesse mais dans le vrai style du
genre », avait déclaré leur dédicataire. Dans
le n° 3 qu’il avait déjà joué en 1994, le St
Lawrence nous fait partager « la joie et le plaisir » de celle qui le reçut en cadeau.
cordes répand une lumière sonore qui n’appartient qu’à lui, différente pour chaque
œuvre. Dans l’opus 3 de Pandolfi qu’il a redécouvert, il jongle avec les ombres et les soleils
de l’Italie. Du compositeur né en Ombrie entre
1620 et 1630, il a su reconstituer une vie plausible à partir d’indices, comme l’archéologue
dessine une mosaïque à l’aide d’un seul fragment. Naturel et humour habillent son érudition. Manze enchante, fascine, qu’il explique
ou qu’il joue. « Les sonates de Pandolfi font
penser aux lieder d’un cycle de Schubert,
aussi captivants s’ils sont pris isolément que
s’ils se fondent dans un tout cohérent. Elles
ouvrent la voie à ce qui est peut-être la plus
remarquable et la plus virtuose des œuvres
jamais écrites pour violon seul, les Six Solos
de J.S. Bach. » Mais c’est avec deux sonates
qu’il les met en résonance pour son troisième
concert au Théâtre des Abbesses. « Bach
marie le violon et le clavecin avec tant d’art
que ces pièces […] peuvent être regardées
comme […] une apothéose du genre. »
Richard Egarr appartient au gotha du baroque
européen. Son clavecin, lui aussi enchanté,
participe à la splendeur de ce concert.
textes musique
Anne-Marie Bigorne
SAM. 24 MARS 17H
BACH :
Sonate n° 6 pour violon et clavecin obligé,
en sol majeur, BWV 1019 (1re version)
Sonate n° 3 pour violon et clavecin obligé,
en mi majeur, BWV 1016
PANDOLFI : Les 6 Sonates op. 3
44
LE MAGICIEN ANGLAIS
DU VIOLON BAROQUE
Son secret ? La liberté. Sa pensée, son génie
en découlent. L’acrobate de l’archet et des
Andrew Manze, ph. Jayand Achterberg
ANDREW MANZE violon baroque
RICHAR EGARR clavecin
musiques du monde
AU THEATRE DE LA VILLE
LUN. 30 AVRIL 20H30
DIM. 15 OCT. 11H • LUN. 16 OCT. 20H30
BAUL BISHWA
CHAURASIA
Inde du Nord
flûte bansuri
LUN. 23 OCT. 20H30
THAYAMBAKA
Inde du Sud
Inde
musique Baul
MER. 2 MAI 20H30
CHANTS ET MUSIQUES DES
STEPPES Altaï, Touva, Kazakhstan
ensemble de percussions des temples du Kerala
maître Shankarankutty Marrar
ALTAÏ chant diphonique
BASHKIRISTAN Ismurat Il’gakov chant et vièle
TOUVA chant et vièle KAZAKHSTAN
JEU. 16 NOV. 20H30
JEU. 31 MAI 20H30
MOHAMMED BAJEDDOUB
Maroc
chant arabo-andalou, chants soufis
CHANTS ET MUSIQUES
D’OUZBÉKISTAN
Khorezm, Karakalpakistan
SAM. 25 NOV. 17H
SABAHAT AKKIRAZ
Turquie
chant alévite
SAM. 2 DÉC. 17H
OOLEYA MINT AMARTICHITT
AUX ABBESSES
Mauritanie
chant
Maroc
JEU. 30 NOV. 20H30
CHERIFA « CHEIKHA »
SAM. 9 DÉC. 17H
REGINA CARTER
chant
violon
DIM. 3 ET LUN. 4 DÉC. 20H30
jazz
MAKÁM
SAM. 6 JAN. 17H
Hongrie
Balogh Kalman cymbalum, avec 11 musiciens
musiques tsiganes de l’est de l’Europe
Irén Lovász chant, Szilvia Bognár chant
direction musicale Zoltán Krulik
composition originale d’après des chants traditionnels hongrois
SAM. 13 JAN. 17H
LUN. 11 DÉC. 20H30
ROMANO KOKALO
Hongrie
FELIX LAJKO
NILADRI KUMAR
sitar
Kumar Bose tabla
Inde du Nord
Hongrie
violon solo
SAM. 23 DÉC. 20H30
JEU. 25 JAN. 20H30
OMAR SARMINI chant
ENSEMBLE AL-KINDÎ
Syrie
Julien Jalâl Eddine Weiss direction et qanoun
hommage à Ousama Ibn al-Mounqidh
les Croisades sous le regard de l’Orient
avec Mohammed Gomar, maître irakien du joza
Talip Ozkan, maître turc du tambur
U FIATU MUNTESE
Corse
la jeune garde corse
LUN. 22 JAN. 20H30
CHANTS ET MUSIQUES
DU GOLFE PERSIQUE
Iran
LUN. 26 MARS 20H30 CRÉATION
LUN. 29 JAN. 20H30
Arabie Saoudite
MOHAMMAD AMAN
chant
Bretagne
chant, textes, direction artistique
RICCARDO DEL FRA
contrebasse, composition
er
JEU. 1 FÉV. 20H30
O.S. THIYAGARAJAN
chant carnatique
ANNIE EBREL
Inde du Sud
Azerbaïdjan
SAM. 31 MARS 17H
AGA KHAN ABDOULAIEVchant
LUN. 5 MARS 20H30
Firouz Aliev tar, Adalat Vazirov kamantché
CHANTS ET MUSIQUES
D’AFGHANISTAN Afghanistan
LUN. 21 MAI 20H30
LUN. 12 MARS 20H30
AICHA REDOUANE Egypte
ET L’ENSEMBLE AL-ADWAR
hommage à Abdu Al-Hâmûlî et Muhammad
Uthman, les deux plus grands initiateurs de la
nahda, renaissance musicale arabe en Egypte
SAM. 17 MARS 17H
Inde du Nord
ULLHAS KASHALKAR chant khyal
CHANTS ET MUSIQUES
DU BALOUTCHISTAN Pakistan
Omar de Sor sorud, Ali Mohammad sorud,
Habiba chant, Jama tamburag
SAM. 26 ET LUN. 28 MAI 20H30
SUSANA BACA
chant
Pérou
la diva du Pérou noir
MAR. 29 MAI AU VEN. 1er JUIN 20H30
CRISTINA BRANCO
Portugal
chant
Chaurasia, ph. Birgit
MUSIQUES DU MONDE AU THEATRE DE LA VILLE • TARIF D
DIM. 15 OCT. 11H • LUN. 16 OCT. 20H30
CHAURASIA
Inde du Nord
laire que du classique. Libérée de sa fonction
d’accompagnement, c’est la seule formation
de percussions destinée depuis des siècles à
des concerts publics. Il faut imaginer ces
représentations, à la tombée de la nuit, devant
le temple ou à l’intérieur de la première
enceinte, à la lueur d’une lampe à huile. Nul
besoin d’être mystique ou savant spécialiste
pour être capté par la puissance sonore de
ces tambours, fasciné par la vélocité de ces
interprètes et pour partager l’évidence de leur
plaisir à jouer. Ce n’est d’abord qu’un murmure, lancé par un soliste, qui peu à peu,
s’élève, s’accélère, repris successivement par
l’ensemble des musiciens pour finir dans une
apothéose de sons d’une force et d’une
vitesse vertigineuses. Plaisantes joutes des
musiciens entre eux, de soliste à soliste, de
duo à duo, d’ensemble à ensemble. Un véritable spectacle pour tous les amateurs de
rythmes.
flûte bansuri
Jacqueline Magnier
Deopriya Chatterjee flûte bansuri
Subhankar Banerjee tabla
Bhavani Prasad pakhawaj
Une sonorité incandescente et veloutée, parfois diaphane et si voluptueuse ont fait la
gloire du maestro, de New York à Hong-Kong.
Cet homme calme d’une grande simplicité
s’est fait apprécier et admirer à travers le
globe depuis ces trente dernières années
avec la constance d’une courbe ascendante .
Sa stature et sa notoriété vont grandissant
d’année en année et ses albums représentent
les meilleures ventes de musique savante de
toute l’Inde (avec Shivkumar Sharma et Zakir
Hussain), depuis l’immense succès de Call of
the valley. Chaurasia progresse toujours au fil
du temps, imperturbable. Il se livre à des
expériences avec des musiciens de jazz
(John McLaughlin, Jan Garbarek, et plus
récemment Paolo Cueco). Prêtant son souffle
magique à l’illustration musicale de textes
sacrés comme à des films de Hollywood, il
sait nous surprendre, l’air de rien. La formation
proposée pour ces concerts des raga-s du
matin et du soir est celle expérimentée entre
autre au Festival d’Ahmadabad. L’aspect nouveau et attirant dans ce "quatuor" est la révélation de la jeune disciple Deopriya : une
sonorité et une sensibilité à couper le souffle.
Cette flûtiste à fleur de peau pare la majesté
de Chaurasia de bien des attraits. Le pakhawaj de l’extraordinaire Bhavani (ami de Zakir
Hussain) répond au tabla de Subhankar
Banerjee, devenu l’un des tablistes attitrés
d’"Hariji".
Christian Ledoux
LUN. 23 OCT. 20H30
THAYAMBAKA
Inde du Sud
ensemble de percussions
des temples du Kerala
maître Mattannur Shankarankutty Marrar
46
Pour la troisième fois, le Théâtre de la Ville
accueille les extraordinaires tambours du
Thayambaka. Une véritable fête du rythme
orchestrée par les onze musiciens, tout de
blanc vêtus, venus du Kerala, l’une des
régions les plus riches du sud-est de l’Inde.
Forme musicale à la fois rituelle, sacrée et
profane, le Thayambaka tient autant du popu-
JEU. 16 NOV. 20H30
MOHAMED BAJEDDOUB
Orchestre Chabab Al-Andalous de Rabat
chant arabo-andalou, chants soufis
Maroc
Mohamed Bajeddoub est assurément un
monstre sacré du chant arabo-andalou marocain. Un roi incontesté dans son domaine
comme dans les autres genres de la musique
arabe qu’il aborde avec bonheur. Initié au
chant dès son enfance dans une zaouia de
Safi (école soufie), il est naturellement devenu
grand muezzin de la mosquée de cette ville
côtière. Doté d’une forte présence, ce chanteur-né est doué d’une voix puissante, chaude
et profonde. Il allie un instinct sûr, un sens de
la mise en scène sonore et un dynamisme
vocal que peu de ses contemporains arabes
peuvent prétendre posséder à la fois. Serait-il
le Nusrat Fateh Ali Khan du Maghreb ? Ses
mélismes – de vrais sortilèges secrets inspirés
de la manière orientale – ont la pénétration
propre à embellir magnifiquement un chant
envoûtant qu’on ne peut oublier. Il sait emporter un public qui en redemande encore…
C. L.
SAM. 25 NOV. 17H
SABAHAT AKKIRAZ
Turquie
chant alévite
Sabahat Akkiraz chante magistralement aussi
bien une foi d’inspiration soufie que des
chants dédiés à l’amour et à la nature.
Cette grande chanteuse de l’Anatolie appartient à la tradition alévite, une tradition soufie
chiite, où se mêlent d’anciennes influences
chamanistes venues d’Asie centrale et une
véritable vénération pour Ali, le gendre du
Prophète.
Sabahat Akkiraz est l’une des dernières chanteuses traditionnelles d’Anatolie car elle tient
son savoir des asik-s, ces poètes et maîtres
de la parole contemplative et mystique.
L’aspect spirituel de la poésie de certains
asik-s, dont la figure marquante fut Pir Sultan
Abdal (XVIIe siècle), est justifiée, en Anatolie,
précisément par leur appartenance à la tradition alévite.
tant l’apport maure, la voie noire (al-jâmba-al kahla) synonyme de l’apport négro-africain et
la voie dite tachetée (al-jâmba-l’-gnaydîya).
La voie noire est la voie profonde et masculine
tandis que la voie blanche est légère et synonyme de plaisir, d’amour et de raffinement.
Chaque prestation musicale au-delà de son
contexte, se devra de suivre une même progression modale allant de la noirceur à la
blancheur.
Cette progression symbolise le cycle de la vie
et nous renvoie à une vision thérapeutique
proche des anciens systèmes de la musique
grecque, arabe et indienne.
Assister à un concert de musique mauritanienne permet à notre esprit de suivre le fil
d’un long labyrinthe d’émotions qui défilent
comme autant de parcelles de vie.
Les chants, qu’ils soient réservés à l’audition
pure ou à l’accompagnement des danses
sacrées sernah, sont tous habités par le
nefes, signifiant textuellement "souffle", dans
le sens de souffle d’inspiration.
Ce souffle est imprégné d’une certaine
conception de l’univers, où la notion du divin
rejoint celle d’une harmonie naturelle, à l’image de cette terre anatolienne qui vit naître
au XIIIe siècle l’ordre Mevlevi du grand mystique Jalal al-din Rumi, à Konya.
Le chant de Sabahat Akkiraz se veut aussi en
symbiose avec la parole de l’ozan, le poète de
la tribu. Comme lui, elle parle d’un monde différent et lointain, un monde autrefois en
désaccord, par sa revendication, avec le politique ou, au contraire, aujourd’hui banalisé par
un nouveau phénomène de mode soufi exploité par les médias.
Sabahat Akkiraz, née il y a quarante ans au
sein d’une humble famille de Sivas, se veut de
conserver l’enseignement de son maître
Bektas Véli.
Là aussi, c’est le luth (ici, le saz à long manche)
qui, comme dans la tradition mauritanienne ou
berbère, porte la voix de la femme. Cette
femme, choisie elle-même, à son tour, pour
porter la parole d’une communauté aux prises
avec la richesse de son héritage.
chant
Mauritanie
De retour au Théâtre de la Ville, Ooleya Mint
Amartichitt intelligente et resplendissante, incarne le lien entre Afrique blanche et noire.
Monde arabe et monde noir se côtoient dans
le langage chanté de cette îggîw (griotte) de
Mauritanie. Ooleya, au visage de madone du
désert, possède, lorsqu’elle chante, ce don
émotionnel qui lui permet de donner vie à des
sentences poétiques d’une rare beauté.
L’esthétique vocale des griottes mauritaniennes se distingue dans un traitement brisé
et abrupt de la voix encore plus accentué que
dans le cante jondo du flamenco.
Ooleya, en plus de cette technique vocale très
masculine, à certains moments, murmure des
paroles qui restent suspendues dans l’air, tandis que le luth tidinit déjà anticipe la sentence
suivante.
L’art des griots de Mauritanie nous renvoie
plus précisément au XVIIe siècle, à une époque
où la pratique musicale et la poésie avaient
atteint une réelle maturité. C’est à cette
époque que naîtra le spectre musical complet
de l’art mauritanien à travers trois voies : la
voie blanche (al-jâmba-al-bayda) représen-
O. M. Amartichitt, ph. Birgit
OOLEYA MINT AMARTICHITT
Thayambaka, ph. X, D.R.
SAM. 2 DÉC. 17H
Sabahat Akkiraz, ph. I'Yas Akkuyu
Alain Weber
A. W.
47
Regina Carter, ph. David Mayenfisch
Romano Kokalo, ph. X, D.R.
SAM. 9 DÉC. 17H
REGINA CARTER
violon
jazz
Saluée par le New York Times comme une
« violoniste au talent parfaitement maîtrisé, à
l’exceptionnelle souplesse d’improvisation et
à l’immense palette d’expression », Regina
Carter est l’une des artistes les plus éclectiques et les plus innovatrices qui se soient
manifestées depuis plusieurs décennies sur la
scène jazz. Originaire de Detroit, l’une des
grandes Mecques du jazz, Regina Carter
s’inscrit dans la lignée des Ron Carter, Donald
Byrd et Betty Carter. Elle commence l’étude
du violon encore adolescente, peaufine sa
technique au sein du Detroit Civic Symphony
Orchestra avant de jouer avec de nombreuses formations pluri-ethniques, notamment avec le groupe de pop/funk Brainstorm
et le célèbre groupe féminin Straight Ahead.
Ancienne élève de l’excellent New England
Conservatory et de l’université d’Oakland, elle
s’intègre très vite à la scène musicale de New
York où elle s’installe au début des années 90.
Ses premiers enregistrements et un concert
au Lincoln Center de New York lui ont permis
d’obtenir la reconnaissance internationale
qu’elle mérite. Son dernier album, Rythms of
the heart, confirme son originalité, son audacieuse rythmique et son incomparable talent
d’intégration des différentes nuances du jazz,
du funk, de la soul et de la musique africaine
et brésilienne. « Je veux que les gens se
sentent bien quand ils écoutent ma musique,
qu’ils s’y perdent et ne fassent qu’un avec
elle » affirme-t-elle. Nul doute que son désir
deviendra réalité lors de son premier concert
au Théâtre de la Ville.
n
SAM. 6 JAN. 17H
ROMANO KOKALO
Hongrie
musiques tsiganes de l'est de l'Europe
Kalman Balogh cymbalum
avec 10 musiciens
48
Une fête de la musique en plein hiver ! C’est
assurément ce que proposeront le jeune roi
du cymbalum Kalman Balogh, fondateur du
groupe hongrois Romano Kokalo et ses dix
musiciens réunis pour la première fois sur la
scène du Théâtre de la Ville.
Une fête où les rythmes de la musique traditionnelle tsigane vagabondent, avoisinant parfois le swing, se teintant d’une pointe de
tango, de flamenco ou de klezmer, pour plonger plus encore aux sources nostalgiques ou
festives d’une musique nomade liée à
l’Europe centrale mais dont les racines se
perdent dans des terres plus lointaines.
À l’image des Klezmatics à New York pour la
musique klezmer, Romano Kokalo est aujourd’hui l’un des groupes les plus représentatifs
du renouveau de la musique tsigane à
Budapest. Sans doute est-ce dû à la formation
musicale de son leader, Kalman Balogh,
diplômé de l’académie Ferenc-Liszt de
Budapest et primé "Jeune Maître d’arts traditionnels" en 1985. Une dualité originale qui lui
permet de briller avec l’Orchestre du Festival
de Budapest ou avec le Philharmonique de
Miami, dans les Danses hongroises de
Brahms aussi bien qu’avec des groupes de
jazz, de rock ou avec le Magneten Gipsy
Show d’André Heller dont il fut le directeur
artistique.
À côté du cymbalum, instrument fétiche de
cette musique vibrante, violons, trompettes,
guitares, bouzouki, contrebasse, percussions,
derbouka, autant d’instruments pour rêver,
chanter et danser.
J. M.
SAM. 13 JAN. 17H
NILADRI KUMAR Inde du Nord
sitar
Kumar Bose tabla
pour la première fois en France
Nul doute que le jeune Niladri Kumar atteindra
la célébrité en Inde d’ici peu. À 26 ans, il a été
la révélation du Festival Sawai Gandharva de
Poona (1999), où un parterre de jeunes musiciens professionnels était fort attentif et laudatif à ses prouesses vertigineuses. Bien que fils
et disciple de Kartik Kumar (sitariste de renom
et élève principal de Ravi Shankar), Niladri
suit d’instinct le style lyrique empreint de poésie de Vilayat Khan, suivant au plus près l’esthétique de l’art vocal. S’il sait être aussi délicat que flamboyant et audacieux dans les
passages les plus périlleux, il est surtout inouï
dans cette technique unique du tirage de la
corde (meend), qui fait ressortir en glissando
les plus fins détails des microtons, et s’affirme
déjà comme l’un des plus grands spécialistes
de cet art très prisé et propre au sitar. La rapidité et la clarté de ses tournures ultra-rapides
(taan) sont toniques et dignes de ses grands
aînés.
L’esprit d’innovation, d’expérimentation et de
fantaisie qui l’anime, porte chacune de ses
phrases pour construire par étapes un discours
musical riche de variété et d’étonnements.
C. L.
Niladri Kumar, ph. X, D.R.
JEU. 25 JAN. 20H30
OMAR SARMINI chant Syrie
ET L’ENSEMBLE AL-KINDÎ
hommage à Ousama Ibn al-Mounqidh
les Croisades sous le regard de l’Orient
Julien Jalâl Eddine Weiss
qanoun, direction artistique
Muhammad Qadri Dalal luth
Ziyâd Qâdi Amin nay
Adel Shams El Din riqq
Hicham Al Khatib douff, naqarat
Mohammed Gomar maître irakien du joza
Talip Ozkan maître turc du tambur
La musique classique arabe a peu changé
depuis son âge d’or, entre le IXe et le XIIIe
siècles. Elle est restée monodique et de tradition orale. Il est donc assez aisé d’en retrouver
l’essence, malgré son ancienneté.
Dans l’écrin sophistiqué des savantes waslas,
suites constituées de chants mesurés (mouwahshahs aux rythmes alambiqués) et de
pièces instrumentales, se glisse le joyau de la
qasida, l’antique poème monorime. La vocalise improvisée qui soutient cette qasida, art
infiniment subtil et intemporel qui a traversé
les siècles depuis le haut Moyen Âge, sera au
cœur de ce nouveau programme. À l’honneur
aussi, les poètes du temps des croisades qui
ont côtoyé, aux XIIe et XIIIe siècles, nos ancêtres
quelque peu rustres de l’époque (les Francs).
Ousama Ibn al-Mounqidh est l’un de ces
poètes emblématiques, historiens et chroniqueurs de leur époque, célébrés par le professeur André Miquel et le romancier Amin
Maalouf.
Pour chanter la ferveur de ces poèmes, Omar
Sarmini, déjà remarqué auprès du vieux
maître Sabri Moudallal dans le magnifique
Salon de musique créé au Théâtre des
Abbesses en 1998, déploiera toute l’ampleur
de son talent. Personnalité fragile, presque
évanescente, il se révèle soudain exalté,
capable de magnétiser violemment les foules.
Julien Jalâl Eddine Weiss, maître du qanoun
(cithare) et fondateur de l’ensemble Al-Kindî
qui a accompagné au Théâtre de la Ville les
plus grandes voix du chant classique arabe,
réalise enfin la formation instrumentale idéale
à ses yeux : outre ses fidèles compagnons,
trois maîtres incontestés, les deux Syriens
Muhammad Qadri Dalal (luth) et Ziyâd Qâdi
Amin (nay), et l’Égyptien Adel Shams El Din
(riqq), accompagnés aux percussions par le
derviche damascène Hicham Al Khatib (douff
et naqarat), il introduit le maître irakien du joza
Mohammed Gomar et le virtuose turc du tambur (luth) Talip Ozkan. Joza et tambur, deux
instruments disparus de la musique classique
Omar Sarmini, ph. X, D.R.
syrienne et égyptienne depuis le XIXe siècle,
qui retrouveront dans ce nouveau concert une
place de choix.
n
LUN. 29 JAN. 20H30
MOHAMMAD AMAN
chant
Arabie Saoudite
Professionnel du chant arabe depuis trente
ans, Mohammad Aman est originaire de
La Mecque. Si, faute de conservatoire dans sa
région, ce magicien de la voix n’a pu faire ses
classes dans une institution et s’est initié au
chant avec les enfants du quartier, il a néanmoins décidé de s’y consacrer pleinement à
l’âge de dix-huit ans. Aujourd’hui, il est reconnu par la communauté arabe comme l’un des
maîtres en la matière, que ce soit localement,
lors des fêtes, mariages et cérémonies officielles, ou plus largement, lors de ses
concerts à Bahreïn, en Tunisie et en Égypte.
En Ouzbékistan, un premier prix au Festival
international de Samarcande en 1999 est
venu couronner la beauté de sa voix. Capable
de s’ouvrir au chant arabe dans ses formes
les plus diverses et les plus spécifiques,
Mohammad Aman mêle au patrimoine arabe
classique des chansons populaires et des
poésies sentimentales contemporaines, passant avec la même virtuosité du makkaian
majassan, poésie classique religieuse, au
danat, chant lyrique répandu dans les villes
de l’ouest du pays et au makkian muwash’hat,
forme classique de la tradition musicale
arabo-andalouse.
Au Théâtre de la Ville, six musiciens accompagneront aux qanoun, violon, oud et percussions ce chanteur hors pair, lui-même joueur
de luth, dont ce sera le premier concert en
France.
J. M.
JEU. 1er FÉV. 20H30
O.S. THIYAGARAJAN
chant carnatique
Inde du Sud
Delhi Sundarajan violon
Bakhtavatsalam mridangam
Harishankarh kanjeera
pour la première fois en France
De l’avis de bien des experts et autres rasikas
qui hantent les meilleurs concerts, O.S.
Thiyagarajan est l’un des chanteurs actuels le
plus appréciés sur bien des plans : sentiment
dévotionnel très présent (bhava), technique
vocale redoutable mais où rien n’est forcé ou
laissé au hasard ; point d’exubérances ou de
clin d’œil séducteur. Une belle éloquence
49
Thiyagarajan
LUN. 12 MARS 20H30
– suite
dans l’exposition, des développements merveilleux d’intelligence et de variété, une
rigueur constante. Un sens des formules rythmiques impressionnant, à l’école du doyen
des chanteurs carnatiques Sammangudi
Srinivasa Iyer. Fils d’un grand chanteur, O.S.
Thiyagarajan a su puiser son enseignement
auprès de différents maîtres pour étendre sa
palette. D’ici peu, le titre de bhagavatar ou
chanteur divin lui sera immanquablement
décerné…
Son chant porte d’emblée un sens. L’âge mûr
y fait beaucoup, mais aussi un goût pour la
perpétuation du plus pur style carnatique,
ancré dans la tradition laissée par les grands
compositeurs-poètes du XVIIIe siècle. Très suivi
par les connaisseurs dans les communautés
du sud de l’Inde et de sa diaspora à travers le
monde, Thiyagarajan est proche de son apogée. À l’âge d’un demi-siècle, il donne
quelque deux cents concerts par an, des
États-Unis jusque dans les temples hindous.
Thiyagarajan, ph. X, D.R.
C. L.
LUN. 5 MARS 20H30
CHANTS ET MUSIQUES
D’AFGHANISTAN Afghanistan
En 1996, le public du Théâtre de la Ville acclamait Mohammad Rahim Khushnawaz qui,
venu d’Hérat, faisait découvrir la musique
urbaine de la ville principale du Khorassan,
région partagée entre l’Iran, le Turkménistan et
l’Afghanistan. Ce grand maître du rubab se
jouait de la complexité et de la difficulté de cet
instrument national afghan, composé d’une
caisse de résonance, de trois cordes principales, de deux longues cordes servant de
bourdon et d’une quinzaine de cordes sympathiques. Un instrument qui, à l’instar du târ de
l’Iranien Hossein Alizadeh, offre tendre douceur et subtile délicatesse. Ce concert unique
lui laissera encore une place de choix.
À l’heure où nous publions ces lignes, il nous
reste de nombreux kilomètres et de longues
heures de route à parcourir avant de déterminer les noms des musiciens qui seront présents le 5 mars. Gageons que cette nouvelle
rencontre musicale fera une fois le plus le
bonheur d’un auditoire curieux, attentif et
confiant dans la qualité et l’originalité d’un
répertoire que le Théâtre de la Ville est toujours soucieux de lui apporter.
50
J. M.
AÏCHA REDOUANE Égypte
ET L’ENSEMBLE AL-ADWÂR
hommage à Abdu al-Hâmûlî
et Muhammad Uthman, les deux plus
grands initiateurs de la nahda,
renaissance musicale arabe en Egypte
Il n’est plus besoin de présenter Aïcha
Redouane, Habib Yammine et l’ensemble alAdwâr ni la grande tradition musicale du
maqâm arabe qu’ils se consacrent à faire revivre. Leurs précédents passages, couronnés
de succès au Théâtre de la Ville, témoignent
de leurs profondes fidélité et communion avec
le public. Le respect de la tradition et le désir
de créer ont aussi guidé Aïcha Redouane et
Habib Yammine vers de nouvelles compositions originales apportant au maqâm arabe
une énergie jeune et authentique. Portés par
une inspiration tendue vers l’essentiel, ils ne
pouvaient fêter le nouveau millénaire sans
avoir une pensée émue pour leurs maîtres
"d’outre-tombe" !
Aujourd’hui, ils rendent hommage aux deux
plus grands initiateurs de la nahda : Abdu alHâmûlî (1815-1901) et Muhammad Uthman
(1855-1900). Un siècle s’est écoulé depuis la
disparition de ces deux génies de la musique
vocale dont le mérite réside dans la synthèse
réalisée à partir des différentes traditions
orientales (savantes, religieuses et populaires). Avec le soutien du khédive Ismâ’îl,
grand mélomane féru d’art, Hâmûlî et Uthmân
étaient les principaux fondateurs de stylistique et esthétique musicales nouvelles dans
l’art de l’improvisation et de la composition.
Dans leur somptueux répertoire, le dawr,
chant à thème et variations improvisées, et
pièce maîtresse de la wasla (suite musicale)
égyptienne, a atteint son apogée sur le plan
structurel et vocal grâce à la complémentarité
de leurs talents. Pour fêter ce moment historique, le dawr est à l’honneur ! Telle les fées
des contes, Aïcha Redouane rompt le charme
du temps qui a emprisonné dans les plis de
sa mémoire les joyaux ciselés par ces deux
artistes hors pair. Dans sa quête du tarab
(extase musicale), elle propose plusieurs
voyages maqâmiens à travers les chefsd’œuvres les plus célèbres : les dawr-s, les
qasida-s, les muwashshah, en alternance
avec les improvisations taqâsim-layâli et
compositions instrumentales bachraf, samâ’i
et tahâmil. Un programme inédit !
Schams-Habib
SAM. 17 MARS 17H
ULLHAS KASHALKAR
chant khyal
Inde du Nord
Suresh Talwalkar tabla, harmonium, violon
pour la première fois en France
Ullhas Kashalkar, dont la renommée commence juste à dépasser les frontières de l’Inde,
était très attendu en décembre dernier au
prestigieux Festival Sawai Gandharva de
Poona. Pandits et autres grands amateurs
rasikas sont restés jusqu’à quatre heures du
matin pour l’écouter.
Accompagné par Suresh Talwalkar, qui a
longtemps joué avec le maître du sarangi Ram
Narayan, ce chanteur âgé de quarante-cinq
ans a donné un concert mémorable.
Profondément bouleversant dans des
moments d’une grande intensité, Ullhas
Kashalkar réunit tous les ingrédients du haut
Aïcha Redouane, ph. F. Vernhet
Afghanistan, ph. X, D.R.
Ullhas Kashalkar, ph. X, D.R.
chant khyal : sûreté d’une voix parfaitement
formée et maîtrisée, développement mesuré
des raga-s, imagination mélodique et rythmique, répertoire d’une très grande beauté et
d’une hauteur de vues remarquable. Faisant fi
des tricheries musicales bonnes à épater le
public, ses longues notes tenues par un
souffle de l’âme se métamorphosent en extase. Son art relève d’une forte spiritualité et
d’un sens aigu du devoir à accomplir envers
la musique, sujet qu’il aborde volontiers. Ce
chanteur très réputé parmi tous les musiciens
enseigne à la prestigieuse Sangeet Academy
Research de Calcutta, institution privée unique
en Inde, qui forme au compte-gouttes les
grands chanteurs de demain.
C. L.
LUN. 30 AVR. 20H30
BAUL BISHWA
Inde
musique baul
le regard intérieur
Bardes nomades, les Bauls incarnent l’histoire
du Bengale et de ses successives dominations étrangères. Comme leur musique riche
d’influences diverses, leur philosophie est
syncrétique. Elle est le reflet d’une conception
de la vie et d’un système de valeurs qui place
l’être au-dessus de tout et au cœur de la nature – il se laisse envahir par toute la création.
« Il n’est pas de plus riches trésors que ceux
que l’on trouve en soi. »
Le Baul est un être libre et sans préjugés. Il n’a
pas de maison : il est chez lui partout. Chaque
pays est sa patrie : il fait fi des différences
entre castes, peuples et races. Religieux, il
récuse les dogmes et ne se conforme à au-
cune doctrine précise. Hindouisme, bouddhisme – singulièrement le tantrisme – et soufisme l’ont influencé et inspiré.
Il montre un insatiable appétit de vivre et d’aimer, un goût du bonheur. Il professe quelques
vérités simples et essentielles telles que
l’amour de l’Homme : « Pourquoi aller au
temple ou à la mosquée ? Aime les autres et tu
trouveras Dieu. » Ou bien encore l’égalité des
hommes : « Je cherche le restaurant où Allah,
Rama, Kali et Dieu mangent dans la même
assiette. »
De basse extraction, ces ménestrels voyageaient jadis de village en village sans recevoir d’enseignement scolaire. Souvent illettrés,
ils ne sont pas pour autant incultes. Au
contraire, ils accumulent comme autant de
trésors, les richesses des écritures sacrées,
mythologies, littératures anciennes et autres
traditions… Rien n’est écrit, tout se transmet
par voie orale de guru à disciple, de génération en génération. L’émotion plus que la
logique joue un rôle cardinal dans le processus d’acquisition des connaissances. En effet,
« à moins d’un coup dans le fruit, son jus ne
coule pas ».
Mais l’essentiel de la formation repose sur la
méditation : « Pourquoi courir après les
nuages ? Regarde en toi et trouve la paix. » Le
yoga y participe également. Ni rituels élaborés ni lieux du culte, c’est le corps du Baul qui
est son temple. Il pratique la danse et la
musique : « Nous sommes ivres de musique.
Nous devons savoir comment atteindre le
verre d’alcool à l’intérieur de nous-mêmes. »
Aujourd’hui, la plupart des Bauls sont des
musiciens comme les autres et se produisent
en concert. Chacune de leurs chansons est,
en un langage simple et imagé, une leçon de
51
– suite
vie. Beaucoup sont sensuelles, voire érotiques : prières adressées à Dieu mais aussi
déclaration d’amour à l’aimé. Poètes et philosophes tels que Rabindranath Tagore ont écrit
pour les Bauls. Ceux-ci, plutôt qu'’intellectualiser, préfèrent exprimer les vérités fondamentales de façon directe et poétique. Leur joie et
leur entrain sont contagieux. Ils enchantent en
chantant.
Le groupe Baul Bishwa ("l’univers baul") est
déjà fort célèbre et a conquis de vastes auditoires de par le monde. Il est dirigé, depuis
1992, par Bapi Das Baul, digne héritier de la
huitième génération, d’une des plus célèbres
familles Baul. Il joue de l’ektara (une corde),
du khamak (deux cordes) et du dugi (petite
percussion). Il est entouré d’une flûte bansuri,
d’un luth dotara (quatre cordes), d’un dhol et
d’un khol (deux percussions), d’un violon et
d'un sarangi ainsi que d’une danseuse, car
« on peut entendre son corps sourire comme
on le voit danser ».
Baul Bishwa, ph. Jagriti
Jacques Erwan
MER. 2 MAI 20H30
CHANTS ET MUSIQUES
DES STEPPES
Altaï, Bashkiristan, Touva, Kazakhstan
ALTAÏ chant diphonique
BASHKIRISTAN
Ismurat Il'gakov chant, kuraj (flûte)
TOUVA chant, vièle
KAZAKHSTAN chant, dombra (luth)
52
De la mer Caspienne à la Chine et de la taïga
sibérienne aux oasis ouzbeks, le Théâtre de la
Ville poursuit ses quêtes musicales à travers
les terres dénudées où prédomine la steppe.
Il sillonne et met à l’honneur aujourd'hui des
contrées qui, toutes, appartiennent à la culture
türk : Touva, Altaï, Kazakhstan et Bashkiristan.
Si, linguistiquement, Touvas, Altaïens, Kazakhs
et Bashkirs sont rattachés à la famille altaïque,
proche des langues mongoles, musicalement
ils ont, chacun, développé des spécificités qui
leur étaient communes dans un lointain passé.
Parmi celles-ci, l’extraordinaire maîtrise du
chant diphonique chez les Touvas, capables
d’émettre, par une seule et même voix, deux
ou plusieurs chants à la fois. Bien que cette
forme vocale ait été présente dans toute l’aire
turco-mongole, ce sont les Touvas qui en ont
perfectionné les techniques avec la plus
grande subtilité.
Dans l’Altaï prédomine le kai, autre forme
diphonique où, par l’intermédiaire des voix
aux timbres multiples et des instruments
sacrés (guimbarde, tambour ou bâton de chamane), hommes et esprits se rencontrent.
Les récits épiques de leurs voisins Kazakhs,
accompagnés du dombra (luth), évoquent les
chevauchées équestres des pasteurs no-
mades vivant sous la yourte, ou les valeurs
universelles de la condition humaine (amitié,
fidélité, force…).
Les Bashkirs de l’Oural ont, eux aussi, conservé certains traits culturels propres au türk
mais, aujourd’hui, les véritables tenants de la
tradition se font rares. Il sera d’autant plus
étonnant d’entendre la spécificité de leur
chant diphonique uzliau et le son mélodieux
de leur flûte kuraj.
Une autre façon de parcourir les steppes.
J.M.
d’après un texte de Frédéric Léotar
JEU. 31 MAI 20H30
CHANTS ET MUSIQUES
D’OUZBÉKISTAN
Khorezm, Karakalpakistan
Après la douce et belle voix de Monajat
Yulchieva, issue du Fergana, à l’est de
l’Ouzbékistan, le Théâtre de la Ville propose
avec ce concert de découvrir d’autres joyaux
de ce pays ancré au cœur de l’Asie centrale,
dont les seuls noms de Samarcande,
Boukhara ou Khiva invitent au rêve et au voyage. Ainsi, dans l’ouest du pays, des cultures
traditionnelles sont encore bien vivantes, dans
le Khorezm où des groupes de femmes font
encore entendre leurs voix, et dans le
Karakalpakistan, creuset d’excellents musiciens.
Le Khorezm, désertique depuis longtemps,
conserve cependant de remarquables richesses, comme ces palais et forteresses de
Khiva, la capitale, témoignages directs d’un
passé révolu où, alors fertile oasis arrosée par
l’Amou-Daria qui le traverse, il accueillait les
caravanes remontant de l’ouest vers le nord. À
l’image de ces splendeurs architecturales, la
musique a conservé la trace de ses compositeurs et musicologues du passé, souvent anonymes. Héritières de ce précieux bagage : les
khalfa (khalifa en arabe qui a donné calife en
français), ces maîtresses femmes qui, lisant
l’arabe, remplissent des fonctions religieuses,
cérémoniales et musicales. Chanteuses, danseuses ou instrumentistes professionnelles,
elles laissent transparaître dans leurs voix
graves et puissantes, une indéniable force de
caractère, à l’égal des hommes. Elles puisent
dans le répertoire traditionnel des chants
lyriques et des morceaux cérémoniels (toy) ou
rituels qu’elles interprètent a cappella ou
accompagnées au daf (tambourin) ou bien
encore à l’accordéon.
Plus au nord s’étend le Karakalpakistan, autre
région tout aussi désertique, terre de désolation aux abords d’une mer d’Aral aujourd’hui
en voie d’assèchement. Ghijak (vièle à pique),
nay (flûte) et surtout dotar (luth à long manche
et deux cordes) et vièle kobuz sont les instruments de prédilection d’une musique populaire que les bardes bakhshi, tout à la fois
instrumentistes, chanteurs et conteurs d’histoires d’amour, mystiques ou épiques, diffusent de génération en génération.
J. M.
Ouzbékistan, ph. Theodore Levin
Baul Bishwa
Chérifa, ph. Olivier Chabrillange
MUSIQUES DU MONDE AUX ABBESSES • TARIF D
JEU. 30 NOV. 20H30
CHERIFA “CHEIKHA”
DIM. 3 ET LUN. 4 DÉC. 20H30
Maroc
chant
Femmes poètes d' Afrique et d'Orient
La voix de Cherifa possède la même rugosité
que celles de ses consœurs paysannes de la
montagne. Le peuple berbère, qu’il soit
Imazhigen dans le Moyen-Atlas ou Chleuh
dans le Haut et l’Anti-Atlas, a, par sa noblesse, marqué de son empreinte la musique
marocaine.
Les Cheikhats sont, elles, essentiellement originaires du Moyen-Atlas et de la région de
Beni-Mellal. Certaines sont de grandes chanteuses et prolongent une ancienne tradition
poétique qu’elles ont adaptée au fil du temps.
Cherifa fut découverte, alors qu’elle n’était
qu’une jeune paysanne, par le grand maître et
chanteur Rouicha dont elle sera pendant longtemps la choriste.
Cherifa est une femme d’aspect austère, à
l’émotion retenue et secrète, sa vie de chanteuse professionnelle fait d’elle une voyageuse perpétuelle, la plongeant dans un
mode de vie très différent des femmes marocaines habituelles.
Dans le tamawayt, le genre chanté berbère du
Moyen-Atlas, elle déclame les paroles des
poètes de village, accompagnée du luth lotar
d’Aziz Aarim. La déchirure de la voix alterne
entre sentiments de réjouissance et de souffrance :
« J’ouvre ma bouche pour implorer Dieu et
non pas l’homme qui n’est point mon créateur,
Tel l’oiseau je m’envole et ne reviens à mon
nid qu’après un an d’absence,
Si au moins je pouvais être enterrée avec mon
bien-aimé pour l’aider là où il est,
Mon oreiller, tu es témoin, même si je pose ma
tête sur toi, le sommeil, lui, ne se pose jamais
sur mes yeux. »
Une composition musicale du Moyen-Atlas se
conclut souvent par le rythme de l’ahidous,
cette danse collective qui permet dans les villages à chacun et chacune de s’exprimer, et
où les pieds des danseurs et danseuses
frappent frénétiquement le sol, comme un rite
de retour aux racines et à l’origine d’un peuple
antique.
A. W.
MAKÁM
Hongrie
Irén Lovász chant
Szilvia Bognár chant
Zoltán Krulik direction musicale
composition originale d'après des chants
traditionnels hongrois
« Dans l’une de nos mains, le Nogaj-Tatar, le
Vatyak et le Cheremiss, et dans l’autre, Bach,
Palestrina. Pouvons-nous relier ces mondes
distants ? Pouvons-nous être, entre culture
européenne et asiatique, autre chose qu’un
ferry en eau trouble ? Pouvons-nous être un
pont et peut-être même une terre reliant ces
deux mondes ? Une telle mission devrait nous
occuper un bon millier d’années. »
Zoltán Kodály
Les musiciens de l’ensemble Makám, formé à
Budapest en 1984, relèvent aujourd’hui le défi
que le grand compositeur et musicologue
hongrois lançait au début de ce siècle : créer
ces ponts capables de relier jazz, musique
contemporaine et musique traditionnelle balkanique, orientale, africaine et hongroise.
Depuis quinze ans, le compositeur et cithariste Zoltán Krulik, fondateur et directeur musical de ce groupe au nom persan, conçoit pour
lui une instrumentation moderne où se mêlent
saxophone, contrebasse, piano, violon, guitare, flûte et sanza africaine, derbouka des
Balkans et kaval indien.
Pour leur premier concert à Paris, Iren Lovasz
et Szilvia Bognár prêteront la douceur et la
pureté de leur voix aux sonorités hétéroclites
des sept musiciens. Ces deux jeunes
Hongroises, à l’image de Márta Sebestyén
avec le groupe Muzsikás, consacrent leur
talent à la pérennité des chants traditionnels
hongrois.
Pour savourer ce cocktail musical de sons et
de cultures revivifiant, il suffit de se laisser
porter par le charme délicat et apaisant de
ces voix féminines et de goûter les délices
des multiples parfums diffusés par ces instrumentistes inventifs.
J. M.
53
Coupole… Comme en septembre dernier, lors
du festival de Calvi, sous les voûtes de la
cathédrale. Comble, elle leur réserva une ovation.
U Fiatu Muntese veille sur l’identité insulaire,
comme jadis la citadelle de Calvi, sans pour
autant vivre replié sur lui-même.
LUN. 11 DÉC. 20H30
FELIX LAJKO violon solo Hongrie
jazz
un "génie du violon" inclassable
Un phénomène ! À 26 ans, ce jeune prodige
du violon originaire de Vojvodine, terre hongroise devenue serbe, n’a pas fini d’étonner.
Pour son apprentissage, il fréquente peu les
écoles de musique, privilégiant la voie formatrice des concerts. Il multiplie les rencontres,
se produisant aussi bien avec Noir Désir, Min
Tanaka qu’avec les musiciens du cinéaste
Emir Kusturica ou Alexander Balanescu.
Véritable star en Europe centrale, il enthousiasme un public immédiatement conquis.
Lors de sa dernière apparition en France, la
critique a salué la « phénoménale technique
de l’archet, du son et de la dynamique [de ce]
pyrotechnicien des cordes [sans] programme
[ni] titre, [mais emporté par] un flux ininterrompu, un geyser de notes, un maelström qui
a laissé pantois »*.
Violoniste inspiré, Felix Lajko ne joue pas. Il
est musique, plongé dans une concentration
extrême qui jamais ne se relâche, pour donner
en partage les fulgurances d’une virtuosité
éblouissante. Sans étiquette, ce génie de l’improvisation bouscule avec insolence les frontières du classique, puise brillamment aux
sources du tsigane, s’apaise avec légèreté
dans le minimalisme du contemporain pour
mieux surfer sur le jazz. La générosité du
grand art !
J. E.
LUN. 22 JAN. 20H30
CHANTS ET MUSIQUES DU
GOLFE PERSIQUE
Iran
La musique du golfe Persique porte en elle les
traces subtiles des traditions perses, arabes,
africaines et indiennes. Sur cette terre de
contrastes, entre mer et désert, le mélange
des races et des langues a créé une étonnante diversité.
Ainsi, les naghmeh (mélodies) en langue
arabo-persane, chantent le travail en mer,
louent la force et le courage des rameurs, des
pêcheurs ou des chasseurs de perles.
D’anciennes formes instrumentales sont aussi
présentes dans les chekkis, de sources africaines, où les musiciens au damman (large
tambour en peau de chèvre), au ney anbon
(sorte de cornemuse), au ney djofti (sorte de
double flûte), au dâyéré (percussion), jouent
des pièces polyrythmiques dans lesquelles
chaque instrument suit en toute liberté son
parcours tout en s'harmonisant avec les
autres. Dans les yazlés, proches du blues, on
danse et chante en langue indo-persane, au
rythme du zarb (percussion), la souffrance et
la dureté de la vie des plus humbles, souvent
des descendants d’esclaves assignés aux
travaux les plus durs.
Lors des fêtes, fiançailles et mariages, on
chante sur les tarânés, chansons au rythme vif
et dansé, accompagnées au ney anbon, au
damman, au zarb et au timbour, ou l’on
chante a cappella les poèmes de Zâyer
Mohammad Ali et Sayyed Behmanyaré, deux
poètes contemporains de la région, aujourd’hui disparus.
La musique a aussi pour fonction de guérir :
ainsi durant les zâr, cérémonies de désenvoûtement venues d’Afrique, le guérisseur (le
bâbâ zar ou la mâmâ zar) accompagné par le
timbour, le doghol-gap (percussions), le sornâ
(sorte de hautbois), le damman ou le dâyéré,
fait sortir le mauvais génie.
Autant de traditions et de légendes, transmises de génération en génération, patrimoine précieux véhiculé par la musique que
ce concert exceptionnel ne manquera pas de
retransmettre.
J. M.
* Roland Spenlé, La République du Centre, janv. 2000
SAM. 23 DÉC. 20H30
54
Corse
la jeune garde corse
Canta U Populu Corsu, I Muvrini, Petru
Guelfucci et Voce di Corsica, Jean-Paul Poletti
et le chœur d’hommes de Sartène, A Filetta…
Depuis quelque vingt ans, le Théâtre de la
Ville est fidèle aux voix corses. Mais de nouveaux talents ont germé sur l’île. La jeune
génération assure la relève : elle perpétue,
elle aussi, la tradition du chant corse.
U Fiatu Muntese, composé de six jeunes
gens, est né en 1994 pour « promouvoir la
langue et la culture corses par le biais du
chant ». Des aînés tels que Canta U Populu
Corsu et A Filetta ont, reconnaissent-ils volontiers, contribué à leur insuffler cette passion.
Ils se souviennent qu’en Corse, « autrefois le
chant était l’un des moyens les plus utilisés
dans le domaine de la communication ; on discutait en chantant (impruvisate, chjami è rispondi), on pleurait en chantant (lamenti, voceri)… » On priait aussi en chantant. Un patrimoine qu’ils refusent de laisser tomber en
déshérence.
Héritiers d’une longue tradition, ils chantent
leur terre, la Balagne, située aux environs de
Calvi. Avec subtilité et nuances. Un talent déjà
reconnu par l’Académie des beaux-arts qui,
sous la Coupole, habits verts et garde républicaine, leur a décerné, en 1998, au détriment de leurs vingt-neuf concurrents, le
premier prix de chant choral de la Fondation
Liliane Bettencourt. En cette circonstance, le
prestigieux jury se félicitait « des grandes
qualités vocales mises au service de la
conservation et de la promotion du patrimoine
musical corse de cette jeune formation qui, en
trois années d’existence, a su conjuguer
répertoire sacré et chants traditionnels ». Puis
les polyphonies corses s’élevèrent sous la
Nilou Kaveh
Azerbaïdjan, ph. X, D.R.
U FIATU MUNTESE
ANNIE EBREL
CRÉATION
Bretagne
chant, textes, direction artistique
SAM. 31 MARS 17H
AGA KHAN ABDOULAIEV
chant
Azerbaïdjan
Firouz Aliev tar
Adalat Vazirov kamantché
RICCARDO DEL FRA
contrebasse, composition
une création pour le partage
Métissage. Le mot est à la mode. On se
demande pourquoi. Il désigne en effet un processus naturel et constant depuis la nuit des
temps : toutes les musiques sont métissées.
Plus ou moins. En Bretagne comme ailleurs, le
phénomène est ancien. Alan Stivell, Erik
Marchand et d’autres le perpétuent, en l’accentuant, dans une démarche volontariste.
Éminent contrebassiste italien, compagnon de
Chet Baker, Riccardo Del Fra a rencontré la
chanteuse Annie Ebrel, l’une des plus belles
voix de Bretagne. « D’abord séduit, dit-il, par
le défi que constitue cette musique à la forme
simple, strophique, fondée sur la répétition »,
il s’est attaché à « un véritable travail sur la
forme et le mélange des timbres ». Mariant la
voix bretonne et la contrebasse jazz, le duo
poursuit son chemin. « Je suis persuadé, af firme Riccardo Del Fra, que si la tradition est
forte, on peut mélanger sans se perdre ».
Sage et juste réflexion.
L’aventure aujourd’hui continue. Novateur, le
duo élabore une création pour le Théâtre des
Abbesses. « L’idée, écrivent les deux
complices, est de concevoir une galaxie de
fusion entre le chant populaire breton, des
percussions traditionnelles d’Orient, la clarinette et la clarinette basse, le bugle et la
contrebasse, entre écriture et espaces d’improvisation, dans une esthétique commune,
tout en respectant le langage et la culture de
chacun ». Métissage bien compris donc, « à
la recherche des points communs et, pourquoi pas, des contrastes ».
« Du simple "geste" mélodique au rythme
dans sa pureté primordiale, de la liberté et de
l’aléatoire aux formes précisément structurées, pour une respiration commune, une
attraction réciproque, une vibration unique.
Pour le partage ». Tout est dit.
J. M.
U Fiatu Muntese, ph. X, D.R.
Felix Lajko, ph. X, D.R.
J. E.
Lorsque l’on évoque le chant azéri ou
mugham, on pense aussitôt à la voix prodigieuse d’Alim Qasimov dont la puissance et la
beauté n’ont d’égales que la virtuosité et
l’émotion de son interprétation. Le Théâtre de
la Ville a reçu à plusieurs reprises ce chanteur
d’exception. Poursuivant ses rencontres sur
les routes des pays qui, comme l’Azerbaïdjan,
se sont ouverts après la conquête de leur
indépendance en 1991, il accueille aujourd’hui un autre grand maître du mugham, Aga
Khan Abdoulaiev. Lors des concerts, la voix
de ce professeur émérite, nommé en 1998
"Chanteur populaire de l’Azerbaïdjan indépendant", l’une des plus hautes distinctions du
pays, jaillit avec une aisance et une sobriété
déconcertantes.
Tout comme Alim Qasimov et ses complices,
les frères Mansurov, Aga Khan Abdoulaiev
sera entouré de deux fidèles compagnons
avec lesquels il forme un remarquable trio :
Firouz Aliev au tar (luth à long manche et six
cordes) et Adalat Vazirov au kamantché (vièle
à pique à quatre cordes).
Maître de chant, professeur à l’Académie
musicale ou directeur d’école musicale, ces
musiciens, nés tous trois en 1950 à Bakou, la
capitale, consacrent pleinement leur vie à la
musique. Reconnus dans leur propre pays
mais aussi au-delà de ses frontières, ils sont
devenus les ambassadeurs d’une poésie raffinée et d’une musique issue de la tradition
classique persane dont les possibilités de
création et d’improvisation infinies réjouissent
les mélomanes du monde entier.
Annie Ebrel, Riccardo Del Fra, ph. X, D.R.
LUN. 26 MARS 20H30
55
Susana Baca, ph. Th. Desfontains
Baloutchistan, ph. Kamroz
CHANTS ET MUSIQUES DU
BALOUTCHISTAN Pakistan
Omar de Sor sorud
Ali Mohammad sorud
Habiba chant
Jama tamburag
De part et d’autre de la frontière qui sépare,
au sud, l’Iran et le Pakistan, s’étend la région
âpre et pauvre du Baloutchistan. Véritable
nation à lui seul, le Baloutchistan est peuplé
de bergers et de nomades, sans doute d’origine tsigane, qui défendent avec vigueur la
richesse d’un véritable héritage culturel.
Dans le Makran, extrême sud-est iranien et
extrême sud-ouest pakistanais, la tradition
musicale, apanage d’artistes professionnels,
reste bien vivante. Reflet des conditions de vie
difficiles d’une population particulièrement
attachée à sa liberté, elle est d’une richesse
foisonnante, se singularisant par son instrument de prédilection, le sorud. Cette vièle à
quatre cordes, amplifiée de six à huit cordes
sympathiques, dont la forme élaborée évoque
une tête de mort, s’est développée comme un
art autonome. Omar de Sor et Ali Mohammad,
deux maîtres en la matière, feront entendre
leurs longues plaintes mélancoliques, suaves,
envoûtantes ou féroces, accompagnées par
le bourdon rythmique du luth tamburag de
Jama et ponctuées par le chant shervandi de
Habiba qui exige, comme le souligne Jean
During, « une grande technique vocale, une
parfaite connaissance des modes, un sens du
théâtre et des dons d’improvisation musicale
et oratoire ».
J. M.
SAM. 26 ET LUN. 28 MAI 20H30
SUSANA BACA
chant
Pérou
la diva du Pérou noir
56
un autre Pérou
Susana Baca est péruvienne. Elle est l’héritière de ces esclaves africains qui, au XVIe
siècle, contribuèrent à la mise en valeur du littoral du pays. Un héritage africain que récuse
une majorité de cette population, pourtant de
plus en plus métissée. Collectage, enseignement, interprétation, Susana s’emploie à réhabiliter et pérenniser ce patrimoine. « Il y a une
énorme présence africaine au Pérou », ditelle. On l’appelle "la diva du Pérou noir". De
son enfance dans un quartier populaire de
Lima, elle conserve le souvenir de ces instruments primitifs qu’utilisaient jadis les esclaves : caisse de bois ou mâchoire d’âne…
En fait, Susana Baca croise au confluent de
trois cultures : africaine, andine et espagnole.
Sa musique marie guitare espagnole, polyrythmies africaines et intruments andins.
Son répertoire recèle les perles de cette tradition indigène liée aux rythmes de danse mais
aussi les trésors des compositions qui portent
les mots des poètes espagnols et latino-américains. Sa voix est « douce, profonde et
vibrante ». De la personne de cette femme
rayonnante émanent le charme et la grâce.
Ambassadeur de cette culture afro-péruvienne aux États-Unis suite à sa rencontre
avec David Byrne en 1994, elle l’est aussi en
Europe depuis sa première apparition, en
1997, au Festival d’été de Nantes.
Un autre Pérou. À découvrir.
J. E.
DU MAR. 29 MAI AU VEN. 1er JUIN 20H30
CRISTINA BRANCO
fado
chant
Portugal
après son triomphe aux Abbesses,
un retour attendu
nouveaux plaisirs
Sous le charme, le public des Abbesses, la
saison dernière, ne la laissait pas quitter la
scène. Lors de la remise de son "Choc" du
Monde de la Musique, elle chanta, et sur le
visage d’Alfred Brendel et des musiciens présents se lisaient les marques du ravissement.
Cristina Branco nous revient pour de nouveaux plaisirs. En route pour la gloire, cette
jeune femme fera à nouveau escale aux
Abbesses pour célébrer cette pathétique liturgie du fado.
Cristina Branco est l’une de ces grandes voix
qui, sans inutiles artifices, expriment l’âme de
toute une communauté. Elle sait intérioriser
ces « sentiments de passion, d’exil et de solitude » qui irriguent le fado, et les traduire avec
sincérité et une grâce unique en un chant au
bord du déchirement. Et même quand elle
s’émancipe de ce genre, ces qualités demeurent.
Pour cette nouvelle série de récitals, Cristina
Branco lestera sans doute son répertoire de
quelques inédits.
J. E.
Cristina Branco, ph. René Robert
LUN. 21 MAI 20H30
Théâtre de la Ville mode d'emploi
photos Birgit
2 théâtres, 1 service public
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
2 PL. DU CHÂTELET PARIS 4
31 RUE DES ABBESSES PARIS 18
prix des places
location
• programme distribué par les hôtesses
d’accueil
• pourboire interdit
• places numérotées
QUAND RÉSERVER ?
• LOCATION PRIORITAIRE
TARIF A théâtre, danse
1re catégorie......... 140 F
2e catégorie ......... 95 F
• LOCATION NORMALE
TARIF B théâtre, danse
Pierre pour mémoire, Monnaie de
singes, Bernardo Montet, Sidi Larbi
Cherkaoui, Samuel Louwyck, Christophe
Haleb, Guesh Patti, Salia Sanou
tarif unique ........... 85 F
TARIF C danse
Gilles Jobin, La Ribot, Lynda Gaudreau,
Jérôme Bel, danse au Théâtre de la
Ville plateau ou coupole
places non numérotées :
tarif unique ........... 70 F
TARIF D musique, musiques du monde,
chanson
tarif unique ........... 95 F
TARIF exceptionnel
Pina Bausch
1re catégorie ....... 190 F
2e catégorie ........ 140 F
TARIFS préférentiels
"Jeunes dans la journée"
• moins de 27 ans ou étudiant
• valables pour 2 places (1 seul justificatif demandé)
• uniquement aux caisses, le jour de la
représentation, dès leur ouverture
• TARIFS A, B, D : 70 F • TARIF C : 50 F
abonnements, cartes :
28 jours à l'avance, jour pour jour
(7 jours de location réservée)
21 jours à l'avance, jour pour jour
COMMENT RÉSERVER ?
par téléphone 01 42 74 22 77
du lundi au samedi de 11h à 19h
(paiement possible par carte bancaire)
• aux caisses :
THÉÂTRE DE LA VILLE
2 place du Châtelet, Paris 4
du mardi au samedi de 11h à 20h
(lundi de 11h à 19h)
LES ABBESSES
31 rue des Abbesses, Paris 18
du mardi au samedi de 17h à 20h
• par correspondance :
2 pl. du Châtelet 75180 Paris Cedex 04
RENSEIGNEMENTS
tél. 01 42 74 22 77
minitel 3615 THEAVILLE
www.theatredelaville-paris.com
57
calendrier
SEPTEMBRE 2000
LU 25
MA 26
ME 27
JE 28
VE 29
SA 30
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30
20h30
Les Pensionnaires
Les Pensionnaires
Les Pensionnaires
Les Pensionnaires
Les Pensionnaires
Le Réformateur
Le Réformateur
Le Réformateur
OCTOBRE 2000
DI 1
LU 2
MA 3
ME 4
JE 5
VE 6
SA 7
DI 8
LU 9
MA 10
ME 11
JE 12
VE 13
SA 14
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30 mat 15 h u
Les Pensionnaires u
20h30 mat 15 h u
Les Pensionnaires
Les Pensionnaires
Les Pensionnaires
Les Pensionnaires
Les Pensionnaires
Les Pensionnaires u
Le Réformateur
Le Réformateur
Le Réformateur
Le Réformateur
Le Réformateur
Le Réformateur u
Les Pensionnaires
Les Pensionnaires
Les Pensionnaires
Les Pensionnaires
Piotr Anderszewski 17h
Les Pensionnaires
DI 15 Chaurasia 11h
Les Pensionnaires u
LU 16 Chaurasia
MA 17 Les Pensionnaires
ME 18 Les Pensionnaires
JE 19 Les Pensionnaires
VE 20 Les Pensionnaires
SA 21 Les Pensionnaires
DI 22
LU 23
MA 24
ME 25
JE 26
VE 27
SA 28
DI 29
LU 30
MA 31
Les Pensionnaires u
Thayambaka
Les Pensionnaires
Les Pensionnaires
Les Pensionnaires
Les Pensionnaires
Les Pensionnaires
Le Réformateur
Le Réformateur
Le Réformateur
Le Réformateur
Le Réformateur
La Ribot 19h301er prog.
Gilles Jobin 21h 1er prog
La Ribot 19h30 1er prog.
Gilles Jobin 21h 1er prog
La Ribot 19h30 1er prog.
Gilles Jobin 21h 1er prog
La Ribot 19h30 1er prog.
Gilles Jobin 21h 1er prog
Marc Coppey 17h
La Ribot 19h30 1er prog.
Gilles Jobin 21h 1er prog
Lynda Gaudreau 1er prog.
Lynda Gaudreau 1er prog.
Lynda Gaudreau 1er prog.
Lynda Gaudreau 1er prog.
Lynda Gaudreau 1er prog.
it…
a Nu
ns L
io
it
t
répé
NOVEMBRE 2000
ME
JE
VE
SA
DI
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30
20h30 mat 15 h u
1
2 Jan Lauwers
3 Jan Lauwers
4 Jan Lauwers
5
it…
a Nu
ns L
io
it
t
répé
NOVEMBRE/
suite
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30
20h30 mat 15 h u
LU 6
MA 7
ME 8
JE 9 François Verret
VE 10 François Verret
SA 11 Fabio Biondi 17h
François Verret
DI 12
LU 13
MA 14 Jan Fabre
ME 15 Jan Fabre
JE 16 Mohammed Bajeddoub
VE 17 Jan Fabre
SA 18 Takács/Madzar 17h
Jan Fabre
DI 19
LU 20
MA 21 Wim Vandekeybus 1er prog.
ME 22 Wim Vandekeybus 1er prog.
JE 23 Wim Vandekeybus 1er prog.
VE 24 Wim Vandekeybus 1er prog.
SA 25 Sabahat Akkiraz 17h
Wim Vandekeybus 1er prog.
DI 26
LU 27
MA 28 Edouard Lock/La La La…
ME 29 Edouard Lock/La La La…
JE 30 Edouard Lock/La La La…
La Nuit juste avant…
La Nuit juste avant…
La Nuit juste avant…
La Nuit juste avant…
La Nuit juste avant…
La Nuit juste avant… u
La Nuit juste avant…
La Nuit juste avant…
La Nuit juste avant…
La Nuit juste avant…
La Nuit juste avant…
Lynda Gaudreau 2e prog.
Lynda Gaudreau 2e prog.
Lynda Gaudreau 2e prog.
Quintana/Frisch 17h
Lynda Gaudreau 2e prog.
Pierre, pour mémoire
Pierre, pour mémoire
Cherifa "Cheikha"
DECEMBRE 2000
THEATRE DE LA VILLE
20h30 mat 15 h u
VE 1 Edouard Lock/La La La…
SA 2 O. M. Amartichitt 17h
Edouard Lock/La La La…
DI 3
LU 4
MA 5
ME 6 Bernardo Montet
JE 7 Kremer/Maisenberg
VE 8 Bernardo Montet
SA 9 Regina Carter 17h
Bernardo Montet
DI 10
LU 11
MA 12
ME 13
JE 14
VE 15 Sankai Juku 1er prog.
SA 16 Sankai Juku 1er prog.
DI 17 Sankai Juku 1er prog. u
LU 18
MA 19 Sankai Juku 1er prog.
ME 20 Sankai Juku 1er prog.
JE 21 Sankai Juku 1er prog.
VE 22
SA 23
DI 24
LU 25
MA 26
ME 27 Sankai Juku 2e prog.
JE 28 Sankai Juku 2e prog.
VE 29 Sankai Juku 2e prog.
SA 30 Sankai Juku 2e prog.
DI 31
LES ABBESSES
20h30 mat 15 h u
Pierre, pour mémoire
A. Schoonderwoerd 17h
Pierre, pour mémoire
Makám
Makám
Pierre, pour mémoire
Pierre, pour mémoire
Pierre, pour mémoire
Pierre, pour mémoire
Pierre, pour mémoire
Pierre, pour mémoire u
Felix Lajko
Pierre, pour mémoire
Pierre, pour mémoire
Pierre, pour mémoire
e
atoir Paris
serv
Con rieur de
supé
Jérôme Bel 1er prog.
Jérôme Bel 1er prog.
Jérôme Bel 1er prog.
Jérôme Bel 1er prog.
U Fiatu muntese
Kazuo Ohno
Kazuo Ohno
FEVRIER/
JANVIER 2001
THEATRE DE LA VILLE
20h30
1
2
3
4 Jérôme Bel 2e prog.
5 Jérôme Bel 2e prog.
6 Romano Kokalo 17h
Jérôme Bel 2e prog.
DI 7
LU 8
MA 9
ME 10 Rui Horta
JE 11 Rui Horta
VE 12 Rui Horta
SA 13 Niladri Kumar 17h
Rui Horta
DI 14
LU 15
MA 16
ME 17
JE 18 Lear
VE 19 Lear
SA 20 Nelson Freire 17h
Lear
DI 21
LU 22
MA 23 Lear
ME 24 Lear
JE 25 Omar Sarmini
VE 26 Lear
SA 27 Alexandre Tharaud 17h
Lear
DI 28
LU 29 Mohammad Aman
MA 30 Lear
ME 31 Lear
LU
MA
ME
JE
VE
SA
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30 mat 15 h u
20h30 mat 15 h u
20h30
es
hant
Bakk
s
n
titio
répé
LU 26
MA 27
ME 28 Combat de nègre
et de chiens
Vandekeybus 2e prog.
Vandekeybus 2e prog.
MARS 2001
THEATRE DE LA VILLE
Bakkhantes
Bakkhantes
Bakkhantes
Bakkhantes
Scholl/Karamazov 17h
Bakkhantes
Scholl/Karamazov 17h
Bakkhantes
Bakkhantes
Bakkhantes
Bakkhantes
Bakkhantes
Bakkhantes u
Golfe persique
Bakkhantes
Bakkhantes
Bakkhantes
Bakkhantes
Bakkhantes
Jean-Claude Dreyfus
Jean-Claude Dreyfus
FEVRIER 2001
THEATRE DE LA VILLE
suite
LES ABBESSES
LES ABBESSES
20h30 mat 15 h u
20h30
JE 1 O.S. Thiyagarajan
Jean-Claude Dreyfus
VE 2 Lear
Jean-Claude Dreyfus
SA 3 Tetzlaff/Vogt 17h
Lear
Jean-Claude Dreyfus
DI 4 Lear u
LU 5
MA 6 Lear
ME 7 Lear
Sidi Larbi Cherkaoui
JE 8 Lear
Sidi Larbi Cherkaoui
VE 9 Lear
Sidi Larbi Cherkaoui
SA 10 Lear
Sidi Larbi Cherkaoui
DI 11
LU 12
MA 13 La Ribot 2e prog. 21h coupole
s
ME 14 La Ribot 2e prog. 21h coupole
tition
répé ekeybus
JE 15 La Ribot 2e prog. 21h coupole
d
n
Va
VE 16 La Ribot 2e prog. 21h coupole
SA 17 La Ribot 2e prog. 21h coupole
DI 18
LU 19
MA 20 Olga Mesa 21h coupole
s
ME 21 Olga Mesa 21h coupole
tition
répé ekeybus
JE 22 Olga Mesa 21h coupole
d
Van
VE 23 Olga Mesa 21h coupole
SA 24 Olga Mesa 21h coupole
DI 25
20h30 mat 15 h u
JE 1 Combat de nègre…
VE 2 Combat de nègre…
SA 3 Combat de nègre…
DI 4
LU 5
MA 6
ME 7
JE 8
VE 9
SA 10
DI 11
LU 12
MA 13
ME 14
JE 15
VE 16
SA 17
DI 18
LU 19
MA 20
ME 21
JE 22
VE 23
SA 24
DI 25
LU 26
MA 27
ME 28
JE 29
VE 30
SA 31
Afghanistan
Combat de nègre…
Combat de nègre…
Combat de nègre…
Combat de nègre…
Mourja/Canino 17h
Combat de nègre…
Combat de nègre… u
Aïcha Redouane
Combat de nègre…
Combat de nègre…
Combat de nègre…
Combat de nègre…
Ullhas Kashalkar 17h
Combat de nègre…
Mathilde Monnier
Mathilde Monnier
Mathilde Monnier
Mathilde Monnier
Mathilde Monnier
De Keersmaeker
De Keersmaeker
De Keersmaeker
De Keersmaeker
Musica Antiqua Köln 17h
De Keersmaeker
LES ABBESSES
20h30
Vandekeybus 2e prog.
Vandekeybus 2e prog.
St Lawrence… 17h
Vandekeybus 2e prog.
Samuel Louwyck
Samuel Louwyck
Samuel Louwyck
Samuel Louwyck
Samuel Louwyck
Christophe Haleb
Christophe Haleb
Christophe Haleb
Christophe Haleb
Christophe Haleb
Philippe Meyer
Philippe Meyer
Philippe Meyer
Philippe Meyer
Manze/Egarr 17h
Philippe Meyer
Ebrel/Del Fra
Philippe Meyer
Philippe Meyer
Philippe Meyer
Philippe Meyer
A. Khan Abdoulaiev 17h
Philippe Meyer
en noir = théâtre, danse
en rouge = musique
AVRIL - MAI - JUIN
MAI/
AVRIL 2001
DI 1
LU 2
MA 3
ME 4
JE 5
VE 6
SA 7
DI 8
LU 9
MA 10
ME 11
JE 12
VE 13
SA 14
DI 15
LU 16
MA 17
ME 18
JE 19
VE 20
SA 21
THEATRE DE LA VILLE
20h30
Kronos Quartet
20h30 mat 15 h u
Philippe Meyer u
20h30
Sasha Waltz 1er prog.
Sasha Waltz 1er prog.
Sasha Waltz 1er prog.
Sasha Waltz 1er prog.
e
is
atoir
serv r de Par
n
o
C rieu
supé
ME 23
60
JE 24
VE 25
plateau
plateau
plateau
plateau
plateau
V. Mantero 19h30 coupole
Robyn Orlin 21h plateau
V. Mantero 19h30 coupole
atti
Robyn Orlin 21h plateau
sh P
Gue
s
n
V. Mantero 19h30 coupole
titio
répé
Robyn Orlin 21h plateau
V. Mantero 19h30 coupole
Robyn Orlin 21h plateau
V. Mantero 19h30 coupole
Robyn Orlin 21h plateau
Guesh Patti
Guesh Patti
Guesh Patti
Guesh Patti
Guesh Patti
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30
20h30 mat 15 h u
Steppes
e
atoir Paris
serv
Con rieur de
supé
Ea Sola
Ea Sola
Ea Sola
Staier/Madzar 17h
Ea Sola
Sasha Waltz 2e prog.
Sasha Waltz 2e prog.
Sasha Waltz 2e prog.
Sasha Waltz 2e prog.
Sasha Waltz 2e prog.
in
. Job
ns G
io
it
t
répé
Gilles Jobin 2e prog.
Gilles Jobin 2e prog.
Gilles Jobin 2e prog.
Gilles Jobin 2e prog.
Gilles Jobin 2e prog.
Monnaie de singes
Monnaie de singes
Monnaie de singes
Monnaie de singes
Monnaie de singes
Monnaie de singes u
LES ABBESSES
20h30 mat 15 h u
Baloutchistan
X. Le Roy 19h30 coupole Monnaie de singes
Robbe/Dècina 21h plateau
X. Le Roy 19h30 coupole
Robbe/Dècina 21h plateau Monnaie de singes
X. Le Roy 19h30 coupole
Robbe/Dècina 21h plateau Monnaie de singes
X. Le Roy 19h30 coupole
Robbe/Dècina 21h plateau Monnaie de singes
X. Le Roy 19h30 coupole
Robbe/Dècina 21h plateau Susana Baca
DI 27
LU 28
MA 29
ME 30
JE 31 Ouzbékistan
MAI 2001
DI 13
LU 14
MA 15
ME 16
JE 17
VE 18
SA 19
DI 20
LU 21
MA 22
SA 26
Robyn Orlin 21h
Robyn Orlin 21h
Robyn Orlin 21h
Robyn Orlin 21h
Robyn Orlin 21h
DI 22
LU 23
MA 24 A. Buffard 19h30 coupole
ME 25 A. Buffard 19h30 coupole
JE 26 A. Buffard 19h30 coupole
Needcompany's King Lear
VE 27 A. Buffard 19h30 coupole
Needcompany's King Lear
SA 28 Cantus Cölln 17h
A. Buffard 19h30 coupole
Needcompany's King Lear
DI 29
LU 30 Baul Bishwa
MA 1
ME 2
JE 3
VE 4
SA 5
DI 6
LU 7
MA 8
ME 9
JE 10
VE 11
SA 12
suite
LES ABBESSES
THEATRE DE LA VILLE
Susana Baca
Cristina Branco
Cristina Branco
Cristina Branco
JUIN 2001
VE 1
SA 2
DI 3
LU 4
MA 5
ME 6
JE 7
VE 8
SA 9
DI 10
LU 11
MA 12
ME 13
JE 14
VE 15
SA 16
DI 17
LU 18
MA 19
ME 20
JE 21
VE 22
SA 23
DI 24
LU 25
MA 26
ME 27
JE 28
VE 29
SA 30
THEATRE DE LA VILLE
LES ABBESSES
20h30
20h30
Cristina Branco
Pina Bausch 1er prog.
Pina Bausch 1er prog.
Pina Bausch 1er prog.
Pina Bausch 1er prog.
Pina Bausch 1er prog.
Pina Bausch 1er prog.
Pina Bausch 1er prog.
Salia Sanou
Salia Sanou
Salia Sanou
Salia Sanou
Salia Sanou
Daniel Larrieu
Daniel Larrieu
Daniel Larrieu
Daniel Larrieu
Daniel Larrieu
Pina Bausch 2e prog.
Pina Bausch 2e prog.
Pina Bausch 2e prog.
Pina Bausch 2e prog.
Pina Bausch 2e prog.
e
atoir Paris
serv
Con rieur de
supé
www.theatredelaville-paris.com
les abonnements
les abonnements
les cartes
abonnements
INDIVIDUELS
RELAIS
INDIVIDUELS
4 FORMULES
3 FORMULES THEATRE/DANSE à 4 spectacles minimum
à 10 spectacles minimum
à 3 spectacles minimum "jeune"
1 FORMULE MUSIQUE/MUSIQUES DU MONDE/CHANSON
passeport musical : 8 places minimum, 4 programmes minimum
avantages
l tarifs
préférentiels
abonnement
abonnement
4 spect.
10 spect.
jeunes
pass. mus.
tarif normal
TARIF A
90 F
70 F
70 F
140 F
réductions importantes TARIF B
sur le prix des places
selon les programmes TARIF C
et les formules choisis. TARIF D
70 F
60 F
60 F
85 F
50 F
50 F
50 F
70 F
60 F
TARIF except. 140 F 120 F 120 F
95 F
190 F
l journal
service à domicile du journal du Théâtre de la Ville
(4 numéros par saison) donnant toutes informations
(textes et photos) sur les spectacles présentés.
l librairie, disques
tarifs préférentiels sur les disques et les livres vendus
après les spectacles.
l avantages
"hors abonnement"
tarifs préférentiels abonnement
4 spect.
hors abonnement TARIF A 1 cat. 90 F
10 spect.
jeunes
pass. mus.
70 F
70 F
70 F
70 F
70 F
90 F
70 F
140 F
95 F
TARIF B
70 F
60 F
60 F
70 F
85 F
TARIF C
50 F
50 F
50 F
50 F
70 F
TARIF D
70 F
70 F
70 F
60 F
95 F
TARIF except. 140 F 120 F 120 F
140 F
190 F
re
chaque abonné(e)
bénéficie de 2 places
à tarif préférentiel
“hors abonnement”
pour tous les spectacles
dans la limite des
places disponibles.
2e cat.
tarif normal
l location
prioritaire 28 JOURS, JOUR POUR JOUR avant celui de la
hors abonnement représentation (7 jours de location réservée).
souscription des abonnements
• par correspondance (vivement recommandée) en utilisant les formulaires
ci-joints.
• aux caisses du Théâtre de la Ville, 2 place du Châtelet Paris 4.
abonnements
RELAIS ET RELAIS "JEUNES"
devenez relais
Vous devenez relais en prenant l'initiative de regrouper au minimum 10 personnes intéressées à souscrire un abonnement au Théâtre de la Ville.
Les relais sont les interlocuteurs privilégiés du Théâtre de la Ville.
au service des relais
l renseignements
RELATIONS AVEC LE PUBLIC (relais) : tél. 01 48 87 54 42
Lydia Gaborit, responsable du service ; Florence Thoirey-Fourcade
Isabelle Krich, secrétariat
RELATIONS PUBLIQUES "JEUNES" : tél. 01 48 87 54 42
(relais jeunes, étudiants, enseignement)
Isabelle-Anne Person, Valérie Bonnotte
l location relais (à partir du 5 juin)
pour la prise d'abonnement, s'adresser au SERVICE LOCATION RELAIS
tél. 01 48 87 43 05, fax 01 48 87 09 81
Marie Katz, responsable du service ; Ariane Bitrin
3 FORMULES
1 FORMULE THEATRE/DANSE RELAIS
à 3 spectacles minimum, 10 personnes minimum
1 FORMULE THEATRE/DANSE RELAIS "JEUNES" (– de 27 ans ou étudiant)
à 3 spectacles minimum, 10 personnes minimum
1 FORMULE MUSIQUE/MUSIQUES DU MONDE/CHANSON RELAIS ET RELAIS "JEUNES"
passeport musical : 30 places minimum, 3 programmes minimum
avantages
l tarifs
préférentiels
abonnement
abonnement
relais
relais jeunes
TARIF A
réductions importantes TARIF B
sur le prix des places
selon les programmes TARIF C
et les formules choisis. TARIF D
70 F
60 F
140 F
60 F
60 F
85 F
50 F
50 F
70 F
TARIF except.
l choix des meilleures
1re catégorie.
pass.mus
60 F
120 F
120 F
tarif normal
95 F
190 F
places
l avantages "relais"
le relais reçoit régulièrement divers documents (journal du Théâtre de la Ville,
tracts, affichettes…).
le relais peut, en collaboration avec les services du Théâtre de la Ville, bénéficier d’invitations à des spectacles, de textes de pièces, de disques, participer
à des rencontres avec les artistes, effectuer des visites du théâtre…
l une carte d'abonnement personnalisée par abonné(e)
si le relais le souhaite, il fournit au Théâtre de la Ville les noms et adresses de
ses abonnés.
cette carte d’abonnement personnalisée permet de bénéficier des avantages de la carte "Places à deux" (p.63) : tarifs préférentiels, location prioritaire, service à domicile du journal.
62
cartes
INDIVIDUELLES
2 FORMULES
PLACES A DEUX
140 F la carte (valable pour 2 personnes)
PLACES AUX JEUNES
50 F la carte (valable pour 2 personnes)
(– de 27 ans ou étudiant)
avantages
l tarifs
préférentiels
cartes
cartes
TARIF A
valables pour 2 places
pour chaque spectacle
TARIF B
dans la limite des
places disponibles.
TARIF C
re
1 cat.
2e cat.
TARIF D
TARIF except.
places à deux
places aux jeunes
tarif normal
90 F
70 F
70 F
70 F
140 F
95 F
70 F
70 F
85 F
50 F
50 F
70 F
70 F
70 F
95 F
140 F
140 F
190 F
l journal
service à domicile du journal du Théâtre de la Ville
(4 numéros par saison) donnant toutes informations
(textes et photos) sur les spectacles présentés.
l librairie, disques
tarifs préférentiels sur les disques et les livres vendus
après les spectacles.
l location
prioritaire 5 SEMAINES JOUR POUR JOUR avant celui de la
représentation (14 jours de location réservée),
par correspondance et uniquement pour les cartes
"Places à deux".
28 JOURS, JOUR POUR JOUR avant celui de la
représentation (7 jours de location réservée).
carte liberté
RELAIS ET RELAIS "JEUNES"
réservée aux comités d'entreprise, associations et bureaux d'élèves.
prix de la carte Liberté relais 500 F • Liberté relais "jeune" 250 F
l tarifs
préférentiels
carte Liberté
cette carte permet d’étendre le bénéfice du tarif :
• "groupe" (pour les relais),
• "Place aux jeunes" (pour les relais jeunes)
à une location sans contrainte de nombre fixe de places par représentation
dans la limite des places disponibles.
groupe
RELAIS ET RELAIS "JEUNES"
au minimum 10 personnes pour une sortie groupe.
l tarifs
préférentiels
groupe
relais : identiques à ceux de la carte "Places à deux" (ci-dessus)
relais "jeunes" : 60 F tarifs A, B, D • 50 F tarif C
63
partenariats
l'équipe
France Culture
Gérard Violette directeur
14 prog. danse – 8 prog. théâtre
Brigitte Giuliani
théâtre
Le Réformateur, Pierre pour mémoire,
Lear, Needcompany's King Lear,
Bakkhantes
danse
danse aux Abbesses et sur le plateau ou en coupole au Théâtre de
la Ville
musiques du monde
enregistrement et diffusion
de 5 concerts
ARTISTIQUE
Serge Peyrat
France Inter
Antoine Violette
Thomas Erdos
Jacques Erwan
Georges Gara
Irena Filiberti
assistante de direction
directeur adjoint
à la programmation
directeur technique
à la communication
conseiller artistique
conseiller chanson
conseiller musique
conseillère danse
COMMUNICATION
Anne-Marie Bigorne secrétaire générale
Jacqueline Magnier relations presse, publicité
et documentation
Marie-Laure Violette relations presse, iconographie
Elisa Santos
invitations
RELATIONS AVEC LE PUBLIC
Lydia Gaborit
responsable du service
Florence Thoirey-Fourcade assistante
8 prog.
théâtre
Les Pensionnaires,
la Nuit juste avant les forêts,
Combat de nègre et de chiens
danse
Edouard Lock, Mathilde Monnier,
Anne Teresa De Keersmaeker,
Sasha Waltz, Pina Bausch
Robert Doizon
conseiller
RELATIONS PUBLIQUES "JEUNES"
(étudiants, enseignement…)
Isabelle-Anne Person
Valérie Bonnotte
assistante
LOCATION
Marie Katz
Ariane Bitrin
responsable du service
assistante
ACCUEIL
Natacha Reese
responsable du service
ACCUEIL DES ABBESSES
Delphine Dupont
FIP
danse
François Verret, Sankai Juku
musique
Kronos Quartet
RFI
enregistrement de 3 ou 4 concerts
et partenariat sur une dizaine
d'autres
Radio Classique
musique
enregistrement de 17 concerts
musiques du monde
enregistrement de 7 à 8 concerts
TECHNIQUE
Jean Sayous
directeur de production,
responsable des services
artistiques et techniques
Serban Boureanu
directeur technique
Jean-Michel Vanson régisseur général
Jean-Marie Marty régisseur
Claude Lecoq
chef de plateau
Jean-Claude Paton sous-chef machiniste
Manuel Sanchez
chef cintrier
Frédéric Duplessier chef électricien
Charles Deligny
sous-chef électricien
Didier Hurard
chef accessoiriste
Pierre Tamisier
chef service son
Alain Frouin
régisseur du son
Sylvie Mouchenik
chef habilleuse
TECHNIQUE DES ABBESSES
Alain Szlendak
régisseur général
Patrice Guillemot
régisseur adjoint
Georges Jacquemart
régisseur son
ADMINISTRATION
Michael Chase
administrateur
Carole Boittin
gestion financière et comptable
Marie-Christine Chastaing chef service paie
ENTRETIEN SÉCURITÉ
Jacques Ferrando
Jean-Claude Riguet
Birgit
photographe
IMPRIMERIE
Robert Ainaud
ISSN 0248-8248
DIRECTION, ADMINISTRATION :
16 quai de Gesvres 75180 Paris Cedex 04, Tél. : 01 48 87 54 42
directeur de la publication : Gérard Violette
maquette : Maurice et Juliette Constantin ; correcteur : Philippe Bloch
Imprimerie Mussot : 8 rue des Lilas 93189 Montreuil Cedex
Tél. : 01 48 18 22 50
couverture : photos D. Mayenfisch, M. Enguerand,
R. Besenval, C. Masson/Enguerand, I. Meister,
A. Yanez, J.-P. Lozouet, M. Swinnen, X D.R.
dos de couverture : photos C. Steiner, M. Zölle, M.
Slobodian, S. Rao, J. Gorospe, J. Tuna
64
THEATRE DE LA VILLE 2 PL. DU CHATELET PARIS 4 TEL 01 42 74 22 77