Booklet 2000-2001 - Théâtre de la Ville
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Booklet 2000-2001 - Théâtre de la Ville
SAISON2OOO2OO1 façons de vivre, façons de penser toujours public 1999/2000, plus de 200 000 spectateurs. La saison 2000/2001 du Théâtre de la Ville et des Abbesses – la 33e pour le premier et la 5e, déjà, pour le second – débutera le 26 septembre pour se terminer le 23 juin. 375 représentations, 94 programmes, 29 créations… Des chiffres qui parlent et se passent de commentaires. Toujours les mêmes principes, mais à chaque saison sa personnalité. D’année en année, la politique suivie s’affirme, fait ses preuves et justifie son financement par l’argent public, en l’occurrence celui des Parisiens via la Mairie de Paris. Diversité des programmes, cohérence de l’ensemble. Nouvel équilibre entre théâtre et danse – la danse, majoritaire (37 programmes, 179 représentations). Une meilleure complémentarité entre les deux théâtres. La recherche constante du choix du meilleur lieu pour chaque programme. sens obligatoires De nos jours, le théâtre, la danse, la musique, les arts plastiques se métissent et s’enrichissent mutuellement. Le "pur" se fait rare et fait presque "mauvais genre". Plus que jamais, le théâtre et la danse sont en quête de sens, pour vivre et pour penser. Les "ouvertures" donnent le ton. Les Pensionnaires de Jérôme Deschamps et Macha Makeieff, le Réformateur de Thomas Bernhard. Jan Lauwers avec les danseurs de Forsythe, François Verret, Jan Fabre… Aux Abbesses Gilles Jobin, La Ribot, Lynda Gaudreau, Jérôme Bel. La musique toujours à 17h – toujours d’excellents interprètes –, toujours des programmes choisis en toute liberté, loin des "lois du marché". Les musiques du monde, nullement "mondialisées" – toujours bon nombre de découvertes et de concerts rares. 2, c’est mieux Pour mieux comprendre, pour mieux apprécier. Le Théâtre de la Ville n’est ni un festival, ni une vitrine ; il n’est pas fort en thème, déteste les "coups" et aime les trajectoires. 2 Lear, 2 Koltès, 2 programmes pour Wim Vandekeybus, Sankai Juku, Sasha Waltz, Pina Bausch… mais également pour Gilles Jobin, La Ribot, Lynda Gaudreau, Jérôme Bel. autres danses, autrement, autre part « Il existe des gens qui tirent les conséquences de leur époque et d’autres qui ne savent pas les tirer » déclarait Pierre Boulez dans le journal Le Monde du 24 mars 2000. Depuis quelque temps, des danseurs, des chorégraphes, jeunes et moins jeunes, mais tous expérimentés, s’interrogent, interrogent le corps, la représentation, leur statut, les règles du jeu, contestent, revendiquent, cherchent… trouvent, parfois. Des gens de leur époque – indispensables pour la danse en son état actuel. Leur démarche très personnelle, et souvent radicale, impose un nouveau rapport entre artistes et publics. À cet effet, en plus des Abbesses, le plateau et la coupole (salle de répétition) du Théâtre de la Ville seront ponctuellement aménagés. Pour public averti, pratiquant, curieux, disponible… En un mot, pour public de rêve ! Opinions contrastées, avis partagés garantis. France Culture, qui justifie son nom, a décidé de s’associer pour "faire entendre" cette danse-là. tout cela n’a pas de prix Il faut cependant les fixer. Simplification et normalisation des différents tarifs. Baisse même de certains, pour justifier encore plus le service public. 70 F pour ces autres danses, 50 F même pour les abonnés. À ce prix-là, l’aventure devient une affaire ! 3, c’est bien Le Théâtre de la Ville a 3 sites : 1 site Internet, www.theatredelaville-paris.com, pour communiquer et s’informer. 2 sites "uniques", 2placeduchatelet.paris, 31ruedesabbesses.montmartre pour se divertir et s’enrichir, mais, contrairement à Internet, pour les fréquenter il faut se déplacer, histoire de rester vivant ! un rappel – un conseil Sans les abonnés, qui s’engagent longtemps à l’avance auprès des artistes, pas de créations, pas de découvertes… Merci à eux. Prenez connaissance attentivement des programmes proposés. Après, mais après seulement, faites vos jeux. le directeur Gérard Violette théâtre THEATRE AU THEATRE DE LA VILLE CHANSON-THEATRE AUX ABBESSES DU 26 SEPT. AU 28 OCT. DU 30 JAN. AU 3 FÉV. LES PENSIONNAIRES Jérôme Deschamps et Macha Makeieff JEAN-CLAUDE DREYFUS De porc en port création DU 20 MARS AU 1er AVRIL PHILIPPE MEYER DU 18 JAN. AU 10 FÉV. LEAR création Edward Bond Christophe Perton mise en scène Paris la Grande création DU 28 FÉV. AU 17 MARS COMBAT DE NÈGRE ET DE CHIENS création Bernard-Marie Koltès Jacques Nichet mise en scène danse DANSE AU THEATRE DE LA VILLE DU 26 AU 28 AVRIL NEEDCOMPANY’S KING LEAR Shakespeare Jan Lauwers mise en scène Carlotta Sagna chorégraphie 2, 3, 4 NOV. JAN LAUWERS DjamesDjoyceDead création DU 9 AU 11 NOV. FRANÇOIS VERRET création création 14, 15, 17, 18 NOV. JAN FABRE THEATRE AUX ABBESSES As long as the world needs a warrior’s soul création DU 21 AU 25 NOV. 1er PROG. DU 28 SEPT. AU 14 OCT. LE RÉFORMATEUR Thomas Bernhard André Engel mise en scène WIM VANDEKEYBUS DU 28 NOV. AU 2 DÉC. EDOUARD LOCK LA LA LA HUMAN STEPS DU 7 AU 18 NOV. LA NUIT JUSTE AVANT LES FORÊTS création Bernard-Marie Koltès Kristian Frédric mise en scène Salt reprise 6, 8, 9 DÉC. BERNARDO MONTET création Dissection d’un homme armé SANKAI JUKU DU 28 NOV. AU 14 DÉC. PIERRE, POUR MÉMOIRE Anne-Marie Roy François Duval adaptation, mise en scène et interprétation USHIO AMAGATSU 15, 16, 17, 19, 20, 21 DÉC. 1er PROG. création création 27, 28, 29, 30 DÉC. 2e PROG. Hibiki reprise 4, 5 ET 6 JAN. 2e PROG. DU 9 AU 27 JAN. BAKKHANTES création Omar Porras mise en scène JÉRÔME BEL The show must go on d’après les Bacchantes d’Euripide DU 10 AU 13 JAN. DU 15 AU 25 MAI RUI HORTA MONNAIE DE SINGES création Arlequin d’Occident, Tarô-Kaja et le Roi Singe d’Orient Didier Galas création Inasmuch as Life is borrowed… conception et direction Blindspot création création DU 20 AU 24 MARS MATHILDE MONNIER Signé création DU 27 AU 31 MARS 23, 24, 25, 27 ET 28 AVRIL ANNE TERESA DE KEERSMAEKER GUESH PATTI création Elle sourit aux larmes création DU 8 AU 12 MAI 2e PROG. DU 4 AU 7 AVRIL 1 PROG. GILLES JOBIN SASHA WALTZ création er SCHAUBÜHNE AM LEHNINER PLATZ création création DU 5 AU 9 JUIN Na Zemlje SALIA SANOU Taagalà, le voyageur DU 9 AU 12 MAI EA SOLA Requiem création DU 12 AU 16 JUIN DANIEL LARRIEU + qu’hier, pleins feux et Petit Bateau DU 15 AU 19 MAI 2e PROG. SASHA WALTZ création création SCHAUBÜHNE AM LEHNINER PLATZ Zweiland PINA BAUSCH DU 7 AU 14 JUIN 1er PROG. création création DANSE AU THEATRE DE LA VILLE plateau ou coupole DU 18 AU 23 JUIN 2e PROG. Danzón reprise DU 13 AU 17 FÉV. 21H 2e PROG. COUPOLE LA RIBOT Still Distinguished DU 20 AU 24 FÉV. 21H COUPOLE DANSE AUX ABBESSES OLGA MESA DU 17 AU 21 OCT. 21H 1er PROG. esTO NO eS MI CuerpO GILLES JOBIN DU 10 AU 21 AVRIL 21H PLATEAU Braindance ROBYN ORLIN DU 17 AU 21 OCT. 19H30 1er PROG. Daddy, I’ve seen this piece six times before and I still don’t know why they’re hurting each other LA RIBOT Mas Distinguidas LYNDA GAUDREAU DU 17 AU 21 AVRIL 19H30 COUPOLE DU 24 AU 28 OCT. 1er PROG. VERA MANTERO Document 1 DU 22 AU 25 NOV. 2 PROG. Poesia e selvajaria Still Life n° 1 DU 24 AU 28 AVRIL 19H30 COUPOLE DU 19 AU 22 DÉC. 1er PROG. ALAIN BUFFARD e JÉRÔME BEL Le Dernier Spectacle INtime/EXtime MORE et encore 29 ET 30 DÉC DU 22 AU 26 MAI 19H30 COUPOLE KAZUO OHNO XAVIER LE ROY Self-Unfinished DU 7 AU 10 FÉV. SIDI LARBI CHERKAOUI Rien de rien création création DU 6 AU 10 MARS SAMUEL LOUWYCK October 13th HERVÉ ROBBE PACO DÈCINA WIM VANDEKEYBUS création DU 22 AU 26 MAI 21H PLATEAU Polaroïd DU 27 FÉV. AU 3 MARS 2e PROG. création DU 13 AU 17 MARS CHRISTOPHE HALEB Idyllique création création Lettre au Silence Neti-Neti Les Pensionnaires JÉRÔME DESCHAMPS et MACHA MAKEIEFF DU 26 SEPT. AU 28 OCT. un spectacle de Jérôme Deschamps et Macha Makeieff scénographie Michel Cova musique Philippe Rouèche lumières Roberto Venturi costumes Macha Makeieff direction technique François Noël avec Jean-Marc Bihour, Philippe Duquesne, Yolande Moreau, Christine Pignet, Yves Robin, Olivier Saladin musiciens Philippe Rouèche, et en alternance Vincent Petit ou Jérôme Pouré, Benoît Vion ou Michel Zakrzewski, Fabien Wallerand ou Éric Secq production Compagnie Deschamps & Deschamps – Théâtre national de Bretagne, Rennes 4 Un grand rire, une grande claque. Des gens. Confinés dans un de ces lieux sans âme, fonctionnels, voire à vocation sociale : hôpitaux, hospices, cantines, commissariat… Une sorte de salle d’attente, pendant dérisoire aux couleurs franchement laides, du vestibule de la tragédie classique : on la traverse, l’action s’y amorce, s’y termine, mais se passe ailleurs. Un no man’s land entre deux endroits invisibles, probablement aussi plaisants qu’un parloir de prison. Aussi inquiétants en tout cas, aussi mystérieux. On attendrait presque la tribu errante de cloportes effarés, crapahutant derrière un individu en sarrau gris, kil de rouge sous le bras : les Blouses. On se croirait presque retournés au salon sombre de la maison de retraite avec ses placards déglingués et son pianiste furieux, où des artistes oubliés fêtent un anniversaire : les Petits Pas. Nous sommes chez Jérôme Deschamps et Macha Makeieff. Les portes sont trop petites, les paquets trop volumineux, les chaussetrappes nombreuses, le plafond tombe, les assiettes volent… Habillés mode Deschiens, les gens qui sont là, ce sont les Pensionnaires. De quoi de qui, peu importe. Ils sont là, s’activant fébrilement à des choses dont ils ne savent plus à quoi elles correspondent, et puis brusquement sont arrêtés dans leurs gestes, dans leurs paroles, le regard éteint, liés bon gré mal gré les uns aux autres pour un temps indéterminé – avec ce que ça comporte d’exaspération, de rivalité, de mauvais coups – sous l’autorité d’un petit chef débordé, évidemment hargneux, amoureux des mots qui sentent la productivité. Une belle brochette, représentative de nos maladresses, avec son souffre-douleur qui réconcilie tout le monde contre lui. Jérôme Deschamps et Macha Makeieff ne veulent jamais oublier l’humanité de leurs "héros", même au pire de leur médiocrité. Ils en soulignent les ridicules sans jamais verser dans le mépris. Ici comme dans le rituel glamoureux du Défilé (de mode), ils saisissent les tics de la soumission à des règlements THEATRE DE LA VILLE • TARIF A photos Marc Enguerand créé le 18 mai 1999 au Théâtre national de Bretagne « flous, douteux, pas même édictés déjà admis […] l’instant avant la règle totalitaire ». Chez les Deschiens, le rire ne cache pas l’angoisse, il l’accompagne. Non pas comme une délivrance, plutôt comme une arme. Un début de révolte. C’est par le rire qu’on se rapproche de ces gens sur scène, à qui nous avons ressemblé un jour ou l’autre. « On peut être "pensionnaire" de multiples façons, y compris dans sa famille. Ce que nous voulons montrer ce sont tous ces moments et ces endroits où on nie l’histoire des individus, que ce soit à l’école, au travail ou dans les hôpitaux », déclarait Jérôme Deschamps au Monde. Colette Godard Jérôme Deschamps et Macha Makeieff Jérôme Deschamps a joué avec Patrice Chéreau, au temps du lycée Louis-le-Grand. Après l’École de la rue Blanche, le Conservatoire, la Comédie-Française, il travaille avec Antoine Vitez. Après deux créations, Baboulifiche et Papavoine pour le Théâtre national des enfants (1973), Blanche Alicata (1977), rejoint par Macha Makeieff, il fonde en 1979 la Famille Deschiens, dont les succès ne se comptent plus. Au hasard : les Oubliettes (1979), les Blouses (1982), les Petits Pas (1986), Lapin-chasseur (1989), les Frères Zénith (1990) ; C’est magnifique (1994), les Précieuses ridicules (1997)… Beaucoup de ces spectacles sont enregistrés en vidéo, les Deschiens sont présents sur Canal + en clair, dans le cadre de Nulle part ailleurs. À la Villette ou à la Fondation Cartier, entre autres, Macha Makeieff expose d’étranges compositions, suivies de livres, où se reconnaît sa façon, unique, de saisir la noblesse du kitsch ringard. Des millions de spectateurs se reconnaissent en les Deschiens, et apprennent à s’aimer. C.G. EDWARD BOND CHRISTOPHE PERTON DU 18 JAN. AU 10 FÉV. mise en scène Christophe Perton assisté de Fadhila Mas décors Christian Fenouillat lumières Thierry Opigez son Laurent Doizelet avec Rachid Benbouchta, Gilbert Beugniot, Jean-Luc Bideau, Nazim Boudjenah, Gilles David, Jörn Cambreleng, Vincent Garanger, Michèle Goddet, Frédéric Kontogom, Gilles Masson, Alexia Monduit, Laurent Schilling… (distribution en cours) coproduction Comédie de Valence, centre dramatique national – Théâtre de la Ville, Paris – Maison de la culture de Bourges, scène nationale avec la participation du Jeune Théâtre national « Lear a vécu aux environs de 3100, a été roi pendant soixante ans… » annonce Edward Bond en exergue de sa pièce, Lear, lointainement inspirée de Shakespeare. Le Lear de Bond s’acharne à faire construire autour de son royaume un mur, dont les ouvriers sont traités en bagnards. Il a deux filles, des harpies sadiques. Elles épousent ses deux principaux ennemis. Chacune guigne pour elle seule le pouvoir. Ensemble, elles le font prisonnier. Libéré par souci politique, il rencontre dans sa fuite un garçon compatissant, qui sera massacré par les soldats. Et qui, devenu fantôme, tel le Fou de Shakespeare, suit le roi déchu. Et dont la femme, Cordelia, lève une armée pour le venger… Une histoire folle d’aventures et d’horreur. Comme une évidence elle s’est imposée à Christophe Perton. Par la façon dont elle fait écho à des traces profondes en lui. Par la façon dont elle installe un moment intemporel à la charnière d’une apocalypse, dans un paysage dévasté, « façonné par des êtres humains vivant dans la terreur d’eux-mêmes et des autres. Cette forme de terreur qui engendre la violence. Une violence non pas hystérique, mais froide. Utilitaire, stratégique ». Ce sont les causes de la peur qui d’abord intéressent Christophe Perton : pourquoi Lear fait-il construire, construit-il en lui-même ce mur qui l’aveugle, le protège du monde, de la vérité des êtres. Pourquoi ses filles veulentelles le détruire, lui. Pourquoi ne supporte-t-il pas de constater qu’elles sont en âge de se marier, de procréer. D’où découle un second thème : comment la découverte d’un événement banal peut démasquer brutalement une réalité insupportable, « la croissance du corps de ses filles, leur mutation, révèle à Lear l’imminence de sa propre mort ». Pour Christophe Perton, le thème le plus aigu est la filiation. Il le trouve ici, en particulier dans les relations de Lear avec le fantôme, plus étroites encore que celles du Lear de Shakespeare avec le Fou. « Qui, du vieillard et THEATRE DE LA VILLE • TARIF A du jeune homme a le plus besoin de l’autre ? La question reste posée, je n’ai pas l’intention de la résoudre. Lear est confronté à une autre sorte de paternité, de relation à la paternité. Il couve et vénère un enfant mort, le fantôme. À Christophe Perton, ph. David Anemian création Edward Bond, ph. J.-F. Abert Lear partir de là, leur trajet commun devient passionnant autant qu’angoissant ». Le Lear de Bond choisi par Christophe Perton : un acteur hors norme, Jean-Luc Bideau, pour un personnage hors du commun, vieillard aux limites du ridicule, dépassé par la société dans laquelle il vit et qu’il refuse. Héros tragi-comique d’une tragi-comédie qui flirte avec le Grand-Guignol, contourne l’insoutenable de la cruauté grâce à un humour cinglant, savoureux, paradoxal, parfaitement anglais. À côté de Lear, de ses filles, du fantôme, s’agite une foule de personnages. Certains passent en flèche, disent quelques mots. Aucun d’eux n’est accessoire, toute parole est indispensable. Du plus humble au plus fort, du plus fugace au plus important, tous sont pris dans un même engrenage, dans la nécessité de dominer pour ne pas être dominé. À diverses échelles les mêmes comportements se reproduisent, se répondent comme en un jeu de miroir brisé. La vraie violence de la pièce, elle est dans la lucidité caustique avec laquelle Edward Bond pointe les tours et détours de la chasse au pouvoir, montre comment chacun s’en empare et en use. Colette Godard Christophe Perton En 1987, Christophe Perton fonde à Lyon la Compagnie des Cigognes, avec laquelle d’année en année il présente Play Strindberg de Dürrenmatt, Architruc de Pinget, Roulette d’escroc de Harald Mueller, l’Anglais de Lenz, l’Exil de Jacob de Philippe Delaigue. En 1993, la ville de Privas signe une convention avec la compagnie, qui partage ses activités entre un travail de proximité dans la région, appelé "Théâtre de parole", et la création de Conversation sur la montagne de Durif, le Soldat de Lenz (1994), Faust de Lenau, Affabulazione de Pasolini (1995), le Naufrage du Titanic d'Enzesberger, la Condition des soies d’Annie Zadek, Paria de Strindberg (1996), Médée et les Phéniciennes de Sénèque, Mon Isménie de Labiche (1997), Les gens déraisonnables sont en voie de disparition de Handke (1998), la Chair empoisonnée de Kroetz et Toller (1999, aux Abbesses), Quatorze Isbas rouges de Platonov (à la Colline). C.G. 5 Combat de nègre et de chiens création BERNARD-MARIE KOLTÈS JACQUES NICHET Bernard-Marie Koltès, ph. M. Enguerand DU 28 FÉV. AU 17 MARS mise en scène Jacques Nichet scénographie Laurent Peduzzi avec Alain Aithnard Alboury, François Chattot Horn, Loïc Houdré Cal, Martine Schambacher Léone et un musicien-chanteur (en cours) 6 L’histoire se passe le temps d’une nuit quelque part en Afrique, dans un chantier de travaux publics sur le déclin. Y vivent encore le chef, qui vient de faire venir de Paris une femme, et un jeune ingénieur. Autour il y a le vent, l’orage, des chiens. À l'intérieur s’introduit un Noir, homme mystérieux, insaisissable. Il vient réclamer le corps d’un ouvrier mort sur le chantier, désormais introuvable… « On en vient même à se demander si ce n’est pas, sous la forme d’un revenant, l’âme du mort qui réclame son propre corps à jamais perdu », écrit Jacques Nichet. Avec Combat de nègre et de chiens, il revient à Bernard-Marie Koltès, dont il a monté en 1995 le Retour au désert, avec François Chattot, qu’il retrouve ici. Le désert du Retour, c’est la France provinciale, une famille bourgeoise malade de l’Algérie. Ici, il est géographique, et, plus encore, symbolique. Le spectacle se passe en un lieu à la fois clos et illimité, qui retient les hommes, annule le temps. Un monde indéfini, un ciel de nuages, un sol de terre, quelques accessoires insolites, inutiles – un piano par exemple. C’est un conte africain, c’est le désert des cœurs, un espace de solitude encerclé de voix, et puis les cris des gardiens noirs autour des petits Blancs oubliés. Ils ont voulu s’exiler d’eux-mêmes, sont venus chercher un ailleurs qui n’existe pas. Ils sont pitoyables, déchus et déchirés, mesquins, pourtant on voudrait les aimer. Entre la femme et le Noir s’engage un amour – « un cri d’espoir dans cette nuit terrible » – évidemment voué à l’échec. Bernard-Marie Koltès ne se préoccupe pas de faire progresser l’intrigue, il scande un piétinement obsessionnel. Les mots arrivent par vagues, faisant rouler sur place des tourbillons de peur, d’angoisse, de poésie. « Fantastique, amour fou, ironie, voilà les trois pistes que nous aimerions emprunter ». Chacun monologue pour soi, communique par invectives. Et voilà que le Noir parle dans sa langue ouolof à la femme, qui, entre Alsace et Allemagne, récite pour lui le Roi des Aulnes… Au-delà de ces sonorités étrangères, ils se reconnaissent, pendant ce moment la peur s’efface. Il y a quelque chose de fatal dans cette rencontre, « une incroyable attirance, une insurmontable singularité » écrit Koltès. Jacques Nichet ajoute : « Il suffit d’un geste THEATRE DE LA VILLE • TARIF A fou, un geste épique : se graver sur les joues les marques tribales de la fidélité pour répondre à la folie du monde ». Les marques, qu’avant de reprendre la route, la femme inscrit sur son visage. Derrière elle, le feu, la mort, des cris d’éperviers. Et elle, on l’entend chanter, en alsacien, sa délivrance. Colette Godard Jacques Nichet En 1964, Jacques Nichet fonde une troupe universitaire, le Théâtre de l’Aquarium, qui devient professionnelle en 1970. Sur l’invitation d’Ariane Mnouchkine, la compagnie aménage en 1973 sa Cartoucherie, où il présente des créations collectives : Gob ou le Journal d’un homme normal, Tu ne voleras point, la Jeune Lune. Puis, en 1975, Ah Q, de Jean Jourdheuil et Bernard Chartreux. Suivent, entre autres, un spectacle Feydeau, et les Heures blanches, avec Didier Bezace. Nommé en 1986 au centre dramatique du Languedoc Roussillon, Jacques Nichet monte notamment la Savetière prodigieuse de García Lorca, le Triomphe de l’amour de Marivaux et Monstre aimé de Javier Tomeo (prix Georges Lerminier), le Baladin du monde occidental de Synge, le Magicien prodigieux de Calderón, le Retour au désert de Koltès, la Tragédie du roi Christophe d’Aimé Césaire. Il est, depuis 1998, directeur du Théâtre national de Toulouse, qu’il consacre au "théâtre jeune public" et aux auteurs contemporains : Horváth (Casimir et Caroline), Daniel Keene (Silence complice), Daniel Danis (le Pont de pierres), Koltès… C.G. François Chattot, ph. B. Enguerand production Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées coproduction Théâtre de la Ville, Paris photos M. Vanden Abeele Needcompany's King Lear SHAKESPEARE JAN LAUWERS ET NEEDCOMPANY en néerlandais (traduction française simultanée) DU 26 AU 28 AVRIL d'après King Lear de Shakespeare traduit en néerlandais par Hugo Claus mise en scène, scénographie Jan Lauwers chorégraphie Carlotta Sagna avec Tom Jansen, Grace Ellen Barkey, Dirk Roofthooft, Simon Versnel, Dick Crane, Hans Petter Dahl, Anneke Bonnema, Muriel Hérault, Eduardo Torroja, Misha Downey, Tijen Lawton production Needcompany coproduction Brussel 2000, Bruxelles – Schauspielhaus, Hambourg réalisé en collaboration avec le Kaaitheater, Bruxelles Needcompany est ambassadeur culturel de la Flandre et bénéficie de l'aide du ministère de la Communauté flamande et de la Loterie nationale. Si l’on en juge par les dernières Rencontres de théâtre européen de Taormina, le théâtre contemporain serait en train de redécouvrir le sens du tragique. Certes. Mais aux côtés des Thomas Ostermeier, Romeo Castellucci, et autres metteurs en scène d’une génération turbulente, il serait fâcheux d’omettre l’extraordinaire travail de Jan Lauwers, curieusement sous-estimé en France malgré le fidèle compagnonnage du Théâtre de la Ville. Depuis ses premiers spectacles sous le nom de l’Epigonentheater, et depuis une dizaine d’années avec la Needcompany, Jan Lauwers a affûté un théâtre d’une féconde puissance visuelle et dramaturgique. La mort et le pouvoir, en leurs jeux de séduction réciproque et de fascination rituelle, sont au cœur des préoccupations de Jan Lauwers. « On ne peut pas montrer sur scène la mort ; l’amour non plus, d’ailleurs. L’impossibilité de montrer certaines choses, et le fait de les montrer malgré THEATRE DE LA VILLE • TARIF A tout : c’est cette contradiction qui fait l’intérêt du théâtre. Pour cela, il faut chercher à se rapprocher des abstractions… », estime Jan Lauwers : son intérêt ne se porte pas sur l’enchaînement narratif de ce que raconte une histoire, mais sur sa nervure même et les articulations de sens et de rythme qui en forment la trame. Fulgurance du trait, sans les fioritures. Lauwers, initialement venu des arts plastiques, n’est pas un homme du répertoire. D’entre les "classiques", seul Shakespeare a, à ce jour, mobilisé son attention. Après Julius Caesar (1990), Antonius und Kleopatra (1992) et Macbeth (1996), voici venir l’éprouvant cortège de King Lear, « histoire de la folie croissante d’un roi et de la ruine ultime qui en découle ». Avec le copieux Tom Jansen dans le rôle de Lear, Jan Lauwers frappe dans la constellation des personnages, confie les indications scéniques aux éructations d’un bouffon déchaîné, laisse à des interludes dansés de nécessaires plages de respiration, laisse ensuite la folie gagner l’espace du plateau ; un surtitrage assurant le défilement du texte lorsque la parole devient inaudible, couverte par une bande son où trouvent place des mélodies rock (The Residents)… Et, last but not least, emballe la complexe intrigue finale en quinze minutes d’une farce burlesque gonflée à bloc. King Lear n’est de toute façon pas une pièce de tout repos. Jan Lauwers en fait un bloc d’intensités, un tourbillon d’éclats : langage scénique lui-même éclaté en strates superposées, mais tout entier vers l’inexorable marche funèbre que Lear met en œuvre, dans la violente érosion du pouvoir de dominer. Jean-Marc Adolphe 7 le Réformateur THOMAS BERNHARD ANDRÉ ENGEL DU 28 SEPT. AU 14 OCT. texte français Michel Nebenzahl mise en scène André Engel décor Nicky Rieti costumes Pierre Yves Gayraud lumières André Diot son Serge Chambon avec Serge Merlin, Michèle Féruse, Georges Mavros, Pierre Gavarry, Mama Chriss Pour avoir écrit, naguère, un traité sur la nécessaire réforme du monde (mais après destruction), un vieux misanthrope malade, complaisamment paranoïaque, isolé chez lui avec sa femme – son souffre-douleur – va être fait docteur honoris causa de l’Université où il a enseigné. Il accepte d’entrouvrir un moment son refuge au recteur et au doyen accompagnés du maire de la ville, qui viennent lui apporter sa médaille. Peut-être est-il seulement malade de sa lucidité haineuse envers l’humanité qui l’entoure, peut-être le poids de son désespoir rageur l’accable-t-il plus que celui des ans. Toujours est-il que si ses visiteurs s’attendent à quelque reconnaissance émue !… La pièce est de Thomas Bernhard, imprécateur obsessionnel, contempteur furieux des tares du monde et de son pays, l’Autriche. Fureur quasiment génétique : il est né en 1931 aux Pays-Bas, sa mère ne voulant pas accoucher dans sa patrie. Le fait d’avoir, à la fin de la guerre, passé un an dans un collège nazi n’a certainement pas arrangé les choses. André Engel reprend le Réformateur – toujours, et de plus en plus actuel dix ans après sa création à la M93 de Bobigny, avec déjà et encore aujourd’hui Serge Merlin, tyran incandescent, odieux et pitoyable dans sa grandiose entreprise d’autodérision. André Engel rapproche le personnage des « grands atrabilaires comiques et mégalomanes du répertoire », à savoir le Malade imaginaire, le Misanthrope, et même le roi Lear. Un de ces forcenés, incapables de rentrer dans le rang, qui envers et contre tout s’acharnent à cette utopie : intégrer la réalité à leurs rêves. Et en meurent. Tout au moins se retirent au désert. Se réfugient au cœur de leur amertume. Du Baal de Brecht au Woyzeck de Büchner en passant par Alceste justement, par Kafka, Prométhée, Job, Lulu…, les marginaux, les révoltés appartiennent au répertoire personnel d'André Engel. Sans doute se trouve-t-il en accord avec les joies mauvaises et l’ironie vitriolée des "héros" de Thomas Bernhard (dont il a également mis en scène la Force de l’habitude en 1997), avec cependant une différence importante : ses colères sont géné- 8 LES ABBESSES • TARIF A ph. Marc Vanappelghem production Centre dramatique national de Savoie avec Bonlieu, scène nationale d'Annecy – l'Espace Malraux, scène nationale de Chambéry et de la Savoie reuses : arrivé aux limites du plus noir pessimisme, vient l’espoir d’un autre monde. Meilleur ? Sans doute André Engel retrouve-t-il "son" Thomas Bernhard dans ce témoignage de Claus Peyman – metteur en scène allemand, directeur du Théâtre de Bochum, puis du Burgtheater de Vienne avant de prendre l’an dernier la tête du Berliner Ensemble – et qui, ayant fait connaître celui qu’on a appelé le 'Timon autrichien' – par rapport au Timon d’Athènes de Shakespeare, devenu par rancœur une sorte d’anachorète – le définit ainsi : « Il s’est érigé contre tout ce qui est normalisé et étriqué avec un sens infaillible du comique ». Colette Godard André Engel Après avoir enseigné la philosophie, André Engel entre au Théâtre de l’Espérance, dirigé par Jean Jourdheuil et Jean-Pierre Vincent, qu’il suit au Théâtre national de Strasbourg. Hors les murs il monte notamment, outre Baal de Brecht (1976), Ils allaient obscurs sous la nuit solitaire d’après Beckett (1979). Intra muros, il couvre la scène de brouillard pour Penthésilée de Kleist (1981), de sable pour le Misanthrope de Molière (1985), imagine de faire tournoyer les gradins des spectateurs pour Légendes de la forêt viennoise (1992), fait entrer les spectateurs dans la boîte noire d’une caméra magique pour un Woyzeck âpre et bouleversant (1999). Il peut aussi s’offrir le luxe de scénographies que l’on pourrait dire classiques : le Baladin du monde occidental de Synge (1994), la Force de l’habitude, le Réformateur… Parallèlement, il monte des opéras. Entre autres Salomé de Richard Strauss (1987 et 1994), Carmen de Bizet (1990), Freischütz de Weber (1987 et 1999), Rake’s progress de Stravinski (1999), la Petite Renarde rusée de Janacek (2000). En novembre 1996, il a été nommé directeur du centre dramatique de Savoie. C.G. la Nuit juste avant les forêts création BERNARD-MARIE KOLTÈS KRISTIAN FRÉDRIC DU 7 AU 18 NOV. mise en scène Kristian Frédric décor Bruno Lahontàa sculptures Ousmane Sow lumières Yannick Anché son Nicolas Barillot avec Denis Lavant Kristian Frédric, ph. Delahaye Lorsque Kristian Frédric est touché par une œuvre, il s’attache à l’artiste, en suit passionnément le parcours, veut tout savoir de lui. Bernard-Marie Koltès fait partie de ses « artistes de chevet », et il aborde la Nuit juste avant les forêts après avoir, en 1994, mis en scène Dans la solitude des champs de coton. Un lien évident existe entre les deux pièces, comme si une course sans fin après les mots "je t’aime" aboutissait trop tard à la rencontre entre deux fantômes, deux flamboiements de mémoire. Le désir de mettre en scène la Nuit juste avant les forêts a pris forme un soir où, relisant la pièce, Kristian Frédric s’est souvenu du film de Leos Carax, Boy meets girl, de son héros fragile et décalé, Denis Lavant. À ce moment, il l’a identifié au personnage sans nom de Koltès, "le Locuteur". L’étranger qui dans la jungle des rues pluvieuses, clame son abandon, sa révolte, poursuit son rêve d’aimer. Kristian Frédric s’est souvenu d’une sculpture de Giacometti – artiste de chevet, également –, l’Homme qui marche, avec « ses longues jambes, ses pieds, sa tête penchée, son poids de solitude », a appris que le titre complet est l’Homme qui marche sous la pluie. C’était comme un signe pour aller plus avant avec ce texte qui commence par « Tu tournais le coin de la rue : lorsque je t’ai vu, il pleut… », dont les derniers mots sont « Quel fouillis, quel bordel, camarade, et puis toujours la pluie, la pluie, la pluie, la pluie ». Ensuite, les choses se sont enchaînées sans heurt comme des ramifications naturelles. Enki Bilal a imaginé une longue plaque, dont le matériau s’accorde avec le costume de Denis Lavant. Dans ce décor, Kristian Frédric a voulu des sculptures. Il les a demandées à Ousmane Sow – lui aussi admirateur de Giacometti – parce que « il crée des êtres humains. Ils sont là, fuyant les paroles du Locuteur, perdus dans leur propre isolement, lourds de leur propre étrangeté ». Bien que le propos n’ait rien à voir avec un "choc des cultures", il a voulu s’adjoindre ces deux regards différents, l’un du nord, l’autre du sud. Et puis il laisse faire le texte de Koltès, qui bouscule, bouleverse, ouvre des portes sur d’autres portes, déstabilise, qui obsessionnellement interroge « Où en es-tu, toi, de ta solitude ? ». Qui raconte l’irrépressible et impossible besoin de l’autre. Le besoin de donner de l’amour, d’entendre les mots de l’amour, l’urgence de ne pas disparaître sans laisser sa trace, avalé par la violence de l’univers anthropophage dans lequel nous vivons jour après nuit. Bizarrement, Kristian Frédric rêve de se confronter un jour à l’Andromaque de Racine, à la beauté du texte, de plonger dans « cet orage de passion qui ne laisse pas de place aux âmes. Dont les personnages s’entrechoquent, se déchirent, se noient. Une pièce de guerre, finalement ». Finalement, pour résister à la sauvagerie du monde, Kristian Frédric croit au pouvoir des mots, à l’absolue nécessité d’aimer, même sans retour, juste aimer et le dire pour ne pas mourir. Denis Lavant, ph. I. Ruppert/Enguerand Colette Godard Kristian Frédric Comédien, animateur de radio, assistant de Jean-Louis Thamin, de Patrice Chéreau, Kristian Frédric dirige une compagnie qu’il a appelée "Les lézards qui bougent". Lui-même a beaucoup bougé avant de se retrouver à Bayonne, où il travaille régulièrement avec la scène nationale, dirigée par Dominique Burucoa, qui a produit la plupart de ses spectacles. Notamment Ils crèvent les yeux aux colombes d’Arrabal (1992), Dans la solitude des champs de coton (1994), Lumières en pays basque, un opéra de Jacques Ballue (1997). En 1998, à Villeurbanne, au TGP, il a mis en scène Isabelle Sadoyan-Bouise dans le Récit de Colometa, d’après la Place du diamant de Mercé Rodoreda. C.G. 9 LES ABBESSES • TARIF A Pierre, pour mémoire ANNE-MARIE ROY FRANÇOIS DUVAL DU 28 NOV. AU 14 DÉC. texte Anne-Marie Roy (éditions Actes Sud) adaptation, mise en scène et interprétation François Duval assistante à la mise en scène Hélène Boisbeau scénographie Rodolfo Natale lumière et son Éric Da Graça Neves coproduction Compagnie Fortune Carrée – Olivia Lecasble – Théâtre de l’Escalier des Doms, Avignon – L’Athanor, scène nationale d’Albi rable sincérité des enfants. Pierre est resté un enfant avide d’amitié, délaissé. « Il n’est pas construit pour se défendre. Il est sensible et désarmé ». François Duval s’est lancé dans son spectacle comme s’il devait ça à Pierre, pour ne l’avoir pas sauvé de ses enfers : l’enfer familial, entre des parents qui le refusent, des frères et sœurs lointains. L’enfer de la guerre d’Algérie, la torture et la découverte de la camaraderie. L’enfer des hôpitaux, où il a été interné la première fois, un soir de réveillon parce qu’il risquait de déranger la fête. L’enfer des amours gangrenés, le repli. Il le montre, seul, essayant d’organiser à sa convenance des cartons, comme les cubes d’un jeu de construction. S’adressant à la seule personne qui l’a assez aimé pour l’écouter, sa sœur, « transparente à force de lui dire "parle, Pierre, parle". (Denis Roche, le Nouvel Observateur). « Pierre gêne comme ces gens perdus en eux-mêmes, SDF, mendiants, handicapés… On est gêné d’être gêné. On ne peut rien. "Je suis content d’être dans cette chambre mais enfin, cette solitude", dit Pierre pour finir ». Colette Godard 10 LES ABBESSES • TARIF B C.G. photos Jacques Polony En premier, il y a Anne-Marie Roy, qui cherche son frère dont elle est séparée depuis vingt ans. Il vient de sortir d’un hôpital psychiatrique. Un monde qu’il connaît bien pour y avoir passé quinze ans de sa vie. En second, il y a les confidences du frère à la sœur, transcrites avec leur désordre, leurs errances, dans un manuscrit reçu par Hubert Nyssen, avec lequel, immédiatement, il inaugure les éditions Actes Sud. En troisième, il y a François Duval, comédien, toujours en quête de textes déroutants, déroutés. Il lit Pierre, pour mémoire. Pas en entier. Il est agacé. Il le reprend. Le laisse. Le reprend… Et ainsi pendant plus de quinze ans. Et puis surgit la vraie question : pourquoi un tel acharnement à vouloir « comprendre ce que, profondément, cette parole veut dire ». À partir de là, il décide de la porter sur scène, d’incarner Pierre. En trois mois, il adapte le livre. Pendant un an et demi, il travaille sur l’écriture, l’absence de ponctuations, les phrases arrêtées. Puis il apprend le texte. Quand commencent les répétitions – il est son propre metteur en scène –, il se laisse guider par les mots, par leur musique. « Je n’ai pas choisi, ça s’est installé en moi, à mon insu c’est parti. Quand pendant un an et demi vous êtes habité en permanence par quelqu’un, vous pouvez croire que vous connaissez les recoins, les cavités de sa pensée ». Pierre n’est pas un fou délirant, il est animé par une terrible énergie vitale. Sur le monde dont il est exclu, il porte un regard aigu, atrocement lucide jusqu’en ses dérives les plus baroques. Par moments, on pense à l’inexo- François Duval Élève de Marcel Bluwal au Conservatoire d’art dramatique de Paris, François Duval a beaucoup joué – notamment le Locataire de Joe Orton, les Parents terribles de Cocteau, Six Personnages en quête d’auteur de Pirandello, les Exilés de Joyce, Lorenzaccio de Musset. Il a travaillé sous la direction de Jacques Charon, Jean Meyer, Jean-Luc Tardieu, JeanLouis Barrault. En 1993 commence son parcours d’adaptateur et metteur en scène sur des textes qu’il découvre et prend le temps d’absorber : L'oiseau n’a plus d’ailes, d’après les lettres de Peter Schwiefer. En 1997, Vilar : notes de service. En novembre 1998, Pierre, pour mémoire, créé à la Maison des Arts et Loisirs de Laon. photos J.-P. Lozouet Bakkhantes création EURIPIDE OMAR PORRAS DU 9 AU 27 JAN. d’après les Bacchantes d’Euripide traduction et adaptation Omar Porras, Marco Sabbatini mise en scène Omar Porras assistantes à la mise en scène Cécile Kretschmar, Chryssoula Nissianaki scénographie Teatro Malandro collaboration artistique Fredy Porras coiffures et maquillages Cécile Kretschmar assistée de Véronique Bertrand lumières Sébastien Revel son Jean-Baptiste Bosshard régie générale François Béraud avec Joan Mompart, Anne-Cécile Moser, Abder Ouldhaddi, Omar Porras, Nicole Seiler, Bartek Sozanski, Caroline Weiss et chœur des Bacchantes (distribution en cours) production Teatro Malandro coréalisation Théâtre Forum Meyrin avec le soutien de l'Organe genevois de répartition de la Loterie romande, la Fondation Pro Helvetia et le DIP, État de Genève Un rideau translucide, des ombres chinoises, des corps nus déformés, une danse lente, et la voix de Dionysos rappelant les amours de Zeus avec sa mère Sémélé, brûlée vive tandis que son divin amant cache l’enfant en le cousant dans sa cuisse. Ainsi sauvé, Dionysos parcourt l’Orient, entraînant une armée de femmes vouées à son culte, les Bacchantes. Mais à Thèbes, sa ville natale, sur laquelle règne Penthée, elles et lui sont indésirables… Bakkhantes est la dernière œuvre connue d’Euripide, la plus complexe, la plus sauvage sans doute. Obligatoirement, elle devait attirer Omar Porras, qui, la saison dernière, se révélait aux Abbesses avec Noces de sang de García Lorca, rituel furieux, joyeux, du désir et de la mort. Ici plus encore, dans son adaptation resserrée sur l’essentiel, on plonge jusqu’aux racines du tragique grinçant, dans le sang, dans la mutilation et les chants, dans les danses et les masques, dans les travestissements. On plonge jusqu’aux racines du théâtre dont on dit qu’il est né des rites célébrant Dionysos, les bacchanales. C’est sur les échanges d’identité, sur les fauxsemblants et les passions vraies que se construit l’histoire de Bakkhantes : Dionysos entre à Thèbes sous l’apparence d’un humain. Par esprit de vengeance, il convertit les Thébaines, convainc Penthée de les rejoindre, pour voir, se rendre compte, sévir. Mais alors, le roi, le macho, doit se vêtir en femme. Et plus encore, abandonner à jamais son état d’homme. Entraîné dans la bacchanale, il sera écartelé, déchiré, lacéré par sa propre mère, Agavè, qui, mêlée aux bacchantes, s’est dissoute dans l’ivresse du rituel. On a parfois donné à la légende une coloration politique, Penthée symbolisant le "monstre froid" de l’État, la dictature de la raison, alors que Dionysos porte la liberté, le goût du bonheur. Mais, parce que né en Colombie, ses premiers contacts avec la théâtralité passent par l’Église, Omar Porras se réfère à ce qu’il appelle une iconographie religieuse. À vrai dire absolument païenne. Il entre de plain-pied dans le labyrinthe du mythe. Il multiplie les ambiguïtés. Les bacchantes arborent des signes féminins et masculins, la part animale est visible chez la plupart des personnages. Une actrice interprète Dionysos, qui lors de sa rencontre avec Penthée, se transforme jusqu’à sembler son double, son inquiétant reflet… « Nous avons cherché des éléments "organiques", vestiges du culte dionysiaque […] En dansant et en chantant [notre corps] traduit son besoin d’exprimer la part érotique et mortelle de notre existence » écrit Omar Porras. Chez lui, l’ironie n’est jamais loin de l’effroi, l’émotion se heurte à la dérision, tragique et grotesque ne font qu’un. Colette Godard Omar Porras Après avoir suivi des cours de danse et de théâtre à Bogotá, Omar Porras part pour la France, s’arrête à Paris où il vit du théâtre de rue – et de métro. Il voyage, s’arrête en Suisse, s’installe à Genève où il fonde le Théâtre Malandro, avec lequel, en 1991, il monte Ubu roi de Jarry. Un an plus tard, c’est la Tragique Histoire du docteur Faust. En 1993, il crée la Visite de la vieille dame de Dürrenmatt, qui reçoit en 1994 le prix romand du spectacle indépendant, tourne en Europe et en Amérique latine. En 1995, Claude Stratz, alors directeur de la Comédie de Genève, l’invite, et il monte Othello de Shakespeare. Suivent en 1997, Strip-tease de Mrozek à l’Usine de Sécheron, et Noces de sang de García Lorca à la Comédie de Genève – où, sous la direction de Claude Stratz, Omar Porras est le Dr Hinkfuss dans Ce soir on improvise, de Pirandello. C.G. 11 LES ABBESSES • TARIF A Monnaie de singes création DIDIER GALAS Arlequin d’Occident, Tarô-Kaja et le Roi Singe d’Orient DU 15 AU 25 MAI conception et direction Didier Galas collaborateur artistique Jean-Philippe Vidal scénographie Daniel Jeanneteau lumières Pablo Roy conseillers à l’écriture Françoise Bon, Yasusuke Oura avec Zhihua Dong (Chine), Didier Galas (France), Kaoru Matsumoto (Japon) Trois personnages se rencontrent sur scène. Ils ne se connaissent pas, se toisent, s’affrontent… Situation théâtrale des plus classiques, si ce n’est que ces trois-là n’étaient vraiment pas faits pour se rencontrer. Ils sont frères pourtant, mais très éloignés géographiquement, culturellement. Il s’agit du Roi des Singes, personnage de l’Opéra de Pékin : né d’une pierre, il s’en va chez les humains à la recherche de l’immortalité et de la reconnaissance avant d’accompagner un moine à la recherche des écritures sacrées dans la patrie de Bouddha. Du Japonais Tarô-Kaja, type de valet que l’on retrouve dans les Kyogen, courtes farces jouées entre les différentes parties d’une journée de Nô. Enfin de notre valet à nous, notre Arlequin. Grâce aux Italiens qui parcouraient les rues et les marchés de l’Europe, déjà Molière a pu connaître, adopter, adapter Arlequin. D’où vient-il ? Il pourrait bien, selon Didier Galas, être enfant du Diable avec un reste de corne sur le front de son masque, ou la « maisnie de Hellequin » entraînant les noctambules égarés dans une chevauchée sans fin. Ou l’homme sauvage s’extirpant de sa caverne, vêtu de haillons – les losanges rapiécés de son costume. Didier Galas a une expérience très personnelle du personnage : pendant cinq ans, à la Comédie de Reims et un peu partout en tournée, par amour du masque il est Ahmed, personnage imaginé par Alain Badiou (Ahmed le subtil, philosophe, se fâche, les Citrouilles). Après quoi, de plus en plus fasciné par le masque, avec une bourse de l’AFAA (Association française d’action artistique), il part pour le Japon étudier avec un maître du Nô. Il a voulu s’imprégner de cette tradition séculaire, pratiquée de père en fils. Il n’a pas voulu, pourtant, devenir l’Occidental qui joue du Nô. Et puis, dans le personnage de Tarô-Kaja, il reconnaît l’équivalent japonais d’Arlequin. 12 LES ABBESSES • TARIF B ph. Michèle Constantini coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Ensemble Lidonnes – Comédie de Clermont-Ferrand, scène nationale – Amiens 2000, les Couleurs du monde – Fesival d’Avignon – Théâtre de la Manufacture, centre dramatique national Nancy-Lorraine avec le soutien des Laboratoires d’Aubervilliers ; de la Maison de la Culture d’Amiens, scène nationale ; de l’AFAA (Association française d’action artistique), ministère des Affaires étrangères ; du service culturel de l’Ambassade de France en Chine ; de l’Institut franco-japonais du Kansai D’où l’idée d’une rencontre entre les deux, qui s’est élargie lorsque quelqu’un lui a fait remarquer : « ton style de mouvement rappelle le Roi des Singes ». Autant les préoccupations des valets restent terre à terre et charnelles, autant le Roi, fût-il des singes, s’ébat dans le surnaturel. Chacun parle sa langue. Dépositaire du rôle à l’Opéra de Pékin, Zhihua Dong joue le Roi des Singes. Matsumoto, interprète de Tarô-Kaja, est disciple de la famille Shigeyama, grande famille du Kyogen. Il n’y avait rien de commun entre eux ni avec Didier Galas. Rien. Sinon le théâtre, et c’est le théâtre qui permet leur rencontre. Non pas entre trois comédiens. Entre trois figures, trois comiques, trois arnaqueurs, chacun avec son histoire. La situation se développe selon un schéma inspiré de la farce médiévale. Pareillement naïf, pareillement proche du théâtre que chacun porte en soi depuis l’enfance. Colette Godard Didier Galas Didier Galas aborde le théâtre au Conservatoire de Marseille, continue à Paris, dans la classe de Claude Régy. Et parallèlement avec Mario Gonzales, il étudie le masque. C’est une révélation. Avec lui il joue Masques, avec Claude Régy le Cerceau de Slavkine, cherche sa voie, la trouve à la Comédie de Reims, où Christian Schiaretti lui donne à jouer l’Arlequin inventé par Alain Badiou, Ahmed. En quatre épisodes, l’aventure se poursuit de 1992 à 1997. Puis il voyage : au Japon où il étudie le Nô, au Venezuela où il monte sa propre adaptation de Don Quichotte à l’Ateneo de Caracas. En Chine, où il travaille avec l’Opéra de Pékin. En 1999, en France, il joue François Rabelais dans une adaptation de François Bon, mise en scène par Charles Tordjman. C.G. Jean-Claude Dreyfus création DU 30 JAN. AU 3 FÉV. En 1986, Jean-Claude Dreyfus joue au Studio des Champs-Élysées une pièce américaine, l’une des premières à traiter du sida : Tel quel. En même temps, il fait ses débuts de chanteur à la Maison de la Culture de Bobigny, avec des textes d’Yvane Daoudi, comédienne et auteur de théâtre. Il a toujours eu le goût de l’insolite. Bientôt il retrouve le chemin du théâtre et du cinéma. « On ne peut pas tout faire, même si on en a envie ». L’envie de chanter pourtant ne le quitte pas. D’autant qu’il est pris en charge par une maison de disques, laquelle lui offre des cours : il doit devenir un vrai professionnel. « Je chante mieux qu’à mes débuts, en tout cas ». Jean-Claude Dreyfus épuise plusieurs professeurs avant de trouver celle qui lui convient : Armande Altaï. Un "personnage" à sa démesure. On imagine mal Jean-Claude Dreyfus suivre les rails communs. Ayant fait ses classes avec Tania Balachova, qui enseignait les techniques de l’intériorité, il passe presque directement à la Grande Eugène – l’Olympe du cabaret dans les années 70. Il y incarne un personnage – « estce un homme, est-ce une femme » – nommé Herna von Scratch, en hommage à un film de Fassbinder. De loin en loin, Jean-Claude Dreyfus reprend contact avec ses musiciens, avec ses compositeurs et paroliers entre deux rôles au cinéma ou au théâtre. L’habitude de jouer Molière, Victor Hugo, Claudel, Thomas Mann, Arrabal – parmi beaucoup d’autres – le rend exigeant sur les textes, et les musiques qui vont avec. Les chansons, écrites spécialement pour lui, lui offrent l’occasion de mettre en valeur les recoins de sa personnalité : son humour, le mystère caché derrière son sourire, le rêve qui habite ses yeux plissés, la tendresse de sa voix dans laquelle passe quelque chose comme un rêve indicible. Jean-Claude Dreyfus confie qu’à présent, il n’éprouve plus le besoin de se signaler par des extravagances, art dans lequel il est passé maître, c'est-à-dire qu’il le maîtrise. Il sait jouer et s’amuser du trouble des mots, des ambiguïtés, des doubles et triples sens, de l’autodérision en forme de pied de nez… Et puisque son tour de chant relève de l’autobiographie romancée truffée de chaussetrappes, il invite chez lui. Avec des éclairages appropriés, quelques objets qui lui tiennent à cœur – il a un frère brocanteur –, en hôte chaleureux il recrée son ambiance. Un jour, quand il se promènera dans la rue, les passants oublieront de lui souhaiter bonne fête le 15 août (en l’honneur des spots publicitaires sur les plats cuisinés Marie dont il est la star). Ils fredonneront Comment savoir – titre d’une chanson de Bernanos et Delettrez, inscrite à son nouveau tour, De porc en port. * Jean-Claude Dreyfus Vingt-six courts métrages et quarante longs, avec, en 1992, une nomination aux Césars pour le premier film bien déjanté de Jeunet et Caro, Delicatessen. Une bonne trentaine de rôles à la télévision – sans compter les spots Marie. Au théâtre, Jean-Claude Dreyfus a été nommé deux fois aux Molières, en 1991 pour la Nonna de Cossa par Jorge Lavelli, et en 1998, pour Hygiène de l’assassin d’Amélie Nothcomb par Didier Long. Il a joué une cinquantaine de pièces, avec notamment Claude Régy (Les gens déraisonnables sont en voie de disparition de Peter Handke, Tueur à gages de Ziegler, la Trilogie du revoir de Botho Strauss), André Engel (le Misanthrope de Molière, Lulu de Wedekind), Jérôme Savary (Chantecler d’Edmond Rostand), Yvan Le Gouic (l’Accommode sans tiroir, textes de Cocteau qu’il a lui-même adaptés)… La liste est trop longue, on ne peut que survoler. JeanClaude Dreyfus a mis en scène Fando et Lys d’Arrabal, s’est mis en scène dans ses tours de chant. C.G. ph. Birgit De porc en port Colette Godard * Également au programme, des chansons écrites par Lionel Corti, Philippe Minyana, Ivane Daoudi, Frédéric Botton… , sur des musiques de Philippe Bresson, Franck Thomas… (NDLR) 13 LES ABBESSES • TARIF D Philippe Meyer Paris la Grande création DU 20 MARS AU 1er AVRIL arrangements musicaux Jean-Pierre Gesbert, Pascal Le Pennec lumières Serge Peyrat avec Jean-Pierre Gesbert piano, Pascal Le Pennec accordéon ph. M. Constantin Paris est une ville de liberté, de recommencements, d’énergie. « Une cité incomparable en variété », écrivait déjà Montaigne, qui ajoutait : « Je l’aime jusqu’à ses verrues et à ses taches ». Paris la Grande est une célébration de cette ville qui, à elle seule, est un monde. Une sorte d’Amérique où chacun peut espérer un nouveau départ. Un grouillement où l’on échappe au regard de cet ennemi naturel de l’homme qui s’appelle le voisin, en même temps que l’on peut y lier tant de connaissances, y nouer tant de camaraderies. Une ronde qui tourne quelquefois si vite qu’elle vous laisse sur le carreau. Paris la Grande est un voyage à travers les mythes de Paris, à travers ses lumières, ses ombres, ses villages, ses habitants si divers. Un voyage en paroles, en poésie, en chansons. Paris la Grande est un spectacle écrit et donné par un Parisien gourmand des saveurs, des charmes, des surprises et des cocasseries de Paris, par un amoureux d’une ville avec qui il n’est pas d’amour sans brouilles, sans malentendus, sans nostalgie. Une ville imprévisible, insupportable, ingrate, tonique, dure, incomparable, dont l’histoire est un héritage qui fourmille de promesses. n ph. Ervin Marton, D.R. Philippe Meyer de l’extérieur… Liberté, curiosité, diversité : tels sont les mots clefs d’une vie professionnelle qui aura conduit Philippe Meyer de la recherche en histoire sociale à la scène (et, qui sait, demain peut-être à pire encore…) en passant par le journalisme, le cinéma documentaire, le billet radiophonique et la musique classique. 1979 à l’Express : critique des livres d’Histoire et des Sciences humaines puis éditorialiste. 1982-1989 : "Télescopages" à France Inter, magazine satirique ayant la télévision pour cible. À partir de 1989 : chronique quotidienne sur France Inter “Nous vivons une époque moderne” puis “Le progrès fait rage” qui deviennent des phrases clins d’œil, des mots de passe entre amateurs de vraie impertinence, d’impertinence pertinente. 1986 : De Nuremberg à Nuremberg, documentaire réalisé avec Frédéric Rossif. Parallèlement, travaille sur la musique classique : émission sur M6, la Sept, producteur à France Musiques et France Culture et réalise des portraits politiques sur France Inter et pour la télévision. ph. X, D.R. 1998 (novembre) : Causerie, son premier spectacle, « monologue déambulatoire », est présenté au Théâtre des Abbesses. n 14 LES ABBESSES • TARIF D danse Sasha Waltz, Zweiland, ph. Delahaye 15 DANSE AU THEATRE DE LA VILLE THEATRE DE LA VILLE • TARIF A 2, 3, 4 NOV. CRÉATION Jan Lauwers NEEDCOMPANY / BALLETT FRANKFURT / DAS TAT DJamesDJoyceDead Jan Lauwers et William Forsythe, ph. M. Vanden Abeele LITTÉRATURE SAMPLÉE « C’est un chef-d’œuvre » : William Forsythe, après avoir vu en 1998 la version intégrale de The Snakesong Trilogy de Jan Lauwers, a été droit au but. Il avait raison. Entouré d’une constellation d’acteurs épatants, Jan Lauwers, metteur en scène belge de la Needcompany, est l’un des plus vigoureux et talentueux agitateurs du théâtre contemporain en Europe. S’il ne renonce pas au texte, loin s’en faut (ses approches de Shakespeare sont d’une rare acuité), Jan Lauwers a fréquemment convoqué dans ses spectacles la physicalité du mouvement, confiant même récemment à l’Italienne Carlotta Sagna le soin de chorégraphier certaines séquences. En même temps, on sait Jan Lauwers dubitatif face aux seules capacités dramaturgiques de la danse. Mais William Forsythe aura su le convaincre d’engager une (première) collaboration avec le Ballet de Francfort. Au demeurant, Lauwers ne dérogera pas à l’hétérogénéité constitutive de son art : il adjoint à douze danseurs de la troupe de Forsythe (parmi lesquels Stephen Galloway, Dana Caspersen et Tony Rizzi), deux acteurs de Needcompany (Mil Seghers, Viviane De Muynck). Ce sera DJamesDJoycedDead, titre grinçant que n’aurait sans doute pas désavoué l’auteur d’Ulysse. Le spectacle est conçu en forme de diptyque : au sulfureux monologue de Molly Bloom (interprété par Viviane De Muynck), succédera une chorégraphie « sans début ni fin » qui viendra charrier à même « un torrent flamboyant de paroles et d’images » l’exubérance joycienne, mots et corps disséqués dans une partition lue à haute voix puis humblement chuchotée. Littérature samplée dans le chaos d’une modernité fébrile. 16 François Verret, ph. T. Valès/Enguerand 2 comédiens, 11 danseurs avec le Festival d’Automne THEATRE DE LA VILLE • TARIF A DU 9 AU 11 NOV. CRÉATION François Verret COMPAGNIE FRANÇOIS VERRET création d’après Bartleby d’Herman Melville DANS L’INACHÈVEMENT DU SENS Depuis sa première création importante, Tabula rasa, en 1980, François Verret fait figure d’éternel contretype de la danse contemporaine. Les titres de ses spectacles brillent comme autant d’étoiles charbonneuses : il y est question de fin, d’éclipse, de chute, de secret, de folie et de nuit. Œuvre tourmentée, parfois proche du vertige. Veilleur aux confins, travailleur des marges, François Verret est l’un des artistes-architectes de ces "contreespaces" dont une culture à besoin pour ne pas s’assoupir. Dans le compagnonnage des nuits d’insomnie qui hantent toute création et tiennent éveillée la lucidité du jour, François Verret aura croisé d’autres figures du trouble : Faustus, Rapport pour une Académie (d’après Kafka) et le récent Kaspar Konzert, libre variation autour du personnage de Kaspar Hauser, sont notamment venus aimanter l’obscur éclat de consciences à contre-sens, dont les trajectoires épaisses nourrissent un état d’intranquillité. C’est sur les pas du Bartleby d’Herman Melville que François Verret trace sa prochaine création. Dans ce récit qu’un avoué fait de son mystérieux copiste, le lecteur arpente les « contours déchiquetés » d’une vérité toujours fuyante. C’est cet inachèvement du sens que le chorégraphe, expert en identités labyrinthiques, s’emploiera à mettre en corps et en voix, avec la comédienne Edith Scob, le musicien Jean-Pierre Drouet, deux acrobates et des interprètes rompus à un art des méandres. Ce n‘est pas pour rien que Bartleby a notoirement intrigué certains philosophes (Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Giorgio Agamben…) : dans ce récit d’une énigme, « Melville nous laisse un signe à déchiffrer, un signe qui échappe à la raison, un signe fait pour être questionné plutôt que résolu ». François Verret est là en terrain familier : comment tisser, avec le fil de ce qui échappe à la loi commune, la conscience ouverte d’un théâtre des lisières. THEATRE DE LA VILLE • TARIF A CRÉATION Wim Vandekeybus, ph. M. Vanden Abeele 14, 15, 17, 18 NOV. Jan Fabre TROUBLEYN As long as the world needs a warrior’s soul 11 danseurs et 4 musiciens Wim Vandekeybus, ph. Reinhilde Terryn L’ART DE LA RÉVOLTE Politiquement incorrect. Certes, Jan Fabre ne s’est pas manifesté jusqu’alors par des spectacles tranquilles. Depuis les lointains et tonitruants C’est du théâtre comme il était à espérer et à prévoir et le Pouvoir des folies théâtrales, deux œuvres au long cours réalisées en 1982 et 1984, Jan Fabre s’est toujours distingué comme un salutaire perturbateur des conventions théâtrales. Entre discipline et chaos, Fabre ne choisit pas. Plasticien autant que metteur en scène et chorégraphe (= guerrier de la beauté ?), il explore une frange qui dérange, comme l’a montré l’accueil assez souvent houleux que ses spectacles ont recueilli au Théâtre de la Ville. S’il ne se refuse aucune provocation, rien dans la démarche de Jan Fabre n’est pour autant gratuit, hormis l’impitoyable liberté avec laquelle il bouscule les genres établis. Dans des spectacles comme Sweet Temptations, et tout récemment The fin comes a little bit earlier this siècle (but business as usual), le corps est le lieu essentiel du conflit, non pas tant contre un ennemi extérieur que contre les entraves que nous nous imposons à nous-mêmes. Avec As long the world needs a warrior’s soul, sa dernière création, Jan Fabre franchit toutefois un cran, signant là, peut être, sa première pièce ouvertement politique. Si l’on était amateur de clichés faciles, il suffirait de dire : voilà une pièce révolutionnaire sur la révolution. Mais Jan Fabre a l’art de dépecer les clichés, de les faire éclater en tous sens. Posant la révolte comme condition de l’existence humaine (« Je me révolte, donc nous sommes », disait Albert Camus), Jan Fabre n’hésite pas à s’engager dans une esthétique de la saleté, maculant les acteurs de chocolat à tartiner et de ketchup ; un théâtre de la cruauté qui expose sa viande animale, soutenu par un propos d’une extraordinaire férocité, avec un (magnifique) texte de Dario Fo sur la mort de Ulrike Meinhoff. Charge virulente contre l’inanité des "socialdémocraties" en carton-pâte, appelant à renverser un monde qui nous figure en poupées Barbie, As long the world needs a warrior’s soul est aussi une très belle fable sur l’énergie de créer, dans la nécessité de reprendre à zéro, à partir de l’intrinsèque nudité des corps à naître, le modelage empirique de la chair et de l’esprit, unis dans une inaliénable sauvagerie d’être. Contre le clonage des grisailles, l’outrage du vivant. THEATRE DE LA VILLE • TARIF A DU 21 AU 25 NOV. 1er PROG. CRÉATION Wim Vandekeybus ULTIMA VEZ Jan Fabre, ph. M. Martens Inasmuch as life is borrowed… 11 danseurs LE RISQUE DE VIVRE Il y eut d’abord le déboulé de l’impulsion, la décharge de l’influx. Et puis le corps-commando de ses premiers spectacles s’est aguerri. La physicalité féline d’une danse confrontée à l’urgence et au danger s’est infiltrée dans des univers plus oniriques, où l’énergie du désir est venue se jouer des remparts de la volonté. In spite of wishing and wanting, son dernier spectacle au Théâtre de la Ville, joignait à la dimension du fantastique, des accents pasoliniens, dans une déflagration de sens où la pulsion du rêve venait déverrouiller le naturalisme organique des corps. C’est une constante des spectacles de Wim Vandekeybus : seul paramètre tangible de notre présence au monde, le corps biologique est, dans son animalité même, le lieu d’une "survie" où s’incarnent les fantasmes les plus irrationnels. La relation entre la nature et les passions humaines est à nouveau au cœur de sa dernière création, Inasmusch as life is borrowed (Dans la mesure où la vie est empruntée). Entre naissance et mort, Vandekeybus sonde les états extrêmes d’une conscience du vivant, dans un jeu (parfois dangereux) avec les limites. Joyeuse acceptation du risque de vivre que scelle ce paradoxe : « N’est-ce pas la perpétuelle contemplation intérieure de la mort qui fait avancer l’homme ? N’est-ce pas cette conscience de notre disparition imminente de ce monde qui crée en nous la volonté d’agir, de vivre, de communiquer, de danser ? » Au rythme des embardées chorégraphiques de Vandekeybus, prolongées par la projection d’un court métrage de création, le guitariste Marc Ribot (formidable partenaire de Tom Waits, Elvis Costello, the Lounge Lizards, the Jazz Passengers ou encore John Zorn) signe une musique originale qui sera exceptionnellement jouée "live" au Théâtre de la Ville. Il y a du survoltage dans l’air, puisque la vie (et la danse) emprunte à des rythmes conducteurs le mystère des forces qui la tiennent en éveil. 17 THEATRE DE LA VILLE • TARIF A DU 28 NOV. AU 2 DÉC. Edouard Lock La La La Human Steps Salt reprise 9 danseurs, 3 musiciens L’ÉNERGIE IMMORTELLE Le désir accompli d’une virtuosité étourdissante qui excède le contrôle et déborde la maîtrise, articulé à des visions enflammées, « millefeuilles de forces organiques sensibles et charnelles ». Le chorégraphe canadien Édouard Lock est le roi (mi-ange, mi-démon) d’un territoire de danse où le survoltage tient force de loi. À partir de Human Sex, en 1985, les créations de La La La Human Steps ont parcouru la planète, livrant à bon port l’adrénaline raffinée d’une "danse de l’extrême", notamment incarnée par Louise Lecavalier, toute en impulsions nerveuses et élans voraces. Infante destroy d’une énergie en apnée permanente. Doucement, Louise Lecavalier s’en va aujourd’hui vers d’autres aventures. Après deux expériences antérieures (pour le Ballet national de Hollande, et les Grands Ballets canadiens), Édouard Lock met ici sa danse sur pointes, « augmentant la distance entre les interprètes et le sol, en leur donnant une emprise sur le monde aussi ténue que celle des âmes ». On pense évidemment aux grandes heures d’une Karole Armitage dans cet incessant "riff" de jambes démesurées, en verticales tour à tour magnifiées et empêchées. La musique du minimaliste new-yorkais David Lang (piano, violoncelle et guitare électrique) accompagne dans un pointillisme pop (parfois empreint de réminiscences classiques) l’éclatant et aveuglant éclat d’une danse qui semble découpée à même la lumière. Depuis une humanité de chair qu’Édouard Lock rappelle avec d’étranges projections de films, le chorégraphe vise l’au-delà : pure présence de lignes qui exauce la finitude de l’être et son désir d’immortalité. L’énergie, règle de vie. THEATRE DE LA VILLE • TARIF B 6, 8, 9 DÉC. CRÉATION Bernardo Montet ASSOCIATION MAWGUERITE–BERNARDO MONTET Dissection d’un homme armé livret Jean-Pol Fargeau 7 danseurs, 1 musicienne 18 DANS LA RUINE DE L'IDENTITÉ Sang mêlé, sang bouillant. Guyanais et Vietnamien par ses origines, Bernardo Montet est chorégraphe du déchirement. Longtemps partenaire des créations de Catherine Diverrès, depuis le fameux duo d’Instance (1983), il a pris voici peu son autonomie pour poursuivre l’acharnement d’une danse d’outre-danse qui débusque, comme aux aguets, une rage de croire et de vivre. Danse de révolte et d’exorcisme, dont la physicalité acérée rôde entre violence et douceur. Après quelques solos initiatiques, il y eut l’univers dévasté d’Opuscules (1995), la fouille d’une langue malaxée par l’asservissement, partagée par des danseurs ivoiriens et l’écrivain Pierre Guyotat dans Issê Timossé (1997), puis la géographie écartelée de Ma Lov’, conçu avec des artistes israéliens (1998). Désormais artiste associé au Quartz de Brest, Bernardo Montet vient d’y créer Dissection d’un homme armé, une pièce pour sept interprètes cosmopolites (dont le danseur de butô Ko Murobushi) et la musicienne ivoirienne Manou N’Guessan. « Nous endurons parce que nous sommes l’énergie inversée, nous sommes l’autre pôle. Parce que nous sommes le motif souterrain de l’humanité. Parce que nous sommes le Sud ! ». À partir d’un livret du scénariste-écrivain Jean-Pol Fargeau, matière souterraine de cette chorégraphie, Bernardo Montet défait la brillance du mouvement pour capter, dans les soubresauts d’une danse frappée d’étrangeté, le trouble d’identités morcelées, errantes, ruinées. De quelle souffrance le corps est-il armé lorsqu’il laisse tomber l’armure guerrière ? Cette dissection est le carnet d’esquisses d’une guerre perdue, vainqueurs et vaincus pris dans la même ruine de l’identité. Comment, alors, retrouver le geste d’une altérité qui puisse accéder à une "vérité intérieure" où les corps, conquérants de rien, hors des "terrorismes des territoires", sauraient faire du transitoire et du protéiforme, des lieux d’être ? THEATRE DE LA VILLE • TARIF A Sankai Juku Ushio Amagatsu 15, 16, 17, 19, 20, 21 DÉC. 1er PROG. CRÉATION création 27, 28, 29, 30 DÉC. 2e PROG. Hibiki reprise L’ALCHIMIE DES LENTEURS De la résonance du plus lointain passé. En donnant ce sous-titre à Hibiki, la dernière création de Sankai Juku, Ushio Amagatsu indiquait une nouvelle fois ce qui est la racine même de son œuvre : animisme des entrailles, patiente archéologie des sédiments d’humanité. Être au monde, pour Amagatsu, c’est perpétuer le cycle du vivant, en révélant dans une présence à la fois diaphane et fantomatique, toute l’ancestralité qui nous constitue. Depuis Shoriba (1979), qui rappelait les anciennes danses kagura du culte shintoïste, et Jomon Sho (1982), référence explicite à la préhistoire, Ushio Amagatsu a conduit le groupe Sankai Juku vers une esthétique de plus en plus raffinée, délaissant progressivement l’initiale radicalité sulfureuse du butô – cette danse d’avant-garde née dans le Japon contestataire des années 60 –, pour accéder à des épures visuelles au symbolisme prégnant. Prince des lenteurs, Amagatsu déplie de pièce en pièce le rituel envoûtant d’une mystérieuse offrande muette. Chaque spectacle est une voluptueuse procession de mouvements "noueux" au cœur de la matière. Issu d’une culture qui considère la naissance et la mort comme deux étapes du perpétuel recommencement de la vie, sous l’égide malicieuse des esprits (les kami), Amagatsu délie le temps en alchimiste des transformations. Dans Hibiki, les danseurs-officiants, maquillés de blanc, crânes rasés, incarnent la naissance d’un monde qui émerge difficilement de gouttes d’eau nourricière, tombant à longs Edouard Lock, ph. T. Valès/Enguerand Bernardo Montet, ph. Delahaye Jérôme Bel, ph. H. Sorgeloos Jérôme Bel, ph. Mutsumi Tsuda Sankai Juku, ph. Birgit intervalles de lanternes de verre bleuté. Voici quelques années, Amagatsu comparait "l’équilibre" du danseur de butô à un récipient rempli d’un liquide, et ne pouvant contenir une goutte de plus. Havre parisien de Sankai Juku, le Théâtre de la Ville accueillera, outre la reprise de Hibiki, une nouvelle création d’Ushio Amagatsu. Aucune information n’a encore filtré sur cette œuvre à venir : au rituel, il sied une part de mystère. THEATRE DE LA VILLE • TARIF C 4, 5 ET 6 JAN. 2e PROG. CRÉATION Jérôme Bel The Show must go on 18 acteurs Radical avec humour, Jérôme Bel ose, dès 1994, un art minimal encore non identifié. Doté d’une réjouissante obsession pour le sens des choses, il entreprend non pas de danser comme on pourrait s’y attendre de la part d’un interprète qui a travaillé chez différents chorégraphes dont Bouvier-Obadia et Philippe Decouflé, mais de déshabiller les apparences. Celles du monde de la danse dont il est issu comme celle des autres arts. De l’économie du spectacle aux comportements les plus ordinaires, des phénomènes de société à la plus triviale banalité, rien n’échappe à son regard. Avec un langage qui ressemble fort au degré zéro de l’écriture, Jérôme Bel procède à un savoureux décapage de l’environnement. Sa propre rigueur conceptuelle est minée de petites bombes poétiques et humoristiques. Dans sa première pièce Nom donné par l’auteur, avec pour complice de ses œuvres Frédéric Seguette, il imagine un spectacle dont les danseurs sont dix objets ordinaires dont un aspirateur, un dictionnaire et une salière. Shirtologie est une ode aux tee-shirts et à leurs inscriptions qui circulent dans le monde. Jérôme Bel, pièce manifeste, se consacre à la danse, à l’histoire des corps et de la modernité au travers de la nudité dont les interprètes explorent les joyeuses ressources au poil près. Énumération et mise a nu rythment cette démarche singulière que le Théâtre de la Ville accueille avec deux récentes créations. Quoi de commun entre Hamlet, André Agassi, Susanne Linke et Jérôme Bel ? C’est la question que pose le Dernier Spectacle. Ces figures sont tour à tour dérisoirement interprétées par quatre personnalités épatantes dont l’auteur, et trois partenaires : Antonio Carallo, Claire Haenni et Frédéric Seguette. L’un après l’autre, ils déclinent une identité passagère avant d’interpréter entre autres un solo de la chorégraphe allemande Susanne Linke et de disparaître dans le glissement progressif du jeu et de l’écriture. Ce faisant, les acteurs cernent méthodiquement, avec un humour insolite, les contours de l’illusion théâtrale, de la représentation et ses statuts ainsi que ceux de la société du spectacle. Cet art de l’ellipse revient comme un éternel retour. Sans craindre de se contredire, l’auteur poursuit sa réflexion en intitulant la création suivante The Show must go on. L’expression commune, issue du monde du spectacle, incite Jérôme Bel à un nouveau travail qui a pour matériau premier la chanson et interroge la réception des œuvres. Renouant avec la veine de Shirtologie, cette pièce réunit dix-huit acteurs danseurs européens. Une série de tubes sélectionnés en surfant sur Internet et MTV, est constituée. Elle allie le groupe Queen aux Beatles, le rock à la techno, créant une sorte de narration en filigrane. Le montage est réalisé sur scène par un dj économe en effets. Mêlant ingénument attitude conceptuelle et mass médias, The Show must go on réfléchit sur le langage et le musical, la culture et l’intime. Un cocktail détonant entre danses et musiques, qui ouvre sur un monde pop où la provocante délicatesse de Jérôme Bel poursuit son œuvre, fidèle, mais autrement, à l’esprit de la danse contemporaine et à sa subversive dynamique. Q 19 THEATRE DE LA VILLE • TARIF A DU 20 AU 24 MARS CRÉATION Mathilde Monnier Rui Horta, ph. X, D.R. CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL DE MONTPELLIER LANGUEDOC-ROUSSILLON THEATRE DE LA VILLE • TARIF A DU 10 AU 13 JAN. CRÉATION Rui Horta Blindspot 6 danseurs L’ESPACE AU CORPS D’une formation initiale en architecture, le chorégraphe portugais Rui Horta a gardé le sens des espaces et de leur mise en lumière. Peutêtre a-t-il simultanément appris à se méfier des "systèmes asphyxiants" et des "machines emprisonnantes". Son intérêt pour la danse le porte en tout cas à envisager le corps comme un refuge, qu’il conviendrait de préserver d’un monde agressif et blessant. Non que les contre-espaces qu’il s'est employé à rendre visibles depuis 1984 soient des havres de quiétude absolue : « le calme est un luxe que je ne me permets pas », écrit Rui Horta. De fait, ses pièces donnent consistance à une danse de l’urgence, qui aime se confronter au risque. Légèreté, vitesse, multiplicité, sont quelques-uns des contours qui formalisent ses chorégraphies. Autre caractéristique de ce bâtisseur d’éphémère, le nomadisme. Parti à New York au début des années 80, il revient à Lisbonne fonder une compagnie de danse en 1984, avant d’émigrer en Allemagne où il prend la direction en 1990 du S.O.A.P Dance Theater. Et puis, nouveau changement de cap voici trois ans : Rui Horta choisit l’itinérance, entre France et Portugal. Ce goût du déplacement n’est pas sans relation avec la "libre circulation" du rêve ; et les spectacles de Rui Horta évoquent souvent cette faculté des rêves à venir perturber l’immuabilité du quotidien. Pièce pour six danseurs, Blindspot lance ainsi une humble constellation de personnages « perdus dans l’immensité d’un rêve de conquête » en une mosaïque de solos, duos, trios et situations d’ensemble où se joue le vivant paradoxe du trajet solitaire et du besoin de compagnie. Dans un espace ouvert, tendu par un cyclorama mobile qui donne l’illusion d’un trajet dans le temps – ligne d’horizon infinie –, Blindspot est une sorte de road movie abstrait, pour « mesurer le ciel au plateau ». En quête d’une architecture fluide qui saurait harmoniser l’espace d’un idéal et l’espace physique. Signé 6 danseurs LE MERCI À MERCE La danse est certes art de l’éphémère. En quoi serait-ce incompatible avec un travail de mémoire ? La création ne parvient à bien dépenser que ce qu’elle a patiemment accumulé, en souvenirs, expériences, répétitions… Encore faut-il, pour échapper à une logique strictement muséale, inventer la mémoire, la mettre en tension avec un présent. Élève de Viola Farber au C.N.D.C. d’Angers, Mathilde Monnier est consciente de ce que la danse contemporaine doit à Merce Cunningham. Comme d’autres chorégraphes de sa génération, c’est au studio de Merce, à New York, que Mathilde Monnier a "fait ses classes" au début des années 80, goûtant et apprivoisant, bien au-delà de l’apprentissage technique, l’esprit d’une "liberté formidable". Mais il faut bien s’opposer aux pères, d’autant que Cunningham lui-même n’a jamais franchement incité au "pater noster". Mathilde Monnier a frayé sa voie en belliqueuse espiègle, dans les tutus froufroutants de Pudique Acide, dans la théâtralité composite des premières pièces avec Jean-François Duroure, et depuis sept ans à la tête du Centre chorégraphique de Montpellier, avec des œuvres telles que l’Atelier en pièces ou le triptyque des Lieux de là, en recherche sensible de nouvelles configurations de l’acte chorégraphique, dans les ressources d’une « pensée moderne aux prises avec le réel ». Est-il temps de faire retour aux origines ? De s’abreuver à nouveau au puits où tout a commencé ? Signé, la prochaine création de Mathilde Monnier, s’annonce en tout cas comme une pièce "référencée" à Merce Cunningham. Ni hommage, ni contre-hommage, mais une forme de "poème visuel" qui procédera « par libre association de mouvements, d’actions et de sons ». Une chorégraphie « née sous X, d’une paternité perdue, retrouvée, reperdue ». La mémoire n’enferme pas, elle fermente, et rejaillit dans les espaces où a été semée la liberté d’être. Anne Teresa De Keersmaeker Sasha Waltz, Zweiland ph. Herman Sorgeloos ph. Delahaye 20 Mathilde Monnier, ph. Marc Coudrais THEATRE DE LA VILLE • TARIF A CRÉATION Sasha Waltz, ph. Matthias Zölle DU 27 AU 31 MARS Anne Teresa De Keersmaeker ROSAS / AKA MOON création LE COUDOIEMENT D’UNE ŒUVRE EN DEVENIR En architecte du mouvement diplômée de la science du vivant, Anne Teresa De Keersmaeker a maintes fois fait preuve d’une maestria rodée à toutes les structures, de l’harmonie à la dissonance, du déchiffrage des virtuosités au défrichage des énergies latentes. Des cycles répétitifs de ses premières pièces de danse (Fase, Rosas danst Rosas) à la complexité ouvragée des spectacles aux dramaturgies hybrides (Kinok, Just before, I said I…), la chorégraphe de Rosas poursuit sans relâche une obstination à mettre à l’épreuve, en le rejouant comme on jette les dés, un savoir-faire en appétit de nouveaux espaces. Dans l’enchevêtrement mobile et vivant des lignes de flux et de tension, Anne Teresa De Keersmaeker ouvre désormais un territoire partagé qui ne s’effraie pas de la juxtaposition des plans. L’œuvre n’est jamais unique, ni dogmatique, elle réunit des forces collectives qui tissent, ensemble, l’essentiel coudoiement dont toute création se devrait d’être le corps conducteur. Ce processus de création, entamé avec la parole des danseurs dans Just Before, ramifié dans I said I (texte de Peter Handke, coexistence musicale de l’ensemble Ictus, du groupe Aka Moon et du dj Grazzhoppa), s’est encore développé avec In real time, qui n’aura plus été strictement annoncé comme "création d’Anne Teresa De Keersmaeker", mais bel et bien sous la signature conjointe de la compagnie Rosas, du collectif de théâtre tgStan, et du groupe de musique Aka Moon. Chaque art, sans doute, vise plus ou moins délibérément l’extrapolation de ses limites. Ce travail aux confins, qui traverse toute l’œuvre d’Anne Teresa De Keersmaeker, prend désormais un tour plus nettement affirmé. Œuvre en devenir, dont la prochaine création de Rosas (mars 2001) devrait sceller un nouveau chapitre. Sasha Waltz, Na Zemlje ph. Arno Declair THEATRE DE LA VILLE • TARIF A Sasha Waltz SCHAUBÜHNE AM LEHNINER PLATZ DU 4 AU 7 AVRIL 1er PROG. Na Zemlje 12 interprètes DU 15 AU 19 MAI 2e PROG. Zweiland 7 interprètes GÉOGRAPHIES DE LA NATURE HUMAINE Initialement formée par un élève de Mary Wigman, avant de se familiariser aux courants d’improvisation chorégraphique à Amsterdam puis New York, Sasha Waltz a commencé au début des années 90 une œuvre voyageuse. Le périple qu’elle engage alors ne conduit vers aucun exotisme ; il s’agit au contraire d’explorer les territoires du réel, du quotidien, du social. Le cycle Travelogue, qui forme une trilogie réalisée entre 1993 et 1995, interroge ainsi les représentations du masculin et du féminin, la désagrégation de l’espace familial, la mutation des comportements individuels façonnés par les outils de la "communication de masse". Sociologue avisée de ce qui se joue sous la surface du réel, Sasha Waltz pervertit les apparences, questionne la vérité du monde qui l’entoure, au plus cru des fantasmes qui ne s’avouent pas. De cette prédilection pour des espaces concrets tangibles, naît ainsi Allee der Kosmonauten (1996), composé à la façon d’un reportage sur la vie quotidienne d’une famille nombreuse qui partagerait un appartement exigu, dans la banlieue d’une grande ville allemande. Pour qualifier cette mise en pièces du réel, la critique a extrait de son attirail une étiquette rédigée pour l’occasion : voici venue l’heure de la "post-danse-théâtre". Peu importe. Le voyage de Sasha Waltz ne s’arrêtera pas en si bon chemin… La voici aujourd’hui propulsée, aux côtés du jeune metteur en scène Thomas Ostermeier, à la codirection de la fameuse Schaubühne de Berlin. Après Körper, le Théâtre de la Ville présentera cette saison deux spectacles qui ont précédé cette prestigieuse nomination. Zweiland, créé en 1997, se donne pour cadre les rues de Berlin, une ville prise dans le chantier de sa réunification, et où toutes les divisions, entre est et ouest, peinent parfois à s’effacer. Avec sept interprètes d’origines diverses, Sasha Waltz tend à sa ville d’adoption un miroir pas toujours aimable, faisant ressortir avec un humour désenchanté les multiples distorsions d’une "unité divisée". Na Zemlje (Sur terre) est une œuvre élaborée en 1998 à Ljubimovka, dans les environs de Moscou, avec des acteurs de l’École d’art dramatique d’Anatoli Vassiliev. Tout espoir de changement en Russie y semble englué dans la survivance d’un ruralisme boueux. Spectacle dansé, joué et chanté, Na Zemlje oscille entre pathétique et burlesque, entre réalisme rustique et onirisme fantastique. D’un territoire à l’autre, la nature humaine semble avoir trouvé en Sasha Waltz une portraitiste sans concession qui aurait troqué une vieille défroque utopique contre les oripeaux modernes d’un constat lucide et amer. 21 Ea Sola, ph. Claude Le Anh THEATRE DE LA VILLE • TARIF A DU 9 AU 12 MAI CRÉATION Ea Sola Requiem danseurs et musiciens vietnamiens LE NOMBRE DIVISÉ EN PERSONNES « L’orchestre de Requiem, c’est le temps. La voix de Requiem est la mélodie de la partition. La danse de Requiem est un nombre ; un groupe de monde dansant la personne. » Ainsi écrit la Vietnamienne Ea Sola, et l’on a déjà, dans la saveur légère de ces quelques mots, toute la promesse poétique d’un travail enraciné dans l’essentialité. Tout a débuté avec ce formidable chant de l’âge que fut Sécheresse et Pluie, porté par l’humble délicatesse de vieilles paysannes du Nord-Vietnam. Ea Sola, qui avait fui à quinze ans son pays lessivé par la guerre, faisait retour vers la mémoire incorporée d’une contrée dont le peuple avait su entretenir les formes d’un art savant. Sans céder au moindre "folklore", Ea Sola aura au contraire jeté une passerelle incroyablement vivace entre la fertilité des traditions et l’horizon d’une modernité dont le Vietnam contemporain est le passionnant chantier. Après Sécheresse et Pluie, deux autres spectacles, Il a été une fois et Voilà, voilà *, sont venus séquencer ce voyage subjectif et sensible d’un travail des origines en chemin vers son devenir. Une œuvre grandiose, d’une douleur paisiblement transmuée, dont Requiem devrait être le geste d’adieu, indiquant le passage du "voilà d’où nous venons" au seul "nous venons". Quinze danseurs et quinze musiciens vietnamiens célébreront, dans l’achèvement d’un cycle, l’imminence de cette venue, de cet avènement ; au passage du "collectif" de l’identité d’un peuple (en lui-même composite) au "singulier" de la personne. Avant la danse, les mots d’Ea Sola le disent déjà : « Le nombre/Divisé en personnes/Réveille la personne/Divisée dans la joie ». * Coproduits par le Théâtre de la Ville. THEATRE DE LA VILLE • TARIF EXCEPTIONNEL Pina Bausch TANZTHEATER WUPPERTAL 7, 8, 9, 11, 12, 13, 14 JUIN 1er PROG. création création sements qui sont le sel de la vie. Oui, ce sel vient parfois brûler des plaies mal cicatrisées : la relation entre hommes et femmes, l’écart entre désespérance et besoin d’affection, le dérisoire et le pathétique, l’espoir et le désenchantement. « Entre la solitude et la compagnie, il est un geste qui ne commence en personne et qui se termine en tous », écrit le poète Roberto Juarroz. Avec le Tanztheater Wuppertal et ses sublimes interprètes, Pina Bausch aura réussi à faire des solitudes de chacun le foyer d’une compagnie, donnant corps à la communauté sensible des êtres séparés, mais cependant unis dans un « battement de cœur de l’essentiel ». Dès 1979, le public parisien découvrait Barbe-Bleue et les Sept Péchés capitaux. Ce fut le début d’une longue histoire d’amour entre Paris et le Tanztheater Wuppertal : depuis plus de vingt ans, le Théâtre de la Ville aura été l’écrin parisien de cette œuvre proliférante, dont chaque pièce vient faire jaillir l’infini recommencement d’un bouleversant cortège de vérités et de déguisements, de dérisions et de tragédies. Insatiable rivière d’une soif d’amour dont le flot charrie, à la source même des gestes, le désenchantement nostalgique. Tout l’art de Pina Bausch tient peut-être dans l’impossible deuil d’une innocence à jamais bafouée ; dans le secret d’une enfance perdue. Cette douleur, si elle a sans doute racine liée à la propre enfance de Pina Bausch (née en Allemagne en 1940), est le registre étendu de l’expérience commune, dans la mise en partage du particulier : qu’avons-nous tous perdu de l’enfance de chacun ? Cette impossibilité à remonter le fil du temps est au cœur de Danzón, vingt-troisième pièce de Pina Bausch. Des rites de déshabillage à la poursuite d’un état de nudité, des feux follets d’un théâtre d’ombres aux rêves de voyage vers une lointaine jeunesse, Danzón est comme une ronde d’adieu, inhabituellement ascétique, aux jeux de l’enfance. Paradis perdu dont Pina Bausch vient elle-même danser l’éloignement, en sémaphore nocturne des beautés englouties. Depuis le sublime Viktor (1986), qu’elle répéta en partie à Rome, et plus singulièrement Palermo, Palermo, créé en 1989 en Sicile, Pina Bausch a pris le goût d’un dépaysement qui se laisse irriguer par les ambiances mystérieuses de certaines villes : à mille lieues des clichés touristiques obligés, c’est encore à un travail de fouille, d’exhumation, que se livre la chorégraphe. Dans l’appel des rythmes bigarrés (ceux du sud, notamment), ses dernières pièces ont conquis une gaieté contagieuse, où la danse revient en force et s’émaille en solos vertigineux. Après Lisbonne, Madrid, Hong-Kong, Buenos Aires et Rome, c’est à Budapest que le Tanztheater Wuppertal fait aujourd’hui escale. Au bord du « beau Danube bleu », récemment sali par d’importantes pollutions, nul doute que Pina Bausch saura une fois de plus explorer les berges de la mémoire, entraînant le vertige des corps dans la lancinante nostalgie des violons tsiganes. 18, 19, 21, 22, 23 JUIN 2e PROG. 22 reprise LES BERGES DE LA MÉMOIRE Résolument. Définitivement. Pina Bausch aura marqué l’histoire de la danse et du théâtre, outrepassant les limites de l’une et de l’autre dans un art de vérité qui a en partage le bien commun de l’humanité. Chorégraphe de l’être, Pina Bausch a su composer, de pièce en pièce, une vaste fresque des turpitudes, lâchetés, rêves d’amour, fantasmes, tendresses, cruautés, jeux, manigances et ravis- Pina Bausch, ph. M. Vanden Abeele Danzón LES ABBESSES • TARIF C er DU 17 AU 21 OCT. 19H30 1 PROG. La Ribot Mas Distinguidas conception, interprétation La Ribot musique Erik Satie, Javier Lopez de Guereña, Rubén Gonzalez, Carles Santos lumières Daniel Demont LA DISTINCTION MALICIEUSE Tableaux vivants, à vendre. Les Pièces distinguées de La Ribot sont de brefs solos (de 30 secondes à 7 minutes), vendus comme des œuvres d’art aux "distingués propriétaires" qui en font l’acquisition comme on le ferait d’un tableau ou d’une sculpture. Très éloignées, donc, des écritures chorégraphiques courantes, les "miniatures" de La Ribot sont de délicieuses perles, souvent enrobées d’humour, avec parfois un zeste caustique qui en relève le goût. Mais, plus que des "sketches", ce sont de véritables "poèmes mobiles" qui s’animent à même le corps, avec le soutien occasionnel d’accessoires dérisoires. À la lisière de la chorégraphie et de la performance, Maria-José Ribot a entamé ce cycle de la "distinction" en 1993. Figure de proue de la nouvelle danse madrilène, la presse espagnole l’a élevée au rang de "reine dada", "surréaliste, drôle et élégante". « André Breton lui aurait sûrement dédié Nadja », écrit même le grand critique Roger Salas. C’est aujourd’hui à Londres qu’elle tente de trouver un environnement plus propice à la reconnaissance de l’art décalé qui est le sien. Avec un flegme pince-sans-rire qui est le lot des grands burlesques métaphysiques, La Ribot bichonne l’absurde pour s’amuser des vanités qui nous tiennent lieu d’apparence. Avec une classe où l’aristocratique et le vulgaire se mélangent les pinceaux, elle parvient à satisfaire par la déception. Son Strip-tease est ainsi un grand moment du genre ! N’en dévoilons rien. Disons simplement ceci : La Ribot a compris que, pour amener à voir, il fallait de prime abord décevoir. Peut-être est-ce là le secret de sa vraie "distinction". Évidemment malicieuse. Les années 80 nous avaient habitués à des productions de danse contemporaine qui, sur le modèle du théâtre, construisaient en créations successives des univers, des styles, des "gestuelles" mises au service d’un sens du spectaculaire. Rien de tel chez La Ribot. Comme d’autres artistes apparus ces der- Gilles Jobin, ph. Isabelle Meister La Ribot, ph. Jaime Gorospe La Ribot, ph. Isabelle Meister DANSE AUX ABBESSES nières années, elle bouscule un certain format "obligé" des pièces de danse. Chez elle, tout est indiqué d’emblée dans un concept chorégraphique unique, qui est amené à se développer en de subtiles variations. Le jeu des "séries" permet de séquencer et de canaliser la prolifération de l’idée initiale, dont elle est l’unique interprète. Quelques spectateurs parisiens auront peutêtre vu à la Ménagerie de verre les 13 premières Piezas distinguidas, créées à partir de 1993. La Ribot s’est donné comme objectif de "collectionner" cent pièces distinguées : plus qu’un spectacle, c’est donc une œuvre au long cours que l’on aura le bonheur de découvrir la saison prochaine au Théâtre de la Ville, en deux temps. Au Théâtre des Abbesses, La Ribot présentera les treize solos d’un cycle intitulé Mas Distinguidas, qu’elle a achevé en 1997. Et au Théâtre de la Ville dans la salle de répétition, elle créera Still distinguished, 6 nouvelles pièces. LES ABBESSES • TARIF C DU 17 AU 21 OCT. 21H 1er PROG. Gilles Jobin Braindance chorégraphie Gilles Jobin musique originale Franz Treichler autres musiques The Young Gods, Subspicy lumières Emma Wilson costumes Anna Van Bree avec Estelle Héritier, Juan Dominguéz, Genevieve Byrne, Gilles Jobin, Nuria de Ulibarri avec le Festival d’Automne à Paris AU-DELÀ DE L’OBSCÉNITÉ Chorégraphier. Avant toute prétention à l’écriture, ce serait exhiber le corps. Au sens premier, juridique, d’exhiber : "Produire (un document officiel, une pièce) devant l’autorité". Au-delà de la nudité manifeste de son premier spectacle de groupe, A + B = X, le chorégraphe Gilles Jobin a d’emblée trouvé la force d’exhibition d’un corps soumis à l’autorité d’une "loi" de représentation. La détournant, la dé-jouant, par un singulier travail de cadrage, de mise en lumière, de manipulation. Venu à la danse par l’interprétation (avec Fabienne Berger, Laura Tanner et Angels 23 Margarit), Gilles Jobin a rodé à Genève, en quelques solos et performances, l’avènement d’un travail de chair qui ne dénierait pas au mouvement sa dimension cérébrale. Braindance, nouvelle œuvre pour cinq danseurs, convoque à nouveau la nudité (mais pas seulement) dans la nécessité d’une âpreté sans concession. Loin de prétendre sublimer quoi que ce soit, le "dispositif" de corps et d’images que met en scène Gilles Jobin désigne plutôt l’espace d’une vulnérabilité, la menace d’une déshumanisation de l’expérience de vivre. « Fasciné par les images de guerre, intéressé par l’utilisation du corps comme instrument de propagande politique et de terreur », Gilles Jobin use d’une magistrale lenteur pour "animer" ces morts manipulées que nous stockons inconsciemment, obligeant à regarder ce qui ne peut être vu. Danse clinique, qui ne s’égare pas dans l’état de fièvre, mais ose entreprendre le corps audelà de l’obscénité de la mort. LES ABBESSES • TARIF C Lynda Gaudreau COMPAGNIE DE BRUNE DU 24 AU 28 OCT. 1er PROG. Document 1 direction artistique, chorégraphie, conception scénographique, direction sonore Lynda Gaudreau musique originale Rober Racine piano (1999) lumières Lucie Bazzo costumes Lynda Gaudreau, Carmen Alie, Denis Lavoie œuvres chorégraphiques intégrées de Jonathan Burrows Hands (vidéo, 1995) ; Meg Stuart et Damaged Goods No Longer Readymade (extrait, 1993 ; interprété par Benoît Lachambre, sur une musique de Hahn Rowe) ; Benoît Lachambre Solo à la hanche (création originale) accessoires chorégraphiques de Daniel Larrieu (ballon et plumes) utilisés dans Feutre (1999) avec Sarah Doucet, Mark Eden-Towle, Sophie Janssens, Sarah Stoker et Benoît Lachambre artiste invité DU 22 AU 25 NOV. 2e PROG. Still life n°1 24 duo ANATOMIE DU VIVANT Singulière pépinière de talents chorégraphiques, le Klapstuk de Louvain a accompagné ces dernières années l'émergence d’artistes tels qu’Alain Platel ou Meg Stuart. Ce festival, doublé d’un accueil de résidences de création, a été de 1992 à 1997 le port d’attache d’une chorégraphe québécoise, Lynda Gaudreau, dont les pièces sont conçues, avec exigence et précision, comme autant "d’architectures émotives". Simultanément formée à la danse (moderne et classique), à l’histoire de l’art et à la philosophie, Lynda Gaudreau se définit comme une « anatomiste du mouvement ». Ce travail lumineux, qui n’a jusqu’à présent guère été vu en France, a d’ores et déjà conquis quelques-uns des festivals les plus renommés en Europe et au Canada. Ce succès est d’autant plus remar- Jérôme Bel, ph. Herman Sorgeloos Gilles Jobin – suite quable qu’à rebours de toute surenchère spectaculaire, Lynda Gaudreau apprivoise le temps du regard. Espace, masses, volumes sont ici le véritable objet d’une quête sensible où l’influence de la peinture et de la sculpture (des dessins au fusain de Michel-Ange à Cézanne, de Rodin à Giacometti) sert de matrice à des "études de mouvement" dont le danseur est à la fois peintre et modèle. Lynda Gaudreau ne craint pas d’assigner à ses compositions (pures, élégantes, détaillées et minutieuses) une dimension "encyclopédique". Document 1 égrène ainsi un alphabet ludique dont pieds, mains, bras, hanches et tête stimulent tour à tour la formation de motifs et d’ornements. Cette "collection" de fragments sait emprunter à bon escient certaines pièces déjà existantes ou créées pour l’occasion : extrait vidéo d’une œuvre de Jonathan Burrows (Hands), solo d’ouverture du No Longer Readymade de Meg Stuart, Autoportrait à la hanche confié au danseur/performer Benoît Lachambre, "citations" chorégraphiques de Daniel Larrieu, Jérôme Bel, etc.. À |’intérieur d’un espace volontairement restreint, se succèdent ainsi les tableaux d’un paysage humain, qui procède par déclinaison, énumération, classification. Document 1 inaugure un projet associatif que Lynda Gaudreau entend construire sur plusieurs années, dans la logique d’un "gai savoir" encyclopédique peu courant en danse. Rejoignant ce projet au long cours, le Théâtre de la Ville donnera également à en voir l’une des arcanes avec Still Life n°1. Ce duo, qui se veut « une méditation sur le corps humain », superpose les univers de l’anatomie et de la peinture. En un cérémonial figuratif d’une mise à nu minutieusement dépliée, un homme et une femme se partagent la mise à plat de la chair, sur une table de dissection qui pourrait aussi être table de massage. La froideur clinique de l’espace n’est ici en rien opposé à la sensualité densifiée des corps qui s’exposent en constantes transformations. Saillie des muscles, des os, dans une mosaïque de lignes et de courbes qui déjoue la "nature morte" au profit d’un entrelacs de la vision et du toucher ; comme si une "leçon d’anatomie", sortant de la platitude figurative de la "planche", devenait "leçon de choses" chorégraphiée à même le vivant des corps. La mise en scène épurée de cette déconstruction organique, accompagnée par une composition sonore de Rober Racine toute en étirements, chocs et effondrements, produit l’extraordinaire enchantement des formes se dépliant à l’infini dans l’abîme de la perception, illimitant l’espace intime du regard et du toucher. Somptueuse profondeur du silence obscur des corps, puisque comme le dit simplement Lynda Gaudreau : « La danse est un moyen de donner une forme à ce qui ne peut être dit ». Lynda Gaudreau, ph. Herman Sorgeloos Gilles Jobin, ph. Isabelle Meister Jérôme Bel Le Dernier Spectacle 4 interprètes CRITIQUE DU SPECTACLE Artiste minimaliste dans ses propositions, maximaliste dans la radicalité corsée d’humour avec laquelle il déjoue les attendus du spectacle vivant, Jérôme Bel a réussi à transformer une critique de l’art chorégraphique en œuvre à part entière. Élève du C.N.D.C. d’Angers, il a dansé pour Preljocaj, Bouvier-Obadia, Larrieu et Caterina Sagna, puis fut l’un des assistants de Decouflé pour les cérémonies des Jeux olympiques d’Albertville, avant de signer en 1994 son premier "avis de non-conformité" : Nom donné par l’auteur ; chorégraphie sans danse, il se joue autour d’un tapis et d’objets de salon manipulés par deux interprètes. Un jeu sur le langage, d’une banalité à la fois ludique et réflexive. Jérôme Bel assume le décalage qu’il opère dans le champ de la danse. Sa pièce suivante s’intitule… Jérôme Bel. Cinq interprètes nus, une ampoule pour seul éclairage, l’air fredonné du Sacre du printemps pour seule musique ; dans son apparente pauvreté, ce spectacle est une mine d’intelligence. Le corps se dépouille des attributs de la modernité pour accéder à la plus caustique des simplicités. Deux ans plus tard, Shirtologie, créé avec des adolescents de Gand, joue habilement sur les inscriptions portées sur tee-shirts : de quoi le corps commun est-il la vitrine ? La rupture avec les bonnes manières de la danse contemporaine est consommée. La quatrième pièce de Jérôme Bel s’appellera, sans rire, le Dernier Spectacle. En manipulant la citation et les variations en série, Jérôme Bel convoque des figures vues et entendues : André Agassi y croise Hamlet dans un match des apparences et des identités, qui renvoie dans les limbes toute prétention démiurgique de l’artiste-auteur. À l’ère de l’emprunt généralisé, du copier-coller et de la connexion, Jérôme Bel peut bien rejouer tel quel un extraordinaire solo de la danseuse Susanne Linke. Sauf que tel quel il n’existe pas : la représentation démultipliée de ce solo s’offre comme jeu de variables. La répétition du même est un leurre, un trompe-l’œil. Le monde n’existerait-il plus que dans l’interprétation que nous pouvons faire des clichés qui nous sont adressés ? Déjouer la ruse de la représentation, ce n’est en rien, pour Jérôme Bel, ajouter de l’imagination au réel ; mais plutôt élaborer des concepts qui permettraient de démonter, avant remontage, la mécanique empirique du sens. Dans le Dernier Spectacle, plus encore que dans ses précédents essais, un pratique éclairage du recyclage se pose comme critique en actes de la prolifération d’une production (notamment artistique) qui tournerait à vide. Un critique a eu raison d’écrire que le Dernier Spectacle pourrait « être à la danse ce que Fin de partie est au théâtre ». Depuis qu’il a radicalement manifesté ne plus avoir le désir de danser, on s’arrache les chorégraphies de Jérôme Bel ! Gilles Jobin, ph. Isabelle Meister DU 19 AU 22 DÉC. 1er PROG. Lynda Gaudreau, photos Michael Slobodian LES ABBESSES • TARIF C 25 LES ABBESSES • TARIF A 29 ET 30 DÉC. Kazuo Ohno LA FLEUR SANS ÂGE À 94 ans, Kazuo Ohno défie l’entendement. Inventeur avec Tatsumi Hijikata du butô, la "danse des ténèbres" dont l’imagerie est volontiers torturée, convulsive et parfois morbide, Ohno déploie tout au contraire dans sa danse l’expression d’un ravissement illuminé qui se pare de délicatesse, voire de coquetterie. Venu à la danse presque par hasard et assez tardivement, il est parvenu à incarner une sorte d’absolu de la danse (son Hommage à la Argentina est désormais légendaire). C’est que Kazuo Ohno, après avoir pulvérisé une certaine image de la danse, est passé de l’autre côté du miroir, dans un domaine sacré où son irréductible singularité est devenue, comme par enchantement, sublime évidence : l’évidence de l’âme. Chapeaux à fleurs sur des cheveux en chignon, robes de coquette, hauts talons, visage fardé de blanc fendu d’un sourire lunaire, Divine Ohno entre dans l’arène de Dieu comme un clown sur la piste du cirque. À l’instar de Nijinski, il est "clown de Dieu ". La vie, la mort, sont pour ce bateleur d’éternité des étapes passagères d’une aventure bien plus grande que l’existence individuelle : « L’esprit, le corps doivent être ouverts au monde ; pas seulement aux vivants, mais à tous ceux qui nous ont précédés dans la lignée dont nous sommes le dernier maillon, avant ceux qui suivront. Et ces morts, comme le public vivant dans la salle, je les sens physiquement autour de moi sur la scène. C’est pour cela que je danse sur un espace étroit : pour leur laisser le reste de la place ». Kazuo Ohno ne danse presque pas, mais il fait danser chaque particule d’air autour de lui. En solo ou avec son fils Yoshito, il célèbre une danse qui, ayant outrepassé les limites de l’âge, épouse sans ostentation le mystère du vivant. « Une voix me dit : même vieux, même avec un corps délabré, il faut faire attention à ta vie. On te permet de vivre à ta manière. […] Rien qu’en y pensant, mon cœur bat. » LES ABBESSES • TARIF B DU 7 AU 10 FÉV. CRÉATION Sidi Larbi Cherkaoui LES BALLETS C. DE LA B. Rien de rien 5 danseurs et Roel Dieltiens violoncelle 26 AUTODIDACTE DU MOUVEMENT On n’est pas près d’oublier, dans le remugle du Iets op Bach d’Alain Platel, l’aisance stupéfiante de Sidi Larbi Cherkaoui. Filant le parfait unisson dans un duo avec Gabriella Carrizo, ondulant avec une sensualité désarmante sur une musique de Prince, ou encore apprivoisant le feu dans les paumes de ses mains, il rejoignait en un seul spectacle l’élite des danseurs "classieux" ; chez qui l’évident plaisir de la scène ne se traduit pas en épate démonstrative. Le Concours du meilleur solo de danse belge (malicieusement créé par Alain Platel), aura récompensé, en 1995, la ténacité de Sidi Larbi Cherkaoui, autodidacte du mouvement. Aux quelques années d’école coranique imposées par un père marocain plutôt sévère sur les principes de l’islam, il aura bien vite préféré l’école de la télé et des vidéo-clips, avec le show-biz en ligne de mire. Il participe d’ailleurs à quelques émissions de variétés, tout en prenant ses premiers cours de classique, de hip-hop et de danse jazz. Admis en 1996 à P.A.R.T.S., l’école d’Anne Teresa De Keersmaeker, il en sortira avant la ligne d’arrivée pour rejoindre la création d’Alain Platel, maestro des beautés rebelles. On n’attend pas d’un tel parcours, venant de quelqu’un qui se présente lui-même comme « Belgo-Marocain homosexuel », qu’il puisse déboucher sur un quelconque "purisme" chorégraphique. Mais les surprises ne surviennentelles pas précisément de ce qu’on ne les attend pas ? À l’enseigne des Ballets C. de la B., la prochaine (et première) création de Sidi Larbi Cherkaoui, Rien de rien, met d’ores et déjà l’eau à la bouche. Sans autre promesse, pour l’heure, que celle d’une distribution qui réunit, outre le chorégraphe, une ex-danseuse classique sexagénaire du Ballet des Flandres, une adolescente de 14 ans, un danseur slovène issu de P.A.R.T.S et un ex-danseur de la compagnie israélienne Batsheva. Sans omettre la présence en scène du violoncelliste Roel Dieltiens, formidable "orchestrateur" des musiques de Purcell et de Bach dans les derniers spectacles de Platel. LES ABBESSES • TARIF A DU 27 FÉV. AU 3 MARS 2e PROG. CRÉATION Wim Vandekeybus ULTIMA VEZ création 2001 5 danseuses LA FORCE DE L’INTUITION Charo Calvo, qui fut l’une des premières interprètes de la compagnie Ultima Vez de Wim Vandekeybus, s’est désormais orientée vers la composition musicale. Et l’électroacoustique est son domaine de prédilection : « C’est une expérience sensorielle immédiate, physique, qui passe d’abord par les sens et laisse une empreinte forte, pas seulement dans l’ouïe, mais à travers l’intensité des vibrations, jusqu’à faire réagir le système nerveux ». Une conception pas très éloignée de la virtualité du mouvement que met en actes Wim Vandekeybus, dont on se souviendra des premiers élans chorégraphiques sur les Musiques de tables de Thierry De Mey : "corépondance" immédiate du son et du geste de la percussion sur l’influx et le déchargement de l’action corporelle. Dans une même corrélation organique entre danse et musique, Charo Calvo travaillera pour cette création avec les voix et les sons produits sur scène : respirations, chants, textes, manipulations d’objets…, qui donneront lieu à un traitement "live". L’occasion pour Wim Vandekeybus, dans cette pièce pour cinq danseuses, de revenir à certaines de ses premières préoccupations : exalter l’imagination comme instinct de conservation (trouver des réponses dans l’instant), explorer la frontière ténue entre conscience corporelle et conscience mentale, débusquer « la force de l’intuition insaisissable, non pas comme compétence mais comme don naturel ». Force du jaillissement comme ensemencement de l’expérience. Kazuo Ohno, ph. Delahaye Sidi Larbi Cherkaoui, ph. Kurt Van der Kleist Samuel Louwyck, ph. J.-P. Maurin Wim Vandekeybus, ph. W. V. Christophe Haleb, ph. Bruno Fert LES ABBESSES • TARIF B October 13th, peu de signes avant-coureurs : le souvenir personnel de l’explosion d’un pavillon de banlieue et d’un dérisoire radiateur de style victorien resté accroché à un pan de mur. « Les bâtiments ne sont pas construits pour durer », a dit un jour l’architecte Frank Lloyd Wright. Ce à quoi Samuel Louwyck fait remarquer : « Mais ça n’élimine pas la douleur quand ils disparaissent ». October 13th serait alors danser à la source de l’explosion, pour agrandir l’espace de la douleur et garder un peu de chaleur dans les décombres. DU 6 AU 10 MARS CRÉATION Samuel Louwyck October 13th 6 danseurs, 1 musicien BAD BOY AU CŒUR TENDRE La saison 2000/2001 du Théâtre de la Ville ne manque pas d’objets chorégraphiques non (encore) identifiés. Parmi eux, Samuel Louwyck fait figure de total inconnu. Ce chorégraphe aurait déjà signé trois pièces depuis 1995 : la Tachycardie ou maladie du cœur ; Flippers et After Hours, ainsi que trois vidéoclips du groupe rock Deus. Il prétend de plus avoir été champion de Belgique d’aviron. Serions-nous menés en bateau ? Le bateau en question est une embarcation cosmopolite, les Ballets C. de la B., où Samuel Louwyck a appris dans l’équipage d’Alain Platel la navigation chorégraphique par temps de forte houle. Il était déjà dans le légendaire Bonjour madame, comment allez-vous, il fait beau, il va sans doute pleuvoir, etc. Plutôt inquiétant en gaillard patibulaire à bottes de fourrure, déplaçant au sol le corps d’un enfant inanimé. Récidivant quelques années plus tard dans Iets op Bach en sordide voyeur limite pédophile. C’est donc sous des allures pas très fréquentables que Samuel Louwyck a prêté aux spectacles d’Alain Platel sa silhouette de danseur classique mal dégrossi. "Bad boy" au cœur tendre, il est aujourd’hui l’un de ceux sur qui les Ballets C. de la B. peuvent compter pour cultiver dans l’après-Platel les pousses d’une danse âpre, faussement désinvolte et vraiment coriace. De la prochaine création (pour six interprètes) de Samuel Louwyck, LES ABBESSES • TARIF B DU 13 AU 17 MARS CRÉATION Christophe Haleb LA ZOUZE – COMPAGNIE CHRISTOPHE HALEB Idyllique Opéra Beat 7 danseurs, 2 musiciens,1 chanteur POÈTE D’UNE BEAUTÉ CONVULSIVE L’art pour l’art, très peu pour lui ! « Mes expériences, dans la vie courante, font partie de ma nécessité d’agir, et d’inventer une alternative à notre réalité. » Depuis une solitaire Conquête du voyageur déshydraté (1993), Christophe Haleb construit un univers d’insolence insoumise, dopé par une fièvre rebelle qui oppose au « citoyen-thermostat » et au « cyber-bétail » la fougue d’un « corps élargi, nerveux, rageur, exalté ». Cet ex-interprète de Larrieu, Verret et Preljocaj, a opté pour la verve d’une radicalité autonome, barbare, qui préfère la "jouissance" au "respect des règles". Stations migratoires, la Marche des vierges et 27 LES ABBESSES • TARIF B 23, 24, 25, 27 ET 28 AVRIL CRÉATION Guesch Patti Elle sourit aux larmes chorégraphies Daniel Larrieu, Odile Duboc, Odile Azagury, Pascale Houbin, Dominique Mercy LA CHANSON QUI DANSE « Croyez-vous savoir tout de vous ? […] Il y a d’autres terres en dessous. » Guesch Patti, "rockeuse de goualantes", lancée en chanson par le formidable succès d’Étienne (1988), n’a jamais oublié ses premières amours du côté de la danse. D’une enfance "tutuesque" à l’école de l’Opéra de Paris, de ses débuts professionnels au sein des ballets Roland Petit, elle a ensuite trouvé âme qui vive aux côtés d’Anne Béranger, de Joseph Russillo, de Carolyn Carlson, puis dans l’expérience collective du Four Solaire (avec Anne-Marie Reynaud et Odile Azagury) au mitan des années 70. Elle a su rester entière, résistant autant que faire se peut au business du showbiz, toujours en quête d’une voix buissonnière et de voies en lisière, du côté du cinéma (Elles, 1997) ou de la mode (défilé Castelbajac, 1997). Et la danse, qui revient périodiquement, comme une respiration nécessaire. En 1992 déjà, elle offrait ses mélodies chaloupées à un spectacle de Daniel Larrieu, pour le festival Montpellier Danse. Un Daniel Larrieu qu’elle retrouvait en 1998 pour un solo au Théâtre contemporain de la danse, à Paris. Attachée aux « simples complicités qui font la vie », Guesch Patti s’engage aujourd’hui dans la création d’un spectacle qui tentera de tisser le fil « des parcours séparés, de la danse à la chanson ». Anne-Marie Reynaud, Daniel Larrieu, Odile Duboc, Pascale Houbin, Odile Azagury et Dominique Mercy ont accepté d’ouvrir, avec et pour Guesch Patti, cette « parenthèse de l’amitié ». Elle sourit aux larmes, bien loin d’un autoportrait au miroir des vanités, sera plutôt « croquis d’émotions fortes, comme ces face-à-face que l’on redoute toujours ». Une chanson qui danse, dans la valse mélancolique du refrain de la vie. 28 Gilles Jobin, ph. Pau Ros Repères sont venus éclater la gangue des mouvements policés, au profit d’une théâtralité fortement imagée en même temps qu’iconoclaste. Poète d’une "beauté convulsive", chorégraphe de l’hétérogénéité, Christophe Haleb a signé en 1997 une œuvre charnière, Sous les pieds des citoyens vivants. Danse, textes et chants, musique technoïde du groupe Pushy et "percussions picturales" d’un peintre-vidéaste composaient les fragments de « l’agonie d’un monde qui ne correspond plus aux désirs profonds des hommes qui le composent ». Une même énergie composite devrait guider la prochaine création d’Idyllique, "opéra beat pour sept danseurs, deux musiciens et un chanteur". La démarche de Christophe Haleb se politise d’un cran, envisageant la danse comme un « écosystème » utopique : « Il pourrait être question d’un nouveau contrat (d’union) social qui interroge notre relation au monde urbain, à sa vitesse, sa pensée libérale, ses artifices, ses espaces de liberté mais aussi à la place qu’il réserve à la nature ». Guesh Patti, ph. Elodie Lachau Christophe Haleb – suite LES ABBESSES • TARIF C DU 8 AU 12 MAI 2e PROG. CRÉATION Gilles Jobin The Moebius Strip PART D’OMBRE Il est difficile de dire d’un travail théâtral ou chorégraphique qu’il a à voir avec la mort. En tout cas, ce n’est pas un argument "publicitaire", comme on dit. Mais qu’est-ce qui n’aurait pas à voir avec la mort ? L’issue de vivre n’est-elle pas l’horizon qui hante en secret le moindre de nos actes ? Sauf que nous sommes dans une ère où la mort semble déréalisée, irreprésentable, et une fois tout rituel évaporé, rangée dans la bibliothèque de l’inconscient comme un livre suranné. Sans être assimilables à quelque danse macabre que ce soit, les spectacles de Gilles Jobin sont tramés par ce filigrane de la mort. Battant le rappel que non seulement nous sommes tous mortels, mais que quelque chose de l’humanité pourrait bien ne pas survivre. Il ne s’agit pourtant pas d’une vision apocalyptique, mais d’un simple travail de chair qui vient s’opposer aux leurres du virtuel. Après A + B = X et Braindance (également présenté cette saison aux Abbesses), Gilles Jobin met en chantier une nouvelle pièce, The Moebius Strip, et précise d’emblée : « Certains interprètent la bande de Moebius comme une spirale de la réversibilité de tous les signes dans l’ombre de la séduction et de la mort ». Cette part d’ombre, que s’emploient à réduire les commerçants de la vie transparente, à travers clonage, manipulations génétiques, synthèse d’organes et tutti quanti, devrait être le vif du sujet que s’impose Gilles Jobin. Contre l’asphyxie programmée, un projet de respiration partagée. Prenant appui sur le mouvement, le son (avec le compositeur Franz Treicher) et l’image subjective de la vidéo, « Je traiterai une fois de plus des altérations de l’esprit humain, prévient Gilles Jobin. Moebius Strip est un travail sur la générosité. C’est-à-dire l’intimité ». LES ABBESSES • TARIF B DU 5 AU 9 JUIN CRÉATION Salia Sanou COMPAGNIE SALIA NÏ SEYDOU Taagalà, le voyageur Salia Sanou, ph. Marc Coudrais L’INTÉRIORITÉ VOYAGEUSE Ils ont fait équipe commune avec Mathilde Monnier dans la création de Pour Antigone. Huit ans déjà. Pour Salia Sanou et Seydou Boro, cette aventure partagée aura cristallisé la conviction que « la danse africaine ne peut être circonscrite à la seule tradition. La danse africaine existe dans la réalité d’un monde changeant et, à l’image des autres arts, elle est mise au défi de notre époque ». Sans couper les ponts avec le Centre chorégraphique de Montpellier, Salia Sanou et Seydou Boro ont créé leur propre compagnie au Burkina Faso, ouvert des portes et battu en brèche bien des préjugés. En deux spectacles, ils ont surtout réussi à tracer leur chemin, en s’éloignant des conventions sans avoir à renier leurs racines. Dans le Siècle des fous, puis dans Figninto (l’aveugle, en langue bambara), l’énergie est concentrée dans une intériorité qui est la matrice de toutes les émotions. La musique reste très présente (percussions, flûte, kora), mais devient une trame plus qu’une scansion. « Le silence, ce sont des notes de musique qui ne sont pas extériorisées », résume joliment Salia Sanou. Taagalà, le voyageur, la nouvelle création de la compagnie Salia nï Seydou, réunit quatre danseurs, deux musiciens (Dramane Diabaté et Amadou Dembelé), et une scénographie du sculpteur burkinabé Goudou Bambara. Corps qui se métamorphose dans l’espace, le voyageur est bien sûr une métaphore du danseur « qui porte un fardeau et se refuse à le déposer ». Dans le perpétuel mouvement du déplacement qui repousse l’horizon, il est question d’un « corps qui s’oublie pour donner à voir même au-delà de l’invisible » . Là où j’allume un feu est ma demeure, dit un proverbe nomade. En donnant vie à des foyers d’énergie fluctuants, Salia Sanou et Seydou Boro chorégraphient cette ouverture du regard sur le monde, identité en mouvement vers l’acceptation de l’inconnu. Daniel Larrieu, ph. Quentin Bertoux pour 4 danseurs, 2 musiciens LES ABBESSES • TARIF A DU 12 AU 16 JUIN CRÉATION Daniel Larrieu CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL DE TOURS-DANIEL LARRIEU + qu'hier, pleins feux et Petit Bateau Avec une vingtaine d’années consacrées à l’art chorégraphique, Daniel Larrieu, directeur du Centre chorégraphique national de Tours, a tissé son œuvre comme une toile, un véritable ciel changeant constellé d’attentats poétiques. Délicat, grave avec fantaisie, ce peintre des nuances, des flux et du temps relit aujourd’hui son travail sous un angle légèrement primitif. Plus qu’hier, sa dernière création, est une mosaïque de danses où se croisent les tonalités les plus vives ou profondes de plusieurs de ses pièces, dont Chiquenaudes, les Marchands, Jungle sur la planète Vénus et plusieurs de ses remarquables solos comme Emmy ou Little B.. Mais bien malin qui s’y reconnaîtrait. Ici tout est démultiplication, détournement, patine, déformation. Prenant pour objet son propre matériau chorégraphique, Daniel Larrieu donne une nouvelle impulsion à son travail. La matière qu’il a sélectionnée subit, au fil de découpages choisis, une série de métamorphoses successives. Ainsi le chorégraphe continue de travailler la relation au monde et l’image poétique. Petit théâtre des affections, figures à contours humains, deviennent les instruments d’une narration souvent humoristique. Un tressage serré de danses et de musiques compose cette nouvelle pièce menée par un mouvement fluide, perpétuellement mobile. Partition précise, quasi incisive, portée par la qualité gestuelle de sept danseurs dont les transformations incessantes glissent, avec àpropos, du recueillement à la plaisanterie gestuelle, de la poésie abstraite aux motifs folkloriques. Un fond vif et géométrique de couleurs primaires jaune et rouge éclaire ou absorbe tour à tour la danse. Sur un sol rouge complémentaire, Daniel Larrieu, danseur, déroge à ses propres lois de l’harmonie au profit des vibrations et palpitations du vivant. Les corps chantés sous toutes les coutures invitent au jeu, à la fête. Rumeur de chansonnettes décousues, conte du Petit Poucet, du jazz à la techno en passant par Fréhel, le chorégraphe fait état de ses convictions envers le langage de la danse, de la sensualité d’une écriture sans cesse affinée dans une abstraction colorée d’extravagances discrètes. Q textes danse Jean-Marc Adolphe 29 autres danses, autrement, autre part AU THEATRE DE LA VILLE : COUPOLE OU PLATEAU HORS ABONNEMENT Certaines démarches, très personnelles et souvent radicales, imposent un nouveau rapport entre artistes et publics. À cet effet, deux nouveaux lieux seront aménagés : la coupole (salle de répétition) et le plateau du Théâtre de la Ville. Il serait vain d’essayer de réunir ces artistes sous la même « bannière ». Quelques impressions, en vrac, de personnes concernées : « L’idée de "nouvelle génération" est l’invention de quelques critiques paresseux et de responsables culturels inconséquents pour qui la formule est bien pratique ; je parlerais, pour ma part, tout au plus d’affinités électives, et parfois stimulantes, avec quelques-uns de ces chorégraphes. J’entretiens avec les "générations précédentes" des relations autrement plus complexes et intenses. […] » Jérôme Bel 1 « […] Une génération de mieux en mieux informée qui trouve des outils pour réinventer et son geste et son statut. La danse ne se définirait plus à travers une discipline précise, mais davantage comme une topique, comme un champ de pensée, de pratiques et de recherches. Comme une collectivité, encore minoritaire certes, mais fort capable de prendre en charge ses propres exigences. Se détachant de la philosophie du corps à l’œuvre dans la modernité de la danse (même si elle en conserve, comme l’ont fait les périodes d’avant-garde, les aspects les plus radicaux), elle est probablement en train d’inventer son propre au-delà ». Laurence Louppe 1 « […] Quelle est cette angoisse à vouloir définir ce qui est nouveau ou ce qui ne l’est pas ? Ce qui compte, c'est qu'un spectacle soit bon. […] » Gilles Jobin 1 Journal de l’ADC (Association de danse contemporaine de Genève) n° 2, mai-juin 2000. La Ribot, ph. Pau Ros Olga Mesa, ph. Isabelle Meister 1 THEATRE DE LA VILLE COUPOLE • TARIF C e DU 13 AU 17 FÉV. 21H 2 PROG. CRÉATION DU 20 AU 24 FÉV. 21H La Ribot Olga Mesa Still distinguished solos dansés par La Ribot 30 THEATRE DE LA VILLE COUPOLE • TARIF C Après avoir présenté Mas distinguidas au Théâtre des Abbesses, La Ribot créera au Théâtre de la Ville Still distinguished. L’évolution de ce travail et ses possibilités de diffusion, ont conduit à en adapter la présentation dans des galeries d’art et des espaces d’exposition. La Ribot y a puisé le motif d’une nouvelle variation : il s’agit désormais de s’affranchir de l’espace théâtral et de sa perspective frontale. Dans cet esprit, le cycle Still distinguished réunit six nouvelles pièces "acquises" par Victor Ramos, Lols Keldan et Franko B., la galerie basque Arteleku, Jérôme Bel, le Théâtre de l’Arsenic à Lausanne, Matthieu Doze. La présentation de ce dernier travail exige un espace approprié. Le Théâtre de la Ville ouvrira pour l’occasion un nouveau lieu d’une capacité publique nécessairement limitée. Salle de répétition, la Coupole deviendra donc dès février 2001 un espace supplémentaire pour certains spectacles, performances et expériences portées par des artistes qui, à l’instar de La Ribot, manifestent le net "retour de l’art dans la danse", et inventent les formes chorégraphiques du présent, dans le choix assumé d’un rapport délicat entre œuvre et publics. (Pour plus de détails sur La Ribot, se reporter p. 23) COMPAÑA OLGA MESA esTO NO eS MI CuerpO solo dansé par Olga Mesa Olga Mesa danse sous la loi du cœur, dans le spectre des émotions. Son langage brut, parfois austère, est empreint d’une forte dimension charnelle et terrestre. Lenteur, maladresse, accident, manifestations involontaires, série de tremblements ou déflagrations de gestes font partie de son vocabulaire qui envisage le corps dans la terrible beauté de sa défaite. C’est d’ailleurs l’un des points communs avec lesquels s’impose une nouvelle génération d’artistes pluridisciplinaires. Olga Mesa fait partie de la mouvance alternative de la nouvelle danse madrilène. Artiste performer, elle a travaillé avec Blanca Calvo et La Ribot dans les années 80 et, depuis 1992, elle crée ses propres spectacles, participant à différents projets avec des musiciens et des vidéastes. Esto no es mi cuerpo, est un solo, le premier volet d’une trilogie intitulée Res non verba, "les choses pas les mots", réalisée en étroite collaboration avec Daniel Guerrero, scénographe et vidéaste. Au tableau de Magritte intitulé Ceci n’est pas une pipe, la chorégraphe répond par une pièce fondatrice de son travail "Ceci n’est pas mon corps". Rêverie autobiographique de l’artiste qui rend hommage au cinéma de Tarkovski. Vêtue d’une combinaison grise, Olga Mesa dessine au sol à la craie des formules mathématiques et trace trois mots : début, attente, fin. Sa peau est tatouée par les noms des artistes qu’elle admire, dont Pina Bausch. Entre états de veille exprimés sur le plateau et comportements durant le sommeil projetés sur écran, la chorégraphe opère une sorte de mise à nu des sentiments. Porteurs d’une forte charge d’érotisme, ses gestes, ses postures sont crus, reflets d’une solitude en exil de soi, d’un corps qui ne se reconnaît plus. S’il y a quelque chose d’un peu archaïque, de sali, dans ce travail sans concession, c’est qu’Olga Mesa chorégraphie une suite de lapsus corporels, une sorte de plastique des impulsions par où l’intime manifeste ses désordres, ses doutes et ses imperfections, dévoilant les caprices et les appétits de l’instinct. Q THEATRE DE LA VILLE PLATEAU • TARIF C DU 10 AU 21 AVRIL 21H Robyn Orlin titres de ses pièces (notons, au passage : If you can’t change the world change your curtains) indiquent d’emblée la mordante ironie d’une œuvre qui ne craint pas la provocation. Iconoclaste en diable, elle tire son (ir)révérence à tous les styles de danse pour viser audelà des formes convenues, dans un brouillon diantrement orchestré d’expressions parodiques, caustiques, éclatées ; à rebours de bien des intégrismes esthétiques. En un maelström d’actions radicalement drôles et virulentes, Daddy, I’ve seen this piece six times before… est une charge au vitriol contre la désuétude du ballet classique, contre la prégnance des "jolis clichés" (succulent pervertissement des ballets à la Esther Williams), contre la "politesse" sous toutes ses formes. "Pièce pour cinq danseurs et une scène", cette chorégraphie à la sauce piquante n’hésite pas à réveiller quelques aigreurs d’estomac. Les questions du pouvoir, de l’identité, de la représentation, de la place du public, des tensions entre identités raciales et stéréotypes y sont allégrement amorcées, dans un redoutable patchwork d’atteintes au bon goût, à la bienséance et à l’ordonnancement, tous faux-semblants avec lesquels Robyn Orlin semble avoir définitivement rompu les amarres. (J.-M. A.) CITY THEATER & DANCE GROUP Daddy, I’ve seen this piece six times before and I still don’t know why they’re hurting each other… Papa, j'ai déjà vu cette pièce six fois, et je ne sais toujours pas pourquoi ils se font mal 5 interprètes Robyn Orlin, ph. X, D.R. Robyn Orlin, ph. John Hogg ICONOCLASME À LA SAUCE PIQUANTE Précis de liberté, la danse contemporaine est inséparable de la démocratie. Il va de soi que l’Afrique du Sud, au temps de l’apartheid, n’était guère propice aux expressions d’une modernité ouverte, généreuse, critique. Les choses ont aujourd’hui heureusement changé, et Johannesburg, en dépit des tensions parfois vivaces qui y demeurent, s’affirme désormais comme une singulière pépinière de renouveau artistique et culturel. Les récentes Rencontres de danse africaine contemporaine ont permis de découvrir plusieurs compagnies sud-africaines qui semblent promises à un avenir certain. Parmi ces chorégraphes, Robyn Orlin est l’une des plus remuantes. Les Robyn Orlin est drôle avec conviction. Son humour au style direct est une arme redoutable qui manie l’irrévérence la plus transgressive et pulvérise tout ce qui passe à sa portée. Et ce qui passe à sa portée n’est pas une simple affaire. Chorégraphe sud-africaine blanche, elle est depuis longtemps engagée dans le difficile processus de démocratisation des mœurs de son pays tout autant que dans l’émancipation de son art. On comprend donc pourquoi son travail problématise l’espace du côté du politique. Rien que les titres de ses pièces donnent la mesure de cette radicalité explosive. De Si vous ne pouvez pas changer de monde, changez de rideaux, pièce créée en 1990, à Papa, j’ai vu la pièce six fois avant et je ne comprends toujours pas pourquoi ils se battent, l’une de ses plus récentes créations, on voit bien ce que le cours du temps mobilise chez elle et l’énergie qu’il faut pour en découdre avec les conventions, l’intolérance, les stéréotypes raciaux, les questions de pouvoir, d’identité, de territoire. Cette même énergie réclamée au début de Daddy… par une sublime et immense beauté noire. Vêtue de trois robes successives, rouge, bleue, jaune, elle se contemple lascivement dans le regard du public, ondule des hanches 31 Robyn Orlin – suite avec un cygne en porcelaine puis des bananes sur la tête… Robyn Orlin chorégraphie le réel avec des ingrédients pluridisciplinaires, des objets et des chansons populaires, des références à la comédie musicale. Son théâtre met en scène les rues de Johannesburg. Les assiettes en plastique rouge vif qui recouvrent le sol en un carré bien aligné – où suffoque une femme blanche jouant avec de petits canards mécaniques – sont celles des marchands de légumes de Soweto. Une danseuse noire en tutu d’une blancheur immaculée en fait le tour. Courbée en avant dans un geste traditionnel de semailles, elle saupoudre le sol de farine blanche, y laisse l’empreinte de ses pas avant de se blanchir les jambes. Le chœur des performers, tous vêtus de la même robe à fleurs, danse une suave mélopée restituant sur l’écran les figures de Busby Berkeley. Chez Robyn Orlin la liberté n’est pas une statue mais un piment aux couleurs éclatantes. Une puissante réjouissance. Q Alain Buffard, ph. Marc Domage/Tutti Vera Mantero, photos João Tuna THEATRE DE LA VILLE COUPOLE • TARIF C DU 17 AU 21 AVRIL 19H30 Vera Mantero O RUMO DO FUMO Poesia e selvajaria pièce pour cinq performers Les choses du corps qui n’ont jamais été contrôlées sont pour Vera Mantero un terrain d’investigations infini, pure cristallisation d’énergie dont elle innerve sa danse faite de puissante animalité comme de souveraine défaillance. Pour la chorégraphe, chaque création est un espace ouvert qui accueille tous les débordements. L’excès est un élément majeur de sa recherche. Figure importante de la danse contemporaine portugaise, Vera Mantero a commencé son travail en 1987 et orienté sa démarche sur les voies de l’expérimentation. Les titres de ses pièces donnent le ton : Une rose de muscles, Peut-être elle peut danser d’abord et penser après, la Chute d’un ego, Une danse de l’exister. Chacun de ses spectacles, dont de nombreux solos, est un essai au fort impact physique plastique ou littéraire. Poesia e selvajaria (Poésie et sauvagerie), sa récente création, réagit à l’appauvrissement de l’esprit, à la normalisation des formes. L’artiste, accompagnée de cinq performers dont l’inénarrable Christian Rizzo, imagine une scène avec quelques gradins autour et convie les spectateurs à partager un moment de radicale démesure. L’espace peu à peu saturé d’objets domestiques : pinces à linge, tas de vêtements, ketchup, cacao, machine à laver, gants de caoutchouc, semble habité d’une joyeuse folie contagieuse. Une jubilation farouche à jouir de l’instant et des corps sans limite ni contrainte habite les interprètes dont les jeux s’appuient sur la bêtise et l’ordinaire, qu’ils malaxent jusqu’à en extirper humour et cruauté, jusqu’à en revenir à la beauté. Poesia e selvajaria invente un monde primitif qui tient de la fête barbare ou du théâtre façon Artaud. Une sorte de sabbat entre l’insolence et la grâce, un véritable éloge du désordre. Q 32 THEATRE DE LA VILLE COUPOLE • TARIF C DU 24 AU 28 AVRIL 19H30 Alain Buffard [PI:ES] INtime/EXtime avec Alain Buffard, Matthieu Doze, Anne Laurent MORE et encore avec Alain Buffard, Matthieu Doze, Xavier Le Roy ou Rachid Ouramdane « Simplement pouvoir marcher sur un plateau, voilà pour moi l’état absolu de la danse », déclare Alain Buffard1 à propos de son solo Good Boy créé en 1998. Comme d’autres artistes chorégraphiques qui remettent aujourd’hui en question une certaine idée de la danse contemporaine, il cherche d’autres rapports à la présentation du corps : cela passe parfois par une mise à nu des procédés de composition. Cela suppose toujours une présence et une attention aux transformations possibles du corps. Alain Buffard, longtemps interprète (notamment chez Brigitte Farges et Daniel Larrieu), ne s’intéresse pas au mouvement au sens habituel du terme. Il préfère explorer les images du corps, affronter sa plasticité, questionner son inscription dans les limites indécises de nos souveraines identifications : il ne faut pas s’étonner si cela peut l’entraîner du côté du politique et des arts plastiques. C’est ainsi que son travail, proche en cela de la performance, le conduit à revisiter les œuvres de quelques artistes qu’il juge décisives pour son propre parcours. Faut-il souligner qu’elles sont également représentatives d’engagements radicaux ? Dans INtime/EXtime et MORE et encore, pièces créées en 1999, il imagine un dispositif qui interroge notre façon de regarder en recyclant des matériaux d’un trio à l’autre. Des images naissent à partir de ballons de latex, parfois éclairées par de petites lampes ; les corps prennent de curieuses proportions aux limites incertaines. Le plateau devient un réservoir de mondes étranges. Le corps de Matthieu Doze est ainsi défiguré et reconfiguré ; ses partenaires en explorent les articulations ou lui inventent de nouvelles extensions : dans son collant empli de billes de polystyrène, le danseur ne cesse de devenir méconnaissable. D’une énumération de verbes dessinant un corps, à l’identification de certaines de ses parties les yeux bandés, un parcours s’accomplit qui révèle un goût réel pour la composition et met en jeu nos catégories de la perception. Q 1 Vacarme n° 7, janvier 99. Xavier Le Roy, photos Véronique Dubin THEATRE DE LA VILLE COUPOLE • TARIF C DU 22 AU 26 MAI 19H30 Xavier Le Roy Self-Unfinished de et par Xavier Le Roy, d'après une collaboration avec Laurent Goldring « Si je regarde un vol d’oiseaux, il se peut que pendant une fraction de seconde je sois affublé de leurs ailes », écrit Stan Brakhage dans ses propos sur le cinéma. La même chose se produit devant le travail de Xavier Le Roy. Entre métaphores et visions, avec pour seul matériau son propre corps, ce chorégraphe de l’impensable nous entraîne sur les voies méconnues d’un corps non identifiable en perpétuelle transformation. Singulière proposition au charme terriblement enchanteur. Dans une conférence autobiographique, pièce intitulée Produit des circonstances, Xavier Le Roy expose, danse et raconte comment après une thèse de doctorat en biologie moléculaire, une expérience de danseur entre autres chez Christian Bourrigault, il choisit, en 1992, de vivre et travailler entre Berlin et la France. La loi des genres n’est pas son genre. Chorégraphe, il peut aussi bien participer à la reconstitution des pièces de Steve Paxton ou d’Yvonne Rainer avec le Quatuor Albrecht Knust, qu’organiser différents projets qui réunissent artistes et théoriciens. La recherche d’un corps en mutation continue, motive ses gestes. Tel un savant démiurge qui jongle avec les phénomènes, il en explore les possibilités. On entre dans Self-Unfinished comme dans un laboratoire vide ou presque. Blancheur clinique, néon blanc, une table, une chaise et lui. Ses gestes, exécutés dans une certaine lenteur, donnent l’impression que les membres de son propre corps ne lui appartiennent plus, qu’ils sont animés d’une vie propre. En interrogeant les mécanismes de la perception, Xavier Le Roy crée des métamorphoses, se transformant en hommeinsecte, en demi-couple dansant, et autres configurations étranges proches du conte et des jeux d’enfants. Ces étonnantes figures issues de l’image corporelle portent en leur sein une drôle et inquiétante démesure. Q 33 Paco Dècina, ph. Thierry Fonteneau THEATRE DE LA VILLE PLATEAU • TARIF C DU 22 AU 26 MAI 21H Hervé Robbe CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL DU HAVRE HAUTE-NORMANDIE Polaroïd solo dansé par Hervé Robbe Paco Dècina COMPAGNIE POST-RETROGUARDIA Lettre au silence solo dansé par Paco Dècina Neti-Neti duo 34 Hervé Robbe, ph. X, D.R. HERVÉ ROBBE Architecte dans l’âme, c’est en termes d’espace, de circulation, d’identité qu’Hervé Robbe disserte sur la fonction de son art et la relation au public. Dès ses débuts, en 1988, le chorégraphe se distingue par la maturité d’une écriture forte et rigoureuse. Et s’il manie les concepts avec aisance, sa danse sait aussi se faire voluptueuse, procurant simultanément une sensation de puissance d’ancrage et de débordement. Travaillant souvent sur le déséquilibre, le corps a son propre espace, dégagé, libre, ouvert au mouvement perpétuel, aux stimulations de la pensée, attitude qui conduit le chorégraphe à modifier sans cesse le processus de création. Après plus de dix ans d’un itinéraire chorégraphique aux projets multiples, dont une œuvre magistrale réalisée en collaboration avec le plasticien Richard Deacon, Hervé Robbe accède à la direction du Centre chorégraphique du Havre. La nouvelle aventure qui commence le conduit, dans un premier temps, à réinterroger son parcours sous la forme d’un solo. Créé en 1999, Polaroïd est une sorte d’autoportrait, un instantané du temps, captant une à une les strates de mémoire qui ont conduit un fils de famille ouvrière à l’abstraction de la danse contemporaine. Enquête pudique qui fait retour sur l’intime, soutenue par des images réalisées par le vidéaste Aldo Lee. L’enfance d’Hervé Robbe s’est déroulée à la périphérie de Lille, dans une barre de HLM vouée à la disparition que l’on retrouve à l’image. Quant au chorégraphe, il réfléchit sur le refermement de l’espace sur ces lieux autrefois baptisés citées radieuses, aujourd’hui souvent synonymes de violence. Au pied des images rapides, Hervé Robbe interprète ce cheminement fait d’éclats, de bribes, qu’il relie pourtant avec une danse au flux infini, pleine, essentielle, qui se développe par vagues. Sur le fil du déséquilibre, entre appuis, torsions, glissements, Hervé Robbe ouvre son travail à l’intuition. Il en émane un paysage aride dont la force émotionnelle guide les gestes. L’écriture particulière du solo, nourri de cette confrontation à l’expérience du réel, devient alors une déambulation sensible dont l’écriture abstraite cisèle les confidences. Q PACO DÈCINA S’il faut une certitude intérieure pour exister, il semble bien que Paco Dècina ait placé la sienne dans la danse. Danseur de l’immobile, comme on a pu dire justement de lui, le chorégraphe réfléchit sa danse du côté du recueillement. Elle est un travail du passage qui, étape après étape, demande à s’extraire de la rumeur du monde pour faire son nid dans le silence, s’abandonner à l’espace. Affinant sa gestuelle – faite de poses, de postures, de figures – qui revisitait avec autant d’aisance les mosaïques byzantines ou les peintres de la Renaissance italienne, Paco Dècina s’est peu à peu dirigé vers l’abstraction. Les corps subtils qui intéressent le chorégraphe impriment désormais à son travail des effets de vibrations, de transparence et composent avec une gestuelle qui tient de la calligraphie. Depuis la méditation poétique sur la mort que certains ont pu voir au Théâtre de la Ville dans Ciro Esposito fu Vincenzo, pièce créée en 1993, son travail a subi plus d’une transformation. Avec une danse pleine, charnelle, fluide, le chorégraphe atteint une simplicité qui tient de l’épure. C’est la première chose qui touche les sens dans Lettre au silence et Neti-Neti, un solo suivi d’un duo, dénudés de tout apparat, à l’écoute du seul mouvement. Dans le premier, Paco Dècina relit à sa façon les œuvres d’un plasticien italien, Raffaele Biolchini, des lettres qui se présentent sous la forme de tablettes de terre cuite où l’artiste à gravé des signes abstraits. Debout dans un rai de lumière, le chorégraphe avance lentement. Comme s’il parlait à l’invisible, ses bras dessinent des arcs, son corps devient une courbe où les gestes s’étirent, enroulant leurs motifs. Une suite d'hiéroglyphes secrets en découle. Dans le texte muet de cette écriture composée de traces où se mêlent mémoire et imaginaire, Paco Dècina entretient un mystérieux dialogue avec le monde sensible. Qualités que le chorégraphe reconduit dans son duo Neti-Neti dont le titre est emprunté à un dialecte de l’Inde. Le terme signifie "ni ceci ni cela". La sagesse qu’il contient, liée au détachement, est inscrite au cœur du processus de travail et oriente l’écriture de la pièce. Là, deux interprètes, Valeria Apicella et Paolo Rudelli, se livrent avec talent au périlleux exercice d’un mouvement lent et continu qui sans cesse se déplie, se délie, multipliant les courbes et les entrelacs. Précieux sans esthétisme, résolument libre dans la forme, ce chant des corps vers le silence se déroule sur fond noir nappé de lumière. À la recherche d’un espace neutre où se dénouent les tensions, les oppositions, Paco Dècina réalise une architecture des corps dont la qualité pacifie sacrément les cœurs. Q danse : partenaires au 10 mai JAN LAUWERS DJAMESDJOYCEDEAD Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – South Bank Center, Londres – Tanztheater International/Expo 2000, Hanovre – Bruxelles/Brussels 2000 & Kaaitheater, Bruxelles – Festival de Flandres Bruxelles-Europe (International) – Kunstencentrum Vooruit, Gand – Octobre en Normandie – Festival d’automne, Paris – Rotterdamse Schouwburg, Rotterdam. Needcompany bénéficie de l’aide du ministère de la Communauté flamande et de la Loterie nationale. FRANÇOIS VERRET CRÉATION Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – La Compagnie FV – Théâtre national de Bretagne, Rennes – Espace des Arts, Chalon-sur-Saône – Polyphon. JAN FABRE AS LONG AS THE WORLD NEEDS A WARRIOR’S SOUL Production Troubleyn, Anvers ; coproduction Théâtre de la Ville, Paris – deSingel, Anvers – Festival Montpellier Danse 2000 – Expo 2000, Hanovre ; avec la collaboration du Festival Bogota 2000. Jan Fabre/Troubleyn est en résidence au Théâtre deSingel et est ambassadeur culturel des Flandres, avec le soutien de la Communauté flamande. WIM VANDEKEYBUS IN AS MUCH AS LIFE IS BORROWED… Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – deSingel, Anvers – Festival de Flandres Bruxelles – Festival de Marseille – Teatro comunale di Ferrara, Italie. La compagnie Ultima Vez reçoit l’appui de la Communauté flamande – administration de la Culture, et de la Loterie nationale ; elle est soutenue structurellement par le Festival de Flandres Bruxelles et est "compagnie de danse d’honneur" au Teatro comunale di Ferrara. WIM VANDEKEYBUS CRÉATION Production Ultima Vez ; coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Teatro comunale di Ferrara, Italie – Festival de Flandres Bruxelles EDOUARD LOCK/LA LA LA HUMAN STEPS SALT coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Saitama Arts Theater, Saitama (Japon) – Centre national des Arts, Ottawa (Canada) – Het Muziektheater, Amsterdam – deSingel, Anvers – Theater der Stadt, Remscheid (Allemagne) – Association Léonard de Vinci-Opéra de Rouen ; avec le soutien de l’Internationale Tanzwochen Wien, Vienne (Autriche) et de la Fondation Daniel Langlois, Montréal BERNARDO MONTET DISSECTION D’UN HOMME ARMÉ Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Association Mawguerite – Le Quartz, CNDC de Brest – Montpellier Danse 2000. Avec l’aide du Théâtre national de Bretagne L’Association Mawguerite est financée par la DRAC Bretagne, ministère de la Culture et de la Communication ; le conseil régional de Bretagne ; le conseil général du Finistère ; Le Quartz. SANKAI JUKU HIBIKI Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – université d’Iowa, Hancher Auditorium – Biwako Hall Center for performing Arts, Shiga (Japon) – Sankai Juku, Tokyo. Avec la collaboration du CNDC d’Angers-l’Esquisse. Avec le soutien de Mtsubishi Motors et Shiseido SANKAI JUKU CRÉATION coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Biwako Hall Center for performing Arts, Shiga (Japon) – Sankai Juku, Tokyo. Avec la collaboration du CNDC d’Angers-l’Esquisse. Avec le soutien de Shiseido et du Tokyo Metropolitan for History and Culture JÉRÔME BEL THE SHOW MUST GO ON Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Gasthuis, Amsterdam – Centre chorégraphique national Montpellier Languedoc-Roussillon – Arteleku, San Sebastian – R.B., Paris JÉRÔME BEL LE DERNIER SPECTACLE Coproduction Centre culturel de Belem, Lisbonne – Kaaitheater, Bruxelles – R.B., Paris. Avec le soutien du CNDC d’Angers-l’Esquisse ; de la Ferme du Buisson, Marne-laVallée ; de la Ménagerie de Verre, Paris ; de l’Internationale Tanzwochen,Vienne. Ce projet a reçu l’aide de la DRAC Île de France, ministère de la Culture et de la Communication. RUI HORTA BLINDSPOT Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – MCB/Maison de la Culture de Bourges, scène nationale – Mufathalle, Munich – Conseil culturel de la Ville de Munich – Tafelhalle, Nürnberg – Bayerischer Tanzverband für Zeitgenösslscher Tanz MATHILDE MONNIER SIGNÉ Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Centre chorégraphique national Montpellier Languedoc-Roussillon – Festival de Danse contemporaine – "tanz2000.at". ReMembering the body. Coopération Wiener Festwochen et Im Puls-Tanz SASHA WALTZ NA ZEMLJE Production Sasha Waltz & Guests. Avec l’aide de l’École d’art dramatique de Moscou et de la Sophiensæle de Berlin. Coproduction Aarhus Festival – Düsseldorfer Schauspielhaus – Internationales Sommertheater – Festival de Hambourg – Schauburg München – Welt in Basel 1999 – Instituts Goethe de Moscou et de Munich. Avec le concours du département culturel de la Ville de Moscou et du département de la Science, de la Recherche et de la Culture du Sénat de Berlin. Avec l’aide de la Fondation de charité Stanislavski, de l’entreprise Wella et de la Schaubühne am Lehniner Platz SASHA WALTZ ZWEILAND Production Sasha Waltz & Guests/Sophiensæle de Berlin. Coproduction Berliner Festspiele GmbH – Grand Théâtre de Groningen, Pays-Bas – Schauburg München – Staats- schauspiel Dresden. Avec le concours du département de la Science, de la Recherche et de la Culture du Sénat de Berlin. EA SOLA REQUIEM Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Tanztheater International/Expo 2000, Hanovre – Grand Théâtre de Groningen, Pays-Bas – Hebbeltheater, Berlin. LA RIBOT MAS DISTINGUIDAS Production La Ribot. Avec le soutien de l’INAEM, ministère de la Culture d’Espagne ; de l’Institut Cervantes (Paris). Avec la collaboration de ICA ; Live Arts (Londres) ; Danças Na Cidade (Lisbonne). LA RIBOT STILL DISTINGUISHED Production Théâtre de la Ville, Paris. Avec le soutien de London Arts Board (Londres), Dance4, Body Space Image, Future Factory (Nottingham), de l’Institut Cervantes (Paris). GILLES JOBIN BRAINDANCE coproduction Théâtre de l’Arsenic, Lausanne – Zuercher Theater Spektakel, Zurich – Maison des Arts, Thonon-Évian – Festival des Arts vivants, Nyon. Avec le soutien de l’ambassade suisse de Londres ; le Canton de Vaud ; SSA ; la Ville de Lausanne ; Pro Helvetia (The Arts Council of Switzerland) ; la Loterie romande ; la Fondation Nestlé pour l’Art et la Fondation Stanley Thomas Johnson. GILLES JOBIN THE MOEBIUS TRIP Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Théâtre de l’Arsenic, Lausanne – Zuercher Theater Spektakel, Zurich. LYNDA GAUDREAU DOCUMENT 1 Coproduction Festival international de Nouvelle Danse, Montréal – Centre national des Arts, Ottawa – Compagnie De Brune, Montréal. Partenaires du projet Théâtre de la Ville, Longueuil (Québec) – Centre chorégraphique national de Tours. LYNDA GAUDREAU STILL LIFE N° 1 Coproduction Festival Klapstuk 97, Louvain – Compagnie De Brune, Montréal. SIDI LARBI CHERKAOUI RIEN DE RIEN coproduction Théâtre de la Ville, Paris – e.a. Centre d’Arts Vooruit, Gand – Le Botanique, Bruxelles – Rotterdamse Schouwburg. Les Ballets C. de la B. sont ambassadeur culturel de Flandres. SAMUEL LOUWYCK OCTOBER 13TH Production Maison de la Culture de Bourges. Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Comédie de Caen, centre dramatique national de Normandie – Cultuur Centrum, Bruges – Tanzhaus, Düsseldorf. Avec le soutien de l’Institut français de Marrakech. CHRISTOPHE HALEB IDYLLIQUE Coproduction CNDC de Chateauvallon – Ballet Preljocaj, centre chorégraphique national de Provence-Alpes-Côte d’Azur. La compagnie est subventionnée par la DRAC Île de France, ministère de la Culture au titre de l’aide aux compagnies. SALIA SANOU TAAGALA LE VOYAGEUR Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Montpellier Danse 2000 – Maison des Arts de Créteil – Centre chorégraphique national Montpellier Languedoc-Roussillon – Festval de Marseille 2000 – Afrique en créations – ministère de la Communication et de la Culture du Burkina Faso – centre culturel Georges Méliès, Ouagadougou – compagnie Salia nï Seydou. Avec le concours du 651 Arts Black Dance : Tradition and Transformation program ; du Doris Duke Charitable Foundation. Avec le soutien des services français de la Coopération ; du Zaka, espace culturel OLGA MESA ESTO NO ES MI CUERPO Coproduction INAEM, ministère de la Culture – Compagnie Olga Mesa. Avec la collaboration de La Caldera, Barcelone ; Estudio 3, Madrid ; La Ribot, Madrid. ROBYN ORLIN DADDY, I'VE SEEN THIS PIECE… Coproduction fnb Vita Dance Umbrella, Johannesbourg – Keith Kirstens – Basa – Institut français de Johannesbourg. VERA MANTERO POESIA E SELVAJARIA Coproduction Institut portugais des Arts et Spectacles – centre culturel de Belem, Lisbonne – Merguhlo no Futuro/Expo 98 – EIRA. EIRA est subventionnée par le ministère de la Culture. ALAIN BUFFARD INTIME/EXTIME – MORE ET ENCORE Coproduction Daniel Larrieu, centre chorégraphique national de Tours – Centre national de la Danse, Paris. XAVIER LE ROY SELF/UNFINISHED Production In situ productions – Le Kwatt. Coproduction Substanz-Cottbus – TIF Staatsschauspiel Dresden – Fonds Darstellende Künste e.v. aus Mitteln des Bundesministeriums des Innern. Avec le soutien de TanzWerkstatt, Berlin ; de Podewil, Berlin ; du Département de la science, de la recherche et de la culture du Sénat de Berlin. PACO DÈCINA LETTRE AU SILENCE Coproduction Tir Danza – Compagnie Post-Retroguardia – Forum culturel du Blanc-Mesnil – Festival de Pavullo. PACO DÈCINA NETI-NETI Coproduction Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne – Forum culturel du Blanc-Mesnil – Compagnie Post-Retroguardia/Paco Dècina. 35 musique AU THEATRE DE LA VILLE AUX ABBESSES SAM. 14 OCT. 17H SAM. 21 OCT. 17H PIOTR ANDERSZEWSKI piano MARC COPPEY violoncelle BACH - SZYMANOWSKI - BEETHOVEN BACH - KURTÁG - KRAWCZYK SAM. 11 NOV. 17H SAM. 25 NOV. 17H FABIO BIONDI EUROPA GALANTE JUAN MANUEL QUINTANA CÉLINE FRISCH clavecin AMANDINE BEYER violon baroque SAMMARTINI - LOCATELLI - VIVALDI - NARDINI viole de gambe MARAIS - COUPERIN - RAMEAU SAM. 18 NOV. 17H QUATUOR TAKÁCS ALEKSANDAR MADZAR SAM. 2 DÉC. 17H piano MOZART - SCHUMANN ARTHUR piano-forte SCHOONDERWOERD BACH - C.P.E. BACH - MOZART - HAYDN - BEETHOVEN JEU. 7 DÉC. 20H30 GIDON KREMER violon OLEG MAISENBERG piano SCHUBERT - DVORÁK - ENESCO - RAVEL SAM. 13 ET DIM. 14 JAN. 17H ANDREAS SCHOLL contre-ténor EDIN KARAMAZOV luth A Musicall Banquet SAM. 20 JAN. 17H NELSON FREIRE SAM. 3 MARS 17H SAM. 27 JAN. 17H ST. LAWRENCE STRING QUARTET piano MENDELSSOHN - DEBUSSY - PROKOFIEV ALEXANDRE THARAUD HAYDN - JANÁCEK - SCHUMANN piano RAMEAU - SCHUBERT - WEBERN - DUKAS SAM. 3 FÉV. 17H CHRISTIAN TETZLAFF LARS VOGT piano violon BRAHMS - WEBERN - SCHÖNBERG SAM. 10 MARS 17H GRAF MOURJA violon BRUNO CANINO piano DEBUSSY - PROKOFIEV - BARTÓK SAM. 31 MARS 17H MUSICA ANTIQUA KÖLN REINHARD GOEBEL MUSSI - GABRIELI - FONTANA - ROSSI - LEGRENZI TORELLI - VIVALDI - CALDARA - MOSSI DIM. 1er AVRIL 20H30 KRONOS QUARTET P. Q PHAN - HELMUT OERING - MICHAEL GORDON SAM. 28 AVRIL 17H CANTUS CÖLLN KONRAD JUNGHÄNEL ROSENMÜLLER - BUXTEHUDE - KUHNAU - BACH SAM. 12 MAI 17H ANDREAS STAIER piano ALEKSANDAR MADZAR piano BACH/KURTÁG - MOZART - BRAHMS - DEBUSSY SAM. 24 MARS 17H ANDREW MANZE violon baroque RICHAR EGARR clavecin BACH - PANDOLFI ph. Thierry Martinot ph. Andrzej Swietlik MUSIQUE AU THEATRE DE LA VILLE • TARIF D SAM. 14 OCT. 17H PIOTR ANDERSZEWSKI piano BACH : Partita n° 6, en mi mineur, BWV 830 SZYMANOWSKI : Deux Mazurkas op. 62, Sonate n° 3 BEETHOVEN : Six Bagatelles op. 126 RETENEZ CE NOM ! Ce conseil qui faisait le titre d’un article que Le Monde de la Musique consacrait au jeune pianiste, il y a quelques mois, le Théâtre de la Ville le donne depuis 1996. Le public pouvait y admirer encore, en novembre 1999, sa lumineuse simplicité face à l’exubérance brillante du jeune Russe Alexander Melnikov. Un imaginaire doublement puissant, hongrois par sa mère, polonais par son père brûle Piotr Anderszewski. À l’œuvre dans son nouveau récital, il attise une fois de plus son obsession de la pureté. Bach, son « projet pour la vie avec Mozart », la comble, bien sûr. Piotr Anderszewski y est d’emblée chez lui. La céleste Partita n°6 le livre « aux choix infinis à faire dans cette musique qui, d’un côté, implique rigueur et logique, et de l’autre, liberté et improvisation ». À l’inverse des partitions de Karol Szymanowski où « l’imprévisibilité surgit d’une surabondance de paramètres ». Piotr Anderszewski « a longtemps rejeté la musique du maître polonais mort en 1937, mais, voulant savoir pourquoi, il a décidé, il y a quelques années, d’y faire face. Après plusieurs mois de cauchemars, ce fut une révélation ». Les deux Mazurkas, un peu sur le chemin de Bartók, sentent bon les montagnes des Tatras au sud de la Pologne. Mais, « après les sombres harmonies et le contrepoint, strict et démesuré à la fois de la Sonate n° 3, il a besoin, dit-il, des Six Bagatelles – ce que Beethoven a écrit de plus parfait et de plus pur pour le piano ». Ce perfectionniste a vraiment la nostalgie du diamant. SAM. 11 NOV. 17H FABIO BIONDI violon baroque EUROPA GALANTE l'Italia galante G.-B. SAMMARTINI : Sinfonia en sol majeur LOCATELLI : Sinfonia Funebre, Concerto grosso en ré majeur, op. 1 n° 3 VIVALDI : Concerto pour cordes, en sol mineur, RV 157 NARDINI : Concerto pour violon op. 1 n°1 LA STAR ITALIENNE DU VIOLON BAROQUE Fabio Biondi vient pour la dixième fois au Théâtre de la Ville et pour la quatrième avec son ensemble Europa Galante. Toujours hors des sentiers battus, il éclaire cette fois le XVIIIe siècle musical de son pays : avec Giovanni Battista Sammartini, père milanais de la symphonie classique italienne, puis avec Locatelli. Si les concerti grossi de l’opus 1 du grand disciple de Corelli furent et sont encore un cheval de bataille, sa très mystérieuse Sinfonia Funebre n’est jamais jouée. « La copie faite au XXe siècle est-elle le miroir de l’original détruit par un bombardement pendant la Deuxième Guerre mondiale ? Le fin compositeur y pleure-t-il la femme qu’il perdit à Rome ? Peu importe ! Cette œuvre que je jouerai pour la première fois en France est si dramatique, si belle ! » Autre découverte : Nardini, « un des 7 ou 8 génies italiens du violon. Selon Leopold Mozart, il jouait les adagios de façon extraordinaire. Ce musicien polyvalent, curieusement oublié des baroqueux – parce que trop difficile techniquement ? –, est pourtant essentiel car il fit évoluer le langage musical de son époque en créant le style galant classique ». Et, si une saison musicale du Théâtre de la Ville ne se conçoit pas sans Fabio Biondi, un programme de cet artiste ne se conçoit pas sans Vivaldi : « C’est un tel porte-bonheur ! Le public de Paris va découvrir son Concerto en sol mineur, pas comme les autres. Le dernier mouvement, très difficile pour les violons, est démoniaque pour la basse… » De quoi diaboliser le violoniste. SAM. 18 NOV. 17H QUATUOR TAKÁCS ALEKSANDAR MADZAR piano MOZART : Quatuor en ré majeur, K 575 SCHUMANN : Quintette pour piano et cordes, en mi bémol majeur, op. 24 UNE PREMIÈRE RENCONTRE, AU SOMMET DE LA MUSIQUE La lumineuse intégrale des quatuors de Beethoven de la précédente saison a prouvé, s’il le fallait encore, que le Quatuor Takács, fétiche du Théâtre de la Ville, est l’un des plus grands : intelligence et profondeur de la conception, fusion de quatre sonorités admirables en une seule, infiniment riche, homogène, ferveur de l’interprétation, perfection technique. Ces qualités, les deux Anglais et les deux Hongrois de la formation les mettent au service des compositeurs qu’ils savent si bien questionner. Nul doute que Mozart leur confie le secret de son K 575, l’un de ses trois derniers quatuors, appelés prussiens, dont la grâce transcende l’extrême détresse dans laquelle il a été écrit. Nul doute que Schumann trouve en eux comme en Aleksandar Madzar, la passion, la puissance et la jubilation 37 – suite Quatuor Takács, ph. Th. Martinot Aleksandar Madzar, ph. Sasha Gusov qu’exige son Quintette op 44, véritable charte du romantisme. L’élégant pianiste, qui vient pour la cinquième fois au Théâtre de la Ville, ne cesse de partir à la conquête du grand compositeur allemand. Son tempérament est d’eau. La source jaillie en haut de la montagne aspire aux flots d’océan, aux puissants courants sombres ou éclaboussés de soleil, aux gazouillis de vague du premier grand chefd'œuvre pour piano et cordes. Pianiste et quatuor de toutes les émotions à marée haute. Gidon Kremer, ph. Klaus Rudolph Quatuor Takács JEU. 7 DÉC. 20H30 SAM. 20 JAN. 17H GIDON KREMER violon OLEG MAISENBERG piano NELSON FREIRE SCHUBERT : Sonatine pour violon et piano, en sol mineur, op. 137 n° 3, D 408 DVORÁK : 4 Pièces romantiques pour violon et piano, op. 75 ENESCO : Impressions d’enfance, op. 28 RAVEL : Sonate pour violon et piano JOYEUX ANNIVERSAIRE ! Cela fera 20 ans à un jour près que le grand Gidon Kremer donnait ses premiers récitals à Paris. C’était au Théâtre de la Ville, du mardi 2 au samedi 6 décembre 1980 avec, au piano, sa première femme, Elena. Depuis, il est revenu dans cette salle à six reprises pour y offrir de surprenants mini-Lockenhaus. Comme celui consacré entièrement à Vincent Lourié en 1989, ou à Gubaidulina et à Astor Piazzolla en 1996. À 53 ans, Kremer est toujours aussi passionné, anticonformiste et surtout libre. Né à Riga en Lettonie, s’identifiant totalement aux pays baltes, il y a fondé en 1997 la Kremerata Baltica, un nouvel orchestre auquel il se dévoue. Sa conception de la musique naît d’une viscérale indépendance : « N’être qu’un costume trois pièces dans le système bien propre d’une entreprise bien propre qu’on appellerait musique, ne m’enthousiasme pas du tout* ». Il en découle un jeu hors du commun : « J’improvise de temps en temps des phrasés, des coups d’archet ou des positions de la main gauche mais c’est à cela que doit servir la maîtrise de la technique* ». Les prises de risques de son génial partenaire, Oleg Maisenberg va les partager dans l’intime fondu enchaîné de leur nouveau programme : tendres demi-teintes de la Sonatine de Schubert, lyrisme absolu des quatre Pièces romantiques de Dvorák, sortilèges envoûtants des Impressions d’enfance d’Enesco qui, violoniste virtuose lui aussi, créa, avec le compositeur au piano, en 1927, la Sonate de Ravel qui scelle le concert de son éloquence dépouillée. 38 * Répertoire, avril 2000. piano MENDELSSOHN : Variations sérieuses, en ré mineur, op. 54 DEBUSSY : Étude Pour arpèges composés 2 Images pour piano : Hommage à Rameau, Poissons d’or PROKOFIEV : Sonate n° 6, op. 82 LA MUSIQUE ET ELLE SEULE Privilégiant l’être au paraître, Nelson Freire, a très vite abandonné la carrière de star qu’il avait commencée dès l’âge de 15 ans. C’est l’un des plus grands pianistes d’aujourd’hui… « Il a l’élégance de ne rien donner en spectacle mais d’offrir avec une pudeur généreuse la musique et elle seule ». Ainsi Marie-Aude Roux saluait-elle, dans Le Monde du 13 octobre 1998, son premier concert au Théâtre de la Ville. Le nouveau récital, puissant, de "Nelshino", le dieu vivant de son Brésil natal, si rarement en Europe, est un événement. Mendelssohn dit s'être « divinement amusé » en écrivant, en 1841, ses Variations sérieuses. Le charme étrange et fantasque de ce chefd’œuvre pour piano romantique, mène à la lumière de l’avant-dernière des 12 études de Debussy, Pour arpèges composés. En 1915, trois ans avant sa mort, le grand compositeur français y donne la quintessence de son art. Le goût parfait et l’élégance stricte de l’absolue beauté qu’honore son Hommage à Rameau, en sont indissociables. Pour suivre les périlleux ébats des Poissons d’or, il faut aussi avoir la virtuosité éblouissante de Nelson Freire. Au tragique funèbre de la Sonate n° 2 de Chopin, composée en 1839, le puissant pianiste a fini par préférer un autre regard sur la mort. Celui de Prokofiev qui écrit, ou plutôt crie comme Munch, à la veille de la seconde déflagration mondiale, la deuxième de ses "trois sonates de guerre". Barbare. Nelson Freire, ph. Th. Martinot Alexandre Tharaud, ph. Th. Martinot Christian Tetzlaff, ph. Th. Martinot Oleg Maisenberg, ph. Th. Martinot SAM. 27 JAN. 17H ALEXANDRE THARAUD SAM. 3 FÉV. 17H piano RAMEAU : Extraits des Nouvelles Suites de Pièces de Clavecin, en la (1728) SCHUBERT : Sonate pour piano en la majeur, op. posth. 12, D 664 WEBERN : Variations pour piano, op. 27 DUKAS : L’Apprenti sorcier, scherzo symphonique (transcription pour piano d’Alexandre Tharaud) UNE INSOLENTE AUDACE « Qui oserait de tels programmes ? Qui en aurait la domination intellectuelle, la compréhension profonde et simultanée ? ». Cette phrase d’André Tubeuf qui accompagne les inédits de Marcelle Meyer, la grande artiste française de l’entre-deux-guerres, s’applique totalement à Alexandre Tharaud. Il se sent d’ailleurs l’un de ses petits-fils. Comme elle, il adore jouer Rameau et propose 5 des 16 pièces des Nouvelles Suites, sommet de la musique pour clavecin du grand compositeur baroque français. « Cet univers ancre les choses et prépare très bien Schubert », dit celui qui vient d’y consacrer un album. « Élégante, joyeuse, la Sonate D 664, vraiment viennoise dans son troisième mouvement, annonce l’opus 27 de l’Autrichien Webern. Ces Variations très profondes, très noires, sont un concert en soi malgré leur brièveté. Et dans leur dodécaphonisme, il y quelque chose du mystère de Dukas et de son Apprenti sorcier ». Fasciné par ce scherzo orchestral maléfique, Alexandre Tharaud l’a transcrit pour avoir le plaisir de le jouer. À l'époque où il s’amusait follement avec son piano, composait, faisait l’école buissonnière. Tellement, qu’il a décidé, depuis trois ans, de vivre sans. Pour nous distiller un bonheur comparable à celui dont son intégrale Poulenc inonda le Théâtre de la Ville en 1999, il ira « se jeter sur le piano de l’un des quatre amis chez qui il va désormais travailler, beaucoup plus vite, d’une manière beaucoup plus concentrée ». Et toujours aussi brillante. CHRISTIAN TETZLAFF LARS VOGT piano violon BRAHMS : Intégrale des 3 sonates pour violon et piano n° 1, en sol majeur, op. 78, "Regensonate" n° 2, en la majeur, op. 100, "Thun" n° 3, en ré mineur, op. 108 WEBERN : 4 Pièces pour violon et piano, op. 7 SCHÖNBERG : Phantasie pour violon et piano, op. 47 UN VIOLONISTE RARE « Dès les premières notes, une certitude : la pureté a rendez-vous avec l’élégance », écrivait Marie-Aude Roux dans Le Monde après l’intégrale des sonates et partitas de Bach par le jeune Allemand au Théâtre des Abbesses en 98. Retour de cet artiste, transparent à la musique, dans la grande salle cette fois, avec un autre programme à couper le souffle. Deux subtiles passerelles du XXe siècle directement connectées à Brahms, le génie allemand du XIXe, relient en effet les trois sonates – trois chefs-d’œuvre – de son grandiose triptyque pour violon et piano. « C’est chaque fois fini avant de commencer » s’était écrié le père de Webern après avoir entendu l’opus 7 (1910) de son fils. Les 4 miniatures de celui qui fut l’élève de Schönberg durent 5 minutes, en effet ! Quelle richesse l’interprète doit-il avoir pour nourrir une concision allant jusqu’au kaum hörbar, l’"à peine audible" de la troisième pièce ! Mais le silence n’est-il pas le fondement de la musique ? La pensée de Brahms habite l’œuvre de Schönberg, directement issu de la tradition germanique et obsédé parce qu’il appelait « le démon de la justification historique ». Sa Phantasie opus 47 fut d’abord écrite (en 1949) pour violon seul. Elle requiert une virtuosité et une pensée d’acier. Tetzlaff a les deux. Son partenaire, Lars Vogt, jeune Allemand de 30 ans, aussi. Dialogue assuré entre Brahms et les deux Viennois. 39 SAM. 31 MARS 17H MUSICA ANTIQUA KÖLN REINHARD GOEBEL La Cremona Kronos Quartet, ph. Caroline Greyshock Bruno Canino, ph. X, D.R. Graf Mourja, ph. Vincent Pancol Musique italienne pour violon (1600 -1720) MUSSI - GABRIELI - FONTANA - ROSSI LEGRENZI - TORELLI - VIVALDI - CALDARA MOSSI SAM. 10 MARS 17H GRAF MOURJA violon BRUNO CANINO piano DEBUSSY : Sonate pour violon et piano, en sol mineur PROKOFIEV : Sonate n° 2 pour violon et piano, en ré majeur, op. 94a BARTÓK : Sonate n° 1 pour violon et piano 40 LA FORCE DE L’INTUITION La flamme, l’inspiration du jeune violoniste ukrainien ont subjugué le public du Théâtre de la Ville depuis sa première apparition dans le "Place aux jeunes !" de 1996. Son instinct musical exceptionnel, son père le développa dès l’âge de 3 ans, en lui apprenant le violon. De nombreuses années de travail à Moscou avec le grand professeur Irina Botckova l’ont étayé d’une technique époustouflante. Sans ces qualités, innées et acquises, il n’aurait jamais pu songer au puissant programme, ancré dans le XXe siècle, qu’il propose. Graf Mourja a toujours possédé les clés de la musique française. C’est lui qu’Alexandre Tharaud a choisi pour son intégrale Poulenc, sur scène comme au disque. Les accents pathétiques dont Debussy, un an avant sa mort, en 1917, déchire discrètement l’humour et la gaieté apparente de sa Sonate, sont naturellement les siens. Comme l’irrésistible élan qui sous-tend le classicisme de la Sonate n°2 de son compatriote Prokofiev, initialement écrite pour flûte en 1942 puis transcrite pour violon à la demande d’Oistrakh. Mais c’est peut-être dans l’audace inégalée, âpre et sauvage de la Première Sonate de Bartók (1921) qu’il donnera la mesure de son talent. Celui, très grand, de Bruno Canino, partenaire renommé des plus grands musiciens, Accardo, Mullova, Perlmann…, en est le plus beau des écrins. UN STYLE NOUVEAU Le violoniste Reinhard Goebel et son ensemble baroque ont enflammé le public du Théâtre de la Ville où ils donnaient leur premier concert, "per l’Orchestra di Dresda", en mars dernier. Séduction des œuvres qu’ils ont bien raison de ressusciter, maîtrise de la technique, entente idéale. Et la vie, toujours la vie. Qui peut résister au charisme de Reinhard Goebel ? L’accident qui handicapa sa main droite ne l’a pas brisé. Il a tout simplement réappris à jouer du violon de la main gauche. Aussi bien que de la main droite. Et comme beaucoup d’organisateurs de concerts en doutaient, il a tout simplement repassé et gagné tous les concours qui prouvent sa nouvelle excellence. Les répétitions de l’ensemble sont à l’image de ce chef : explosives. Tour à tour, les musiciens vont dans la salle écouter les autres, puis font leurs commentaires, leurs critiques. Cela discute, frictionne et rit. Beaucoup. Le résultat en représentation est cette connivence de tous les instants, ce synchronisme parfait, cette vitalité revigorante. Le prochain concert plébiscité conduit à Crémone, la ville mythique des luthiers et des violonistes. Reinhard Goebel y raconte « le combat que le violon, ce mal aimé, dut mener dans le quartier le plus malfamé de Venise, vers 1600, contre le clan des violes de gambe aux épaules lourdes et tombantes », pour devenir le héros de partitions à 3 ou 4 voix. D’un style nouveau, divin, "la Cremona". DIM. 1er AVRIL 20H30 KRONOS QUARTET P.Q PHAN - HELMUT OERING MICHAEL GORDON (programme en cours) UNE BELLE HISTOIRE D’AMOUR Depuis 1992, Kronos Quartet et le Théâtre de la Ville s’aiment. Ils ont en commun une fidélité à leur mission – celle du quatuor a 27 ans, celle du théâtre 32 –, un éclectisme réjouissant, le goût des métissages et un ancrage obstiné dans le présent. Ce qui n’empêche pas le quatuor, que son nom grec relie à des temps vraiment anciens, de revisiter parfois Guillaume de Machaut, Hildegarde von Bingen… Terry Riley lui-même, grand ami des quatre musiciens, s’inspire de Pérotin et de l’École de Notre-Dame dans l’émouvant Requiem pour Adam donné en l’an 2000. Le présent demeure cependant leur priorité. À l’écoute des événements qui le tissent ou le déchirent comme cette guerre du Vietnam, matrice du Black Angels de Crumb, à l’origine de la vocation du quatuor, Kronos vibre aux résonances entre Nord et Sud, Orient et Occident. Tel P.Q Phan dans Tragedy at the opera, qui fut programmé pour son 25e anniversaire en 1998. Le Vietnamien, émigré aux États-Unis depuis 1982, est à l’affiche 2001. Avec deux nouveaux venus. D’Helmut Oering, né en 1961 de parents sourds et muets, il faut attendre une conception du son et de la communication fatalement originale et exacerbée. Et de Michael Gordon, élevé au Nicaragua au sein d’une communauté européenne de la banlieue de Managua, un style qui doit autant aux underground rock bands de New York qu’à l’université de Yale où il a fait ses études. De la nitroglycérine ! SAM. 12 MAI 17H ANDREAS STAIER piano ALEKSANDAR MADZAR piano BACH-KURTÁG : Chorals MOZART : Sonate pour deux pianos, en ré majeur, K 448 BRAHMS : Variations pour deux pianos, sur un thème de Haydn, op. 56b DEBUSSY : En blanc et noir SAM. 28 AVRIL 17H CANTUS CÖLLN KONRAD JUNGHÄNEL luth et direction LE SCOOP ! Andreas Staier, le virtuose du clavecin et du piano-forte, dans un programme pour deux "grands noirs" de concert ! Faut-il vraiment s’étonner que l’artiste allemand nous surprenne une fois de plus ? L’insatiable curieux avait déjà exploré la littérature pour deux pianos-forte en compagnie d’Alexeï Lubimov. Prenant de nouveaux risques, il en continue l’étude, au piano pour la première fois, et réalise ainsi son désir de jouer avec Aleksandar Madzar dont il admire le talent. Le voyage qu’il offre au Théâtre de la Ville, très différent des quatre précédents, est d’une amplitude d’époque (XVIIIe-XXe siècles) et de style exceptionnelle. La Sonate K 448, seule mais superbe contribution de Mozart au deux-pianos, relie la spiritualité confidentielle des Chorals de Bach – revisités par Kurtág, phare de la composition contemporaine hongroise – à la symphonie colorée des Variations sur un thème de Haydn que Brahms destinait à l’orchestre. Écrits en 1915, où Debussy avait en projet une sonate pour clavecin, ses trois caprices, En blanc et noir, témoignent de l’intérêt renouvelé du compositeur français pour les claviers. Ils sont particulièrement propices à cette précieuse « longueur d’onde commune, beaucoup plus facile à établir, selon Madzar, avec un autre pianiste qu’avec un quatuor ». Les gris à la Velasquez de la partition, chers à Debussy, favorisent autant « l’équilibre très particulier entre le mental et l’instinctif qui caractérise l’impressionnant Staier » que la poétique et le rêve du jeune Yougoslave. Gott, sei mir gnädig (Seigneur, aie pitié de moi) MUSIQUE SACRÉE DU XVIIe SIÈCLE Cantus Cölln, ph. Eric Larrayadieu Musica Antiqua Köln, ph. Susesch Bayat/DGG LE CHANT DES ANGES Magique est l’ensemble vocal allemand fondé, comme son nom l’indique, dans la baroquissime Cologne, par Konrad Junghänel. En 1987, en effet, le divin luthiste, partenaire privilégié de Jacobs, a réuni cinq chanteurs solistes tellement complémentaires, homogènes, que leurs timbres semblent être les harmoniques d’une seule et même voix. De découverte en découverte, ces sonorités célestes nous mènent sur des chemins d’art inconnus, dessinent le paysage musical allemand du XVIIe siècle. Quatre œuvres, dont deux instrumentales, rappellent que Rosenmüller est un maître parmi les maîtres. La cantate de Buxtehude qui fut en son temps le premier compositeur germanique et l’un des grands à l’échelle européenne, nous fait comprendre pourquoi Bach, venu à pied, de loin, pour le voir à Lübeck, eut l’un des plus grands chocs artistiques de sa vie. Gott sei mir gnädig (Dieu, aie pitié de moi), qui donne son titre au concert, page superbe, expressive et pure de Kuhnau, fondateur du fameux Collegium Musicum de Leipzig, jette un pont entre le passé et le nouveau style, influencé par l’Italie, dont Bach allait devenir le génie. Mais la Cantate de Pâques est une œuvre de jeunesse du futur Kantor de Leipzig. Elle appartient à la tradition musicale riche et variée de l’Allemagne centrale, ce qui ne l’empêche pas d’être une merveille dont Cantus Cölln révèle la perfection. Andreas Staier, ph. Birgit ROSENMÜLLER : Beatus vir (concert sacré) Regina cœli lætare (concert sacré) Sonate en ut majeur, pour 2 violons, violoncelle et basse continue Sonate en ré mineur, pour 2 violons, alto et basse continue BUXTEHUDE : Herzlich lieb hab ich dich, o Herr, BuxXV 41(cantate) KUHNAU : Gott, sei mir gnädig (concert sacré) BACH : Christ lag in Todesbanden, BWV 4 (cantate) 41 J. M. Quintana, Céline Frisch, ph. Georges Gara MUSIQUE AUX ABBESSES • TARIF D SAM. 25 NOV. 17H SAM. 21 OCT. 17H MARC COPPEY violoncelle BACH : Suite pour violoncelle seul n° 3, en ut majeur, BWV 1009, Suite pour violoncelle seul n° 5, en ut mineur, BWV 1011 KURTÁG : János Pilinszky : Gérard de Nerval, pour violoncelle seul KRAWCZYK : Repetitio (création mondiale, commande de Musique Nouvelle en Liberté) 42 DE LA FAMILLE DES GRANDS Le jeune violoncelliste français qui, pendant 5 ans, fut la voix grave et racée de l’excellent Quatuor Ysaÿe, a choisi de reprendre la carrière de soliste commencée dès l’âge de 18 ans. Le Théâtre de la Ville, dont il est l’invité depuis 1994, est heureux de lui offrir son nouveau premier récital à Paris : subtil, intelligent, à l’image du musicien. « Notre métier ne continuera que si nous mettons la musique du passé en regard avec celle du présent ». Cet « enjeu majeur » innerve le programme du virtuose où deux Suites de Bach entretiennent entre elles et avec deux œuvres d’aujourd’hui de fines ramifications. « Comme les 2e et 6e suites, j’aime réunir les 3e et 5e. Tonale, ut majeur, ut mineur, leur opposition naît aussi de leur caractère : jubilatoire dans la troisième, dramatique dans la cinquième, la seule "à la française" et peutêtre la plus riche des 6. Sa sarabande, la plus nue et la plus intense à la fois, possède une polyphonie secrète magique. Kurtág, qui a la même manière de créer le silence que Bach, en instille une autre dans son œuvre inspirée par son compatriote, le poète János Pilinszky. » Franck Krawczyk, compositeur (et pianiste) français de 30 ans, « connaît par cœur le répertoire pour violoncelle. Tel Kodály, il sait, lui aussi, le faire sonner polyphoniquement. Cette qualité signe toutes les œuvres majeures pour l’instrument seul ». Marc Coppey est sûr, avec la prochaine création de son ami de lycée, de faire battre le "chœur" de son violoncelle. JUAN MANUEL QUINTANA viole de gambe CÉLINE FRISCH clavecin AMANDINE BEYER violon MARIN MARAIS, FRANÇOIS COUPERIN, JEAN-PHILIPPE RAMEAU SONORITÉS RARES Le gambiste argentin Juan Manuel Quintana a la force de l’autodidacte. Seul, il choisit, étudie, cherche et trouve. L’instinct puissant, totalement étranger à sa famille, qui l’a poussé, gamin, dans les bras de l’instrument rare, ne l’a jamais quitté. Il a 28 ans et son épanouissement est déjà celui d’un maître. Sous ses doigts, la viole, sensuelle, fiévreuse, gémit ou rit, pleure ou chante : elle respire, elle est vivante. Le clavecin de Céline Frisch crépite de pluies d’or. Sa maman, flûtiste à bec amateur, le lui fit apprendre dès l’âge de 6 ans. Il est l’autre langue maternelle de la jeune Française, qui en joue naturellement. Comme on parle dans les cafés, à ce "Zimmermann" que fréquentait Bach à Leipzig et dont Céline Frisch a donné le nom à son propre ensemble. Quant à son dialogue avec Juan Manuel Quintana, il a commencé à la Schola Cantorum Basiliensis où elle étudiait en même temps que lui. En 1998, le Théâtre de la Ville offrait aux deux musiciens leur premier concert en duo. Pour leur troisième passage, ils ont invité une autre amie de Bâle, Amandine Beyer. Cette jeune surdouée, agrégée de musique ancienne, joue aussi bien de la vielle que du violon moderne. Mais c’est le timbre chaud de son violon baroque – elle y excelle aussi – qui s’unit aux sonorités, chatoyantes de la viole de gambe, cristallines du clavecin. Au programme, Marin Marais, Jean-Philippe Rameau et François Couperin, trois maîtres de la musique française du XVIIIe siècle. Si belle ! Arthur Schoonderwoerd, ph. X, D.R. Marc Coppey, ph. Th. Martinot SAM. 2 DÉC. 17H Andreas Scholl, ph. Th. Martinot ARTHUR piano-forte SCHOONDERWOERD Mozart, Haydn, Beethoven et la famille Bach, hôtes du baron van Swieten BACH : Prélude et Fugue en do dièse mineur du premier livre du Clavier bien tempéré C. P. E. BACH : Rondo en do mineur – extrait du 5e recueil de Sonates et Rondos pour les Connaisseurs et les Amateurs MOZART : Sonate en fa majeur, K 533 avec le Rondo K 494, Adagio en si mineur, K 540 HAYDN : Variations en fa mineur, "Sonata un piccolo divertimento", H. XVII/6 (1793) BEETHOVEN : Sonate en ré mineur, "La Tempête", op. 31 n° 2 UN HOMME DE GOÛT Dans la Vienne des années 1780, le baron van Swieten, diplomate, mécène et compositeur, hollandais de naissance, conviait souvent Mozart ou Haydn le dimanche matin. JeanSébastien Bach dont le cinquième fils, Carl Philipp Emanuel lui avait fait connaître la musique à Berlin, le fascinait. Aussi le baron leur demandait-il à chaque fois d’en jouer. Deux siècles plus tard, Arthur Schoonderwoerd, subjugué par son noble compatriote, réunit les artistes qu’il a tant soutenus. Le jeune piano-fortiste, qui a l’art de rendre présent le passé, avait déjà, en mai 1999, avec son ensemble Cristofori, ressuscité Mozart et sa version pour quatuor à cordes et pianoforte de trois concertos : un bonheur, une invention qui irisent son nouveau récital au Théâtre des Abbesses. « Le fantastique prélude et fugue à 5 voix de Jean-Sébastien Bach, Mozart, dit-il, l’a probablement déchiffré, avec gourmandise, chez le baron. » Bach est d’ailleurs en filigrane dans l’étonnante polyphonie de sa Sonate en fa majeur K 533. Le rondo antérieur qui la complète curieusement, répond à celui, agréable et aisé, de C.P.E. Bach qui précède. Le drame ironiquement appelé "un piccolo divertimento" représente Haydn, et la Tempête son élève Beethoven. Celui-ci avait dédicacé sa première symphonie au « ministre de la Culture avant la lettre » de l’empereur Josef II. Arthur Schoonderwoerd donne à ses hôtes la voix de son splendide piano-forte Walter, copie de l’original de Nuremberg qui a appartenu à Mozart. Pouvait-il en choisir un autre ? SAM. 13 ET DIM. 14 JAN. 17H ANDREAS SCHOLL contre-ténor EDIN KARAMAZOV luth a Musicall Banquet Chansons de cour de la Renaissance en France, Espagne, Italie et Angleterre rassemblées par Robert Dowland, fils de John Dowland. UN ABSOLU L’athlète à la voix d’ange que le Théâtre de la Ville, où il vient pour la 6e fois, révélait en 1994, est devenu une star. L’univers sait désormais que la perfection n’est pas seulement une idée mais une réalité. La beauté de ce timbre, aussi rare que sa tessiture de haute-contre, en est l’incarnation. Le Musicall Banquet auquel convie le jeune Allemand, en distille les plus capiteux sortilèges. Le compact qui va sortir en décembre, quelques jours avant le concert, dévoile lui aussi les secrets de cette anthologie cosmopolite signée Robert Dowland. Mais ce médiocre compositeur anglais (1586-1641) qui, semble-t-il, n’a jamais quitté son pays, a-t-il pu rassembler les chansons pour luth venues de toutes les cours de la Renaissance européenne ? A-t-il su les choisir avec autant de goût, les arranger avec autant de talent ? N’est-ce pas plutôt son illustre père, John, qui, voulant lancer la carrière musicale de son fils, lui a fait ce cadeau ? Lui qui ne cessa de voyager, de travailler à l’étranger, connaissait parfaitement ces différents répertoires dont il sut alimenter son admirable et propre style. Quoi qu’il en soit, ce recueil explore en France, en Angleterre, en Espagne et en Italie, le séduisant paysage de la chanson de cour à la Renaissance. Il s’inscrit avec raffinement dans le petit palais des Abbesses. Dont Andreas Scholl est prince. 43 St Lawrence String Quartet, ph. Christian Steiner SAM. 3 MARS 17H ST LAWRENCE STRING QUARTET HAYDN : Quatuor en ré mineur, "les Quintes", op. 76, "Erdödy", n° 2 JANÁCEK : Quatuor n° 1, "Sonate à Kreutzer" SCHUMANN : Quatuor en la majeur, op. 41 n° 3 RETOUR ATTENDU DU QUADRIGE DE PURS SANGS CANADIENS L’impétueux St Lawrence String Quartet, parrainé par le Quatuor Emerson puis par le Juilliard, avait mis le feu aux poudres en janvier 1994 lors de son premier passage au Théâtre de la Ville où il vient pour la 5e fois. « Le quatuor de stars » – ce fut le titre du Monde – s’empare des partitions, les décortique avec autant d’acuité formelle que de fièvre passionnelle. Deux qualités dont son nouveau programme exploite la quintessence. Seule une totale maîtrise de style et d’analyse peut honorer "les Chants d’expérience" de l’opus 76 qu’Haydn écrit en 1797. Le Quatuor n° 2, les Quintes, en fait partie et le maîtrefondateur y atteint une perfection éblouissante. Dans son Quatuor n° 1, Janácek met en musique la Sonate à Kreutzer de Tolstoï, drame où une femme adultère est tuée par son mari. Les 4 instrumentistes seront les voix idéales de cet opéra sans paroles composé en 1923 par le compositeur tchèque, grand amoureux de l’amour et de la femme. C’est pour plaire à Clara, la passion de sa vie, que Schumann produit dans l’enthousiasme, en deux mois de l’été 1842, trois fulgurants quatuors. « Tout y est neuf mais clair, travaillé avec délicatesse mais dans le vrai style du genre », avait déclaré leur dédicataire. Dans le n° 3 qu’il avait déjà joué en 1994, le St Lawrence nous fait partager « la joie et le plaisir » de celle qui le reçut en cadeau. cordes répand une lumière sonore qui n’appartient qu’à lui, différente pour chaque œuvre. Dans l’opus 3 de Pandolfi qu’il a redécouvert, il jongle avec les ombres et les soleils de l’Italie. Du compositeur né en Ombrie entre 1620 et 1630, il a su reconstituer une vie plausible à partir d’indices, comme l’archéologue dessine une mosaïque à l’aide d’un seul fragment. Naturel et humour habillent son érudition. Manze enchante, fascine, qu’il explique ou qu’il joue. « Les sonates de Pandolfi font penser aux lieder d’un cycle de Schubert, aussi captivants s’ils sont pris isolément que s’ils se fondent dans un tout cohérent. Elles ouvrent la voie à ce qui est peut-être la plus remarquable et la plus virtuose des œuvres jamais écrites pour violon seul, les Six Solos de J.S. Bach. » Mais c’est avec deux sonates qu’il les met en résonance pour son troisième concert au Théâtre des Abbesses. « Bach marie le violon et le clavecin avec tant d’art que ces pièces […] peuvent être regardées comme […] une apothéose du genre. » Richard Egarr appartient au gotha du baroque européen. Son clavecin, lui aussi enchanté, participe à la splendeur de ce concert. textes musique Anne-Marie Bigorne SAM. 24 MARS 17H BACH : Sonate n° 6 pour violon et clavecin obligé, en sol majeur, BWV 1019 (1re version) Sonate n° 3 pour violon et clavecin obligé, en mi majeur, BWV 1016 PANDOLFI : Les 6 Sonates op. 3 44 LE MAGICIEN ANGLAIS DU VIOLON BAROQUE Son secret ? La liberté. Sa pensée, son génie en découlent. L’acrobate de l’archet et des Andrew Manze, ph. Jayand Achterberg ANDREW MANZE violon baroque RICHAR EGARR clavecin musiques du monde AU THEATRE DE LA VILLE LUN. 30 AVRIL 20H30 DIM. 15 OCT. 11H • LUN. 16 OCT. 20H30 BAUL BISHWA CHAURASIA Inde du Nord flûte bansuri LUN. 23 OCT. 20H30 THAYAMBAKA Inde du Sud Inde musique Baul MER. 2 MAI 20H30 CHANTS ET MUSIQUES DES STEPPES Altaï, Touva, Kazakhstan ensemble de percussions des temples du Kerala maître Shankarankutty Marrar ALTAÏ chant diphonique BASHKIRISTAN Ismurat Il’gakov chant et vièle TOUVA chant et vièle KAZAKHSTAN JEU. 16 NOV. 20H30 JEU. 31 MAI 20H30 MOHAMMED BAJEDDOUB Maroc chant arabo-andalou, chants soufis CHANTS ET MUSIQUES D’OUZBÉKISTAN Khorezm, Karakalpakistan SAM. 25 NOV. 17H SABAHAT AKKIRAZ Turquie chant alévite SAM. 2 DÉC. 17H OOLEYA MINT AMARTICHITT AUX ABBESSES Mauritanie chant Maroc JEU. 30 NOV. 20H30 CHERIFA « CHEIKHA » SAM. 9 DÉC. 17H REGINA CARTER chant violon DIM. 3 ET LUN. 4 DÉC. 20H30 jazz MAKÁM SAM. 6 JAN. 17H Hongrie Balogh Kalman cymbalum, avec 11 musiciens musiques tsiganes de l’est de l’Europe Irén Lovász chant, Szilvia Bognár chant direction musicale Zoltán Krulik composition originale d’après des chants traditionnels hongrois SAM. 13 JAN. 17H LUN. 11 DÉC. 20H30 ROMANO KOKALO Hongrie FELIX LAJKO NILADRI KUMAR sitar Kumar Bose tabla Inde du Nord Hongrie violon solo SAM. 23 DÉC. 20H30 JEU. 25 JAN. 20H30 OMAR SARMINI chant ENSEMBLE AL-KINDÎ Syrie Julien Jalâl Eddine Weiss direction et qanoun hommage à Ousama Ibn al-Mounqidh les Croisades sous le regard de l’Orient avec Mohammed Gomar, maître irakien du joza Talip Ozkan, maître turc du tambur U FIATU MUNTESE Corse la jeune garde corse LUN. 22 JAN. 20H30 CHANTS ET MUSIQUES DU GOLFE PERSIQUE Iran LUN. 26 MARS 20H30 CRÉATION LUN. 29 JAN. 20H30 Arabie Saoudite MOHAMMAD AMAN chant Bretagne chant, textes, direction artistique RICCARDO DEL FRA contrebasse, composition er JEU. 1 FÉV. 20H30 O.S. THIYAGARAJAN chant carnatique ANNIE EBREL Inde du Sud Azerbaïdjan SAM. 31 MARS 17H AGA KHAN ABDOULAIEVchant LUN. 5 MARS 20H30 Firouz Aliev tar, Adalat Vazirov kamantché CHANTS ET MUSIQUES D’AFGHANISTAN Afghanistan LUN. 21 MAI 20H30 LUN. 12 MARS 20H30 AICHA REDOUANE Egypte ET L’ENSEMBLE AL-ADWAR hommage à Abdu Al-Hâmûlî et Muhammad Uthman, les deux plus grands initiateurs de la nahda, renaissance musicale arabe en Egypte SAM. 17 MARS 17H Inde du Nord ULLHAS KASHALKAR chant khyal CHANTS ET MUSIQUES DU BALOUTCHISTAN Pakistan Omar de Sor sorud, Ali Mohammad sorud, Habiba chant, Jama tamburag SAM. 26 ET LUN. 28 MAI 20H30 SUSANA BACA chant Pérou la diva du Pérou noir MAR. 29 MAI AU VEN. 1er JUIN 20H30 CRISTINA BRANCO Portugal chant Chaurasia, ph. Birgit MUSIQUES DU MONDE AU THEATRE DE LA VILLE • TARIF D DIM. 15 OCT. 11H • LUN. 16 OCT. 20H30 CHAURASIA Inde du Nord laire que du classique. Libérée de sa fonction d’accompagnement, c’est la seule formation de percussions destinée depuis des siècles à des concerts publics. Il faut imaginer ces représentations, à la tombée de la nuit, devant le temple ou à l’intérieur de la première enceinte, à la lueur d’une lampe à huile. Nul besoin d’être mystique ou savant spécialiste pour être capté par la puissance sonore de ces tambours, fasciné par la vélocité de ces interprètes et pour partager l’évidence de leur plaisir à jouer. Ce n’est d’abord qu’un murmure, lancé par un soliste, qui peu à peu, s’élève, s’accélère, repris successivement par l’ensemble des musiciens pour finir dans une apothéose de sons d’une force et d’une vitesse vertigineuses. Plaisantes joutes des musiciens entre eux, de soliste à soliste, de duo à duo, d’ensemble à ensemble. Un véritable spectacle pour tous les amateurs de rythmes. flûte bansuri Jacqueline Magnier Deopriya Chatterjee flûte bansuri Subhankar Banerjee tabla Bhavani Prasad pakhawaj Une sonorité incandescente et veloutée, parfois diaphane et si voluptueuse ont fait la gloire du maestro, de New York à Hong-Kong. Cet homme calme d’une grande simplicité s’est fait apprécier et admirer à travers le globe depuis ces trente dernières années avec la constance d’une courbe ascendante . Sa stature et sa notoriété vont grandissant d’année en année et ses albums représentent les meilleures ventes de musique savante de toute l’Inde (avec Shivkumar Sharma et Zakir Hussain), depuis l’immense succès de Call of the valley. Chaurasia progresse toujours au fil du temps, imperturbable. Il se livre à des expériences avec des musiciens de jazz (John McLaughlin, Jan Garbarek, et plus récemment Paolo Cueco). Prêtant son souffle magique à l’illustration musicale de textes sacrés comme à des films de Hollywood, il sait nous surprendre, l’air de rien. La formation proposée pour ces concerts des raga-s du matin et du soir est celle expérimentée entre autre au Festival d’Ahmadabad. L’aspect nouveau et attirant dans ce "quatuor" est la révélation de la jeune disciple Deopriya : une sonorité et une sensibilité à couper le souffle. Cette flûtiste à fleur de peau pare la majesté de Chaurasia de bien des attraits. Le pakhawaj de l’extraordinaire Bhavani (ami de Zakir Hussain) répond au tabla de Subhankar Banerjee, devenu l’un des tablistes attitrés d’"Hariji". Christian Ledoux LUN. 23 OCT. 20H30 THAYAMBAKA Inde du Sud ensemble de percussions des temples du Kerala maître Mattannur Shankarankutty Marrar 46 Pour la troisième fois, le Théâtre de la Ville accueille les extraordinaires tambours du Thayambaka. Une véritable fête du rythme orchestrée par les onze musiciens, tout de blanc vêtus, venus du Kerala, l’une des régions les plus riches du sud-est de l’Inde. Forme musicale à la fois rituelle, sacrée et profane, le Thayambaka tient autant du popu- JEU. 16 NOV. 20H30 MOHAMED BAJEDDOUB Orchestre Chabab Al-Andalous de Rabat chant arabo-andalou, chants soufis Maroc Mohamed Bajeddoub est assurément un monstre sacré du chant arabo-andalou marocain. Un roi incontesté dans son domaine comme dans les autres genres de la musique arabe qu’il aborde avec bonheur. Initié au chant dès son enfance dans une zaouia de Safi (école soufie), il est naturellement devenu grand muezzin de la mosquée de cette ville côtière. Doté d’une forte présence, ce chanteur-né est doué d’une voix puissante, chaude et profonde. Il allie un instinct sûr, un sens de la mise en scène sonore et un dynamisme vocal que peu de ses contemporains arabes peuvent prétendre posséder à la fois. Serait-il le Nusrat Fateh Ali Khan du Maghreb ? Ses mélismes – de vrais sortilèges secrets inspirés de la manière orientale – ont la pénétration propre à embellir magnifiquement un chant envoûtant qu’on ne peut oublier. Il sait emporter un public qui en redemande encore… C. L. SAM. 25 NOV. 17H SABAHAT AKKIRAZ Turquie chant alévite Sabahat Akkiraz chante magistralement aussi bien une foi d’inspiration soufie que des chants dédiés à l’amour et à la nature. Cette grande chanteuse de l’Anatolie appartient à la tradition alévite, une tradition soufie chiite, où se mêlent d’anciennes influences chamanistes venues d’Asie centrale et une véritable vénération pour Ali, le gendre du Prophète. Sabahat Akkiraz est l’une des dernières chanteuses traditionnelles d’Anatolie car elle tient son savoir des asik-s, ces poètes et maîtres de la parole contemplative et mystique. L’aspect spirituel de la poésie de certains asik-s, dont la figure marquante fut Pir Sultan Abdal (XVIIe siècle), est justifiée, en Anatolie, précisément par leur appartenance à la tradition alévite. tant l’apport maure, la voie noire (al-jâmba-al kahla) synonyme de l’apport négro-africain et la voie dite tachetée (al-jâmba-l’-gnaydîya). La voie noire est la voie profonde et masculine tandis que la voie blanche est légère et synonyme de plaisir, d’amour et de raffinement. Chaque prestation musicale au-delà de son contexte, se devra de suivre une même progression modale allant de la noirceur à la blancheur. Cette progression symbolise le cycle de la vie et nous renvoie à une vision thérapeutique proche des anciens systèmes de la musique grecque, arabe et indienne. Assister à un concert de musique mauritanienne permet à notre esprit de suivre le fil d’un long labyrinthe d’émotions qui défilent comme autant de parcelles de vie. Les chants, qu’ils soient réservés à l’audition pure ou à l’accompagnement des danses sacrées sernah, sont tous habités par le nefes, signifiant textuellement "souffle", dans le sens de souffle d’inspiration. Ce souffle est imprégné d’une certaine conception de l’univers, où la notion du divin rejoint celle d’une harmonie naturelle, à l’image de cette terre anatolienne qui vit naître au XIIIe siècle l’ordre Mevlevi du grand mystique Jalal al-din Rumi, à Konya. Le chant de Sabahat Akkiraz se veut aussi en symbiose avec la parole de l’ozan, le poète de la tribu. Comme lui, elle parle d’un monde différent et lointain, un monde autrefois en désaccord, par sa revendication, avec le politique ou, au contraire, aujourd’hui banalisé par un nouveau phénomène de mode soufi exploité par les médias. Sabahat Akkiraz, née il y a quarante ans au sein d’une humble famille de Sivas, se veut de conserver l’enseignement de son maître Bektas Véli. Là aussi, c’est le luth (ici, le saz à long manche) qui, comme dans la tradition mauritanienne ou berbère, porte la voix de la femme. Cette femme, choisie elle-même, à son tour, pour porter la parole d’une communauté aux prises avec la richesse de son héritage. chant Mauritanie De retour au Théâtre de la Ville, Ooleya Mint Amartichitt intelligente et resplendissante, incarne le lien entre Afrique blanche et noire. Monde arabe et monde noir se côtoient dans le langage chanté de cette îggîw (griotte) de Mauritanie. Ooleya, au visage de madone du désert, possède, lorsqu’elle chante, ce don émotionnel qui lui permet de donner vie à des sentences poétiques d’une rare beauté. L’esthétique vocale des griottes mauritaniennes se distingue dans un traitement brisé et abrupt de la voix encore plus accentué que dans le cante jondo du flamenco. Ooleya, en plus de cette technique vocale très masculine, à certains moments, murmure des paroles qui restent suspendues dans l’air, tandis que le luth tidinit déjà anticipe la sentence suivante. L’art des griots de Mauritanie nous renvoie plus précisément au XVIIe siècle, à une époque où la pratique musicale et la poésie avaient atteint une réelle maturité. C’est à cette époque que naîtra le spectre musical complet de l’art mauritanien à travers trois voies : la voie blanche (al-jâmba-al-bayda) représen- O. M. Amartichitt, ph. Birgit OOLEYA MINT AMARTICHITT Thayambaka, ph. X, D.R. SAM. 2 DÉC. 17H Sabahat Akkiraz, ph. I'Yas Akkuyu Alain Weber A. W. 47 Regina Carter, ph. David Mayenfisch Romano Kokalo, ph. X, D.R. SAM. 9 DÉC. 17H REGINA CARTER violon jazz Saluée par le New York Times comme une « violoniste au talent parfaitement maîtrisé, à l’exceptionnelle souplesse d’improvisation et à l’immense palette d’expression », Regina Carter est l’une des artistes les plus éclectiques et les plus innovatrices qui se soient manifestées depuis plusieurs décennies sur la scène jazz. Originaire de Detroit, l’une des grandes Mecques du jazz, Regina Carter s’inscrit dans la lignée des Ron Carter, Donald Byrd et Betty Carter. Elle commence l’étude du violon encore adolescente, peaufine sa technique au sein du Detroit Civic Symphony Orchestra avant de jouer avec de nombreuses formations pluri-ethniques, notamment avec le groupe de pop/funk Brainstorm et le célèbre groupe féminin Straight Ahead. Ancienne élève de l’excellent New England Conservatory et de l’université d’Oakland, elle s’intègre très vite à la scène musicale de New York où elle s’installe au début des années 90. Ses premiers enregistrements et un concert au Lincoln Center de New York lui ont permis d’obtenir la reconnaissance internationale qu’elle mérite. Son dernier album, Rythms of the heart, confirme son originalité, son audacieuse rythmique et son incomparable talent d’intégration des différentes nuances du jazz, du funk, de la soul et de la musique africaine et brésilienne. « Je veux que les gens se sentent bien quand ils écoutent ma musique, qu’ils s’y perdent et ne fassent qu’un avec elle » affirme-t-elle. Nul doute que son désir deviendra réalité lors de son premier concert au Théâtre de la Ville. n SAM. 6 JAN. 17H ROMANO KOKALO Hongrie musiques tsiganes de l'est de l'Europe Kalman Balogh cymbalum avec 10 musiciens 48 Une fête de la musique en plein hiver ! C’est assurément ce que proposeront le jeune roi du cymbalum Kalman Balogh, fondateur du groupe hongrois Romano Kokalo et ses dix musiciens réunis pour la première fois sur la scène du Théâtre de la Ville. Une fête où les rythmes de la musique traditionnelle tsigane vagabondent, avoisinant parfois le swing, se teintant d’une pointe de tango, de flamenco ou de klezmer, pour plonger plus encore aux sources nostalgiques ou festives d’une musique nomade liée à l’Europe centrale mais dont les racines se perdent dans des terres plus lointaines. À l’image des Klezmatics à New York pour la musique klezmer, Romano Kokalo est aujourd’hui l’un des groupes les plus représentatifs du renouveau de la musique tsigane à Budapest. Sans doute est-ce dû à la formation musicale de son leader, Kalman Balogh, diplômé de l’académie Ferenc-Liszt de Budapest et primé "Jeune Maître d’arts traditionnels" en 1985. Une dualité originale qui lui permet de briller avec l’Orchestre du Festival de Budapest ou avec le Philharmonique de Miami, dans les Danses hongroises de Brahms aussi bien qu’avec des groupes de jazz, de rock ou avec le Magneten Gipsy Show d’André Heller dont il fut le directeur artistique. À côté du cymbalum, instrument fétiche de cette musique vibrante, violons, trompettes, guitares, bouzouki, contrebasse, percussions, derbouka, autant d’instruments pour rêver, chanter et danser. J. M. SAM. 13 JAN. 17H NILADRI KUMAR Inde du Nord sitar Kumar Bose tabla pour la première fois en France Nul doute que le jeune Niladri Kumar atteindra la célébrité en Inde d’ici peu. À 26 ans, il a été la révélation du Festival Sawai Gandharva de Poona (1999), où un parterre de jeunes musiciens professionnels était fort attentif et laudatif à ses prouesses vertigineuses. Bien que fils et disciple de Kartik Kumar (sitariste de renom et élève principal de Ravi Shankar), Niladri suit d’instinct le style lyrique empreint de poésie de Vilayat Khan, suivant au plus près l’esthétique de l’art vocal. S’il sait être aussi délicat que flamboyant et audacieux dans les passages les plus périlleux, il est surtout inouï dans cette technique unique du tirage de la corde (meend), qui fait ressortir en glissando les plus fins détails des microtons, et s’affirme déjà comme l’un des plus grands spécialistes de cet art très prisé et propre au sitar. La rapidité et la clarté de ses tournures ultra-rapides (taan) sont toniques et dignes de ses grands aînés. L’esprit d’innovation, d’expérimentation et de fantaisie qui l’anime, porte chacune de ses phrases pour construire par étapes un discours musical riche de variété et d’étonnements. C. L. Niladri Kumar, ph. X, D.R. JEU. 25 JAN. 20H30 OMAR SARMINI chant Syrie ET L’ENSEMBLE AL-KINDÎ hommage à Ousama Ibn al-Mounqidh les Croisades sous le regard de l’Orient Julien Jalâl Eddine Weiss qanoun, direction artistique Muhammad Qadri Dalal luth Ziyâd Qâdi Amin nay Adel Shams El Din riqq Hicham Al Khatib douff, naqarat Mohammed Gomar maître irakien du joza Talip Ozkan maître turc du tambur La musique classique arabe a peu changé depuis son âge d’or, entre le IXe et le XIIIe siècles. Elle est restée monodique et de tradition orale. Il est donc assez aisé d’en retrouver l’essence, malgré son ancienneté. Dans l’écrin sophistiqué des savantes waslas, suites constituées de chants mesurés (mouwahshahs aux rythmes alambiqués) et de pièces instrumentales, se glisse le joyau de la qasida, l’antique poème monorime. La vocalise improvisée qui soutient cette qasida, art infiniment subtil et intemporel qui a traversé les siècles depuis le haut Moyen Âge, sera au cœur de ce nouveau programme. À l’honneur aussi, les poètes du temps des croisades qui ont côtoyé, aux XIIe et XIIIe siècles, nos ancêtres quelque peu rustres de l’époque (les Francs). Ousama Ibn al-Mounqidh est l’un de ces poètes emblématiques, historiens et chroniqueurs de leur époque, célébrés par le professeur André Miquel et le romancier Amin Maalouf. Pour chanter la ferveur de ces poèmes, Omar Sarmini, déjà remarqué auprès du vieux maître Sabri Moudallal dans le magnifique Salon de musique créé au Théâtre des Abbesses en 1998, déploiera toute l’ampleur de son talent. Personnalité fragile, presque évanescente, il se révèle soudain exalté, capable de magnétiser violemment les foules. Julien Jalâl Eddine Weiss, maître du qanoun (cithare) et fondateur de l’ensemble Al-Kindî qui a accompagné au Théâtre de la Ville les plus grandes voix du chant classique arabe, réalise enfin la formation instrumentale idéale à ses yeux : outre ses fidèles compagnons, trois maîtres incontestés, les deux Syriens Muhammad Qadri Dalal (luth) et Ziyâd Qâdi Amin (nay), et l’Égyptien Adel Shams El Din (riqq), accompagnés aux percussions par le derviche damascène Hicham Al Khatib (douff et naqarat), il introduit le maître irakien du joza Mohammed Gomar et le virtuose turc du tambur (luth) Talip Ozkan. Joza et tambur, deux instruments disparus de la musique classique Omar Sarmini, ph. X, D.R. syrienne et égyptienne depuis le XIXe siècle, qui retrouveront dans ce nouveau concert une place de choix. n LUN. 29 JAN. 20H30 MOHAMMAD AMAN chant Arabie Saoudite Professionnel du chant arabe depuis trente ans, Mohammad Aman est originaire de La Mecque. Si, faute de conservatoire dans sa région, ce magicien de la voix n’a pu faire ses classes dans une institution et s’est initié au chant avec les enfants du quartier, il a néanmoins décidé de s’y consacrer pleinement à l’âge de dix-huit ans. Aujourd’hui, il est reconnu par la communauté arabe comme l’un des maîtres en la matière, que ce soit localement, lors des fêtes, mariages et cérémonies officielles, ou plus largement, lors de ses concerts à Bahreïn, en Tunisie et en Égypte. En Ouzbékistan, un premier prix au Festival international de Samarcande en 1999 est venu couronner la beauté de sa voix. Capable de s’ouvrir au chant arabe dans ses formes les plus diverses et les plus spécifiques, Mohammad Aman mêle au patrimoine arabe classique des chansons populaires et des poésies sentimentales contemporaines, passant avec la même virtuosité du makkaian majassan, poésie classique religieuse, au danat, chant lyrique répandu dans les villes de l’ouest du pays et au makkian muwash’hat, forme classique de la tradition musicale arabo-andalouse. Au Théâtre de la Ville, six musiciens accompagneront aux qanoun, violon, oud et percussions ce chanteur hors pair, lui-même joueur de luth, dont ce sera le premier concert en France. J. M. JEU. 1er FÉV. 20H30 O.S. THIYAGARAJAN chant carnatique Inde du Sud Delhi Sundarajan violon Bakhtavatsalam mridangam Harishankarh kanjeera pour la première fois en France De l’avis de bien des experts et autres rasikas qui hantent les meilleurs concerts, O.S. Thiyagarajan est l’un des chanteurs actuels le plus appréciés sur bien des plans : sentiment dévotionnel très présent (bhava), technique vocale redoutable mais où rien n’est forcé ou laissé au hasard ; point d’exubérances ou de clin d’œil séducteur. Une belle éloquence 49 Thiyagarajan LUN. 12 MARS 20H30 – suite dans l’exposition, des développements merveilleux d’intelligence et de variété, une rigueur constante. Un sens des formules rythmiques impressionnant, à l’école du doyen des chanteurs carnatiques Sammangudi Srinivasa Iyer. Fils d’un grand chanteur, O.S. Thiyagarajan a su puiser son enseignement auprès de différents maîtres pour étendre sa palette. D’ici peu, le titre de bhagavatar ou chanteur divin lui sera immanquablement décerné… Son chant porte d’emblée un sens. L’âge mûr y fait beaucoup, mais aussi un goût pour la perpétuation du plus pur style carnatique, ancré dans la tradition laissée par les grands compositeurs-poètes du XVIIIe siècle. Très suivi par les connaisseurs dans les communautés du sud de l’Inde et de sa diaspora à travers le monde, Thiyagarajan est proche de son apogée. À l’âge d’un demi-siècle, il donne quelque deux cents concerts par an, des États-Unis jusque dans les temples hindous. Thiyagarajan, ph. X, D.R. C. L. LUN. 5 MARS 20H30 CHANTS ET MUSIQUES D’AFGHANISTAN Afghanistan En 1996, le public du Théâtre de la Ville acclamait Mohammad Rahim Khushnawaz qui, venu d’Hérat, faisait découvrir la musique urbaine de la ville principale du Khorassan, région partagée entre l’Iran, le Turkménistan et l’Afghanistan. Ce grand maître du rubab se jouait de la complexité et de la difficulté de cet instrument national afghan, composé d’une caisse de résonance, de trois cordes principales, de deux longues cordes servant de bourdon et d’une quinzaine de cordes sympathiques. Un instrument qui, à l’instar du târ de l’Iranien Hossein Alizadeh, offre tendre douceur et subtile délicatesse. Ce concert unique lui laissera encore une place de choix. À l’heure où nous publions ces lignes, il nous reste de nombreux kilomètres et de longues heures de route à parcourir avant de déterminer les noms des musiciens qui seront présents le 5 mars. Gageons que cette nouvelle rencontre musicale fera une fois le plus le bonheur d’un auditoire curieux, attentif et confiant dans la qualité et l’originalité d’un répertoire que le Théâtre de la Ville est toujours soucieux de lui apporter. 50 J. M. AÏCHA REDOUANE Égypte ET L’ENSEMBLE AL-ADWÂR hommage à Abdu al-Hâmûlî et Muhammad Uthman, les deux plus grands initiateurs de la nahda, renaissance musicale arabe en Egypte Il n’est plus besoin de présenter Aïcha Redouane, Habib Yammine et l’ensemble alAdwâr ni la grande tradition musicale du maqâm arabe qu’ils se consacrent à faire revivre. Leurs précédents passages, couronnés de succès au Théâtre de la Ville, témoignent de leurs profondes fidélité et communion avec le public. Le respect de la tradition et le désir de créer ont aussi guidé Aïcha Redouane et Habib Yammine vers de nouvelles compositions originales apportant au maqâm arabe une énergie jeune et authentique. Portés par une inspiration tendue vers l’essentiel, ils ne pouvaient fêter le nouveau millénaire sans avoir une pensée émue pour leurs maîtres "d’outre-tombe" ! Aujourd’hui, ils rendent hommage aux deux plus grands initiateurs de la nahda : Abdu alHâmûlî (1815-1901) et Muhammad Uthman (1855-1900). Un siècle s’est écoulé depuis la disparition de ces deux génies de la musique vocale dont le mérite réside dans la synthèse réalisée à partir des différentes traditions orientales (savantes, religieuses et populaires). Avec le soutien du khédive Ismâ’îl, grand mélomane féru d’art, Hâmûlî et Uthmân étaient les principaux fondateurs de stylistique et esthétique musicales nouvelles dans l’art de l’improvisation et de la composition. Dans leur somptueux répertoire, le dawr, chant à thème et variations improvisées, et pièce maîtresse de la wasla (suite musicale) égyptienne, a atteint son apogée sur le plan structurel et vocal grâce à la complémentarité de leurs talents. Pour fêter ce moment historique, le dawr est à l’honneur ! Telle les fées des contes, Aïcha Redouane rompt le charme du temps qui a emprisonné dans les plis de sa mémoire les joyaux ciselés par ces deux artistes hors pair. Dans sa quête du tarab (extase musicale), elle propose plusieurs voyages maqâmiens à travers les chefsd’œuvres les plus célèbres : les dawr-s, les qasida-s, les muwashshah, en alternance avec les improvisations taqâsim-layâli et compositions instrumentales bachraf, samâ’i et tahâmil. Un programme inédit ! Schams-Habib SAM. 17 MARS 17H ULLHAS KASHALKAR chant khyal Inde du Nord Suresh Talwalkar tabla, harmonium, violon pour la première fois en France Ullhas Kashalkar, dont la renommée commence juste à dépasser les frontières de l’Inde, était très attendu en décembre dernier au prestigieux Festival Sawai Gandharva de Poona. Pandits et autres grands amateurs rasikas sont restés jusqu’à quatre heures du matin pour l’écouter. Accompagné par Suresh Talwalkar, qui a longtemps joué avec le maître du sarangi Ram Narayan, ce chanteur âgé de quarante-cinq ans a donné un concert mémorable. Profondément bouleversant dans des moments d’une grande intensité, Ullhas Kashalkar réunit tous les ingrédients du haut Aïcha Redouane, ph. F. Vernhet Afghanistan, ph. X, D.R. Ullhas Kashalkar, ph. X, D.R. chant khyal : sûreté d’une voix parfaitement formée et maîtrisée, développement mesuré des raga-s, imagination mélodique et rythmique, répertoire d’une très grande beauté et d’une hauteur de vues remarquable. Faisant fi des tricheries musicales bonnes à épater le public, ses longues notes tenues par un souffle de l’âme se métamorphosent en extase. Son art relève d’une forte spiritualité et d’un sens aigu du devoir à accomplir envers la musique, sujet qu’il aborde volontiers. Ce chanteur très réputé parmi tous les musiciens enseigne à la prestigieuse Sangeet Academy Research de Calcutta, institution privée unique en Inde, qui forme au compte-gouttes les grands chanteurs de demain. C. L. LUN. 30 AVR. 20H30 BAUL BISHWA Inde musique baul le regard intérieur Bardes nomades, les Bauls incarnent l’histoire du Bengale et de ses successives dominations étrangères. Comme leur musique riche d’influences diverses, leur philosophie est syncrétique. Elle est le reflet d’une conception de la vie et d’un système de valeurs qui place l’être au-dessus de tout et au cœur de la nature – il se laisse envahir par toute la création. « Il n’est pas de plus riches trésors que ceux que l’on trouve en soi. » Le Baul est un être libre et sans préjugés. Il n’a pas de maison : il est chez lui partout. Chaque pays est sa patrie : il fait fi des différences entre castes, peuples et races. Religieux, il récuse les dogmes et ne se conforme à au- cune doctrine précise. Hindouisme, bouddhisme – singulièrement le tantrisme – et soufisme l’ont influencé et inspiré. Il montre un insatiable appétit de vivre et d’aimer, un goût du bonheur. Il professe quelques vérités simples et essentielles telles que l’amour de l’Homme : « Pourquoi aller au temple ou à la mosquée ? Aime les autres et tu trouveras Dieu. » Ou bien encore l’égalité des hommes : « Je cherche le restaurant où Allah, Rama, Kali et Dieu mangent dans la même assiette. » De basse extraction, ces ménestrels voyageaient jadis de village en village sans recevoir d’enseignement scolaire. Souvent illettrés, ils ne sont pas pour autant incultes. Au contraire, ils accumulent comme autant de trésors, les richesses des écritures sacrées, mythologies, littératures anciennes et autres traditions… Rien n’est écrit, tout se transmet par voie orale de guru à disciple, de génération en génération. L’émotion plus que la logique joue un rôle cardinal dans le processus d’acquisition des connaissances. En effet, « à moins d’un coup dans le fruit, son jus ne coule pas ». Mais l’essentiel de la formation repose sur la méditation : « Pourquoi courir après les nuages ? Regarde en toi et trouve la paix. » Le yoga y participe également. Ni rituels élaborés ni lieux du culte, c’est le corps du Baul qui est son temple. Il pratique la danse et la musique : « Nous sommes ivres de musique. Nous devons savoir comment atteindre le verre d’alcool à l’intérieur de nous-mêmes. » Aujourd’hui, la plupart des Bauls sont des musiciens comme les autres et se produisent en concert. Chacune de leurs chansons est, en un langage simple et imagé, une leçon de 51 – suite vie. Beaucoup sont sensuelles, voire érotiques : prières adressées à Dieu mais aussi déclaration d’amour à l’aimé. Poètes et philosophes tels que Rabindranath Tagore ont écrit pour les Bauls. Ceux-ci, plutôt qu'’intellectualiser, préfèrent exprimer les vérités fondamentales de façon directe et poétique. Leur joie et leur entrain sont contagieux. Ils enchantent en chantant. Le groupe Baul Bishwa ("l’univers baul") est déjà fort célèbre et a conquis de vastes auditoires de par le monde. Il est dirigé, depuis 1992, par Bapi Das Baul, digne héritier de la huitième génération, d’une des plus célèbres familles Baul. Il joue de l’ektara (une corde), du khamak (deux cordes) et du dugi (petite percussion). Il est entouré d’une flûte bansuri, d’un luth dotara (quatre cordes), d’un dhol et d’un khol (deux percussions), d’un violon et d'un sarangi ainsi que d’une danseuse, car « on peut entendre son corps sourire comme on le voit danser ». Baul Bishwa, ph. Jagriti Jacques Erwan MER. 2 MAI 20H30 CHANTS ET MUSIQUES DES STEPPES Altaï, Bashkiristan, Touva, Kazakhstan ALTAÏ chant diphonique BASHKIRISTAN Ismurat Il'gakov chant, kuraj (flûte) TOUVA chant, vièle KAZAKHSTAN chant, dombra (luth) 52 De la mer Caspienne à la Chine et de la taïga sibérienne aux oasis ouzbeks, le Théâtre de la Ville poursuit ses quêtes musicales à travers les terres dénudées où prédomine la steppe. Il sillonne et met à l’honneur aujourd'hui des contrées qui, toutes, appartiennent à la culture türk : Touva, Altaï, Kazakhstan et Bashkiristan. Si, linguistiquement, Touvas, Altaïens, Kazakhs et Bashkirs sont rattachés à la famille altaïque, proche des langues mongoles, musicalement ils ont, chacun, développé des spécificités qui leur étaient communes dans un lointain passé. Parmi celles-ci, l’extraordinaire maîtrise du chant diphonique chez les Touvas, capables d’émettre, par une seule et même voix, deux ou plusieurs chants à la fois. Bien que cette forme vocale ait été présente dans toute l’aire turco-mongole, ce sont les Touvas qui en ont perfectionné les techniques avec la plus grande subtilité. Dans l’Altaï prédomine le kai, autre forme diphonique où, par l’intermédiaire des voix aux timbres multiples et des instruments sacrés (guimbarde, tambour ou bâton de chamane), hommes et esprits se rencontrent. Les récits épiques de leurs voisins Kazakhs, accompagnés du dombra (luth), évoquent les chevauchées équestres des pasteurs no- mades vivant sous la yourte, ou les valeurs universelles de la condition humaine (amitié, fidélité, force…). Les Bashkirs de l’Oural ont, eux aussi, conservé certains traits culturels propres au türk mais, aujourd’hui, les véritables tenants de la tradition se font rares. Il sera d’autant plus étonnant d’entendre la spécificité de leur chant diphonique uzliau et le son mélodieux de leur flûte kuraj. Une autre façon de parcourir les steppes. J.M. d’après un texte de Frédéric Léotar JEU. 31 MAI 20H30 CHANTS ET MUSIQUES D’OUZBÉKISTAN Khorezm, Karakalpakistan Après la douce et belle voix de Monajat Yulchieva, issue du Fergana, à l’est de l’Ouzbékistan, le Théâtre de la Ville propose avec ce concert de découvrir d’autres joyaux de ce pays ancré au cœur de l’Asie centrale, dont les seuls noms de Samarcande, Boukhara ou Khiva invitent au rêve et au voyage. Ainsi, dans l’ouest du pays, des cultures traditionnelles sont encore bien vivantes, dans le Khorezm où des groupes de femmes font encore entendre leurs voix, et dans le Karakalpakistan, creuset d’excellents musiciens. Le Khorezm, désertique depuis longtemps, conserve cependant de remarquables richesses, comme ces palais et forteresses de Khiva, la capitale, témoignages directs d’un passé révolu où, alors fertile oasis arrosée par l’Amou-Daria qui le traverse, il accueillait les caravanes remontant de l’ouest vers le nord. À l’image de ces splendeurs architecturales, la musique a conservé la trace de ses compositeurs et musicologues du passé, souvent anonymes. Héritières de ce précieux bagage : les khalfa (khalifa en arabe qui a donné calife en français), ces maîtresses femmes qui, lisant l’arabe, remplissent des fonctions religieuses, cérémoniales et musicales. Chanteuses, danseuses ou instrumentistes professionnelles, elles laissent transparaître dans leurs voix graves et puissantes, une indéniable force de caractère, à l’égal des hommes. Elles puisent dans le répertoire traditionnel des chants lyriques et des morceaux cérémoniels (toy) ou rituels qu’elles interprètent a cappella ou accompagnées au daf (tambourin) ou bien encore à l’accordéon. Plus au nord s’étend le Karakalpakistan, autre région tout aussi désertique, terre de désolation aux abords d’une mer d’Aral aujourd’hui en voie d’assèchement. Ghijak (vièle à pique), nay (flûte) et surtout dotar (luth à long manche et deux cordes) et vièle kobuz sont les instruments de prédilection d’une musique populaire que les bardes bakhshi, tout à la fois instrumentistes, chanteurs et conteurs d’histoires d’amour, mystiques ou épiques, diffusent de génération en génération. J. M. Ouzbékistan, ph. Theodore Levin Baul Bishwa Chérifa, ph. Olivier Chabrillange MUSIQUES DU MONDE AUX ABBESSES • TARIF D JEU. 30 NOV. 20H30 CHERIFA “CHEIKHA” DIM. 3 ET LUN. 4 DÉC. 20H30 Maroc chant Femmes poètes d' Afrique et d'Orient La voix de Cherifa possède la même rugosité que celles de ses consœurs paysannes de la montagne. Le peuple berbère, qu’il soit Imazhigen dans le Moyen-Atlas ou Chleuh dans le Haut et l’Anti-Atlas, a, par sa noblesse, marqué de son empreinte la musique marocaine. Les Cheikhats sont, elles, essentiellement originaires du Moyen-Atlas et de la région de Beni-Mellal. Certaines sont de grandes chanteuses et prolongent une ancienne tradition poétique qu’elles ont adaptée au fil du temps. Cherifa fut découverte, alors qu’elle n’était qu’une jeune paysanne, par le grand maître et chanteur Rouicha dont elle sera pendant longtemps la choriste. Cherifa est une femme d’aspect austère, à l’émotion retenue et secrète, sa vie de chanteuse professionnelle fait d’elle une voyageuse perpétuelle, la plongeant dans un mode de vie très différent des femmes marocaines habituelles. Dans le tamawayt, le genre chanté berbère du Moyen-Atlas, elle déclame les paroles des poètes de village, accompagnée du luth lotar d’Aziz Aarim. La déchirure de la voix alterne entre sentiments de réjouissance et de souffrance : « J’ouvre ma bouche pour implorer Dieu et non pas l’homme qui n’est point mon créateur, Tel l’oiseau je m’envole et ne reviens à mon nid qu’après un an d’absence, Si au moins je pouvais être enterrée avec mon bien-aimé pour l’aider là où il est, Mon oreiller, tu es témoin, même si je pose ma tête sur toi, le sommeil, lui, ne se pose jamais sur mes yeux. » Une composition musicale du Moyen-Atlas se conclut souvent par le rythme de l’ahidous, cette danse collective qui permet dans les villages à chacun et chacune de s’exprimer, et où les pieds des danseurs et danseuses frappent frénétiquement le sol, comme un rite de retour aux racines et à l’origine d’un peuple antique. A. W. MAKÁM Hongrie Irén Lovász chant Szilvia Bognár chant Zoltán Krulik direction musicale composition originale d'après des chants traditionnels hongrois « Dans l’une de nos mains, le Nogaj-Tatar, le Vatyak et le Cheremiss, et dans l’autre, Bach, Palestrina. Pouvons-nous relier ces mondes distants ? Pouvons-nous être, entre culture européenne et asiatique, autre chose qu’un ferry en eau trouble ? Pouvons-nous être un pont et peut-être même une terre reliant ces deux mondes ? Une telle mission devrait nous occuper un bon millier d’années. » Zoltán Kodály Les musiciens de l’ensemble Makám, formé à Budapest en 1984, relèvent aujourd’hui le défi que le grand compositeur et musicologue hongrois lançait au début de ce siècle : créer ces ponts capables de relier jazz, musique contemporaine et musique traditionnelle balkanique, orientale, africaine et hongroise. Depuis quinze ans, le compositeur et cithariste Zoltán Krulik, fondateur et directeur musical de ce groupe au nom persan, conçoit pour lui une instrumentation moderne où se mêlent saxophone, contrebasse, piano, violon, guitare, flûte et sanza africaine, derbouka des Balkans et kaval indien. Pour leur premier concert à Paris, Iren Lovasz et Szilvia Bognár prêteront la douceur et la pureté de leur voix aux sonorités hétéroclites des sept musiciens. Ces deux jeunes Hongroises, à l’image de Márta Sebestyén avec le groupe Muzsikás, consacrent leur talent à la pérennité des chants traditionnels hongrois. Pour savourer ce cocktail musical de sons et de cultures revivifiant, il suffit de se laisser porter par le charme délicat et apaisant de ces voix féminines et de goûter les délices des multiples parfums diffusés par ces instrumentistes inventifs. J. M. 53 Coupole… Comme en septembre dernier, lors du festival de Calvi, sous les voûtes de la cathédrale. Comble, elle leur réserva une ovation. U Fiatu Muntese veille sur l’identité insulaire, comme jadis la citadelle de Calvi, sans pour autant vivre replié sur lui-même. LUN. 11 DÉC. 20H30 FELIX LAJKO violon solo Hongrie jazz un "génie du violon" inclassable Un phénomène ! À 26 ans, ce jeune prodige du violon originaire de Vojvodine, terre hongroise devenue serbe, n’a pas fini d’étonner. Pour son apprentissage, il fréquente peu les écoles de musique, privilégiant la voie formatrice des concerts. Il multiplie les rencontres, se produisant aussi bien avec Noir Désir, Min Tanaka qu’avec les musiciens du cinéaste Emir Kusturica ou Alexander Balanescu. Véritable star en Europe centrale, il enthousiasme un public immédiatement conquis. Lors de sa dernière apparition en France, la critique a salué la « phénoménale technique de l’archet, du son et de la dynamique [de ce] pyrotechnicien des cordes [sans] programme [ni] titre, [mais emporté par] un flux ininterrompu, un geyser de notes, un maelström qui a laissé pantois »*. Violoniste inspiré, Felix Lajko ne joue pas. Il est musique, plongé dans une concentration extrême qui jamais ne se relâche, pour donner en partage les fulgurances d’une virtuosité éblouissante. Sans étiquette, ce génie de l’improvisation bouscule avec insolence les frontières du classique, puise brillamment aux sources du tsigane, s’apaise avec légèreté dans le minimalisme du contemporain pour mieux surfer sur le jazz. La générosité du grand art ! J. E. LUN. 22 JAN. 20H30 CHANTS ET MUSIQUES DU GOLFE PERSIQUE Iran La musique du golfe Persique porte en elle les traces subtiles des traditions perses, arabes, africaines et indiennes. Sur cette terre de contrastes, entre mer et désert, le mélange des races et des langues a créé une étonnante diversité. Ainsi, les naghmeh (mélodies) en langue arabo-persane, chantent le travail en mer, louent la force et le courage des rameurs, des pêcheurs ou des chasseurs de perles. D’anciennes formes instrumentales sont aussi présentes dans les chekkis, de sources africaines, où les musiciens au damman (large tambour en peau de chèvre), au ney anbon (sorte de cornemuse), au ney djofti (sorte de double flûte), au dâyéré (percussion), jouent des pièces polyrythmiques dans lesquelles chaque instrument suit en toute liberté son parcours tout en s'harmonisant avec les autres. Dans les yazlés, proches du blues, on danse et chante en langue indo-persane, au rythme du zarb (percussion), la souffrance et la dureté de la vie des plus humbles, souvent des descendants d’esclaves assignés aux travaux les plus durs. Lors des fêtes, fiançailles et mariages, on chante sur les tarânés, chansons au rythme vif et dansé, accompagnées au ney anbon, au damman, au zarb et au timbour, ou l’on chante a cappella les poèmes de Zâyer Mohammad Ali et Sayyed Behmanyaré, deux poètes contemporains de la région, aujourd’hui disparus. La musique a aussi pour fonction de guérir : ainsi durant les zâr, cérémonies de désenvoûtement venues d’Afrique, le guérisseur (le bâbâ zar ou la mâmâ zar) accompagné par le timbour, le doghol-gap (percussions), le sornâ (sorte de hautbois), le damman ou le dâyéré, fait sortir le mauvais génie. Autant de traditions et de légendes, transmises de génération en génération, patrimoine précieux véhiculé par la musique que ce concert exceptionnel ne manquera pas de retransmettre. J. M. * Roland Spenlé, La République du Centre, janv. 2000 SAM. 23 DÉC. 20H30 54 Corse la jeune garde corse Canta U Populu Corsu, I Muvrini, Petru Guelfucci et Voce di Corsica, Jean-Paul Poletti et le chœur d’hommes de Sartène, A Filetta… Depuis quelque vingt ans, le Théâtre de la Ville est fidèle aux voix corses. Mais de nouveaux talents ont germé sur l’île. La jeune génération assure la relève : elle perpétue, elle aussi, la tradition du chant corse. U Fiatu Muntese, composé de six jeunes gens, est né en 1994 pour « promouvoir la langue et la culture corses par le biais du chant ». Des aînés tels que Canta U Populu Corsu et A Filetta ont, reconnaissent-ils volontiers, contribué à leur insuffler cette passion. Ils se souviennent qu’en Corse, « autrefois le chant était l’un des moyens les plus utilisés dans le domaine de la communication ; on discutait en chantant (impruvisate, chjami è rispondi), on pleurait en chantant (lamenti, voceri)… » On priait aussi en chantant. Un patrimoine qu’ils refusent de laisser tomber en déshérence. Héritiers d’une longue tradition, ils chantent leur terre, la Balagne, située aux environs de Calvi. Avec subtilité et nuances. Un talent déjà reconnu par l’Académie des beaux-arts qui, sous la Coupole, habits verts et garde républicaine, leur a décerné, en 1998, au détriment de leurs vingt-neuf concurrents, le premier prix de chant choral de la Fondation Liliane Bettencourt. En cette circonstance, le prestigieux jury se félicitait « des grandes qualités vocales mises au service de la conservation et de la promotion du patrimoine musical corse de cette jeune formation qui, en trois années d’existence, a su conjuguer répertoire sacré et chants traditionnels ». Puis les polyphonies corses s’élevèrent sous la Nilou Kaveh Azerbaïdjan, ph. X, D.R. U FIATU MUNTESE ANNIE EBREL CRÉATION Bretagne chant, textes, direction artistique SAM. 31 MARS 17H AGA KHAN ABDOULAIEV chant Azerbaïdjan Firouz Aliev tar Adalat Vazirov kamantché RICCARDO DEL FRA contrebasse, composition une création pour le partage Métissage. Le mot est à la mode. On se demande pourquoi. Il désigne en effet un processus naturel et constant depuis la nuit des temps : toutes les musiques sont métissées. Plus ou moins. En Bretagne comme ailleurs, le phénomène est ancien. Alan Stivell, Erik Marchand et d’autres le perpétuent, en l’accentuant, dans une démarche volontariste. Éminent contrebassiste italien, compagnon de Chet Baker, Riccardo Del Fra a rencontré la chanteuse Annie Ebrel, l’une des plus belles voix de Bretagne. « D’abord séduit, dit-il, par le défi que constitue cette musique à la forme simple, strophique, fondée sur la répétition », il s’est attaché à « un véritable travail sur la forme et le mélange des timbres ». Mariant la voix bretonne et la contrebasse jazz, le duo poursuit son chemin. « Je suis persuadé, af firme Riccardo Del Fra, que si la tradition est forte, on peut mélanger sans se perdre ». Sage et juste réflexion. L’aventure aujourd’hui continue. Novateur, le duo élabore une création pour le Théâtre des Abbesses. « L’idée, écrivent les deux complices, est de concevoir une galaxie de fusion entre le chant populaire breton, des percussions traditionnelles d’Orient, la clarinette et la clarinette basse, le bugle et la contrebasse, entre écriture et espaces d’improvisation, dans une esthétique commune, tout en respectant le langage et la culture de chacun ». Métissage bien compris donc, « à la recherche des points communs et, pourquoi pas, des contrastes ». « Du simple "geste" mélodique au rythme dans sa pureté primordiale, de la liberté et de l’aléatoire aux formes précisément structurées, pour une respiration commune, une attraction réciproque, une vibration unique. Pour le partage ». Tout est dit. J. M. U Fiatu Muntese, ph. X, D.R. Felix Lajko, ph. X, D.R. J. E. Lorsque l’on évoque le chant azéri ou mugham, on pense aussitôt à la voix prodigieuse d’Alim Qasimov dont la puissance et la beauté n’ont d’égales que la virtuosité et l’émotion de son interprétation. Le Théâtre de la Ville a reçu à plusieurs reprises ce chanteur d’exception. Poursuivant ses rencontres sur les routes des pays qui, comme l’Azerbaïdjan, se sont ouverts après la conquête de leur indépendance en 1991, il accueille aujourd’hui un autre grand maître du mugham, Aga Khan Abdoulaiev. Lors des concerts, la voix de ce professeur émérite, nommé en 1998 "Chanteur populaire de l’Azerbaïdjan indépendant", l’une des plus hautes distinctions du pays, jaillit avec une aisance et une sobriété déconcertantes. Tout comme Alim Qasimov et ses complices, les frères Mansurov, Aga Khan Abdoulaiev sera entouré de deux fidèles compagnons avec lesquels il forme un remarquable trio : Firouz Aliev au tar (luth à long manche et six cordes) et Adalat Vazirov au kamantché (vièle à pique à quatre cordes). Maître de chant, professeur à l’Académie musicale ou directeur d’école musicale, ces musiciens, nés tous trois en 1950 à Bakou, la capitale, consacrent pleinement leur vie à la musique. Reconnus dans leur propre pays mais aussi au-delà de ses frontières, ils sont devenus les ambassadeurs d’une poésie raffinée et d’une musique issue de la tradition classique persane dont les possibilités de création et d’improvisation infinies réjouissent les mélomanes du monde entier. Annie Ebrel, Riccardo Del Fra, ph. X, D.R. LUN. 26 MARS 20H30 55 Susana Baca, ph. Th. Desfontains Baloutchistan, ph. Kamroz CHANTS ET MUSIQUES DU BALOUTCHISTAN Pakistan Omar de Sor sorud Ali Mohammad sorud Habiba chant Jama tamburag De part et d’autre de la frontière qui sépare, au sud, l’Iran et le Pakistan, s’étend la région âpre et pauvre du Baloutchistan. Véritable nation à lui seul, le Baloutchistan est peuplé de bergers et de nomades, sans doute d’origine tsigane, qui défendent avec vigueur la richesse d’un véritable héritage culturel. Dans le Makran, extrême sud-est iranien et extrême sud-ouest pakistanais, la tradition musicale, apanage d’artistes professionnels, reste bien vivante. Reflet des conditions de vie difficiles d’une population particulièrement attachée à sa liberté, elle est d’une richesse foisonnante, se singularisant par son instrument de prédilection, le sorud. Cette vièle à quatre cordes, amplifiée de six à huit cordes sympathiques, dont la forme élaborée évoque une tête de mort, s’est développée comme un art autonome. Omar de Sor et Ali Mohammad, deux maîtres en la matière, feront entendre leurs longues plaintes mélancoliques, suaves, envoûtantes ou féroces, accompagnées par le bourdon rythmique du luth tamburag de Jama et ponctuées par le chant shervandi de Habiba qui exige, comme le souligne Jean During, « une grande technique vocale, une parfaite connaissance des modes, un sens du théâtre et des dons d’improvisation musicale et oratoire ». J. M. SAM. 26 ET LUN. 28 MAI 20H30 SUSANA BACA chant Pérou la diva du Pérou noir 56 un autre Pérou Susana Baca est péruvienne. Elle est l’héritière de ces esclaves africains qui, au XVIe siècle, contribuèrent à la mise en valeur du littoral du pays. Un héritage africain que récuse une majorité de cette population, pourtant de plus en plus métissée. Collectage, enseignement, interprétation, Susana s’emploie à réhabiliter et pérenniser ce patrimoine. « Il y a une énorme présence africaine au Pérou », ditelle. On l’appelle "la diva du Pérou noir". De son enfance dans un quartier populaire de Lima, elle conserve le souvenir de ces instruments primitifs qu’utilisaient jadis les esclaves : caisse de bois ou mâchoire d’âne… En fait, Susana Baca croise au confluent de trois cultures : africaine, andine et espagnole. Sa musique marie guitare espagnole, polyrythmies africaines et intruments andins. Son répertoire recèle les perles de cette tradition indigène liée aux rythmes de danse mais aussi les trésors des compositions qui portent les mots des poètes espagnols et latino-américains. Sa voix est « douce, profonde et vibrante ». De la personne de cette femme rayonnante émanent le charme et la grâce. Ambassadeur de cette culture afro-péruvienne aux États-Unis suite à sa rencontre avec David Byrne en 1994, elle l’est aussi en Europe depuis sa première apparition, en 1997, au Festival d’été de Nantes. Un autre Pérou. À découvrir. J. E. DU MAR. 29 MAI AU VEN. 1er JUIN 20H30 CRISTINA BRANCO fado chant Portugal après son triomphe aux Abbesses, un retour attendu nouveaux plaisirs Sous le charme, le public des Abbesses, la saison dernière, ne la laissait pas quitter la scène. Lors de la remise de son "Choc" du Monde de la Musique, elle chanta, et sur le visage d’Alfred Brendel et des musiciens présents se lisaient les marques du ravissement. Cristina Branco nous revient pour de nouveaux plaisirs. En route pour la gloire, cette jeune femme fera à nouveau escale aux Abbesses pour célébrer cette pathétique liturgie du fado. Cristina Branco est l’une de ces grandes voix qui, sans inutiles artifices, expriment l’âme de toute une communauté. Elle sait intérioriser ces « sentiments de passion, d’exil et de solitude » qui irriguent le fado, et les traduire avec sincérité et une grâce unique en un chant au bord du déchirement. Et même quand elle s’émancipe de ce genre, ces qualités demeurent. Pour cette nouvelle série de récitals, Cristina Branco lestera sans doute son répertoire de quelques inédits. J. E. Cristina Branco, ph. René Robert LUN. 21 MAI 20H30 Théâtre de la Ville mode d'emploi photos Birgit 2 théâtres, 1 service public THEATRE DE LA VILLE LES ABBESSES 2 PL. DU CHÂTELET PARIS 4 31 RUE DES ABBESSES PARIS 18 prix des places location • programme distribué par les hôtesses d’accueil • pourboire interdit • places numérotées QUAND RÉSERVER ? • LOCATION PRIORITAIRE TARIF A théâtre, danse 1re catégorie......... 140 F 2e catégorie ......... 95 F • LOCATION NORMALE TARIF B théâtre, danse Pierre pour mémoire, Monnaie de singes, Bernardo Montet, Sidi Larbi Cherkaoui, Samuel Louwyck, Christophe Haleb, Guesh Patti, Salia Sanou tarif unique ........... 85 F TARIF C danse Gilles Jobin, La Ribot, Lynda Gaudreau, Jérôme Bel, danse au Théâtre de la Ville plateau ou coupole places non numérotées : tarif unique ........... 70 F TARIF D musique, musiques du monde, chanson tarif unique ........... 95 F TARIF exceptionnel Pina Bausch 1re catégorie ....... 190 F 2e catégorie ........ 140 F TARIFS préférentiels "Jeunes dans la journée" • moins de 27 ans ou étudiant • valables pour 2 places (1 seul justificatif demandé) • uniquement aux caisses, le jour de la représentation, dès leur ouverture • TARIFS A, B, D : 70 F • TARIF C : 50 F abonnements, cartes : 28 jours à l'avance, jour pour jour (7 jours de location réservée) 21 jours à l'avance, jour pour jour COMMENT RÉSERVER ? par téléphone 01 42 74 22 77 du lundi au samedi de 11h à 19h (paiement possible par carte bancaire) • aux caisses : THÉÂTRE DE LA VILLE 2 place du Châtelet, Paris 4 du mardi au samedi de 11h à 20h (lundi de 11h à 19h) LES ABBESSES 31 rue des Abbesses, Paris 18 du mardi au samedi de 17h à 20h • par correspondance : 2 pl. du Châtelet 75180 Paris Cedex 04 RENSEIGNEMENTS tél. 01 42 74 22 77 minitel 3615 THEAVILLE www.theatredelaville-paris.com 57 calendrier SEPTEMBRE 2000 LU 25 MA 26 ME 27 JE 28 VE 29 SA 30 THEATRE DE LA VILLE LES ABBESSES 20h30 20h30 Les Pensionnaires Les Pensionnaires Les Pensionnaires Les Pensionnaires Les Pensionnaires Le Réformateur Le Réformateur Le Réformateur OCTOBRE 2000 DI 1 LU 2 MA 3 ME 4 JE 5 VE 6 SA 7 DI 8 LU 9 MA 10 ME 11 JE 12 VE 13 SA 14 THEATRE DE LA VILLE LES ABBESSES 20h30 mat 15 h u Les Pensionnaires u 20h30 mat 15 h u Les Pensionnaires Les Pensionnaires Les Pensionnaires Les Pensionnaires Les Pensionnaires Les Pensionnaires u Le Réformateur Le Réformateur Le Réformateur Le Réformateur Le Réformateur Le Réformateur u Les Pensionnaires Les Pensionnaires Les Pensionnaires Les Pensionnaires Piotr Anderszewski 17h Les Pensionnaires DI 15 Chaurasia 11h Les Pensionnaires u LU 16 Chaurasia MA 17 Les Pensionnaires ME 18 Les Pensionnaires JE 19 Les Pensionnaires VE 20 Les Pensionnaires SA 21 Les Pensionnaires DI 22 LU 23 MA 24 ME 25 JE 26 VE 27 SA 28 DI 29 LU 30 MA 31 Les Pensionnaires u Thayambaka Les Pensionnaires Les Pensionnaires Les Pensionnaires Les Pensionnaires Les Pensionnaires Le Réformateur Le Réformateur Le Réformateur Le Réformateur Le Réformateur La Ribot 19h301er prog. Gilles Jobin 21h 1er prog La Ribot 19h30 1er prog. Gilles Jobin 21h 1er prog La Ribot 19h30 1er prog. Gilles Jobin 21h 1er prog La Ribot 19h30 1er prog. Gilles Jobin 21h 1er prog Marc Coppey 17h La Ribot 19h30 1er prog. Gilles Jobin 21h 1er prog Lynda Gaudreau 1er prog. Lynda Gaudreau 1er prog. Lynda Gaudreau 1er prog. Lynda Gaudreau 1er prog. Lynda Gaudreau 1er prog. it… a Nu ns L io it t répé NOVEMBRE 2000 ME JE VE SA DI THEATRE DE LA VILLE LES ABBESSES 20h30 20h30 mat 15 h u 1 2 Jan Lauwers 3 Jan Lauwers 4 Jan Lauwers 5 it… a Nu ns L io it t répé NOVEMBRE/ suite THEATRE DE LA VILLE LES ABBESSES 20h30 20h30 mat 15 h u LU 6 MA 7 ME 8 JE 9 François Verret VE 10 François Verret SA 11 Fabio Biondi 17h François Verret DI 12 LU 13 MA 14 Jan Fabre ME 15 Jan Fabre JE 16 Mohammed Bajeddoub VE 17 Jan Fabre SA 18 Takács/Madzar 17h Jan Fabre DI 19 LU 20 MA 21 Wim Vandekeybus 1er prog. ME 22 Wim Vandekeybus 1er prog. JE 23 Wim Vandekeybus 1er prog. VE 24 Wim Vandekeybus 1er prog. SA 25 Sabahat Akkiraz 17h Wim Vandekeybus 1er prog. DI 26 LU 27 MA 28 Edouard Lock/La La La… ME 29 Edouard Lock/La La La… JE 30 Edouard Lock/La La La… La Nuit juste avant… La Nuit juste avant… La Nuit juste avant… La Nuit juste avant… La Nuit juste avant… La Nuit juste avant… u La Nuit juste avant… La Nuit juste avant… La Nuit juste avant… La Nuit juste avant… La Nuit juste avant… Lynda Gaudreau 2e prog. Lynda Gaudreau 2e prog. Lynda Gaudreau 2e prog. Quintana/Frisch 17h Lynda Gaudreau 2e prog. Pierre, pour mémoire Pierre, pour mémoire Cherifa "Cheikha" DECEMBRE 2000 THEATRE DE LA VILLE 20h30 mat 15 h u VE 1 Edouard Lock/La La La… SA 2 O. M. Amartichitt 17h Edouard Lock/La La La… DI 3 LU 4 MA 5 ME 6 Bernardo Montet JE 7 Kremer/Maisenberg VE 8 Bernardo Montet SA 9 Regina Carter 17h Bernardo Montet DI 10 LU 11 MA 12 ME 13 JE 14 VE 15 Sankai Juku 1er prog. SA 16 Sankai Juku 1er prog. DI 17 Sankai Juku 1er prog. u LU 18 MA 19 Sankai Juku 1er prog. ME 20 Sankai Juku 1er prog. JE 21 Sankai Juku 1er prog. VE 22 SA 23 DI 24 LU 25 MA 26 ME 27 Sankai Juku 2e prog. JE 28 Sankai Juku 2e prog. VE 29 Sankai Juku 2e prog. SA 30 Sankai Juku 2e prog. DI 31 LES ABBESSES 20h30 mat 15 h u Pierre, pour mémoire A. Schoonderwoerd 17h Pierre, pour mémoire Makám Makám Pierre, pour mémoire Pierre, pour mémoire Pierre, pour mémoire Pierre, pour mémoire Pierre, pour mémoire Pierre, pour mémoire u Felix Lajko Pierre, pour mémoire Pierre, pour mémoire Pierre, pour mémoire e atoir Paris serv Con rieur de supé Jérôme Bel 1er prog. Jérôme Bel 1er prog. Jérôme Bel 1er prog. Jérôme Bel 1er prog. U Fiatu muntese Kazuo Ohno Kazuo Ohno FEVRIER/ JANVIER 2001 THEATRE DE LA VILLE 20h30 1 2 3 4 Jérôme Bel 2e prog. 5 Jérôme Bel 2e prog. 6 Romano Kokalo 17h Jérôme Bel 2e prog. DI 7 LU 8 MA 9 ME 10 Rui Horta JE 11 Rui Horta VE 12 Rui Horta SA 13 Niladri Kumar 17h Rui Horta DI 14 LU 15 MA 16 ME 17 JE 18 Lear VE 19 Lear SA 20 Nelson Freire 17h Lear DI 21 LU 22 MA 23 Lear ME 24 Lear JE 25 Omar Sarmini VE 26 Lear SA 27 Alexandre Tharaud 17h Lear DI 28 LU 29 Mohammad Aman MA 30 Lear ME 31 Lear LU MA ME JE VE SA THEATRE DE LA VILLE LES ABBESSES 20h30 mat 15 h u 20h30 mat 15 h u 20h30 es hant Bakk s n titio répé LU 26 MA 27 ME 28 Combat de nègre et de chiens Vandekeybus 2e prog. Vandekeybus 2e prog. MARS 2001 THEATRE DE LA VILLE Bakkhantes Bakkhantes Bakkhantes Bakkhantes Scholl/Karamazov 17h Bakkhantes Scholl/Karamazov 17h Bakkhantes Bakkhantes Bakkhantes Bakkhantes Bakkhantes Bakkhantes u Golfe persique Bakkhantes Bakkhantes Bakkhantes Bakkhantes Bakkhantes Jean-Claude Dreyfus Jean-Claude Dreyfus FEVRIER 2001 THEATRE DE LA VILLE suite LES ABBESSES LES ABBESSES 20h30 mat 15 h u 20h30 JE 1 O.S. Thiyagarajan Jean-Claude Dreyfus VE 2 Lear Jean-Claude Dreyfus SA 3 Tetzlaff/Vogt 17h Lear Jean-Claude Dreyfus DI 4 Lear u LU 5 MA 6 Lear ME 7 Lear Sidi Larbi Cherkaoui JE 8 Lear Sidi Larbi Cherkaoui VE 9 Lear Sidi Larbi Cherkaoui SA 10 Lear Sidi Larbi Cherkaoui DI 11 LU 12 MA 13 La Ribot 2e prog. 21h coupole s ME 14 La Ribot 2e prog. 21h coupole tition répé ekeybus JE 15 La Ribot 2e prog. 21h coupole d n Va VE 16 La Ribot 2e prog. 21h coupole SA 17 La Ribot 2e prog. 21h coupole DI 18 LU 19 MA 20 Olga Mesa 21h coupole s ME 21 Olga Mesa 21h coupole tition répé ekeybus JE 22 Olga Mesa 21h coupole d Van VE 23 Olga Mesa 21h coupole SA 24 Olga Mesa 21h coupole DI 25 20h30 mat 15 h u JE 1 Combat de nègre… VE 2 Combat de nègre… SA 3 Combat de nègre… DI 4 LU 5 MA 6 ME 7 JE 8 VE 9 SA 10 DI 11 LU 12 MA 13 ME 14 JE 15 VE 16 SA 17 DI 18 LU 19 MA 20 ME 21 JE 22 VE 23 SA 24 DI 25 LU 26 MA 27 ME 28 JE 29 VE 30 SA 31 Afghanistan Combat de nègre… Combat de nègre… Combat de nègre… Combat de nègre… Mourja/Canino 17h Combat de nègre… Combat de nègre… u Aïcha Redouane Combat de nègre… Combat de nègre… Combat de nègre… Combat de nègre… Ullhas Kashalkar 17h Combat de nègre… Mathilde Monnier Mathilde Monnier Mathilde Monnier Mathilde Monnier Mathilde Monnier De Keersmaeker De Keersmaeker De Keersmaeker De Keersmaeker Musica Antiqua Köln 17h De Keersmaeker LES ABBESSES 20h30 Vandekeybus 2e prog. Vandekeybus 2e prog. St Lawrence… 17h Vandekeybus 2e prog. Samuel Louwyck Samuel Louwyck Samuel Louwyck Samuel Louwyck Samuel Louwyck Christophe Haleb Christophe Haleb Christophe Haleb Christophe Haleb Christophe Haleb Philippe Meyer Philippe Meyer Philippe Meyer Philippe Meyer Manze/Egarr 17h Philippe Meyer Ebrel/Del Fra Philippe Meyer Philippe Meyer Philippe Meyer Philippe Meyer A. Khan Abdoulaiev 17h Philippe Meyer en noir = théâtre, danse en rouge = musique AVRIL - MAI - JUIN MAI/ AVRIL 2001 DI 1 LU 2 MA 3 ME 4 JE 5 VE 6 SA 7 DI 8 LU 9 MA 10 ME 11 JE 12 VE 13 SA 14 DI 15 LU 16 MA 17 ME 18 JE 19 VE 20 SA 21 THEATRE DE LA VILLE 20h30 Kronos Quartet 20h30 mat 15 h u Philippe Meyer u 20h30 Sasha Waltz 1er prog. Sasha Waltz 1er prog. Sasha Waltz 1er prog. Sasha Waltz 1er prog. e is atoir serv r de Par n o C rieu supé ME 23 60 JE 24 VE 25 plateau plateau plateau plateau plateau V. Mantero 19h30 coupole Robyn Orlin 21h plateau V. Mantero 19h30 coupole atti Robyn Orlin 21h plateau sh P Gue s n V. Mantero 19h30 coupole titio répé Robyn Orlin 21h plateau V. Mantero 19h30 coupole Robyn Orlin 21h plateau V. Mantero 19h30 coupole Robyn Orlin 21h plateau Guesh Patti Guesh Patti Guesh Patti Guesh Patti Guesh Patti THEATRE DE LA VILLE LES ABBESSES 20h30 20h30 mat 15 h u Steppes e atoir Paris serv Con rieur de supé Ea Sola Ea Sola Ea Sola Staier/Madzar 17h Ea Sola Sasha Waltz 2e prog. Sasha Waltz 2e prog. Sasha Waltz 2e prog. Sasha Waltz 2e prog. Sasha Waltz 2e prog. in . Job ns G io it t répé Gilles Jobin 2e prog. Gilles Jobin 2e prog. Gilles Jobin 2e prog. Gilles Jobin 2e prog. Gilles Jobin 2e prog. Monnaie de singes Monnaie de singes Monnaie de singes Monnaie de singes Monnaie de singes Monnaie de singes u LES ABBESSES 20h30 mat 15 h u Baloutchistan X. Le Roy 19h30 coupole Monnaie de singes Robbe/Dècina 21h plateau X. Le Roy 19h30 coupole Robbe/Dècina 21h plateau Monnaie de singes X. Le Roy 19h30 coupole Robbe/Dècina 21h plateau Monnaie de singes X. Le Roy 19h30 coupole Robbe/Dècina 21h plateau Monnaie de singes X. Le Roy 19h30 coupole Robbe/Dècina 21h plateau Susana Baca DI 27 LU 28 MA 29 ME 30 JE 31 Ouzbékistan MAI 2001 DI 13 LU 14 MA 15 ME 16 JE 17 VE 18 SA 19 DI 20 LU 21 MA 22 SA 26 Robyn Orlin 21h Robyn Orlin 21h Robyn Orlin 21h Robyn Orlin 21h Robyn Orlin 21h DI 22 LU 23 MA 24 A. Buffard 19h30 coupole ME 25 A. Buffard 19h30 coupole JE 26 A. Buffard 19h30 coupole Needcompany's King Lear VE 27 A. Buffard 19h30 coupole Needcompany's King Lear SA 28 Cantus Cölln 17h A. Buffard 19h30 coupole Needcompany's King Lear DI 29 LU 30 Baul Bishwa MA 1 ME 2 JE 3 VE 4 SA 5 DI 6 LU 7 MA 8 ME 9 JE 10 VE 11 SA 12 suite LES ABBESSES THEATRE DE LA VILLE Susana Baca Cristina Branco Cristina Branco Cristina Branco JUIN 2001 VE 1 SA 2 DI 3 LU 4 MA 5 ME 6 JE 7 VE 8 SA 9 DI 10 LU 11 MA 12 ME 13 JE 14 VE 15 SA 16 DI 17 LU 18 MA 19 ME 20 JE 21 VE 22 SA 23 DI 24 LU 25 MA 26 ME 27 JE 28 VE 29 SA 30 THEATRE DE LA VILLE LES ABBESSES 20h30 20h30 Cristina Branco Pina Bausch 1er prog. Pina Bausch 1er prog. Pina Bausch 1er prog. Pina Bausch 1er prog. Pina Bausch 1er prog. Pina Bausch 1er prog. Pina Bausch 1er prog. Salia Sanou Salia Sanou Salia Sanou Salia Sanou Salia Sanou Daniel Larrieu Daniel Larrieu Daniel Larrieu Daniel Larrieu Daniel Larrieu Pina Bausch 2e prog. Pina Bausch 2e prog. Pina Bausch 2e prog. Pina Bausch 2e prog. Pina Bausch 2e prog. e atoir Paris serv Con rieur de supé www.theatredelaville-paris.com les abonnements les abonnements les cartes abonnements INDIVIDUELS RELAIS INDIVIDUELS 4 FORMULES 3 FORMULES THEATRE/DANSE à 4 spectacles minimum à 10 spectacles minimum à 3 spectacles minimum "jeune" 1 FORMULE MUSIQUE/MUSIQUES DU MONDE/CHANSON passeport musical : 8 places minimum, 4 programmes minimum avantages l tarifs préférentiels abonnement abonnement 4 spect. 10 spect. jeunes pass. mus. tarif normal TARIF A 90 F 70 F 70 F 140 F réductions importantes TARIF B sur le prix des places selon les programmes TARIF C et les formules choisis. TARIF D 70 F 60 F 60 F 85 F 50 F 50 F 50 F 70 F 60 F TARIF except. 140 F 120 F 120 F 95 F 190 F l journal service à domicile du journal du Théâtre de la Ville (4 numéros par saison) donnant toutes informations (textes et photos) sur les spectacles présentés. l librairie, disques tarifs préférentiels sur les disques et les livres vendus après les spectacles. l avantages "hors abonnement" tarifs préférentiels abonnement 4 spect. hors abonnement TARIF A 1 cat. 90 F 10 spect. jeunes pass. mus. 70 F 70 F 70 F 70 F 70 F 90 F 70 F 140 F 95 F TARIF B 70 F 60 F 60 F 70 F 85 F TARIF C 50 F 50 F 50 F 50 F 70 F TARIF D 70 F 70 F 70 F 60 F 95 F TARIF except. 140 F 120 F 120 F 140 F 190 F re chaque abonné(e) bénéficie de 2 places à tarif préférentiel “hors abonnement” pour tous les spectacles dans la limite des places disponibles. 2e cat. tarif normal l location prioritaire 28 JOURS, JOUR POUR JOUR avant celui de la hors abonnement représentation (7 jours de location réservée). souscription des abonnements • par correspondance (vivement recommandée) en utilisant les formulaires ci-joints. • aux caisses du Théâtre de la Ville, 2 place du Châtelet Paris 4. abonnements RELAIS ET RELAIS "JEUNES" devenez relais Vous devenez relais en prenant l'initiative de regrouper au minimum 10 personnes intéressées à souscrire un abonnement au Théâtre de la Ville. Les relais sont les interlocuteurs privilégiés du Théâtre de la Ville. au service des relais l renseignements RELATIONS AVEC LE PUBLIC (relais) : tél. 01 48 87 54 42 Lydia Gaborit, responsable du service ; Florence Thoirey-Fourcade Isabelle Krich, secrétariat RELATIONS PUBLIQUES "JEUNES" : tél. 01 48 87 54 42 (relais jeunes, étudiants, enseignement) Isabelle-Anne Person, Valérie Bonnotte l location relais (à partir du 5 juin) pour la prise d'abonnement, s'adresser au SERVICE LOCATION RELAIS tél. 01 48 87 43 05, fax 01 48 87 09 81 Marie Katz, responsable du service ; Ariane Bitrin 3 FORMULES 1 FORMULE THEATRE/DANSE RELAIS à 3 spectacles minimum, 10 personnes minimum 1 FORMULE THEATRE/DANSE RELAIS "JEUNES" (– de 27 ans ou étudiant) à 3 spectacles minimum, 10 personnes minimum 1 FORMULE MUSIQUE/MUSIQUES DU MONDE/CHANSON RELAIS ET RELAIS "JEUNES" passeport musical : 30 places minimum, 3 programmes minimum avantages l tarifs préférentiels abonnement abonnement relais relais jeunes TARIF A réductions importantes TARIF B sur le prix des places selon les programmes TARIF C et les formules choisis. TARIF D 70 F 60 F 140 F 60 F 60 F 85 F 50 F 50 F 70 F TARIF except. l choix des meilleures 1re catégorie. pass.mus 60 F 120 F 120 F tarif normal 95 F 190 F places l avantages "relais" le relais reçoit régulièrement divers documents (journal du Théâtre de la Ville, tracts, affichettes…). le relais peut, en collaboration avec les services du Théâtre de la Ville, bénéficier d’invitations à des spectacles, de textes de pièces, de disques, participer à des rencontres avec les artistes, effectuer des visites du théâtre… l une carte d'abonnement personnalisée par abonné(e) si le relais le souhaite, il fournit au Théâtre de la Ville les noms et adresses de ses abonnés. cette carte d’abonnement personnalisée permet de bénéficier des avantages de la carte "Places à deux" (p.63) : tarifs préférentiels, location prioritaire, service à domicile du journal. 62 cartes INDIVIDUELLES 2 FORMULES PLACES A DEUX 140 F la carte (valable pour 2 personnes) PLACES AUX JEUNES 50 F la carte (valable pour 2 personnes) (– de 27 ans ou étudiant) avantages l tarifs préférentiels cartes cartes TARIF A valables pour 2 places pour chaque spectacle TARIF B dans la limite des places disponibles. TARIF C re 1 cat. 2e cat. TARIF D TARIF except. places à deux places aux jeunes tarif normal 90 F 70 F 70 F 70 F 140 F 95 F 70 F 70 F 85 F 50 F 50 F 70 F 70 F 70 F 95 F 140 F 140 F 190 F l journal service à domicile du journal du Théâtre de la Ville (4 numéros par saison) donnant toutes informations (textes et photos) sur les spectacles présentés. l librairie, disques tarifs préférentiels sur les disques et les livres vendus après les spectacles. l location prioritaire 5 SEMAINES JOUR POUR JOUR avant celui de la représentation (14 jours de location réservée), par correspondance et uniquement pour les cartes "Places à deux". 28 JOURS, JOUR POUR JOUR avant celui de la représentation (7 jours de location réservée). carte liberté RELAIS ET RELAIS "JEUNES" réservée aux comités d'entreprise, associations et bureaux d'élèves. prix de la carte Liberté relais 500 F • Liberté relais "jeune" 250 F l tarifs préférentiels carte Liberté cette carte permet d’étendre le bénéfice du tarif : • "groupe" (pour les relais), • "Place aux jeunes" (pour les relais jeunes) à une location sans contrainte de nombre fixe de places par représentation dans la limite des places disponibles. groupe RELAIS ET RELAIS "JEUNES" au minimum 10 personnes pour une sortie groupe. l tarifs préférentiels groupe relais : identiques à ceux de la carte "Places à deux" (ci-dessus) relais "jeunes" : 60 F tarifs A, B, D • 50 F tarif C 63 partenariats l'équipe France Culture Gérard Violette directeur 14 prog. danse – 8 prog. théâtre Brigitte Giuliani théâtre Le Réformateur, Pierre pour mémoire, Lear, Needcompany's King Lear, Bakkhantes danse danse aux Abbesses et sur le plateau ou en coupole au Théâtre de la Ville musiques du monde enregistrement et diffusion de 5 concerts ARTISTIQUE Serge Peyrat France Inter Antoine Violette Thomas Erdos Jacques Erwan Georges Gara Irena Filiberti assistante de direction directeur adjoint à la programmation directeur technique à la communication conseiller artistique conseiller chanson conseiller musique conseillère danse COMMUNICATION Anne-Marie Bigorne secrétaire générale Jacqueline Magnier relations presse, publicité et documentation Marie-Laure Violette relations presse, iconographie Elisa Santos invitations RELATIONS AVEC LE PUBLIC Lydia Gaborit responsable du service Florence Thoirey-Fourcade assistante 8 prog. théâtre Les Pensionnaires, la Nuit juste avant les forêts, Combat de nègre et de chiens danse Edouard Lock, Mathilde Monnier, Anne Teresa De Keersmaeker, Sasha Waltz, Pina Bausch Robert Doizon conseiller RELATIONS PUBLIQUES "JEUNES" (étudiants, enseignement…) Isabelle-Anne Person Valérie Bonnotte assistante LOCATION Marie Katz Ariane Bitrin responsable du service assistante ACCUEIL Natacha Reese responsable du service ACCUEIL DES ABBESSES Delphine Dupont FIP danse François Verret, Sankai Juku musique Kronos Quartet RFI enregistrement de 3 ou 4 concerts et partenariat sur une dizaine d'autres Radio Classique musique enregistrement de 17 concerts musiques du monde enregistrement de 7 à 8 concerts TECHNIQUE Jean Sayous directeur de production, responsable des services artistiques et techniques Serban Boureanu directeur technique Jean-Michel Vanson régisseur général Jean-Marie Marty régisseur Claude Lecoq chef de plateau Jean-Claude Paton sous-chef machiniste Manuel Sanchez chef cintrier Frédéric Duplessier chef électricien Charles Deligny sous-chef électricien Didier Hurard chef accessoiriste Pierre Tamisier chef service son Alain Frouin régisseur du son Sylvie Mouchenik chef habilleuse TECHNIQUE DES ABBESSES Alain Szlendak régisseur général Patrice Guillemot régisseur adjoint Georges Jacquemart régisseur son ADMINISTRATION Michael Chase administrateur Carole Boittin gestion financière et comptable Marie-Christine Chastaing chef service paie ENTRETIEN SÉCURITÉ Jacques Ferrando Jean-Claude Riguet Birgit photographe IMPRIMERIE Robert Ainaud ISSN 0248-8248 DIRECTION, ADMINISTRATION : 16 quai de Gesvres 75180 Paris Cedex 04, Tél. : 01 48 87 54 42 directeur de la publication : Gérard Violette maquette : Maurice et Juliette Constantin ; correcteur : Philippe Bloch Imprimerie Mussot : 8 rue des Lilas 93189 Montreuil Cedex Tél. : 01 48 18 22 50 couverture : photos D. Mayenfisch, M. Enguerand, R. Besenval, C. Masson/Enguerand, I. Meister, A. Yanez, J.-P. Lozouet, M. Swinnen, X D.R. dos de couverture : photos C. Steiner, M. Zölle, M. Slobodian, S. Rao, J. Gorospe, J. Tuna 64 THEATRE DE LA VILLE 2 PL. DU CHATELET PARIS 4 TEL 01 42 74 22 77