Les aspects épiques des Mémoires d`outre

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Les aspects épiques des Mémoires d`outre
Les aspects épiques
des Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand(1)
Kumi TAKAHASHI
Introduction
L’ambition d’écrire une épopée a hanté Chateaubriand toute sa vie. Compte tenu des
expériences de ses œuvres antérieures, on peut supposer que les Mémoires d’outre-tombe (2), dernier
monument qu’il s’est lui-même érigé, sont tissés d’éléments épiques. C’est ce que nous allons vérifier
dans cet article.
D’abord, en envisageant l’ensemble de la production de Chateaubriand jusqu’à la rédaction
de ses mémoires, nous confirmerons sa tendance à l’épopée. Puis nous rechercherons les éléments
épiques des Mémoires d’outre-tombe en comparant cette œuvre avec les épopées canoniques et les
écrits antérieurs de l’écrivain qui se rapportent à ce genre, surtout Les Martyrs.
Chateaubriand a très certainement commencé à rédiger ses premiers mémoires vers 1811(3).
Dans ces Mémoires de ma vie, comme il le déclare : « je veux avant de mourir, remonter vers mes
belles années, expliquer mon inexplicable cœur » (4), il avait d’abord cherché à écrire une
autobiographie, selon le genre moderne créé par Les Confessions de Rousseau. Pendant la période de
la Restauration, l’activité politique a occupé la plupart de son temps. La première partie de ses
mémoires, qui retrace sa vie jusqu’à son retour d’exil en 1800, a tout de même été achevée malgré
une interruption en 1822. Par ailleurs, bien qu’il ait ambitionné une carrière d’historien parallèlement
à celle de mémorialiste, il a fini par comprendre qu’il n’était pas de force à se mesurer avec la jeune
génération de la Restauration, Thierry et Guizot par exemple.
Après les Trois Glorieuses, obligé de quitter le monde politique, il n’a plus que la voie
littéraire. À ce moment-là, sous le choc de la révolution de Juillet, Chateaubriand ressent
l’irréversibilité de l’Histoire : la France est arrivée à un point de non-retour. La perspective sous
laquelle il envisage ses mémoires se modifie fortement, et il consacrera à leur rédaction presque toute
l’énergie qui lui reste. La « Préface testamentaire » rédigée entre 1832-1833 explicite la nouvelle
visée des mémoires repris : écrire l’épopée de son époque.
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Si j’étais destiné à vivre, je représenterais dans ma personne, représentée dans mes mémoires, les
principes, les idées, les événements, les catastrophes, l’épopée de mon temps, d’autant plus que j’ai vu
finir et commencer un monde, et que les caractères opposés de cette fin et de ce commencement se
trouvent mêlés dans mes opinions(5).
Mais il est nécessaire de rappeler la définition originaire de l’épopée avant d’entrer en
matière. Remontons à l’étymologie : « Le mot grec épopoia est composé du substantif épos (ce qui
est exprimé par la parole), et d’un dérivé du verbe poïen (faire, fabriquer) »(6). « L’épopée est donc la
mise en forme d’une parole primordiale, essentielle — l’épos — proférée par les poètes primitifs qui
disent la genèse et la vérité du monde »(7).
Suivant l’explication de Stalloni(8), voyons quels sont les principaux caractères de l’épopée.
Parmi ceux-ci, certains peuvent s’appliquer à toute forme de récit : poésie, théâtre, et roman, et
d’autres ne conviennent qu’aux poèmes appelés proprement « épopée ». La caractéristique
primordiale réside dans le sujet : l’épopée raconte la destinée d’une collectivité ou d’un peuple. Cet
itinéraire est souvent guerrier et montre la voie vers la lumière, la gloire, le bonheur collectif. Il
implique plus ou moins le récit de la naissance d’une nation. L’épopée comporte deux sortes de
personnages : des héros, êtres supérieurs, et la masse. Elle a tendance à vanter les mérites des héros
qui conduisent leur peuple d’une période d’ignorance primitive et belliqueuse à un temps
d’apaisement et d’équilibre (Ulysse, Énée, Roland, Jeanne d’Arc). La grandeur de ces chefs doit être
reconnue par la masse. Le narrateur de l’épopée est omniscient. Dans la narratologie moderne, on
parlerait de vision « par derrière »(9) ou de focalisation zéro(10). L’épopée antique fut à l’origine une
poésie orale. Il est donc naturel que la voix d’un poète omniscient domine le monde créé par son
imagination. Après que l’épopée fut devenue écriture, elle demeura longtemps un récit en vers. On
admettra plus tard la prose poétique, mais il s’agit de passages animés d’un souffle épique, dans une
pièce ou un roman, comme Les Misérables. L’épopée a une rhétorique codifiée. Elle exploite un
certain nombre de figures de style comme l’agrandissement, et la simplification. Enfin, l’épopée
utilise les forces surnaturelles, le merveilleux. Le surnaturel peut orienter le cours des événements,
tantôt en aidant le héros, tantôt en lui nuisant. La transcendance peut s’unir au merveilleux. Dans la
querelle des Anciens et des Modernes au XVIIe siècle, il était déjà question de la présence du
merveilleux.
L’épopée se définit donc comme l’expression poétique du destin d’une race ou d’une
collectivité qu’une Divinité dirige vers la gloire, et elle célèbre surtout les exploits de héros choisis
parmi cette collectivité.
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En France, au Moyen-Âge, l’épopée florissait comme nous le reconnaissons à la chanson de
geste. Par la suite, il n’y a pas de grand poème français qui soit l’équivalent de l’Énéide. Malgré le
désir de combler ce vide, ce genre n’a pas beaucoup attiré l’attention des Français, sauf pour un petit
nombre d’exceptions : La Franciade (1572) inachevée de Ronsard, La Henriade (1728) de
Voltaire(11), et Les Aventures de Télémaque (1699), roman épique de Fénelon. Le Télémaque est
devenu un modèle du poème en prose(12).
Comme l’a dit Georges May(13), on pourrait penser que l’historiographie ainsi que le roman
sont nés de l’épopée. L’épopée ne peut exister que sur la base d’une histoire, d’une aspiration
collective. L’évolution des genres littéraires est parallèle au changement de conception de l’Histoire.
Il faut imaginer qu’au début du XIXe siècle, les frontières de histoire, roman, et épopée, étaient
floues(14).
Revenons à notre argument. Avant la rédaction des Mémoires d’outre-tombe, influencé par
le courant du retour à l’Antiquité gréco-latine et la prospérité du néo-classicisme apparu à la fin du
XVIII e siècle (15), Chateaubriand s’était efforcé d’obtenir un succès dans ce genre littéraire
prestigieux(16). Avec Les Natchez et Les Martyrs, il avait hésité entre épopée et roman. Ainsi, la
première moitié des Natchez est écrite sous forme d’épopée, alors que la seconde ressemble plus à un
roman(17). Inversement, l’ébauche des Martyrs était au départ un roman et l’œuvre a été transformée
en épopée dans la version définitive(18). Cependant, la Révolution ayant déclenché la lutte pour la
laïcité, il était indéniable que l’épopée religieuse devenait un genre périmé. En 1809, quand
Chateaubriand se décide à les publier, Les Martyrs ne lui apporteront pas le succès escompté. Plus
tard, l’auteur admettra dans ses Mémoires le défaut des Martyrs : le recours au « merveilleux
direct »(19). En effet, dans le Génie du christianisme, il avait traité le problème du merveilleux(20), et
l’épopée chrétienne était un moyen pour lui d’appliquer la théorie littéraire du Génie à un monde
fictif. Sainte-Beuve évoque également la difficulté à représenter l’Enfer et le Paradis au XIXe
siècle(21). Selon Léon Cellier qui a étudié le renouveau de l’épopée au XIXe siècle, « l’épopée
romantique est humanitaire et religieuse. Optimiste, elle croit en l’avenir de l’humanité »(22). Le
romantisme a spiritualisé la marche de l’humanité en un progrès de l’Histoire humaine comme chez
Michelet et Quinet. Ce caractère est une synthèse visionnaire. Cellier remarque le paradoxe de la
thèse de Chateaubriand « que les Anciens n’avaient pas de poésie proprement descriptive », et
affirme : « Chateaubriand a voulu faire des Martyrs une illustration de la thèse du Génie, et il est
devenu l’esclave de cette démonstration »(23).
Le poète déclare ses adieux aux Muses au début du vingt-quatrième Livre des Martyrs ; il
les répétera à la fin de l’Itinéraire de Paris à Jérusalem (publié en 1811)(24).
C’est ainsi que Chateaubriand se voit obligé de renoncer à rédiger une épopée. Mais il
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retrouvera l’opportunité de concrétiser son ambition : lorsqu’il reprendra la rédaction de ses
mémoires quelques années plus tard.
I. Les procédés épiques
La structure d’ensemble des Mémoires d’outre-tombe rappelle celle des grandes épopées.
L’Iliade et L’Odyssée ont 24 chants, l’Enéide et Le Paradis perdu de Milton, 12 Livres. Suivant ce
modèle, au début de la rédaction, Chateaubriand avait le projet de construire ses mémoires en 48
Livres. La première partie retrace sa carrière de soldat et de voyageur, la seconde, la découverte de sa
voie littéraire, la troisième, sa carrière politique sous la Restauration, et enfin la quatrième est
consacrée à une réflexion sur les trois parties précédentes. En raison de certains retranchements et
ajustements, ses mémoires définitifs seront composés de 42 Livres. Mais Chateaubriand persiste dans
son principe : représenter sa vie en quatre scènes(25).
Au début des épopées d’Homère et de Milton, se trouve une invocation qui demande
protection aux dieux et Muses, en même temps qu’elle présente le sujet. Chateaubriand avait employé
ce procédé dans Les Natchez et Les Martyrs (26). Dans les Mémoires d’outre-tombe, nous retrouvons
également des appels ressemblant à une invocation, où se fait entendre directement la voix du
narrateur « poète ». Par exemple, au début de « La Vie de Napoléon »(27), quand le poète annonce qu’il
va désormais s’effacer pour passer au récit des faits généraux :
Vous avez vu ma jeunesse quitter le rivage ; elle n’avait pas la beauté du pupille de Périclès, élevé sur
les genoux d’Aspasie ; mais elle en avait les heures matineuses : et des désirs et des songes, Dieu sait !
[...] Si parfois je fais encore entendre les accords de la lyre, ce sont les dernières harmonies du poète qui
cherche à se guérir de la blessure des flèches du temps, ou à se consoler de la servitude des années. [...]
force m’est de revenir sur les faits généraux que j’ai sautés en ne m’occupant que de mes travaux et de
mes propres aventures : ces faits sont de la façon de Napoléon. Passons donc à lui ; parlons du vaste
édifice qui se construisait en dehors de mes songes. Je deviens maintenant historien sans cesser d’être
écrivain de mémoires(28).
Dans la quatrième partie, on retrouve un appel ressemblant plus nettement à une invocation
épique :
Bénie soyez-vous, ô ma native et chère indépendance, âme de ma vie ! Venez, rapportez-moi
mes Mémoires, cet alter ego dont vous êtes la confidente, l’idole et la muse. Les heures de
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loisir sont propres aux récits : naufragé, je continuerai de raconter mon naufrage aux pêcheurs
de la rive(29).
C’est ainsi que dans les Mémoires d’outre-tombe sont insérés les procédés épiques, comme
la composition et la tonalité de la voix du narrateur omniscient de l’épopée canonique. Mais, d’autre
part, nous pouvons y remarquer aussi des procédés contre-épiques.
II. Le contre-épique
Dans la première partie des Mémoires où le narrateur raconte la période allant de sa
naissance à son adolescence, nous sommes frappés par les aspects de parodie des épopées
homériques. Étape par étape, le « héros », le jeune Chateaubriand, est dégradé de son rang honorable
de descendance de la noblesse d’épée, jusqu’au même niveau que la polulace, et il tombe dans la
misère à Londres. Examinons d’abord ce processus de la dégradation du héros des Mémoires.
En 1786, le héros part de Combourg pour entrer dans le régiment de Navarre. Son père lui
fait des recommandations dignes de la noblesse médiévale :
« Monsieur le chevalier, me dit-il, il faut renoncer à vos folies. Votre frère a obtenu pour vous un brevet
de sous-lieutenant au régiment de Navarre. [...] Je suis vieux et malade ; je n’ai pas longtemps à vivre.
Conduisez-vous en homme de bien et ne déshonorez jamais votre nom. »(30)
Et puis la Révolution survient. Le jeune Chateaubriand qui était allé en Amérique par désir
de faire l’expérience du Nouveau monde, rentre en Europe en 1792 pour s’engager dans l’armée
contre-révolutionnaire. Cependant à la campagne de Thionville, il est grièvement blessé sans se
distinguer par des exploits guerriers. Attaqué en outre par une maladie, il doit quitter le front :
Le ciel était en feu ; [...] exténué de fatigue, je m’endormis profondément presque sous les roues des
affûts où j’étais de garde. Un obus, crevé à six pouces de terre, m’envoya un éclat à la cuisse droite.
Réveillé du coup, mais ne sentant point la douleur, je ne m’aperçus de ma blessure qu’à mon sang. [...]
Tandis que quelques gouttes de sang coulaient sous les murs de Thionville, le sang coulait à torrents
dans les prisons de Paris : ma femme et mes sœurs étaient plus en danger que moi(31).
C’est ainsi qu’il ne brillait jamais au champs de bataille. En outre sa femme et ses sœurs à Paris, sans
être guerrières, étaient dans une situation plus critique que lui.
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Cet événement est doublement contre-épique. D’abord parce que le héros des épopées
canoniques, comme Achile ou Énée, doué de la qualité suprême, se distingue des autres en
accomplissant un fait d’armes et est auréolé de gloire. Mais aussi, et c’est le plus important, notre
héros reste fidèle à une monarchie légitime, mais moribonde, ce qui l’empêchera de participer à la
défense de son pays contre l’invasion ennemie : la seule guerre que connaîtra le jeune Chateaubriand,
blessé quand même héroïque, est une guerre contre sa patrie. Or le héros épique doit originellement
conduire de la crise à la gloire la collectivité à laquelle il appartient. Dans Les Martyrs,
Chateaubriand a décrit le héros Eudore comme un bel homme, un commandant estimé et, de surcroît,
un guerrier de Dieu pris dans la persécution du christianisme. C’est sur Eudore que l’auteur projette
sa recherche d’une véritable liberté et d’une vraie gloire dans une époque troublée. Mais dans les
Mémoires d’outre-tombe, au contraire d’Achille ou d’Énée, notre héros échoue à démontrer sa qualité
suprême et achève une carrière guerrière bien terne. Après avoir quitté le front, il est miraculeusement
guéri de la variole et émigre en Angleterre.
À Londres, comme bien d’autres émigrés, il tombe dans la misère :
La faim me dévorait ; j’étais brûlant ; le sommeil m’avait fui ; je suçais des morceaux de linge que je
trempais dans de l’eau ; je mâchais de l’herbe et du papier. Quand je passais devant les boutiques de
boulangers, mon tourment était horrible. [...] Je ne voyais plus devant moi que l’hôpital ou la Tamise.
Des domestiques d’émigrés que leurs maîtres ne pouvaient plus nourrir, s’étaient transformés en
restaurateurs pour nourrir leurs maîtres(32).
Cet état misérable ne résulte pas d’un combat pour un groupe social, ni pour ses principes ou
ses idées : c’est la lutte pour la survie, la plus dure pour un être humain. Le héros a rejoint la situation
de la plus basse couche sociale. On peut dire qu’il meurt une fois en tant qu’aristocrate, et qu’il renaît
en tant que simple être humain, en dehors de toute hiérarchie sociale. Malgré les étiquettes d’« ultra »
ou de « contre-révolutionnaire » généralement attribuées à Chateaubriand, on peut dire qu’il a ainsi
acquis le regard du peuple, qui est le nouveau héros de l’Histoire au XIXe siècle. Sur la scène
historique, il n’est plus seulement un représentant d’une aristocratie en voie d’extinction : il semble
qu’il obtient un rôle ouvert au monde entier.
Certes, Chateaubriand conservera toujours le sentiment d’appartenir à la noblesse qui survit
à la crise de la Révolution, mais il fonde de grandes espérances sur la génération prochaine qui doit
apporter une ère nouvelle. En 1826, il écrit dans la « Préface générale » des Œuvres complètes que
Ladvocat publie cette année :
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Race innocente et libre, ces enfants n’étaient pas nés quand la révolution commit ses forfaits ; ils
n’étaient pas hommes quand la restauration multiplia ses fautes ; ils n’ont pris aucun engagement avec
nos crimes ou avec nos erreurs(33).
À cette époque, comme en témoignent les Essais de palingénésie sociale de Ballanche(34), est
né le mythe qui voit dans l’invasion des Barbares la première cause de l’effondrement de l’Empire
romain, mais aussi un apport d’énergie nécessaire pour faire renaître une société corrompue, se
référant en filigrane à la montée du peuple lors de la Révolution(35). Chateaubriand est un de ceux qui
ont développé cette idéologie romantique. Il analyse avec perspicacité l’état moral d’une société en
crise :
Les moments de crise produisent un redoublement de vie chez les hommes. Dans une société qui se
dissout et se recompose, la lutte des deux génies, le choc du passé et de l’avenir, le mélange des mœurs
anciennes et des mœurs nouvelles, forment une combinaison transitoire qui ne laisse pas un moment
d’ennui. Les passions et les caractères en liberté se montrent avec une énergie qu’ils n’ont point dans la
cité bien réglée(36).
Évidemment, il ne faut pas oublier que son attitude concernant le système social est toujours
ambivalente :
Démocrate par nature, aristocrate par mœurs, je ferais très volontiers l’abandon de ma fortune et de ma
vie au peuple, pourvu que j’eusse peu de rapport avec la foule(37).
Il respecte la liberté, comme la dignité de l’homme, toute sa vie, d’où vient l’expression « Démocrate
par nature ». D’autre part, il aime la générosité, la noblesse d’esprit, d’où viennent les mots
« aristocrate par mœurs ». Ces deux inclinations ne sont pas contradictoires, et autant dire qu’elles
sont nécessaires.
Cette ambivalence se traduit dans la narration par une absence de focalisation fixée qui
empêche le héros d’être le seul protagoniste des Mémoires. Comme Stendhal se moquant de « ce roi
des égotistes »(38), on considère souvent que Chateaubriand est trop conscient de soi. Mais remarquons
la position donnée à son « héros » face aux événements historiques et à leurs principaux acteurs :
toujours en marge des grands événements historiques. Le Chateaubriand des Mémoires a rencontré
Louis XVIe, Washington, Mirabeau, et Napoléon 1er, autant de grands hommes en face desquels il
reste toujours un observateur muet et passif(39). Il n’est pas le sujet des grandes actions historiques,
mais un témoin de son « temps » qui en transmet les détails à la postérité, à travers un regard
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marginal.
Ce regard marginal aboutit à une ouverture de la structure narrative équivalente à celle de La
Pharsale de Lucain, qui raconte la guerre civile opposant Pompée à César. Selon David Quint, qui a
analysé les résonances de la téléologie dans les épopées de la Renaissance jusqu’au Paradis perdu, au
contraire de l’Énéide, l’épopée des vainquers, qui a une vision finalisée de l’Histoire(40), dans La
Pharsale, l’épopée des vaincus, le récit est dominé par le hasard et caractérisé par l’errance de la
narration. Dans les Mémoires de Chateaubriand, nous pourrons retrouver cette même tendance.
III. Les traces du parcours d’Énée
Pourtant, en racontant la vie de François-René, le narrateur relie plusieurs fois la figure de
son héros à celle d’Énée. On remarque souvent que les Mémoires d’outre-tombe sont un récit de
voyages. Et, comme le signale Jean-Claude Berchet(41), Chateaubriand s’efforce de superposer le
parcours de son héros aux navigations du héros de Virgile qui, chassé de Troie, vise à la Terre
promise. Voyons-en quelques exemples. Chateaubriand commence par la description de son pays
natal, Saint-Malo, en le comparant à la ville de Troie, Ilion, c’est-à-dire le pays natal d’Énée :
[...] ; à droite sont [...] des moulins sur des buttes, comme ceux qui s’élèvent sur le tombeau d’Achille à
l’entrée de l’Hellespont(42).
Cette comparaison est reprise lors de l’évocation du dernier séjour à Saint-Malo :
Désormais sans compagnon, j’explorais l’arène qui vit mes châteaux de sable : campos ubi Troja fuit. Je
marchais sur la plage désértée de la mer(43).
La phrase : « campos ubi Troja fuit [=les plaines où fut Troie]», est une citation de l’Énéide(44).
Face à la révolution de Juillet, Chateaubriand regrette de ne pas avoir réussi à l’empêcher,
comme Énée, la mort tragique de ses compatriotes :
L’adresse alors ne passait pas ; les ordonnances, résultat de cette adresse, n’auraient peut-être pas paru
nécessaires à leurs funestes auteurs : Dis aliter visum(45).
L’amour de Didon est la plus grande épreuve donnée à Énée au cours de sa mission divine.
Dans les Mémoires, c’est l’épisode de Charlotte Ives à Londres qui est placé en correspondance à
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cette histoire d’amour d’Énée :
Au reste, en épousant Charlotte Ives, mon rôle changeait sur la terre : enseveli dans un comté de la
Grande-Bretagne, je serais devenu un gentleman chasseur. [...] Mon pays aurait-il beaucoup perdu à ma
disparition? [...] Est-il certain que j’aie un talent véritable et que ce talent ait valu la peine du sacrifice de
ma vie? [...] Mon ombre pourra-t-elle dire comme celle de Virgile à Dante : Poeta fui et cantai (Dante,
Enfer, I, 73), « Je fus poète, et je chantai » !(46)
Comme nous le voyons à la fin de ce paragraphe, Chateaubriand se rattache non seulement à la figure
d’Énée mais encore à celle de Virgile, se constituant ainsi en poète épique, un être symbolique dont le
nom survivra à la postérité. Mais l’intention dépasse le simple désir de gloire personnelle : Virgile a
écrit l’Énéide, le mythe fondateur de Rome, sous l’impulsion d’Auguste, en souhaitant la renaissance
de Rome qui venait de sortir avec peine d’une cruelle guerre civile. Pour Chateaubriand, l’époque
d’après 1789 équivaut à une guerre civile. L’espérance de l’avènement de la concorde est commune à
ces deux poètes.
L’Enfer de Dante est également cité dans ce passage. Or le thème de la visite au monde des
ombres occupe une place privilégiée dans la tradition épique. Dans le onzième chant de L’Odyssée et
le sixième de l’Énéide, les héros vont voir les morts pour recevoir des conseils concernant l’avenir.
Certes, comme l’a analysé Jean Gillet(47), Chateaubriand développe ses propres images de
l’Enfer : il voit dans le Satan miltonien un aristocrate révolutionnaire déchiré entre son inclination
républicaine fondée sur le goût pour la liberté et sa nature noble qui ne lui permet pas de se fondre
dans l’ignorance populaire et, dans Les Martyrs, il décrit l’assemblée des Démons comme une
parodie d’assemblée révolutionnaire. Mais, d’autre part, dans les Mémoires d’outre-tombe émergent
fréquemment des images se référant au paganisme héllénique, comme celles des fleuves du monde
des morts, le Cocyte, le Styx, et le Léthé :
Ombres de mes vieux parents, je ne vous attendais pas sur ces bords ! Vous vous rapprochez de moi,
parce que je m’approche de la tombe, votre asile ; nous allons nous y retrouver. Ma bonne tante,
chantez-vous encore aux rives du Léthé votre chanson de l’Épervier et de la Fauvette ? Avez-vous
rencontré chez les morts le volage Trémigon, comme Didon aperçut Énée dans la région des mânes ?(48)
Or, suivant les enseignements de la Sibylle, Énée obtient, dans la forêt sacrée, « le rameau
d’or » indispensable à la visite du souterrain séjour. Dans ses Mémoires, Chateaubriand utilise ce
rameau comme le symbole de la mémoire vive de la jeunesse, permettant de fouiller dans le passé
pour le léguer à la postérité :
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Lorsque je fouille dans mes pensées, il y a des noms, et jusqu’à des personnages, qui échappent à ma
mémoire, et cependant ils avaient peut-être fait palpiter mon cœur : vanité de l’homme oubliant et
oublié ! Il ne suffit pas de dire aux songes, aux amours : « Renaissez ! » pour qu’ils renaissent ; on ne se
peut ouvrir la région des ombres qu’avec le rameau d’or, et il faut une jeune main pour le cueillir(49).
Les Mémoires se terminent par cette phrase : « je descendrai hardiment, le crucifix à la main,
dans l’éternité »(50) : le poète descendra dans le monde des ombres, mais sa voix continuera de retentir
dans notre monde des vivants. Ne peut-on pas considérer cette clôture narrative comme un dernier
rappel de la tradition épique dans les Mémoires, une variation de la visite au monde des ombres?
Conclusion
Ainsi que l’a remarqué Jean-Claude Bonnet : « en le condamnant comme Énée à fuir sur les
eaux une patrie en flammes, la Révolution le rend à ce qu’il [=Chateaubriand] appelle « ses instincts
primitifs » et l’oblige ainsi à être ce qu’il est »(51). Tout au long des Mémoires d’outre-tombe, le héros
est envisagé comme un marin étranger, un voyageur sans retour. Ainsi, dans les passages concernant
les années 1805-1806, rédigés en 1839 et revus en 1846 :
Demeuré seul derrière les chers objets qui m’avaient quitté, comme un marin étranger dont
l’engagement est expiré et qui n’a ni foyers, ni patrie, je frappais du pied la rive ; je brûlais de me jeter à
la nage dans un nouvel océan pour me rafraîchir et le traverser(52).
Ou encore au sortir de la carrière politique en 1830 :
Les heures de loisir sont propres aux récits : naufragé, je continuerai de raconter mon naufrage aux
pêcheurs de la rive. Retourné à mes instincts primitifs, je redeviens libre et voyageur ; j’achève ma
course comme je la commençai(53).
Ayant failli à devenir un grand homme historique, le poète chante en prose sa vie, avec les
larmes amères, comme un témoin qui est passé d’un siècle à l’autre en une traversée mouvementée
comme au confluent de deux fleuves :
Je me suis rencontré entre deux siècles, comme au confluent de deux fleuves ; j’ai plongé dans leurs
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eaux troublées, m’éloignant à regret du vieux rivage où je suis né, nageant avec espérance vers une rive
inconnue(54).
On pourra voir dans cette traversée sans retour la source de la mélancolie qui imprègne les œuvres
littéraires de Chateaubriand, emporté comme Énée par le torrent de l’Histoire dans l’errance d’un exil
irrémédiable, mais qu’il transforme, comme Virgile, en une impérissable épopée.
Notes
(1) Cet article est rédigé en se fondant sur notre communication à la réunion d’automne de la Société
Japonaise de Langue et Littérature Françaises, organisée à l’Université d’Okayama le 28 octobre 2006.
(2) Toutes les références renvoient à l’édition suivante : Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, tomes IIV, édition de Jean-Claude Berchet, Classiques Garnier, 1989-1998.
(3) Chateaubriand avait mentionné ses mémoires dans la lettre à Joseph Joubert datée de décembre 1803,
mais il n’y a pas de preuve de rédaction ; Correspondance générale, Paris, Gallimard, t. I, 1977, p. 296 :
« Mon seul bonheur est d’attraper quelques heures, pendant lesquelles je m’occupe d’un ouvrage qui
peut seul apporter de l’adoucissement à mes peines : ce sont les Mémoires de ma vie ». En écrivant en
1838 la partie des années 1803-1804, il a recopié cette lettre comme la « première idée de ‹ses›
Mémoires » dans les Mémoires d’outre-tombe, t. II, pp. 124-125.
(4) Chateaubriand, Mémoires de ma vie, dans Mémoires d’outre-tombe, t. I, p. 7.
(5) Chateaubriand, « Préface testamentaire », dans Mémoires d’outre-tombe, t. I, p. 846. Je souligne.
(6) Yves Stalloni, Les genres littéraires, Paris, Nathan, coll. « 128 », 2003, p. 48.
(7) Daniel Madelénat, Dictionnaire des littératures de langue française, art. « Épopée », sous la direction
de J.-P. de Beaumarchais, D. Couty, A. Rey, Bordas, 1994, t. 2, p. 816. En ce qui concerne la définition
du genre épique et son évolution historique, l’ouvrage de D. Madelénat en traite avec une perspective
comparatiste, L’épopée, Paris, PUF, 1986. Pour une étude plus récente sur l’épopée, voir G. MathieuCastellani (sous la direction de), Plaisir de l’épopée, Presses universitaires de Vincennes, 2000.
(8) Voir Yves Stalloni, op. cit., pp. 49-50.
(9) Cf. Jean Pouillon, Temps et Roman, Paris, Gallimard, 1946.
(10) Gérard Genette, Figures III, Paris, Seuil, 1972, p. 206.
(11) Sur le poème épique de La Ligue de Voltaire aux Martyrs de Chateaubriand, c’est-à-dire de l’aube des
Lumières à celle du romantisme, voir Jean-Marie Roulin, L’Épopée de Voltaire à Chateaubriand :
poésie, histoire et politique, University of Oxford, Voltaire Foundation, coll. « SVEC », 2005. Selon J.M. Roulin, « Mythification, ancrage dans les origines et fragmentation, telles sont les trois
caractéristiques par lesquelles le poème épique romantique rompt avec celui des Lumières » (p. 238).
(12) Michel Delon remarque le déplacement de valeur entre la prose et le vers à la fin du XVIIe siècle,
comme « le passage d’une linguistique de la clarté à une linguistique de l’expression, d’une esthétique
de l’imitation à une esthétique de la création », transition des Belles Lettres classiques à la littérature,
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dans son livre, L’Idée d’énergie au tournant des Lumières (1770-1820), Paris, PUF, 1988, pp. 131-132.
(13) Georges May, « L’histoire a-t-elle engendré le roman ? aspects français de la question au seuil du
siècle des lumières », in RHLF, 1955, p. 155 : « l’épopée antique pourrait bien être la source littéraire
commune de l’histoire et du roman ».
(14) Cf. Claudie Bernard, Le Chouan romanesque : Balzac, Barbey d’Aurevilly, Hugo, PUF, 1989, p. 24 :
« La proximité maximale des deux activités (roman et histoire) s’affirme, au XIXe siècle, juste avant
qu’elles ne divergent définitivement, dans le « roman historique » ».
(15) Sur ce thème, voir Hans Peter Lund, Aux antres de Paros. Néoclassicisme littéraire au temps de
Chateaubriand, Jaignes, La Chasse au Snark, 2004.
(16) Chateaubriand dit dans le Génie du christianisme, éd. de Maurice Regard, Paris, Gallimard, coll.
« Bibliothèque de la Pléiade », 1978, p. 628 : « l’Épopée est la première des compositions poétiques ».
Sur l’épopée considérée comme le sommet de la hiérarchie des genres, voir Siegbert Himmelsbach,
L’épopée ou la ‹ case vide › : la réflexion poétologique sur l’épopée nationale en France, Tübingen,
Niemeyer, 1988, « L’épopée et sa position dans la théorie littéraire », pp. 2-29.
(17) Pour la genèse de ce texte, voir l’introduction de Jean-Claude Berchet dans son édition des Natchez ;
Les Natchez, Atala, René, LGF, « Le Livre de Poche », 1989, pp. 5-36.
(18) Sur cette transformation, notre auteur aurait été influencé par les conseils de Fontanes. Voir Béatrix
d’Andlau, Chateaubriand et « Les Martyrs ». Naissance d’une épopée, Paris, José Corti, 1952,
Deuxième partie, Chapitre II, « Le buste d’Homère », pp. 129-144. Ainsi que son édition du roman, Les
Martyrs de Dioclétien, version primitive et inédite des Martyrs, présentée par Béatrix d’Andlau, Paris,
Belin, 1951.
(19) Mémoires d’outre-tombe, t. II, p. 253.
(20) Génie du christianisme, IIe partie, livre IV, pp. 717-760.
(21) Sainte-Beuve,Chateaubriand et son groupe littéraire sous l’Empire, cours professé à Liège en 18481849, nouvelle édition annotée par Maurice Allem, Paris, Garnier Frères, 1948, t. 2, p. 22.
(22) Léon Cellier, L’épopée humanitaire et les grands mythes romantiques, SEDES, 1971, p. 9. Pour
Chateaubriand, voir pp. 33-40.
(23) Ibid., p. 33, p. 34.
(24) Chateaubriand, Les Martyrs, Œuvres romanesques et voyages II, éd. de Maurice Regard, Paris,
Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1969, pp. 482-483. Itinéraire de Paris à Jérusalem et de
Jérusalem à Paris, Ibid., p. 1214.
(25) Scènes auxquelles correspondent les quatre volumes de l’édition de J.-Cl. Berchet. Pour les
différences entre les différentes éditions des Mémoires d’outre-tombe, voir la préface de J.-Cl. Berchet
dans son édition, « Editer les Mémoires d’outre-tombe », dans Mémoires d’outre-tombe, t. I, pp. XXIXXXXIV. Ainsi que J.-Cl. Berchet, « Le statut générique des Mémoires d’outre-tombe », in
Chateaubriand E I« Mémoires d’outre-tombe », Pisa, EDIZIONI ETS, Genève, Slatkine, 1998, pp. 1533.
(26) Voir Les Natchez, p. 73, et Les Martyrs, pp. 105-106.
(27) Cela signifie Mémoires d’outre-tombe, t. II, Livres XIX-XXIV.
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(28) Mémoires d’outre-tombe, t. II, pp. 277-278.
(29) Ibid., t. IV, p. 27.
(30) Ibid., t. I, pp. 234-235.
(31) Ibid., t. I, p. 528.
(32) Ibid., t. I, p. 558, p. 561.
(33) Chateaubriand, « Préface générale » des Œuvres complètes, dans Mémoires d’outre-tombe, t. I, p. 840.
(34) Pierre-Simon Ballanche, Essais de palingénésie sociale, Paris, de J. Didot aîné, 2 vol., 1827-1829.
(35) Sur le mythe des Barbares, voir Pierre Michel, Un mythe romantique : Les Barbares (1789-1848),
Presse Universitaire de Lyon, 1985. De plus, Arlette Michel prolonge l’étude de Pierre Michel dans son
article, « Images des Barbares dans l’œuvre de Chateaubriand : esthétique et religion », in Bulletin de
l’Association Guillaume Budé, octobre 1998, pp. 174-192. Sur la renaissance de la société romaine,
l’article d’A. Michel, « Rome dans Les Martyrs et les Études historiques », in Bulletin de la Société
Chateaubriand, n˚ 41, 1998, pp. 22-28.
(36) Mémoires d’outre-tombe, t. I, p. 323.
(37) Ibid., t. IV, p. 193.
(38) Stendhal, Vie de Henry Brulard, dans Œuvres intimes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la
Pléiade », t. II, 1982, p. 533.
(39) Voir par ordre Mémoires d’outre-tombe, t. I, p. 265, p. 374, pp. 317-321, et t. II, pp. 81-83.
(40) David Quint, Epic and Empire, Politics and Generic form from Virgil to Milton, New Jersey,
Princeton University Press, 1992, « Epics of the Defeated : The other tradition of Lucan, Ercilla, and
D’Aubigne », pp. 131-209.
(41) J.-Cl. Berchet, « Le Rameau d’or : les emblèmes du narrateur dans les Mémoires d’outre-tombe », in
C.A.I.E.F., n˚ 40, 1988, pp. 79-95.
(42) Mémoires d’outre-tombe, t. I, p. 140.
(43) Ibid., t. I, p. 234.
(44) Énéide, III, vers 10-11 : litora cum patriae lacrimans portusque relinquo / et campos ubi Troia
fuit.[=tout en pleurs, je quitte les rivages de la patrie et ses ports et les plaines où fut Troie.], Virgile,
Énéide, traduit par Jacques Perret, Paris, Les Belles Lettres, t. I, 2002, p. 75.
(45) Mémoires d’outre-tombe, t. III, p. 358. Cf. Énéide, II, vers 424-428 : Ilicet obruimur numero,
primusque Coroebus / Penelei dextra diuae armipotentis ad aram / procumbit, cadit et Rhipeus,
iustissimus unus / qui fuit in Teucris et seruantissimus aequi. / Dis aliter uisum ! [=C’en est fait, nous
sommes accablés par le nombre ; Corèbe, le premier, sous les coups de Pénélée, s’abat contre l’autel de
la déesse souveraine des combats ; il tombe aussi, Rhipée, l’homme le plus juste qui fût parmi les
Troyens, le plus exact serviteur de l’équité. Les dieux ont eu d’autres desseins.], Virgile, Énéide, éd. cit.,
t. I, p. 54.
(46) Mémoires d’outre-tombe, t. I, pp. 572-573.
(47) Jean Gillet, Le Paradis perdu dans la littérature française, De Voltaire à Chateaubriand, Klincksieck,
Paris, 1975, pp. 582-588.
(48) Mémoires d’outre-tombe, t. IV, p. 480.
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(49) Ibid., t. II, p. 19. Cf. Énéide, VI, vers 140-141 : Sed non ante datur telluris operta subire / auricomos
quam quis decerpserit arbore fetus. [=Mais à personne il n’est donné d’accéder aux souterrains mystères
avant qu’il n’ait de l’arbre détaché la pousse aux cheveux d’or.], Virgile, Énéide, éd.cit., t. II, p.47.
(50) Mémoires d’outre-tombe, t. IV, p. 600.
(51) Jean-Claude Bonnet, « Le nageur entre deux rives : la traversée comme expérience révolutionnaire »,
in Bulletin de la Société Chateaubriand, n˚ 32, 1989, pp. 55-60, la citation est de p. 58.
(52) Mémoires d’outre-tombe, t. II, p. 211.
(53) Ibid., t. IV, p. 27.
(54) Ibid., t. IV, p. 597. Ce passage existait déjà dans la « préface testamentaire », juste après la phrase
comprenant l’expression : « l’épopée de mon temps ». On pourra réaffirmer que la « préface
testamentaire » constitue l’essentiel des Mémoires d’outre-tombe.
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