Année 2014

Transcription

Année 2014
Samedi 14 décembre 2013 ISSN 1964 - 812 X
Numéro 19
Revue annuelle composée pour le Noël des Anciens de
Coublanc
Année 2014
Prix minimum : 4,00 €
En ce Temps-là 2013
Page 1
Éditorial
Sommaire
de Bernard Berthier
président de l’association
du Noël des Anciens de Coublanc
et rédacteur en chef d’En ce Temps-là
Chers lecteurs,
Baudelaire a écrit, entre tant d’autres beaux vers, celui-ci :
« Du passé lumineux recueille tout vestige. »
C’est un peu ce que nous faisons dans cette revue.
Mais le passé est-il toujours lumineux ? Que d’horreurs dans l’histoire du XXe siècle ! Que de souffrances avez-vous connues !… Sans parler de la vie
quotidienne, souvent plus difficile que celle d’aujourd’hui, quoi qu’on dise de la crise actuelle.
Or je remarque que, sans ignorer les épreuves personnelles et collectives passées, vous ne ressentez pas de
déplaisir à l’évocation de cette époque. Est-ce par
simple nostalgie de la jeunesse ? Non. Il semblerait, à
entendre la plupart d’entre vous, et c’est ce que vous
avez à nous enseigner, qu’il y ait eu dans notre village comme dans toutes les campagnes alentour un
rythme de vie et une solidarité qui rendaient la dure
existence supportable et même agréable.
Pour notre part, nous essayons d'être, comme disait
Michelet, « le lien des temps », et d'assurer « cette
chaîne vitale qui du passé mort en apparence fait circuler la sève vers l'avenir. »
L’encadré ci-contre montre que nous aurions pu faire
un numéro double ! Mais il aurait fallu aussi doubler
le prix de vente...
Deux fils directeurs principaux distinguent et guident
ce numéro : l’évocation, un siècle après, des poilus
morts pour la France, et les voyages que des Coublandis ont faits sur la mer.
Bonne lecture !
Joyeux Noël 2013
et
Heureuse Année 2014
Dessin de la couverture
Nadège Demont réinterprète une carte postale
représentant le navire-hôpital l’Asie, qui, durant
la guerre de 1914-1918, a rapatrié les blessés de
l’armée française d’Orient, dont Rémy Berthier.
Voir la carte postale page 30.
 Le latin de notre enfance, « O crux ave, spec
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unica » et autres « ave ! »
par Bernard Berthier, page 3.
Noli me tangere ou le vitrail de MarieMadeleine
par Régis Déal, page 4.
Des vacances à Coublanc entre 1946 et 1949
(première partie)
par Claude Latta, page 7.
Souvenirs d’enfance et de service militaire au
Maroc,
par Maurice Bertillot, page 12.
Mon père, Joseph Chassignolle. Souvenirs
d’enfance
par Juliette Buchet, page 17.
Cahier Jules Dubuy. Voyages en mer vers la
Papouasie
par Bernard Berthier, page 25.
Rémy Berthier et Maria Joly son épouse, mes
parents
par Pierre Berthier, page 30.
Un siècle après. Les poilus de Coublanc morts
d’août à décembre 1914
par la rédaction, page 35.
Les autres rubriques, liste des Anciens, des décès, naissances, mariages, contributions des élèves des écoles, mots croisés, « On s’en souviendra » sont à peu près à leur place habituelle...
Dans les prochains numéros
- Une personnalité à Écoche au XXe siècle : Madeleine
Prajoux.
- Souvenirs d’enfance brionnaise de Marie-Laure Chassignolle.
- Un curé originaire de Coublanc : l’abbé Barriquand.
- Maurice Crozet, maréchal-ferrant à Cadollon.
- Souvenirs divers de Maurice Accary.
- Grandeur et décadence de la famille Auvolat.
- Henry Bénas dans la Marine de guerre française.
- Marcelle Perrin et l’école primaire à Écoche.
- La Raterie au temps de la jeunesse de Jeanne Berthier.
- Souvenirs d’enfance à la Place de Célestine Barriquand.
Projets coublandis
- Le projet de diaporama sur l’histoire de la Grotte de
Lourdes de Coublanc a connu, grâce à Georges Piquand,
une ébauche de réalisation. La première mouture a été projetée le vendredi 17 mai 2013 à la fin de l’Assemblée générale des Amis de la Grotte de Lourdes de Coublanc. Reste à
peaufiner le montage.
- Le projet de publication d’un livret de tous les textes de
Claude Chevreton parus dans les numéros d’En ce Tempslà. Est toujours en panne. Si vous connaissez d’autres textes
de notre talentueux concitoyen, prévenez Bernard Berthier.
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Le latin de notre enfance
O crux ave et autres ave
par Bernard Berthier
L'an dernier, nous avons évoqué l'appel « Venite adoremus » inscrit sur le fronton de l'église de Chauffailles.
Continuons à lire la façade de ce bâtiment.
Sous le fronton, il y a un arc de pierre qui ouvre et protège à la fois l'exonarthex. Au sortir de la messe, les fidèles y discutent à l'abri de la pluie. En levant les yeux
vers le mur où s'ouvrent les grandes
portes en bois de la nef, on remarque
(mais y songe-t-on ?) une espèce d’œil
-de-bœuf divisé en quatre quarts par
une croix de pierre. Sur cette croix
sont inscrits les mots latins « O CRUX
AVE » sur la ligne verticale et « SPES
UNICA » sur l'horizontale, avec le X de
CRUX à l’intersection, comme un petite croix à l’intérieur de la grande.
L’ensemble se prononce : « O crouks,
awé, spess ounika ».
Ces mots appartiennent à l'hymne
« Vexilla regis » écrit par Venance
Fortunat (530-609), un poète d’Italie du nord devenu
évêque de Poitiers à la fin du VIe siècle.
Fortunat écrivit cet hymne en l’honneur de l'arrivée d'un
fragment de la Vraie Croix que l'empereur byzantin Justin II et l’impératrice Sophie avaient envoyé à la reine
Radegonde. Cette reine franque s'était retirée dans un
couvent qu'elle avait fait bâtir près de Poitiers et elle
avait cherché des reliques pour sa chapelle. L'hymne accompagna la procession des reliques le 19 novembre
569.
Depuis, l'Église de langue latine − encore dans notre
jeunesse − chantait sept strophes choisies dans cet
Crédits iconographiques
Fonds Maria Auclair (p.20)
Bernard Berthier (pp. 3, 17, 18, 30 à 34)
Collection Mélanie Berthier (pp. 4 et 6)
Fonds Maurice Bertillot (pp. 12 à 16)
Fonds Juliette Buchet (pp. 17 à 19)
Fonds Mado Clarin (pp 18 et 32)
Nadège et Patricia Demont (p. 1 et 44)
Fonds Célestine-Dinet-Barriquand (p. 20)
Fonds Jules Dubuy MSC et/ou musée d’Issoudun et/ou alii (pp. 25-29)
Fonds Claude Latta (p. 7 à 11)
Fonds Maurice Poyet (p. 13)
Internet sans indication de droits d’auteur
(pp. 13, 14, 25, 26, 29)
Vexílla Regis pródeunt,
Fulget Crucis mystérium :
Quo carne carnis cónditor
Suspénsus est patíbulo.
[…]
O Crux ave, spes unica,
Hoc Passiónis témpore,
Auge piis justítiam,
Reísque dona véniam.
Voici les étendards du roi,
Brille le mystère de la Croix :
La chair du créateur de la chair
Est pendue à ce gibet. [...]
Ô Croix, salut, unique espoir
En ce temps de la Passion ;
Rends justice aux gens pieux
Et pardonne aux coupables
hymne, aux Vêpres, depuis le dimanche des Rameaux
jusqu'au Jeudi Saint, à la fête du triomphe de la Croix,
ainsi que le Vendredi Saint, quand on apporte les hosties
du tabernacle à l'autel durant la messe des présanctifiés.
Je propose le texte et la traduction de la première
strophe, et de celle où figurent les mots
qui nous intéressent.
La croix n'a pas toujours été l'unique
symbole chrétien en art. Tant que le
supplice de la crucifixion était pratiqué
par les Romains, jusqu'au IVe siècle, les
chrétiens ont préféré l'agneau, ou le
poisson (ICHTUS)...
Venance Fortunat est au tournant de la
tradition : la croix va s'imposer dans
l'art religieux, jusqu'à faire oublier les
autres symboles christiques.
Cela accompagne une évolution théologique où la faute humaine est surévaluée, entraînant le culte du sacrifice sanglant de plus en
plus inadmissible et admirable du Fils de Dieu.
Cela peut aller jusqu'au culcul-la-praline des vitraux représentant l'enfant Jésus, dans l'atelier paternel, portant
une petite croix (Coublanc) ou même aidant à en fabriquer une, de forme potencée, à Coutouvre.
L'hymne de Venance Fortunat oublie d'évoquer la résurrection, mais la circonstance de la procession des reliques imposait cet oubli. Plus tard, on peut se demander
si la mort sur la croix n'a pas été considérée comme plus
importante que la sortie du tombeau. Pour les chrétiens
véritablement croyants, le spes unica (l'espoir unique),
c'est la vie du ressuscité, et non sa souffrance et sa mort,
même s'il n'y a pas de résurrection sans mort préalable.
La joie vient du dimanche de la vie, et non de l'enfer de
la passion de la semaine...
Chez les Romains, Ave était une formule militaire par
laquelle le soldat saluait son chef. La formule fameuse,
sans cesse reprise dans le péplums de notre enfance, et
par Astérix gladiateur (1964), Ave, Caesar, morituri te
salutant, (« Salut, César ! Ceux qui vont mourir te saluent ») rapportée une seule fois par un historien latin à
propos de gladiateurs qui étaient en fait des soldats condamnés à mort, a eu un succès postérieur au culte doloriste de la Croix.
L’origine militaire du mot a été oubliée, et l’on honore la
Vierge Marie : « Ave Maria, gratia plena » dans chaque
« Je vous salue Marie ».
Que d’ « ave » donc dans nos vies jadis, sans parler de la
chanson peu recommandable, mais dont nous nous souvenons bien aussi : « Ave, ave, ave le petit doigt ! ».
Mais chut !
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Noli me tangere
Marie-Madeleine et le Ressuscité
par Régis Déal
Non, vous ne vous trompez pas de chronique, vous n'êtes
pas dans « Le latin de notre enfance » mais bien dans la
présentation d'un vitrail de notre église coublandie.
La scène représentée ici correspond à l’épisode de l’évangile selon saint Jean, chapitre 20, versets 11 à 18, épisode
connu sous le nom de Noli me tangere, au cours duquel le
Christ ressuscité apparaît à Marie-Madeleine qui le prend
pour un jardinier.
Cependant Marie se tenait dehors près du sépulcre, et pleurait […] : « Ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils
l'ont mis. » En disant cela, elle se retourna, et elle vit Jésus
debout ; mais elle ne savait pas que c'était Jésus. Jésus lui
dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu? »
Elle, pensant que c'était le jardinier, lui dit: « Seigneur, si
c'est toi qui l'as emporté, dis-moi où tu l'as mis, et je le
prendrai. »
Jésus lui dit: « Marie ! »
Elle se retourna, et lui dit en hébreu : « Rabbouni! » c'est-à
-dire, Maître !
« Noli me tangere » : ce sont les mots que Jésus lui adresse
alors quand, parce qu'elle n’en croit pas ses yeux, elle veut
aussitôt le toucher pour s’assurer qu’il est bien en vie. Jésus
le lui interdit fermement par cette parole qui donne maintenant son nom à l'épisode lui-même.
Jésus lui dit: « Ne me touche pas ; car je ne suis pas encore
monté vers mon Père. Mais va trouver mes frères, et disleur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon
Dieu et votre Dieu. »
Marie de Magdala alla annoncer aux disciples qu'elle avait
vu le Seigneur, et qu'il lui avait dit ces choses.
Le sens de l'épisode
Vitrail du Noli me tangere
Église de Coublanc, bas-côté nord,
huitième vitrail à gauche en entrant.
Photographie de Mélanie Berthier.
Nous comprenons ainsi qu'il s'agit par là, à travers cette
scène du Noli me tangere, d'évoquer la résurrection du
Christ.
Certes, sans doute moins souvent traitée en peinture que
l’Annonciation ou la Crucifixion elle-même, la Résurrection trouve une grande place dans l’histoire de l’art. La
scène entre Jésus et Marie-Madeleine fait partie des motifs
de la résurrection et possède le statut de « grand épisode
canonique » en correspondant à un dogme de la religion catholique.
C'est d'ailleurs par l'Église Romaine que l'étiquette de trois
mots latins, Noli me tangere, a été donnée à cette scène. Jésus parlait araméen, son évangile a ensuite été écrit en grec
avant que saint Jérôme ne le mette en latin. Nous connaissons le dicton « traduction : trahison ». Pour la formule latine « Noli me tangere », il existe ainsi différentes interprétations nuancées ; la plus courante, « Ne me touche pas », a
longtemps été interprétée comme un refus du Christ d'être
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touché par une femme afin de rester pur. Il exprimerait
ainsi un tabou que l'on peut retrouver dans la religion catholique, lié à la sexualité. Mais, nous le verrons, cela
peut aussi se traduire comme « Ne me retiens pas », « Tu
dois accepter la séparation » ou encore « Ne me touche
pas comme ça »...
Qui était Marie Madeleine ?
L'identité de sainte Marie-Madeleine, représentée sur ce
vitrail, est assez difficile à établir, en raison de diverses
homonymies et légendes successives : les traditions superposent souvent les attributs de la sœur de Marthe et de
Lazare, elle aussi nommée Marie, ceux de la pécheresse
anonyme pardonnée par Jésus chez le pharisien Simon et
ceux de Marie de Magdala (= Madeleine) « dont étaient
sortis sept démons » (Luc, 8, 2)... Ces associations ont
contribué à accentuer l'idée de l'interdit du toucher. Il fallait montrer que Marie-Madeleine était une femme
« impure ». Cela s'est surtout transmis dans le dogme catholique. Rappelons que chez les chrétiens orthodoxes,
sainte Marie-Madeleine est demeurée l'apôtre des
apôtres, soit celle qui est le premier témoin de la résurrection du Christ.
Revenons maintenant à l'illustration qu'en donne notre
vitrail.
Paysage et personnages
Le lieu, le Golgotha de saint Jean, n'est pas si aisé à reconnaître. Certes nous pouvons bien voir qu'il s'agit
d'une colline, des arbres, sans doute des oliviers, s'y élèvent et le sol est assez rocheux. Pour nous aider également à nous situer, nous avons une croix discrète sur la
gauche, surmontant un caveau ouvert.
Pour ce qui est des personnages maintenant, nous voyons
Marie-Madeleine, implorante, à genoux, les deux mains
et le regard tendus vers le Christ. Ce dernier garde son
corps comme à distance, tirant même un pan de sa tunique comme en signe de protection. Les habits du Christ
restent assez fidèles à la tradition : il a d'abord un chiton
(= une tunique) blanc, symbole de pureté, évocation du
linceul. Il porte par-dessus un drapé rouge qui lui donne
une dimension seigneuriale. De sa main droite, il indique
la direction du ciel, rappelant par là sa dimension divine.
Placé un peu en arrière, il donne l'impression d'être plus
haut que Marie, comme si l'ascension avait déjà commencé. En revanche, son visage penché, ses yeux mi-clos
expriment sa compassion pour cette femme et plus largement pour la condition humaine.
Ce qui se joue dans cette scène, c'est bien le rapport entre
terre et ciel, humanité et divinité.
En observant de près le vitrail, nous distinguons les stigmates sur les mains et les pieds du Christ rappelant évidemment sa mort, de la passion à la crucifixion. Mais
son calme, sa sérénité, sa douceur montrent bien comme
il est au-delà de ça : il a vaincu la mort.
Si le Christ n'est plus un homme, il n'est pas encore un
Dieu. Mais le Christ est également en train d'entamer sa
« tournée d'adieux » avant sa montée définitive au ciel
(l'ascension) ; d'où le choix souvent retenu, parmi les
nuances de traduction de la formule « Noli me tangere »,
de « Ne me retiens pas » comme si le Christ signifiait à
Marie-Madeleine : Tu dois accepter la séparation. Il justifierait ainsi la situation dans laquelle il se trouve, et qui
est un des sens de la fête de Pâques : le passage.
Ainsi, toucher le Christ en tant que tel ne serait pas un
tabou. Le refus serait simplement adressé à MarieMadeleine pour rappeler la nouvelle nature de Jésus : un
gisant, revenu parmi les vivants, en train de « passer ».
Cette théorie fonctionne si l'on observe d'autres épisodes
de la vie de Jésus où il accepte d'être touché par des
femmes..
La première, atteinte d'une maladie qui lui fait perdre du
sang, vient toucher ses vêtements au milieu de la foule ;
elle guérit aussitôt. « Qui m’a touché ? » demande alors
Jésus avant de rendre hommage à la foi de cette femme
(Marc 5, 25 à 34).
La deuxième, sœur de Lazare (lui-même ressuscité par
Jésus et sorti du tombeau), répand un parfum coûteux sur
les cheveux et les pieds de Jésus. Judas déplorant le gaspillage, Jésus lui répondit: « Laisse-la garder ce parfum
pour le jour de ma sépulture. » (Jean 12, 7). Le toucher
rappelle ici la dimension tangible du Christ.
Toucher au mystère...
Si nous reprenons la démonstration pour ce qui se joue
dans la scène du vitrail, le refus d'être touché pourrait
porter sur une quasi impossibilité physique ou matérielle
puisqu'il est mort. Pourtant, cela ne tient plus lorsque
quelques jours plus tard, il dira à Thomas Didyme incrédule : « Avance ici ton doigt, et regarde mes mains ;
avance aussi ta main, et mets-la dans mon côté. » (Jean
20, 27).
Ces deux épisodes, de l'interdiction du toucher à MarieMadeleine à l'ordre de toucher à Thomas, reposent sur la
question du témoignage à venir. Certes l'évangile ne dit
pas si Thomas a effectivement touché le Christ ou non,
mais les représentations iconographiques de la scène le
montrent très souvent le doigt touchant la plaie de Jésus.
Dans l'imaginaire populaire, il peut ainsi fréquemment
passer pour le dernier à pouvoir témoigner de la réalité
tangible du Christ. Marie-Madeleine est quant à elle la
première à pouvoir témoigner que le Christ est vivant par
-delà la mort, ce que les Chrétiens célèbrent à Pâques.
D'autre part, il a suffi à Marie-Madeleine d'entendre la
voix de Jésus lui disant « Marie » pour le reconnaître.
Nous pouvons proposer alors comme traduction : « Tu
n'as pas besoin de me toucher », contrairement à saint
Thomas, la foi de Marie-Madeleine étant assez forte pour
croire en la résurrection du Christ sans y mettre les
mains.
Nous l'avons dit, la scène a été représentée par de nombreux peintres. Citons parmi eux les plus célèbres : Rembrandt, Dürer, Titien.
Certains ont choisi d'attribuer une pelle au Christ pour
illustrer la méprise de Marie-Madeleine qui prend
d'abord Jésus pour un jardinier. Nous pouvons dire que le
vitrail coublandi est resté sobre en la matière.
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Là où notre vitrail
diffère
beaucoup
des
tableaux, c'est
dans la proximité physique de
MarieMadeleine avec
le Christ : c'est
sans doute une
contrainte liée à
la faible largeur
caractéristique
du vitrail. Cela
permet en tout
cas aux mains, même si la perspective nous dit qu'il n'y a
pas contact, d'être représentées sur le corps du Christ. Or
ceci n'arrive jamais dans les peintures, où les corps restent à distance, le Christ effectuant même parfois un
mouvement de recul. Ici nous pouvons noter que Jésus
demeure assez stoïque, comme s'il était sûr que MarieMadeleine ne pourrait l'atteindre.
Par ailleurs, il est difficile de savoir si l'artiste qui a réalisé ce vitrail n'a pas voulu transgresser en quelque sorte
l'idée première du tabou du toucher. Ce serait sans doute
pousser trop loin l'interprétation que d'y voir là un privilège accordé à la sainte Patronne de notre village, fêtée,
rappelons-le, le 22 juillet...
D'autres « Noli me tangere »
Et puis comme pour montrer la célébrité de cette formule, l'expression « Noli me tangere » se retrouve dans
plusieurs domaines :
Tout d'abord chez les compagnons des temps anciens qui
pouvaient voyager de chantier en chantier en toute liber-
Corrigenda
Malgré nos relectures, nous avons laissé quelques fautes
dans la première édition de la revue de 2013.
Page 8. Félix Martin est né à Saint-Igny-de-Roche et non à
Coublanc.
Page 12. Erreur dans la légende de la photo d’en bas à
droite : il faut lire « Martin », et non « Perrin » !
Page 21. Dans l’encadré, le nom de l’auteur du texte a sauté : il s’agissait de l’abbé Pierre.
L’erreur la plus grave : la grille des mots croisés n’avait pas
les bonnes définitions ; celles de 2012 étaient restées en
place. Pour les lecteurs qui n’auraient pas reçu le rectificatif,
les voici ci-dessous.
Nous prions les lecteurs de nous pardonner ces négligences.
Horizontalement : A. Revue passionnante, écrite par des
passionnés (en 4 mots). B. Grands hommes. Réunion annuelle obligatoire des associations. C. Acronyme exprimant
l’amusement, très employé sur Internet. Entoura.
D. Désigne un film projeté dans sa langue d’origine. Gouvernai. E. Variété de langoustines frites. Cran en vrac. F. Fruit
des céréales. La 2013e après Jésus-Christ commence bien-
té. Si l'on cherchait à les arrêter, ils opposaient la formule
« Noli me tangere », rappelant par là qu'en qualité de bâtisseurs de châteaux ou de cathédrales, ils étaient intouchables. Cela leur était garanti par des protections ecclésiastiques ou seigneuriales.
Dans le Code Civil, la formule est l'affirmation du caractère sacré et de l'inviolabilité du corps humain.
Les sciences naturelles se sont également inspirées de la
formule :
Impatiens noli-tangere (la balsamine des bois) désigne
une fleur qui, lorsqu'on touche sa tige à l'époque de la
maturité, réagit en projetant des graines autour d'elles.
Epidares nolimetangere est un phasme (insecte ressemblant à une brindille) qui porte ce nom car il entre en catalepsie à la moindre menace d'un prédateur.
En médecine, la formule désigne un ulcère qui ne cicatrise pas et qu'il ne faut donc pas toucher si l'on veut espérer une amélioration.
Mais terminons en revenant à l'église de Coublanc ; nous
avons déjà répété que Marie-Madeleine en était la sainte
Patronne. Nous trouvons alors une autre représentation
de cette femme, sous forme de statue. Debout, elle y embrasse la croix, ses longs cheveux ondulés étant détachés
(contrairement au vitrail où ils sont attachés). Ce jeu sur
les cheveux n'est pas anodin : attachés, donc apprêtés
pour séduire, ils évoquent la pécheresse, voire la prostituée ; dénoués, ils évoquent la pénitence de celle qui s'est
convertie, en restant fidèle au Christ.
Ainsi Marie-Madeleine est toutes les femmes en une : de
la fautive Ève à Marie l'immaculée.
Régis Déal (Vitry-sur-Seine)
tôt. G. Diminutif du duplicateur à alcool. Pas bien.
H. L’automne est sa saison de prédilection dans les sousbois. Distance. I. Appuya. Nom d’un célèbre club de basket.
J. Le nouveau donne lieu à des festivités. Article. Demidieu. K. Qu’elles soient patronales, des classes ou de
l’Assomption, elles sont nombreuses à Coublanc. Fabriquer
à partir de rien.
Verticalement : 1. Elles sont nombreuses et chargées d’histoire dans le Brionnais, celle de Coublanc date de 1852.
Bruit de chute, ou nom d’un chien dans une célèbre blague.
2. Préfixe pouvant précéder -logisme, -phyte, -lithique, ou
même -nazi. Classe de l’école primaire. Dernier repas de
Jésus. 3. On en trouve 26 à Coublanc, de tous styles et de
toutes époques. 4. Dedans. Club de football encouragé par
Jacques Villeret dans « le dîner de cons ». Côte française
bordant la mer du Nord et la Manche. 5. Avec les taxes.
Enrobé de chapelure. En matière de. 6. Molécule extraite de
la fève de Calabar, appelée aussi physostigmine, utilisée
comme antidote de la belladone et du datura. Champion.
7. Île du littoral atlantique. Fête de fin d’année. 8. Radin.
Arbre libanais déraciné. 9. Prénom d’une fameuse institutrice de Coublanc, qui y a enseigné pendant des années et
même des décennies, jusqu’en 2011. 10. Note. Petit fleuve
côtier du Nord de la France. Il peut être contemporain, abstrait ou plastique. 11. Quinze Coublandis exercent ce beau
métier, sur une surface moyenne de 33 hectares.
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Des vacances
à Coublanc
entre 1946 et 1949
par Claude Latta
Le « bon air » de Coublanc
ma grand-mère avait eu l’idée de se réfugier à Coublanc (à 30 km de Roanne !) et avait loué, vite fait,
une maison – je ne sais pas laquelle – à la Place. Voilà toute la famille partie avec deux voitures vers Coublanc. Dans la première voiture, Grand-mère, tante
Jeanne et moi (2 ans). Tante Hélène conduisait la
deuxième voiture, chargée de valises et paquets de
toutes sortes : la deuxième voiture avait quitté la
route et avait « débaroulé » dans un « ravin », en tout
cas dans un fossé, et il fallut faire demi-tour pour récupérer la conductrice qui n’avait pas de mal. Une
fois arrivés à Coublanc, les Allemands étaient déjà
là ! Tante Jeanne se souvenait qu’ils passaient à toute
vitesse en faisant déraper leurs side-cars. On s’installa
cependant quelque temps à Coublanc : je pleurais
toutes les nuits, on me faisait prendre des bains de
tilleul pour me calmer. Pendant ce temps, mes grands
-parents maternels couraient en direction de la Corrèze (où ils avaient une maison) avec ma mère et mon
frère.
Je suis venu en vacances à Coublanc pendant les trois
mois d'été, juillet-août-septembre, en 1946, 1947,
1948 et 1949. Nous habitions alors à Roanne. Nous
arrivions à Coublanc début juillet et nous repartions
fin septembre : l’année scolaire se terminait le 14 juillet mais nous l’anticipions et la rentrée des classes
était le 1er octobre. Nous avions, mon frère jumeau
Julien et moi, entre huit et onze ans (nous sommes Pendant ce temps de la Débâcle, mon père, André
nés en 1938). Nous venions avec mes tantes – les Latta, et mon oncle Gaston Fournier – son beau-frère
sœurs de mon père – qui s'oc– étaient des soldats dans la décupaient de nous car notre maroute. Le premier, âgé en 1940
man était malade. C’est tante
de 42 ans, avait, à 19 ans, comJeanne qui restait avec nous. Le
battu à Verdun en 1917. Il se
reste de la famille devait venir
retrouva en juin 1940 en Hautetous les 8 ou 15 jours. Nous
Loire, vers Langogne, où son
venions dans la grande maison
régiment avait reflué, quitta son
qui est en face de l'église et qui
uniforme pour éviter d’être fait
nous était louée par M. et
prisonnier et rentra à Roanne.
Mme Montchanin, de la Place.
Le second, fait prisonnier en
C’était assez rustique mais cela
Champagne, vers Châlons-suravait le charme de la campagne
Marne, s’évada facilement alors
et de la nouveauté. Nous vequ’il était encore en France,
nions « prendre le bon air » –
passa par Paris où il fut hébergé
comme on disait à l'époque – à
par quelqu’un qu’il avait renCoublanc, à la suite d’une
contré dans le métro et qui, con« primo-infection » ; nous
sidérant sa mine, lui avait dit :
avions, comme on disait, « viré
« prisonnier évadé ? ». Il le lonotre cuti ». Il avait été quesgea une nuit et lui donna de
tion de nous envoyer en maison
l’argent pour prendre le train. Il
de repos mais nous avions prorentra chez lui à Roanne. Plus
testé de toute la force de nos
tard, les gendarmes vinrent les
huit ans et une autre solution
interroger – ils étaient menacés
Julien et Claude Latta devant la tonnelle
avait été trouvée : nous irions à
d’être
considérés
comme
dont on voit l’armature de fer
Coublanc le pays d’origine de
« déserteurs ». Il aurait mieux
notre grand-mère paternelle,
valu qu’ils se fassent prendre ou
Françoise Denis (à Coublanc, on l’appelait plutôt ne s’évadent pas ! Cependant les gendarmes n’insistè« Francine ») dont le père, Firmin Denis, avait été rent pas, ne firent pas de zèle.
boulanger et aubergiste à Coublanc. Cela nous a
Quelque temps plus tard, après toutes ces péripéties,
d’ailleurs bien réussi et notre santé s’est rétablie.
tout le monde se retrouva à Roanne…
Retour sur l’an 1940
Les contacts avec Coublanc n’avaient d’ailleurs jamais été rompus. En 1940, au moment de la Débâcle,
La maison du bourg
À Coublanc, nous sommes donc venus en vacances
en 1946-1949 : la maison était grande et nous dispo-
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sions de tout le premier étage. On montait par un escalier de pierre qui tournait et avait des marches de
calcaire jaune usées. À gauche en arrivant sur le palier, il y avait une immense salle dallée de briques
rouges, des tomettes non vernissées qui
« marquaient » les chaussures. Elle servait à la fois de
cuisine, de salle de séjour et de chambre. La partie
cuisine était rudimentaire, un lavabo en zinc avec un
réservoir au-dessus, un évier, un réchaud à butane et,
sans doute, une « cuisinière ». Il fallait tout apporter
de Roanne ; quand nous arrivions, la remorque était
pleine. Il y avait un lit à rouleaux au fond, dans lequel
couchait ma grand-mère quand elle venait. De l’autre
côté du palier, à gauche en regardant la maison, une
chambre à deux lits, puis une petite chambre dont la
vue donnait sur la cour de la ferme Druère. Dans la
grande chambre, il y avait deux « chromos » qui me
fascinaient et dont je revois chaque détail : L’Angélus
et
Roanne, nous la faisions prisonnière pour être sûrs de
ne pas la laisser et nous enfermions cette pauvre bête
dans un filet à provisions.
Au rez-de-chaussée, il y avait, d’un côté, à droite en
regardant la maison, une grande pièce où
M. Monchanin entreposait ses caisses de limonade et
de sodas (« à la saccharine », nous étions peu de
temps après la guerre). Merveilleuse boisson quand il
nous en donnait une bouteille !
L’épicerie d’Anna Dejoux
Toujours au rez-de-chaussée, de l’autre côté, l’épicerie était tenue par Anna Dejoux. C’était un peu un
capharnaüm où, dans un petit espace s’entassaient les
produits d’épicerie et de bazar les plus divers. Mon
frère m’a rappelé qu’on y vendait aussi des pierres à
sel que l’on plaçait dans les champs et que venaient
lécher les vaches, cela leur donnait, disait-on, des
« vitamines ». Comme nous embêtions sans cesse
Anna Dejoux en évoluant de façon désordonnée dans
sa boutique, elle canalisait nos énergies en nous confiant le soin de coller les tickets d’alimentation sur de
grandes feuilles quadrillées imprimées à cet effet et
qu’elle devait retourner comme justificatif. Les
« restrictions » et les tickets d’alimentation ont continué après la fin de la guerre. Le magasin n’était pas
tout le temps ouvert ; aussi les clients allaient-ils la
chercher chez elle, un peu plus bas dans le chemin
qui rejoint la route. Elle faisait souvent ce va-et-vient.
La pompe ; le bacha et le tonnerre
L’église vue en 2009 depuis la fenêtre de la chambre
où je couchais.. Soixante ans avant !
les Glaneuses, d’après Millet. De mon lit, je voyais
l’église : quand j’ai revisité la maison, en 2009 – 60
ans après ! – j’ai revu l’église dans le « cadrage » de
la fenêtre qui était resté dans ma mémoire !
Il y avait aussi un grenier : le soir, nous y mettions la
chatte, Chouquette, qui venait avec nous et qui, d’une
année à l’autre se reconnaissait dans la maison de
Coublanc. Quand l’une des fenêtres du grenier était
ouverte, elle se mettait sur le rebord et observait. Une
fois, en venant à Coublanc, on s’était arrêté à Charlieu. Voilà que la chatte s’était évadée de la voiture et
il avait fallu lui courir après dans Charlieu… pour
heureusement la rattraper. Nous avions eu bien peur
de perdre notre minette. Quand nous allions repartir à
Devant la maison, il y avait une pompe à main et un
bacha : on y prenait l’eau et les voisins aussi. On nous
avait fait des petits seaux avec des grandes boites de
lait en poudre de cinq litres pour que nous aidions à
monter l’eau. Le soir, toujours exactement à la même
heure, 9 h ou 10 h, M. Comte, un voisin, venait chercher de l’eau et on écoutait le bruit de la pompe ;
nous étions déjà couchés. Il y avait aussi une tonnelle
devant la maison avec un asparagus, dont le nom
m’enchantait, et un sorbier qui donnait des boules
rouges qu’il ne fallait pas manger. L’asparagus existe
toujours : la dernière fois que je suis allé à Coublanc,
j’en ai cueilli un brin ; mais la tonnelle a disparu. Je
me souviens aussi d’orages très forts. Grand-mère
nous avait appris à compter la distance entre l’éclair
et le coup de tonnerre : tant de secondes, c’est à tant
de kilomètres que la foudre est tombée. D’ailleurs, un
jour que nous revenions de la Place vers le bourg par
le chemin de la Ramborgne et que l’orage avait éclaté, la foudre est tombée juste devant nous sur un arbre
qui a pris feu. Nous n’en menions pas large.
Parfois nous étions malades – sans doute un gros
rhume ou la grippe – ce qui suscitait une inquiétude
excessive parce nous avions eu cette « primo-
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infection » dont j’ai parlé. Les remèdes étaient classiques : lit, cataplasmes de farine de lin, diète et
bouillon de poireaux ! Je me souviens d’avoir eu une
forte fièvre, j’avais des hallucinations, je voyais des
monstres sur le mur de la chambre. Mon souvenir en
reste très vif. La pièce me semblait tanguer. Le soir,
avant de se coucher, on nous faisait avaler une gousse
d’ail, remède bon, paraît-il, pour tuer les vers. Mais,
le lendemain matin, l’haleine devait être forte ! Les
remèdes traditionnels étaient parfois inattendus : ma
grand-mère racontait que, jeune, vers l’âge de quinze
tuel du monument aux morts – traversait la place et
allait prier dans l’église. Nous allions à la messe. Au
moment où on dit les intentions de prières, le curé
lisait un interminable nécrologe et, à la demande de
ma grand-mère, nous faisions attention à ce qu’il dise
bien « famille Denis » (mes ancêtres coublandis) dans
la liste des familles inscrites pour les intentions de
prières (« prions pour… »). Il y avait aussi les vêpres
mais je ne pense pas que nous y allions toutes les fois.
Lorsqu’il y avait un mariage ou un baptême, on lançait aux gamins du village des dragées et des sous
(des pièces percées d’un trou, pièces de 5 c, 10 c et
20 c et des pièces blanches de 1 F qui avaient encore
le portait du maréchal Pétain et la francisque de l'État
français. Mais les garçons du village avaient plus
d’entraînement que nous et on ne ramassait pas grand
chose. À la messe, Anna Dejoux tenait l’harmonium
et elle et sa sœur Clotilde chantaient avec foi et entrain.
Nous avions des amis. Mes tantes s’étaient liées avec
les demoiselles Dejoux, M. et Mme Monchanin, M. et
Mme Francisque Buchet et Joannès Demont.
Devant l’église, le monument aux morts,
qui était alors au milieu de la place
ans – en 1885 – « elle avait manqué de fer » (un peu
d’anémie sans doute) : tous les dimanches matin, elle
avalait un verre d’eau dans lequel avaient trempé des
vieux clous rouillés !
Nous jouions avec Alice Monchanin, notre amie
d’enfance, que j’ai revue à plusieurs reprises : en
1996, Danièle, mon épouse, et moi nous avions mené
Tante Hélène (elle avait alors 91 ans, et qui est morte
en 2004 à 99 ans) pour lui faire revoir Coublanc. Je
me suis arrêté chez Alice en disant « Qui suis-je ? »
et, bien que nous ne nous soyons pas vus depuis
25 ans, elle m’a dit : « Dody » (mon surnom d’enfant). Nous étions tous – Danièle, Tante Hélène et
moi – rentrés chez elle qui nous a reçus dans la vieille
maison (elle traversait la route plusieurs fois par jour
entre sa maison neuve et la vieille maison où avait
habité sa mère et où se trouvait la fabrique de limonade. Nous avons parlé de nos enfants. J’ai, depuis,
appris avec tristesse la mort d’Alice en 2006. Sur une
photo, prise dans la cour des demoiselles Dejoux,
nous sommes déguisés, elle, mon frère et moi.
Les demoiselles Dejoux
L’église
L’église était en face de chez nous : une immense
église construite au XIXe siècle (1851-1852), en style
néogothique. Les vitraux me semblaient très beaux :
je me souvenais du vitrail de saint Hubert, avec le
cerf qui a une croix au-dessus de la tête : j’ai vérifié,
il est toujours là et mon souvenir était bon ; le curé
était un vieux prêtre qui avait l’air fatigué et était peu
causant. J’ai appris depuis qu’il s’appelait Joseph
Gras (il est mort en 1963). En fin d’après-midi, il sortait du presbytère – situé près de l’emplacement ac-
Alice Monchanin
En 1947 ou 1948
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Les
demoiselles
Dejoux
étaient nos voisines et amies,
très pieuses et très enjouées –
« marrantes », disait-on. Anna
tenait l’épicerie et Clotilde
faisait les piqûres, courait la
campagne en vélo pour aller
les faire – bénévolement – et
en avait même fait au « père
curé » qui, elle en faisait un
récit inimitable, ne voulait pas
lui faire voir ses fesses ! Elles
avaient deux métiers à tisser
qui occupaient une partie du
rez-de-chaussée de leur maison et qui leur permettaient de compléter les revenus de l’épicerie. Anna
tenait l’harmonium pendant les offices religieux et en
avait aussi un chez elle, pour « s’entraîner ».
Les métiers à tisser battaient un peu partout. Nous
Hélène, Claude et Alice en 1996
Devant la fabrique de limonade
adorions voir taper la navette. Le « soyeux » de Charlieu passait de temps en temps chercher les rouleaux
de rayonne et de fibranne. Il y avait des usines, surtout celle de Cadolon mais c’était loin du bourg et
nous n’y allions pas souvent. Il y avait plus d’habitants à Cadolon
que dans le bourg.
Dans le bourg, il
y avait l’usine
Perrin ; on disait
qu’elle fabriquait
de la toile pour les
parachutes (c’était
l’époque de la
guerre
d’Indochine).
Anna et Clotilde
étaient
très
pieuses, mais malicieuses et moqueuses.
Elles
habitaient
dans
une petite maison
à la façade étroite,
maison bien coquette et bien teDans la cour de la maison Dejoux,
nue qui donnait
Alice déguisée avec les vêtements
de deux côtés :
de Julien,
sur la route et sur
Claude avec ceux de sa grandle chemin en
mère, Julien avec ceux d’Alice...
terre, à l'époque,
qui va de l’église
à la poste aujourd'hui devenue maison particulière
(celle de Jeannine Lacôte). Du côté de la route, il y
avait une toute petite cour allongée, close par une
haie de troènes taillée au cordeau. Près de la route, il
y avait aussi des cabanes à lapins et une cabane pour
les poules qui allaient en liberté dans le bourg. Clotilde allait le long de la route pour ramasser de l’herbe
pour ses lapins et des orties – qu’elle prenait à pleines
mains – pour la bouillie donnée aux poules. Quand
Clotilde (sa sœur l’appelait Néné) avait bu un petit
coup, elle chantait volontiers et trinquait en disant :
« À la prospérité de votre commerce ! » Le matin,
elle faisait un petit casse-croûte avec des gratons et a
vécu jusqu’à plus de cent ans. À la fin de sa vie, elle
perdait un peu la tête et, une fois que nous étions allés
la voir, elle m’avait appelé Antonin, du nom de l’un
des mes oncles qu’elle avait connu enfant et qui est
mort à 28 ans en 1924. Elle s’était trompée de génération mais pas de famille ! C’est la première fois que
je me suis vraiment rendu compte que l’on pouvait
perdre la mémoire.
Les « demoiselles » avaient un frère curé qui venait
en voiture les voir de temps en temps. Elles étaient
pour lui aux petits soins et l’entouraient avec respect.
Lui arrivait en voiture depuis sa paroisse du Charolais, était assez discret et se laissait servir comme un
pacha. Il avait sa chambre réservée dans leur petite
maison. Elles avaient eu aussi une sœur morte de la
grippe espagnole. Celle-ci avait fait beaucoup de
morts à Coublanc.
Les soirs d’été tante Jeanne et les « demoiselles » se
réunissaient. On chantait : « Kénavo »,
« Ramuntcho » et d’autres chansons. Anna accompagnait ces chansons profanes à l’harmonium… Quand,
il faisait mauvais, on jouait aux petits chevaux ou aux
dames. On regardait des photos anciennes. Tante
Jeanne faisait voir les photos de l’époque où, à
18 ans, elle était infirmière auxiliaire avec de jeunes
Américaines venues à Roanne soigner les blessés et
avec lesquelles elle était restée en relation. Clotilde
disait : « Ah, on va regarder les Américaines ! »
M. et Mme Buchet
M. et Mme Buchet habitaient dans l’école publique
qui était à côté de la cure. M. Francisque Buchet
avait, en montant vers la mairie à droite, un atelier où
il avait au moins six métiers qui faisaient un bruit
d’enfer. Sa femme, Germaine, née Boutculet, était
institutrice publique et nous jouions aussi avec leur
fils, Michel Buchet qui était un peu plus âgé que
nous. Fils unique, il était content de trouver des copains et nous aussi. Il venait chez nous quand il était
interne au lycée de Roanne (nous étions ses correspondants, nécessaires pour que les internes puissent
sortir). Nous l’avons malheureusement perdu de vue
depuis longtemps. Les Buchet avaient une maison à
l’Orme, dans l’angle aigu entre les deux routes venant
du Bourg et du Pont des Rigolles, où ils se sont ensuite retirés.
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Nous avions fait mieux se comprendre les Buchet
(Mme Buchet, institutrice laïque) et les demoiselles
Dejoux (qui n’en avaient que pour l’école libre). Les
demoiselles avaient été impressionnées parce que,
mon frère et moi, nous avions fait notre première
communion, à laquelle elles étaient invitées, dans la
chapelle du lycée (public) de Roanne : il avait une
chapelle parce qu’il avait été un collège de Jésuites.
Ce signe de tolérance et d’ouverture du lycée – qui
avait un aumônier – fit merveille.
Comme voisins, nous avions aussi, de l’autre côté de
la ruelle, les Berthillot, qui exploitaient une ferme –
la « ferme André » - qui appartenait à la commune –
et qui est aujourd’hui démolie et transformée en parking. Il y avait une fille de notre âge – je ne me souviens pas de son prénom – mais nous n’osions pas
bien lui parler. Le « père Berthillot » prêtait son cheval pour tirer le corbillard.
Les Monchanin
Nous allions souvent à la Place, où habitaient les
Monchanin. Chez Monchanin, la vieille maison un
peu sombre sentait l’encaustique. Chose extraordinaire, il y avait le téléphone, un téléphone ancien à
manivelle : on appelait d’abord la poste et on demandait un numéro. La fabrique de limonade (« La Régionale ») a fonctionné jusqu’en 2006 ! Elle était de
l’autre côté de la cour. Il y avait la grand-mère Lacroix, sa fille Léa et le mari de celle-ci, Antonin Monchanin. Il avait été très marqué par la mort de son fils
aîné qui s’était noyé accidentellement en se baignant
dans la Loire le jour même où, le matin, il avait passé
le brevet.
Àsuivre
Claude Latta (Montbrison)
On s’en souviendra
Un hiver 2012/2013 qui n’en finit pas
Sans qu’il ait fait bien froid, la France entière a eu
l’impression de n’en jamais finir avec un hiver qui a
grignoté le printemps… La végétation a eu presque
un mois de retard, mois qui s’est répercuté jusqu’à
l’automne.
La Grotte de Lourdes rajeunie
Depuis quelques années, l’AAGLC s’inquiétait des
risques de chute d’arbres en cas de tornade : cela
aurait pu causer des dégâts à la maçonnerie de la
Grotte, mais, bien pire, à des visiteurs ou des pèlerins.
Le lundi 21 octobre, la mairie a fait procéder à l’abattage de deux feuillus dans le parc de la grotte, et des
six conifères au-dessus de la grotte elle-même. Le
travail a été exécuté par l’entreprise de Dominique
Lamure aidé des bénévoles de l’AAGLC. L’association a ensuite débarrassé le bois tombé, les grands
troncs ayant été débités par la scierie de Cadollon,
au profit final du CCAS de Coublanc.
Le résultat est bien sûr un changement de physionomie des lieux, qui ressemblent plus désormais à ce
qu’ils étaient en 1936. La seule crainte des bénévoles : un soleil trop vif le 15 août prochain...
L’association compte replanter au début de 2014.
Travaux communaux
L’enfouissement des réseaux électriques et téléphoniques a été terminé à la Croix-du-Lièvre.
La façade nord de la mairie a été recrépie.
Le parking de l’école privée a été goudronné à neuf.
L’entrée de la Salle pour Tous a été joliment redessinée pour les personnes à mobilité réduite.
Novembre blanc
Le 19, une neige lourde comme celle de novembre
1982 s’est appesantie sur la Loire et une partie du
Rhône et de la Saône-&-Loire. À Coublanc, il en est
tombé près de 35 cm. Beaucoup d’arbres ont été
ébranchés, et certains renversés ; beaucoup de
lignes de téléphone ou d’électricité ont été arrachées.
Plus jamais « Chez Mimi » !
Le 6 décembre, après 18 ans de bons et loyaux services au dépôt de pain, à l’épicerie et au café du
Bourg, Michèle Bernillon a fêté sa retraite, avec
nombre d’amis, dans le Hall des loisirs, Elle avait su
mettre de la gaîté dans Coublanc, et comme l’a fait
remarquer M. le Maire, elle jouait un peu le rôle d’un
psychologue, par son écoute attentive des clients.
Le Bulletin de Coublanc 2014
Le Bulletin de Coublanc, sous la direction de David
Buzet-Bague, présente notre revue : rendons-lui la
pareille, pour
continuer
à
vivre en bonne
entente.
Cette année,
en particulier,
deux
pages
préparées par
Pierre
Degut
présentent des
actes de la
mairie en 1914.
On peut voir
les soucis que
la mobilisation
et les premiers
mois de guerre
causaient
au
Conseil municipal.
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Souvenirs d'enfance et
de service militaire au
Maroc
La plus perfectionnée des machines
ne fera pas oublier le tissage à bras
... et cependant cette noble profession
tend à disparaître
Marcel Bertillot est un ancien de la Belle
Époque : il est né à Écoche en 1900 […] À 14
ans, au domicile paternel, le petit Marcel faisait
déjà fonctionner son premier métier […] Depuis,
du même geste à la fois souple et rythmé,
M. Bertillot n'a jamais cessé de tisser. Au hameau Fillon, où il habite maintenant, M. Bertillot
se considère comme le premier « moteur » de
son usine ; son épouse le second. Ces moteurs
ont travaillé pour le bien des industries charliendines. À la maison Maillet, par exemple, qui groupa jusqu'à 400 tisseurs à bras !
M. Guilhaud, industriel charliendin, nous précisa
à ce sujet qu'il devait bien y avoir vers 1920 près
de 1 500 de ces artisans dans la seule localité de
Coublanc. Maintenant, pour toute la région, il
n'en reste plus qu'un à Écoche et deux à Villers.
de Maurice Bertillot
Je suis né le 30 janvier 1936 à Charlieu.
Mon père, Marcel, et son épouse, Alice Gelin, habitaient le hameau appelé soit La Forest, soit Fillon, à
Écoche. Cela a dépendu de l'existence puis de la disparition d'un chemin entre ces deux hameaux.
Des parents tisseurs à bras
Mon père était tisseur à bras à domicile : il a fait
fonctionner son unique métier jusqu'en 1966, sans
jamais recourir à l’électricité. Ma mère, après nous
avoir éduqués, a eu elle aussi un métier à bras. Tous
deux produisaient de la soie naturelle de qualité, ce
qui demandait un grand savoir-faire.
De plus, nous avions un potager et une vache.
Nous étions trois enfants, Clémence (née en 1930),
moi (1936) et Denise (1940).
Je suis allé à l'école à Écoche. Il y avait une école
tenue par des religieuses, réservée aux filles, dans le
quartier du Couvent ; mais j'ai été élève successivement dans les deux écoles publiques. Les petits allaient à celle d'en haut, sur le chemin qui monte en
face de l'église, à gauche. À mon époque, c'était ma
tante Céline Bertillot, belle-sœur de mon père, qui
était institutrice. Puis je suis allé à la grande école,
tenue par un maître, qui occupait la maison de l'actuelle mairie. J'ai passé à 14 ans mon certificat
d'études, à Belmont.
Les étés de mes 13 et de mes 14 ans, j'ai été embauché comme aide par un voisin cultivateur, Léon Verchère.
À la fin de ces deuxièmes « vacances », et de cet été
qui a suivi ma réussite au certificat, mon père voulait
que je me mette au tissage avec lui : il aurait équipé
Des travaux incomparables
Les travaux de ces ouvriers de la soierie et du
textile sont cependant incomparables.
M. Bertillot a travaillé longtemps pour les établissements Tassinari, de Lyon. Il aurait la possibilité
de faire figurer quelques autres références sur sa
carte de visite, et pas des moindres.
Fournisseur du roi Carol de Roumanie, en 1937 ;
plus près, en 1959, il a tissé des étoffes commandées pour la restauration du château de Versailles. […]
Le moteur s’arrête sur commande...
« C'est très simple, continue M. Bertillot, s'il n'y a
pas de défaut, c'est que, au moindre ennui, le
« moteur » s'arrête tout seul. » Le réflexe de
l'homme est encore le plus rapide et le plus infaillible des rhéostats ! »
Nous faisant alors une brève démonstration du
mouvement dit de « taffetas », notre tisseur s'installe aux commandes de son métier.
Et... en avant ! Par une sèche pression du pied
sur une sorte de pédale, la navette « claque ».
D'un mouvement précis, le bras du tisseur ramène le « battant » qui arrive avec précision le fil
sur la trame. Tout ceci a l'air très simple. Ces
gestes sont d'un perpétuel recommencement,
une fois à droite, une fois à gauche, la navette
voyage. [...]
Claude Guilbert, dans un journal local de 1960
une cabine avec des métiers électriques. Mais je lui ai
dit que je voulais apprendre un autre métier.
J'ai d'abord songé à me faire apprenti-boucher. Un
jour de la fin d'août 1950, je prends le vélo familial,
un vélo de femme, et je descends au Bourg pour en
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parler avec le boucher d'Écoche, qui occupait la partie
droite de la maison du café Chassignol, au coin de la
place de l'église et de la route de Belmont. Je lui demande s'il cherchait un apprenti. « Non, me dit-il. Il
vaudrait mieux que tu trouves une plus grande boucherie... »
Je sors, je reprends mon vélo, et je continue jusqu'au
pont des Rigolles, au garage Barriquand.
que moi, avait dû passer trois fois le conseil de révision, et ce n'est qu'au troisième qu'il avait été jugé
apte. Il était mince et menu, et avait eu peu auparavant
un accident de moto... Il ne réussit donc pas à marcher
sur les traces de son frère Maurice, qui avait réussi à
échapper au service en se privant de nourriture un bon
bout de temps, pour paraître trop fragile pour le régiment et ne pas faire le poids. Il faut dire que Maurice
était soutien de famille, puisque son père était mort
quand il avait douze ans.
René et moi avons reçu ensemble notre convocation,
et nous avons passé
ensemble les huit
jours qui nous séparaient de notre
départ pour l'armée.
En route pour le
Maroc
Carte postale d’époque, avec l’école à gauche,
et la maison Chassignol au fond
Mécanicien chez Ferdinand Barriquand
Je demande à Ferdinand s'il veut bien me prendre
comme apprenti. À ce moment-là, il n'avait pas d'ouvrier. Il venait d'accepter un autre apprenti, trois mois
plus tôt, c'était Maurice Verchère, de Saint-Igny-deRoche. Ferdinand me répond oui, mais dit qu'il faut en
parler avec mon père.
Le lendemain ou tout comme, mon père et moi descendons à pied au Pont des Rigolles : nous n'avions
qu'un seul vélo ! L'accord se fait, Ferdinand me prépare un contrat.
J'ai donc commencé à travailler en septembre. Ferdinand a déniché dans son grenier un vieux vélo pour
me permettre de venir d'Écoche. Il avait appartenu à
Jean Plassard d'Écoche : sa plaque l'indiquait. Pour les
repas de midi, mon père a pris contact avec des connaissance du voisinage, M. et Mme Damas, qui
n'avaient pas d’enfants. Ils étaient tisseurs sur métiers
mécaniques. Ils habitaient, au Foron, à gauche en allant vers le Pont des Rigolles, la maison qui est avant
celle des Déchavanne aujourd'hui. Ils m'ont reçu à leur
table à midi, mais j'apportais mon repas.
J'ai fait ainsi trois ans d'apprentissage, jusqu'à l'âge de
17 ans, puis Ferdinand m'a gardé comme ouvrier jusqu'à mon service militaire.
Une anecdote : il y avait quand j'étais ouvrier un apprenti de Chenay-le-Châtel, près de Marcigny. Il
n'était ni doué ni attentif. Il faisait des conneries, et un
jour Ferdinand voulut lui donner une bonne correction. Il lui courut après, mais c'est lui qui se fit mal au
pied !...
On passait le conseil de révision quelque temps avant
ses vingt ans. J'ai été jugé apte pour le service. Mon
ami d'Écoche René Monnet, qui avait trois ans de plus
Le mardi 3 juillet
1956, René et moi
avons été conduits à la gare de Chauffailles par Maurice Monnet, en voiture. Nous avons pris le train de
Lyon. C'était, à vingt ans, mon premier vrai voyage.
J'étais parfois allé à Pont-Trambouze en car pour
rendre visite à ma marraine. L'armée payait le trajet en
train. Nous nous sommes rendus à la caserne de la
Doua, où nous avons passé trois jours occupés par des
piqûres et des visites médicales. Là, je quittais René :
il était affecté à Montélimar pour ses classes, et partirait ensuite en Algérie, où la situation commençait à
devenir tendue. Quant à moi, tout à fait par hasard,
j'étais affecté au Maroc.
J'ai pris le train de Marseille, puis, nous avons été embarqués sur le Koutoubia, un bateau régulier sur cette
ligne de la Compagnie de Navigation Paquet. Il mesurait cent trente mètres de long. J'étais étonné par le
nombre de camions et de voitures qui pouvaient
trouver
place sur le pont.
Je n'ai pas tellement profité des
charmes éventuels de mon
La caserne de la Doua
premier voyage.
en carte postale
Il y avait en moi
de
l'appréhension : la première fois que l'on monte en bateau, on ne
se sent pas bien sûr. Nous avons fait l'essentiel du
voyage dans les cales, sauf deux heures de sortie sur le
pont chaque jour. J'ai vu des poissons volants et un
requin. Le trajet jusqu'à Casablanca dura trois jours et
deux nuits, avec une escale de deux heures à Tanger.
Je n'ai pas trop eu le mal de mer. Mais ce n'était pas le
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cas de tous. Beaucoup vomissaient. Cela ne sentait pas
bon dans les cales ! Et comme nous étions sur des lits
superposés, il fallait parfois se garer de ce qui était
propulsé d'en haut ; y avait intérêt à se sauver à
temps ! Assis sur mon lit, appuyé sur une caisse, j'ai
écrit un mot à ma famille au dos d'une carte postale
représentant le Koutoubia. La voici.
Nous sommes arrivés le soir à Casablanca. Nous
avons pris un train de nuit pour Fez.
Le lendemain, c'était un samedi, la fête du 14 juillet.
Nous n'avons pas défilé : nous ne savions pas faire,
mais nous avons regardé les autres défiler, et nous
avons déjeuné avec eux au réfectoire : c'était un bon
repas de fête, et on s'est dit que l'armée aurait du bon,
si on mangeait tous les jours aussi bien...
Après le repas, il a fallu aller s'installer dans nos
chambres. Le bâtiment était à huit cent mètres du réfectoire. Nous avons parcouru cette distance à pied,
mais sous un soleil terrible et par une température de
50°, plusieurs ont fait des malaises et ont dû être secourus. Pour ma part, j'ai tenu bon, mais le lendemain
j'avais les oreilles et le nez rougis : ça a tout pelé !
Une des choses qui nous a surpris le plus, c'était de
voir la campagne complètement brûlée par le soleil,
sans plus de verdure du tout.
Nous avons occupé des dortoirs provisoires, avant
d'être installés dans nos chambrées de vingt-cinq à
trente places.
Nous avons fait à Fez nos quatre mois de classes. L'essentiel se passait à la caserne, dont nous ne sortions
jamais, sauf pour aller à quelque distance au stand de
tir, ou faire quelques patrouilles dans la ville marocaine.
Il y avait avec
nous des rappelés : la guerre
d'Algérie en était
la cause. Je ne
connaissais aucun de mes camarades. Il y avait eu deux mois avant moi un autre
Écochois, Jeannot Sarnin, le fils du boulanger.
L'hiver était venu. Je n'ai pas souvenir qu'il fît froid,
mais il pleuvait beaucoup.
Nous n'avons pas eu de permission avant Noël. En
Notice sur le Koutoubia
Le Koutoubia a été construit aux chantiers de La
Seyne en 1930.
Son mobilier en inox a été réalisé par Jean Prouvé. Son escalier Art nouveau a été monté à Toulon par Pierre Missey, premier compagnon de
Jean Prouvé. On y voit l’utilisation unique de
l’acier inoxydable poli.
Le Koutoubia assura la ligne CasablancaMarseille de 1933 à 1961 pour la compagnie Paquet. Ce paquebot eut une vie mouvementée,
entre autres :
Lors d'un combat le 29 septembre 1936, au sud
de Malaga (Espagne), une unité de la marine
nationaliste, le croiseur Canarias, a coulé le destroyer Almirante Ferrándiz du gouvernement de la
République espagnole. Le paquebot Koutoubia
(capitaine Lelond), parvenu sur zone, a sauvé
une quarantaine de naufragés.
Alors réquisitionné comme croiseur auxiliaire, il
est prévu pour l'expédition de Norvège en mai
1940. Il transporte, au sein du convoi FP5 […].
Mais c'est finalement pour la France que le convoi appareille de Greenock.
Lors des bombardements allemands du port de
Bougie en novembre 1942, le Koutoubia a dû être
sabordé pour maîtriser l'incendie dont il était victime. Il sera renfloué et perdra une cheminée.
Il sera renommé Phocée en 1961, pour servir au
sein de la Compagnie française de navigation
créée par Paquet pour sa ligne Marseille-Israël
afin de contourner le boycott de la ligne arabe
contre les compagnies commerçant avec ce
pays. Mais deux ans plus tard, il sera désarmé...
fait, à Fez, j'ai passé deux mois de classes en plus, le
« peloton », parce qu'on pensait que je pourrais avoir
un petit grade. Mais cela ne m'intéressait pas.
Au début de l'année 1957, j'ai été muté à Rabat, pour
une quinzaine de jours, en caserne.
Tout par un coup, le soldat Bertillot que je suis est
affecté à Casablanca, au 41e régiment de transmission.
Dix-huit mois à Casablanca
J'y passe d'abord quelques jours d'adaptation. Puis le
capitaine me convoque : Quelle est votre profession ?
– Mécanicien. – Voulez-vous continuer à être mécanicien ? – Oui, que je réponds. On m'affecte donc au
service du garage, à l'intérieur de la caserne.
J'étais d'abord au premier échelon des mécaniciens ;
j'étais cantonné aux tâches les plus sommaires : lavage, nettoyage, vidange des véhicules. Ces véhicules
étaient des jeeps, soit des Willys américaines, soit des
Delahaye françaises, ainsi que des GMC à six roues
produits par une branche de General Motors, et des
Dodge.
Un jour, mon sergent-chef me demande de changer un
En ce Temps-là 2013
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pneu. « Je n'ai pas le droit de le faire ! – J'ai le droit de
te le faire faire ! » réplique le chef.
La hiérarchie était ainsi faite : deuxième classe ; première classe ; maître-ouvrier (c'est ce que j'étais en
arrivant à Casablanca ; caporal ; caporal-chef, grade
que l'on obtenait toujours au bout de vingt-quatre
mois. Un caporal ou un caporal-chef avait une solde
non négligeable : elle a été supprimée au moment où
j'arrivais à ces grades ! C'est le même genre de malchance qui m'a fait faire quelques mois de plus que ce
qui était prévu...
Il y avait un grand
nombre de camions en
stock, qui ne servaient
pas tous ou pas souvent,
mais il fallait que je les
passe en revue et qu'ils
soient tous nickel.
J'ai participé à quelques
manœuvres. On faisait
quelques patrouilles en
ville, mais vu mes occupations de mécanicien, j'y participais peu.
C'est dans cette caserne de Casablanca que j'ai passé
l'essentiel de mon service, tandis que bon nombre de
camarades de mon contingent ont été redirigés en Algérie. Ceux qui restaient à Casablanca et qui n'avaient
pas la chance de faire une activité intéressante, comme
moi, passaient leur temps à être chauffeurs, à faire
quelques marches et à balayer la cour de la caserne...
La caserne était sur la frange de la ville.
En fait, il y avait dans le coin tout un ensemble de bâtiments militaires, avec divers corps, des Spahis, des
Tirailleurs sénégalais, qui étaient les vrais rois et qui
avaient droit à un bordel militaire.
Mon 41e régiment des Transmissions avait la charge
de postes de radio HF qui faisaient une chaîne, répartis régulièrement sur une ligne qui allait de Casablanca à Fez en passant par Rabat, El Kansera et Meknès
et qui étaient installés sur les sommets à une cinquantaine ou une centaine de kilomètres de ces villes. Ces
sommets du Moyen-Atlas peuvent atteindre deux
mille mètres. Deux ou trois fois par an, nous partions
à trois dans une jeep Willys, le chauffeur Besnard
(mon ami), le sergent-chef Belnet et moi derrière, avec
la caisse à outils qui sautait à chaque irrégularité de la
piste. Un jour, nous avions pris un peu de retard. Le
chef dit au chauffeur d’accélérer, ce qui fait qu'il est
sorti de la piste, que son casque lui est tombé sur les
yeux, et que le sergent a dû le remettre en place. Le
but de ces tournées était d'aller vérifier le groupe électrogène de chaque station, et de réviser et vidanger les
camions affectés à ces stations : c'était ma tâche.
À la caserne, tous les jours, à midi, il y avait le
« rapport », au cours duquel le courrier était distribué
et les directives étaient données. Souvent, mon chef
m'exemptait d'y aller : « Si tu as quelque chose à faire,
tu ne vas pas au rapport. »
La discipline fait la force principale des armées
Mais d'autres soldats s’exemptaient d'eux-mêmes, si
bien qu'un jour, pendant que je travaillais, un camarade vient me prévenir : « Le chef Lespart te demande ! » Ce sergent était une « tête de con ».
Quelques jours auparavant, pour lui faire plaisir,
j'avais réparé non sans difficultés la voiture de sa petite amie, une Fiat. Je pensais qu'il allait me laisser
tranquille. Au rapport, il nous punit d'une demi-heure
de marche autour de la cour, en plein soleil (50°!). Je
renâcle, mais mes camarades me disent de rester dans
le rang. Au bout d'un moment, je finis par quitter les
rangs avec mon fusil, et d'aller demander au chef
quand il arrêtera cette idiotie. Il m’emmène devant son
supérieur, le capitaine Raguenet, sec, mais pas si bête
que lui ; il avait une
traction. Il s'adresse
d’abord au sergent :
« Vous pouvez disposer ! ». Puis il me réprimande un peu,
mais pas plus que ça :
« Ne recommencez
pas ! ».
Il faut dire que j'entretenais pas mal de véhicules privés des petits gradés... J'avais une position un peu privilégiée.
Ainsi, une autre fois, je devais changer la coque sur
une traction accidentée, celle de l’adjudant-chef Navarre. Ce gradé ne voulait pas que sa femme le sache
trop... « Bertillot, me dit-il, tu ne vas pas au rapport,
mais tu travailles sur ma traction. » Je démonte sa voiture, mais voici que c'est samedi après-midi. On a une
perm, et je sors de la caserne avec trois ou quatre camarades. On est rentrés un peu en retard, vers
11 heures, et au retour on est accueilli au poste de police de la caserne. L'un d’entre nous dit au gardien :
« Tu ne vas pas nous emmerder!... ». Le chef dedans
entend cela et réplique : « Qu’est-ce que vous dites ?
Entrez ». Le camarade dit : « On n'a pas fait bien de
mal ». – « Ça vous apprendra ! Au poste ! » Or, ce
soir-là, c'était justement l'adjudant-chef Navarre qui
était de permanence. Il venait contrôler le poste de
police de temps en temps. Il vient. Il voit Bertillot et
ses copains : « Qu'est-ce que vous faites là ? » – « On
En ce Temps-là 2013
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n'a rien fait de bien spécial... » – « On n'arrête pas ce
qui n'ont pas fait grand' chose ! Les autres, 48h de trou
ou de corvée. Bertillot, toi, demain matin – c'était dimanche – tu retournes sur ma voiture. » – « Je ne peux
pas faire
le travail
tout
seul. » –
Je vais te
trouver
deux
gars. »
Mais il
n'a pas
choisi
mes copains...
Comme les camarades de mon contingent d'appelés,
j'ai eu droit à une longue permission en juillet 1957 :
trois semaines, avec le transport payé vers la France.
À l'aller, j'ai pris le même Koutoubia qu'en juillet
1956. Il était simplement un peu moins chargé en camions. J'ai fait en sens inverse le parcours Marseille –
Lyon – Chauffailles – Écoche. Je suis reparti par Marignane, en avion. C'était un Bréguet deux ponts.
Nous avions de temps en temps une permission pour
sortir en ville l'après-midi. Quand il faisait trop chaud,
on ne sortait pas tout de suite. Si on se mettait en civil,
il fallait être prudent, et ne pas se faire prendre. On
allait un peu dans les souks, ou au marché, où il y
avait quantité de bourricots qui tiraient des charrettes
chargées de légumes. Une fois, un camarade pied-noir,
qui avait des permissions du samedi midi au dimanche
soir, parce qu'il avait sa famille à proximité, nous a
emmenés à la pêche à la grenouille dans un oued.
« C'est dangereux ? » – « Pas plus qu'ailleurs ! » Je
n'ai pas souvenir d'autres activités intéressantes, ni de
diffusion de films, ni de lectures, ni d'aumônerie militaire.
La quille
Mon service dura jusqu'en octobre 1958. Je devais être
libéré en juillet, au bout de 24 mois. Mais il y a eu des
prolongations, à cause de la guerre d'Algérie, et j'ai
fait 27 mois. J'ai revu Jean Sarnin dans ma caserne : il
avait la quille, lui, et pouvait rentrer à Écoche ! Deux
mois plus tard, c'était à nous de rendre notre paquetage, mais il a fallu attendre encore quinze jours à ne
rien faire : il n'y avait pas de bateau pour nous rapatrier !
C'est encore une fois (la troisième) le Koutoubia qui
nous transporta jusqu'à Marseille. Nous pouvions
monter à tour de rôle sur le pont, ce qui était plus intéressant que de rester dans les cales, où cependant des
gradés nous tenaient au courant des côtes que nous
longions, et notamment du passage du détroit de Gibraltar. Nous avons fait escale à Tanger.
Avec un soldat indigène
Arrivé à Marseille, j'ai pis le premier train possible
pour Lyon, et ensuite j'ai pris une correspondance
pour Roanne : je m'en souviens, parce que j'y ai rencontré, tout par un coup « On se connaît, il me
semble ? »), un camarade de la région qui avait été lui
aussi au 41e RI et dans la même caserne de Casablanca que moi, mais dans une chambrée voisine et sans
que je le connaisse : nous avons parlé ensemble.
Je me suis fait quelques camarades au régiment. Le
meilleur de mes amis René Besnard, que je n'ai jamais
perdu de vue, avait suivi le même parcours que moi,
Fez et Casablanca, où il était chauffeur. Après notre
retour, il habitait Iffendic en Ille-et-Vilaine, et nous
sommes allés le voir. J'ai peu à peu perdu le contact
avec les autres camarades.
Bien sûr, le fait d'avoir fait mon service militaire au
Maroc m'a permis de découvrir un pays étranger, mais
surtout le paysage et la chaleur. Quant aux habitants,
on était sur nos gardes, et eux se méfiaient aussi des
soldats français. Et puis, je n'y suis pas retourné plus
tard, et d'ailleurs ma femme et moi n'avons guère
voyagé.
Si je fais le bilan de ces longs mois, je pourrais dire
que l'armée, c'était du temps perdu. Mais pas tout à
fait pour moi, qui ai eu la chance de pouvoir continuer
à faire de la mécanique, même si mon rang ne m'autorisait à faire que des tâches trop simples – sauf quand
c'était directement pour réparer les voitures des gradés. Je n'ai donc pas perdu la main, et cette position
privilégiée m'a permis d'éviter bon nombre de corvées
sans intérêt. Mais quand, à la fin, l'adjudant-chef Navarre m'a proposé : « Je te fais rentrer dans l'armée »,
je lui ai répondu sans hésiter : « Non, cela ne m'intéresse pas. »
En ce Temps-là 2013
Propos recueillis à Cadollon par BB les mardi 5 mars
et jeudi 14 novembre 2013.
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Souvenirs d’enfance
de Juliette Buchet
Mon grand-père Chassignolle était sans doute de
Vertpré, et c’est là qu'est né mon père Joseph. Mon
grand-père est devenu locataire au Pont des Rigolles,
dans une maison voisine de celle aujourd’hui des Dumaitre, celle où Mme Canet a eu ensuite son café.
Puis il a profité d'une mise en vente pour acheter une
maison plus tranquille, sur la route du Pont des Rigolles à L'Orme, à droite, entre les deux calvaires :
celle habitée aujourd'hui par mon gendre (Paul
Druère). Son métier était de réparer les moulins. Il
avait épousé Jeanne Buchet. Je n'ai pas connu ces
grands-parents.
Mon père a épousé à je ne sais quelle date [en fait, le
16 septembre 1919] Antoinette Accary, de Maizilly,
qui avait un frère appelé Édouard. La famille d’Antoinette et d’Edouard habitait sur la nouvelle route qui
montait au bourg de Maizilly, dans une ferme.
Édouard Accary a repris la ferme après ses parents,
tandis que son autre sœur s'est mariée à un Chevalier,
habitant de Saint-Denis et a habité une maison donnant dans la cour de la pharmacie de Saint-Denis. Je
n'ai pas beaucoup connu mon grand-père Accary,
mais beaucoup plus ma grand-mère, qui était très
gaie, qui aimait chanter. Elle est venue à ma première
communion, à l’occasion de laquelle elle avait acheté
deux chapeaux à Charlieu. Deux, parce que le premier ne lui plaisait pas. Ils avaient des bêtes et des
vignes. Pas de ces vignes nombreuses à Maizilly qui
donnaient du mauvais « vin de noa ». J'ai participé
aux vendanges. C'était une réjouissance et cela se terminait par un grand banquet. Chaque semaine, le jeudi quand j’allais à l’école, ma mère et moi allions les
voir en vélo. Quand j’étais petite, elle me mettait sur
son porte bagages. Nous passions par les Duperron et
le garage Chenaux, où nous prenions le café, puis
nous montions à gauche dans un petit chemin, et nous
prenions un autre café dans une maison au dessus,
La maison Chassignolle à l’Orme
chez les Clémencin, avant d’arriver, pas très tôt, chez
les Accary. Chaque année, ma grand-mère allait faire
« une saison » à Vichy. Cette saison, c’était une semaine de cure. Ce n'est pas qu'elle était malade, mais
c'était comme des vacances, une occasion de liberté...
Ma mère l’accompagnait à la gare de Saint-Denis, et
peut-être prenait-elle le train avec elle pour Vichy,
puis rentrait. Pour les retours, je ne sais plus comment
ils se passaient.
Mon père, Joseph, a été à l'école, à Coublanc, sûrement, puis à l'école professionnelle à Charlieu, sur la
route de Saint-Bonnet-de-Cray. Sa mère est morte
jeune, en 1902. Il n’avait que 11 ans. C'est pourquoi il
était souvent chez les Chevreton (les Mâconnais),
comme en pension chez eux. De leur maison, il pouvait voir la maison Chassignolle de l’Orme. Quand il
voyait les volets ouverts, c’est que son père était rentré de ses tournées de mécanicien en moulins. Il allait
alors le retrouver. Il a appris le métier avec son père :
l'école professionnelle lui a permis de se perfectionner.
Ensuite, il est parti travailler en stage dans la maison
de Dôle qui leur fournissait le matériel d'entretien des
moulins, la maison Lacroix. Cette entreprise a voulu
plus tard l'envoyer travailler à l'étranger ou dans la
région de Dole : il n'a pas voulu, non plus qu'il n'a
suivi le conseil de son père d'aller en apprendre plus
en Algérie : il a refusé, parce qu'il était déjà marié. Il
s'est contenté de travailler, en liaison avec ce fournisseur de Dôle, dans notre région.
Il y a eu aussi la guerre, qui a été déclarée quand il
avait 23 ans. Il l’a faite, mais ne m’en a que très peu
parlé.
Mes parents se sont mariés le 16 septembre 1919, et
je suis née, leur fille unique, le 3 juin 1921, à la maison de la route de l'Orme. C'est dans la même maison
que naîtra bien plus tard, le 17 juin 1947, ma fille
unique Josette, avec l'aide de la sage-femme de
Chauffailles, madame Charbonnier.
Mon père avait des cousins germains qui habitaient
En ce Temps-là 2013
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au Moulin de
l'Orme (la maison
Bellon
d'aujourd'hui).
C'étaient deux
frères
vieux
garçons, Joanny
et Barthélemy
Chassignolle.
Ils venaient souvent manger chez mes parents, dont la
maison était toute proche. Ils avaient des vignes à
Montbernier, au-dessus de la maison de Claude Lacôte, et les jours de vendanges, comme ceux de battaisons, c'est ma mère, avec moi qui la suivais toujours et
partout, qui préparions le repas dans leur maison. Le
reste du temps, ils se débrouillaient, pour se nourrir,
comme pour se blanchir : le Pontbrennon passe au
bout de leur jardin. Il y avait là un lavoir à deux
places, où nous-mêmes allions rincer notre linge blanchi en le transportant dans un tombereau : c'était un
rude travail. Je me souviens de madame Denimot, une
voisine dont le métier était lessiveuse. Elle habitait
peut-être la maison aujourd’hui Chervier-Vouillon.
Ma mère l’engageait
parfois, pour laver
les grands draps. Je
descendais avec elle,
et elle me chargeait
de battre et rincer les
mouchoirs.
Il y avait eu un moulin, qui a donné son
nom au lieu, mais je
ne l'ai jamais vu
fonctionner. Je me
souviens cependant
de la disposition des
lieux, du couloir et
de la grande pièce du
moulin. Les deux
Joseph Chassignolle
frères n'avaient pas
le même caractère :
Joanny, l'aîné, était « bonnet de nuit » ; il était toujours triste ou du moins sérieux. Son cadet aimait plaisanter et aurait eu envie de se marier. Il savait même
avec qui : la Rosalie Joly. Mais son frère, qui avait sur
lui trop d'autorité, l'en a empêché. Il n'a pas eu le courage de prendre son indépendance et de quitter son
frère. Ils vivaient d’une ferme dont ils avaient hérité,
par leur mère, à Chauffailles, et surtout de leur propre
ferme du Moulin de l’Orme, entourée de terrains qui
leur appartenaient. Deux vieux garçons n’avaient pas
besoin de gros revenus ! Je pense qu’ils avaient fait la
guerre tous les deux. Leur tombe est au cimetière de
Coublanc.
Mon grand-père et mon père avaient dans leur maison
de l'Orme un atelier avec des outils pour travailler le
bois, et de quoi faire de la mécanique. Il y avait une
raboteuse, une scie à ruban. Ils avaient du bois en
stock. Je me souviens qu’ils fabriquaient des élévateurs, tout en bois. Mon père est mort à l’époque où on
allait les fabriquer dans des matériaux plus modernes.
Cela lui aurait enlevé du travail.
Il travaillait pour les meuniers de la région : Buchet à
Cadollon, le « zouave » à Chandon, Fourcault à Tancon, Pont à Maizilly, Jacquis, qui travaillait au moulin
de Gâtelier à Saint-Denis-de-Cabane, Pegon à SaintBonnet-de-Cray, Duperret à Pouilly, Brivot à SaintYan, un certain Der à Neuvy-Grandchamp (entre
Gueugnon et Bourbon-Lancy), Girard à Paray-leMonial, à côté du pont, et enfin Chollet, au moulin de
Cornillon à Mably : c'était le plus gros de ses clients..
Mon père nous emmenait souvent, ma mère et moi, en
voiture, une petite peugeot, les dimanches, voir ses
clients et déjeuner chez eux : ses clients étaient la plupart du temps de bons amis. C'est ainsi que je suis allée plusieurs fois chez les Girard à Paray : c’était son
client préféré. Il en profitait pour voir le travail à faire.
Ensuite, il pouvait passer les commandes à l'entreprise
de Dôle, par courrier. On le livrait chez ses clients, et
si on le livrait à l'atelier, ou pour les grosses pièces
qu'ils travaillait à l'atelier, les meuniers, qui étaient
équipés de camions, venaient chercher chez nous le
matériel ou les pièces usinées par mon père. Alors, on
leur rendait leur repas du dimanche en les invitant à
notre table.
Mon père s'occupait beaucoup de nous le dimanche,
parce qu'il était très pris en semaine. Quand il allait
travailler à Paray ou à Saint-Yan, il partait pour la semaine entière, avec sa caisse à outils dans sa voiture.
Avant, il avait eu une moto : je ne sais pas bien com-
ment il faisait pour aller travailler avec. Il logeait chez
les meuniers ses clients. Il était apprécié de tous, parce
qu'il était très gentil.
Il n'a jamais manqué de clientèle ni de travail, parce
qu'il a fait sa carrière à l'époque des grandes transformations, où les minoteries sont passées de la force de
l'eau des rivières à celle des moteurs électriques : il a
fallu faire toutes sortes de modernisations.
Il recevait de temps en temps la visite d'ingénieurs
En ce Temps-là 2013
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venus de Paris pour lui présenter de nouveaux matériels. Après le déjeuner, ils restaient à table, et discutaient ensemble des après-midi entières. Ils initiaient
mon père à des techniques nouvelles, et cela convenait
à mon père, qui aimait progresser. Pour ma part, j'étais
pot de colle : il fallait, toujours, autant que je le pouvais, que j'écoute ses conversations. Je le suivais partout, comme un petit chien, et il me laissait le suivre.
Mais il lui a manqué un fils, pour prendre la succession. Je me souvent que je l’ai suivi une fois à Mussy,
où il y avait une meunière. J’ai été frappé de voir les
poules entrer dans la cuisine. Mon père était avec un
ingénieur, pour faire un devis précis, ou voir si la
cliente l’acceptait. C’était pendant la guerre de quarante. La meunière a offert un saucisson à l’ingénieur,
qui ne s’est pas fait prier pour l’accepter.
Certes, je n'étais pas toujours avec mon père : il y
avait l'école, à Coublanc, où j'ai eu comme institutrice
Melle Boutculet, originaire de La Chapelle-sous-Dun,
pour moi, qui n'aimais guère le sport. On se levait à
7 h du matin, celles qui le voulaient pouvaient descendre prendre une tasse de chocolat, mais moi je n’en
prenais pas. Il y avait une étude d’une heure, avant le
petit déjeuner, où l’on avait de la soupe et du saucisson, donné par les parents paysans. Puis c’était
l’école.
Mon père était un homme agréable, gentil et moderne.
Il avait voulu que ma mère apprenne à conduire, mais
elle n’y était pas arrivé. Il m’a fait passer mon permis
de conduire, à une époque où c’était rare chez les
filles. Ma cousine de Saint-Denis a perdu sa mère
jeune, et elle en était triste. Je me souviens que quand
elle venait chez nous, nous chantions tous ensemble.
Joseph, mon père, est mort d'un cancer avant l’âge de
la retraite, en 1948. Je m’en souviens : ma fille Josette
avait neuf mois. L'entreprise a fermé. Je ne passe pas à
Lozanne, devant le grand moulin qui est au bord de la
route, sans penser à mon père, aux appareils à cylindres... Quand je veux penser à tous ceux de ma famille qui sont morts d'un cancer, je ne me les rappelle
plus : mon cerveau s'y oppose. Ma mère est restée
veuve longtemps. J’étais mariée, vivais au bourg avec
Albert, qui travaillait dans la cabine familiale, mais
j’allais souvent la voir à l’Orme.
Quand je repense à ma jeunesse, je trouve que j’ai eu
de la chance : mes parents voyaient beaucoup de
monde, et mon père nous emmenait souvent en
voyage. Je ne m’ennuyais pas.
Quand on est jeune, on est tout feu tout flammes ; on
oublie les dates, on ne s’intéresse guère au passé. Pour
moi, j’ai plaisir à y songer, à m’y replonger, même si
je n’ai pas une très bonne mémoire.
Propos recueillis au Bourg par B.B.
les 15 mai et 29 novembre 2013
Albert Buchet, Juliette Chassignolle, Joseph Chassignolle
et son épouse Antoinette Accary
qui a épousé plus tard mon futur beau-frère Francisque Buchet. Francisque avait sa cabine juste après
le café Buchet, Germaine Boutculet travaillait à l'école
d'à côté du presbytère : ils pouvaient se voir facilement ! Ils se sont mariés et ont eu un fils unique, Michel.
Puis, de 10 ans à 15 ans, j'ai été pensionnaire chez les
sœurs de Belmont, des sœurs de la congrégation de
Claveisolles, comme beaucoup d'autres jeunes filles
de Coublanc ou des environs. Mes parents m'y emmenaient en voiture et m'en ramenaient en fin de semaine : chaque fois qu'ils me laissaient à Belmont, je
pleurais. La bonne sœur cuisinière, qui s'appelait Léocadie, disait : « Tu ne vas pas pleure ». En vain, ça ne
manquait pas, c’était plus fort que moi. Pourtant, je
n’y étais pas malheureuse, chez les sœurs, même si la
discipline était sévère. Je ne sais plus s'il y avait de
l'éducation ménagère, mais je me souviens qu'on faisait de la gymnastique sous le grand préau, sans plaisir
Solution de la grille 20 de la page 43
En ce Temps-là 2013
Page 19
Les grandes joies de la vie
Cinq naissances d’enfants habitants Coublanc (à savoir 1 garçon et 4 filles) ont été
enregistrées à la Mairie en 2013 :
Katell LAMY BRISON
Sacha DHAIBY
Alyzée LEBRETON DUDU
Loue LABROSSE
Éline BOTTACCI
21 mars
6 juillet
18 juillet
5 septembre
25 septembre
de Stéphanie BRISON et Julien LAMY
de Nidale EL CHAAR et Bassam DHAIBI
de Jennifer DUDU et Jean-Sébastien LEBRETON
de Émilie DEVEAUX et Anthony LABROSSE
de Aurélie ANTOINE et Marc BOTTACCI
Cadolon
Bonnefond
Cadolon
Les Remparts
Montbernier
Tous ces nouveaux-nés ont vu le jour à Roanne.
Un mariage a été enregistré à la mairie de Coublanc :
Sophie Carole CHRISTOPHE et Fabrice GRISARD
La Place
25 mai 2013
Un mariage a été célébré en l’église de Coublanc :
Edwige ROUCHON et de Pierre-Yves LARUE (de Mars)
18 mai 2013
Tous nos vœux d’heureuse vie aux uns et aux autres !
En ce Temps-là dit adieu à des amis
Toutes les personnes âgées sont chères à l’Association du Noël des Anciens, mais nous sommes
particulièrement touchés parle décès de ceux qui ont collaboré à la revue dans les années passées.
Cette année, nous voulons évoquer :
−Victoire Buchet, née Chevreton, que nous allions souvent
consulter aux Bruyères pour
qu’elle nous commente des
photos et nous renseigne sur
tant d’événements passés.
Elle nous recevait toujours avec
beaucoup de bienveillance et
racontait ses souvenirs avec un
humour qui traduisait bien sa
personnalité à la fois
ferme
et
généreuse.
Parmi les
articles récents dont
elle a été
l’auteure,
on peut lire
ses souve-
nirs de jeunesse dans la revue
2011, page 30 et découvrir le
voisinage de la Place dans la
revue 2013, page 17. La photo
la représente à son mariage, à
26 ans, en 1946.
− Joanny Berthier, consulté à
La Roche, qui avait évoqué
pour nous son père Pétrus,
marguillier, dans la revue 2009,
page 36.
Avec son
épouse
Jeanne, il
nous renseignait
aussi,
avec beaucoup
de
patience et
En ce Temps-là 2013
Page 20
de compétence, sur des photos
anciennes et sur des faits passés. La photo le représente à
20 ans, en 1946.
Ces deux collaborateurs de
notre revue ont disparu, mais il
continueront de nous rendre
service : nous avons pris en
notes des propos qui seront utilisés dans les années à venir.
− Il en va un peu de même pour
Didier Auvolat, mort bien trop
tôt pour passer pour un Ancien
de Coublanc, mais, qui nous a
communiqué, ces dernières années, des photos du fonds familial qui ont servi (en 2011) et
serviront encore à illustrer notre
revue.
Nos deuils en 2013
Parmi les Anciens de Coublanc (7 = 1+6)
Victoire BUCHET, née CHEVRETON
Jeanne SAMBARDIER, née CHANRION
Julienne DESMURS, née FONTENILLE
Joanny BERTHIER
Les Bruyères
Montbernier
Le Perret et MA
La Roche
13/06/1920 - 17/05/2013
15/05/1922 - 09/03/2013
22/06/1924 - 21/02/2013
16/01/1926 - 20/08/2013
à 92 ans
à 90 ans
à 88 ans
à 87 ans
À la Maison des Anciens, venant d’autres communes (1)
Yvonne LASSAGNE, née CANET
Marie-Louise LAMURE, née GARDES
Marie FARIZY, née LAMURE
Mathilde JONDET, née LAPALLUS
Lucienne BUISSON, née GABELLE
Louise BELIJAR, née CAUDERLIER
Henri Louis PERRIN
Suzanne CHASSARD, née COLIN
Maurice CHABUET, ép. RAMBERTON
Henri CORNELOUP
Chauffailles
Chauffailles
Chauffailles
Ligny-en-Br.
Dijon
Roanne
Chauffailles
Lyon
Maizilly
Chassigny
28/11/1908 - 31/03/2013
07/09/1914 - 25/04/2013
14/07/1918 - 09/03/2013
23/02/1919 - 23/09/2013
12/11/1920 - 17/03/2013
03/06/1923 - 23/02/2013
11/04/1924 - 11/11/2013
13/12/1924 - 29/05/2013
07/10/1926 - 18/05/2013
01/10/1930 - 02/09/2013
à 104 ans
à 98 ans
à 94 ans
à 94 ans
à 92 ans
à 89 ans
à 89 ans
à 88 ans
à 86 ans
à 82 ans
Parmi les Coublandis de moins de soixante-quinze ans (4)
Jean-Marc CHASSIGNOL
Hubert DÉCHAVANNE
Maria Josèphe LO PRESTI
Cadolon
La Place
Génillons
10/03/1957 - 01/05/2013
09/07/1959 - 29/04/2013
14/09/1962 - 31/01/2013
à 56 ans
à 53 ans
à 50 ans
Parmi les apparentés coublandis résidant hors de Coublanc (?)
Andrée CHAVANON, née BUISSON
Marie FAUCHERY, née BÉNAS
Josette PERRIN, née FONTENILLE
Simone COQUET, née GRAPELOUP
France GAILLARD
Irène DUCLAY, née AZNAR
Didier AUVOLAT
Belmont
La Serve et Chauffailles
Chauffailles et MA
Le Bourg et Charlieu
Cadollon
L’Orme et ?
Crosse
03/10/1921 - 03/11/2013
12/12/1921 - 08/08/2013
16/11/1925 - 24/06/2013
29/12/1925 - 15/01/2013
19/02/1934 - 14/11/2013
09/08/1936 - 12/03/2013
18/09/1963 - 03/08/2013
à 92 ans
à 91 ans
à 87 ans
à 87 ans
à 79 ans
à 76 ans
à 49 ans
Nos condoléances aux familles dans la tristesse
La Sagesse de Salomon
Mais la vie des justes est dans la main de
Dieu, aucun tourment n'a de prise sur eux.
Celui qui ne réfléchit pas s'est imaginé
qu'ils étaient morts ; leur départ de ce
monde a passé pour un malheur ; quand
ils nous ont quittés, on les croyait anéantis, alors qu'ils sont dans la paix. Aux yeux
des hommes, ils subissaient un châtiment,
mais par leur espérance ils avaient déjà
l'immortalité. Ce qu'ils ont eu à souffrir
était peu de chose auprès du bonheur dont
ils seront comblés, car Dieu les a mis à
l'épreuve et les a reconnus dignes de lui.
Comme on passe l'or au feu du creuset, il
a éprouvé leur valeur ; comme un sacrifice
offert sans réserve, il les a accueillis. Au
jour de sa visite, ils resplendiront, ils étincelleront comme un feu qui court à travers
la paille. Ils seront les juges des nations et
les maîtres des peuples, et le Seigneur régnera sur eux pour toujours. Ceux qui
mettent leur confiance dans le Seigneur
comprendront la vérité ; ceux qui sont fidèles resteront avec lui dans son amour,
car il accorde à ses élus grâce et miséricorde.
(Ier siècle avant J.-C.)
En ce Temps-là 2013
Page 21
Liste des Anciens
Les listes qui suivent ne correspondent pas
exactement aux données de l’état-civil. Quand un
Coublandi est obligé de quitter la commune, il
n’est pas rayé automatiquement de nos listes.
Mais, bénéficiant en général d’un cadeau dans la
commune où il s’est installé, il ne recevra plus le
cadeau des Coublandis, mis à part la revue.
Quatre d’entre vous, dont les noms sont écrits
en italique, vivent à la Maison des Anciens de
Coublanc (MA). En italique aussi, le nom du hameau d’origine de ceux qui ne résident plus à
Coublanc. Nous indiquons la ville ou le village où
ils se trouvent à notre connaissance.
Par ailleurs, une personne de 1938 n’a pas
voulu figurer dans notre liste.
Si nous avons commis des erreurs, nous vous
prions de nous les signaler, pour que nous les corrigions l’an prochain. Merci.
Née en 1909
Marie-J. BRISSAUD
Cadolon
Née en 1917
Marie-Rose DÉAL
L’Orme
Belmont
Nées en 1919
Marguerite AUCLAIR
Germaine LAMURE
Cadolon
L’Orme
MA
Saint-Igny-de-Roche
Nés en 1921
Maria AUCLAIR
Juliette BUCHET
Clotilde FOREST
Renée RONDEL
Yvonne VILLARD
La Place
Le Bourg
La Place
Le Bourg
La Place
Maurice BARRIQUAND
Jacques RONDEL
Montbernier
Le Bourg
Née en 1923
Andrée CHERVIER
Les Génillons
Nés en 1924
Germaine BERTHIER
Marie-Rose CHEVRETON
Germaine COLLONGE
L’Orme
La Place
Cadolon
Nés en 1925
Simone BOUCHERY
Marie LACÔTE
Henri SAMBARDIER
Le Bourg
Montbernier
La Croix du Lièvre
Nés en 1926
Marie-Laure CHASSIGNOLLE
Marie-Louise CHAVANON
Cadolon
Charmaillerie
Nés en 1927
Jeanne BERTHIER
Gisèle MATHERON
Maurice VOUILLON
La Roche
Les Genillons
L’Orme
Nées en 1928
Jeannine LARUELLE
Juliette VOUILLON
Montbernier
L’Orme
Nés en 1929
Jeannine DEQUATRE
Augustin GRAPELOUP
Marguerite GRAPELOUP
Louis LAURENT
La Charmaillerie
Bonnefond
Bonnefond
La Charmaillerie
Nés en 1930
Claudien ACCARY
Simone ALLOIN
Madeleine BARRIQUAND
Germaine DÉCHAVANNE
Jean LARUELLE
Marie-Louise LAURENT
Hélène NEVERS
Marcelle PERRIN
Germaine SAMBARDIER
L’Orme
La Bourgogne
Montbernier
La Place
Montbernier
Charmaillerie
Cadolon
Cadolon
La Croix du Lièvre
Nés en 1922
En ce Temps-là 2013
Chauffailles
Page 22
Chauffailles
MA
MA
Charlieu
Chauffailles
Briennon
Nés en 1931
Maurice ACCARY
René DANTON
Zahara ASKI
Le Foron
Cadolon
Le Perret
Nés en 1932
Josette-Simone BRISE
Geneviève CROZET
Marie-Antoinette DEMONT
Odette GRAPELOUP
Jean MERCIER
Urbain PANAFIEU
Carthelier
Cadolon
Les Génillons
La Place
La Serve
Les Remparts
Nés en 1933
André BUCHET
Bernard BUCHET
Claude CHAMBONNIER
Jeanne CHAMBONNIER
Suzanne DANTON
Raymonde DÉCHAVANNE
Henri VAGINAY
La Place
Croix du Lièvre
Cadolon
Cadolon
Cadolon
Montbernier
Bois Gauthay
Nés en 1934
Monique MATHERON
Josette PANAFIEU
Georges PIQUAND
Albert PROVILLARD
René VERMOREL
Simone VERMOREL
Les Génillons
Les Remparts
Montbernier
Carthelier
Cadolon
Cadolon
Nés en 1935
Marie AUBONNET
Jean VERNAY
Simone RODRIGUES
Cadolon
Cadolon
Cadolon
Nés en 1936
Marie BERTILLOT
Maurice BERTILLOT
André BOURDON
Joseph GAILLARD
Josette GAY
Josiane GONDARD
Joseph LACÔTE
Colette PIQUAND
Jean POYET
Cadolon
Cadolon
Le Perret
Les Espaliers
Cadolon
La Grande Terre
Le Bourg
Montbernier
Montbernier
Nés en 1937
Josette CHAVANON
Gabrielle PREHER
Marie-France VERNAY
L’Orme
Terre des Chambres
Cadolon
Nés en 1938
Jean BERTHILLOT
Anne-Marie BUCHET
Yvonne MERCIER
Hubert SAUVAGE
Le Perret
Croix du Lièvre
La Serve
Les Pins
Charlieu
MA
On peut ajouter à cette liste des personnes depuis longtemps en résidence secondaire à Coublanc,
parfois inscrites sur les listes électorales, ou répertoriées par nos listes précédentes, ou même qui
écrivent dans notre revue. Si vous connaissez d’autres personnes dans leur cas, ayez la gentillesse
de nous le faire savoir...
Né en 1925
Nées en 1928
Née en 1929
Né en 1929
Pierre BERTHIER
Célestine BARRIQUAND-DINET
Renée BERTHIER-LAPLANCHE
Claude BELLON
Antoinette BERTHIER-GUILLAUME
Roger FOUILLANT
Lyon et La Place
La Place et Charlieu
La Faverie et Fontenay-sous-Bois
Le Moulin de l’Orme et Lyon
La Faverie et Fontenay-aux-Roses
Le Foron et Roanne
En ce Temps-là 2013
Page 23
[TSVP]
Né en 1932
Nés en 1933
Jean GAVET
Gaston BENHAMOU
Jean-Claude DUCLAY
Geneviève LACÔTE
Le Bois Gauthay et Roanne
Les Épalis et Aubervilliers
L’Orme et ?
Cadolon et Mably
Le Comité du Noël des Anciens, qui a préparé le cadeau 2013 ainsi que cette revue 2014, est composé
de Bernard Berthier (président et rédacteur de la revue En ce Temps-là), Marie-Thérèse JarrouxChavanon (trésorière), Cécile Bailly, Danielle Berthier-Duperron, Anne-Marie Déal, Renée Druère et Denise Déal.
Nos subsides proviennent pour une part des anciens eux-mêmes lors de la distribution du colis, et de
particuliers à l’occasion d’événements familiaux (qu’ils en soient chaleureusement remerciés) ; mais pour
l’essentiel du CCAS de Coublanc, donc de la commune. Nous avons aussi reçu des contributions volontaires pour encourager le colis et la revue En ce Temps-là.
Points de vente du numéro 2013
- Michèle Bernillon (café-épicerie de Coublanc)
- Brigitte et Bruno Chevreton (boucherie à Chauffailles)
- Maison de la Presse (Chauffailles)
- Chantal et Georges Galvez (Librairie Gribouille à
Chauffailles)
- Aurélie et Jérôme Besançon (boulangerie de
Saint-Maurice)
- Ginette et Philippe Desmurs (garage de Maizilly)
Mimi prend sa retraite
Michèle Bernillon a tenu (pour M. Chandioux de
Chauffailles, puis à son compte) le commerce pluriel
de l’ancienne poste du 1er octobre 1995 au
7 décembre 2013 : c’est exactement la durée de vie de
notre revue En ce Temps-là, née en 1995.
En lui souhaitant une excellente retraite, nous la re-
- Pierre Zeimetz (épicerie de Saint-Igny)
- Louis-Frédéric Blanchardon (épicerie de Mars)
- L’épicerie d’Écoche
- Le café - restaurant de Cadollon (L’Escale 71)
- Le bar - restaurant de Tancon
Un grand merci à ces diffuseurs bénévoles !
Nous comptons sur eux et éventuellement
sur d’autres nouveaux pour ce numéro 2014 !
mercions avec beaucoup de gratitude à la fois pour
son dévouement pour composer au mieux le colis des
Anciens en tout ou en partie selon les années, ainsi
que pour la distribution, gratuite jusqu’en 2006, et
pour la vente ensuite de notre revue.
Entre les points de diffusion du canton, c’est elle qui
avait le record des ventes !
Nous espérons que ses successeurs accepteront de
diffuser En ce Temps-là à partir de janvier 2014.
Ce numéro 19 a été conçu et composé par Bernard Berthier et le Conseil d’administration de l’association du Noël des Anciens de Coublanc, avec l’aide, pour la relecture, la recherche et la fourniture de
documents, de photos anciennes et de souvenirs, de Marie-France Jacotey, secrétaire de la mairie de
Coublanc, Danielle Berthier-Duperron, Marie-Thérèse Jarroux-Chavanon, Renée Druère, Anne-Marie
Déal, Geneviève Le Hir, Marie-Jo Dufour, François Millord, Martine Berthier, Simone Bouchery, Régis
Déal, Claude Lattat, Marie et Maurice Bertillot, Claude Guilbert, Renée Monnet, Jean-Paul Monnet,
Maurice Poyet, Juliette Buchet, Paul Druère, Philippe Séveau (msc), Georges Delbos (msc), Pierre Berthier, Jeannette Roy, Mado Clarin, Claude Franckart et Coublanc-71, Madeleine et Maurice Barriquand,
Marie-Laure Chassignolle, Raymonde Lacôte, Bernard et Chantal Dumaitre, Maria Auclair, Célestine
Dinet-Barriquand, Joëlle Courot et Lionel Simond avec les enfants des écoles. Photo du vitrail par Mélanie Berthier. Dessin de couverture de Nadège Demont. Page finale par Patricia Demont. Aux uns et
aux autres nos remerciements.
Voir l’ensemble des « Crédits iconographiques » à la page 3.
En ce Temps-là 2013
Page 24
Cahiers Jules Dubuy
Les Coublandis
vont en bateau
Le père Dubuy en mer
Jules Dubuy a fait deux fois le voyage aller de Marseille à Port Moresby en Papouasie Nouvelle Guinée,
et une fois le voyage retour. En effet, il n'est pas revenu de son second voyage : son corps repose dans une
tombe toute simple, sur le bord du terre-plein central
de sa station d'Ononghé.
Sur le paquebot Van Waerwych
Le premier trajet aller du jeune prêtre-missionnaire a
eu lieu à la fin de décembre 1912. À l'époque, il n'y
avait pas d'autre moyen que le steamer. Nous ne savons pas sur quel navire il est allé de Marseille à Sydney, ou à Batavia, l'actuelle Jakarta. Mais de Sydney
ou de Jakarta à Port Moresby, nous savons qu'il a embarqué sur le Van Waerwych de la compagnie hollandaise Koninklyke Paketvaart Maatschappy, plus connue sous l'appellation anglaise de Royal Packet S
(team) N(avigation) Company.
Le Van Linchoten, alter ego du Van Waerwyvh
Comme nous en informe un encadré publicitaire cijoint dans le quotidien néo-zélandais The Evening
Post du 18 décembre 1912, annonçant la traversée
immédiatement postérieure au passage de Jules Dubuy, cette compagnie assurait les liaisons Sydney-Port
Moresby-Batavia-Singapour et retour. Notre concitoyen a dû débourser 12 livres s'il venait de Sydney,
ou bien une vingtaine de livres s'il a fait le parcours
Jakarta-Port Moresby, où il a débarqué, attendant que
le frère Alexis le prenne en charge dans l'embarcation
de la mission.
Avant de s’ensevelir dans la forêt sauvage de Papouasie, et de rencontrer des populations au mode de vie
quasi-préhistorique, notre Coublandi a pu découvrir
l'extrême modernité technique et financière du capitalisme hollandais. La compagnie Packet était florissante. Le rapport annuel pour 1910, tel qu'il est présenté dans le Sydney Morning Herald du 19 juillet
1911, indique qu'elle possède soixante-douze navires,
dont six ont été
mis en service
en 1910. Six
autres sont attendus pour l'année
suivante.
Cette croissance
accompagne le
développement
économique
voulu par le
gouvernement
hollandais dans
l'archipel indonésien et audelà. Les navires de la compagnie ont parcouru
2 044 630 miles en 1910 au lieu de 1 730 808 deux
ans plus tôt. Les profits sont allés de pair, et les actionnaires ont touché un dividende de 10 % au lieu de
6 % l'année précédente. La compagnie a passé un accord avec le gouvernement hollandais, pour que celuici éponge d'éventuelles pertes sur la desserte de l'Australie, mais récupère sa mise sur d'éventuels gains une
autre année. La Royal Packet croit tellement en l'avenir de la ligne Sydney-Java qu'elle a commandé deux
paquebots plus grands et plus rapides pour cette liaison commerciale. Comme la plupart des bateaux de la
compagnie, les machines fonctionneront au « fioul
liquide » au lieu du charbon, ce qui était un progrès de
l'époque. Et l'article de conclure que les deux vaisseaux, qui remplaceront à terme le Van Waerwych et
le Van Linchoten, sont attendus en Australie à la fin
de l'année suivante (1912).
Mais Jules Dubuy a pris le Van Waerwych, comme il
en informe lui-même son confrère le père Chabot (msc
= missionnaire du Sacré-Coeur d'Issoudun) dans une
lettre datée du 15 mars et écrite à Ononghé, où notre
Coublandi vient de s'installer... pour presque quarante
ans. La lettre a été publiée par les Annales d'Issoudun
En ce Temps-là 2013
Page 25
d'août 1913. Voir ci-dessous un extrait.
Comment ce voyage sur le Van Waerwych s'est-il passé ? Comment le savoir, alors que Jules Dubuy n'en dit
rien ?
Il y avait d'autres missionnaires chrétiens qui se rendaient en Papouasie à l'époque de Jules Dubuy, et
même bien avant.
La revue (anglophone) des Adventistes du Septième
Jour, publiée à Sydney, rend compte dans son numéro
du lundi 8 août 1910
d'un voyage SydneyPort-Moresby. L’auteur
de l'article « En route to
the East Indies » (= « En
route pour les îles entre
l'Inde et l'Australie »)
donne une idée intéressante de la vie sur ce
bateau durant le trajet
vers
la
NouvelleGuinée, moins de deux
ans et demi avant que
Jules Dubuy n'y soit à
son tour passager. Je
traduis son récit.
« Le Steamer Van Waerwych s'est révélé être un
navire excellent. Son
commandant, le capitaine Arnold, est un
homme
des
plus
agréables. Sur ce bateau, on veille avec beaucoup d'attention à la sécurité et au confort des passagers. Les
cabines sont bien aérées et bien disposées, et la nourriture aussi bonne que sur les meilleures compagnies.
Notre première escale fut Brisbane, où l'auteur de ces
lignes fut rejoint sur le steamer par le pasteur Craddock. Nous avons eu le temps de rester ensemble la
nuit durant et une assemblée de prière eut lieu en
l'église de Brisbane sud. On y présenta aux fidèles le
sujet de la fin prochaine du monde, du point de vue du
prophète Daniel (chapitre 12).
Notre escale suivante fut Cairns, dans le nord du
Queensland. Les passagers eurent l’opportunité de
visiter les fameuses cataractes de Barron Falls, qui
sont à dix-neuf miles de Cairns en chemin de fer. Le
paysage est superbe tout le long du trajet. À Cairns, on
embarqua quatre mules pour notre mission en Papouasie, et j'ai eu le privilège de voir qu'elles avaient un
certificat de santé en bonne et due forme, et que leur
noms étaient bien remplis, afin de tenir compte des
règlements de douane en Nouvelle-Guinée.
Ces mules prirent leurs quartiers sur le pont audessous du nôtre, tout près de la seconde-classe. Dans
cet endroit, on pouvait aussi trouver des vaches et des
veaux, des chevaux et des chiens, des chats et des pintades, des canaris, et je ne dois pas omettre un perroquet très bruyant.
Les mules supportèrent bien leur passage sur le steamer, et se nourrirent sans renâcler de fourrage vert et
de foin. Elles semblaient être de bonne disposition et
bien dressées. Leur achat nous a réjouis, car nous savons combien elles sont utiles à nos fidèles travailleurs en Nouvelle-Guinée.
Un triste incident, en rapport avec notre voyage, se
produisit à Cairns. Nous devions partir à neuf heures,
la nuit de vendredi, et le capitaine donna son coup de
sifflet une demi-heure auparavant, pour avertir les visiteurs et les passagers, ainsi que pour signaler au pilote qui nous avait conduits sur le quai de retourner
nous chercher pour nous ramener en mer. Quelques
minutes plus tard, nous apprîmes qu'au moment précis
où le sifflet avait retenti, le pilote s'était brûlé la cervelle avec un pistolet. Nous ne partîmes pas avant le
lendemain matin.
Le jour qui suivit notre départ de Cairns, le capitaine
vient me voir pour me demander de diriger un service
religieux pour les passagers. Ce fut fait. Nous avons
bonne confiance que cela impressionna favorablement, en vue du bien moral, l’esprit de l'auditoire. La
plupart de gens qui sont en bateau sont des touristes
portés sur le plaisir, et en règle générale peu se soucient de la religion.
Notre bateau mit environ quarante-huit heures pour
parcourir la distance qui sépare Cairns de Port Moresby, en Papouasie. Le voyage entier ne nous avait pas
pris plus de douze jours. Durant tout le trajet, nous
avons eu beau temps. Un agréable voile de nuages
légers, qui nous protégeait du soleil tropical, avait rendu le voyage beaucoup plus agréable qu'il n'aurait été
autrement. »
Ce récit de l'adventiste J. E. Fulton n'aurait-il pas pu
être fait par Jules Dubuy ? Notre concitoyen, cependant, a fait le voyage en décembre, durant l'été austral,
En ce Temps-là 2013
Page 26
période des cyclones. Peut-être le bateau a-t-il été plus
secoué. On peut se demander aussi si notre missionnaire du Sacré-Cœur a pris le temps ou eu l'argent nécessaire pour aller voir les chutes de Barron Falls – s'il
venait de Sydney –, et s'il a entretenu de bonnes relations avec le capitaine, probablement protestant. En
tous cas, l'atmosphère de ferme qui régnait entre deux
ponts n'a pas dû gêner le fils de paysan qu'il était...
trional de l'Australie, où les Français venus d'Issoudun
s'étaient installés comme sur une tête de pont pour
conquérir la Papouasie. Toute une histoire pourrait
être racontée de leurs petits bateaux successifs et des
aléas que les missionnaires avaient subis durant des
traversées souvent dangereuses. Tel ou tel frère était
chargé de l'entretien et du service de l'embarcation
salutaire, malgré tempêtes et pannes...
De Port Moresby à Yule Island
Jules Dubuy, vers le printemps 1929, regagna la
France pour y prendre les quelques mois de vacances
auxquels il avait droit. On le vit bien sûr à Coublanc,
mais il sut transformer ces mois d'oisiveté possible en
tournées de propagande pour sa mission et en voyages
d'affaires pour se procurer des outils et des matériaux
nécessaires − par exemple à la Foire de Lyon. Sur le
trajet aller (Papouasie-France), nous n'avons aucun
renseignement.
La lettre évoquée ci-dessus, envoyée au père Chabot,
mais destinée au grand public des lecteurs des Annales
d'Issoudun, qui comptaient de nombreux abonnés dans
les campagnes françaises, raconte le parcours de liaison entre la capitale politique du pays et la capitale de
la mission des MSC. Laissons la parole à Jules Dubuy.
« C'est pour répondre à une promesse faite sur le Van
Waerwych, le 27 décembre dernier, que je quitte notre
chantier de scieurs de long et que je veux vous dire en
deux mots l’histoire de la fondation d’Ononghé. Nous
voilà donc installés à Jelel ul’ enda depuis le 9 février
et non sans les péripéties et les agréments habituels
dans ces pays encore vierges. Comme vous me l’aviez
fait prévoir, F. Alexis vint nous chercher à PortMoresby avec le steam-launels [sic. En fait l'imprimeur n'a pas su déchiffrer le juste mot de Jules Dubuy,
« steam lauch », qui désigne une embarcation à vapeur] de Yule. Le 31 décembre à trois heures du matin, nous levions l’ancre et l’hélice nous poussait rapidement hors de la baie. Les côtes déchiquetées de
Nouvelle-Guinée commencèrent à défiler devant nous.
Nous allions à belle allure et il semblait que nous serions à Yule dans l’après-midi, lorsque vers onze
heure et demie quelques ratés se produisirent suivis
d’un brusque arrêt du moteur. Cette fois nous y étions.
C’était une panne et une superbe panne. Au bout de
six heures de travail, le moteur se décidait à reprendre
sa course, mais à cinq heures et demie du soir, c’est la
marée basse, la nuit arrivait, impossible d’avancer
sans se briser sur les récifs à fleur d’eau. On se décida
à passer la nuit à la belle étoile et c’est ainsi que se fit
pour nous le passage du 31 décembre 1912 au
1er janvier 1913. Dirai-je que je le regrettai ? Certes
non, car j’eus le spectacle toujours si grandiose d’une
belle nuit d’équateur et d’une mer phosphorescente
comme on n’en trouve que sous les tropiques. Cela
valait bien une panne. » 1
Depuis l'origine de la mission catholique, les pères
avaient compris la nécessité d'avoir leur propre embarcation pour traverser le golfe de Torrès qui sépare la
Nouvelle-Guinée de l'Australie, et en particulier de la
petite île de Thursday, au large du cap le plus septen1. Les missionnaires d'Issoudun se répétaient-ils les vers fameux
(et récents à l'époque) du poète Heredia, dans son sonnet « Les
Conquérants » ? :
L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d'un mirage doré...
Le voyage de 1930
Sur le retour, nous en savons ou pouvons en deviner
un peu plus.
Le père Hervouet, son confrère, témoigne de ses derniers jours en France : « Le procureur (= le père chargé des affaires matérielles dans le couvent) de Marseille me disait qu’à ce départ, il avait préparé plus de
100 caisses. Toute une usine (scierie) en caisses. Les 3
dernières nuits, avant son départ, y passèrent alors que
pendant la journée, il faisait des conférences. Et il ne
paraissait pas fatigué. Il avait une résistance étonnante
à la fatigue. »
Cinq ans plus tard, dans la lettre du 20 avril 1935
adressée à Victor Thévenet, son maître ès menuiserie
de la Croix-du-Lièvre à Coublanc, Jules Dubuy écrit :
« On est en train de construire [à Marseille] une vaste
maison spécialement aménagée pour l'arrivée, le séjour et le départ des missionnaires de la dizaine de
Missions ou Vicariats apostoliques dont notre société
a la charge dans l'Océanie et les Indes Hollandaises et
qui passent tous par le canal de Suez. »
Même si la maison de la rue Dorian n'était peut-être
pas encore utilisable en 1930, Dubuy partit de Marseille ; le départ eu lieu le 10 avril. Il est quasi certain
que le paquebot de Jules Dubuy passa par le canal de
Suez, pour gagner l'Indonésie (les Indes hollandaises).
Le père Verjus avait déjà suivi cette route à la fin du
XIXe siècle.
Le 15 mai 1930, Dubuy quitte Surabaya (grand port
d'Indonésie, utilisé notamment par le Royal Packet
Company. Le poète Rimbaud, soixante ans auparavant, y avait fait lui aussi escale, tenté un moment de
s’engager dans les troupes coloniales hollandaises ! À
Soerabaia (selon l'orthographe de l’époque), Jules Dubuy admire sans doute le SS Melchior Treub de la
compagnie hollandaise, qui assure des liaisons entre
l'Indonésie et la Chine et le Japon. Il achète une carte
postale représentant ce bateau, et deux jours plus tard,
En ce Temps-là 2013
Page 27
dans la mer de Java, il rédige un mot à l'intention de
Victor Thévenet (en fait de son épouse aussi, et de
tous les Coublandis qui seront par eux au courant).
Cette carte ne pourra être postée qu'à l'escale de Rabaul, au nord de la Nouvelle-Guinée, dans l'île de la
Nouvelle-Bretagne, où, vers 1880, les missionnaires
catholiques avaient réussi à s'implanter avant d'aborder la grande île. Le timbre a été décollé, emportant la
by à Yule. »
Du 10 avril au 15 juillet, le voyage a donc duré trois
mois, mais il faut en soustraire cinq semaines d'arrêt
volontaire. C'est beaucoup plus rapide que cinquante
ans plus tôt, grâce au développement des transports.
Une traversée de luxe
« Cette dernière étape s'est faite dans des conditions
idéales ; impossible d'espérer mieux. À Port-Moresby,
j'ai fait une visite au Gouverneur qui m'a accueilli de
la façon la plus amiable, m'a offert le passage à bord
du bateau du Gouvernement, a téléphoné à son capitaine qu'il embarque dès le lendemain mes 12 mètres
cubes de bagages sans que j'aie à me déranger et gratis pro Deo.
Le surlendemain nous sommes partis pour Yule. Il n'y
avait à bord en dehors de l'équipage que le Gouverneur, son gendre, leurs femmes et moi.
La réception par le Régulus
plus grande partie du cachet : il reste visible le 9, et il
est probable que ce soit le 9 juin. Le tampon de la
poste de Coublanc est du 27 juillet. Si nos suppositions sont bonnes, la carte aura mis quarante-huit jours
pour venir de Rabaul à Coublanc...
Le verso manuscrit nous renseigne utilement : Jules
Dubuy est sur un bateau appelé le Saint-Roch. Je n'ai
pas réussi à trouver de renseignements sur ce bateau. Notre missionnaire parle
d'escale à Soerabaia : peut-être
était-il sur ce
bateau
avant.
Mais
depuis
quand ?
Pourquoi pas depuis
Marseille ?
Il écrit le 15 mai,
et prévoit l'arrivée à Rabaul
après
l'Ascension, qui tombait
cette année-là le
29 mai. La carte
est postée probablement le 9 juin. Il faut donc entre 14
jours au mieux et 25 jours au plus pour accomplir le
trajet Soerabaia-Rabaul !
Le 25 juillet, de Yule Island, Jules Dubuy écrit à Victor Thévenet : « Mon Cher Victor, me voici depuis
une dizaine de jours à Yule au centre de la Mission et
il faut que je vous donne signe de vie. J'ai donc passé
5 semaines en Nouvelle-Bretagne et je suis arrivé en
Nouvelle-Guinée à Yule par 2 étapes ou plutôt 3 : Rabaul - Samarai, Samarai à Port Moresby, Port Mores-
À Yule il y avait à notre arrivée dans le port un navire
de guerre français, le Régulus. Nous commençâmes
par aller le passer en revue : tout l'équipage, officiers
et matelots, était sur le pont en grande tenue et au
garde à vous. Vous voyez que j'ai été bien reçu à mon
arrivée dans la Mission : les honneurs de guerre rendus par un bateau de guerre français. Mes bagages
furent débarqués dans la nuit suivante de 9 à 10h1/2.
Si cette heure tardive vous intrigue, je dirai(s) qu'on
l'avait choisie parce que c'était le moment de la marée
haute et la marée ici varie de plus de trois mètres.
Mais ce qu'il faut aussi que vous sachiez, c'est que le
commandant du Régulus avait mis les projecteurs de
son bateau à notre disposition ; et pendant que les Canaques enlevaient les caisses et les emmagasinaient
dans les docks, ils furent puissamment éclairés par les
fanaux du bord. Vous pensez s'ils étaient heureux. Ils
n'avaient jamais rien vu de si lumineux et ils hurlaient
d'enthousiasme.
Voilà comment s'est terminé ce long voyage sur mer.
Je n'ai assurément pas lieu d'être mécontent, tant s'en
faut. Reste le plus dur : passer de la côte à Ononghé
mes 16 mètres cubes de bagages, car j'ai trouvé ici 4
mètres cubes arrivés par d'autres lignes, entre autres la
raboteuse.
Dans tout le voyage, en fait d'accident je n'ai eu
qu'une caisse de brisée et un tonneau de peinture défoncé. La caisse brisée est celle de Roanne. Elle pesait
1090 kilogm. À Rabaul, il fallut la mettre sur un camion pour la transporter à un autre quai pour l'embarquement ; quand il s'agit de la descendre du camion,
les Canaques voulurent la recevoir, seulement comme
ce n'était pas de la plume, elle leur échappa et tomba
sur le sol complètement brisée ; heureusement qu'ils
avaient pris la précaution d'enlever leurs doigts de
pied, surtout qu'ils n'avaient pas de souliers.
La Cie Burn et Phelp. [Burns Philp] se débrouilla pour
En ce Temps-là 2013
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900 F il ne restait rien, je vous serai reconnaissant de
voir M. le Curé de Chauffailles.
Donnez bien le bonjour à tous ceux qui se souviennent
de moi, à l'occasion donnez de mes nouvelles à ma
maman.
Je présente mes meilleures salutations et vous prie de
croire à ma vive et profonde amitié. »
Le Régulus
Comment mieux terminer le récit des aventures maritimes de Jules Dubuy que par cette lettre remarquable ?
Le Régulus est un aviso-sloop de type anglais
« Flower ».
Il a été construit à Glasgow. Commencé en septembre 1916, il est mis à flot en mars 1917, et mis
en service le 2 mai 1917.
Son équipage est de 6 officiers, et 97 hommes.
En mai 1917, il patrouille dans l'Atlantique. En
novembre, il évite deux torpilles tirées par un sous
-marin allemand.
En 1919, il est affecté comme bâtiment hydrographe à Terre-Neuve.
De septembre 1919 à janvier 1920, le Régulus est
au Cameroun et au Sénégal. En décembre 1921,
il s’échoue trois fois sur le redoutable banc d’Arguin au large d'Arcachon.
En 1922-1924, il croise dans l'Atlantique, en Amérique Centrale et du Sud.
Le 28 avril 1923, il est pris dans les glaces à Terre
-Neuve.
En avril 1927, le Régulus part pour l’Indochine, le
Japon et la Chine.
Le premier mai 1929, il est accidentellement abordé devant Tsin-Tao (port entre Pékin et Shanghai)
par un bâtiment japonais.
En juillet 1930, il parade devant Yule Island.
En 1932, il est déclaré aviso colonial.
En mai 1935, il est rayé des listes et en juillet il est
vendu... Triste fin d'une courte carrière de 18 ans,
pour un bon bateau.
la remballer en 4 caisses. Le voyage me revient à environ 30 000 F, dont les 2/3 pour les frais de transport.
J'ai eu beaucoup de chance pour la douane, les douaniers se sont contentés du tiers de mes factures qu'ils
ont examinées pendant 2 jours et taxées 3 000 F. Aucune caisse n'a été ouverte. J'ai été très satisfait, car
j'aurais pu avoir quelque 50 000 F à payer sans compter les caisses dézinguées et 2 ou 3 mois d'attente.
De Paris, Joubert-Tiersot m'avait envoyé une petite
machine dont 1 pièce a été brisée. Je lui ai écrit de me
la renvoyer et en même temps j'ai commandé une
avoyeuse pour les scies à ruban. Je lui ai dit qu'il
s'adresse à vous pour le paiement. Mais si sur les
Mais en a-t-il fini avec les bateaux et la mer ?
Pas tout à fait.
Notre Coublandi ne dit rien de possibles remontées de
fleuves en canot. Il est vrai que la rivière d'Ononghé,
la Vanapa, est plutôt un torrent, très peu propice à la
navigation. Mais il va encore être question de bateaux,
en 1937. D'abord parce que la Croix prévue pour le
mont Albert-Edward est arrivée cette année-là, par
mer évidemment, mais est restée trois mois, indûment,
dans les entrepôts de la douane de Port Moresby.
Et en juin de cette même année, comme le raconte
Jules Dubuy dans une nouvelle lettre à Victor Thévenet (3 août) : « La Nlle Guinée a été dernièrement sérieusement éprouvée : il y a quelque 2 mois, une éruption volcanique a détruit la capitale de la Nlle Bretagne, Rabaul, où je m’étais rendu directement de
Marseille en 1930.
Le port qui avait quelques 3 kilomètres de fond à son
entrée a été comblé et des bateaux se sont trouvés subitement dans les jardins. »
Décidément, le surréalisme ne triomphait pas qu'en
Europe. La nature tropicale s'y mettait...
Bernard Berthier
Humeur humour par Bibi
De mes deux filles, l'une entrera chez les carmélites, l'autre chez les cars Michel.
Dieu sera généreux pour nous accueillir au Paradis. Pourquoi ? Parce qu'il n'est pas radin...
À un repas entier je préfère une midinette…
Dans un couple, l'âge de la retraite amène une
redistribution des tâches, et des moustaches.
Il y a un temps pour tout : le temps de l'i-pad, et
le temps de l'EHPAD.
Le couple, ce miroir aux alouettes : la ménagère
scotchée devant le poste et le bonhomme posté
devant le scotch...
En ce Temps-là 2013
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Rémy Berthier
et Maria Joly son épouse
L'Asie
par Pierre Berthier
Mon père, Rémy Berthier (Jean-Rémy pour l'état civil), est né à Coublanc, dans la maison familiale de La
Roche, le 17 novembre 1896. Il était le fils de Joanny
Berthier et de Clotilde Guillermet, de la famille des
Guillermet de Mardore. Il était aussi le petit frère de
Pétrus (1892) et d'Élise (1893). Sa jeunesse se déroula
à Coublanc, sans rien de remarquable. La famille conserve quelques uns de ses
cahiers d'école, où on le voit
appliqué à bien écrire. Les
leçons d'instruction civique
qu'il recopie patiemment
sont assez étonnantes par
rapport à l'enseignement
actuel... Son frère Pétrus
reprenant la ferme, il lui
fallu trouver un autre métier : il devint apprenti tailleur chez Rémy Joly, à La
Place.
Mon père avait presque
18 ans lors de la déclaration
de guerre, en août 1914. Il a
été beaucoup marqué par
ses 3 ou 4 ans de service
militaire et de guerre. Je
n'en garde que quelques
souvenirs, qu'il nous a racontés parfois plus tard. Il
en parlait peu, certainement
par dégoût de la chose militaire (il disait qu'il voulait
absolument rester soldat de deuxième classe, « et encore par protection » !) et à cause des horreurs qu'il
avait connues, comme la mort d'un copain, un soldat
italien de vingt ans. En effet, vers Koritza, il avait vu
ce jeune homme mourant, les entrailles ouvertes, et
qui gémissait en disant : « Mama ! »
C'est un peu par hasard, ou par désir de voyager et
esprit d'aventure, qu'il avait choisi de partir en Orient,
plutôt que sur le front du nord de la France, quand on
demanda des volontaires pour les Dardanelles. Il paraît que dans un groupe de dix-neuf jeunes Coublandis
de sa classe, ils ne sont que deux à avoir choisi
l'Orient, mais ils sont rentrés tous deux vivants.
À l'aller, il a eu le mal de mer dans le bateau de Marseille jusqu'à Salonique, dans le nord de la Grèce.
L'étage supérieur était réservé aux officiers et sousoff. En dessous, bien bas dans les soutes, les simples
soldats, mal nourris, en piètre état. « Ne bougez pas
d'ici », disait l'officier. Et parfois, et cela faisait peur :
« Il y a de la lumière. ! » ou « Bateau à l'horizon !
L’Asie est un paquebot de 139 mètres de long, qui a
été mis en service par la Compagnie des Chargeurs
Réunis en 1914. Il est réquisitionné par la Marine Nationale en 1916 et transformé en navire hôpital de
770 lits.
Opérationnel à partir de février 1917, il effectue durant
deux ans en moyenne, au service de l'Armée d'Orient,
deux rotations mensuelles entre Toulon et Salonique
avec parfois des escales à Bizerte, Milo, Bône et Alger.
Il connaît divers aléas, dont un le 10 mai 1917 : en
convoi en Méditerranée, il aborde et endommage le
torpilleur d’escadre Mortier.
Le 4 avril 1918, en route pour Salonique, il est contrôlé par un sous-marin allemand par 35°25N et 015°
13E, au sud de Malte. Lors du contrôle, un marin allemand tombe à l’eau et est soigné par le docteur Marin, médecin major de l’Asie. La correction de l’équipage allemand est notée dans le compte rendu du
voyage.
Le 20 juillet 1918, Rémy Berthier en descend et remet
le pied en France.
Après l’Armistice, l'Asie continue à naviguer en Méditerranée Orientale, transporte des personnels civils et
militaires, des réfugiés, de matériel, y compris pour le
compte de la Croix Rouge américaine.
Rendu à la marine marchande en 1919, il connaîtra
des incendies et des échouages divers, puis sera pris
par les Allemands à Marseille en mai 1943, remis aux
Italiens, rebaptisé Rossano, bombardé par les Alliés
dans le port de Gênes.
Trente ans d’existence. Finie la comédie !...
Priez le bon Dieu ! » Un ou deux bateaux de transport
de troupes ont été torpillés devant eux..
Il a fait la difficile campagne de Grèce, de Macédoine
et de Serbie, avec la fameuse bataille de Koritza. Il
racontait que le roi de Serbie lui avait serré la main
après la victoire et lui avait dit avec un accent balkanique : « Vous êtes un brave ! »
Il a été décoré, mais après la guerre, il n'a pas voulu
porter ses décorations. Il en avait assez. « Les tueries
m'emmerdent ! » C'est pourquoi il ne la racontait pas
beaucoup, sa guerre.
Il avait contracté le paludisme là-bas. Avait-il aussi
respiré des produits toxiques ? A-t-il été gazé ? Il a été
rapatrié dans un bateau-hôpital nommé « L'Asie »,
avant la fin de la guerre, puisqu'il écrit de Cannes le
23 juillet 1918. Il a été cantonné dans cette petite ville,
En ce Temps-là 2013
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pour soigner son paludisme ; il y a passé un an environ, dans un hôpital improvisé dans un grand hôtel
réquisitionné : une année de vacances à Cannes, aux
frais de l'armée ! Mais cela a-t-il compensé les crises
de paludisme qui l'ont pris le reste de sa vie, de temps
en temps, et qui lui donnaient une forte fièvre durant
trois ou quatre jours ?
Il est donc enfin rentré mais, de la même manière que
son patron avait fait dans sa jeunesse des voyages
d'apprentissage à Metz, Reims ou Bordeaux, Rémy
avait fait durant presque un an un bout de tour de
France passant par Strasbourg et Paris : en fait, pour
se perfectionner dans le métier, on se mettait au service de patrons qui avaient momentanément trop de
travail, à l'approche des grandes fêtes où les gens se
faisaient faire un costume. Il a aussi pu apprendre la
coupe.
Après la guerre, il s'est un peu intéressé à la politique.
Il est entré dans un parti politique, le PDP (Parti démocrate populaire, espèce de parti démocratechrétien) dirigé par un Raymond Barre de l'époque. Il
était allé deux ou trois fois à ses conférences. La section de Coublanc comportait une dizaine de membres.
On était venu le chercher. Ce parti
n'était pas très venimeux. Mon père a
dû assister à quelques réunions le
dimanche, à Chauffailles ou SaintIgny.
Rémy Berthier était un bon garçon,
et plutôt beau. Il a plu à Maria Joly,
et a été agréé par les parents de Maria Joly. Le mariage a eu lieu le
17 octobre 1922. C'est à cette noce
que son frère Pétrus, célibataire
quoique plus âgé que lui, a fait la
connaissance de Clotilde Joly, qu'il
allait épouser bientôt.
Maria, officiellement Maria Claudia,
était la fille du futur maire et d'Émilie Leaumorte. Elle était née le 29
avril 1901, à Coublanc. Elle avait eu une petite sœur,
Lucie Augustine, qui était née le 13 décembre 1903, et
morte quelques mois plus tard, le 27 avril 1904. Maria, qui n'était pas une travailleuse acharnée à l'école
de Coublanc, avait été mise par ses parents en pension
chez les sœurs de Belmont, jusqu'au brevet. Ensuite,
elle avait aidé sa mère dans le magasin, mais songeait
surtout à se marier...
Quand il avait dit à mon grand-père : « Je désire épouser votre fille », Rémy Joly lui avait répondu : « Oui,
mais ne vous installez pas à moins de trente kilomètres de Coublanc ! » Il y avait déjà plusieurs tailleurs à Coublanc ! Un copain l'a poussé vers Charlieu.
« Il y a tout plein de bourgeois ! » Mais la condition
exigée par Rémy Joly lui interdisait Charlieu, trop
proche. Il s'est exilé à Paray-le-Monial. Le magasin
familial, avec deux petites pièces d'habitation à l'étage,
était situé en plein cœur, place Guignault.
Il travaillait avec ma mère, qui vendait du tissu ou de
la mercerie, mais aussi avec deux employés, un
homme et une femme. Ma mère était maligne ; je l'ai
entendue souvent qui vantait sa marchandise, en disant : « Prenez ce tissu, il est excellent ! » ou bien :
« Il vous va très bien ! », alors que c'était un produit
ordinaire faisant un effet banal. Mon père, plus honnête ou moins commercial, aurait voulu qu'elle dise la
vérité ; il lui reprochait après ses enthousiasmes
feints : « Tu n'as pas honte ! »
Il était tailleur, et il était coupeur : cela faisait en fait
deux métiers. Comme il ne connaissait pas l'algèbre, il
faisait ses modèles sur le papier. Moi, qui étais bon en
maths très jeune, je lui ai donné des moyens arithmétiques. « Qu'est-ce que t'es savant ! » La règle de trois
pouvait être utile !...
Il avait un ami, connu à la guerre ou au PDP, un certain Brivet, je crois, qui devait avoir une petite usine
de tissage, et qui fut ou à peu près son premier client.
Ce Brivet lui proposa de lui faire de la pub, en disant :
« Je me fais faire un costume chez Berthier ! »
C'est à Paray que le couple a eu deux enfants : Pierre
(moi) né le 17 octobre 1925, et mon frère René, né le
28 mai 1927. Nos parents nous
envoyaient souvent en vacances à
Coublanc. C'est là, chez ma grandmère, que j'ai attrapé la polio, en
1928. Mes parents et le docteur
m'ont envoyé à l'hôpital Debrousse, à Lyon, où, faute de
place, on m’avait mis dans un service de méningite et on ne savait
pas si j'allais mourir de l’une ou de
l’autre maladie. Revenu vivant à
Paray, c'est ma mère qui m’a fait
marcher en alternant taloches pour
me forcer et chocolat pour me récompenser ou m'inciter. Ma mère
et ma grand-mère Émilie Joly
étaient très fâchées d'avoir un enfant que tous ses camarades traitaient de « patte
folle ».
La maison que nous habitions était en mauvais état : il
pleuvait place Guignault, il pleuvait sur le lit où je
dormais avec mon frère, et nous y mettions parfois
une bassine. On entendait la voisine, qu'on appelait la
mère Pisse-trois-gouttes (« et la quatrième est en
route »), parce que durant les nuits (ou bien l'imaginait
-on) elle allait souvent à son pot de chambre ; c'était
une vieille dame qui donnait des coups de mains à
l'école.
Une fois, durant un séjour de vacances à Coublanc,
mes parents ont invité leur nièce et filleule Madeleine
Berthier à passer chez eux quelques jours de vacances,
quelque temps après la mort en 1940 de sa sœur Célestine, fillette de dix ans, durant la semaine de la débâcle. C'est René qui avait accompagné de Coublanc
sa jeune cousine, sans doute en train. Moi, j'étais resté
En ce Temps-là 2013
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à Coublanc : à Paray, il n'y
aurait pas eu de place pour
trois enfants !
Rémy aimait la pêche à la
ligne : il emmenait ses deux
fils pêcher dans le canal ou la
Bourbince. D'où le souvenir
que j'ai d'un proverbe orgueilleux que l'on devait répéter
souvent : « Si la Bourbince
portait bateaux, Paris serait
dans le siau ! »
En je ne sais quelle année,
mais les photos prouvent que nous avons environ dix
ou douze ans, et ce doit donc être peu avant la guerre,
nous sommes allés à Lourdes, avons visité le sanctuaire et même marché en montagne. On m'avait fait
miroiter que l'eau de Lourdes guérirait ma jambe atrophiée. On ne devrait pas dire cela à un jeune boiteux :
la déception du bain inefficace dans la piscine de
Lourdes a beaucoup diminué ma foi. Anatole France
disait, et cela m'a marqué, qu'à Lourdes il y a plus d'ex
-voto que de jambes de bois...
À Paray-le-Monial, il y avait beaucoup d'ecclésiastiques, et l'on était souvent fourré dans la basilique. La
basilique était l'église de notre paroisse. Mon père faisait partie du chœur de chant. Moi aussi. Un peu plus
malin que les autres, j'avais été choisi pour être l'enfant qui tourne les pages pour l'organiste qui jouait de
l'harmonium, un certain M. Racine. Durant certains
offices, avec mes deux copains Fusch et Jacob, nous
ouvrions nos missels avec un sérieux formidable, mais
on avait mis dedans des poèmes de Baudelaire – poète
interdit ! – qu'on lisait ainsi durant la messe.
En ce temps-là, qu'ils le veuillent ou non, les jeunes
échappaient difficilement à une solide éducation religieuse. Heureusement, le curé Dargaud était un pincesans-rire, qui faisait parfois de faciles plaisanteries, et
on racontait qu'une fois ou l'autre, à la fin de la messe,
faisant les annonces en lisant la feuille ad hoc, il avait
dit : « Il y a promesse de mariage entre... » et il avait
laissé tomber la feuille comme par maladresse et continué en disant : « entre la chaise et le banc ! »
Nous recevions aussi la visite du Père de Bréchard,
qui était bien avec toutes les femmes, et qui venait
rendre visite à ma mère depuis qu'il avait eu vent de la
possible vocation religieuse de
mon frère. D'après Clotilde
Forest, c'est ma mère qui avait
voué mon frère à la prêtrise,
s'il guérissait du tétanos ! Mon
frère avait donc été mis au petit
séminaire Saint-Hugues, tandis
que moi, je commençais à
m'installer sur l'établi de tailleur et à apprendre le métier.
Une fois, le Père de Bréchard
était entré dans l'atelier, m'y
avait vu, et avait demandé si j'étais intelligent,
et si je ne pouvais pas
faire mieux que le métier de tailleur d'habits.
« Réfléchissez-y ! » Et il
avait laissé un livre, une
grammaire latine, je
crois, en me disant de
l'apprendre. J'avais appris, et quand il était
revenu nous voir, il
avait décidé que je pouvais entrer en sixième, fin septembre, tandis que mon
frère, de deux ans moins âgé que moi, était déjà en
quatrième ou en troisième. En un an ou deux de travail
acharné (je faisais systématiquement tous les exercices
de tous les livres, et le programme de plusieurs années
en une seule), j'avais rattrapé mon frère en seconde, et
en fin de seconde, j'avais une meilleure moyenne que
lui, grâce aux maths. Mais ma mère, me semblait-t-il,
gardait une préférence pour son René, qui voulait devenir prêtre ! D'ailleurs, à Saint-Hugues, mon frère
déjeunait au grand restaurant pour 4 francs, tandis que
je mangeais au petit restaurant, pour 1 franc. Je n'en
étais pas mécontent, il y avait des fayots, et au dessert,
de la confiture de tomates. C'est donc au père de Bréchard que je dois d'être devenu un travailleur intellectuel, alors que mes parents hésitaient à faire des dépenses pour prolonger l'instruction de deux enfants et
n'envisageaient pas pour un enfant de métier intellectuel autre que la prêtrise.
C'était pendant la Deuxième Guerre mondiale. Au début de la guerre, en 1939, Rémy a été mobilisé en tant
que « vieille classe » à Troyes où, vu son métier, il
repassait les pantalons des officiers. Au moment de la
défaite, il réussit à échapper à pied ou en vélo aux
mailles du filet de l'armée allemande et à éviter d'être
fait prisonnier, en rentrant comme il put à Paray, où il
eut un jour la maladresse de se montrer en habit militaire à la fenêtre de la maison ; il comprit vite le
risque, et se changea... Durant les dernières années de
l'Occupation, il fut réquisitionné les nuits pour surveiller les lignes de chemin de fer, avec le risque d'être
fusillé si les résistants en faisaient sauter. La vie matérielle était dure. Nous nous nourrissions des produits
de deux petits jardins que
mon père avait loués non
loin de chez lui. D'après
Jeannette Roy, dont le père
avait un jardin voisin, il se
faisait un point d'honneur à
avoir les premières fraises,
qu'il offrait à la petite fille.
J'y travaillais avec lui, malgré le handicap de ma jambe
atrophiée. Coublanc et ses
ressources étaient à une cin-
En ce Temps-là 2013
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quantaine de kilomètres, mais surtout de l'autre côté
de la ligne de démarcation qui, à Paray, suivait le canal.
Pendant l'occupation, Rémy eut la faiblesse de sympathiser avec un officier allemand, un des responsables
de la troupe d'occupation, mais peu fanatique. Cet officier avait besoin des services d'un tailleur, notamment pour repasser ses pantalons : les deux anciens
combattants causaient en évoquant les idioties meurtrières de la première guerre. Ma mère, qui était bavarde, ne gardait pas le mutisme de l'héroïne du Silence de la mer envers cet officier, dont je me souviens qu'il s'appelait Siegfried Witke, et qu'il faisait
son possible pour limiter, en faveur des Parodiens, les
ennuis de l'occupation. À la Libération, on a reproché
à mon père cette fréquentation, et il a été victime de
l'épuration, notamment par suite des menées de
« résistants » souvent de la dernière heure : il a été
emprisonné deux ou trois mois à Dijon. Pendant ce
temps, les voisins qui tenaient le magasin Casino, dont
la sympathie allait aux éléments communistes des armées et des maquis qui remontaient du sud de la
France, voulaient faire subir un mauvais sort à ma
mère : je me souviens d'être intervenu dans la rue, devant le magasin, pour la défendre. Par manque de
chance, le maire de Paray, M. Desrichard, qui avait de
l'amitié pour mon père, avait été tué par un obus juste
avant la Libération [en fait, il était mort en déportation. Ndlr]. Les mois d'absence de mon père furent
durs. Ma mère servait d'infirmière à l'hôpital, en plus
de la tenue du magasin.
Mon père reçut, quand il fut élargi, l'interdiction
d'exercer à Paray-le-Monial et dans le département de
Saône-&-Loire. Son beau-père Rémy Joly était mort
en 1943, et il aurait pu s'installer tailleur à la Place,
sans l'interdiction. Il vint aussi près que possible : c'est
à Charlieu qu'il rouvrit un magasin, pour quelque
temps ; il s'y sentait bien. Mais Maria, sa femme, l'a
poussé à revenir à Coublanc, dès que ce fut possible,
pour venir habiter à côté de sa mère devenue veuve.
Vers 1937, Rémy avait acheté au maréchal-ferrant
Fouillet une maison à la Place, au-dessus de la maison
de son beau-père. Le couple, désormais sans enfants
(nous avions pris notre envol, moi vers Lyon, René
vers Autun ou Rome), s'y installa, jusqu'en 1957, date
de la mort d'Émilie Joly.
Les premiers temps à Coublanc ne furent pas faciles.
Même là, Rémy a été mal accueilli par quelques personnes – des voisins de la Raterie – faisant du zèle de
pureté contre l'espèce de collaborateur, pensaient-ils,
qu'avait été mon père. Mais bientôt les tracasseries,
comme des ordures déposées dans la cour de la maison, ont cessé et les choses se sont régularisées, si bien
que sa gentillesse et son talent de couturier lui valurent à nouveau l'estime générale. Aujourd'hui encore,
les Coublandis les plus vieux se souviennent d'avoir
acheté du tissu chez la Maria, ou fait faire un costume
chez Rémy, et peut-être portent-ils encore ce costume
dans les grandes occasions, car le tissu était aussi bon
que la coupe. À cette époque encore, il avait des aides
ou des apprentis. Par sympathie avec moi, il avait engagé un apprenti qui boitait, Paul Imbert, originaire de
Montchanin ou de Montceau.
En 1947, mes parents ont eu un troisième fils, mort-né
le 2 février. Ma mère était déjà âgée de 45 ans ! Ce fils
s'appelle Bernard et est enterré au cimetière de Coublanc. On voit encore son nom sur la tombe où il figure, accompagné d'une seule date, au-dessous de celui de l'aïeul Philibert Leaumorte. C'est là que sont
enterrés mes parents, qui les ont rejoints, mon père en
décembre 1965, et ma mère en 1967.
Rémy n'était pas aussi pieux ni aussi dévoué à l'Église
que son frère Pétrus, mais avec Maria, ils avaient plusieurs filleuls : Pierre Desnoyer, fils de sa sœur Élise,
mariée à un Desnoyer de Ligny, puis Madeleine Berthier, fille du Pétrus, future épouse de Maurice Barriquand, enfin, leur petit-fils Bernard Berthier. Mais ce
qu'ils avaient principalement fait pour l'Église, c'est de
lui avoir donné leur second fils, mon frère René, ordonné fin juin 1951 à Saint-Igny-de-Roche !
À la mort d'Émilie, mes parents se sont installés dans
la belle maison de pierres jaunes de Rémy Joly, et ont
loué leur maison à des vacanciers lyonnais ou grenoblois. Par suite de mon mariage et de la naissance de
Bernard (1951) et Jean (1952), mes parents sont devenus grands-parents, et de bons grands-parents, malgré
la distance. Ils sont venus nous voir à Saint-Michel, à
l'époque où je travaillais à l'Observatoire de HauteProvence, et à Grenoble, pour des communions solennelles. Nous allions régulièrement les voir en voiture à
Coublanc, durant les vacances d'été ou de Noël. Mon
père pêchait dans le crau avec ses petits-enfants, ou les
emmenait faire un tour en bicyclette. Il leur montrait
ses poules, et surtout ses lapins, qu'ils allaient nourrir
dans l'écurie de l'autre maison. Comme j'avais fait
avec mes grands-parents Joly, nous jouions avec les
enfants à la manille ou au tarot. C'est là, dans les années 60, que j'ai découvert la télévision, à l'écran fréquemment orné de neige, que mon frère René avait
voulu leur offrir. À soixante ans passés, mes parents
diminuaient progressivement leur activité professionnelle, mais jusqu'au bout mon père a travaillé pour la
famille. L'établi, les craies, la collection de gros ciseaux, la psyché étaient encore en place, tandis que le
magasin avait fermé, et que la banque servait de table
de ping-pong aux enfants.
Rémy était un homme naturellement de bonne humeur
et gentil, beaucoup plus drôle que son frère Pétrus.
Pétrus chantait à l'église et s'entraînait chez lui, à La
Roche, à chanter des cantiques religieux ou bibliques,
comme « Les Mines du Cédron ». Rémy, accompagnée de sa couturière (une certaine Marmore à une
époque), chantait des chansons d'amour sur son établi.
Il aimait bien rigoler, s'amuser. Il avait ses proverbes,
venus de je ne sais où : « Chez moi, je suis chez ma
femme. Dans la rue, je suis chez moi », ou bien : « La
En ce Temps-là 2013
Page 33
L’histoire des poilus
Rémy et Maria avec leurs deux petits-fils
vie est dure, les femmes sont chères, et les enfants si
faciles à faire » ou encore : « Là où la chèvre est attachée, elle broute. » Nous faisions des marches vers
Serpulin, jusqu'à une vigne qui lui venait des Joly, et
qui faisait un méchant vin blanc, dit « vin de noix »,
où vers le « Verger du roi Louis », au-delà de la ferme
où se succédèrent ses fermiers Lauriot puis Auclerc,
chez qui il allait chercher le lait le soir, dans la nuit,
avec ses petits-enfants. Ou encore, le dimanche, nous
allions voir à pied la Madeleine d'Écoche
(Melle Prajoux), une cousine par les Leaumorte, qui
tenait l'épicerie-café du Bourg d'Écoche avec la Mélo
Duffy, et qui était aussi modiste.
Rémy avait une bonne santé, apparemment, mais depuis longtemps, depuis la guerre peut-être, son cœur
battait de manière irrégulière. Un jour, le 7 décembre
1965, il était allé chercher en mobylette, à Chauffailles, des médicaments pour sa femme, qui souffrait
du diabète et devait souvent se faire des piqûres. Au
retour, il avait dû s'arrêter au Bourg de Coublanc, pour
une affaire à traiter à la mairie. Sa mobylette n'avait
plus voulu redémarrer spontanément, il avait peiné à
la relancer, et en remontant par le chemin de terre qui
part du bas des Génillons, qui longe la maison Dessertine avant de rejoindre la route vers les Druère, à la
Gâterie, il s'était effondré, le cœur épuisé. Il avait
69 ans seulement. Son visage était méconnaissable,
avait dit son frère Pétrus venu le reconnaître ; mais sur
son lit de mort, dans la maison Joly, il avait retrouvé
sa fraîcheur et même un certaine jeunesse, quand nous
étions arrivés de Grenoble, de nuit, en passant par le
Lyon illuminé du 8 décembre. Nous suivîmes à pied
son corbillard tiré par un cheval.
Sa veuve Maria, ma mère, minée par le deuil et le diabète, a passé, sans lui, deux très mauvaises années,
d'abord chez elle, et enfin dans une maison de retraite
tenue par des Carmélites à Sainte-Foy-lès-Lyon, où
elle est morte le 21 novembre 1967.
Notre revue, de concert avec le site Internet Coublanc-71, ambitionne d’écrire l’histoire des poilus de
notre village.
La tâche est ample.
Le monument aux morts du Bourg de Coublanc recense 66 noms. La plaque de la mairie en compte
autant. Les poilus dont le nom figure sur ces deux
documents − le Bulletin de Coublanc 2014 reproduit
une photo du second − ne sont pas tous nés à Coublanc. Certains y ont peu vécu. Le nom de certains
figure aussi sur des monuments aux morts d’autres
communes.
Nous avons, de plus, repéré des Coublandis morts à
la Grande Guerre, dont le nom ne figure pas sur
notre monument, et figure, ou non, sur des monuments d’autres communes, où ils avaient été s’installer avant guerre. Le canton de Charlieu a publié vers
1920 un livre d’or des combattants morts pour la
France : cela nous a aidés dans notre recherche.
Certains fiches sont accompagnées de photos : en
voici deux des frères Jean et Louis-Jean Boyer de
l’Orme, inscrits sur le monument de Saint-Denis-deCabanne. L’article qui suit prend en compte ces poilus, à le différences des listes que nous avons publiées dans les revues de 2005 à 2007. Cependant,
nous ne sommes pas sûrs de les avoir tous retrouvés !
Mais ne parler que des « morts pour la France » serait très réducteur. Il y a aussi tous ces jeunes
hommes partis de Coublanc, qui y sont revenus,
blessés physiquement ou moralement, dont une
trentaine de pensionnés et quelques « gueules cassées ». Il faudra aussi que nous fassions l’histoire de
ces poilus, d’ailleurs commencée dans notre numéro
de 1998, pages 12 à 14. Ceux-là, à la différence de
la majorité de ceux qui sont morts, ont eu une descendance, dont nous sommes le produit !
Le site Internet Coublanc-71 a entrepris de lister et
de ficher tous les noms retrouvables. La revue tâche
de parler des personnes de manière plus large,
avant et après la guerre. Par exemple, dans ce numéro, il est question de deux poilus survivants, au
moins, Joseph Chassignolle et Rémy Berthier. Il ne
tient qu’à vous, lecteurs, de collaborer à cette tâche
en nous faisant connaître les photos, souvenirs matériels et récits familiaux de vos ancêtres qui ont
« fait » 14-18…
Propos recueillis auprès de Pierre Berthier
par Bernard Berthier, à Lyon, en 2011-2012.
En ce Temps-là 2013
La rédaction
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Tous nos poilus
morts en 1914
La mobilisation du 2 août et l'entrée en guerre du 4 août
vont vider Coublanc d'un grand nombre de jeunes gens,
de 20 à 45 ans, sans doute plusieurs centaines ! La mortalité des premiers jours de guerre en particulier, et des
cinq premiers mois plus généralement, est effroyable :
non pas 15, comme l'indique le Monument aux morts de
Coublanc (MC), mais, avec 9 autres retrouvés par
Claude Franckart et moi, 24 jeunes hommes nés à Coublanc ou venus y habiter vont périr en cinq mois et seront reconnus « Morts pour la France » (MPLF).
Pour mieux comprendre leurs notices biographiques,
résumons les opérations :
- L'armée française tente de percer en Alsace-Lorraine,
mais est rejetée vers la Meuse (août et début de septembre). Beaucoup de Coublandis meurent dans ces opérations.
- Les Allemands percent au centre, prennent Reims, approchent de Paris, mais sont repoussés à la première bataille de la Marne (début septembre) et reculent largement.
- En octobre, les Alliés (Français, Anglais et Belges)
empêchent les Allemands de couper la liaison avec la
Manche et la Mer du Nord. C'est la « course à la mer »,
qui entraîne la bataille des Flandres, très meurtrière, notamment en Coublandis.
- La guerre de mouvement cesse fin novembre et en décembre, pour faire place à la longue guerre de tranchées :
deux lignes continues qui vont de la mer du Nord à la
frontière suisse.
Le 134e RI, caserné à Mâcon, enrégimente
beaucoup de Coublandis. Six d'entre eux vont
y mourir.
1. Joannès Gonin est le quatrième enfant d'Antoine,
cultivateur à Saint-Igny, et de Claudine Trouillet. Avant
lui, une petite Augustine-Marie, née en 1872, n'a vécu
que quelques mois. Sa cadette, née en 1874 a repris son
nom et épousera Marie-Joseph Grizard en 1901. En 1879
naît Jean-Marie, puis, après notre Joannès, Benoît, né en
1889, qui meurt lui aussi à la guerre en 1916, laissant
Antoinette Tacher veuve à Saint-Igny. Joannès Gonin
est né le 30 juillet 1881, à Saint-Igny. En 1907, il
épouse, à Coublanc, Maria Holveck. Il est de trois mois
le cadet de son concitoyen Joseph Badolle, avec qui il
part à Mâcon pour être recruté au 134 e RI (matricule
547). Il monte en train vers la Moselle avec ses 3400
compagnons, hommes et officiers recrutés à Mâcon. Il
meurt, « tué à l'ennemi », le 31 août, à Magnières, dans
la Meurthe-&-Moselle, tout près de Rozelieures où se
sont déroulés de violents combats, au cours d'une attaque
qui échoue. Sa guerre n'aura pas duré un mois. La transcription à Coublanc tardera jusqu'en 1920. MPLF. MC.
2. André-Joseph Lacôte, né le 21 novembre 1884 à
Foron, est le fils d'un propriétaire cultivateur, JeanBenoît, et de son épouse Marie Philomène Accary. Ceux
-là n'ont su faire que des garçons : quatre avant André,
un après. De trois d'entre eux, on sait qu'ils se marièrent,
Jean-Joseph avec Marie-Antoinette Berthier, Antoine
avec Marie Crost, et le petit Joseph avec Pierrette Chassignolle. André, devenu tisseur, se maria aussi, en 1908,
à Coublanc, avec Marie-Julie Auvolat. Six ans de
« bonheur conjugal », qui sait ? Une fille, MariePhilomène-Alice, née en 1911. Et des cousins germains
Lacôte à pleines panerées, dont la guerre va prendre la
fleur.
Il est recruté à Mâcon (matricule 173, mais 75 selon un
autre acte) et incorporé au 134e RI. Après les massacres
subis fin août (1/3 de l'effectif !), le régiment a été transféré du côté de Saint-Mihiel. André Lacôte meurt « tué à
l'ennemi » à Bois-Brûlé, commune d'Apremont, le
1er octobre. Une attaque vigoureuse déclenchée à
9 heures du matin au son de trois coups de canon a
échouée devant la résistance des Allemands. Notre Coublandi est resté sur le terrain...
La transcription de son acte de décès à Coublanc aura
lieu rapidement : le 18 avril 1915. Qu'est devenue la petite orpheline de 3 ans ? MPLF. MC.
3. Claude-Auguste Dubois, tisseur, cultivateur, ouvrier
en soie, et son épouse Mariette Vermorel, tisseuse, ont
eu beaucoup d'enfants. Il y en a eu six, dont quatre sont
morts entre 0 et 18 ans. Deux seuls, un garçon et une
fille, arriveront à l'âge du mariage. Puis naît Lazare, à
Génillon, le 15 novembre 1882. Sa mère mourra quand il
aura 11 ans, et son père se remariera en 1898 avec Claudine Adèle Chambrade, dont il aura un fils. La jeunesse
de Lazare Dubois a donc été marquée par la mort. En
1914, il résidait au Bois d'Oingt, mais comme les autres
Coublandis, il est recruté à Mâcon (matricule 524) pour
le 134e RI. Moins de quarante jours plus tard, il meurt
des suites de ses blessures mais est considéré comme
« tué à l'ennemi », le 8 octobre, lui aussi dans la forêt
d'Apremont. La transcription sera faite à Coublanc en
août 1915. MPLF. MC.
4. Joseph Badolle est le fils de Claude-Marie, déclaré
« employé » à Cadolon, et de Marie-Thérèse Lacôte. En
76 et en 78, les deux premiers enfants du couple n'ont
pas vécu. Adèle-Alvina, née en 1979, épousera Jean Buchet en 1904. Benoît-Joseph naît à Saint-Igny le 20 avril
1881. Louise et Marie-Philomène lui succèdent en 84 et
87. Le père meurt en 1890, la mère en 1898. Geneviève
Lacôte, descendante de Louise, parle de cette fratrie dans
le numéro de 2011 de notre revue, page 25.
Joseph est donc orphelin depuis 16 ans quand il part au
recrutement à Mâcon à l'âge de 33 ans. Il est tisseur, et
célibataire.
Il est soldat au 134e RI de Mâcon (matricule 563), qui est
transféré dans la Meuse en septembre. La guerre se stabilise. La routine des premières tranchées commence. Le
14 octobre, les positions de 1e ligne sont renforcées avec
du fil de fer. Des couvertures sont distribuées aux
hommes. Le 15 octobre, les tranchées ne peuvent plus
En ce Temps-là 2013
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être protégées. Le déboisement continue à être produit
par les projectiles explosifs allemands. Pertes sensibles.
Réception de carton bitumé et de toile de tente pour perfectionner les abris. Des gabions ont été transportés sur
le front. Le 16, toujours des canonnades, sans mouvement de part et d'autre. Joseph Badolle a dû recevoir un
éclat d'obus. Il en meurt, « tué à l'ennemi à la Forêt
d'Apremont, dans la Meuse, le 16 octobre 1914 ». La
transcription du décès n'aura lieu que l'été 1920. MPLF.
MC.
5. Julien-Benoît Thomachot, propriétaire, né en 1849, et
son épouse Thérèse Buchet, née en 1858, ont eu dix enfants entre 1878 et 1895 ! Sur ces dix enfants, quatre ou
cinq sont morts en bas âge. Les autres ont eu une longue
vie, entre 75 et 91 ans. Seul Auguste Thomachot a été
fauché en plein âge mûr. Né au moment des épis dorés, à
l'Orme, le 17 juillet 1881, il est parti avec ses conscrits
pour le recrutement de Mâcon (matricule 622). Il est intégré au 134e RI, comme les précédents. Il leur survivra
de quelques semaines, tué à l'ennemi le 15 novembre.
Au Bois Brûlé, commune d'Apremont dans la Meuse, la
nuit de 13 au 14 novembre a été rude. Les Allemands ont
pris « un élément de tranchée » à la 1e compagnie, mais
la 4e contre-attaque et repousse l'ennemi, en tue beaucoup et fait 21 prisonniers. C'est un jour et demi plus
tard, le 15, durant la routine des bombardements allemands au canon de 105, ou dans les fusillades qui s'ensuivent, qu'Auguste est mortellement touché, à 33 ans.
Le jugement sera transcrit à Dijon en 1915. MPLF. MC.
6. Marius Lavenir est le premier enfant de Claudius,
tisseur, et de Mariette-Philiberte Devillaine, tisseuse, de
douze ans sa cadette. Il est né le 24 mars 1892 dans la
maison familiale du Bois Gauthay. Entre 1894 et 1905,
le couple aura sept enfants, le premier et le quatrième
mort-nés, semble-t-il, tous des garçons, dont l'un, Francisque, épousera en 1930 une dame, Clotilde, née en
1902, qui est morte centenaire à Coublanc (cf. revue de
2002, page 2). Marius s'est éloigné de Coublanc : avant
son service, il est jardinier à Ambérieux.
Marius a été incorporé le 10 octobre 1913, à l'âge normal
de 21 ans, et son service militaire s'est transformé en
conscription guerrière. Comme beaucoup d'autres Coublandis, il est recruté à Mâcon (matricule 316) et intégré
au 134e RI. Son parcours est donc identique à celui de
ses camarades, et il meurt, dans une fusillade ou un bombardement, le 18 novembre dans un endroit où cinq
autres Coublandis sont morts depuis un mois et demi,
dont Auguste Thomachot trois jours avant lui ; il est
« tué à l'ennemi » au Bois Brûlé, à Apremont. Le journal
de marche note seulement, ce jour-là : « Beaucoup
d'hommes ont les pieds gelés ».
Le jugement de décès sera transmis à Coublanc le
28 septembre 1915. MPLF. MC.
Autres régiments impliqués dans les mêmes
actions
7. Notre revue 2013, page 8, sous la plume de sa petitenièce Germaine, a parlé de Félix Martin, propriétaire,
cultivateur, et de son épouse Benoîte-Marie Lachassagne
et évoqué leurs cinq enfants. C'est l'aîné que nous allons
suivre ici. Auguste-Claudius Martin est né à La Croix
le 10 avril 1893.
Augustin, comme on l'appelait, était donc encore bien
jeune en août 1914 : 21 ans ! Il a pourtant été recruté
après sans doute un petit temps de service militaire, à
Mâcon (matricule 590). Il a été incorporé au
21e Bataillon de Chasseurs à pied. Le 14 août, le bataillon, perçant en Alsace, prend le Donon. Le 18, il protège
le passage du 21e Corps d'armée qui marche en direction
de Sarrebourg. Les Allemands contre-attaquent, et le col
du Donon et le petit Donon sont le lieu de combats féroces, avec bombardements et fusillades, dans les journées du 20 et 21 août.
Augustin est tombé au Donon « tué à l'ennemi » le 20
août, comme deux autres Coublandis dans d'autres combats. Sa guerre aura été fort courte. Le journal de marche
de son bataillon note son matricule au corps (3636) et
son nom parmi les 13 chasseurs tués. C'est au Donon,
commune de Grandfontaine (Bas-Rhin), que repose son
corps, dans l'ossuaire 1 de la nécropole.
Son acte a été transcrit le 12 février 1915, à Saint-Ignyde-Roche, où ses parents s'étaient depuis longtemps installés et où son père lui survivra 34 ans ! Son nom figure
au monument aux morts du village. MPLF.
8. La famille Lacôte était nombreuse : c'est une tautologie. Mais laquelle ? Il y en avait au moins deux à Foron,
et toutes les deux prolifiques. Celle dont les parents
étaient Claude-Constant, cultivateur, et Françoise Accary, son épouse, a eu dix enfants, tandis que l'oncle JeanBenoît, père du cousin poilu décédé Joseph, n'a eu que
six garçons. Est née d'abord une fille, puis six garçons,
puis deux filles et un garçon, de 1882 à 1898. Plusieurs
étaient mariés avant guerre, mais pas Antoine Lucien
Lacôte, le cinquième de la famille, né à Foron le
11 décembre 1888, cultivateur comme ses parents et encore célibataire à 25 ans, quand la guerre a été déclarée.
Recruté à Mâcon (matricule 1059), il est incorporé au
56e RI, comme Cyrille Auclair, qu'il va précéder de cinq
jours dans la mort. En effet, il meurt, dans la terrible
journée du 20 août, tué à l'ennemi, à Saint-Jean de Basset, village voisin de Gosselming, dans la Moselle.
Le jugement et la transcription à Coublanc se feront au
printemps 1921. Les restes d'Antoine reposent dans la
nécropole nationale de Gosselming, ossuaire 1. MPLF.
MC.
9. Marius Grapeloup est né le 24 mai 1893 à Coublanc.
Il est le troisième enfant de Jean-Napoléon, tisseur, et de
son épouse Françoise Lathuillière, tisseuse. Dix ans plus
tôt sont nés les jumeaux Claude et Benoîte-Marie, qui
épouse en 1906 Joseph-Benoît-Marie Devillaine. Marius
est allé travailler la terre à Saint-Laurent-en-Brionnais, et
est célibataire au moment de son service militaire fait
dans le 6e Régiment d'Infanterie Coloniale depuis le 24
décembre 1913. Il passe du service à la guerre, recruté à
Mâcon (matricule 521). Avec les deux précédents, il est
l'un des trois Coublandis morts dès le 20 août ! Il est
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« tué à l'ennemi » mais son corps a disparu. Retrouvé, il
est inhumé dans la nécropole nationale de Walscheid,
tombe 29. Le village de Walscheid fut l'ultime avancée
de l'armée française qui avait envahi la province allemande de la Lorraine en descendant le Donon et prenant
position sur la butte du Saint-Léon et à l'ouest du village,
le 18 août 1914. L'armée allemande venant de Saverne
par la vallée de la Zorn prit position à l'est. Le 19 août
1914 à 5 h du matin la bataille de Walscheid s'engage
par un duel d'artillerie par-dessus le village, puis par des
corps à corps à la baïonnette quand des chasseurs bavarois prennent à revers le régiment colonial au Saint-Léon
en passant par les sentiers de montagne. Les avions jettent des shrapnels. 800 morts (environ 400 de part et
d'autre) et 1 200 blessés militaires furent recensés en
deux jours. MPLF. MC.
Décès fixé par jugement du tribunal de Charolles du
23 juillet 1920, transcrit en août à Coublanc.
10. Benoît Auclair, tisseur, et son épouse Antoinette Lacombe, de six ans son aînée, ont engendré six enfants.
Les trois garçons vont faire la guerre de 14.
L’aîné, Claudius, né en 1886, épouse Marie-Joséphine
Bidaud en 1910. Il survivra à la guerre, et sera le père
d’Antonin Auclair. Notre revue en a déjà parlé en 2010
(page 36). Le cadet, Antonin, né en 1889, est tué en
1915. Nous en parlerons l’an prochain. Cyrille naît le
3 février 1892, à la Raterie. Viennent ensuite MarieThérèse, Victor, qui n'a pas vécu, et Victorine…
La photo qu’on a de Cyrille Auclair (cf. revue de 2007,
page 9) montre un beau et grand jeune homme. C’est un
paysan encore célibataire, qui passe directement du service militaire à la guerre. Il est incorporé à Mâcon
(matricule 250) lors de la mobilisation, au 56e RI, qui
part le 4 août, franchit la frontière (celle de 1870) le
20 août 1914, attaque Gosselming. Le village est pris et
abandonné, 1/3 du régiment est hors de combat ; plus de
600 soldats sont tués. C'est dans ce combat que meurt
son camarade Antoine Lacôte. Les Français reculent
jusque vers Nancy. Les 24 et 25 août, les Allemands attaquent cette position de repli et Cyrille disparaît le 25 au
cours du combat d'Essey-la-Côte. Une ambulance retrouve son corps (identifié grâce à sa plaque « et aux
autres effets dont il était le détenteur ») le 29 sur le
champ de bataille de Vennezey (Meurthe-&-Moselle).
Décès fixé par jugement du tribunal de Charolles du
25 août 1917 et transcrit le 7 octobre suivant à Coublanc.
MPLF. MC.
11. Claude Grapeloup, tisseur et propriétaire, et son
épouse Marie-Joséphine Monchanin, tisseuse, ouvrière
en soie, ont eu beaucoup d'enfants. Le futur poilu
Claude Marie Joseph Grapeloup est le dernier, né le
23 septembre 1883 en Bourguignon. Ses quatre premiers
frères et sœurs, nés entre 70 et 77, n'ont pas vécu plus de
14 ans, semble-t-il. Les deux sœurs qui l'ont précédé,
Marie-Louise et Clotilde ont eu une plus longue part de
vie.
Joseph avait fait son service militaire au 134 e RI à Mâcon, et avait épousé Augustine Holveck en avril 1909 : il
était devenu par là le beau-frère de Joannès Gonin. De
cette union, Marguerite venait de naître le 24 mai 1914.
Mais il a été rappelé à l'activité par la mobilisation générale le 12 août et affecté en renfort au 334e RI. Matricule
378 au recrutement à Mâcon.
Le régiment est dirigé vers l'Alsace, pour contenir la
poussée allemande, et se bat ensuite autour de Saint-Dié.
Le 28 août, à 3heures, le régiment quitte son bivouac et
se dirige sur le rentrant de bois situé à l'est du point 526
où il stationne pendant une demi-heure. Ensuite il se dirige en colonne double sur les hauteurs au sud d'Anozel
à travers bois. [...]. Il surprend les Allemands qui évacuent le village. Le reste du régiment s'établit sur les
hauteurs face à Saulcy. Une charge à la baïonnette est
exécutée vers 11h et des groupes ennemis se replient sur
la lisière est de Saulcy.
À douze heures, le 334e fouille le village d'Anozel, rejoint par un bataillon du 229e. Après quoi le régiment
prend une formation de rassemblement dans les bois au
S.O. d'Anozel. À 13h30, deux obus de 105 allemands
explosent dans ses rangs, en tuant quatre hommes et en
en blessant dix autres dont un sous-lieutenant et un adjudant. Le régiment quitte cet emplacement pour rejoindre
la lisière du bois vers le point 526. Là, l'ordre est donné
de se porter à nouveau vers Azorel en se tenant à droite
en échelon et en arrière du 229e.
Parmi les morts du jour, le corps de Claude Grapeloup
n'a pas été reconnu, ou du moins il a fallu un jugement
du 13 avril 1920 pour le déclarer MPLF, « tué à l'ennemi » à Mandray (Vosges), juste à côté d'Anozel, et reconnaître qu'il est enseveli dans la nécropole nationale
de Saulcy-sur-Meurthe (tombe 633). Sa guerre aura duré
16 jours... MC.
Sa fille, la petite Marguerite, a été déclarée pupille de la
nation le 30 janvier 1920.
12. Claude Boyer, tisseur, et son épouse Claudine-Marie
Sirot, tisseuse, ont eu cinq enfants, trois filles d'abord,
dont la vie fut plutôt longue, sauf pour la seconde, puis
deux garçons, qui tous deux moururent à la guerre, tous
deux dans les premiers mois. Terrible tribut payé à la
patrie.
Jean Boyer est né le 14 avril 1891 à l'Orme. Il est luimême devenu tisseur, mais sans doute à Saint-Denis-deCabane, bien qu'il soit resté célibataire. Il accomplissait
son service actif au 159e Régiment d'Infanterie à Briançon au moment de la mobilisation. Au recrutement, à
Roanne, il reçoit le matricule 637. Il part avec son régiment, de Briançon. Un des trains a un accident à Savines. Quatre morts. On laisse des blessés à l'hôpital de
Gap. On débarque près de Belfort. On passe la frontière
le 18. Le 19 août, combat à Altkirsch. Le baptême du feu
fait 800 morts ou blessés ! Le 22 août, en arrière, la
11e compagnie est anéantie par une collision ferroviaire
avec un train d'artillerie : 85 morts et quasi autant de
blessés. Le régiment se bat un mois durant dans les
Vosges, autour du col de la Chipotte, pris et repris plusieurs fois par les adversaires. Jean Boyer meurt à
23 ans, « tué à l'ennemi », le 17 septembre, à SaintBenoît, devenu depuis Saint-Benoît-la-Chipotte, entre
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Baccarat et Saint-Dié. C'est là que ses restes reposent
dans une nécropole nationale, dans la tombe 873. Médaille militaire et croix de guerre.
Le 8 mars 1915, le jugement est transcrit à Saint-Denisde-Cabane, où son nom figure sur le monument. MPLF.
Notons que pas moins de 37 poilus portant le nom de
Jean Boyer sont mort à la guerre !
13. Grégoire Déverchère, cultivateur, et son épouse
Jeanne-Françoise Dejoux, de huit ans sa cadette, ouvrière
en soie, n'ont eu que deux enfants. Le second est une
fille, Claudine-Marie, née en 1885. L'aîné, Joanny Déverchère, est né le 16 novembre 1880 à Carthelier, d'une
mère de 20 ans. Devenu tisseur, il s'est marié à Tancon
en avril 1907, avec Antoinette-Marie Nevers. Le couple,
qui n'a pas eu d'enfant, est allé s'installer à Pouilly-sousCharlieu. C'est là que l'ordre de mobilisation a touché
Joanny. Il s'est rendu à Roanne pour le recrutement
(matricule 1596) et a été incorporé au 99 e RI.
Le régiment, qui part de Lyon le 6 août, débarque à Épinal, entend le canon pour la première fois le 12, passe la
frontière de l'Alsace-Lorraine le 15, se bat héroïquement
dans les Vosges, mais est contraint au repli vers SaintDié, peut de nouveau progresser après la défaite allemande sur la Marne. Le front stabilisé dans les Vosges,
le 99e est envoyé dans la Somme le 18 septembre. On
essaie de prendre les Allemands de vitesse, dans leur
recul, mais le front s’immobilise et la guerre de tranchées va commencer. Joanny Déverchère, qui s'est si
bien battu qu'il a reçu la médaille militaire et la croix de
guerre avec étoile de bronze, meurt « tué à l'ennemi »
dans la bataille d'Herleville, non loin de Péronne, le 25
septembre. Il est inhumé à Vermandovillers (Somme).
Le décès est fixé par jugement du Tribunal de Roanne du
06/09/1918, avec transcription quasi immédiate à Pouilly
-sous-Charlieu. MPLF. Monument de Pouilly.
14. Claude-Marie-Vital Narboux, cultivateur, et son
épouse Claudine Millet, habitant, semble-t-il, Montbernier, ont eu une demi-douzaine d'enfants : Claude, né en
1876, a épousé Louise Buisson ; Marie-Pélagie n'a pas
vécu ; Marie-Léonie, née en 1880, a épousé en 1912
Louis Vallet ; Marius a vécu de 1881 à 1963 et Claudine
née en 1883 a épousé Émile-Prosper Villard en 1909.
Adolphe-Joseph Narboux, né en dernier le
11 septembre 1887, est allé prendre femme dans la Côte
roannaise, à Chérier : en avril 1912, il épouse Antoinette
Oblette. Leur vie conjugale ne durera pas longtemps :
Adolphe est recruté avec le matricule 698 à Mâcon ; il
est incorporé au 21e Bataillon de Chasseurs à pied,
comme Auguste Martin. Il survivra un peu plus d'un
mois à son camarade. Après le Donon mangeur
d'hommes, le bataillon participe aux combats du col de la
Chipotte, puis à la bataille de la Marne, avant de remonter vers les Vosges. Adolphe tombe le 27 septembre à la
scierie de la Turbine, d'un « coup de feu reçu au combat », dans la commune de Celles-sur-Plaine (Vosges). Il
est inhumé dans la commune proche de Ban-de-Sapt, à la
nécropole nationale La Fontenelle, tombe 20. La transcription a été faite en septembre 1920, à Roanne, où sa
veuve devait habiter. MPLF.
15. Il n'y a pas que les Lacôte, les Villard aussi forment
des familles nombreuses. Au Bois Gauthay, Pierre Villard, tisseur, et son épouse Marie-Valentine Chavanon,
tisseuse, ont donné le jour à neuf enfants : Marius, Noémie, Émile, qui sera le père des Villard de la Raterie,
Marie-Félicie et Marie-Honorine. Tous ceux-là se marieront et vivront assez longtemps. La naissance de Firmin
Villard, notre poilu, est encadrée par celle de Pierre et
de Jean, qui ne vivront pas. Puis viendra MarieVictorine, née en 1883, année de la mort de son père.
Firmin est donc né le 28 mai 1881 (la fiche MPLF dit le
21) et a épousé le 3 février 1910, à Mars, MarieClaudine Forest. Il n’aura pas d’enfant. Recruté à 33 ans,
à Mâcon (matricule 587), il est incorporé au 5 e Régiment
d'Infanterie coloniale.
Ce régiment est débarqué le 7 août à Dounoux, près
d'Épinal, et commence les vraies hostilités le 19 août en
attaquant vers Walsheid. Il se bat dans les Vosges, vers
Baccarat, Raon-l'étape, le col de la Chipotte fin août. En
septembre, mêmes champs d'opérations : il s'agit de défendre la rive gauche de la Meurthe, entre Raon et Thiaville. Le 25 septembre, le régiment quitte le front de Lorraine et part en train pour Toul. Il va cantonner à Gironville. Firmin meurt alors, « tué à l'ennemi », le
28 septembre 1914, à Apremont, comme beaucoup
d'autres Coublandis. Médaille et Croix de guerre.
Le jugement et sa transcription à Charolles (pourquoi ?)
auront lieu en juillet-août 1920, et son nom figure sur le
monument au morts de Mars. MPLF.
16. Claude-Marie-Césaire Berthier est le premier enfant de Claude, tisseur, et de Marie-Césarine, tisseuse,
son épouse. Viendront après lui Jean-Claude (1887) et
Marie (1891), future épouse, en 1943, de Paul Audin.
Lui est né le 28 mai 1884. La famille habite la Raterie –
ou la Place... Il a des cousins à la Raterie, dont le futur
abbé Claude Barriquand, né en 1883.
Recruté à Mâcon (ou Roanne ?) (matricule 236), il est
caporal au 298e R.I, dont le casernement normal est à
Roanne. Le régiment s'y organise du 2 au 11 août. C'est
théoriquement un régiment de réserve, mais il va être
vite engagé dans la guerre. Il débarque le à Vesoul le 12,
et passe la frontière de l'Alsace-Lorraine le 17, se bat en
Alsace, puis, le 28, embarque pour la Somme, débarque
à Gannes près de Mondidier. Début septembre, il accompagne la retraite sous un soleil de plomb d'autres troupes,
et de civils qui fuient vers le sud-est. Derrière lui, on fait
sauter les ponts. Claude écrit souvent à ses parents, et
son père s'inquiète, le 18 octobre, d'être sans nouvelles
de lui. On lui répond de Roanne, le 9 novembre, qu'il a
été blessé aux combats de Vingré (Aisne) les 18-20 septembre, mais qu'on en sait pas plus. En fait, si l'on en
croit la fiche MPLF, il est mort, le 6 octobre, « tué à l'ennemi », à Vingré. J'ai tendance à penser que c'est plutôt
de ses blessures des combats précédents.
Jugement rendu le 2 octobre 1917 et transcrit le 16 à
Saint-Victor-sur-Rhins, où son nom figure sur le monument aux morts. MPLF.
17. La famille Belot a dû n'être coublandie qu'épisodiquement. C'était des marchands ambulants, aussi bien le
En ce Temps-là 2013
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père, François, que la mère, Amélie-Augustine Demeure, toute jeune mère de 19 ans, dont il est écrit
qu'elle était « directrice de jeux et amusements publics,
marchande foraine ». Et Adolphe Belot lui-même est
défini comme marchand forain. Il est né à Perreuil, entre
Le Creusot et Mercurey, le 2 avril 1893. Il n'aura,
semble-t-il, qu'une petite sœur, Marie, née en 1909.
Adolphe est recruté à Autun, avec le matricule 4, dans le
31e Bataillon de Chasseurs à pied.
Ce bataillon se bat d'abord dans les Vosges, en couverture du secteur de Coinches, fait retraite fin août par
Baccarat, se bat ensuite dans la trouée de Charmes, participe à la première bataille de la Marne, passe en Artois, dans le secteur de Carency (Pas-de-Calais). C'est là
que meurt Adolphe Belot, « tué à l'ennemi », le
8 octobre 1914, lors de la « course à la mer » pour empêcher les Allemands de couper la France de l'Angleterre.
Son décès est fixé par jugement du tribunal de Charolles
le 23/07/1920. MPLF. MC. Le nom d'Adolphe Belot est
inscrit aussi sur le monument aux morts de Perreuil.
18. Philibert Devillaine s'est marié trois fois. La première en 1879 avec Reine Vermorel, qui lui donne trois
enfants. La seconde en 1886 avec Marie-Justine Troncy,
de qui naît le 25 mai 1887, dans la maison familiale du
Bois Gauthay, notre Théophile-Urbain. La troisième en
1888, avec Claudine-Marie Boireaud, et voici que naissent neuf enfants de 1889 à 1904 ! Le premier, AntoineBenoît, demi-frère de Théophile, va lui aussi mourir à la
guerre, en 1916. Théophile se marie en mai 1911 à
Mars, avec Catherine-Julie Dury. Mais c'est peut-être à
Chandon que le couple s'établit.
Au recrutement à Mâcon, (matricule 657), il est incorporé au 12e Régiment de Hussards, signe qu'il était capable de monter à cheval. Mais, soit en Alsace, soit dans
la bataille de la Marne, les hussards se battirent à pied
puis vécurent dans les tranchées, comme les régiments
d'infanterie. Puis le 12e remonte vers le Pas-de-Calais,
dans la « course à la mer ». Le 5 octobre, le premier
demi-régiment occupe Monchy-aux-Bois et le deuxième
demi-régiment creuse et occupe des tranchées à Bienvillers-aux-Bois. Le lendemain, tout le régiment reçoit à
midi ordre d'aller à Fonquevillers coopérer à une attaque
sur la ferme de la Brayelle. L'attaque s'exécute le 7 à
15 heures. Par ses feux, le régiment fixe les défenseurs
de la Brayelle, tandis que l'infanterie attaque Gommiécourt. Le 9 octobre à 17 heures, nouveau combat à pied
à Bienvillers et renforcement par le deuxième demirégiment de la défense d'Hannescamps. La belle conduite du régiment à cette occasion lui vaut une citation à
l'ordre de la Division.
Au cours des quatre journées de combat des 6, 7, 9 et 10
octobre, le régiment compta comme pertes 5 tués (dont,
le 10, Devillaine, « tué à l'ennemi » à Hannescamps), 28
blessés, dont 7 officiers, et deux disparus.
Le jugement rendu le 1er décembre 1920 au Tribunal de
Roanne. Acte transcrit le 13 à Chandon (Loire). MPLF.
Son nom n’est pas sur le monument de Chandon.
19. Théodore-Marie Dessertine, tisseur, propriétaire et
ouvrier en soie, et son épouse Françoise Lusy (ou Luzy),
tisseuse, habitant au hameau du Plat à Coublanc, ont eu
neuf enfants, avant le décès de Théodore et le remariage
de sa veuve avec Antoine Devilaine. Précédant Henri
Dessertine, notre poilu, né le 13 novembre 1880 à Coublanc, il y a eu Benoît, Claudine et Claude, le troisième
n'ayant vécu que neuf ans. Ensuite, quatre filles, dont la
dernière n'a guère vécu.
Recruté à 33 ans à Mâcon (ou à Roanne) (matricule
571), il est incorporé au 98e RI, dont le casernement
habituel est à Roanne.
7 août, Épinal ; 20 août, Sarrebourg ; après quoi, repli
sur la Mortagne, rivière affuent de la Meurthe ; reprise
de l'attaque, puis, à la mi-septembre, transport dans
l'Oise, pour contribuer à la victoire de la Marne et précipiter le recul des Allemands. Puis le régiment s'installe
durablement dans le Bois des Loges, entre Noyon et
Montdidier, pour y bloquer l'ennemi. C'est à cette occasion qu'Henri est grièvement blessé, et meurt « des
suites de blessures de guerre » dans l'ambulance 15, le
14 octobre 1914, à Montdidier, dans la Somme. Il est
inhumé dans ce même village, dans la nécropole nationale l'Égalité, tombe 368. Le jugement est transcrit le 17
avril 1915, à Écoche. En effet, en novembre 1908, il
avait épousé une fille d'Écoche, Antoinette-Marie Berthier. MPLF, son nom figure sur le monument aux morts
d'Écoche.
20. Benoît-Victor Defaye, né le 15 mars 1886, est le
deuxième fils de Jean-Marie, tisseur à la Favrie, et de
son épouse Claudine Crozet, tisseuse de huit ans plus
âgée que son mari. Le frère aîné, Benoît-Joseph, est né
en l'année précédente. Il se marie en 1911 avec Émilienne Reneaud. Sans doute ce frère a-t-il fait la guerre,
mais il en est revenu vivant, et mourra à 78 ans. L'an
d'après naît une sœur, Marie, qui épousera, après la
guerre, Auguste Mercier.
En août 1914, Benoît-Victor est recruté à Mâcon avec le
matricule 544, pour être intégré dans le 256 e RI. Son
régiment part le 11 pour les Vosges, où il connaît
l’épreuve du feu jusqu’au début de septembre. Le 28,
Defaye ne devait pas être loin d’un autre Coublandi,
Joseph Grapeloup, du 334e RI, quand celui-ci trouva la
mort vers Anozel. Le régiment participa ensuite à la
course à la mer, et fut envoyé en Artois, près de Béthune. Il défendit héroïquement les villages de Bully,
Cambrin et Cuinchy, très exposés, tantôt sur la défensive, tantôt passant à l’attaque. Le 17 octobre, le lieutenant Trolliet, qui partait reconnaître, à la tête de sa section, les nouvelles positions allemandes, fut pris, à leur
approche, sous un feu violent de mousqueterie et de
mitrailleuses ; il déploya alors sa section face à l’ennemi
pour lui répondre, et bien que blessé par cinq balles à la
tête, aux deux bras et à la jambe, il continua, assis sur le
bord du fossé de la route, à observer et à noter la situation des lignes ennemies, et ne voulut céder son commandement qu’après avoir perdu toutes ses forces. Deux
jours plus tard, le 19, à 10 h du matin, Defaye fut « tué à
l'ennemi »
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La transcription à Coublanc sera rapide, malgré la difficulté de l'état-civil à s'assurer du décès. : 17 avril 1915.
MPLF. MC.
Morts dans la bataille des Flandres
21. Étienne Accary est né à La Roche le 14 octobre
1877. Il était le quatrième enfant et premier garçon d'Antoine Accary et de son épouse Madeleine-Félicie. Ses
parents, qui ont 28 ans à sa naissance, vont avoir encore
quatre filles. Ce sont des paysans. Il grandit et devient
paysan à son tour. Quand la guerre éclate, il a déjà
36 ans. Ce n'est plus un jeune homme. Cinq de ses sœurs
se sont mariées. L'une d'elle est déjà la maman, depuis
1901, de Marie-Rose Crozet, qui épousera plus tard, en
1934, Adrien Duperron. Pourquoi Étienne ne s'est-il pas
marié ? Avait-il eu trop de sœurs auprès de lui dans son
enfance ?
Recruté à Mâcon, comme la plupart des poilus de Coublanc, il va servir dans le 146 e Régiment d'Infanterie
(matricule 1333). Le 146e RI a participé à la première
bataille de la Marne (août-septembre), puis il monte vers
la Picardie et le nord. Début novembre, il débarque à
Steenwerke et continue jusqu'à Elverdinghe. Combats le
6 et le 7. Nouvelles avancées le 9 et le 10, et c'est le jour
où le front se stabilise qu'Étienne meurt, en Belgique,
« tué à l'ennemi » au Mont Kemmel, le mercredi
11 novembre 1914. Le 11 novembre ne signifie encore
rien. Rien que la Saint-Martin, si importante pour les
paysans… MPLF. MC.
22. Louis-Jean Boyer est le petit frère de Jean, dont
nous avons parlé plus haut. Il est né le 21 juin 1893 à
L'Orme. Sans doute s'est-il exilé avec son frère à SaintDenis-de-Cabanne.
Recruté à Roanne avec le matricule 123, il est incorporé
le 11 septembre dans le 158e RI, déjà cantonné depuis
deux ans dans les Vosges. Sa guerre, entamée avec un
peu de retard (sans doute le temps d'une formation militaire minimale), va être légèrement plus longue que celle
de son frère. Sait-il, au moment où il commence de se
battre, que son frère aîné est déjà mort, ou peu s'en faut ?
Le 158e, revenu des Vosges et passé par Paris, participe
en Champagne au milieu de septembre à la poursuite des
Allemands après la victoire de la Marne. C'est là que
Louis Boyer le rejoint. Puis le régiment monte en Artois,
pour « la course à la mer » et joue un rôle important dans
l'affreuse bataille d'Ypres. Les Allemands ne passent pas.
C'est alors la guerre des tranchées qui commence, avec le
froid qui fait des victimes : les pieds boueux gèlent dans
les tranchées, vers Hooge. C'est dans ces conditions que
Louis meurt, le 2 ou 3 décembre, « tué à l'ennemi », à
« Westock en Belgique ». Or ce village, ainsi orthographié par les rapports militaires, n'existe pas ; mais il y a
une région qui s'appelle le Westhoek...
L'acte est transcrit le 7 mai 1915 à Saint-Denis-deCabanne, où son nom figure au monument avec celui de
son frère. Il serait inhumé dans un des cimetières militaires du Westhoek. MPLF.Médaille militaire et Croix de
guerre.
23. Joannès Druère est né le 6 novembre 1877 aux
Remparts. Après Claudius et Jules, il était le troisième et
dernier enfant de Claude et de Marie-Louise Genty. Sa
mère est morte alors qu'il avait 7 ans. Le père était fabriquant de coton. Il mourut en 1900. Deux ans après, à
24 ans, Joannès, cultivateur, avait épousé MarieJoséphine Robin, de Chandon. Le couple engendra deux
garçons, Benoît-Joseph en 1904 et Maurice-Jules en
1911.
Joannès est recruté à Mâcon à 36 ans. Son régiment sera
réuni au 146e RI, celui d’Étienne Accary, né la même
année que lui, mort un mois avant lui. Après la mort
d’Étienne au Mont Kemmel, le 146e RI se bat pour Calais, autour d'Ypres, dans la boue, le froid et la pluie.
Joannès meurt de ses blessures à l'hôpital temporaire de
Zuydcoote, le jour même de son admission, à midi, le
12 décembre. Par rapport à son camarade, cela permettra
une transmission très rapide de son acte de décès à Coublanc. Il est inhumé dans la cimetière militaire de
Zuydcoote, Carré 1, tombe 417. MPLF. MC.
24. Cousin germain de Claude-Marie-Joseph Grapeloup,
et plus jeune d'un an, Marie-Joseph Grapeloup est né
dans le même hameau d'en Bourguignon, le 21 août
1884, de Jean-Marie, tisseur, et de son épouse PierretteMarie-Pélagie Ducruy, tisseuse. En filant l'amour tendre,
ces tisseurs avaient engendré trois enfants avant notre
poilu : une fille, Marie-Florine, née en 1872, qui a épousé en 1897 Jean-Firmin Boland, puis deux garçons, dont
je ne sais pas grand-chose, ni s'ils ont vécu. Après MarieJoseph naîtra Louis, qui vient d’épouser, en 1914, Joséphine Fénéon. Mais le mariage, ce n'est pas pour notre
poilu, qui va devoir fêter ses trente ans dans les tranchées.
Matricule 182 au recensement à Mâcon, il est affecté au
4e Régiment de Marche des Zouaves, 19e compagnie.
Avec ses camarades, venus pour l'essentiel de Bizerte et
de Tunis, il reçoit le baptême du feu à Charleroi, le
23 août, puis bat en retraite jusqu'au 29 août. Dans le
cadre de la bataille de Guise, le régiment combat à Ribemont. Après la bataille de la Marne, les zouaves reprennent leur marche en avant et livrent de durs combats vers
la ferme d'Hurtebise, vers Craonne, dans l’Aisne. La maladie frappe ces bataillons de coloniaux peu habitués au
froid et à la pluie, en octobre, en décembre. Mais à quel
moment Joseph céda-t-il ? C'est la maladie qui va le tuer,
juste avant la Saint-Sylvestre, le 30 décembre, à l’hôpital
complémentaire 40 de Rennes. La transcription à Coublanc est faite grâce au registre de l'hôpital. Il est inhumé
sur place, dans le carré militaire du cimetière de l'est,
rang 22, tombe 9. MPLF. MC.
Bernard Berthier, décembre 2013,
avec l'aide du site Coublanc-71 et de son webmestre
N.B. Malgré nos efforts, nous ne pouvons pas assurer que tous les
renseignements sont absolument exacts. Il y a aussi des généalogies incomplètes...
En ce Temps-là 2013
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Fantastique robot
7 juillet 2087.
Aujourd'hui, ce sont les grandes vacances !
Victor et Mirabelle partent avec leurs parents… direction l'Australie. Le vaisseau est prêt, dans trois
heures, ils seront arrivés à destination grâce au couloir spatio-rapido. Ils feront le tour du pays et ils essaieront de vivre sans leur robot : Bingo surnommé
Bip-Bip par les enfants.
Bingo sait faire beaucoup de choses dans la maison et
en plus, il ne s'épuise jamais. Il fait le ménage, la cuisine, il sert le petit-déjeuner au lit, il va chercher les
enfants à l'école. Il sait jouer au basket avec Victor et
Mirabelle, il leur apprend à dessiner. Il fait même des
massages quand on a mal au dos.
− Au revoir Bip-Bip, tu vas nous manquer, mais ne
t’inquiète pas, chez papi, tu vas bien t’amuser !
− En plus, à Coublanc, il y a une brocante ce weekend ! dit Mirabelle.
− AU-RE-VOIR… ON SE RE-VOIT DANS QUINZE JOURS, répond le robot.
Bip-Bip file à toute allure chez le grand-père de Mirabelle et de Victor. Arrivé à la maison, il frappe à la
porte.
Grand-père Théo ouvre en ronchonnant.
− Oh, non ! Pas encore ce fichu robot… Moi, je préfère me débrouiller tout seul ! Je ne sais pas comment
font les autres pour supporter ces gros tas de ferraille !
− BON-JOUR-CHER MON-SIEUR, répond le robot.
QUE PUIS-JE FAI-RE POUR VOUS ? VOUS MASSER LES PIEDS ? FAI-RE LA CUI-SI-NE ?
− Du balai ! Va dans le placard avec ton cousin
l’aspirateur !
Mais le robot se met à passer l’aspirateur et grandpère qui regardait tranquillement un match de foot sur
sa télévision format réalité à commande de pensée, se
met à crier :
− Arrête ça tout de suite !
Mais le robot continue son ménage et grand père
Théo est fou de rage, il a raté son match de foot.
− Tu m’as fait louper la finale !
Toute la nuit grand-père Théo pense à se venger et
c’est décidé…
− … demain j’irai le vendre à la brocante…
Le lendemain matin.
− Viens, Bip- Bip, on va faire un tour ! Et grand père
embarque le robot dans sa vieille voiture. Mais en
chemin, la voiture tombe en panne au milieu des bois.
− Oh ! Il manquait plus que ça ! On est perdu maintenant… je ne sais même plus où nous sommes !... Le
moteur est peut-être grillé à moins que ce ne soit une
panne d’essence !
Grand-père Théo stresse de plus en plus. Bip-Bip réfléchit et met en route son super GPS laser.
− C’EST PAR ICI, PAR ICI PA-PI…PAR LÀ, PAR
LÀ, PAR-LÀA !
Et en quelques minutes, ils arrivent à la brocante.
Mais grand-père n’a plus du tout envie de vendre Bip
-Bip. Ils deviennent inséparables. Ils regardent ensemble les matchs de foot, font ensemble le ménage
et vont même cueillir des champignons.
Maintenant, ils
COLOGUES ».
grands
«
AMY-
Année 2013-2014
(Saint-Julien de Jonzy-71)
Élèves de CE 1 : 7 élèves
Dorian BOUCHACOURT
Charly DARGAUD
Lilou GUERZEDER
Romane LACÔTE
Jayson RUDE
Yaël VIDAL
Johann VOGIN
de
La classe de C.E École Ste Thérèse Coublanc
École privée Sainte-Thérèse
Maîtresse : Joëlle Courot
sont
Élèves de CE 2 : 10 élèves
Le Pont des Rigolles
Saint-Denis-de-Cabanne
Le Foron
Cadollon
La Place
Vers Roche (Saint-Igny)
La Raterie
Alexis BALTHAZARD
Pierre BERRY
Shâhin BOUZIR
Célian BUZET-BAGUE
Lisa CHATTON
Angèle CHAVANON
Alycia DANJOUX
Enzo DESMURS
Camille ESBERARD
Nolan MONTET
En ce Temps-là 2013
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La Roche
La Croix-du-Lièvre
Le Foron
Bois Gauthay
La Bourgogne
L’Orme
Les Varennes (Maizilly)
La Bergerolle (Saint-Igny)
La Favrie
Les Bruyères
En mer
Il était une fois un joli petit village, Coublanc, qui
vivait tranquillement. Un jour, la guerre éclata.
Tous les hommes majeurs du village furent appelés
à la bataille. Il ne resta que des enfants, des femmes
et des vieillards. André, bûcheron de métier et âgé
de vingt-sept ans, fut un des appelés au combat. Il
avait deux enfants, un garçon de 5 ans, Henri, et
une fille de 2 ans, Marguerite. Sa femme, Madeleine, était désespérée à l'idée que son mari parte à
la guerre. Cependant, elle fut rassurée par les bruits
qui couraient dans le village : on pensait que la
guerre ne durerait que quelques semaines.
André était appelé à se rendre au port de Marseille
pour prendre un navire militaire. La veille de son
départ, André prépara ses affaires les plus importantes, embrassa ses deux enfants et alla se coucher.
Il ferma les yeux et se sentit bercé, comme par des
vagues... Il était sur un bateau de guerre. Il entendait le capitaine hurler ses ordres. Des bateaux ennemis leur lançaient des bombes. Sur le pont, l'agitation gagnait les marins. Des avions survolaient
leur navire à basse altitude. Tous ces bruits étaient
effrayants. Le bateau d'André fut touché mais il
réussit à embarquer sur un canot de sauvetage avec
d'autres soldats au moment où le navire commençait à couler. Les vagues, énormes, secouaient la
barque.
Soudain, une bombe explosa juste à côté de l'embarcation et la fit chavirer. André fut saisi de peur.
L'eau était froide ; il ne savait pas nager et le poids
de ses bottes et de ses vêtements militaires commençaient à le fatiguer. Plusieurs fois, il but la
tasse. De plus, il craignait les monstres marins qu'il
s'imaginait terrifiants avec de grandes mâchoires
d'où dépassaient de longues dents pointues. Tout à
coup, un navire approcha et le sauva de la noyade.
Malheureusement, il s'agissait d'un bateau ennemi.
On allait le fusiller lorsqu'il hurla :
– Nooon !!!
André, trempé de sueur, se réveilla. Ce n'était rien.
Juste un cauchemar.
Mais, au final, le cauchemar de la guerre allait durer quatre ans.
Élèves de l’école publique
Classe de CM1-CM2
De l’école publique de Coublanc
Année 2013-2014
Enseignant : Lionel Simond (Tancon-71)
CM 1
Laya AGGOUNE
Noé AUBARD
Florian AUCLERC
Nathan BOUCHACOURT
Maxence CHAVANON
Élise DUPERRON
Guillaume FRANCKART
Dan GENAUDY
Thaïs GENILLON
Axel PARIAT
Lola PÉLEGRIN
NesrineTILOUCH
(12 élèves)
Les Épalis
Le Bois Gauthay
Terre des Chambres
Le Pont des Rigolles
La Brue
La Roche
La Place
La Place
Le Foron
Les Plantes Sud Cadollon
Le Bois Gauthay
Lallerand (Maizilly)
CM 2
(8 élèves)
Thomas ARNARDI
Laurie DUILLON,
Melvyn GUERZEDER
Louis GUIGUITANT
Ludivine PERRAT
Alexia RABUTEAU
Nicolas REVILLIER
Daniel TACITE
L’Orme
Cadollon
Le Foron
Montbernier
Le Foron
La Place
Les Espaliers
Le Foron
Claude Franckart (La Place), webmestre du très actif et complet site Internet personnel Coublanc71, propose aux personnes désireuses de retrouver leurs ancêtres de le contacter. Ses recherches
faites dans un esprit de sympathie réciproque sont totalement gratuites. Sa base généalogique
sans cesse remise sur le chantier comporte plus de 40 000 fiches de 1680 à 1935, donc forcément
des gens de leurs famille.
Contact : [email protected]
En ce Temps-là 2013
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Mots croisés
Grille n°20
par François Millord
Horizontalement : A. Elles furent nombreuses à Coublanc ces derniers temps, avec entre autres la station
filtre plantée de roseau à Cadolon, et le nouveau local technique au Pont des Rigoles. B. Malgré les efforts
engagés par la mairie, Coublanc n’a toujours pas le sien. Pronom. C. Frappée de
malédiction. Conjonction. D. Champion.
Habitants d’une commune du Brionnais
jadis dotée d’un petit séminaire, non loin
de Coublanc. E. Bateaux à fond plat servant autrefois au transport fluvial, notamment sur la Loire. F. Le relais lecture
de Coublanc l’est désormais, pour moderniser et faciliter l’enregistrement des
livres. G. Elles peuvent être organisées
dans la salle pour tous, en toutes sortes
d’occasions : fête des classes, mariage,
etc. H. Pronom. Centièmes de siècle. Enfila. I. Posé sur un astre familier. Profession représentée à Coublanc par l’entreprise Duperron. J. Pronom. Grelottaient.
K. Boirions du lait.
Verticalement : 1. Identifiant des sites
Internet italiens. Œuvrait. 2. Certains
sont bien représentés à Coublanc, comme
par exemple Lacôte, Dechavanne ou Berthier. Prénom féminin fêté le 25 décembre. 3. Nuança. Mouvement qui unifia les forces françaises de résistance le 1 er février 1944. 4. Ils
n’épargnèrent pas la Bourgogne lors de sa libération par les alliés, comme par exemple à Nevers le 17 juillet 1944. Couleur. 5. Celui de l’association des parents d’élèves a eu lieu le 1er dimanche de décembre (en 2
mots). 6. Endommageâmes. Unité de mesure chinoise, équivalent à 500 mètres. 7. Accessoires de plongée.
Sa longue marche changea l’histoire de la Chine. 8. Répétât. Organe. 9. Conjonction. Trous. 10. Contestes.
Adjectif possessif. 11. Habitants d’un pays voisin de la France. Groupe de rap français des années 1990.
Solution page 19.
Sauvegarde du patrimoine culturel
Conférence culturelle
Le dimanche 2 février 2013, l’association culturelle
Arcanson de Saint-Nizier-sous-Charlieu a proposé
une conférence sur le père Jules Dubuy, missionnaire du Sacré-Cœur. Durant près de trois heures,
devant un auditoire de cinquante personnes réunies dans une salle du château de Carillon, qui
voulaient toujours en savoir plus, Bernard Berthier,
équipé des photos et diaporama de Gérard Vaginay, a exposé la vie et l’œuvre de notre fameux
Coublandi, depuis le Bois Gauthay où il est né jusqu’à la Papouasie où il repose parmi ses convertis.
Deuxième rencontre du Patrimoine
local à Coutouvre
Après le succès de la Première rencontre, à Villers, le 11 novembre 2012, les organisateurs ont
choisi Coutouvre pour lieu de la deuxième rencontre. La revue En ce Temps-là y était présente,
le dimanche 24 novembre, pour représenter Coublanc, parmi les autres associations des villages
voisins – Cours-La Ville, Chandon, Charlieu, Villers, Coutouvre et même Roanne – qui travaillent à
la sauvegarde du patrimoine culturel sous toutes
ses formes
En ce Temps-là 2013
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Un riche hérite ; il se dit : « Voilà de l'argent de proche ! » (Bibi)
Revue imprimée en décembre 2013 par Graphi Center, à Roanne.
ISSN 1964 - 812 X
Responsable de la publication : Bernard Berthier, La Place, 71170 COUBLANC
[email protected]
Les articles des anciens numéros sont accessibles sur le site http://Coublanc-71.com
En ce Temps-là 2013
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