Année 2014
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Année 2014
Samedi 14 décembre 2013 ISSN 1964 - 812 X Numéro 19 Revue annuelle composée pour le Noël des Anciens de Coublanc Année 2014 Prix minimum : 4,00 € En ce Temps-là 2013 Page 1 Éditorial Sommaire de Bernard Berthier président de l’association du Noël des Anciens de Coublanc et rédacteur en chef d’En ce Temps-là Chers lecteurs, Baudelaire a écrit, entre tant d’autres beaux vers, celui-ci : « Du passé lumineux recueille tout vestige. » C’est un peu ce que nous faisons dans cette revue. Mais le passé est-il toujours lumineux ? Que d’horreurs dans l’histoire du XXe siècle ! Que de souffrances avez-vous connues !… Sans parler de la vie quotidienne, souvent plus difficile que celle d’aujourd’hui, quoi qu’on dise de la crise actuelle. Or je remarque que, sans ignorer les épreuves personnelles et collectives passées, vous ne ressentez pas de déplaisir à l’évocation de cette époque. Est-ce par simple nostalgie de la jeunesse ? Non. Il semblerait, à entendre la plupart d’entre vous, et c’est ce que vous avez à nous enseigner, qu’il y ait eu dans notre village comme dans toutes les campagnes alentour un rythme de vie et une solidarité qui rendaient la dure existence supportable et même agréable. Pour notre part, nous essayons d'être, comme disait Michelet, « le lien des temps », et d'assurer « cette chaîne vitale qui du passé mort en apparence fait circuler la sève vers l'avenir. » L’encadré ci-contre montre que nous aurions pu faire un numéro double ! Mais il aurait fallu aussi doubler le prix de vente... Deux fils directeurs principaux distinguent et guident ce numéro : l’évocation, un siècle après, des poilus morts pour la France, et les voyages que des Coublandis ont faits sur la mer. Bonne lecture ! Joyeux Noël 2013 et Heureuse Année 2014 Dessin de la couverture Nadège Demont réinterprète une carte postale représentant le navire-hôpital l’Asie, qui, durant la guerre de 1914-1918, a rapatrié les blessés de l’armée française d’Orient, dont Rémy Berthier. Voir la carte postale page 30. Le latin de notre enfance, « O crux ave, spec unica » et autres « ave ! » par Bernard Berthier, page 3. Noli me tangere ou le vitrail de MarieMadeleine par Régis Déal, page 4. Des vacances à Coublanc entre 1946 et 1949 (première partie) par Claude Latta, page 7. Souvenirs d’enfance et de service militaire au Maroc, par Maurice Bertillot, page 12. Mon père, Joseph Chassignolle. Souvenirs d’enfance par Juliette Buchet, page 17. Cahier Jules Dubuy. Voyages en mer vers la Papouasie par Bernard Berthier, page 25. Rémy Berthier et Maria Joly son épouse, mes parents par Pierre Berthier, page 30. Un siècle après. Les poilus de Coublanc morts d’août à décembre 1914 par la rédaction, page 35. Les autres rubriques, liste des Anciens, des décès, naissances, mariages, contributions des élèves des écoles, mots croisés, « On s’en souviendra » sont à peu près à leur place habituelle... Dans les prochains numéros - Une personnalité à Écoche au XXe siècle : Madeleine Prajoux. - Souvenirs d’enfance brionnaise de Marie-Laure Chassignolle. - Un curé originaire de Coublanc : l’abbé Barriquand. - Maurice Crozet, maréchal-ferrant à Cadollon. - Souvenirs divers de Maurice Accary. - Grandeur et décadence de la famille Auvolat. - Henry Bénas dans la Marine de guerre française. - Marcelle Perrin et l’école primaire à Écoche. - La Raterie au temps de la jeunesse de Jeanne Berthier. - Souvenirs d’enfance à la Place de Célestine Barriquand. Projets coublandis - Le projet de diaporama sur l’histoire de la Grotte de Lourdes de Coublanc a connu, grâce à Georges Piquand, une ébauche de réalisation. La première mouture a été projetée le vendredi 17 mai 2013 à la fin de l’Assemblée générale des Amis de la Grotte de Lourdes de Coublanc. Reste à peaufiner le montage. - Le projet de publication d’un livret de tous les textes de Claude Chevreton parus dans les numéros d’En ce Tempslà. Est toujours en panne. Si vous connaissez d’autres textes de notre talentueux concitoyen, prévenez Bernard Berthier. En ce Temps-là 2013 Page 2 Le latin de notre enfance O crux ave et autres ave par Bernard Berthier L'an dernier, nous avons évoqué l'appel « Venite adoremus » inscrit sur le fronton de l'église de Chauffailles. Continuons à lire la façade de ce bâtiment. Sous le fronton, il y a un arc de pierre qui ouvre et protège à la fois l'exonarthex. Au sortir de la messe, les fidèles y discutent à l'abri de la pluie. En levant les yeux vers le mur où s'ouvrent les grandes portes en bois de la nef, on remarque (mais y songe-t-on ?) une espèce d’œil -de-bœuf divisé en quatre quarts par une croix de pierre. Sur cette croix sont inscrits les mots latins « O CRUX AVE » sur la ligne verticale et « SPES UNICA » sur l'horizontale, avec le X de CRUX à l’intersection, comme un petite croix à l’intérieur de la grande. L’ensemble se prononce : « O crouks, awé, spess ounika ». Ces mots appartiennent à l'hymne « Vexilla regis » écrit par Venance Fortunat (530-609), un poète d’Italie du nord devenu évêque de Poitiers à la fin du VIe siècle. Fortunat écrivit cet hymne en l’honneur de l'arrivée d'un fragment de la Vraie Croix que l'empereur byzantin Justin II et l’impératrice Sophie avaient envoyé à la reine Radegonde. Cette reine franque s'était retirée dans un couvent qu'elle avait fait bâtir près de Poitiers et elle avait cherché des reliques pour sa chapelle. L'hymne accompagna la procession des reliques le 19 novembre 569. Depuis, l'Église de langue latine − encore dans notre jeunesse − chantait sept strophes choisies dans cet Crédits iconographiques Fonds Maria Auclair (p.20) Bernard Berthier (pp. 3, 17, 18, 30 à 34) Collection Mélanie Berthier (pp. 4 et 6) Fonds Maurice Bertillot (pp. 12 à 16) Fonds Juliette Buchet (pp. 17 à 19) Fonds Mado Clarin (pp 18 et 32) Nadège et Patricia Demont (p. 1 et 44) Fonds Célestine-Dinet-Barriquand (p. 20) Fonds Jules Dubuy MSC et/ou musée d’Issoudun et/ou alii (pp. 25-29) Fonds Claude Latta (p. 7 à 11) Fonds Maurice Poyet (p. 13) Internet sans indication de droits d’auteur (pp. 13, 14, 25, 26, 29) Vexílla Regis pródeunt, Fulget Crucis mystérium : Quo carne carnis cónditor Suspénsus est patíbulo. […] O Crux ave, spes unica, Hoc Passiónis témpore, Auge piis justítiam, Reísque dona véniam. Voici les étendards du roi, Brille le mystère de la Croix : La chair du créateur de la chair Est pendue à ce gibet. [...] Ô Croix, salut, unique espoir En ce temps de la Passion ; Rends justice aux gens pieux Et pardonne aux coupables hymne, aux Vêpres, depuis le dimanche des Rameaux jusqu'au Jeudi Saint, à la fête du triomphe de la Croix, ainsi que le Vendredi Saint, quand on apporte les hosties du tabernacle à l'autel durant la messe des présanctifiés. Je propose le texte et la traduction de la première strophe, et de celle où figurent les mots qui nous intéressent. La croix n'a pas toujours été l'unique symbole chrétien en art. Tant que le supplice de la crucifixion était pratiqué par les Romains, jusqu'au IVe siècle, les chrétiens ont préféré l'agneau, ou le poisson (ICHTUS)... Venance Fortunat est au tournant de la tradition : la croix va s'imposer dans l'art religieux, jusqu'à faire oublier les autres symboles christiques. Cela accompagne une évolution théologique où la faute humaine est surévaluée, entraînant le culte du sacrifice sanglant de plus en plus inadmissible et admirable du Fils de Dieu. Cela peut aller jusqu'au culcul-la-praline des vitraux représentant l'enfant Jésus, dans l'atelier paternel, portant une petite croix (Coublanc) ou même aidant à en fabriquer une, de forme potencée, à Coutouvre. L'hymne de Venance Fortunat oublie d'évoquer la résurrection, mais la circonstance de la procession des reliques imposait cet oubli. Plus tard, on peut se demander si la mort sur la croix n'a pas été considérée comme plus importante que la sortie du tombeau. Pour les chrétiens véritablement croyants, le spes unica (l'espoir unique), c'est la vie du ressuscité, et non sa souffrance et sa mort, même s'il n'y a pas de résurrection sans mort préalable. La joie vient du dimanche de la vie, et non de l'enfer de la passion de la semaine... Chez les Romains, Ave était une formule militaire par laquelle le soldat saluait son chef. La formule fameuse, sans cesse reprise dans le péplums de notre enfance, et par Astérix gladiateur (1964), Ave, Caesar, morituri te salutant, (« Salut, César ! Ceux qui vont mourir te saluent ») rapportée une seule fois par un historien latin à propos de gladiateurs qui étaient en fait des soldats condamnés à mort, a eu un succès postérieur au culte doloriste de la Croix. L’origine militaire du mot a été oubliée, et l’on honore la Vierge Marie : « Ave Maria, gratia plena » dans chaque « Je vous salue Marie ». Que d’ « ave » donc dans nos vies jadis, sans parler de la chanson peu recommandable, mais dont nous nous souvenons bien aussi : « Ave, ave, ave le petit doigt ! ». Mais chut ! En ce Temps-là 2013 Page 3 Noli me tangere Marie-Madeleine et le Ressuscité par Régis Déal Non, vous ne vous trompez pas de chronique, vous n'êtes pas dans « Le latin de notre enfance » mais bien dans la présentation d'un vitrail de notre église coublandie. La scène représentée ici correspond à l’épisode de l’évangile selon saint Jean, chapitre 20, versets 11 à 18, épisode connu sous le nom de Noli me tangere, au cours duquel le Christ ressuscité apparaît à Marie-Madeleine qui le prend pour un jardinier. Cependant Marie se tenait dehors près du sépulcre, et pleurait […] : « Ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l'ont mis. » En disant cela, elle se retourna, et elle vit Jésus debout ; mais elle ne savait pas que c'était Jésus. Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu? » Elle, pensant que c'était le jardinier, lui dit: « Seigneur, si c'est toi qui l'as emporté, dis-moi où tu l'as mis, et je le prendrai. » Jésus lui dit: « Marie ! » Elle se retourna, et lui dit en hébreu : « Rabbouni! » c'est-à -dire, Maître ! « Noli me tangere » : ce sont les mots que Jésus lui adresse alors quand, parce qu'elle n’en croit pas ses yeux, elle veut aussitôt le toucher pour s’assurer qu’il est bien en vie. Jésus le lui interdit fermement par cette parole qui donne maintenant son nom à l'épisode lui-même. Jésus lui dit: « Ne me touche pas ; car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va trouver mes frères, et disleur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » Marie de Magdala alla annoncer aux disciples qu'elle avait vu le Seigneur, et qu'il lui avait dit ces choses. Le sens de l'épisode Vitrail du Noli me tangere Église de Coublanc, bas-côté nord, huitième vitrail à gauche en entrant. Photographie de Mélanie Berthier. Nous comprenons ainsi qu'il s'agit par là, à travers cette scène du Noli me tangere, d'évoquer la résurrection du Christ. Certes, sans doute moins souvent traitée en peinture que l’Annonciation ou la Crucifixion elle-même, la Résurrection trouve une grande place dans l’histoire de l’art. La scène entre Jésus et Marie-Madeleine fait partie des motifs de la résurrection et possède le statut de « grand épisode canonique » en correspondant à un dogme de la religion catholique. C'est d'ailleurs par l'Église Romaine que l'étiquette de trois mots latins, Noli me tangere, a été donnée à cette scène. Jésus parlait araméen, son évangile a ensuite été écrit en grec avant que saint Jérôme ne le mette en latin. Nous connaissons le dicton « traduction : trahison ». Pour la formule latine « Noli me tangere », il existe ainsi différentes interprétations nuancées ; la plus courante, « Ne me touche pas », a longtemps été interprétée comme un refus du Christ d'être En ce Temps-là 2013 Page 4 touché par une femme afin de rester pur. Il exprimerait ainsi un tabou que l'on peut retrouver dans la religion catholique, lié à la sexualité. Mais, nous le verrons, cela peut aussi se traduire comme « Ne me retiens pas », « Tu dois accepter la séparation » ou encore « Ne me touche pas comme ça »... Qui était Marie Madeleine ? L'identité de sainte Marie-Madeleine, représentée sur ce vitrail, est assez difficile à établir, en raison de diverses homonymies et légendes successives : les traditions superposent souvent les attributs de la sœur de Marthe et de Lazare, elle aussi nommée Marie, ceux de la pécheresse anonyme pardonnée par Jésus chez le pharisien Simon et ceux de Marie de Magdala (= Madeleine) « dont étaient sortis sept démons » (Luc, 8, 2)... Ces associations ont contribué à accentuer l'idée de l'interdit du toucher. Il fallait montrer que Marie-Madeleine était une femme « impure ». Cela s'est surtout transmis dans le dogme catholique. Rappelons que chez les chrétiens orthodoxes, sainte Marie-Madeleine est demeurée l'apôtre des apôtres, soit celle qui est le premier témoin de la résurrection du Christ. Revenons maintenant à l'illustration qu'en donne notre vitrail. Paysage et personnages Le lieu, le Golgotha de saint Jean, n'est pas si aisé à reconnaître. Certes nous pouvons bien voir qu'il s'agit d'une colline, des arbres, sans doute des oliviers, s'y élèvent et le sol est assez rocheux. Pour nous aider également à nous situer, nous avons une croix discrète sur la gauche, surmontant un caveau ouvert. Pour ce qui est des personnages maintenant, nous voyons Marie-Madeleine, implorante, à genoux, les deux mains et le regard tendus vers le Christ. Ce dernier garde son corps comme à distance, tirant même un pan de sa tunique comme en signe de protection. Les habits du Christ restent assez fidèles à la tradition : il a d'abord un chiton (= une tunique) blanc, symbole de pureté, évocation du linceul. Il porte par-dessus un drapé rouge qui lui donne une dimension seigneuriale. De sa main droite, il indique la direction du ciel, rappelant par là sa dimension divine. Placé un peu en arrière, il donne l'impression d'être plus haut que Marie, comme si l'ascension avait déjà commencé. En revanche, son visage penché, ses yeux mi-clos expriment sa compassion pour cette femme et plus largement pour la condition humaine. Ce qui se joue dans cette scène, c'est bien le rapport entre terre et ciel, humanité et divinité. En observant de près le vitrail, nous distinguons les stigmates sur les mains et les pieds du Christ rappelant évidemment sa mort, de la passion à la crucifixion. Mais son calme, sa sérénité, sa douceur montrent bien comme il est au-delà de ça : il a vaincu la mort. Si le Christ n'est plus un homme, il n'est pas encore un Dieu. Mais le Christ est également en train d'entamer sa « tournée d'adieux » avant sa montée définitive au ciel (l'ascension) ; d'où le choix souvent retenu, parmi les nuances de traduction de la formule « Noli me tangere », de « Ne me retiens pas » comme si le Christ signifiait à Marie-Madeleine : Tu dois accepter la séparation. Il justifierait ainsi la situation dans laquelle il se trouve, et qui est un des sens de la fête de Pâques : le passage. Ainsi, toucher le Christ en tant que tel ne serait pas un tabou. Le refus serait simplement adressé à MarieMadeleine pour rappeler la nouvelle nature de Jésus : un gisant, revenu parmi les vivants, en train de « passer ». Cette théorie fonctionne si l'on observe d'autres épisodes de la vie de Jésus où il accepte d'être touché par des femmes.. La première, atteinte d'une maladie qui lui fait perdre du sang, vient toucher ses vêtements au milieu de la foule ; elle guérit aussitôt. « Qui m’a touché ? » demande alors Jésus avant de rendre hommage à la foi de cette femme (Marc 5, 25 à 34). La deuxième, sœur de Lazare (lui-même ressuscité par Jésus et sorti du tombeau), répand un parfum coûteux sur les cheveux et les pieds de Jésus. Judas déplorant le gaspillage, Jésus lui répondit: « Laisse-la garder ce parfum pour le jour de ma sépulture. » (Jean 12, 7). Le toucher rappelle ici la dimension tangible du Christ. Toucher au mystère... Si nous reprenons la démonstration pour ce qui se joue dans la scène du vitrail, le refus d'être touché pourrait porter sur une quasi impossibilité physique ou matérielle puisqu'il est mort. Pourtant, cela ne tient plus lorsque quelques jours plus tard, il dira à Thomas Didyme incrédule : « Avance ici ton doigt, et regarde mes mains ; avance aussi ta main, et mets-la dans mon côté. » (Jean 20, 27). Ces deux épisodes, de l'interdiction du toucher à MarieMadeleine à l'ordre de toucher à Thomas, reposent sur la question du témoignage à venir. Certes l'évangile ne dit pas si Thomas a effectivement touché le Christ ou non, mais les représentations iconographiques de la scène le montrent très souvent le doigt touchant la plaie de Jésus. Dans l'imaginaire populaire, il peut ainsi fréquemment passer pour le dernier à pouvoir témoigner de la réalité tangible du Christ. Marie-Madeleine est quant à elle la première à pouvoir témoigner que le Christ est vivant par -delà la mort, ce que les Chrétiens célèbrent à Pâques. D'autre part, il a suffi à Marie-Madeleine d'entendre la voix de Jésus lui disant « Marie » pour le reconnaître. Nous pouvons proposer alors comme traduction : « Tu n'as pas besoin de me toucher », contrairement à saint Thomas, la foi de Marie-Madeleine étant assez forte pour croire en la résurrection du Christ sans y mettre les mains. Nous l'avons dit, la scène a été représentée par de nombreux peintres. Citons parmi eux les plus célèbres : Rembrandt, Dürer, Titien. Certains ont choisi d'attribuer une pelle au Christ pour illustrer la méprise de Marie-Madeleine qui prend d'abord Jésus pour un jardinier. Nous pouvons dire que le vitrail coublandi est resté sobre en la matière. En ce Temps-là 2013 Page 5 Là où notre vitrail diffère beaucoup des tableaux, c'est dans la proximité physique de MarieMadeleine avec le Christ : c'est sans doute une contrainte liée à la faible largeur caractéristique du vitrail. Cela permet en tout cas aux mains, même si la perspective nous dit qu'il n'y a pas contact, d'être représentées sur le corps du Christ. Or ceci n'arrive jamais dans les peintures, où les corps restent à distance, le Christ effectuant même parfois un mouvement de recul. Ici nous pouvons noter que Jésus demeure assez stoïque, comme s'il était sûr que MarieMadeleine ne pourrait l'atteindre. Par ailleurs, il est difficile de savoir si l'artiste qui a réalisé ce vitrail n'a pas voulu transgresser en quelque sorte l'idée première du tabou du toucher. Ce serait sans doute pousser trop loin l'interprétation que d'y voir là un privilège accordé à la sainte Patronne de notre village, fêtée, rappelons-le, le 22 juillet... D'autres « Noli me tangere » Et puis comme pour montrer la célébrité de cette formule, l'expression « Noli me tangere » se retrouve dans plusieurs domaines : Tout d'abord chez les compagnons des temps anciens qui pouvaient voyager de chantier en chantier en toute liber- Corrigenda Malgré nos relectures, nous avons laissé quelques fautes dans la première édition de la revue de 2013. Page 8. Félix Martin est né à Saint-Igny-de-Roche et non à Coublanc. Page 12. Erreur dans la légende de la photo d’en bas à droite : il faut lire « Martin », et non « Perrin » ! Page 21. Dans l’encadré, le nom de l’auteur du texte a sauté : il s’agissait de l’abbé Pierre. L’erreur la plus grave : la grille des mots croisés n’avait pas les bonnes définitions ; celles de 2012 étaient restées en place. Pour les lecteurs qui n’auraient pas reçu le rectificatif, les voici ci-dessous. Nous prions les lecteurs de nous pardonner ces négligences. Horizontalement : A. Revue passionnante, écrite par des passionnés (en 4 mots). B. Grands hommes. Réunion annuelle obligatoire des associations. C. Acronyme exprimant l’amusement, très employé sur Internet. Entoura. D. Désigne un film projeté dans sa langue d’origine. Gouvernai. E. Variété de langoustines frites. Cran en vrac. F. Fruit des céréales. La 2013e après Jésus-Christ commence bien- té. Si l'on cherchait à les arrêter, ils opposaient la formule « Noli me tangere », rappelant par là qu'en qualité de bâtisseurs de châteaux ou de cathédrales, ils étaient intouchables. Cela leur était garanti par des protections ecclésiastiques ou seigneuriales. Dans le Code Civil, la formule est l'affirmation du caractère sacré et de l'inviolabilité du corps humain. Les sciences naturelles se sont également inspirées de la formule : Impatiens noli-tangere (la balsamine des bois) désigne une fleur qui, lorsqu'on touche sa tige à l'époque de la maturité, réagit en projetant des graines autour d'elles. Epidares nolimetangere est un phasme (insecte ressemblant à une brindille) qui porte ce nom car il entre en catalepsie à la moindre menace d'un prédateur. En médecine, la formule désigne un ulcère qui ne cicatrise pas et qu'il ne faut donc pas toucher si l'on veut espérer une amélioration. Mais terminons en revenant à l'église de Coublanc ; nous avons déjà répété que Marie-Madeleine en était la sainte Patronne. Nous trouvons alors une autre représentation de cette femme, sous forme de statue. Debout, elle y embrasse la croix, ses longs cheveux ondulés étant détachés (contrairement au vitrail où ils sont attachés). Ce jeu sur les cheveux n'est pas anodin : attachés, donc apprêtés pour séduire, ils évoquent la pécheresse, voire la prostituée ; dénoués, ils évoquent la pénitence de celle qui s'est convertie, en restant fidèle au Christ. Ainsi Marie-Madeleine est toutes les femmes en une : de la fautive Ève à Marie l'immaculée. Régis Déal (Vitry-sur-Seine) tôt. G. Diminutif du duplicateur à alcool. Pas bien. H. L’automne est sa saison de prédilection dans les sousbois. Distance. I. Appuya. Nom d’un célèbre club de basket. J. Le nouveau donne lieu à des festivités. Article. Demidieu. K. Qu’elles soient patronales, des classes ou de l’Assomption, elles sont nombreuses à Coublanc. Fabriquer à partir de rien. Verticalement : 1. Elles sont nombreuses et chargées d’histoire dans le Brionnais, celle de Coublanc date de 1852. Bruit de chute, ou nom d’un chien dans une célèbre blague. 2. Préfixe pouvant précéder -logisme, -phyte, -lithique, ou même -nazi. Classe de l’école primaire. Dernier repas de Jésus. 3. On en trouve 26 à Coublanc, de tous styles et de toutes époques. 4. Dedans. Club de football encouragé par Jacques Villeret dans « le dîner de cons ». Côte française bordant la mer du Nord et la Manche. 5. Avec les taxes. Enrobé de chapelure. En matière de. 6. Molécule extraite de la fève de Calabar, appelée aussi physostigmine, utilisée comme antidote de la belladone et du datura. Champion. 7. Île du littoral atlantique. Fête de fin d’année. 8. Radin. Arbre libanais déraciné. 9. Prénom d’une fameuse institutrice de Coublanc, qui y a enseigné pendant des années et même des décennies, jusqu’en 2011. 10. Note. Petit fleuve côtier du Nord de la France. Il peut être contemporain, abstrait ou plastique. 11. Quinze Coublandis exercent ce beau métier, sur une surface moyenne de 33 hectares. En ce Temps-là 2013 Page 6 Des vacances à Coublanc entre 1946 et 1949 par Claude Latta Le « bon air » de Coublanc ma grand-mère avait eu l’idée de se réfugier à Coublanc (à 30 km de Roanne !) et avait loué, vite fait, une maison – je ne sais pas laquelle – à la Place. Voilà toute la famille partie avec deux voitures vers Coublanc. Dans la première voiture, Grand-mère, tante Jeanne et moi (2 ans). Tante Hélène conduisait la deuxième voiture, chargée de valises et paquets de toutes sortes : la deuxième voiture avait quitté la route et avait « débaroulé » dans un « ravin », en tout cas dans un fossé, et il fallut faire demi-tour pour récupérer la conductrice qui n’avait pas de mal. Une fois arrivés à Coublanc, les Allemands étaient déjà là ! Tante Jeanne se souvenait qu’ils passaient à toute vitesse en faisant déraper leurs side-cars. On s’installa cependant quelque temps à Coublanc : je pleurais toutes les nuits, on me faisait prendre des bains de tilleul pour me calmer. Pendant ce temps, mes grands -parents maternels couraient en direction de la Corrèze (où ils avaient une maison) avec ma mère et mon frère. Je suis venu en vacances à Coublanc pendant les trois mois d'été, juillet-août-septembre, en 1946, 1947, 1948 et 1949. Nous habitions alors à Roanne. Nous arrivions à Coublanc début juillet et nous repartions fin septembre : l’année scolaire se terminait le 14 juillet mais nous l’anticipions et la rentrée des classes était le 1er octobre. Nous avions, mon frère jumeau Julien et moi, entre huit et onze ans (nous sommes Pendant ce temps de la Débâcle, mon père, André nés en 1938). Nous venions avec mes tantes – les Latta, et mon oncle Gaston Fournier – son beau-frère sœurs de mon père – qui s'oc– étaient des soldats dans la décupaient de nous car notre maroute. Le premier, âgé en 1940 man était malade. C’est tante de 42 ans, avait, à 19 ans, comJeanne qui restait avec nous. Le battu à Verdun en 1917. Il se reste de la famille devait venir retrouva en juin 1940 en Hautetous les 8 ou 15 jours. Nous Loire, vers Langogne, où son venions dans la grande maison régiment avait reflué, quitta son qui est en face de l'église et qui uniforme pour éviter d’être fait nous était louée par M. et prisonnier et rentra à Roanne. Mme Montchanin, de la Place. Le second, fait prisonnier en C’était assez rustique mais cela Champagne, vers Châlons-suravait le charme de la campagne Marne, s’évada facilement alors et de la nouveauté. Nous vequ’il était encore en France, nions « prendre le bon air » – passa par Paris où il fut hébergé comme on disait à l'époque – à par quelqu’un qu’il avait renCoublanc, à la suite d’une contré dans le métro et qui, con« primo-infection » ; nous sidérant sa mine, lui avait dit : avions, comme on disait, « viré « prisonnier évadé ? ». Il le lonotre cuti ». Il avait été quesgea une nuit et lui donna de tion de nous envoyer en maison l’argent pour prendre le train. Il de repos mais nous avions prorentra chez lui à Roanne. Plus testé de toute la force de nos tard, les gendarmes vinrent les huit ans et une autre solution interroger – ils étaient menacés Julien et Claude Latta devant la tonnelle avait été trouvée : nous irions à d’être considérés comme dont on voit l’armature de fer Coublanc le pays d’origine de « déserteurs ». Il aurait mieux notre grand-mère paternelle, valu qu’ils se fassent prendre ou Françoise Denis (à Coublanc, on l’appelait plutôt ne s’évadent pas ! Cependant les gendarmes n’insistè« Francine ») dont le père, Firmin Denis, avait été rent pas, ne firent pas de zèle. boulanger et aubergiste à Coublanc. Cela nous a Quelque temps plus tard, après toutes ces péripéties, d’ailleurs bien réussi et notre santé s’est rétablie. tout le monde se retrouva à Roanne… Retour sur l’an 1940 Les contacts avec Coublanc n’avaient d’ailleurs jamais été rompus. En 1940, au moment de la Débâcle, La maison du bourg À Coublanc, nous sommes donc venus en vacances en 1946-1949 : la maison était grande et nous dispo- En ce Temps-là 2013 Page 7 sions de tout le premier étage. On montait par un escalier de pierre qui tournait et avait des marches de calcaire jaune usées. À gauche en arrivant sur le palier, il y avait une immense salle dallée de briques rouges, des tomettes non vernissées qui « marquaient » les chaussures. Elle servait à la fois de cuisine, de salle de séjour et de chambre. La partie cuisine était rudimentaire, un lavabo en zinc avec un réservoir au-dessus, un évier, un réchaud à butane et, sans doute, une « cuisinière ». Il fallait tout apporter de Roanne ; quand nous arrivions, la remorque était pleine. Il y avait un lit à rouleaux au fond, dans lequel couchait ma grand-mère quand elle venait. De l’autre côté du palier, à gauche en regardant la maison, une chambre à deux lits, puis une petite chambre dont la vue donnait sur la cour de la ferme Druère. Dans la grande chambre, il y avait deux « chromos » qui me fascinaient et dont je revois chaque détail : L’Angélus et Roanne, nous la faisions prisonnière pour être sûrs de ne pas la laisser et nous enfermions cette pauvre bête dans un filet à provisions. Au rez-de-chaussée, il y avait, d’un côté, à droite en regardant la maison, une grande pièce où M. Monchanin entreposait ses caisses de limonade et de sodas (« à la saccharine », nous étions peu de temps après la guerre). Merveilleuse boisson quand il nous en donnait une bouteille ! L’épicerie d’Anna Dejoux Toujours au rez-de-chaussée, de l’autre côté, l’épicerie était tenue par Anna Dejoux. C’était un peu un capharnaüm où, dans un petit espace s’entassaient les produits d’épicerie et de bazar les plus divers. Mon frère m’a rappelé qu’on y vendait aussi des pierres à sel que l’on plaçait dans les champs et que venaient lécher les vaches, cela leur donnait, disait-on, des « vitamines ». Comme nous embêtions sans cesse Anna Dejoux en évoluant de façon désordonnée dans sa boutique, elle canalisait nos énergies en nous confiant le soin de coller les tickets d’alimentation sur de grandes feuilles quadrillées imprimées à cet effet et qu’elle devait retourner comme justificatif. Les « restrictions » et les tickets d’alimentation ont continué après la fin de la guerre. Le magasin n’était pas tout le temps ouvert ; aussi les clients allaient-ils la chercher chez elle, un peu plus bas dans le chemin qui rejoint la route. Elle faisait souvent ce va-et-vient. La pompe ; le bacha et le tonnerre L’église vue en 2009 depuis la fenêtre de la chambre où je couchais.. Soixante ans avant ! les Glaneuses, d’après Millet. De mon lit, je voyais l’église : quand j’ai revisité la maison, en 2009 – 60 ans après ! – j’ai revu l’église dans le « cadrage » de la fenêtre qui était resté dans ma mémoire ! Il y avait aussi un grenier : le soir, nous y mettions la chatte, Chouquette, qui venait avec nous et qui, d’une année à l’autre se reconnaissait dans la maison de Coublanc. Quand l’une des fenêtres du grenier était ouverte, elle se mettait sur le rebord et observait. Une fois, en venant à Coublanc, on s’était arrêté à Charlieu. Voilà que la chatte s’était évadée de la voiture et il avait fallu lui courir après dans Charlieu… pour heureusement la rattraper. Nous avions eu bien peur de perdre notre minette. Quand nous allions repartir à Devant la maison, il y avait une pompe à main et un bacha : on y prenait l’eau et les voisins aussi. On nous avait fait des petits seaux avec des grandes boites de lait en poudre de cinq litres pour que nous aidions à monter l’eau. Le soir, toujours exactement à la même heure, 9 h ou 10 h, M. Comte, un voisin, venait chercher de l’eau et on écoutait le bruit de la pompe ; nous étions déjà couchés. Il y avait aussi une tonnelle devant la maison avec un asparagus, dont le nom m’enchantait, et un sorbier qui donnait des boules rouges qu’il ne fallait pas manger. L’asparagus existe toujours : la dernière fois que je suis allé à Coublanc, j’en ai cueilli un brin ; mais la tonnelle a disparu. Je me souviens aussi d’orages très forts. Grand-mère nous avait appris à compter la distance entre l’éclair et le coup de tonnerre : tant de secondes, c’est à tant de kilomètres que la foudre est tombée. D’ailleurs, un jour que nous revenions de la Place vers le bourg par le chemin de la Ramborgne et que l’orage avait éclaté, la foudre est tombée juste devant nous sur un arbre qui a pris feu. Nous n’en menions pas large. Parfois nous étions malades – sans doute un gros rhume ou la grippe – ce qui suscitait une inquiétude excessive parce nous avions eu cette « primo- En ce Temps-là 2013 Page 8 infection » dont j’ai parlé. Les remèdes étaient classiques : lit, cataplasmes de farine de lin, diète et bouillon de poireaux ! Je me souviens d’avoir eu une forte fièvre, j’avais des hallucinations, je voyais des monstres sur le mur de la chambre. Mon souvenir en reste très vif. La pièce me semblait tanguer. Le soir, avant de se coucher, on nous faisait avaler une gousse d’ail, remède bon, paraît-il, pour tuer les vers. Mais, le lendemain matin, l’haleine devait être forte ! Les remèdes traditionnels étaient parfois inattendus : ma grand-mère racontait que, jeune, vers l’âge de quinze tuel du monument aux morts – traversait la place et allait prier dans l’église. Nous allions à la messe. Au moment où on dit les intentions de prières, le curé lisait un interminable nécrologe et, à la demande de ma grand-mère, nous faisions attention à ce qu’il dise bien « famille Denis » (mes ancêtres coublandis) dans la liste des familles inscrites pour les intentions de prières (« prions pour… »). Il y avait aussi les vêpres mais je ne pense pas que nous y allions toutes les fois. Lorsqu’il y avait un mariage ou un baptême, on lançait aux gamins du village des dragées et des sous (des pièces percées d’un trou, pièces de 5 c, 10 c et 20 c et des pièces blanches de 1 F qui avaient encore le portait du maréchal Pétain et la francisque de l'État français. Mais les garçons du village avaient plus d’entraînement que nous et on ne ramassait pas grand chose. À la messe, Anna Dejoux tenait l’harmonium et elle et sa sœur Clotilde chantaient avec foi et entrain. Nous avions des amis. Mes tantes s’étaient liées avec les demoiselles Dejoux, M. et Mme Monchanin, M. et Mme Francisque Buchet et Joannès Demont. Devant l’église, le monument aux morts, qui était alors au milieu de la place ans – en 1885 – « elle avait manqué de fer » (un peu d’anémie sans doute) : tous les dimanches matin, elle avalait un verre d’eau dans lequel avaient trempé des vieux clous rouillés ! Nous jouions avec Alice Monchanin, notre amie d’enfance, que j’ai revue à plusieurs reprises : en 1996, Danièle, mon épouse, et moi nous avions mené Tante Hélène (elle avait alors 91 ans, et qui est morte en 2004 à 99 ans) pour lui faire revoir Coublanc. Je me suis arrêté chez Alice en disant « Qui suis-je ? » et, bien que nous ne nous soyons pas vus depuis 25 ans, elle m’a dit : « Dody » (mon surnom d’enfant). Nous étions tous – Danièle, Tante Hélène et moi – rentrés chez elle qui nous a reçus dans la vieille maison (elle traversait la route plusieurs fois par jour entre sa maison neuve et la vieille maison où avait habité sa mère et où se trouvait la fabrique de limonade. Nous avons parlé de nos enfants. J’ai, depuis, appris avec tristesse la mort d’Alice en 2006. Sur une photo, prise dans la cour des demoiselles Dejoux, nous sommes déguisés, elle, mon frère et moi. Les demoiselles Dejoux L’église L’église était en face de chez nous : une immense église construite au XIXe siècle (1851-1852), en style néogothique. Les vitraux me semblaient très beaux : je me souvenais du vitrail de saint Hubert, avec le cerf qui a une croix au-dessus de la tête : j’ai vérifié, il est toujours là et mon souvenir était bon ; le curé était un vieux prêtre qui avait l’air fatigué et était peu causant. J’ai appris depuis qu’il s’appelait Joseph Gras (il est mort en 1963). En fin d’après-midi, il sortait du presbytère – situé près de l’emplacement ac- Alice Monchanin En 1947 ou 1948 En ce Temps-là 2013 Page 9 Les demoiselles Dejoux étaient nos voisines et amies, très pieuses et très enjouées – « marrantes », disait-on. Anna tenait l’épicerie et Clotilde faisait les piqûres, courait la campagne en vélo pour aller les faire – bénévolement – et en avait même fait au « père curé » qui, elle en faisait un récit inimitable, ne voulait pas lui faire voir ses fesses ! Elles avaient deux métiers à tisser qui occupaient une partie du rez-de-chaussée de leur maison et qui leur permettaient de compléter les revenus de l’épicerie. Anna tenait l’harmonium pendant les offices religieux et en avait aussi un chez elle, pour « s’entraîner ». Les métiers à tisser battaient un peu partout. Nous Hélène, Claude et Alice en 1996 Devant la fabrique de limonade adorions voir taper la navette. Le « soyeux » de Charlieu passait de temps en temps chercher les rouleaux de rayonne et de fibranne. Il y avait des usines, surtout celle de Cadolon mais c’était loin du bourg et nous n’y allions pas souvent. Il y avait plus d’habitants à Cadolon que dans le bourg. Dans le bourg, il y avait l’usine Perrin ; on disait qu’elle fabriquait de la toile pour les parachutes (c’était l’époque de la guerre d’Indochine). Anna et Clotilde étaient très pieuses, mais malicieuses et moqueuses. Elles habitaient dans une petite maison à la façade étroite, maison bien coquette et bien teDans la cour de la maison Dejoux, nue qui donnait Alice déguisée avec les vêtements de deux côtés : de Julien, sur la route et sur Claude avec ceux de sa grandle chemin en mère, Julien avec ceux d’Alice... terre, à l'époque, qui va de l’église à la poste aujourd'hui devenue maison particulière (celle de Jeannine Lacôte). Du côté de la route, il y avait une toute petite cour allongée, close par une haie de troènes taillée au cordeau. Près de la route, il y avait aussi des cabanes à lapins et une cabane pour les poules qui allaient en liberté dans le bourg. Clotilde allait le long de la route pour ramasser de l’herbe pour ses lapins et des orties – qu’elle prenait à pleines mains – pour la bouillie donnée aux poules. Quand Clotilde (sa sœur l’appelait Néné) avait bu un petit coup, elle chantait volontiers et trinquait en disant : « À la prospérité de votre commerce ! » Le matin, elle faisait un petit casse-croûte avec des gratons et a vécu jusqu’à plus de cent ans. À la fin de sa vie, elle perdait un peu la tête et, une fois que nous étions allés la voir, elle m’avait appelé Antonin, du nom de l’un des mes oncles qu’elle avait connu enfant et qui est mort à 28 ans en 1924. Elle s’était trompée de génération mais pas de famille ! C’est la première fois que je me suis vraiment rendu compte que l’on pouvait perdre la mémoire. Les « demoiselles » avaient un frère curé qui venait en voiture les voir de temps en temps. Elles étaient pour lui aux petits soins et l’entouraient avec respect. Lui arrivait en voiture depuis sa paroisse du Charolais, était assez discret et se laissait servir comme un pacha. Il avait sa chambre réservée dans leur petite maison. Elles avaient eu aussi une sœur morte de la grippe espagnole. Celle-ci avait fait beaucoup de morts à Coublanc. Les soirs d’été tante Jeanne et les « demoiselles » se réunissaient. On chantait : « Kénavo », « Ramuntcho » et d’autres chansons. Anna accompagnait ces chansons profanes à l’harmonium… Quand, il faisait mauvais, on jouait aux petits chevaux ou aux dames. On regardait des photos anciennes. Tante Jeanne faisait voir les photos de l’époque où, à 18 ans, elle était infirmière auxiliaire avec de jeunes Américaines venues à Roanne soigner les blessés et avec lesquelles elle était restée en relation. Clotilde disait : « Ah, on va regarder les Américaines ! » M. et Mme Buchet M. et Mme Buchet habitaient dans l’école publique qui était à côté de la cure. M. Francisque Buchet avait, en montant vers la mairie à droite, un atelier où il avait au moins six métiers qui faisaient un bruit d’enfer. Sa femme, Germaine, née Boutculet, était institutrice publique et nous jouions aussi avec leur fils, Michel Buchet qui était un peu plus âgé que nous. Fils unique, il était content de trouver des copains et nous aussi. Il venait chez nous quand il était interne au lycée de Roanne (nous étions ses correspondants, nécessaires pour que les internes puissent sortir). Nous l’avons malheureusement perdu de vue depuis longtemps. Les Buchet avaient une maison à l’Orme, dans l’angle aigu entre les deux routes venant du Bourg et du Pont des Rigolles, où ils se sont ensuite retirés. En ce Temps-là 2013 Page 10 Nous avions fait mieux se comprendre les Buchet (Mme Buchet, institutrice laïque) et les demoiselles Dejoux (qui n’en avaient que pour l’école libre). Les demoiselles avaient été impressionnées parce que, mon frère et moi, nous avions fait notre première communion, à laquelle elles étaient invitées, dans la chapelle du lycée (public) de Roanne : il avait une chapelle parce qu’il avait été un collège de Jésuites. Ce signe de tolérance et d’ouverture du lycée – qui avait un aumônier – fit merveille. Comme voisins, nous avions aussi, de l’autre côté de la ruelle, les Berthillot, qui exploitaient une ferme – la « ferme André » - qui appartenait à la commune – et qui est aujourd’hui démolie et transformée en parking. Il y avait une fille de notre âge – je ne me souviens pas de son prénom – mais nous n’osions pas bien lui parler. Le « père Berthillot » prêtait son cheval pour tirer le corbillard. Les Monchanin Nous allions souvent à la Place, où habitaient les Monchanin. Chez Monchanin, la vieille maison un peu sombre sentait l’encaustique. Chose extraordinaire, il y avait le téléphone, un téléphone ancien à manivelle : on appelait d’abord la poste et on demandait un numéro. La fabrique de limonade (« La Régionale ») a fonctionné jusqu’en 2006 ! Elle était de l’autre côté de la cour. Il y avait la grand-mère Lacroix, sa fille Léa et le mari de celle-ci, Antonin Monchanin. Il avait été très marqué par la mort de son fils aîné qui s’était noyé accidentellement en se baignant dans la Loire le jour même où, le matin, il avait passé le brevet. Àsuivre Claude Latta (Montbrison) On s’en souviendra Un hiver 2012/2013 qui n’en finit pas Sans qu’il ait fait bien froid, la France entière a eu l’impression de n’en jamais finir avec un hiver qui a grignoté le printemps… La végétation a eu presque un mois de retard, mois qui s’est répercuté jusqu’à l’automne. La Grotte de Lourdes rajeunie Depuis quelques années, l’AAGLC s’inquiétait des risques de chute d’arbres en cas de tornade : cela aurait pu causer des dégâts à la maçonnerie de la Grotte, mais, bien pire, à des visiteurs ou des pèlerins. Le lundi 21 octobre, la mairie a fait procéder à l’abattage de deux feuillus dans le parc de la grotte, et des six conifères au-dessus de la grotte elle-même. Le travail a été exécuté par l’entreprise de Dominique Lamure aidé des bénévoles de l’AAGLC. L’association a ensuite débarrassé le bois tombé, les grands troncs ayant été débités par la scierie de Cadollon, au profit final du CCAS de Coublanc. Le résultat est bien sûr un changement de physionomie des lieux, qui ressemblent plus désormais à ce qu’ils étaient en 1936. La seule crainte des bénévoles : un soleil trop vif le 15 août prochain... L’association compte replanter au début de 2014. Travaux communaux L’enfouissement des réseaux électriques et téléphoniques a été terminé à la Croix-du-Lièvre. La façade nord de la mairie a été recrépie. Le parking de l’école privée a été goudronné à neuf. L’entrée de la Salle pour Tous a été joliment redessinée pour les personnes à mobilité réduite. Novembre blanc Le 19, une neige lourde comme celle de novembre 1982 s’est appesantie sur la Loire et une partie du Rhône et de la Saône-&-Loire. À Coublanc, il en est tombé près de 35 cm. Beaucoup d’arbres ont été ébranchés, et certains renversés ; beaucoup de lignes de téléphone ou d’électricité ont été arrachées. Plus jamais « Chez Mimi » ! Le 6 décembre, après 18 ans de bons et loyaux services au dépôt de pain, à l’épicerie et au café du Bourg, Michèle Bernillon a fêté sa retraite, avec nombre d’amis, dans le Hall des loisirs, Elle avait su mettre de la gaîté dans Coublanc, et comme l’a fait remarquer M. le Maire, elle jouait un peu le rôle d’un psychologue, par son écoute attentive des clients. Le Bulletin de Coublanc 2014 Le Bulletin de Coublanc, sous la direction de David Buzet-Bague, présente notre revue : rendons-lui la pareille, pour continuer à vivre en bonne entente. Cette année, en particulier, deux pages préparées par Pierre Degut présentent des actes de la mairie en 1914. On peut voir les soucis que la mobilisation et les premiers mois de guerre causaient au Conseil municipal. En ce Temps-là 2013 Page 11 Souvenirs d'enfance et de service militaire au Maroc La plus perfectionnée des machines ne fera pas oublier le tissage à bras ... et cependant cette noble profession tend à disparaître Marcel Bertillot est un ancien de la Belle Époque : il est né à Écoche en 1900 […] À 14 ans, au domicile paternel, le petit Marcel faisait déjà fonctionner son premier métier […] Depuis, du même geste à la fois souple et rythmé, M. Bertillot n'a jamais cessé de tisser. Au hameau Fillon, où il habite maintenant, M. Bertillot se considère comme le premier « moteur » de son usine ; son épouse le second. Ces moteurs ont travaillé pour le bien des industries charliendines. À la maison Maillet, par exemple, qui groupa jusqu'à 400 tisseurs à bras ! M. Guilhaud, industriel charliendin, nous précisa à ce sujet qu'il devait bien y avoir vers 1920 près de 1 500 de ces artisans dans la seule localité de Coublanc. Maintenant, pour toute la région, il n'en reste plus qu'un à Écoche et deux à Villers. de Maurice Bertillot Je suis né le 30 janvier 1936 à Charlieu. Mon père, Marcel, et son épouse, Alice Gelin, habitaient le hameau appelé soit La Forest, soit Fillon, à Écoche. Cela a dépendu de l'existence puis de la disparition d'un chemin entre ces deux hameaux. Des parents tisseurs à bras Mon père était tisseur à bras à domicile : il a fait fonctionner son unique métier jusqu'en 1966, sans jamais recourir à l’électricité. Ma mère, après nous avoir éduqués, a eu elle aussi un métier à bras. Tous deux produisaient de la soie naturelle de qualité, ce qui demandait un grand savoir-faire. De plus, nous avions un potager et une vache. Nous étions trois enfants, Clémence (née en 1930), moi (1936) et Denise (1940). Je suis allé à l'école à Écoche. Il y avait une école tenue par des religieuses, réservée aux filles, dans le quartier du Couvent ; mais j'ai été élève successivement dans les deux écoles publiques. Les petits allaient à celle d'en haut, sur le chemin qui monte en face de l'église, à gauche. À mon époque, c'était ma tante Céline Bertillot, belle-sœur de mon père, qui était institutrice. Puis je suis allé à la grande école, tenue par un maître, qui occupait la maison de l'actuelle mairie. J'ai passé à 14 ans mon certificat d'études, à Belmont. Les étés de mes 13 et de mes 14 ans, j'ai été embauché comme aide par un voisin cultivateur, Léon Verchère. À la fin de ces deuxièmes « vacances », et de cet été qui a suivi ma réussite au certificat, mon père voulait que je me mette au tissage avec lui : il aurait équipé Des travaux incomparables Les travaux de ces ouvriers de la soierie et du textile sont cependant incomparables. M. Bertillot a travaillé longtemps pour les établissements Tassinari, de Lyon. Il aurait la possibilité de faire figurer quelques autres références sur sa carte de visite, et pas des moindres. Fournisseur du roi Carol de Roumanie, en 1937 ; plus près, en 1959, il a tissé des étoffes commandées pour la restauration du château de Versailles. […] Le moteur s’arrête sur commande... « C'est très simple, continue M. Bertillot, s'il n'y a pas de défaut, c'est que, au moindre ennui, le « moteur » s'arrête tout seul. » Le réflexe de l'homme est encore le plus rapide et le plus infaillible des rhéostats ! » Nous faisant alors une brève démonstration du mouvement dit de « taffetas », notre tisseur s'installe aux commandes de son métier. Et... en avant ! Par une sèche pression du pied sur une sorte de pédale, la navette « claque ». D'un mouvement précis, le bras du tisseur ramène le « battant » qui arrive avec précision le fil sur la trame. Tout ceci a l'air très simple. Ces gestes sont d'un perpétuel recommencement, une fois à droite, une fois à gauche, la navette voyage. [...] Claude Guilbert, dans un journal local de 1960 une cabine avec des métiers électriques. Mais je lui ai dit que je voulais apprendre un autre métier. J'ai d'abord songé à me faire apprenti-boucher. Un jour de la fin d'août 1950, je prends le vélo familial, un vélo de femme, et je descends au Bourg pour en En ce Temps-là 2013 Page 12 parler avec le boucher d'Écoche, qui occupait la partie droite de la maison du café Chassignol, au coin de la place de l'église et de la route de Belmont. Je lui demande s'il cherchait un apprenti. « Non, me dit-il. Il vaudrait mieux que tu trouves une plus grande boucherie... » Je sors, je reprends mon vélo, et je continue jusqu'au pont des Rigolles, au garage Barriquand. que moi, avait dû passer trois fois le conseil de révision, et ce n'est qu'au troisième qu'il avait été jugé apte. Il était mince et menu, et avait eu peu auparavant un accident de moto... Il ne réussit donc pas à marcher sur les traces de son frère Maurice, qui avait réussi à échapper au service en se privant de nourriture un bon bout de temps, pour paraître trop fragile pour le régiment et ne pas faire le poids. Il faut dire que Maurice était soutien de famille, puisque son père était mort quand il avait douze ans. René et moi avons reçu ensemble notre convocation, et nous avons passé ensemble les huit jours qui nous séparaient de notre départ pour l'armée. En route pour le Maroc Carte postale d’époque, avec l’école à gauche, et la maison Chassignol au fond Mécanicien chez Ferdinand Barriquand Je demande à Ferdinand s'il veut bien me prendre comme apprenti. À ce moment-là, il n'avait pas d'ouvrier. Il venait d'accepter un autre apprenti, trois mois plus tôt, c'était Maurice Verchère, de Saint-Igny-deRoche. Ferdinand me répond oui, mais dit qu'il faut en parler avec mon père. Le lendemain ou tout comme, mon père et moi descendons à pied au Pont des Rigolles : nous n'avions qu'un seul vélo ! L'accord se fait, Ferdinand me prépare un contrat. J'ai donc commencé à travailler en septembre. Ferdinand a déniché dans son grenier un vieux vélo pour me permettre de venir d'Écoche. Il avait appartenu à Jean Plassard d'Écoche : sa plaque l'indiquait. Pour les repas de midi, mon père a pris contact avec des connaissance du voisinage, M. et Mme Damas, qui n'avaient pas d’enfants. Ils étaient tisseurs sur métiers mécaniques. Ils habitaient, au Foron, à gauche en allant vers le Pont des Rigolles, la maison qui est avant celle des Déchavanne aujourd'hui. Ils m'ont reçu à leur table à midi, mais j'apportais mon repas. J'ai fait ainsi trois ans d'apprentissage, jusqu'à l'âge de 17 ans, puis Ferdinand m'a gardé comme ouvrier jusqu'à mon service militaire. Une anecdote : il y avait quand j'étais ouvrier un apprenti de Chenay-le-Châtel, près de Marcigny. Il n'était ni doué ni attentif. Il faisait des conneries, et un jour Ferdinand voulut lui donner une bonne correction. Il lui courut après, mais c'est lui qui se fit mal au pied !... On passait le conseil de révision quelque temps avant ses vingt ans. J'ai été jugé apte pour le service. Mon ami d'Écoche René Monnet, qui avait trois ans de plus Le mardi 3 juillet 1956, René et moi avons été conduits à la gare de Chauffailles par Maurice Monnet, en voiture. Nous avons pris le train de Lyon. C'était, à vingt ans, mon premier vrai voyage. J'étais parfois allé à Pont-Trambouze en car pour rendre visite à ma marraine. L'armée payait le trajet en train. Nous nous sommes rendus à la caserne de la Doua, où nous avons passé trois jours occupés par des piqûres et des visites médicales. Là, je quittais René : il était affecté à Montélimar pour ses classes, et partirait ensuite en Algérie, où la situation commençait à devenir tendue. Quant à moi, tout à fait par hasard, j'étais affecté au Maroc. J'ai pris le train de Marseille, puis, nous avons été embarqués sur le Koutoubia, un bateau régulier sur cette ligne de la Compagnie de Navigation Paquet. Il mesurait cent trente mètres de long. J'étais étonné par le nombre de camions et de voitures qui pouvaient trouver place sur le pont. Je n'ai pas tellement profité des charmes éventuels de mon La caserne de la Doua premier voyage. en carte postale Il y avait en moi de l'appréhension : la première fois que l'on monte en bateau, on ne se sent pas bien sûr. Nous avons fait l'essentiel du voyage dans les cales, sauf deux heures de sortie sur le pont chaque jour. J'ai vu des poissons volants et un requin. Le trajet jusqu'à Casablanca dura trois jours et deux nuits, avec une escale de deux heures à Tanger. Je n'ai pas trop eu le mal de mer. Mais ce n'était pas le En ce Temps-là 2013 Page 13 cas de tous. Beaucoup vomissaient. Cela ne sentait pas bon dans les cales ! Et comme nous étions sur des lits superposés, il fallait parfois se garer de ce qui était propulsé d'en haut ; y avait intérêt à se sauver à temps ! Assis sur mon lit, appuyé sur une caisse, j'ai écrit un mot à ma famille au dos d'une carte postale représentant le Koutoubia. La voici. Nous sommes arrivés le soir à Casablanca. Nous avons pris un train de nuit pour Fez. Le lendemain, c'était un samedi, la fête du 14 juillet. Nous n'avons pas défilé : nous ne savions pas faire, mais nous avons regardé les autres défiler, et nous avons déjeuné avec eux au réfectoire : c'était un bon repas de fête, et on s'est dit que l'armée aurait du bon, si on mangeait tous les jours aussi bien... Après le repas, il a fallu aller s'installer dans nos chambres. Le bâtiment était à huit cent mètres du réfectoire. Nous avons parcouru cette distance à pied, mais sous un soleil terrible et par une température de 50°, plusieurs ont fait des malaises et ont dû être secourus. Pour ma part, j'ai tenu bon, mais le lendemain j'avais les oreilles et le nez rougis : ça a tout pelé ! Une des choses qui nous a surpris le plus, c'était de voir la campagne complètement brûlée par le soleil, sans plus de verdure du tout. Nous avons occupé des dortoirs provisoires, avant d'être installés dans nos chambrées de vingt-cinq à trente places. Nous avons fait à Fez nos quatre mois de classes. L'essentiel se passait à la caserne, dont nous ne sortions jamais, sauf pour aller à quelque distance au stand de tir, ou faire quelques patrouilles dans la ville marocaine. Il y avait avec nous des rappelés : la guerre d'Algérie en était la cause. Je ne connaissais aucun de mes camarades. Il y avait eu deux mois avant moi un autre Écochois, Jeannot Sarnin, le fils du boulanger. L'hiver était venu. Je n'ai pas souvenir qu'il fît froid, mais il pleuvait beaucoup. Nous n'avons pas eu de permission avant Noël. En Notice sur le Koutoubia Le Koutoubia a été construit aux chantiers de La Seyne en 1930. Son mobilier en inox a été réalisé par Jean Prouvé. Son escalier Art nouveau a été monté à Toulon par Pierre Missey, premier compagnon de Jean Prouvé. On y voit l’utilisation unique de l’acier inoxydable poli. Le Koutoubia assura la ligne CasablancaMarseille de 1933 à 1961 pour la compagnie Paquet. Ce paquebot eut une vie mouvementée, entre autres : Lors d'un combat le 29 septembre 1936, au sud de Malaga (Espagne), une unité de la marine nationaliste, le croiseur Canarias, a coulé le destroyer Almirante Ferrándiz du gouvernement de la République espagnole. Le paquebot Koutoubia (capitaine Lelond), parvenu sur zone, a sauvé une quarantaine de naufragés. Alors réquisitionné comme croiseur auxiliaire, il est prévu pour l'expédition de Norvège en mai 1940. Il transporte, au sein du convoi FP5 […]. Mais c'est finalement pour la France que le convoi appareille de Greenock. Lors des bombardements allemands du port de Bougie en novembre 1942, le Koutoubia a dû être sabordé pour maîtriser l'incendie dont il était victime. Il sera renfloué et perdra une cheminée. Il sera renommé Phocée en 1961, pour servir au sein de la Compagnie française de navigation créée par Paquet pour sa ligne Marseille-Israël afin de contourner le boycott de la ligne arabe contre les compagnies commerçant avec ce pays. Mais deux ans plus tard, il sera désarmé... fait, à Fez, j'ai passé deux mois de classes en plus, le « peloton », parce qu'on pensait que je pourrais avoir un petit grade. Mais cela ne m'intéressait pas. Au début de l'année 1957, j'ai été muté à Rabat, pour une quinzaine de jours, en caserne. Tout par un coup, le soldat Bertillot que je suis est affecté à Casablanca, au 41e régiment de transmission. Dix-huit mois à Casablanca J'y passe d'abord quelques jours d'adaptation. Puis le capitaine me convoque : Quelle est votre profession ? – Mécanicien. – Voulez-vous continuer à être mécanicien ? – Oui, que je réponds. On m'affecte donc au service du garage, à l'intérieur de la caserne. J'étais d'abord au premier échelon des mécaniciens ; j'étais cantonné aux tâches les plus sommaires : lavage, nettoyage, vidange des véhicules. Ces véhicules étaient des jeeps, soit des Willys américaines, soit des Delahaye françaises, ainsi que des GMC à six roues produits par une branche de General Motors, et des Dodge. Un jour, mon sergent-chef me demande de changer un En ce Temps-là 2013 Page 14 pneu. « Je n'ai pas le droit de le faire ! – J'ai le droit de te le faire faire ! » réplique le chef. La hiérarchie était ainsi faite : deuxième classe ; première classe ; maître-ouvrier (c'est ce que j'étais en arrivant à Casablanca ; caporal ; caporal-chef, grade que l'on obtenait toujours au bout de vingt-quatre mois. Un caporal ou un caporal-chef avait une solde non négligeable : elle a été supprimée au moment où j'arrivais à ces grades ! C'est le même genre de malchance qui m'a fait faire quelques mois de plus que ce qui était prévu... Il y avait un grand nombre de camions en stock, qui ne servaient pas tous ou pas souvent, mais il fallait que je les passe en revue et qu'ils soient tous nickel. J'ai participé à quelques manœuvres. On faisait quelques patrouilles en ville, mais vu mes occupations de mécanicien, j'y participais peu. C'est dans cette caserne de Casablanca que j'ai passé l'essentiel de mon service, tandis que bon nombre de camarades de mon contingent ont été redirigés en Algérie. Ceux qui restaient à Casablanca et qui n'avaient pas la chance de faire une activité intéressante, comme moi, passaient leur temps à être chauffeurs, à faire quelques marches et à balayer la cour de la caserne... La caserne était sur la frange de la ville. En fait, il y avait dans le coin tout un ensemble de bâtiments militaires, avec divers corps, des Spahis, des Tirailleurs sénégalais, qui étaient les vrais rois et qui avaient droit à un bordel militaire. Mon 41e régiment des Transmissions avait la charge de postes de radio HF qui faisaient une chaîne, répartis régulièrement sur une ligne qui allait de Casablanca à Fez en passant par Rabat, El Kansera et Meknès et qui étaient installés sur les sommets à une cinquantaine ou une centaine de kilomètres de ces villes. Ces sommets du Moyen-Atlas peuvent atteindre deux mille mètres. Deux ou trois fois par an, nous partions à trois dans une jeep Willys, le chauffeur Besnard (mon ami), le sergent-chef Belnet et moi derrière, avec la caisse à outils qui sautait à chaque irrégularité de la piste. Un jour, nous avions pris un peu de retard. Le chef dit au chauffeur d’accélérer, ce qui fait qu'il est sorti de la piste, que son casque lui est tombé sur les yeux, et que le sergent a dû le remettre en place. Le but de ces tournées était d'aller vérifier le groupe électrogène de chaque station, et de réviser et vidanger les camions affectés à ces stations : c'était ma tâche. À la caserne, tous les jours, à midi, il y avait le « rapport », au cours duquel le courrier était distribué et les directives étaient données. Souvent, mon chef m'exemptait d'y aller : « Si tu as quelque chose à faire, tu ne vas pas au rapport. » La discipline fait la force principale des armées Mais d'autres soldats s’exemptaient d'eux-mêmes, si bien qu'un jour, pendant que je travaillais, un camarade vient me prévenir : « Le chef Lespart te demande ! » Ce sergent était une « tête de con ». Quelques jours auparavant, pour lui faire plaisir, j'avais réparé non sans difficultés la voiture de sa petite amie, une Fiat. Je pensais qu'il allait me laisser tranquille. Au rapport, il nous punit d'une demi-heure de marche autour de la cour, en plein soleil (50°!). Je renâcle, mais mes camarades me disent de rester dans le rang. Au bout d'un moment, je finis par quitter les rangs avec mon fusil, et d'aller demander au chef quand il arrêtera cette idiotie. Il m’emmène devant son supérieur, le capitaine Raguenet, sec, mais pas si bête que lui ; il avait une traction. Il s'adresse d’abord au sergent : « Vous pouvez disposer ! ». Puis il me réprimande un peu, mais pas plus que ça : « Ne recommencez pas ! ». Il faut dire que j'entretenais pas mal de véhicules privés des petits gradés... J'avais une position un peu privilégiée. Ainsi, une autre fois, je devais changer la coque sur une traction accidentée, celle de l’adjudant-chef Navarre. Ce gradé ne voulait pas que sa femme le sache trop... « Bertillot, me dit-il, tu ne vas pas au rapport, mais tu travailles sur ma traction. » Je démonte sa voiture, mais voici que c'est samedi après-midi. On a une perm, et je sors de la caserne avec trois ou quatre camarades. On est rentrés un peu en retard, vers 11 heures, et au retour on est accueilli au poste de police de la caserne. L'un d’entre nous dit au gardien : « Tu ne vas pas nous emmerder!... ». Le chef dedans entend cela et réplique : « Qu’est-ce que vous dites ? Entrez ». Le camarade dit : « On n'a pas fait bien de mal ». – « Ça vous apprendra ! Au poste ! » Or, ce soir-là, c'était justement l'adjudant-chef Navarre qui était de permanence. Il venait contrôler le poste de police de temps en temps. Il vient. Il voit Bertillot et ses copains : « Qu'est-ce que vous faites là ? » – « On En ce Temps-là 2013 Page 15 n'a rien fait de bien spécial... » – « On n'arrête pas ce qui n'ont pas fait grand' chose ! Les autres, 48h de trou ou de corvée. Bertillot, toi, demain matin – c'était dimanche – tu retournes sur ma voiture. » – « Je ne peux pas faire le travail tout seul. » – Je vais te trouver deux gars. » Mais il n'a pas choisi mes copains... Comme les camarades de mon contingent d'appelés, j'ai eu droit à une longue permission en juillet 1957 : trois semaines, avec le transport payé vers la France. À l'aller, j'ai pris le même Koutoubia qu'en juillet 1956. Il était simplement un peu moins chargé en camions. J'ai fait en sens inverse le parcours Marseille – Lyon – Chauffailles – Écoche. Je suis reparti par Marignane, en avion. C'était un Bréguet deux ponts. Nous avions de temps en temps une permission pour sortir en ville l'après-midi. Quand il faisait trop chaud, on ne sortait pas tout de suite. Si on se mettait en civil, il fallait être prudent, et ne pas se faire prendre. On allait un peu dans les souks, ou au marché, où il y avait quantité de bourricots qui tiraient des charrettes chargées de légumes. Une fois, un camarade pied-noir, qui avait des permissions du samedi midi au dimanche soir, parce qu'il avait sa famille à proximité, nous a emmenés à la pêche à la grenouille dans un oued. « C'est dangereux ? » – « Pas plus qu'ailleurs ! » Je n'ai pas souvenir d'autres activités intéressantes, ni de diffusion de films, ni de lectures, ni d'aumônerie militaire. La quille Mon service dura jusqu'en octobre 1958. Je devais être libéré en juillet, au bout de 24 mois. Mais il y a eu des prolongations, à cause de la guerre d'Algérie, et j'ai fait 27 mois. J'ai revu Jean Sarnin dans ma caserne : il avait la quille, lui, et pouvait rentrer à Écoche ! Deux mois plus tard, c'était à nous de rendre notre paquetage, mais il a fallu attendre encore quinze jours à ne rien faire : il n'y avait pas de bateau pour nous rapatrier ! C'est encore une fois (la troisième) le Koutoubia qui nous transporta jusqu'à Marseille. Nous pouvions monter à tour de rôle sur le pont, ce qui était plus intéressant que de rester dans les cales, où cependant des gradés nous tenaient au courant des côtes que nous longions, et notamment du passage du détroit de Gibraltar. Nous avons fait escale à Tanger. Avec un soldat indigène Arrivé à Marseille, j'ai pis le premier train possible pour Lyon, et ensuite j'ai pris une correspondance pour Roanne : je m'en souviens, parce que j'y ai rencontré, tout par un coup « On se connaît, il me semble ? »), un camarade de la région qui avait été lui aussi au 41e RI et dans la même caserne de Casablanca que moi, mais dans une chambrée voisine et sans que je le connaisse : nous avons parlé ensemble. Je me suis fait quelques camarades au régiment. Le meilleur de mes amis René Besnard, que je n'ai jamais perdu de vue, avait suivi le même parcours que moi, Fez et Casablanca, où il était chauffeur. Après notre retour, il habitait Iffendic en Ille-et-Vilaine, et nous sommes allés le voir. J'ai peu à peu perdu le contact avec les autres camarades. Bien sûr, le fait d'avoir fait mon service militaire au Maroc m'a permis de découvrir un pays étranger, mais surtout le paysage et la chaleur. Quant aux habitants, on était sur nos gardes, et eux se méfiaient aussi des soldats français. Et puis, je n'y suis pas retourné plus tard, et d'ailleurs ma femme et moi n'avons guère voyagé. Si je fais le bilan de ces longs mois, je pourrais dire que l'armée, c'était du temps perdu. Mais pas tout à fait pour moi, qui ai eu la chance de pouvoir continuer à faire de la mécanique, même si mon rang ne m'autorisait à faire que des tâches trop simples – sauf quand c'était directement pour réparer les voitures des gradés. Je n'ai donc pas perdu la main, et cette position privilégiée m'a permis d'éviter bon nombre de corvées sans intérêt. Mais quand, à la fin, l'adjudant-chef Navarre m'a proposé : « Je te fais rentrer dans l'armée », je lui ai répondu sans hésiter : « Non, cela ne m'intéresse pas. » En ce Temps-là 2013 Propos recueillis à Cadollon par BB les mardi 5 mars et jeudi 14 novembre 2013. Page 16 Souvenirs d’enfance de Juliette Buchet Mon grand-père Chassignolle était sans doute de Vertpré, et c’est là qu'est né mon père Joseph. Mon grand-père est devenu locataire au Pont des Rigolles, dans une maison voisine de celle aujourd’hui des Dumaitre, celle où Mme Canet a eu ensuite son café. Puis il a profité d'une mise en vente pour acheter une maison plus tranquille, sur la route du Pont des Rigolles à L'Orme, à droite, entre les deux calvaires : celle habitée aujourd'hui par mon gendre (Paul Druère). Son métier était de réparer les moulins. Il avait épousé Jeanne Buchet. Je n'ai pas connu ces grands-parents. Mon père a épousé à je ne sais quelle date [en fait, le 16 septembre 1919] Antoinette Accary, de Maizilly, qui avait un frère appelé Édouard. La famille d’Antoinette et d’Edouard habitait sur la nouvelle route qui montait au bourg de Maizilly, dans une ferme. Édouard Accary a repris la ferme après ses parents, tandis que son autre sœur s'est mariée à un Chevalier, habitant de Saint-Denis et a habité une maison donnant dans la cour de la pharmacie de Saint-Denis. Je n'ai pas beaucoup connu mon grand-père Accary, mais beaucoup plus ma grand-mère, qui était très gaie, qui aimait chanter. Elle est venue à ma première communion, à l’occasion de laquelle elle avait acheté deux chapeaux à Charlieu. Deux, parce que le premier ne lui plaisait pas. Ils avaient des bêtes et des vignes. Pas de ces vignes nombreuses à Maizilly qui donnaient du mauvais « vin de noa ». J'ai participé aux vendanges. C'était une réjouissance et cela se terminait par un grand banquet. Chaque semaine, le jeudi quand j’allais à l’école, ma mère et moi allions les voir en vélo. Quand j’étais petite, elle me mettait sur son porte bagages. Nous passions par les Duperron et le garage Chenaux, où nous prenions le café, puis nous montions à gauche dans un petit chemin, et nous prenions un autre café dans une maison au dessus, La maison Chassignolle à l’Orme chez les Clémencin, avant d’arriver, pas très tôt, chez les Accary. Chaque année, ma grand-mère allait faire « une saison » à Vichy. Cette saison, c’était une semaine de cure. Ce n'est pas qu'elle était malade, mais c'était comme des vacances, une occasion de liberté... Ma mère l’accompagnait à la gare de Saint-Denis, et peut-être prenait-elle le train avec elle pour Vichy, puis rentrait. Pour les retours, je ne sais plus comment ils se passaient. Mon père, Joseph, a été à l'école, à Coublanc, sûrement, puis à l'école professionnelle à Charlieu, sur la route de Saint-Bonnet-de-Cray. Sa mère est morte jeune, en 1902. Il n’avait que 11 ans. C'est pourquoi il était souvent chez les Chevreton (les Mâconnais), comme en pension chez eux. De leur maison, il pouvait voir la maison Chassignolle de l’Orme. Quand il voyait les volets ouverts, c’est que son père était rentré de ses tournées de mécanicien en moulins. Il allait alors le retrouver. Il a appris le métier avec son père : l'école professionnelle lui a permis de se perfectionner. Ensuite, il est parti travailler en stage dans la maison de Dôle qui leur fournissait le matériel d'entretien des moulins, la maison Lacroix. Cette entreprise a voulu plus tard l'envoyer travailler à l'étranger ou dans la région de Dole : il n'a pas voulu, non plus qu'il n'a suivi le conseil de son père d'aller en apprendre plus en Algérie : il a refusé, parce qu'il était déjà marié. Il s'est contenté de travailler, en liaison avec ce fournisseur de Dôle, dans notre région. Il y a eu aussi la guerre, qui a été déclarée quand il avait 23 ans. Il l’a faite, mais ne m’en a que très peu parlé. Mes parents se sont mariés le 16 septembre 1919, et je suis née, leur fille unique, le 3 juin 1921, à la maison de la route de l'Orme. C'est dans la même maison que naîtra bien plus tard, le 17 juin 1947, ma fille unique Josette, avec l'aide de la sage-femme de Chauffailles, madame Charbonnier. Mon père avait des cousins germains qui habitaient En ce Temps-là 2013 Page 17 au Moulin de l'Orme (la maison Bellon d'aujourd'hui). C'étaient deux frères vieux garçons, Joanny et Barthélemy Chassignolle. Ils venaient souvent manger chez mes parents, dont la maison était toute proche. Ils avaient des vignes à Montbernier, au-dessus de la maison de Claude Lacôte, et les jours de vendanges, comme ceux de battaisons, c'est ma mère, avec moi qui la suivais toujours et partout, qui préparions le repas dans leur maison. Le reste du temps, ils se débrouillaient, pour se nourrir, comme pour se blanchir : le Pontbrennon passe au bout de leur jardin. Il y avait là un lavoir à deux places, où nous-mêmes allions rincer notre linge blanchi en le transportant dans un tombereau : c'était un rude travail. Je me souviens de madame Denimot, une voisine dont le métier était lessiveuse. Elle habitait peut-être la maison aujourd’hui Chervier-Vouillon. Ma mère l’engageait parfois, pour laver les grands draps. Je descendais avec elle, et elle me chargeait de battre et rincer les mouchoirs. Il y avait eu un moulin, qui a donné son nom au lieu, mais je ne l'ai jamais vu fonctionner. Je me souviens cependant de la disposition des lieux, du couloir et de la grande pièce du moulin. Les deux Joseph Chassignolle frères n'avaient pas le même caractère : Joanny, l'aîné, était « bonnet de nuit » ; il était toujours triste ou du moins sérieux. Son cadet aimait plaisanter et aurait eu envie de se marier. Il savait même avec qui : la Rosalie Joly. Mais son frère, qui avait sur lui trop d'autorité, l'en a empêché. Il n'a pas eu le courage de prendre son indépendance et de quitter son frère. Ils vivaient d’une ferme dont ils avaient hérité, par leur mère, à Chauffailles, et surtout de leur propre ferme du Moulin de l’Orme, entourée de terrains qui leur appartenaient. Deux vieux garçons n’avaient pas besoin de gros revenus ! Je pense qu’ils avaient fait la guerre tous les deux. Leur tombe est au cimetière de Coublanc. Mon grand-père et mon père avaient dans leur maison de l'Orme un atelier avec des outils pour travailler le bois, et de quoi faire de la mécanique. Il y avait une raboteuse, une scie à ruban. Ils avaient du bois en stock. Je me souviens qu’ils fabriquaient des élévateurs, tout en bois. Mon père est mort à l’époque où on allait les fabriquer dans des matériaux plus modernes. Cela lui aurait enlevé du travail. Il travaillait pour les meuniers de la région : Buchet à Cadollon, le « zouave » à Chandon, Fourcault à Tancon, Pont à Maizilly, Jacquis, qui travaillait au moulin de Gâtelier à Saint-Denis-de-Cabane, Pegon à SaintBonnet-de-Cray, Duperret à Pouilly, Brivot à SaintYan, un certain Der à Neuvy-Grandchamp (entre Gueugnon et Bourbon-Lancy), Girard à Paray-leMonial, à côté du pont, et enfin Chollet, au moulin de Cornillon à Mably : c'était le plus gros de ses clients.. Mon père nous emmenait souvent, ma mère et moi, en voiture, une petite peugeot, les dimanches, voir ses clients et déjeuner chez eux : ses clients étaient la plupart du temps de bons amis. C'est ainsi que je suis allée plusieurs fois chez les Girard à Paray : c’était son client préféré. Il en profitait pour voir le travail à faire. Ensuite, il pouvait passer les commandes à l'entreprise de Dôle, par courrier. On le livrait chez ses clients, et si on le livrait à l'atelier, ou pour les grosses pièces qu'ils travaillait à l'atelier, les meuniers, qui étaient équipés de camions, venaient chercher chez nous le matériel ou les pièces usinées par mon père. Alors, on leur rendait leur repas du dimanche en les invitant à notre table. Mon père s'occupait beaucoup de nous le dimanche, parce qu'il était très pris en semaine. Quand il allait travailler à Paray ou à Saint-Yan, il partait pour la semaine entière, avec sa caisse à outils dans sa voiture. Avant, il avait eu une moto : je ne sais pas bien com- ment il faisait pour aller travailler avec. Il logeait chez les meuniers ses clients. Il était apprécié de tous, parce qu'il était très gentil. Il n'a jamais manqué de clientèle ni de travail, parce qu'il a fait sa carrière à l'époque des grandes transformations, où les minoteries sont passées de la force de l'eau des rivières à celle des moteurs électriques : il a fallu faire toutes sortes de modernisations. Il recevait de temps en temps la visite d'ingénieurs En ce Temps-là 2013 Page 18 venus de Paris pour lui présenter de nouveaux matériels. Après le déjeuner, ils restaient à table, et discutaient ensemble des après-midi entières. Ils initiaient mon père à des techniques nouvelles, et cela convenait à mon père, qui aimait progresser. Pour ma part, j'étais pot de colle : il fallait, toujours, autant que je le pouvais, que j'écoute ses conversations. Je le suivais partout, comme un petit chien, et il me laissait le suivre. Mais il lui a manqué un fils, pour prendre la succession. Je me souvent que je l’ai suivi une fois à Mussy, où il y avait une meunière. J’ai été frappé de voir les poules entrer dans la cuisine. Mon père était avec un ingénieur, pour faire un devis précis, ou voir si la cliente l’acceptait. C’était pendant la guerre de quarante. La meunière a offert un saucisson à l’ingénieur, qui ne s’est pas fait prier pour l’accepter. Certes, je n'étais pas toujours avec mon père : il y avait l'école, à Coublanc, où j'ai eu comme institutrice Melle Boutculet, originaire de La Chapelle-sous-Dun, pour moi, qui n'aimais guère le sport. On se levait à 7 h du matin, celles qui le voulaient pouvaient descendre prendre une tasse de chocolat, mais moi je n’en prenais pas. Il y avait une étude d’une heure, avant le petit déjeuner, où l’on avait de la soupe et du saucisson, donné par les parents paysans. Puis c’était l’école. Mon père était un homme agréable, gentil et moderne. Il avait voulu que ma mère apprenne à conduire, mais elle n’y était pas arrivé. Il m’a fait passer mon permis de conduire, à une époque où c’était rare chez les filles. Ma cousine de Saint-Denis a perdu sa mère jeune, et elle en était triste. Je me souviens que quand elle venait chez nous, nous chantions tous ensemble. Joseph, mon père, est mort d'un cancer avant l’âge de la retraite, en 1948. Je m’en souviens : ma fille Josette avait neuf mois. L'entreprise a fermé. Je ne passe pas à Lozanne, devant le grand moulin qui est au bord de la route, sans penser à mon père, aux appareils à cylindres... Quand je veux penser à tous ceux de ma famille qui sont morts d'un cancer, je ne me les rappelle plus : mon cerveau s'y oppose. Ma mère est restée veuve longtemps. J’étais mariée, vivais au bourg avec Albert, qui travaillait dans la cabine familiale, mais j’allais souvent la voir à l’Orme. Quand je repense à ma jeunesse, je trouve que j’ai eu de la chance : mes parents voyaient beaucoup de monde, et mon père nous emmenait souvent en voyage. Je ne m’ennuyais pas. Quand on est jeune, on est tout feu tout flammes ; on oublie les dates, on ne s’intéresse guère au passé. Pour moi, j’ai plaisir à y songer, à m’y replonger, même si je n’ai pas une très bonne mémoire. Propos recueillis au Bourg par B.B. les 15 mai et 29 novembre 2013 Albert Buchet, Juliette Chassignolle, Joseph Chassignolle et son épouse Antoinette Accary qui a épousé plus tard mon futur beau-frère Francisque Buchet. Francisque avait sa cabine juste après le café Buchet, Germaine Boutculet travaillait à l'école d'à côté du presbytère : ils pouvaient se voir facilement ! Ils se sont mariés et ont eu un fils unique, Michel. Puis, de 10 ans à 15 ans, j'ai été pensionnaire chez les sœurs de Belmont, des sœurs de la congrégation de Claveisolles, comme beaucoup d'autres jeunes filles de Coublanc ou des environs. Mes parents m'y emmenaient en voiture et m'en ramenaient en fin de semaine : chaque fois qu'ils me laissaient à Belmont, je pleurais. La bonne sœur cuisinière, qui s'appelait Léocadie, disait : « Tu ne vas pas pleure ». En vain, ça ne manquait pas, c’était plus fort que moi. Pourtant, je n’y étais pas malheureuse, chez les sœurs, même si la discipline était sévère. Je ne sais plus s'il y avait de l'éducation ménagère, mais je me souviens qu'on faisait de la gymnastique sous le grand préau, sans plaisir Solution de la grille 20 de la page 43 En ce Temps-là 2013 Page 19 Les grandes joies de la vie Cinq naissances d’enfants habitants Coublanc (à savoir 1 garçon et 4 filles) ont été enregistrées à la Mairie en 2013 : Katell LAMY BRISON Sacha DHAIBY Alyzée LEBRETON DUDU Loue LABROSSE Éline BOTTACCI 21 mars 6 juillet 18 juillet 5 septembre 25 septembre de Stéphanie BRISON et Julien LAMY de Nidale EL CHAAR et Bassam DHAIBI de Jennifer DUDU et Jean-Sébastien LEBRETON de Émilie DEVEAUX et Anthony LABROSSE de Aurélie ANTOINE et Marc BOTTACCI Cadolon Bonnefond Cadolon Les Remparts Montbernier Tous ces nouveaux-nés ont vu le jour à Roanne. Un mariage a été enregistré à la mairie de Coublanc : Sophie Carole CHRISTOPHE et Fabrice GRISARD La Place 25 mai 2013 Un mariage a été célébré en l’église de Coublanc : Edwige ROUCHON et de Pierre-Yves LARUE (de Mars) 18 mai 2013 Tous nos vœux d’heureuse vie aux uns et aux autres ! En ce Temps-là dit adieu à des amis Toutes les personnes âgées sont chères à l’Association du Noël des Anciens, mais nous sommes particulièrement touchés parle décès de ceux qui ont collaboré à la revue dans les années passées. Cette année, nous voulons évoquer : −Victoire Buchet, née Chevreton, que nous allions souvent consulter aux Bruyères pour qu’elle nous commente des photos et nous renseigne sur tant d’événements passés. Elle nous recevait toujours avec beaucoup de bienveillance et racontait ses souvenirs avec un humour qui traduisait bien sa personnalité à la fois ferme et généreuse. Parmi les articles récents dont elle a été l’auteure, on peut lire ses souve- nirs de jeunesse dans la revue 2011, page 30 et découvrir le voisinage de la Place dans la revue 2013, page 17. La photo la représente à son mariage, à 26 ans, en 1946. − Joanny Berthier, consulté à La Roche, qui avait évoqué pour nous son père Pétrus, marguillier, dans la revue 2009, page 36. Avec son épouse Jeanne, il nous renseignait aussi, avec beaucoup de patience et En ce Temps-là 2013 Page 20 de compétence, sur des photos anciennes et sur des faits passés. La photo le représente à 20 ans, en 1946. Ces deux collaborateurs de notre revue ont disparu, mais il continueront de nous rendre service : nous avons pris en notes des propos qui seront utilisés dans les années à venir. − Il en va un peu de même pour Didier Auvolat, mort bien trop tôt pour passer pour un Ancien de Coublanc, mais, qui nous a communiqué, ces dernières années, des photos du fonds familial qui ont servi (en 2011) et serviront encore à illustrer notre revue. Nos deuils en 2013 Parmi les Anciens de Coublanc (7 = 1+6) Victoire BUCHET, née CHEVRETON Jeanne SAMBARDIER, née CHANRION Julienne DESMURS, née FONTENILLE Joanny BERTHIER Les Bruyères Montbernier Le Perret et MA La Roche 13/06/1920 - 17/05/2013 15/05/1922 - 09/03/2013 22/06/1924 - 21/02/2013 16/01/1926 - 20/08/2013 à 92 ans à 90 ans à 88 ans à 87 ans À la Maison des Anciens, venant d’autres communes (1) Yvonne LASSAGNE, née CANET Marie-Louise LAMURE, née GARDES Marie FARIZY, née LAMURE Mathilde JONDET, née LAPALLUS Lucienne BUISSON, née GABELLE Louise BELIJAR, née CAUDERLIER Henri Louis PERRIN Suzanne CHASSARD, née COLIN Maurice CHABUET, ép. RAMBERTON Henri CORNELOUP Chauffailles Chauffailles Chauffailles Ligny-en-Br. Dijon Roanne Chauffailles Lyon Maizilly Chassigny 28/11/1908 - 31/03/2013 07/09/1914 - 25/04/2013 14/07/1918 - 09/03/2013 23/02/1919 - 23/09/2013 12/11/1920 - 17/03/2013 03/06/1923 - 23/02/2013 11/04/1924 - 11/11/2013 13/12/1924 - 29/05/2013 07/10/1926 - 18/05/2013 01/10/1930 - 02/09/2013 à 104 ans à 98 ans à 94 ans à 94 ans à 92 ans à 89 ans à 89 ans à 88 ans à 86 ans à 82 ans Parmi les Coublandis de moins de soixante-quinze ans (4) Jean-Marc CHASSIGNOL Hubert DÉCHAVANNE Maria Josèphe LO PRESTI Cadolon La Place Génillons 10/03/1957 - 01/05/2013 09/07/1959 - 29/04/2013 14/09/1962 - 31/01/2013 à 56 ans à 53 ans à 50 ans Parmi les apparentés coublandis résidant hors de Coublanc (?) Andrée CHAVANON, née BUISSON Marie FAUCHERY, née BÉNAS Josette PERRIN, née FONTENILLE Simone COQUET, née GRAPELOUP France GAILLARD Irène DUCLAY, née AZNAR Didier AUVOLAT Belmont La Serve et Chauffailles Chauffailles et MA Le Bourg et Charlieu Cadollon L’Orme et ? Crosse 03/10/1921 - 03/11/2013 12/12/1921 - 08/08/2013 16/11/1925 - 24/06/2013 29/12/1925 - 15/01/2013 19/02/1934 - 14/11/2013 09/08/1936 - 12/03/2013 18/09/1963 - 03/08/2013 à 92 ans à 91 ans à 87 ans à 87 ans à 79 ans à 76 ans à 49 ans Nos condoléances aux familles dans la tristesse La Sagesse de Salomon Mais la vie des justes est dans la main de Dieu, aucun tourment n'a de prise sur eux. Celui qui ne réfléchit pas s'est imaginé qu'ils étaient morts ; leur départ de ce monde a passé pour un malheur ; quand ils nous ont quittés, on les croyait anéantis, alors qu'ils sont dans la paix. Aux yeux des hommes, ils subissaient un châtiment, mais par leur espérance ils avaient déjà l'immortalité. Ce qu'ils ont eu à souffrir était peu de chose auprès du bonheur dont ils seront comblés, car Dieu les a mis à l'épreuve et les a reconnus dignes de lui. Comme on passe l'or au feu du creuset, il a éprouvé leur valeur ; comme un sacrifice offert sans réserve, il les a accueillis. Au jour de sa visite, ils resplendiront, ils étincelleront comme un feu qui court à travers la paille. Ils seront les juges des nations et les maîtres des peuples, et le Seigneur régnera sur eux pour toujours. Ceux qui mettent leur confiance dans le Seigneur comprendront la vérité ; ceux qui sont fidèles resteront avec lui dans son amour, car il accorde à ses élus grâce et miséricorde. (Ier siècle avant J.-C.) En ce Temps-là 2013 Page 21 Liste des Anciens Les listes qui suivent ne correspondent pas exactement aux données de l’état-civil. Quand un Coublandi est obligé de quitter la commune, il n’est pas rayé automatiquement de nos listes. Mais, bénéficiant en général d’un cadeau dans la commune où il s’est installé, il ne recevra plus le cadeau des Coublandis, mis à part la revue. Quatre d’entre vous, dont les noms sont écrits en italique, vivent à la Maison des Anciens de Coublanc (MA). En italique aussi, le nom du hameau d’origine de ceux qui ne résident plus à Coublanc. Nous indiquons la ville ou le village où ils se trouvent à notre connaissance. Par ailleurs, une personne de 1938 n’a pas voulu figurer dans notre liste. Si nous avons commis des erreurs, nous vous prions de nous les signaler, pour que nous les corrigions l’an prochain. Merci. Née en 1909 Marie-J. BRISSAUD Cadolon Née en 1917 Marie-Rose DÉAL L’Orme Belmont Nées en 1919 Marguerite AUCLAIR Germaine LAMURE Cadolon L’Orme MA Saint-Igny-de-Roche Nés en 1921 Maria AUCLAIR Juliette BUCHET Clotilde FOREST Renée RONDEL Yvonne VILLARD La Place Le Bourg La Place Le Bourg La Place Maurice BARRIQUAND Jacques RONDEL Montbernier Le Bourg Née en 1923 Andrée CHERVIER Les Génillons Nés en 1924 Germaine BERTHIER Marie-Rose CHEVRETON Germaine COLLONGE L’Orme La Place Cadolon Nés en 1925 Simone BOUCHERY Marie LACÔTE Henri SAMBARDIER Le Bourg Montbernier La Croix du Lièvre Nés en 1926 Marie-Laure CHASSIGNOLLE Marie-Louise CHAVANON Cadolon Charmaillerie Nés en 1927 Jeanne BERTHIER Gisèle MATHERON Maurice VOUILLON La Roche Les Genillons L’Orme Nées en 1928 Jeannine LARUELLE Juliette VOUILLON Montbernier L’Orme Nés en 1929 Jeannine DEQUATRE Augustin GRAPELOUP Marguerite GRAPELOUP Louis LAURENT La Charmaillerie Bonnefond Bonnefond La Charmaillerie Nés en 1930 Claudien ACCARY Simone ALLOIN Madeleine BARRIQUAND Germaine DÉCHAVANNE Jean LARUELLE Marie-Louise LAURENT Hélène NEVERS Marcelle PERRIN Germaine SAMBARDIER L’Orme La Bourgogne Montbernier La Place Montbernier Charmaillerie Cadolon Cadolon La Croix du Lièvre Nés en 1922 En ce Temps-là 2013 Chauffailles Page 22 Chauffailles MA MA Charlieu Chauffailles Briennon Nés en 1931 Maurice ACCARY René DANTON Zahara ASKI Le Foron Cadolon Le Perret Nés en 1932 Josette-Simone BRISE Geneviève CROZET Marie-Antoinette DEMONT Odette GRAPELOUP Jean MERCIER Urbain PANAFIEU Carthelier Cadolon Les Génillons La Place La Serve Les Remparts Nés en 1933 André BUCHET Bernard BUCHET Claude CHAMBONNIER Jeanne CHAMBONNIER Suzanne DANTON Raymonde DÉCHAVANNE Henri VAGINAY La Place Croix du Lièvre Cadolon Cadolon Cadolon Montbernier Bois Gauthay Nés en 1934 Monique MATHERON Josette PANAFIEU Georges PIQUAND Albert PROVILLARD René VERMOREL Simone VERMOREL Les Génillons Les Remparts Montbernier Carthelier Cadolon Cadolon Nés en 1935 Marie AUBONNET Jean VERNAY Simone RODRIGUES Cadolon Cadolon Cadolon Nés en 1936 Marie BERTILLOT Maurice BERTILLOT André BOURDON Joseph GAILLARD Josette GAY Josiane GONDARD Joseph LACÔTE Colette PIQUAND Jean POYET Cadolon Cadolon Le Perret Les Espaliers Cadolon La Grande Terre Le Bourg Montbernier Montbernier Nés en 1937 Josette CHAVANON Gabrielle PREHER Marie-France VERNAY L’Orme Terre des Chambres Cadolon Nés en 1938 Jean BERTHILLOT Anne-Marie BUCHET Yvonne MERCIER Hubert SAUVAGE Le Perret Croix du Lièvre La Serve Les Pins Charlieu MA On peut ajouter à cette liste des personnes depuis longtemps en résidence secondaire à Coublanc, parfois inscrites sur les listes électorales, ou répertoriées par nos listes précédentes, ou même qui écrivent dans notre revue. Si vous connaissez d’autres personnes dans leur cas, ayez la gentillesse de nous le faire savoir... Né en 1925 Nées en 1928 Née en 1929 Né en 1929 Pierre BERTHIER Célestine BARRIQUAND-DINET Renée BERTHIER-LAPLANCHE Claude BELLON Antoinette BERTHIER-GUILLAUME Roger FOUILLANT Lyon et La Place La Place et Charlieu La Faverie et Fontenay-sous-Bois Le Moulin de l’Orme et Lyon La Faverie et Fontenay-aux-Roses Le Foron et Roanne En ce Temps-là 2013 Page 23 [TSVP] Né en 1932 Nés en 1933 Jean GAVET Gaston BENHAMOU Jean-Claude DUCLAY Geneviève LACÔTE Le Bois Gauthay et Roanne Les Épalis et Aubervilliers L’Orme et ? Cadolon et Mably Le Comité du Noël des Anciens, qui a préparé le cadeau 2013 ainsi que cette revue 2014, est composé de Bernard Berthier (président et rédacteur de la revue En ce Temps-là), Marie-Thérèse JarrouxChavanon (trésorière), Cécile Bailly, Danielle Berthier-Duperron, Anne-Marie Déal, Renée Druère et Denise Déal. Nos subsides proviennent pour une part des anciens eux-mêmes lors de la distribution du colis, et de particuliers à l’occasion d’événements familiaux (qu’ils en soient chaleureusement remerciés) ; mais pour l’essentiel du CCAS de Coublanc, donc de la commune. Nous avons aussi reçu des contributions volontaires pour encourager le colis et la revue En ce Temps-là. Points de vente du numéro 2013 - Michèle Bernillon (café-épicerie de Coublanc) - Brigitte et Bruno Chevreton (boucherie à Chauffailles) - Maison de la Presse (Chauffailles) - Chantal et Georges Galvez (Librairie Gribouille à Chauffailles) - Aurélie et Jérôme Besançon (boulangerie de Saint-Maurice) - Ginette et Philippe Desmurs (garage de Maizilly) Mimi prend sa retraite Michèle Bernillon a tenu (pour M. Chandioux de Chauffailles, puis à son compte) le commerce pluriel de l’ancienne poste du 1er octobre 1995 au 7 décembre 2013 : c’est exactement la durée de vie de notre revue En ce Temps-là, née en 1995. En lui souhaitant une excellente retraite, nous la re- - Pierre Zeimetz (épicerie de Saint-Igny) - Louis-Frédéric Blanchardon (épicerie de Mars) - L’épicerie d’Écoche - Le café - restaurant de Cadollon (L’Escale 71) - Le bar - restaurant de Tancon Un grand merci à ces diffuseurs bénévoles ! Nous comptons sur eux et éventuellement sur d’autres nouveaux pour ce numéro 2014 ! mercions avec beaucoup de gratitude à la fois pour son dévouement pour composer au mieux le colis des Anciens en tout ou en partie selon les années, ainsi que pour la distribution, gratuite jusqu’en 2006, et pour la vente ensuite de notre revue. Entre les points de diffusion du canton, c’est elle qui avait le record des ventes ! Nous espérons que ses successeurs accepteront de diffuser En ce Temps-là à partir de janvier 2014. Ce numéro 19 a été conçu et composé par Bernard Berthier et le Conseil d’administration de l’association du Noël des Anciens de Coublanc, avec l’aide, pour la relecture, la recherche et la fourniture de documents, de photos anciennes et de souvenirs, de Marie-France Jacotey, secrétaire de la mairie de Coublanc, Danielle Berthier-Duperron, Marie-Thérèse Jarroux-Chavanon, Renée Druère, Anne-Marie Déal, Geneviève Le Hir, Marie-Jo Dufour, François Millord, Martine Berthier, Simone Bouchery, Régis Déal, Claude Lattat, Marie et Maurice Bertillot, Claude Guilbert, Renée Monnet, Jean-Paul Monnet, Maurice Poyet, Juliette Buchet, Paul Druère, Philippe Séveau (msc), Georges Delbos (msc), Pierre Berthier, Jeannette Roy, Mado Clarin, Claude Franckart et Coublanc-71, Madeleine et Maurice Barriquand, Marie-Laure Chassignolle, Raymonde Lacôte, Bernard et Chantal Dumaitre, Maria Auclair, Célestine Dinet-Barriquand, Joëlle Courot et Lionel Simond avec les enfants des écoles. Photo du vitrail par Mélanie Berthier. Dessin de couverture de Nadège Demont. Page finale par Patricia Demont. Aux uns et aux autres nos remerciements. Voir l’ensemble des « Crédits iconographiques » à la page 3. En ce Temps-là 2013 Page 24 Cahiers Jules Dubuy Les Coublandis vont en bateau Le père Dubuy en mer Jules Dubuy a fait deux fois le voyage aller de Marseille à Port Moresby en Papouasie Nouvelle Guinée, et une fois le voyage retour. En effet, il n'est pas revenu de son second voyage : son corps repose dans une tombe toute simple, sur le bord du terre-plein central de sa station d'Ononghé. Sur le paquebot Van Waerwych Le premier trajet aller du jeune prêtre-missionnaire a eu lieu à la fin de décembre 1912. À l'époque, il n'y avait pas d'autre moyen que le steamer. Nous ne savons pas sur quel navire il est allé de Marseille à Sydney, ou à Batavia, l'actuelle Jakarta. Mais de Sydney ou de Jakarta à Port Moresby, nous savons qu'il a embarqué sur le Van Waerwych de la compagnie hollandaise Koninklyke Paketvaart Maatschappy, plus connue sous l'appellation anglaise de Royal Packet S (team) N(avigation) Company. Le Van Linchoten, alter ego du Van Waerwyvh Comme nous en informe un encadré publicitaire cijoint dans le quotidien néo-zélandais The Evening Post du 18 décembre 1912, annonçant la traversée immédiatement postérieure au passage de Jules Dubuy, cette compagnie assurait les liaisons Sydney-Port Moresby-Batavia-Singapour et retour. Notre concitoyen a dû débourser 12 livres s'il venait de Sydney, ou bien une vingtaine de livres s'il a fait le parcours Jakarta-Port Moresby, où il a débarqué, attendant que le frère Alexis le prenne en charge dans l'embarcation de la mission. Avant de s’ensevelir dans la forêt sauvage de Papouasie, et de rencontrer des populations au mode de vie quasi-préhistorique, notre Coublandi a pu découvrir l'extrême modernité technique et financière du capitalisme hollandais. La compagnie Packet était florissante. Le rapport annuel pour 1910, tel qu'il est présenté dans le Sydney Morning Herald du 19 juillet 1911, indique qu'elle possède soixante-douze navires, dont six ont été mis en service en 1910. Six autres sont attendus pour l'année suivante. Cette croissance accompagne le développement économique voulu par le gouvernement hollandais dans l'archipel indonésien et audelà. Les navires de la compagnie ont parcouru 2 044 630 miles en 1910 au lieu de 1 730 808 deux ans plus tôt. Les profits sont allés de pair, et les actionnaires ont touché un dividende de 10 % au lieu de 6 % l'année précédente. La compagnie a passé un accord avec le gouvernement hollandais, pour que celuici éponge d'éventuelles pertes sur la desserte de l'Australie, mais récupère sa mise sur d'éventuels gains une autre année. La Royal Packet croit tellement en l'avenir de la ligne Sydney-Java qu'elle a commandé deux paquebots plus grands et plus rapides pour cette liaison commerciale. Comme la plupart des bateaux de la compagnie, les machines fonctionneront au « fioul liquide » au lieu du charbon, ce qui était un progrès de l'époque. Et l'article de conclure que les deux vaisseaux, qui remplaceront à terme le Van Waerwych et le Van Linchoten, sont attendus en Australie à la fin de l'année suivante (1912). Mais Jules Dubuy a pris le Van Waerwych, comme il en informe lui-même son confrère le père Chabot (msc = missionnaire du Sacré-Coeur d'Issoudun) dans une lettre datée du 15 mars et écrite à Ononghé, où notre Coublandi vient de s'installer... pour presque quarante ans. La lettre a été publiée par les Annales d'Issoudun En ce Temps-là 2013 Page 25 d'août 1913. Voir ci-dessous un extrait. Comment ce voyage sur le Van Waerwych s'est-il passé ? Comment le savoir, alors que Jules Dubuy n'en dit rien ? Il y avait d'autres missionnaires chrétiens qui se rendaient en Papouasie à l'époque de Jules Dubuy, et même bien avant. La revue (anglophone) des Adventistes du Septième Jour, publiée à Sydney, rend compte dans son numéro du lundi 8 août 1910 d'un voyage SydneyPort-Moresby. L’auteur de l'article « En route to the East Indies » (= « En route pour les îles entre l'Inde et l'Australie ») donne une idée intéressante de la vie sur ce bateau durant le trajet vers la NouvelleGuinée, moins de deux ans et demi avant que Jules Dubuy n'y soit à son tour passager. Je traduis son récit. « Le Steamer Van Waerwych s'est révélé être un navire excellent. Son commandant, le capitaine Arnold, est un homme des plus agréables. Sur ce bateau, on veille avec beaucoup d'attention à la sécurité et au confort des passagers. Les cabines sont bien aérées et bien disposées, et la nourriture aussi bonne que sur les meilleures compagnies. Notre première escale fut Brisbane, où l'auteur de ces lignes fut rejoint sur le steamer par le pasteur Craddock. Nous avons eu le temps de rester ensemble la nuit durant et une assemblée de prière eut lieu en l'église de Brisbane sud. On y présenta aux fidèles le sujet de la fin prochaine du monde, du point de vue du prophète Daniel (chapitre 12). Notre escale suivante fut Cairns, dans le nord du Queensland. Les passagers eurent l’opportunité de visiter les fameuses cataractes de Barron Falls, qui sont à dix-neuf miles de Cairns en chemin de fer. Le paysage est superbe tout le long du trajet. À Cairns, on embarqua quatre mules pour notre mission en Papouasie, et j'ai eu le privilège de voir qu'elles avaient un certificat de santé en bonne et due forme, et que leur noms étaient bien remplis, afin de tenir compte des règlements de douane en Nouvelle-Guinée. Ces mules prirent leurs quartiers sur le pont audessous du nôtre, tout près de la seconde-classe. Dans cet endroit, on pouvait aussi trouver des vaches et des veaux, des chevaux et des chiens, des chats et des pintades, des canaris, et je ne dois pas omettre un perroquet très bruyant. Les mules supportèrent bien leur passage sur le steamer, et se nourrirent sans renâcler de fourrage vert et de foin. Elles semblaient être de bonne disposition et bien dressées. Leur achat nous a réjouis, car nous savons combien elles sont utiles à nos fidèles travailleurs en Nouvelle-Guinée. Un triste incident, en rapport avec notre voyage, se produisit à Cairns. Nous devions partir à neuf heures, la nuit de vendredi, et le capitaine donna son coup de sifflet une demi-heure auparavant, pour avertir les visiteurs et les passagers, ainsi que pour signaler au pilote qui nous avait conduits sur le quai de retourner nous chercher pour nous ramener en mer. Quelques minutes plus tard, nous apprîmes qu'au moment précis où le sifflet avait retenti, le pilote s'était brûlé la cervelle avec un pistolet. Nous ne partîmes pas avant le lendemain matin. Le jour qui suivit notre départ de Cairns, le capitaine vient me voir pour me demander de diriger un service religieux pour les passagers. Ce fut fait. Nous avons bonne confiance que cela impressionna favorablement, en vue du bien moral, l’esprit de l'auditoire. La plupart de gens qui sont en bateau sont des touristes portés sur le plaisir, et en règle générale peu se soucient de la religion. Notre bateau mit environ quarante-huit heures pour parcourir la distance qui sépare Cairns de Port Moresby, en Papouasie. Le voyage entier ne nous avait pas pris plus de douze jours. Durant tout le trajet, nous avons eu beau temps. Un agréable voile de nuages légers, qui nous protégeait du soleil tropical, avait rendu le voyage beaucoup plus agréable qu'il n'aurait été autrement. » Ce récit de l'adventiste J. E. Fulton n'aurait-il pas pu être fait par Jules Dubuy ? Notre concitoyen, cependant, a fait le voyage en décembre, durant l'été austral, En ce Temps-là 2013 Page 26 période des cyclones. Peut-être le bateau a-t-il été plus secoué. On peut se demander aussi si notre missionnaire du Sacré-Cœur a pris le temps ou eu l'argent nécessaire pour aller voir les chutes de Barron Falls – s'il venait de Sydney –, et s'il a entretenu de bonnes relations avec le capitaine, probablement protestant. En tous cas, l'atmosphère de ferme qui régnait entre deux ponts n'a pas dû gêner le fils de paysan qu'il était... trional de l'Australie, où les Français venus d'Issoudun s'étaient installés comme sur une tête de pont pour conquérir la Papouasie. Toute une histoire pourrait être racontée de leurs petits bateaux successifs et des aléas que les missionnaires avaient subis durant des traversées souvent dangereuses. Tel ou tel frère était chargé de l'entretien et du service de l'embarcation salutaire, malgré tempêtes et pannes... De Port Moresby à Yule Island Jules Dubuy, vers le printemps 1929, regagna la France pour y prendre les quelques mois de vacances auxquels il avait droit. On le vit bien sûr à Coublanc, mais il sut transformer ces mois d'oisiveté possible en tournées de propagande pour sa mission et en voyages d'affaires pour se procurer des outils et des matériaux nécessaires − par exemple à la Foire de Lyon. Sur le trajet aller (Papouasie-France), nous n'avons aucun renseignement. La lettre évoquée ci-dessus, envoyée au père Chabot, mais destinée au grand public des lecteurs des Annales d'Issoudun, qui comptaient de nombreux abonnés dans les campagnes françaises, raconte le parcours de liaison entre la capitale politique du pays et la capitale de la mission des MSC. Laissons la parole à Jules Dubuy. « C'est pour répondre à une promesse faite sur le Van Waerwych, le 27 décembre dernier, que je quitte notre chantier de scieurs de long et que je veux vous dire en deux mots l’histoire de la fondation d’Ononghé. Nous voilà donc installés à Jelel ul’ enda depuis le 9 février et non sans les péripéties et les agréments habituels dans ces pays encore vierges. Comme vous me l’aviez fait prévoir, F. Alexis vint nous chercher à PortMoresby avec le steam-launels [sic. En fait l'imprimeur n'a pas su déchiffrer le juste mot de Jules Dubuy, « steam lauch », qui désigne une embarcation à vapeur] de Yule. Le 31 décembre à trois heures du matin, nous levions l’ancre et l’hélice nous poussait rapidement hors de la baie. Les côtes déchiquetées de Nouvelle-Guinée commencèrent à défiler devant nous. Nous allions à belle allure et il semblait que nous serions à Yule dans l’après-midi, lorsque vers onze heure et demie quelques ratés se produisirent suivis d’un brusque arrêt du moteur. Cette fois nous y étions. C’était une panne et une superbe panne. Au bout de six heures de travail, le moteur se décidait à reprendre sa course, mais à cinq heures et demie du soir, c’est la marée basse, la nuit arrivait, impossible d’avancer sans se briser sur les récifs à fleur d’eau. On se décida à passer la nuit à la belle étoile et c’est ainsi que se fit pour nous le passage du 31 décembre 1912 au 1er janvier 1913. Dirai-je que je le regrettai ? Certes non, car j’eus le spectacle toujours si grandiose d’une belle nuit d’équateur et d’une mer phosphorescente comme on n’en trouve que sous les tropiques. Cela valait bien une panne. » 1 Depuis l'origine de la mission catholique, les pères avaient compris la nécessité d'avoir leur propre embarcation pour traverser le golfe de Torrès qui sépare la Nouvelle-Guinée de l'Australie, et en particulier de la petite île de Thursday, au large du cap le plus septen1. Les missionnaires d'Issoudun se répétaient-ils les vers fameux (et récents à l'époque) du poète Heredia, dans son sonnet « Les Conquérants » ? : L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques Enchantait leur sommeil d'un mirage doré... Le voyage de 1930 Sur le retour, nous en savons ou pouvons en deviner un peu plus. Le père Hervouet, son confrère, témoigne de ses derniers jours en France : « Le procureur (= le père chargé des affaires matérielles dans le couvent) de Marseille me disait qu’à ce départ, il avait préparé plus de 100 caisses. Toute une usine (scierie) en caisses. Les 3 dernières nuits, avant son départ, y passèrent alors que pendant la journée, il faisait des conférences. Et il ne paraissait pas fatigué. Il avait une résistance étonnante à la fatigue. » Cinq ans plus tard, dans la lettre du 20 avril 1935 adressée à Victor Thévenet, son maître ès menuiserie de la Croix-du-Lièvre à Coublanc, Jules Dubuy écrit : « On est en train de construire [à Marseille] une vaste maison spécialement aménagée pour l'arrivée, le séjour et le départ des missionnaires de la dizaine de Missions ou Vicariats apostoliques dont notre société a la charge dans l'Océanie et les Indes Hollandaises et qui passent tous par le canal de Suez. » Même si la maison de la rue Dorian n'était peut-être pas encore utilisable en 1930, Dubuy partit de Marseille ; le départ eu lieu le 10 avril. Il est quasi certain que le paquebot de Jules Dubuy passa par le canal de Suez, pour gagner l'Indonésie (les Indes hollandaises). Le père Verjus avait déjà suivi cette route à la fin du XIXe siècle. Le 15 mai 1930, Dubuy quitte Surabaya (grand port d'Indonésie, utilisé notamment par le Royal Packet Company. Le poète Rimbaud, soixante ans auparavant, y avait fait lui aussi escale, tenté un moment de s’engager dans les troupes coloniales hollandaises ! À Soerabaia (selon l'orthographe de l’époque), Jules Dubuy admire sans doute le SS Melchior Treub de la compagnie hollandaise, qui assure des liaisons entre l'Indonésie et la Chine et le Japon. Il achète une carte postale représentant ce bateau, et deux jours plus tard, En ce Temps-là 2013 Page 27 dans la mer de Java, il rédige un mot à l'intention de Victor Thévenet (en fait de son épouse aussi, et de tous les Coublandis qui seront par eux au courant). Cette carte ne pourra être postée qu'à l'escale de Rabaul, au nord de la Nouvelle-Guinée, dans l'île de la Nouvelle-Bretagne, où, vers 1880, les missionnaires catholiques avaient réussi à s'implanter avant d'aborder la grande île. Le timbre a été décollé, emportant la by à Yule. » Du 10 avril au 15 juillet, le voyage a donc duré trois mois, mais il faut en soustraire cinq semaines d'arrêt volontaire. C'est beaucoup plus rapide que cinquante ans plus tôt, grâce au développement des transports. Une traversée de luxe « Cette dernière étape s'est faite dans des conditions idéales ; impossible d'espérer mieux. À Port-Moresby, j'ai fait une visite au Gouverneur qui m'a accueilli de la façon la plus amiable, m'a offert le passage à bord du bateau du Gouvernement, a téléphoné à son capitaine qu'il embarque dès le lendemain mes 12 mètres cubes de bagages sans que j'aie à me déranger et gratis pro Deo. Le surlendemain nous sommes partis pour Yule. Il n'y avait à bord en dehors de l'équipage que le Gouverneur, son gendre, leurs femmes et moi. La réception par le Régulus plus grande partie du cachet : il reste visible le 9, et il est probable que ce soit le 9 juin. Le tampon de la poste de Coublanc est du 27 juillet. Si nos suppositions sont bonnes, la carte aura mis quarante-huit jours pour venir de Rabaul à Coublanc... Le verso manuscrit nous renseigne utilement : Jules Dubuy est sur un bateau appelé le Saint-Roch. Je n'ai pas réussi à trouver de renseignements sur ce bateau. Notre missionnaire parle d'escale à Soerabaia : peut-être était-il sur ce bateau avant. Mais depuis quand ? Pourquoi pas depuis Marseille ? Il écrit le 15 mai, et prévoit l'arrivée à Rabaul après l'Ascension, qui tombait cette année-là le 29 mai. La carte est postée probablement le 9 juin. Il faut donc entre 14 jours au mieux et 25 jours au plus pour accomplir le trajet Soerabaia-Rabaul ! Le 25 juillet, de Yule Island, Jules Dubuy écrit à Victor Thévenet : « Mon Cher Victor, me voici depuis une dizaine de jours à Yule au centre de la Mission et il faut que je vous donne signe de vie. J'ai donc passé 5 semaines en Nouvelle-Bretagne et je suis arrivé en Nouvelle-Guinée à Yule par 2 étapes ou plutôt 3 : Rabaul - Samarai, Samarai à Port Moresby, Port Mores- À Yule il y avait à notre arrivée dans le port un navire de guerre français, le Régulus. Nous commençâmes par aller le passer en revue : tout l'équipage, officiers et matelots, était sur le pont en grande tenue et au garde à vous. Vous voyez que j'ai été bien reçu à mon arrivée dans la Mission : les honneurs de guerre rendus par un bateau de guerre français. Mes bagages furent débarqués dans la nuit suivante de 9 à 10h1/2. Si cette heure tardive vous intrigue, je dirai(s) qu'on l'avait choisie parce que c'était le moment de la marée haute et la marée ici varie de plus de trois mètres. Mais ce qu'il faut aussi que vous sachiez, c'est que le commandant du Régulus avait mis les projecteurs de son bateau à notre disposition ; et pendant que les Canaques enlevaient les caisses et les emmagasinaient dans les docks, ils furent puissamment éclairés par les fanaux du bord. Vous pensez s'ils étaient heureux. Ils n'avaient jamais rien vu de si lumineux et ils hurlaient d'enthousiasme. Voilà comment s'est terminé ce long voyage sur mer. Je n'ai assurément pas lieu d'être mécontent, tant s'en faut. Reste le plus dur : passer de la côte à Ononghé mes 16 mètres cubes de bagages, car j'ai trouvé ici 4 mètres cubes arrivés par d'autres lignes, entre autres la raboteuse. Dans tout le voyage, en fait d'accident je n'ai eu qu'une caisse de brisée et un tonneau de peinture défoncé. La caisse brisée est celle de Roanne. Elle pesait 1090 kilogm. À Rabaul, il fallut la mettre sur un camion pour la transporter à un autre quai pour l'embarquement ; quand il s'agit de la descendre du camion, les Canaques voulurent la recevoir, seulement comme ce n'était pas de la plume, elle leur échappa et tomba sur le sol complètement brisée ; heureusement qu'ils avaient pris la précaution d'enlever leurs doigts de pied, surtout qu'ils n'avaient pas de souliers. La Cie Burn et Phelp. [Burns Philp] se débrouilla pour En ce Temps-là 2013 Page 28 900 F il ne restait rien, je vous serai reconnaissant de voir M. le Curé de Chauffailles. Donnez bien le bonjour à tous ceux qui se souviennent de moi, à l'occasion donnez de mes nouvelles à ma maman. Je présente mes meilleures salutations et vous prie de croire à ma vive et profonde amitié. » Le Régulus Comment mieux terminer le récit des aventures maritimes de Jules Dubuy que par cette lettre remarquable ? Le Régulus est un aviso-sloop de type anglais « Flower ». Il a été construit à Glasgow. Commencé en septembre 1916, il est mis à flot en mars 1917, et mis en service le 2 mai 1917. Son équipage est de 6 officiers, et 97 hommes. En mai 1917, il patrouille dans l'Atlantique. En novembre, il évite deux torpilles tirées par un sous -marin allemand. En 1919, il est affecté comme bâtiment hydrographe à Terre-Neuve. De septembre 1919 à janvier 1920, le Régulus est au Cameroun et au Sénégal. En décembre 1921, il s’échoue trois fois sur le redoutable banc d’Arguin au large d'Arcachon. En 1922-1924, il croise dans l'Atlantique, en Amérique Centrale et du Sud. Le 28 avril 1923, il est pris dans les glaces à Terre -Neuve. En avril 1927, le Régulus part pour l’Indochine, le Japon et la Chine. Le premier mai 1929, il est accidentellement abordé devant Tsin-Tao (port entre Pékin et Shanghai) par un bâtiment japonais. En juillet 1930, il parade devant Yule Island. En 1932, il est déclaré aviso colonial. En mai 1935, il est rayé des listes et en juillet il est vendu... Triste fin d'une courte carrière de 18 ans, pour un bon bateau. la remballer en 4 caisses. Le voyage me revient à environ 30 000 F, dont les 2/3 pour les frais de transport. J'ai eu beaucoup de chance pour la douane, les douaniers se sont contentés du tiers de mes factures qu'ils ont examinées pendant 2 jours et taxées 3 000 F. Aucune caisse n'a été ouverte. J'ai été très satisfait, car j'aurais pu avoir quelque 50 000 F à payer sans compter les caisses dézinguées et 2 ou 3 mois d'attente. De Paris, Joubert-Tiersot m'avait envoyé une petite machine dont 1 pièce a été brisée. Je lui ai écrit de me la renvoyer et en même temps j'ai commandé une avoyeuse pour les scies à ruban. Je lui ai dit qu'il s'adresse à vous pour le paiement. Mais si sur les Mais en a-t-il fini avec les bateaux et la mer ? Pas tout à fait. Notre Coublandi ne dit rien de possibles remontées de fleuves en canot. Il est vrai que la rivière d'Ononghé, la Vanapa, est plutôt un torrent, très peu propice à la navigation. Mais il va encore être question de bateaux, en 1937. D'abord parce que la Croix prévue pour le mont Albert-Edward est arrivée cette année-là, par mer évidemment, mais est restée trois mois, indûment, dans les entrepôts de la douane de Port Moresby. Et en juin de cette même année, comme le raconte Jules Dubuy dans une nouvelle lettre à Victor Thévenet (3 août) : « La Nlle Guinée a été dernièrement sérieusement éprouvée : il y a quelque 2 mois, une éruption volcanique a détruit la capitale de la Nlle Bretagne, Rabaul, où je m’étais rendu directement de Marseille en 1930. Le port qui avait quelques 3 kilomètres de fond à son entrée a été comblé et des bateaux se sont trouvés subitement dans les jardins. » Décidément, le surréalisme ne triomphait pas qu'en Europe. La nature tropicale s'y mettait... Bernard Berthier Humeur humour par Bibi De mes deux filles, l'une entrera chez les carmélites, l'autre chez les cars Michel. Dieu sera généreux pour nous accueillir au Paradis. Pourquoi ? Parce qu'il n'est pas radin... À un repas entier je préfère une midinette… Dans un couple, l'âge de la retraite amène une redistribution des tâches, et des moustaches. Il y a un temps pour tout : le temps de l'i-pad, et le temps de l'EHPAD. Le couple, ce miroir aux alouettes : la ménagère scotchée devant le poste et le bonhomme posté devant le scotch... En ce Temps-là 2013 Page 29 Rémy Berthier et Maria Joly son épouse L'Asie par Pierre Berthier Mon père, Rémy Berthier (Jean-Rémy pour l'état civil), est né à Coublanc, dans la maison familiale de La Roche, le 17 novembre 1896. Il était le fils de Joanny Berthier et de Clotilde Guillermet, de la famille des Guillermet de Mardore. Il était aussi le petit frère de Pétrus (1892) et d'Élise (1893). Sa jeunesse se déroula à Coublanc, sans rien de remarquable. La famille conserve quelques uns de ses cahiers d'école, où on le voit appliqué à bien écrire. Les leçons d'instruction civique qu'il recopie patiemment sont assez étonnantes par rapport à l'enseignement actuel... Son frère Pétrus reprenant la ferme, il lui fallu trouver un autre métier : il devint apprenti tailleur chez Rémy Joly, à La Place. Mon père avait presque 18 ans lors de la déclaration de guerre, en août 1914. Il a été beaucoup marqué par ses 3 ou 4 ans de service militaire et de guerre. Je n'en garde que quelques souvenirs, qu'il nous a racontés parfois plus tard. Il en parlait peu, certainement par dégoût de la chose militaire (il disait qu'il voulait absolument rester soldat de deuxième classe, « et encore par protection » !) et à cause des horreurs qu'il avait connues, comme la mort d'un copain, un soldat italien de vingt ans. En effet, vers Koritza, il avait vu ce jeune homme mourant, les entrailles ouvertes, et qui gémissait en disant : « Mama ! » C'est un peu par hasard, ou par désir de voyager et esprit d'aventure, qu'il avait choisi de partir en Orient, plutôt que sur le front du nord de la France, quand on demanda des volontaires pour les Dardanelles. Il paraît que dans un groupe de dix-neuf jeunes Coublandis de sa classe, ils ne sont que deux à avoir choisi l'Orient, mais ils sont rentrés tous deux vivants. À l'aller, il a eu le mal de mer dans le bateau de Marseille jusqu'à Salonique, dans le nord de la Grèce. L'étage supérieur était réservé aux officiers et sousoff. En dessous, bien bas dans les soutes, les simples soldats, mal nourris, en piètre état. « Ne bougez pas d'ici », disait l'officier. Et parfois, et cela faisait peur : « Il y a de la lumière. ! » ou « Bateau à l'horizon ! L’Asie est un paquebot de 139 mètres de long, qui a été mis en service par la Compagnie des Chargeurs Réunis en 1914. Il est réquisitionné par la Marine Nationale en 1916 et transformé en navire hôpital de 770 lits. Opérationnel à partir de février 1917, il effectue durant deux ans en moyenne, au service de l'Armée d'Orient, deux rotations mensuelles entre Toulon et Salonique avec parfois des escales à Bizerte, Milo, Bône et Alger. Il connaît divers aléas, dont un le 10 mai 1917 : en convoi en Méditerranée, il aborde et endommage le torpilleur d’escadre Mortier. Le 4 avril 1918, en route pour Salonique, il est contrôlé par un sous-marin allemand par 35°25N et 015° 13E, au sud de Malte. Lors du contrôle, un marin allemand tombe à l’eau et est soigné par le docteur Marin, médecin major de l’Asie. La correction de l’équipage allemand est notée dans le compte rendu du voyage. Le 20 juillet 1918, Rémy Berthier en descend et remet le pied en France. Après l’Armistice, l'Asie continue à naviguer en Méditerranée Orientale, transporte des personnels civils et militaires, des réfugiés, de matériel, y compris pour le compte de la Croix Rouge américaine. Rendu à la marine marchande en 1919, il connaîtra des incendies et des échouages divers, puis sera pris par les Allemands à Marseille en mai 1943, remis aux Italiens, rebaptisé Rossano, bombardé par les Alliés dans le port de Gênes. Trente ans d’existence. Finie la comédie !... Priez le bon Dieu ! » Un ou deux bateaux de transport de troupes ont été torpillés devant eux.. Il a fait la difficile campagne de Grèce, de Macédoine et de Serbie, avec la fameuse bataille de Koritza. Il racontait que le roi de Serbie lui avait serré la main après la victoire et lui avait dit avec un accent balkanique : « Vous êtes un brave ! » Il a été décoré, mais après la guerre, il n'a pas voulu porter ses décorations. Il en avait assez. « Les tueries m'emmerdent ! » C'est pourquoi il ne la racontait pas beaucoup, sa guerre. Il avait contracté le paludisme là-bas. Avait-il aussi respiré des produits toxiques ? A-t-il été gazé ? Il a été rapatrié dans un bateau-hôpital nommé « L'Asie », avant la fin de la guerre, puisqu'il écrit de Cannes le 23 juillet 1918. Il a été cantonné dans cette petite ville, En ce Temps-là 2013 Page 30 pour soigner son paludisme ; il y a passé un an environ, dans un hôpital improvisé dans un grand hôtel réquisitionné : une année de vacances à Cannes, aux frais de l'armée ! Mais cela a-t-il compensé les crises de paludisme qui l'ont pris le reste de sa vie, de temps en temps, et qui lui donnaient une forte fièvre durant trois ou quatre jours ? Il est donc enfin rentré mais, de la même manière que son patron avait fait dans sa jeunesse des voyages d'apprentissage à Metz, Reims ou Bordeaux, Rémy avait fait durant presque un an un bout de tour de France passant par Strasbourg et Paris : en fait, pour se perfectionner dans le métier, on se mettait au service de patrons qui avaient momentanément trop de travail, à l'approche des grandes fêtes où les gens se faisaient faire un costume. Il a aussi pu apprendre la coupe. Après la guerre, il s'est un peu intéressé à la politique. Il est entré dans un parti politique, le PDP (Parti démocrate populaire, espèce de parti démocratechrétien) dirigé par un Raymond Barre de l'époque. Il était allé deux ou trois fois à ses conférences. La section de Coublanc comportait une dizaine de membres. On était venu le chercher. Ce parti n'était pas très venimeux. Mon père a dû assister à quelques réunions le dimanche, à Chauffailles ou SaintIgny. Rémy Berthier était un bon garçon, et plutôt beau. Il a plu à Maria Joly, et a été agréé par les parents de Maria Joly. Le mariage a eu lieu le 17 octobre 1922. C'est à cette noce que son frère Pétrus, célibataire quoique plus âgé que lui, a fait la connaissance de Clotilde Joly, qu'il allait épouser bientôt. Maria, officiellement Maria Claudia, était la fille du futur maire et d'Émilie Leaumorte. Elle était née le 29 avril 1901, à Coublanc. Elle avait eu une petite sœur, Lucie Augustine, qui était née le 13 décembre 1903, et morte quelques mois plus tard, le 27 avril 1904. Maria, qui n'était pas une travailleuse acharnée à l'école de Coublanc, avait été mise par ses parents en pension chez les sœurs de Belmont, jusqu'au brevet. Ensuite, elle avait aidé sa mère dans le magasin, mais songeait surtout à se marier... Quand il avait dit à mon grand-père : « Je désire épouser votre fille », Rémy Joly lui avait répondu : « Oui, mais ne vous installez pas à moins de trente kilomètres de Coublanc ! » Il y avait déjà plusieurs tailleurs à Coublanc ! Un copain l'a poussé vers Charlieu. « Il y a tout plein de bourgeois ! » Mais la condition exigée par Rémy Joly lui interdisait Charlieu, trop proche. Il s'est exilé à Paray-le-Monial. Le magasin familial, avec deux petites pièces d'habitation à l'étage, était situé en plein cœur, place Guignault. Il travaillait avec ma mère, qui vendait du tissu ou de la mercerie, mais aussi avec deux employés, un homme et une femme. Ma mère était maligne ; je l'ai entendue souvent qui vantait sa marchandise, en disant : « Prenez ce tissu, il est excellent ! » ou bien : « Il vous va très bien ! », alors que c'était un produit ordinaire faisant un effet banal. Mon père, plus honnête ou moins commercial, aurait voulu qu'elle dise la vérité ; il lui reprochait après ses enthousiasmes feints : « Tu n'as pas honte ! » Il était tailleur, et il était coupeur : cela faisait en fait deux métiers. Comme il ne connaissait pas l'algèbre, il faisait ses modèles sur le papier. Moi, qui étais bon en maths très jeune, je lui ai donné des moyens arithmétiques. « Qu'est-ce que t'es savant ! » La règle de trois pouvait être utile !... Il avait un ami, connu à la guerre ou au PDP, un certain Brivet, je crois, qui devait avoir une petite usine de tissage, et qui fut ou à peu près son premier client. Ce Brivet lui proposa de lui faire de la pub, en disant : « Je me fais faire un costume chez Berthier ! » C'est à Paray que le couple a eu deux enfants : Pierre (moi) né le 17 octobre 1925, et mon frère René, né le 28 mai 1927. Nos parents nous envoyaient souvent en vacances à Coublanc. C'est là, chez ma grandmère, que j'ai attrapé la polio, en 1928. Mes parents et le docteur m'ont envoyé à l'hôpital Debrousse, à Lyon, où, faute de place, on m’avait mis dans un service de méningite et on ne savait pas si j'allais mourir de l’une ou de l’autre maladie. Revenu vivant à Paray, c'est ma mère qui m’a fait marcher en alternant taloches pour me forcer et chocolat pour me récompenser ou m'inciter. Ma mère et ma grand-mère Émilie Joly étaient très fâchées d'avoir un enfant que tous ses camarades traitaient de « patte folle ». La maison que nous habitions était en mauvais état : il pleuvait place Guignault, il pleuvait sur le lit où je dormais avec mon frère, et nous y mettions parfois une bassine. On entendait la voisine, qu'on appelait la mère Pisse-trois-gouttes (« et la quatrième est en route »), parce que durant les nuits (ou bien l'imaginait -on) elle allait souvent à son pot de chambre ; c'était une vieille dame qui donnait des coups de mains à l'école. Une fois, durant un séjour de vacances à Coublanc, mes parents ont invité leur nièce et filleule Madeleine Berthier à passer chez eux quelques jours de vacances, quelque temps après la mort en 1940 de sa sœur Célestine, fillette de dix ans, durant la semaine de la débâcle. C'est René qui avait accompagné de Coublanc sa jeune cousine, sans doute en train. Moi, j'étais resté En ce Temps-là 2013 Page 31 à Coublanc : à Paray, il n'y aurait pas eu de place pour trois enfants ! Rémy aimait la pêche à la ligne : il emmenait ses deux fils pêcher dans le canal ou la Bourbince. D'où le souvenir que j'ai d'un proverbe orgueilleux que l'on devait répéter souvent : « Si la Bourbince portait bateaux, Paris serait dans le siau ! » En je ne sais quelle année, mais les photos prouvent que nous avons environ dix ou douze ans, et ce doit donc être peu avant la guerre, nous sommes allés à Lourdes, avons visité le sanctuaire et même marché en montagne. On m'avait fait miroiter que l'eau de Lourdes guérirait ma jambe atrophiée. On ne devrait pas dire cela à un jeune boiteux : la déception du bain inefficace dans la piscine de Lourdes a beaucoup diminué ma foi. Anatole France disait, et cela m'a marqué, qu'à Lourdes il y a plus d'ex -voto que de jambes de bois... À Paray-le-Monial, il y avait beaucoup d'ecclésiastiques, et l'on était souvent fourré dans la basilique. La basilique était l'église de notre paroisse. Mon père faisait partie du chœur de chant. Moi aussi. Un peu plus malin que les autres, j'avais été choisi pour être l'enfant qui tourne les pages pour l'organiste qui jouait de l'harmonium, un certain M. Racine. Durant certains offices, avec mes deux copains Fusch et Jacob, nous ouvrions nos missels avec un sérieux formidable, mais on avait mis dedans des poèmes de Baudelaire – poète interdit ! – qu'on lisait ainsi durant la messe. En ce temps-là, qu'ils le veuillent ou non, les jeunes échappaient difficilement à une solide éducation religieuse. Heureusement, le curé Dargaud était un pincesans-rire, qui faisait parfois de faciles plaisanteries, et on racontait qu'une fois ou l'autre, à la fin de la messe, faisant les annonces en lisant la feuille ad hoc, il avait dit : « Il y a promesse de mariage entre... » et il avait laissé tomber la feuille comme par maladresse et continué en disant : « entre la chaise et le banc ! » Nous recevions aussi la visite du Père de Bréchard, qui était bien avec toutes les femmes, et qui venait rendre visite à ma mère depuis qu'il avait eu vent de la possible vocation religieuse de mon frère. D'après Clotilde Forest, c'est ma mère qui avait voué mon frère à la prêtrise, s'il guérissait du tétanos ! Mon frère avait donc été mis au petit séminaire Saint-Hugues, tandis que moi, je commençais à m'installer sur l'établi de tailleur et à apprendre le métier. Une fois, le Père de Bréchard était entré dans l'atelier, m'y avait vu, et avait demandé si j'étais intelligent, et si je ne pouvais pas faire mieux que le métier de tailleur d'habits. « Réfléchissez-y ! » Et il avait laissé un livre, une grammaire latine, je crois, en me disant de l'apprendre. J'avais appris, et quand il était revenu nous voir, il avait décidé que je pouvais entrer en sixième, fin septembre, tandis que mon frère, de deux ans moins âgé que moi, était déjà en quatrième ou en troisième. En un an ou deux de travail acharné (je faisais systématiquement tous les exercices de tous les livres, et le programme de plusieurs années en une seule), j'avais rattrapé mon frère en seconde, et en fin de seconde, j'avais une meilleure moyenne que lui, grâce aux maths. Mais ma mère, me semblait-t-il, gardait une préférence pour son René, qui voulait devenir prêtre ! D'ailleurs, à Saint-Hugues, mon frère déjeunait au grand restaurant pour 4 francs, tandis que je mangeais au petit restaurant, pour 1 franc. Je n'en étais pas mécontent, il y avait des fayots, et au dessert, de la confiture de tomates. C'est donc au père de Bréchard que je dois d'être devenu un travailleur intellectuel, alors que mes parents hésitaient à faire des dépenses pour prolonger l'instruction de deux enfants et n'envisageaient pas pour un enfant de métier intellectuel autre que la prêtrise. C'était pendant la Deuxième Guerre mondiale. Au début de la guerre, en 1939, Rémy a été mobilisé en tant que « vieille classe » à Troyes où, vu son métier, il repassait les pantalons des officiers. Au moment de la défaite, il réussit à échapper à pied ou en vélo aux mailles du filet de l'armée allemande et à éviter d'être fait prisonnier, en rentrant comme il put à Paray, où il eut un jour la maladresse de se montrer en habit militaire à la fenêtre de la maison ; il comprit vite le risque, et se changea... Durant les dernières années de l'Occupation, il fut réquisitionné les nuits pour surveiller les lignes de chemin de fer, avec le risque d'être fusillé si les résistants en faisaient sauter. La vie matérielle était dure. Nous nous nourrissions des produits de deux petits jardins que mon père avait loués non loin de chez lui. D'après Jeannette Roy, dont le père avait un jardin voisin, il se faisait un point d'honneur à avoir les premières fraises, qu'il offrait à la petite fille. J'y travaillais avec lui, malgré le handicap de ma jambe atrophiée. Coublanc et ses ressources étaient à une cin- En ce Temps-là 2013 Page 32 quantaine de kilomètres, mais surtout de l'autre côté de la ligne de démarcation qui, à Paray, suivait le canal. Pendant l'occupation, Rémy eut la faiblesse de sympathiser avec un officier allemand, un des responsables de la troupe d'occupation, mais peu fanatique. Cet officier avait besoin des services d'un tailleur, notamment pour repasser ses pantalons : les deux anciens combattants causaient en évoquant les idioties meurtrières de la première guerre. Ma mère, qui était bavarde, ne gardait pas le mutisme de l'héroïne du Silence de la mer envers cet officier, dont je me souviens qu'il s'appelait Siegfried Witke, et qu'il faisait son possible pour limiter, en faveur des Parodiens, les ennuis de l'occupation. À la Libération, on a reproché à mon père cette fréquentation, et il a été victime de l'épuration, notamment par suite des menées de « résistants » souvent de la dernière heure : il a été emprisonné deux ou trois mois à Dijon. Pendant ce temps, les voisins qui tenaient le magasin Casino, dont la sympathie allait aux éléments communistes des armées et des maquis qui remontaient du sud de la France, voulaient faire subir un mauvais sort à ma mère : je me souviens d'être intervenu dans la rue, devant le magasin, pour la défendre. Par manque de chance, le maire de Paray, M. Desrichard, qui avait de l'amitié pour mon père, avait été tué par un obus juste avant la Libération [en fait, il était mort en déportation. Ndlr]. Les mois d'absence de mon père furent durs. Ma mère servait d'infirmière à l'hôpital, en plus de la tenue du magasin. Mon père reçut, quand il fut élargi, l'interdiction d'exercer à Paray-le-Monial et dans le département de Saône-&-Loire. Son beau-père Rémy Joly était mort en 1943, et il aurait pu s'installer tailleur à la Place, sans l'interdiction. Il vint aussi près que possible : c'est à Charlieu qu'il rouvrit un magasin, pour quelque temps ; il s'y sentait bien. Mais Maria, sa femme, l'a poussé à revenir à Coublanc, dès que ce fut possible, pour venir habiter à côté de sa mère devenue veuve. Vers 1937, Rémy avait acheté au maréchal-ferrant Fouillet une maison à la Place, au-dessus de la maison de son beau-père. Le couple, désormais sans enfants (nous avions pris notre envol, moi vers Lyon, René vers Autun ou Rome), s'y installa, jusqu'en 1957, date de la mort d'Émilie Joly. Les premiers temps à Coublanc ne furent pas faciles. Même là, Rémy a été mal accueilli par quelques personnes – des voisins de la Raterie – faisant du zèle de pureté contre l'espèce de collaborateur, pensaient-ils, qu'avait été mon père. Mais bientôt les tracasseries, comme des ordures déposées dans la cour de la maison, ont cessé et les choses se sont régularisées, si bien que sa gentillesse et son talent de couturier lui valurent à nouveau l'estime générale. Aujourd'hui encore, les Coublandis les plus vieux se souviennent d'avoir acheté du tissu chez la Maria, ou fait faire un costume chez Rémy, et peut-être portent-ils encore ce costume dans les grandes occasions, car le tissu était aussi bon que la coupe. À cette époque encore, il avait des aides ou des apprentis. Par sympathie avec moi, il avait engagé un apprenti qui boitait, Paul Imbert, originaire de Montchanin ou de Montceau. En 1947, mes parents ont eu un troisième fils, mort-né le 2 février. Ma mère était déjà âgée de 45 ans ! Ce fils s'appelle Bernard et est enterré au cimetière de Coublanc. On voit encore son nom sur la tombe où il figure, accompagné d'une seule date, au-dessous de celui de l'aïeul Philibert Leaumorte. C'est là que sont enterrés mes parents, qui les ont rejoints, mon père en décembre 1965, et ma mère en 1967. Rémy n'était pas aussi pieux ni aussi dévoué à l'Église que son frère Pétrus, mais avec Maria, ils avaient plusieurs filleuls : Pierre Desnoyer, fils de sa sœur Élise, mariée à un Desnoyer de Ligny, puis Madeleine Berthier, fille du Pétrus, future épouse de Maurice Barriquand, enfin, leur petit-fils Bernard Berthier. Mais ce qu'ils avaient principalement fait pour l'Église, c'est de lui avoir donné leur second fils, mon frère René, ordonné fin juin 1951 à Saint-Igny-de-Roche ! À la mort d'Émilie, mes parents se sont installés dans la belle maison de pierres jaunes de Rémy Joly, et ont loué leur maison à des vacanciers lyonnais ou grenoblois. Par suite de mon mariage et de la naissance de Bernard (1951) et Jean (1952), mes parents sont devenus grands-parents, et de bons grands-parents, malgré la distance. Ils sont venus nous voir à Saint-Michel, à l'époque où je travaillais à l'Observatoire de HauteProvence, et à Grenoble, pour des communions solennelles. Nous allions régulièrement les voir en voiture à Coublanc, durant les vacances d'été ou de Noël. Mon père pêchait dans le crau avec ses petits-enfants, ou les emmenait faire un tour en bicyclette. Il leur montrait ses poules, et surtout ses lapins, qu'ils allaient nourrir dans l'écurie de l'autre maison. Comme j'avais fait avec mes grands-parents Joly, nous jouions avec les enfants à la manille ou au tarot. C'est là, dans les années 60, que j'ai découvert la télévision, à l'écran fréquemment orné de neige, que mon frère René avait voulu leur offrir. À soixante ans passés, mes parents diminuaient progressivement leur activité professionnelle, mais jusqu'au bout mon père a travaillé pour la famille. L'établi, les craies, la collection de gros ciseaux, la psyché étaient encore en place, tandis que le magasin avait fermé, et que la banque servait de table de ping-pong aux enfants. Rémy était un homme naturellement de bonne humeur et gentil, beaucoup plus drôle que son frère Pétrus. Pétrus chantait à l'église et s'entraînait chez lui, à La Roche, à chanter des cantiques religieux ou bibliques, comme « Les Mines du Cédron ». Rémy, accompagnée de sa couturière (une certaine Marmore à une époque), chantait des chansons d'amour sur son établi. Il aimait bien rigoler, s'amuser. Il avait ses proverbes, venus de je ne sais où : « Chez moi, je suis chez ma femme. Dans la rue, je suis chez moi », ou bien : « La En ce Temps-là 2013 Page 33 L’histoire des poilus Rémy et Maria avec leurs deux petits-fils vie est dure, les femmes sont chères, et les enfants si faciles à faire » ou encore : « Là où la chèvre est attachée, elle broute. » Nous faisions des marches vers Serpulin, jusqu'à une vigne qui lui venait des Joly, et qui faisait un méchant vin blanc, dit « vin de noix », où vers le « Verger du roi Louis », au-delà de la ferme où se succédèrent ses fermiers Lauriot puis Auclerc, chez qui il allait chercher le lait le soir, dans la nuit, avec ses petits-enfants. Ou encore, le dimanche, nous allions voir à pied la Madeleine d'Écoche (Melle Prajoux), une cousine par les Leaumorte, qui tenait l'épicerie-café du Bourg d'Écoche avec la Mélo Duffy, et qui était aussi modiste. Rémy avait une bonne santé, apparemment, mais depuis longtemps, depuis la guerre peut-être, son cœur battait de manière irrégulière. Un jour, le 7 décembre 1965, il était allé chercher en mobylette, à Chauffailles, des médicaments pour sa femme, qui souffrait du diabète et devait souvent se faire des piqûres. Au retour, il avait dû s'arrêter au Bourg de Coublanc, pour une affaire à traiter à la mairie. Sa mobylette n'avait plus voulu redémarrer spontanément, il avait peiné à la relancer, et en remontant par le chemin de terre qui part du bas des Génillons, qui longe la maison Dessertine avant de rejoindre la route vers les Druère, à la Gâterie, il s'était effondré, le cœur épuisé. Il avait 69 ans seulement. Son visage était méconnaissable, avait dit son frère Pétrus venu le reconnaître ; mais sur son lit de mort, dans la maison Joly, il avait retrouvé sa fraîcheur et même un certaine jeunesse, quand nous étions arrivés de Grenoble, de nuit, en passant par le Lyon illuminé du 8 décembre. Nous suivîmes à pied son corbillard tiré par un cheval. Sa veuve Maria, ma mère, minée par le deuil et le diabète, a passé, sans lui, deux très mauvaises années, d'abord chez elle, et enfin dans une maison de retraite tenue par des Carmélites à Sainte-Foy-lès-Lyon, où elle est morte le 21 novembre 1967. Notre revue, de concert avec le site Internet Coublanc-71, ambitionne d’écrire l’histoire des poilus de notre village. La tâche est ample. Le monument aux morts du Bourg de Coublanc recense 66 noms. La plaque de la mairie en compte autant. Les poilus dont le nom figure sur ces deux documents − le Bulletin de Coublanc 2014 reproduit une photo du second − ne sont pas tous nés à Coublanc. Certains y ont peu vécu. Le nom de certains figure aussi sur des monuments aux morts d’autres communes. Nous avons, de plus, repéré des Coublandis morts à la Grande Guerre, dont le nom ne figure pas sur notre monument, et figure, ou non, sur des monuments d’autres communes, où ils avaient été s’installer avant guerre. Le canton de Charlieu a publié vers 1920 un livre d’or des combattants morts pour la France : cela nous a aidés dans notre recherche. Certains fiches sont accompagnées de photos : en voici deux des frères Jean et Louis-Jean Boyer de l’Orme, inscrits sur le monument de Saint-Denis-deCabanne. L’article qui suit prend en compte ces poilus, à le différences des listes que nous avons publiées dans les revues de 2005 à 2007. Cependant, nous ne sommes pas sûrs de les avoir tous retrouvés ! Mais ne parler que des « morts pour la France » serait très réducteur. Il y a aussi tous ces jeunes hommes partis de Coublanc, qui y sont revenus, blessés physiquement ou moralement, dont une trentaine de pensionnés et quelques « gueules cassées ». Il faudra aussi que nous fassions l’histoire de ces poilus, d’ailleurs commencée dans notre numéro de 1998, pages 12 à 14. Ceux-là, à la différence de la majorité de ceux qui sont morts, ont eu une descendance, dont nous sommes le produit ! Le site Internet Coublanc-71 a entrepris de lister et de ficher tous les noms retrouvables. La revue tâche de parler des personnes de manière plus large, avant et après la guerre. Par exemple, dans ce numéro, il est question de deux poilus survivants, au moins, Joseph Chassignolle et Rémy Berthier. Il ne tient qu’à vous, lecteurs, de collaborer à cette tâche en nous faisant connaître les photos, souvenirs matériels et récits familiaux de vos ancêtres qui ont « fait » 14-18… Propos recueillis auprès de Pierre Berthier par Bernard Berthier, à Lyon, en 2011-2012. En ce Temps-là 2013 La rédaction Page 34 Tous nos poilus morts en 1914 La mobilisation du 2 août et l'entrée en guerre du 4 août vont vider Coublanc d'un grand nombre de jeunes gens, de 20 à 45 ans, sans doute plusieurs centaines ! La mortalité des premiers jours de guerre en particulier, et des cinq premiers mois plus généralement, est effroyable : non pas 15, comme l'indique le Monument aux morts de Coublanc (MC), mais, avec 9 autres retrouvés par Claude Franckart et moi, 24 jeunes hommes nés à Coublanc ou venus y habiter vont périr en cinq mois et seront reconnus « Morts pour la France » (MPLF). Pour mieux comprendre leurs notices biographiques, résumons les opérations : - L'armée française tente de percer en Alsace-Lorraine, mais est rejetée vers la Meuse (août et début de septembre). Beaucoup de Coublandis meurent dans ces opérations. - Les Allemands percent au centre, prennent Reims, approchent de Paris, mais sont repoussés à la première bataille de la Marne (début septembre) et reculent largement. - En octobre, les Alliés (Français, Anglais et Belges) empêchent les Allemands de couper la liaison avec la Manche et la Mer du Nord. C'est la « course à la mer », qui entraîne la bataille des Flandres, très meurtrière, notamment en Coublandis. - La guerre de mouvement cesse fin novembre et en décembre, pour faire place à la longue guerre de tranchées : deux lignes continues qui vont de la mer du Nord à la frontière suisse. Le 134e RI, caserné à Mâcon, enrégimente beaucoup de Coublandis. Six d'entre eux vont y mourir. 1. Joannès Gonin est le quatrième enfant d'Antoine, cultivateur à Saint-Igny, et de Claudine Trouillet. Avant lui, une petite Augustine-Marie, née en 1872, n'a vécu que quelques mois. Sa cadette, née en 1874 a repris son nom et épousera Marie-Joseph Grizard en 1901. En 1879 naît Jean-Marie, puis, après notre Joannès, Benoît, né en 1889, qui meurt lui aussi à la guerre en 1916, laissant Antoinette Tacher veuve à Saint-Igny. Joannès Gonin est né le 30 juillet 1881, à Saint-Igny. En 1907, il épouse, à Coublanc, Maria Holveck. Il est de trois mois le cadet de son concitoyen Joseph Badolle, avec qui il part à Mâcon pour être recruté au 134 e RI (matricule 547). Il monte en train vers la Moselle avec ses 3400 compagnons, hommes et officiers recrutés à Mâcon. Il meurt, « tué à l'ennemi », le 31 août, à Magnières, dans la Meurthe-&-Moselle, tout près de Rozelieures où se sont déroulés de violents combats, au cours d'une attaque qui échoue. Sa guerre n'aura pas duré un mois. La transcription à Coublanc tardera jusqu'en 1920. MPLF. MC. 2. André-Joseph Lacôte, né le 21 novembre 1884 à Foron, est le fils d'un propriétaire cultivateur, JeanBenoît, et de son épouse Marie Philomène Accary. Ceux -là n'ont su faire que des garçons : quatre avant André, un après. De trois d'entre eux, on sait qu'ils se marièrent, Jean-Joseph avec Marie-Antoinette Berthier, Antoine avec Marie Crost, et le petit Joseph avec Pierrette Chassignolle. André, devenu tisseur, se maria aussi, en 1908, à Coublanc, avec Marie-Julie Auvolat. Six ans de « bonheur conjugal », qui sait ? Une fille, MariePhilomène-Alice, née en 1911. Et des cousins germains Lacôte à pleines panerées, dont la guerre va prendre la fleur. Il est recruté à Mâcon (matricule 173, mais 75 selon un autre acte) et incorporé au 134e RI. Après les massacres subis fin août (1/3 de l'effectif !), le régiment a été transféré du côté de Saint-Mihiel. André Lacôte meurt « tué à l'ennemi » à Bois-Brûlé, commune d'Apremont, le 1er octobre. Une attaque vigoureuse déclenchée à 9 heures du matin au son de trois coups de canon a échouée devant la résistance des Allemands. Notre Coublandi est resté sur le terrain... La transcription de son acte de décès à Coublanc aura lieu rapidement : le 18 avril 1915. Qu'est devenue la petite orpheline de 3 ans ? MPLF. MC. 3. Claude-Auguste Dubois, tisseur, cultivateur, ouvrier en soie, et son épouse Mariette Vermorel, tisseuse, ont eu beaucoup d'enfants. Il y en a eu six, dont quatre sont morts entre 0 et 18 ans. Deux seuls, un garçon et une fille, arriveront à l'âge du mariage. Puis naît Lazare, à Génillon, le 15 novembre 1882. Sa mère mourra quand il aura 11 ans, et son père se remariera en 1898 avec Claudine Adèle Chambrade, dont il aura un fils. La jeunesse de Lazare Dubois a donc été marquée par la mort. En 1914, il résidait au Bois d'Oingt, mais comme les autres Coublandis, il est recruté à Mâcon (matricule 524) pour le 134e RI. Moins de quarante jours plus tard, il meurt des suites de ses blessures mais est considéré comme « tué à l'ennemi », le 8 octobre, lui aussi dans la forêt d'Apremont. La transcription sera faite à Coublanc en août 1915. MPLF. MC. 4. Joseph Badolle est le fils de Claude-Marie, déclaré « employé » à Cadolon, et de Marie-Thérèse Lacôte. En 76 et en 78, les deux premiers enfants du couple n'ont pas vécu. Adèle-Alvina, née en 1979, épousera Jean Buchet en 1904. Benoît-Joseph naît à Saint-Igny le 20 avril 1881. Louise et Marie-Philomène lui succèdent en 84 et 87. Le père meurt en 1890, la mère en 1898. Geneviève Lacôte, descendante de Louise, parle de cette fratrie dans le numéro de 2011 de notre revue, page 25. Joseph est donc orphelin depuis 16 ans quand il part au recrutement à Mâcon à l'âge de 33 ans. Il est tisseur, et célibataire. Il est soldat au 134e RI de Mâcon (matricule 563), qui est transféré dans la Meuse en septembre. La guerre se stabilise. La routine des premières tranchées commence. Le 14 octobre, les positions de 1e ligne sont renforcées avec du fil de fer. Des couvertures sont distribuées aux hommes. Le 15 octobre, les tranchées ne peuvent plus En ce Temps-là 2013 Page 35 être protégées. Le déboisement continue à être produit par les projectiles explosifs allemands. Pertes sensibles. Réception de carton bitumé et de toile de tente pour perfectionner les abris. Des gabions ont été transportés sur le front. Le 16, toujours des canonnades, sans mouvement de part et d'autre. Joseph Badolle a dû recevoir un éclat d'obus. Il en meurt, « tué à l'ennemi à la Forêt d'Apremont, dans la Meuse, le 16 octobre 1914 ». La transcription du décès n'aura lieu que l'été 1920. MPLF. MC. 5. Julien-Benoît Thomachot, propriétaire, né en 1849, et son épouse Thérèse Buchet, née en 1858, ont eu dix enfants entre 1878 et 1895 ! Sur ces dix enfants, quatre ou cinq sont morts en bas âge. Les autres ont eu une longue vie, entre 75 et 91 ans. Seul Auguste Thomachot a été fauché en plein âge mûr. Né au moment des épis dorés, à l'Orme, le 17 juillet 1881, il est parti avec ses conscrits pour le recrutement de Mâcon (matricule 622). Il est intégré au 134e RI, comme les précédents. Il leur survivra de quelques semaines, tué à l'ennemi le 15 novembre. Au Bois Brûlé, commune d'Apremont dans la Meuse, la nuit de 13 au 14 novembre a été rude. Les Allemands ont pris « un élément de tranchée » à la 1e compagnie, mais la 4e contre-attaque et repousse l'ennemi, en tue beaucoup et fait 21 prisonniers. C'est un jour et demi plus tard, le 15, durant la routine des bombardements allemands au canon de 105, ou dans les fusillades qui s'ensuivent, qu'Auguste est mortellement touché, à 33 ans. Le jugement sera transcrit à Dijon en 1915. MPLF. MC. 6. Marius Lavenir est le premier enfant de Claudius, tisseur, et de Mariette-Philiberte Devillaine, tisseuse, de douze ans sa cadette. Il est né le 24 mars 1892 dans la maison familiale du Bois Gauthay. Entre 1894 et 1905, le couple aura sept enfants, le premier et le quatrième mort-nés, semble-t-il, tous des garçons, dont l'un, Francisque, épousera en 1930 une dame, Clotilde, née en 1902, qui est morte centenaire à Coublanc (cf. revue de 2002, page 2). Marius s'est éloigné de Coublanc : avant son service, il est jardinier à Ambérieux. Marius a été incorporé le 10 octobre 1913, à l'âge normal de 21 ans, et son service militaire s'est transformé en conscription guerrière. Comme beaucoup d'autres Coublandis, il est recruté à Mâcon (matricule 316) et intégré au 134e RI. Son parcours est donc identique à celui de ses camarades, et il meurt, dans une fusillade ou un bombardement, le 18 novembre dans un endroit où cinq autres Coublandis sont morts depuis un mois et demi, dont Auguste Thomachot trois jours avant lui ; il est « tué à l'ennemi » au Bois Brûlé, à Apremont. Le journal de marche note seulement, ce jour-là : « Beaucoup d'hommes ont les pieds gelés ». Le jugement de décès sera transmis à Coublanc le 28 septembre 1915. MPLF. MC. Autres régiments impliqués dans les mêmes actions 7. Notre revue 2013, page 8, sous la plume de sa petitenièce Germaine, a parlé de Félix Martin, propriétaire, cultivateur, et de son épouse Benoîte-Marie Lachassagne et évoqué leurs cinq enfants. C'est l'aîné que nous allons suivre ici. Auguste-Claudius Martin est né à La Croix le 10 avril 1893. Augustin, comme on l'appelait, était donc encore bien jeune en août 1914 : 21 ans ! Il a pourtant été recruté après sans doute un petit temps de service militaire, à Mâcon (matricule 590). Il a été incorporé au 21e Bataillon de Chasseurs à pied. Le 14 août, le bataillon, perçant en Alsace, prend le Donon. Le 18, il protège le passage du 21e Corps d'armée qui marche en direction de Sarrebourg. Les Allemands contre-attaquent, et le col du Donon et le petit Donon sont le lieu de combats féroces, avec bombardements et fusillades, dans les journées du 20 et 21 août. Augustin est tombé au Donon « tué à l'ennemi » le 20 août, comme deux autres Coublandis dans d'autres combats. Sa guerre aura été fort courte. Le journal de marche de son bataillon note son matricule au corps (3636) et son nom parmi les 13 chasseurs tués. C'est au Donon, commune de Grandfontaine (Bas-Rhin), que repose son corps, dans l'ossuaire 1 de la nécropole. Son acte a été transcrit le 12 février 1915, à Saint-Ignyde-Roche, où ses parents s'étaient depuis longtemps installés et où son père lui survivra 34 ans ! Son nom figure au monument aux morts du village. MPLF. 8. La famille Lacôte était nombreuse : c'est une tautologie. Mais laquelle ? Il y en avait au moins deux à Foron, et toutes les deux prolifiques. Celle dont les parents étaient Claude-Constant, cultivateur, et Françoise Accary, son épouse, a eu dix enfants, tandis que l'oncle JeanBenoît, père du cousin poilu décédé Joseph, n'a eu que six garçons. Est née d'abord une fille, puis six garçons, puis deux filles et un garçon, de 1882 à 1898. Plusieurs étaient mariés avant guerre, mais pas Antoine Lucien Lacôte, le cinquième de la famille, né à Foron le 11 décembre 1888, cultivateur comme ses parents et encore célibataire à 25 ans, quand la guerre a été déclarée. Recruté à Mâcon (matricule 1059), il est incorporé au 56e RI, comme Cyrille Auclair, qu'il va précéder de cinq jours dans la mort. En effet, il meurt, dans la terrible journée du 20 août, tué à l'ennemi, à Saint-Jean de Basset, village voisin de Gosselming, dans la Moselle. Le jugement et la transcription à Coublanc se feront au printemps 1921. Les restes d'Antoine reposent dans la nécropole nationale de Gosselming, ossuaire 1. MPLF. MC. 9. Marius Grapeloup est né le 24 mai 1893 à Coublanc. Il est le troisième enfant de Jean-Napoléon, tisseur, et de son épouse Françoise Lathuillière, tisseuse. Dix ans plus tôt sont nés les jumeaux Claude et Benoîte-Marie, qui épouse en 1906 Joseph-Benoît-Marie Devillaine. Marius est allé travailler la terre à Saint-Laurent-en-Brionnais, et est célibataire au moment de son service militaire fait dans le 6e Régiment d'Infanterie Coloniale depuis le 24 décembre 1913. Il passe du service à la guerre, recruté à Mâcon (matricule 521). Avec les deux précédents, il est l'un des trois Coublandis morts dès le 20 août ! Il est En ce Temps-là 2013 Page 36 « tué à l'ennemi » mais son corps a disparu. Retrouvé, il est inhumé dans la nécropole nationale de Walscheid, tombe 29. Le village de Walscheid fut l'ultime avancée de l'armée française qui avait envahi la province allemande de la Lorraine en descendant le Donon et prenant position sur la butte du Saint-Léon et à l'ouest du village, le 18 août 1914. L'armée allemande venant de Saverne par la vallée de la Zorn prit position à l'est. Le 19 août 1914 à 5 h du matin la bataille de Walscheid s'engage par un duel d'artillerie par-dessus le village, puis par des corps à corps à la baïonnette quand des chasseurs bavarois prennent à revers le régiment colonial au Saint-Léon en passant par les sentiers de montagne. Les avions jettent des shrapnels. 800 morts (environ 400 de part et d'autre) et 1 200 blessés militaires furent recensés en deux jours. MPLF. MC. Décès fixé par jugement du tribunal de Charolles du 23 juillet 1920, transcrit en août à Coublanc. 10. Benoît Auclair, tisseur, et son épouse Antoinette Lacombe, de six ans son aînée, ont engendré six enfants. Les trois garçons vont faire la guerre de 14. L’aîné, Claudius, né en 1886, épouse Marie-Joséphine Bidaud en 1910. Il survivra à la guerre, et sera le père d’Antonin Auclair. Notre revue en a déjà parlé en 2010 (page 36). Le cadet, Antonin, né en 1889, est tué en 1915. Nous en parlerons l’an prochain. Cyrille naît le 3 février 1892, à la Raterie. Viennent ensuite MarieThérèse, Victor, qui n'a pas vécu, et Victorine… La photo qu’on a de Cyrille Auclair (cf. revue de 2007, page 9) montre un beau et grand jeune homme. C’est un paysan encore célibataire, qui passe directement du service militaire à la guerre. Il est incorporé à Mâcon (matricule 250) lors de la mobilisation, au 56e RI, qui part le 4 août, franchit la frontière (celle de 1870) le 20 août 1914, attaque Gosselming. Le village est pris et abandonné, 1/3 du régiment est hors de combat ; plus de 600 soldats sont tués. C'est dans ce combat que meurt son camarade Antoine Lacôte. Les Français reculent jusque vers Nancy. Les 24 et 25 août, les Allemands attaquent cette position de repli et Cyrille disparaît le 25 au cours du combat d'Essey-la-Côte. Une ambulance retrouve son corps (identifié grâce à sa plaque « et aux autres effets dont il était le détenteur ») le 29 sur le champ de bataille de Vennezey (Meurthe-&-Moselle). Décès fixé par jugement du tribunal de Charolles du 25 août 1917 et transcrit le 7 octobre suivant à Coublanc. MPLF. MC. 11. Claude Grapeloup, tisseur et propriétaire, et son épouse Marie-Joséphine Monchanin, tisseuse, ouvrière en soie, ont eu beaucoup d'enfants. Le futur poilu Claude Marie Joseph Grapeloup est le dernier, né le 23 septembre 1883 en Bourguignon. Ses quatre premiers frères et sœurs, nés entre 70 et 77, n'ont pas vécu plus de 14 ans, semble-t-il. Les deux sœurs qui l'ont précédé, Marie-Louise et Clotilde ont eu une plus longue part de vie. Joseph avait fait son service militaire au 134 e RI à Mâcon, et avait épousé Augustine Holveck en avril 1909 : il était devenu par là le beau-frère de Joannès Gonin. De cette union, Marguerite venait de naître le 24 mai 1914. Mais il a été rappelé à l'activité par la mobilisation générale le 12 août et affecté en renfort au 334e RI. Matricule 378 au recrutement à Mâcon. Le régiment est dirigé vers l'Alsace, pour contenir la poussée allemande, et se bat ensuite autour de Saint-Dié. Le 28 août, à 3heures, le régiment quitte son bivouac et se dirige sur le rentrant de bois situé à l'est du point 526 où il stationne pendant une demi-heure. Ensuite il se dirige en colonne double sur les hauteurs au sud d'Anozel à travers bois. [...]. Il surprend les Allemands qui évacuent le village. Le reste du régiment s'établit sur les hauteurs face à Saulcy. Une charge à la baïonnette est exécutée vers 11h et des groupes ennemis se replient sur la lisière est de Saulcy. À douze heures, le 334e fouille le village d'Anozel, rejoint par un bataillon du 229e. Après quoi le régiment prend une formation de rassemblement dans les bois au S.O. d'Anozel. À 13h30, deux obus de 105 allemands explosent dans ses rangs, en tuant quatre hommes et en en blessant dix autres dont un sous-lieutenant et un adjudant. Le régiment quitte cet emplacement pour rejoindre la lisière du bois vers le point 526. Là, l'ordre est donné de se porter à nouveau vers Azorel en se tenant à droite en échelon et en arrière du 229e. Parmi les morts du jour, le corps de Claude Grapeloup n'a pas été reconnu, ou du moins il a fallu un jugement du 13 avril 1920 pour le déclarer MPLF, « tué à l'ennemi » à Mandray (Vosges), juste à côté d'Anozel, et reconnaître qu'il est enseveli dans la nécropole nationale de Saulcy-sur-Meurthe (tombe 633). Sa guerre aura duré 16 jours... MC. Sa fille, la petite Marguerite, a été déclarée pupille de la nation le 30 janvier 1920. 12. Claude Boyer, tisseur, et son épouse Claudine-Marie Sirot, tisseuse, ont eu cinq enfants, trois filles d'abord, dont la vie fut plutôt longue, sauf pour la seconde, puis deux garçons, qui tous deux moururent à la guerre, tous deux dans les premiers mois. Terrible tribut payé à la patrie. Jean Boyer est né le 14 avril 1891 à l'Orme. Il est luimême devenu tisseur, mais sans doute à Saint-Denis-deCabane, bien qu'il soit resté célibataire. Il accomplissait son service actif au 159e Régiment d'Infanterie à Briançon au moment de la mobilisation. Au recrutement, à Roanne, il reçoit le matricule 637. Il part avec son régiment, de Briançon. Un des trains a un accident à Savines. Quatre morts. On laisse des blessés à l'hôpital de Gap. On débarque près de Belfort. On passe la frontière le 18. Le 19 août, combat à Altkirsch. Le baptême du feu fait 800 morts ou blessés ! Le 22 août, en arrière, la 11e compagnie est anéantie par une collision ferroviaire avec un train d'artillerie : 85 morts et quasi autant de blessés. Le régiment se bat un mois durant dans les Vosges, autour du col de la Chipotte, pris et repris plusieurs fois par les adversaires. Jean Boyer meurt à 23 ans, « tué à l'ennemi », le 17 septembre, à SaintBenoît, devenu depuis Saint-Benoît-la-Chipotte, entre En ce Temps-là 2013 Page 37 Baccarat et Saint-Dié. C'est là que ses restes reposent dans une nécropole nationale, dans la tombe 873. Médaille militaire et croix de guerre. Le 8 mars 1915, le jugement est transcrit à Saint-Denisde-Cabane, où son nom figure sur le monument. MPLF. Notons que pas moins de 37 poilus portant le nom de Jean Boyer sont mort à la guerre ! 13. Grégoire Déverchère, cultivateur, et son épouse Jeanne-Françoise Dejoux, de huit ans sa cadette, ouvrière en soie, n'ont eu que deux enfants. Le second est une fille, Claudine-Marie, née en 1885. L'aîné, Joanny Déverchère, est né le 16 novembre 1880 à Carthelier, d'une mère de 20 ans. Devenu tisseur, il s'est marié à Tancon en avril 1907, avec Antoinette-Marie Nevers. Le couple, qui n'a pas eu d'enfant, est allé s'installer à Pouilly-sousCharlieu. C'est là que l'ordre de mobilisation a touché Joanny. Il s'est rendu à Roanne pour le recrutement (matricule 1596) et a été incorporé au 99 e RI. Le régiment, qui part de Lyon le 6 août, débarque à Épinal, entend le canon pour la première fois le 12, passe la frontière de l'Alsace-Lorraine le 15, se bat héroïquement dans les Vosges, mais est contraint au repli vers SaintDié, peut de nouveau progresser après la défaite allemande sur la Marne. Le front stabilisé dans les Vosges, le 99e est envoyé dans la Somme le 18 septembre. On essaie de prendre les Allemands de vitesse, dans leur recul, mais le front s’immobilise et la guerre de tranchées va commencer. Joanny Déverchère, qui s'est si bien battu qu'il a reçu la médaille militaire et la croix de guerre avec étoile de bronze, meurt « tué à l'ennemi » dans la bataille d'Herleville, non loin de Péronne, le 25 septembre. Il est inhumé à Vermandovillers (Somme). Le décès est fixé par jugement du Tribunal de Roanne du 06/09/1918, avec transcription quasi immédiate à Pouilly -sous-Charlieu. MPLF. Monument de Pouilly. 14. Claude-Marie-Vital Narboux, cultivateur, et son épouse Claudine Millet, habitant, semble-t-il, Montbernier, ont eu une demi-douzaine d'enfants : Claude, né en 1876, a épousé Louise Buisson ; Marie-Pélagie n'a pas vécu ; Marie-Léonie, née en 1880, a épousé en 1912 Louis Vallet ; Marius a vécu de 1881 à 1963 et Claudine née en 1883 a épousé Émile-Prosper Villard en 1909. Adolphe-Joseph Narboux, né en dernier le 11 septembre 1887, est allé prendre femme dans la Côte roannaise, à Chérier : en avril 1912, il épouse Antoinette Oblette. Leur vie conjugale ne durera pas longtemps : Adolphe est recruté avec le matricule 698 à Mâcon ; il est incorporé au 21e Bataillon de Chasseurs à pied, comme Auguste Martin. Il survivra un peu plus d'un mois à son camarade. Après le Donon mangeur d'hommes, le bataillon participe aux combats du col de la Chipotte, puis à la bataille de la Marne, avant de remonter vers les Vosges. Adolphe tombe le 27 septembre à la scierie de la Turbine, d'un « coup de feu reçu au combat », dans la commune de Celles-sur-Plaine (Vosges). Il est inhumé dans la commune proche de Ban-de-Sapt, à la nécropole nationale La Fontenelle, tombe 20. La transcription a été faite en septembre 1920, à Roanne, où sa veuve devait habiter. MPLF. 15. Il n'y a pas que les Lacôte, les Villard aussi forment des familles nombreuses. Au Bois Gauthay, Pierre Villard, tisseur, et son épouse Marie-Valentine Chavanon, tisseuse, ont donné le jour à neuf enfants : Marius, Noémie, Émile, qui sera le père des Villard de la Raterie, Marie-Félicie et Marie-Honorine. Tous ceux-là se marieront et vivront assez longtemps. La naissance de Firmin Villard, notre poilu, est encadrée par celle de Pierre et de Jean, qui ne vivront pas. Puis viendra MarieVictorine, née en 1883, année de la mort de son père. Firmin est donc né le 28 mai 1881 (la fiche MPLF dit le 21) et a épousé le 3 février 1910, à Mars, MarieClaudine Forest. Il n’aura pas d’enfant. Recruté à 33 ans, à Mâcon (matricule 587), il est incorporé au 5 e Régiment d'Infanterie coloniale. Ce régiment est débarqué le 7 août à Dounoux, près d'Épinal, et commence les vraies hostilités le 19 août en attaquant vers Walsheid. Il se bat dans les Vosges, vers Baccarat, Raon-l'étape, le col de la Chipotte fin août. En septembre, mêmes champs d'opérations : il s'agit de défendre la rive gauche de la Meurthe, entre Raon et Thiaville. Le 25 septembre, le régiment quitte le front de Lorraine et part en train pour Toul. Il va cantonner à Gironville. Firmin meurt alors, « tué à l'ennemi », le 28 septembre 1914, à Apremont, comme beaucoup d'autres Coublandis. Médaille et Croix de guerre. Le jugement et sa transcription à Charolles (pourquoi ?) auront lieu en juillet-août 1920, et son nom figure sur le monument au morts de Mars. MPLF. 16. Claude-Marie-Césaire Berthier est le premier enfant de Claude, tisseur, et de Marie-Césarine, tisseuse, son épouse. Viendront après lui Jean-Claude (1887) et Marie (1891), future épouse, en 1943, de Paul Audin. Lui est né le 28 mai 1884. La famille habite la Raterie – ou la Place... Il a des cousins à la Raterie, dont le futur abbé Claude Barriquand, né en 1883. Recruté à Mâcon (ou Roanne ?) (matricule 236), il est caporal au 298e R.I, dont le casernement normal est à Roanne. Le régiment s'y organise du 2 au 11 août. C'est théoriquement un régiment de réserve, mais il va être vite engagé dans la guerre. Il débarque le à Vesoul le 12, et passe la frontière de l'Alsace-Lorraine le 17, se bat en Alsace, puis, le 28, embarque pour la Somme, débarque à Gannes près de Mondidier. Début septembre, il accompagne la retraite sous un soleil de plomb d'autres troupes, et de civils qui fuient vers le sud-est. Derrière lui, on fait sauter les ponts. Claude écrit souvent à ses parents, et son père s'inquiète, le 18 octobre, d'être sans nouvelles de lui. On lui répond de Roanne, le 9 novembre, qu'il a été blessé aux combats de Vingré (Aisne) les 18-20 septembre, mais qu'on en sait pas plus. En fait, si l'on en croit la fiche MPLF, il est mort, le 6 octobre, « tué à l'ennemi », à Vingré. J'ai tendance à penser que c'est plutôt de ses blessures des combats précédents. Jugement rendu le 2 octobre 1917 et transcrit le 16 à Saint-Victor-sur-Rhins, où son nom figure sur le monument aux morts. MPLF. 17. La famille Belot a dû n'être coublandie qu'épisodiquement. C'était des marchands ambulants, aussi bien le En ce Temps-là 2013 Page 38 père, François, que la mère, Amélie-Augustine Demeure, toute jeune mère de 19 ans, dont il est écrit qu'elle était « directrice de jeux et amusements publics, marchande foraine ». Et Adolphe Belot lui-même est défini comme marchand forain. Il est né à Perreuil, entre Le Creusot et Mercurey, le 2 avril 1893. Il n'aura, semble-t-il, qu'une petite sœur, Marie, née en 1909. Adolphe est recruté à Autun, avec le matricule 4, dans le 31e Bataillon de Chasseurs à pied. Ce bataillon se bat d'abord dans les Vosges, en couverture du secteur de Coinches, fait retraite fin août par Baccarat, se bat ensuite dans la trouée de Charmes, participe à la première bataille de la Marne, passe en Artois, dans le secteur de Carency (Pas-de-Calais). C'est là que meurt Adolphe Belot, « tué à l'ennemi », le 8 octobre 1914, lors de la « course à la mer » pour empêcher les Allemands de couper la France de l'Angleterre. Son décès est fixé par jugement du tribunal de Charolles le 23/07/1920. MPLF. MC. Le nom d'Adolphe Belot est inscrit aussi sur le monument aux morts de Perreuil. 18. Philibert Devillaine s'est marié trois fois. La première en 1879 avec Reine Vermorel, qui lui donne trois enfants. La seconde en 1886 avec Marie-Justine Troncy, de qui naît le 25 mai 1887, dans la maison familiale du Bois Gauthay, notre Théophile-Urbain. La troisième en 1888, avec Claudine-Marie Boireaud, et voici que naissent neuf enfants de 1889 à 1904 ! Le premier, AntoineBenoît, demi-frère de Théophile, va lui aussi mourir à la guerre, en 1916. Théophile se marie en mai 1911 à Mars, avec Catherine-Julie Dury. Mais c'est peut-être à Chandon que le couple s'établit. Au recrutement à Mâcon, (matricule 657), il est incorporé au 12e Régiment de Hussards, signe qu'il était capable de monter à cheval. Mais, soit en Alsace, soit dans la bataille de la Marne, les hussards se battirent à pied puis vécurent dans les tranchées, comme les régiments d'infanterie. Puis le 12e remonte vers le Pas-de-Calais, dans la « course à la mer ». Le 5 octobre, le premier demi-régiment occupe Monchy-aux-Bois et le deuxième demi-régiment creuse et occupe des tranchées à Bienvillers-aux-Bois. Le lendemain, tout le régiment reçoit à midi ordre d'aller à Fonquevillers coopérer à une attaque sur la ferme de la Brayelle. L'attaque s'exécute le 7 à 15 heures. Par ses feux, le régiment fixe les défenseurs de la Brayelle, tandis que l'infanterie attaque Gommiécourt. Le 9 octobre à 17 heures, nouveau combat à pied à Bienvillers et renforcement par le deuxième demirégiment de la défense d'Hannescamps. La belle conduite du régiment à cette occasion lui vaut une citation à l'ordre de la Division. Au cours des quatre journées de combat des 6, 7, 9 et 10 octobre, le régiment compta comme pertes 5 tués (dont, le 10, Devillaine, « tué à l'ennemi » à Hannescamps), 28 blessés, dont 7 officiers, et deux disparus. Le jugement rendu le 1er décembre 1920 au Tribunal de Roanne. Acte transcrit le 13 à Chandon (Loire). MPLF. Son nom n’est pas sur le monument de Chandon. 19. Théodore-Marie Dessertine, tisseur, propriétaire et ouvrier en soie, et son épouse Françoise Lusy (ou Luzy), tisseuse, habitant au hameau du Plat à Coublanc, ont eu neuf enfants, avant le décès de Théodore et le remariage de sa veuve avec Antoine Devilaine. Précédant Henri Dessertine, notre poilu, né le 13 novembre 1880 à Coublanc, il y a eu Benoît, Claudine et Claude, le troisième n'ayant vécu que neuf ans. Ensuite, quatre filles, dont la dernière n'a guère vécu. Recruté à 33 ans à Mâcon (ou à Roanne) (matricule 571), il est incorporé au 98e RI, dont le casernement habituel est à Roanne. 7 août, Épinal ; 20 août, Sarrebourg ; après quoi, repli sur la Mortagne, rivière affuent de la Meurthe ; reprise de l'attaque, puis, à la mi-septembre, transport dans l'Oise, pour contribuer à la victoire de la Marne et précipiter le recul des Allemands. Puis le régiment s'installe durablement dans le Bois des Loges, entre Noyon et Montdidier, pour y bloquer l'ennemi. C'est à cette occasion qu'Henri est grièvement blessé, et meurt « des suites de blessures de guerre » dans l'ambulance 15, le 14 octobre 1914, à Montdidier, dans la Somme. Il est inhumé dans ce même village, dans la nécropole nationale l'Égalité, tombe 368. Le jugement est transcrit le 17 avril 1915, à Écoche. En effet, en novembre 1908, il avait épousé une fille d'Écoche, Antoinette-Marie Berthier. MPLF, son nom figure sur le monument aux morts d'Écoche. 20. Benoît-Victor Defaye, né le 15 mars 1886, est le deuxième fils de Jean-Marie, tisseur à la Favrie, et de son épouse Claudine Crozet, tisseuse de huit ans plus âgée que son mari. Le frère aîné, Benoît-Joseph, est né en l'année précédente. Il se marie en 1911 avec Émilienne Reneaud. Sans doute ce frère a-t-il fait la guerre, mais il en est revenu vivant, et mourra à 78 ans. L'an d'après naît une sœur, Marie, qui épousera, après la guerre, Auguste Mercier. En août 1914, Benoît-Victor est recruté à Mâcon avec le matricule 544, pour être intégré dans le 256 e RI. Son régiment part le 11 pour les Vosges, où il connaît l’épreuve du feu jusqu’au début de septembre. Le 28, Defaye ne devait pas être loin d’un autre Coublandi, Joseph Grapeloup, du 334e RI, quand celui-ci trouva la mort vers Anozel. Le régiment participa ensuite à la course à la mer, et fut envoyé en Artois, près de Béthune. Il défendit héroïquement les villages de Bully, Cambrin et Cuinchy, très exposés, tantôt sur la défensive, tantôt passant à l’attaque. Le 17 octobre, le lieutenant Trolliet, qui partait reconnaître, à la tête de sa section, les nouvelles positions allemandes, fut pris, à leur approche, sous un feu violent de mousqueterie et de mitrailleuses ; il déploya alors sa section face à l’ennemi pour lui répondre, et bien que blessé par cinq balles à la tête, aux deux bras et à la jambe, il continua, assis sur le bord du fossé de la route, à observer et à noter la situation des lignes ennemies, et ne voulut céder son commandement qu’après avoir perdu toutes ses forces. Deux jours plus tard, le 19, à 10 h du matin, Defaye fut « tué à l'ennemi » En ce Temps-là 2013 Page 39 La transcription à Coublanc sera rapide, malgré la difficulté de l'état-civil à s'assurer du décès. : 17 avril 1915. MPLF. MC. Morts dans la bataille des Flandres 21. Étienne Accary est né à La Roche le 14 octobre 1877. Il était le quatrième enfant et premier garçon d'Antoine Accary et de son épouse Madeleine-Félicie. Ses parents, qui ont 28 ans à sa naissance, vont avoir encore quatre filles. Ce sont des paysans. Il grandit et devient paysan à son tour. Quand la guerre éclate, il a déjà 36 ans. Ce n'est plus un jeune homme. Cinq de ses sœurs se sont mariées. L'une d'elle est déjà la maman, depuis 1901, de Marie-Rose Crozet, qui épousera plus tard, en 1934, Adrien Duperron. Pourquoi Étienne ne s'est-il pas marié ? Avait-il eu trop de sœurs auprès de lui dans son enfance ? Recruté à Mâcon, comme la plupart des poilus de Coublanc, il va servir dans le 146 e Régiment d'Infanterie (matricule 1333). Le 146e RI a participé à la première bataille de la Marne (août-septembre), puis il monte vers la Picardie et le nord. Début novembre, il débarque à Steenwerke et continue jusqu'à Elverdinghe. Combats le 6 et le 7. Nouvelles avancées le 9 et le 10, et c'est le jour où le front se stabilise qu'Étienne meurt, en Belgique, « tué à l'ennemi » au Mont Kemmel, le mercredi 11 novembre 1914. Le 11 novembre ne signifie encore rien. Rien que la Saint-Martin, si importante pour les paysans… MPLF. MC. 22. Louis-Jean Boyer est le petit frère de Jean, dont nous avons parlé plus haut. Il est né le 21 juin 1893 à L'Orme. Sans doute s'est-il exilé avec son frère à SaintDenis-de-Cabanne. Recruté à Roanne avec le matricule 123, il est incorporé le 11 septembre dans le 158e RI, déjà cantonné depuis deux ans dans les Vosges. Sa guerre, entamée avec un peu de retard (sans doute le temps d'une formation militaire minimale), va être légèrement plus longue que celle de son frère. Sait-il, au moment où il commence de se battre, que son frère aîné est déjà mort, ou peu s'en faut ? Le 158e, revenu des Vosges et passé par Paris, participe en Champagne au milieu de septembre à la poursuite des Allemands après la victoire de la Marne. C'est là que Louis Boyer le rejoint. Puis le régiment monte en Artois, pour « la course à la mer » et joue un rôle important dans l'affreuse bataille d'Ypres. Les Allemands ne passent pas. C'est alors la guerre des tranchées qui commence, avec le froid qui fait des victimes : les pieds boueux gèlent dans les tranchées, vers Hooge. C'est dans ces conditions que Louis meurt, le 2 ou 3 décembre, « tué à l'ennemi », à « Westock en Belgique ». Or ce village, ainsi orthographié par les rapports militaires, n'existe pas ; mais il y a une région qui s'appelle le Westhoek... L'acte est transcrit le 7 mai 1915 à Saint-Denis-deCabanne, où son nom figure au monument avec celui de son frère. Il serait inhumé dans un des cimetières militaires du Westhoek. MPLF.Médaille militaire et Croix de guerre. 23. Joannès Druère est né le 6 novembre 1877 aux Remparts. Après Claudius et Jules, il était le troisième et dernier enfant de Claude et de Marie-Louise Genty. Sa mère est morte alors qu'il avait 7 ans. Le père était fabriquant de coton. Il mourut en 1900. Deux ans après, à 24 ans, Joannès, cultivateur, avait épousé MarieJoséphine Robin, de Chandon. Le couple engendra deux garçons, Benoît-Joseph en 1904 et Maurice-Jules en 1911. Joannès est recruté à Mâcon à 36 ans. Son régiment sera réuni au 146e RI, celui d’Étienne Accary, né la même année que lui, mort un mois avant lui. Après la mort d’Étienne au Mont Kemmel, le 146e RI se bat pour Calais, autour d'Ypres, dans la boue, le froid et la pluie. Joannès meurt de ses blessures à l'hôpital temporaire de Zuydcoote, le jour même de son admission, à midi, le 12 décembre. Par rapport à son camarade, cela permettra une transmission très rapide de son acte de décès à Coublanc. Il est inhumé dans la cimetière militaire de Zuydcoote, Carré 1, tombe 417. MPLF. MC. 24. Cousin germain de Claude-Marie-Joseph Grapeloup, et plus jeune d'un an, Marie-Joseph Grapeloup est né dans le même hameau d'en Bourguignon, le 21 août 1884, de Jean-Marie, tisseur, et de son épouse PierretteMarie-Pélagie Ducruy, tisseuse. En filant l'amour tendre, ces tisseurs avaient engendré trois enfants avant notre poilu : une fille, Marie-Florine, née en 1872, qui a épousé en 1897 Jean-Firmin Boland, puis deux garçons, dont je ne sais pas grand-chose, ni s'ils ont vécu. Après MarieJoseph naîtra Louis, qui vient d’épouser, en 1914, Joséphine Fénéon. Mais le mariage, ce n'est pas pour notre poilu, qui va devoir fêter ses trente ans dans les tranchées. Matricule 182 au recensement à Mâcon, il est affecté au 4e Régiment de Marche des Zouaves, 19e compagnie. Avec ses camarades, venus pour l'essentiel de Bizerte et de Tunis, il reçoit le baptême du feu à Charleroi, le 23 août, puis bat en retraite jusqu'au 29 août. Dans le cadre de la bataille de Guise, le régiment combat à Ribemont. Après la bataille de la Marne, les zouaves reprennent leur marche en avant et livrent de durs combats vers la ferme d'Hurtebise, vers Craonne, dans l’Aisne. La maladie frappe ces bataillons de coloniaux peu habitués au froid et à la pluie, en octobre, en décembre. Mais à quel moment Joseph céda-t-il ? C'est la maladie qui va le tuer, juste avant la Saint-Sylvestre, le 30 décembre, à l’hôpital complémentaire 40 de Rennes. La transcription à Coublanc est faite grâce au registre de l'hôpital. Il est inhumé sur place, dans le carré militaire du cimetière de l'est, rang 22, tombe 9. MPLF. MC. Bernard Berthier, décembre 2013, avec l'aide du site Coublanc-71 et de son webmestre N.B. Malgré nos efforts, nous ne pouvons pas assurer que tous les renseignements sont absolument exacts. Il y a aussi des généalogies incomplètes... En ce Temps-là 2013 Page 40 Fantastique robot 7 juillet 2087. Aujourd'hui, ce sont les grandes vacances ! Victor et Mirabelle partent avec leurs parents… direction l'Australie. Le vaisseau est prêt, dans trois heures, ils seront arrivés à destination grâce au couloir spatio-rapido. Ils feront le tour du pays et ils essaieront de vivre sans leur robot : Bingo surnommé Bip-Bip par les enfants. Bingo sait faire beaucoup de choses dans la maison et en plus, il ne s'épuise jamais. Il fait le ménage, la cuisine, il sert le petit-déjeuner au lit, il va chercher les enfants à l'école. Il sait jouer au basket avec Victor et Mirabelle, il leur apprend à dessiner. Il fait même des massages quand on a mal au dos. − Au revoir Bip-Bip, tu vas nous manquer, mais ne t’inquiète pas, chez papi, tu vas bien t’amuser ! − En plus, à Coublanc, il y a une brocante ce weekend ! dit Mirabelle. − AU-RE-VOIR… ON SE RE-VOIT DANS QUINZE JOURS, répond le robot. Bip-Bip file à toute allure chez le grand-père de Mirabelle et de Victor. Arrivé à la maison, il frappe à la porte. Grand-père Théo ouvre en ronchonnant. − Oh, non ! Pas encore ce fichu robot… Moi, je préfère me débrouiller tout seul ! Je ne sais pas comment font les autres pour supporter ces gros tas de ferraille ! − BON-JOUR-CHER MON-SIEUR, répond le robot. QUE PUIS-JE FAI-RE POUR VOUS ? VOUS MASSER LES PIEDS ? FAI-RE LA CUI-SI-NE ? − Du balai ! Va dans le placard avec ton cousin l’aspirateur ! Mais le robot se met à passer l’aspirateur et grandpère qui regardait tranquillement un match de foot sur sa télévision format réalité à commande de pensée, se met à crier : − Arrête ça tout de suite ! Mais le robot continue son ménage et grand père Théo est fou de rage, il a raté son match de foot. − Tu m’as fait louper la finale ! Toute la nuit grand-père Théo pense à se venger et c’est décidé… − … demain j’irai le vendre à la brocante… Le lendemain matin. − Viens, Bip- Bip, on va faire un tour ! Et grand père embarque le robot dans sa vieille voiture. Mais en chemin, la voiture tombe en panne au milieu des bois. − Oh ! Il manquait plus que ça ! On est perdu maintenant… je ne sais même plus où nous sommes !... Le moteur est peut-être grillé à moins que ce ne soit une panne d’essence ! Grand-père Théo stresse de plus en plus. Bip-Bip réfléchit et met en route son super GPS laser. − C’EST PAR ICI, PAR ICI PA-PI…PAR LÀ, PAR LÀ, PAR-LÀA ! Et en quelques minutes, ils arrivent à la brocante. Mais grand-père n’a plus du tout envie de vendre Bip -Bip. Ils deviennent inséparables. Ils regardent ensemble les matchs de foot, font ensemble le ménage et vont même cueillir des champignons. Maintenant, ils COLOGUES ». grands « AMY- Année 2013-2014 (Saint-Julien de Jonzy-71) Élèves de CE 1 : 7 élèves Dorian BOUCHACOURT Charly DARGAUD Lilou GUERZEDER Romane LACÔTE Jayson RUDE Yaël VIDAL Johann VOGIN de La classe de C.E École Ste Thérèse Coublanc École privée Sainte-Thérèse Maîtresse : Joëlle Courot sont Élèves de CE 2 : 10 élèves Le Pont des Rigolles Saint-Denis-de-Cabanne Le Foron Cadollon La Place Vers Roche (Saint-Igny) La Raterie Alexis BALTHAZARD Pierre BERRY Shâhin BOUZIR Célian BUZET-BAGUE Lisa CHATTON Angèle CHAVANON Alycia DANJOUX Enzo DESMURS Camille ESBERARD Nolan MONTET En ce Temps-là 2013 Page 41 La Roche La Croix-du-Lièvre Le Foron Bois Gauthay La Bourgogne L’Orme Les Varennes (Maizilly) La Bergerolle (Saint-Igny) La Favrie Les Bruyères En mer Il était une fois un joli petit village, Coublanc, qui vivait tranquillement. Un jour, la guerre éclata. Tous les hommes majeurs du village furent appelés à la bataille. Il ne resta que des enfants, des femmes et des vieillards. André, bûcheron de métier et âgé de vingt-sept ans, fut un des appelés au combat. Il avait deux enfants, un garçon de 5 ans, Henri, et une fille de 2 ans, Marguerite. Sa femme, Madeleine, était désespérée à l'idée que son mari parte à la guerre. Cependant, elle fut rassurée par les bruits qui couraient dans le village : on pensait que la guerre ne durerait que quelques semaines. André était appelé à se rendre au port de Marseille pour prendre un navire militaire. La veille de son départ, André prépara ses affaires les plus importantes, embrassa ses deux enfants et alla se coucher. Il ferma les yeux et se sentit bercé, comme par des vagues... Il était sur un bateau de guerre. Il entendait le capitaine hurler ses ordres. Des bateaux ennemis leur lançaient des bombes. Sur le pont, l'agitation gagnait les marins. Des avions survolaient leur navire à basse altitude. Tous ces bruits étaient effrayants. Le bateau d'André fut touché mais il réussit à embarquer sur un canot de sauvetage avec d'autres soldats au moment où le navire commençait à couler. Les vagues, énormes, secouaient la barque. Soudain, une bombe explosa juste à côté de l'embarcation et la fit chavirer. André fut saisi de peur. L'eau était froide ; il ne savait pas nager et le poids de ses bottes et de ses vêtements militaires commençaient à le fatiguer. Plusieurs fois, il but la tasse. De plus, il craignait les monstres marins qu'il s'imaginait terrifiants avec de grandes mâchoires d'où dépassaient de longues dents pointues. Tout à coup, un navire approcha et le sauva de la noyade. Malheureusement, il s'agissait d'un bateau ennemi. On allait le fusiller lorsqu'il hurla : – Nooon !!! André, trempé de sueur, se réveilla. Ce n'était rien. Juste un cauchemar. Mais, au final, le cauchemar de la guerre allait durer quatre ans. Élèves de l’école publique Classe de CM1-CM2 De l’école publique de Coublanc Année 2013-2014 Enseignant : Lionel Simond (Tancon-71) CM 1 Laya AGGOUNE Noé AUBARD Florian AUCLERC Nathan BOUCHACOURT Maxence CHAVANON Élise DUPERRON Guillaume FRANCKART Dan GENAUDY Thaïs GENILLON Axel PARIAT Lola PÉLEGRIN NesrineTILOUCH (12 élèves) Les Épalis Le Bois Gauthay Terre des Chambres Le Pont des Rigolles La Brue La Roche La Place La Place Le Foron Les Plantes Sud Cadollon Le Bois Gauthay Lallerand (Maizilly) CM 2 (8 élèves) Thomas ARNARDI Laurie DUILLON, Melvyn GUERZEDER Louis GUIGUITANT Ludivine PERRAT Alexia RABUTEAU Nicolas REVILLIER Daniel TACITE L’Orme Cadollon Le Foron Montbernier Le Foron La Place Les Espaliers Le Foron Claude Franckart (La Place), webmestre du très actif et complet site Internet personnel Coublanc71, propose aux personnes désireuses de retrouver leurs ancêtres de le contacter. Ses recherches faites dans un esprit de sympathie réciproque sont totalement gratuites. Sa base généalogique sans cesse remise sur le chantier comporte plus de 40 000 fiches de 1680 à 1935, donc forcément des gens de leurs famille. Contact : [email protected] En ce Temps-là 2013 Page 42 Mots croisés Grille n°20 par François Millord Horizontalement : A. Elles furent nombreuses à Coublanc ces derniers temps, avec entre autres la station filtre plantée de roseau à Cadolon, et le nouveau local technique au Pont des Rigoles. B. Malgré les efforts engagés par la mairie, Coublanc n’a toujours pas le sien. Pronom. C. Frappée de malédiction. Conjonction. D. Champion. Habitants d’une commune du Brionnais jadis dotée d’un petit séminaire, non loin de Coublanc. E. Bateaux à fond plat servant autrefois au transport fluvial, notamment sur la Loire. F. Le relais lecture de Coublanc l’est désormais, pour moderniser et faciliter l’enregistrement des livres. G. Elles peuvent être organisées dans la salle pour tous, en toutes sortes d’occasions : fête des classes, mariage, etc. H. Pronom. Centièmes de siècle. Enfila. I. Posé sur un astre familier. Profession représentée à Coublanc par l’entreprise Duperron. J. Pronom. Grelottaient. K. Boirions du lait. Verticalement : 1. Identifiant des sites Internet italiens. Œuvrait. 2. Certains sont bien représentés à Coublanc, comme par exemple Lacôte, Dechavanne ou Berthier. Prénom féminin fêté le 25 décembre. 3. Nuança. Mouvement qui unifia les forces françaises de résistance le 1 er février 1944. 4. Ils n’épargnèrent pas la Bourgogne lors de sa libération par les alliés, comme par exemple à Nevers le 17 juillet 1944. Couleur. 5. Celui de l’association des parents d’élèves a eu lieu le 1er dimanche de décembre (en 2 mots). 6. Endommageâmes. Unité de mesure chinoise, équivalent à 500 mètres. 7. Accessoires de plongée. Sa longue marche changea l’histoire de la Chine. 8. Répétât. Organe. 9. Conjonction. Trous. 10. Contestes. Adjectif possessif. 11. Habitants d’un pays voisin de la France. Groupe de rap français des années 1990. Solution page 19. Sauvegarde du patrimoine culturel Conférence culturelle Le dimanche 2 février 2013, l’association culturelle Arcanson de Saint-Nizier-sous-Charlieu a proposé une conférence sur le père Jules Dubuy, missionnaire du Sacré-Cœur. Durant près de trois heures, devant un auditoire de cinquante personnes réunies dans une salle du château de Carillon, qui voulaient toujours en savoir plus, Bernard Berthier, équipé des photos et diaporama de Gérard Vaginay, a exposé la vie et l’œuvre de notre fameux Coublandi, depuis le Bois Gauthay où il est né jusqu’à la Papouasie où il repose parmi ses convertis. Deuxième rencontre du Patrimoine local à Coutouvre Après le succès de la Première rencontre, à Villers, le 11 novembre 2012, les organisateurs ont choisi Coutouvre pour lieu de la deuxième rencontre. La revue En ce Temps-là y était présente, le dimanche 24 novembre, pour représenter Coublanc, parmi les autres associations des villages voisins – Cours-La Ville, Chandon, Charlieu, Villers, Coutouvre et même Roanne – qui travaillent à la sauvegarde du patrimoine culturel sous toutes ses formes En ce Temps-là 2013 Page 43 Un riche hérite ; il se dit : « Voilà de l'argent de proche ! » (Bibi) Revue imprimée en décembre 2013 par Graphi Center, à Roanne. ISSN 1964 - 812 X Responsable de la publication : Bernard Berthier, La Place, 71170 COUBLANC [email protected] Les articles des anciens numéros sont accessibles sur le site http://Coublanc-71.com En ce Temps-là 2013 Page 44