Numéro - Acteurs du sport
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Numéro - Acteurs du sport
Sport Europe Stratégie Revue européenne de management du sport Numéro 23 S EPTEMBRE 2008 Presses universitaires du sport BP 215 – 38506 Voiron Cedex Tél. : 04 76 65 87 17 – Fax : 04 76 05 01 63 Internet : http://www.acteursdusport.fr Réf. PUS 52 – Septembre 2008 ISSN : 1297-8019 Prix : 32 euros Publication du groupe Revue européenne de management du sport n° 23 S o m m a i r e Éditorial En finir avec le syndrome Poulidor • Par Alain LORET Articles Les outils d’aide à la décision en sponsoring sportif : perspectives • Par Gary TRIBOU et Lilian BAUDARD Le marché des seniors : une approche marketing adaptée à une nouvelle offre de services sportifs • Par Marie-Josephe LEROUX-SOSTENES et Chantal ROUVRAISCHARRON Une analyse de la relation satisfaction-fidélité et de ses effets modérateurs dans les services sportifs. L’exemple des pratiques de forme • Par Guillaume BODET Une étude exploratoire de l’attitude du public face à la révélation du pseudoparrainage d’événements sportifs • Par Marc MAZODIER Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 2 É d i t o r i a l En fin ir avec le syndrome Poulidor nations olympiques. Sans être totalement infamant, ce classement ne méritait sans doute pas d’être ainsi célébré au pied de l’Arc de Triomphe avant d’être fêté sous les ors de la République par le Président en personne. Par Alain LORET Nous sommes décidément incorrigibles. Nous n’avons toujours pas compris que dans un sport olympique qui est d’abord une industrie de l’image télévisée, « seule la victoire est jolie ». Ce qui signifie que le second ne peut pas être promu car il ne présente qu’un intérêt symbolique bien… secondaire. Considéré comme un simple faire-valoir du vainqueur par la culture olympique, il n’est que toléré sur le podium. La relation sportive repose en effet sur une convention implicite qui, lorsque l’on observe attentivement le protocole mis en place lors des Jeux, trouve son origine dans des valeurs quasi sacrées. Les « Olympiens » valorisent ainsi un principe doctrinal qui reconnaît une obligation morale à distinguer strictement les forts des faibles. Depuis plus d’un siècle, la fonction discriminante de la victoire est donc au cœur de toute l’organisation olympique. Nous observerons que c’est aussi le noyau dur à partir duquel se développe aujourd’hui son économie. En effet, si à l’origine l’objectif était d’ériger le champion en symbole, c’est-à-dire de l’établir en tant que parangon de vertus permettant de reconnaître le modèle le plus achevé de l’Homme idéal, de nos jours cette fonction discriminante est plutôt destinée à engendrer une dramaturgie toute médiatique. Avec l’opération avortée du badge des athlètes, le prologue parisien des Jeux de Pékin fut une parodie de contestation bâillonnée illico par le CIO qui n’avait manifestement pas la main face au gouvernement chinois. Au demeurant, autoproclamé porte parole de la « révolte », pouvaiton sérieusement penser que David Douillet était en mesure d’incarner la lutte contre l’institution sportive internationale, fusse pour défendre les Droits de l’Homme ? Travaillant de toute évidence d’abord à sa promotion personnelle, il sortit rapidement de son rôle de leader contestataire pour promouvoir celui – autrement plus intéressant pour lui, « d’Olympien français historique » médiatiquement façonné à l’aune d’une volonté constante d’apparaître sur tous les écrans disponibles. Le temps de parole télévisuelle considérable qui lui fut pourtant donné durant les Jeux aurait dû le conduire à poursuivre son action. Vite oubliée derrière le paravent des faux-semblants, la pseudomobilisation de Douillet pour les droits humains donna le ton d’une campagne olympique française qui, du début à la fin, c’est-à-dire du badge à la parade surréaliste des Champs-Élysées, ne fut qu’un simulacre. Une fois les Jeux terminés, une fois connu le score « historique » de l’équipe de France olympique (40 médailles), remis de l’image saugrenue d’une ministre des sports affublée de chaussures ridicules dans la cour de l’Élysée, que reste-t-il des JO ? À l’évidence, un goût d’inachevé. Si l’on doit se féliciter de la réussite de certains « petits » sports peu habitués aux caméras, ces sports de « crèves la faim » comme devait les qualifier l’entraîneur des lutteurs transporté par l’émotion sur France Télévision, par contre nous devons regretter l’absence d’exaltation et la carence émotionnelle du spectacle donné par la majorité de nos équipes dans les « grandes » disciplines olympiques. La joie des handballeurs ne parvenant décidément pas à occulter le fait que nous n’étions pas présents aux Jeux dans tous les autres sports collectifs. Dans ces conditions, il faut bien admettre qu’il y avait quelque chose d’incongru dans la descente des Champs-Élysées de l’équipe de France olympique. Sauf à survaloriser au-delà du raisonnable la maxime coubertinienne « L’essentiel est de participer », aucune raison ne permettait d’exalter ainsi la dixième place que nous avons difficilement obtenue dans le classement des Durant tous les JO, ce point pourtant essentiel fut totalement occulté par la façon dont le ministère des sports comptabilisa nos médailles. Ce faisant, il oublia tout simplement que le rôle attribué à la victoire fut historiquement très particulier. C’est lui qui, au cours du vingtième siècle, a forgé la culture olympique et façonné les codes d’arbitrages qui régissent les comportements des athlètes. Or, que nous dit la charte olympique ? Que les règles qui permettent de distinguer le vainqueur de tous les vaincus sont absolument indépassables. Elles régulent en effet un processus d’émergence de l’élite que personne n’est autorisé à discuter. Même pas les gouvernements (américains ou français) qui, au prétexte d’améliorer bien artificiellement leur classement national, élaborent leurs propres règles de calcul en introduisant des vaincus dans leurs comptes de médailles… La victoire ne se discute pas et ne se partage pas. Cet événement tellement répétitif qu’il a permis la construction d’une économie de l’information sportive est en effet d’abord mode de discrimination allégorique des athlètes. Il doit permettre l’expression des valeurs olympiques incarnées par le vainqueur : authenticité, force, perfection, réussite. Pure incarnation de ces valeurs, celui-ci ne peut partager la victoire avec un vaincu entaché qu’il est des stigmates de la défaite : faiblesse, affliction, échec, insuffisance. En excluant Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 3 É d i t o r i a l les autres de la plus haute marche du podium, le champion marque donc symboliquement le territoire emblématique de ceux qui sont capables d’accéder à la condition supérieure des « Dieux du stade ». En toute hypothèse, de façon à respecter la tradition olympique, Nicolas Sarkozy n’aurait donc dû recevoir à l’Élysée que nos sept médaillés d’or à leur retour de Pékin. Reste que cela aurait pointé les importantes faiblesses du sport français. Ce qui n’était pas le but d’une opération de communication dont l’objectif était justement de les masquer. Comme nous, les Américains préfèrent simuler un pseudo-classement olympique incluant les accessits en argent et en bronze plutôt que de respecter la culture des Jeux qui ne plébiscite et ne reconnaît que la victoire. Cela leur permet d’affirmer qu’ils devancent toujours la Chine dans le classement des pays sportivement développés. Observons pourtant le classement de la France établi selon les seules règles olympiques. Il montre une tendance lourde que Bernard Laporte ne devrait pas sous-estimer. La chose est en effet avérée : olympiade après olympiade notre pays est conduit à batailler dans la hiérarchie olympique contre des nations qui, en termes de moyens financiers et humains, n’investissent pas autant que l’État français dans le sport de haut niveau (Ukraine et Jamaïque, en 2008). Il faut donc regarder les choses en face : pour les 36 millions de téléspectateurs français (audience cumulée de France 2 et France 3) qui ont regardé les Jeux – et à qui « on ne la fait pas ! » –, la situation est e préoccupante. Après avoir été classés 5 nation olympique en 1996, nous avons constamment e e e régressé depuis (6 en 2000, 7 en 2004 et 10 en 2008). À ce rythme, la France luttera en 2012 contre des pays sportivement émergeants comme le e Kenya ou la Biélorussie respectivement classés 15 e et 16 à Pékin. Une telle situation serait insupportable pour France Télévision. Admettons-le une fois pour toutes et réformons la gouvernance du sport français en conséquence. La modestie qui a marqué les performances françaises en Chine a reposé sur trois causes principales : la défaillance de tous les sports collectifs exception faite du hand masculin, la faiblesse structurelle de l’équipe olympique féminine toutes disciplines confondues et, surtout, les contre performances de nombreux athlètes pourtant promis à une médaille d’or en athlétisme, aviron, canoë-kayak, judo, natation, tir, équitation, escrime. À l’issue de cette campagne olympique que les plus honnêtes jugeront au mieux en demiteinte, une question demeure : la méthode Coué nous permettra-t-elle encore de sauver la face à l’issue des Jeux de Londres dans quatre ans ? En organisant de manière bien artificielle et, surtout, contre toute logique olympique une « parade triomphale » sur les Champs, certains hauts responsables du sport français ont répondu qu’ils ne l’excluaient pas. Leur satisfaction de façade, parfaitement inopportune au regard des difficultés qui s’amoncellent et des défis économiques qui s’annoncent pour le sport français, nous montre qu’ils sont toujours sous l’emprise du fameux « syndrome Poulidor ». Vous savez : cette manie que nous avons conservée de survaloriser symboliquement les seconds comme nous le faisions dans les années soixante. Le sport français se présentait alors comme une histoire récurrente à la fin de laquelle nos athlètes perdaient toujours dans les grandes occasions. Tabarly et Killy furent des exceptions qui confirmèrent cette règle. Ce qui, soit dit en passant, leur permit de passer du statut de simple champion à celui du héros national. Aujourd’hui, le sport français subit un vrai « déficit de héros » qui va vite devenir intenable au plan télévisuel, donc économique. Si sous-évaluer l’impact symbolique de la victoire était acceptable du temps où Pou-Pou 1 perdait toujours car le sport mondial en était encore à balbutier son économie, incontestablement cette valorisation contre nature et parfaitement contre productive des seconds ne l’est plus du tout aujourd’hui. Pour une raison essentielle : les Jeux étant devenu un simple spectacle, la seule chose que réclament les téléspectateurs c’est une forte dose de plaisir. De manière bien triviale et en dehors de tout jugement de valeur, nous observerons que les JO demeurent un remarquable vecteur d’émotion capable à lui seul de réenchanter un quotidien que l’on sait difficile. Les accros des Jeux veulent donc de la légende. Certainement pas un ersatz de gloire olympique. Seuls les vainqueurs les intéressent. Le reste ne les passionne plus. Le Stade de France à moitié vide qui accompagna les Bleus lors du match France-Serbie le 10 septembre dernier est de ce point de vue un signal fort. Nos compatriotes se désintéressent massivement du spectacle sportif dès lors que les athlètes français ne brillent pas. Les télévisions l’ont vite compris. Bernard Laporte pas encore, qui persiste à se satisfaire très officiellement des accessits en nous faisant croire que « même la défaite est jolie ». 1 Ce qui était parfaitement faux… mais la légende demeure et façonne encore notre mémoire collective. Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 4 A r t i c l e s Les outils d’aide à la décision en sponsoring sportif : perspectives Par Gary TRIBOU, maître de conférences à l’Université des Strasbourg, et Lilian BAUDARD, Eurosport, ancien directeur des études marketing de la société Havas Sport Groupe Territorial BP 215 - 38506 Voiron Cedex - Tél. : 04 76 65 87 17 - Fax : 04 76 05 01 63 - www.territorial.fr Copyright Territorial Éditions - Reproduction interdite – Septembre 2008 Réf. Revue européenne du management du sport n° 23 Uniquement disponible par téléchargement sur www.territorial.fr ou www.acteursdusport.fr A r t i c l e s Résumé En sponsoring sportif, les sommes engagées peuvent atteindre des montants tels que les sociétés doivent considérer ces opérations comme de véritables investissements et, de ce fait, mettre en œuvre une rationalité de gestion. Nous proposons une présentation des outils d’analyse de la visibilité des marques sponsors et des outils d’aide à la décision, avant d’en souligner les limites d’application et de mettre en avant quelques pistes d’amélioration. Mots-clés Sponsoring sportif, aide à la décision Abstract In sports sponsorship, the amounts invested can reach such high levels that companies must consider them as real investments and, thus, must adopt a rational management. We present some tools for analysing the visibility of the sponsor's brand and some tools able to help in the decision-taking process. We then stress the limits existing in their application and then suggest some possible improvements Key words Sports sponsorship, aid to decision Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 6 Les outils d’aide à la décision en sponsoring sportif : perspectives Gary TRIBOU et Lilian BAUDARD Introduction En sponsoring sportif, les sommes engagées peuvent atteindre des montants tels que les sociétés doivent considérer ces opérations comme de véritables investissements. Par exemple, en 2004, la fédération française de football a signé un contrat de quatre ans avec l’équipementier Adidas pour un montant de soixante millions d’euros ; le club Olympique Lyonnais a négocié avec l’industriel Renault Trucks un apport de dixsept millions (sur trois ans). Mais les investissements ne se limitent pas au football. Ainsi, dans le cyclisme, l’opérateur Bouygues Télécom a engagé un budget de plus de vingt-cinq millions sur une période de quatre ans ; l’industriel Skoda, seize millions sur la même période. S’il semble avéré que le sport constitue un axe de communication efficace (Shank, 1999 ; Desbordes, 2004) et que le sponsoring sportif a toute sa place dans le mix de communication des entreprises (Bolotny, 2005 ; Tribou, 2007), il n’en reste pas moins indispensable d’en surveiller l’efficacité économique (Anne, 1992). En effet, une rapide revue de littérature conduit à pointer un certain nombre de défaillances liées à la multiplication des annonceurs à l’occasion des événements sportifs, dont quelques-uns seulement bénéficient d’un retour de visibilité (Meek, 1997 ; Pham et Johar, 2001). L’efficacité est également liée aux conditions d’exposition et de mise en valeur des messages, ainsi qu’aux conditions de mesure de l’impact (Walliser, 1994 ; Pope & Voges, 1997). La prise de risque inhérente à l’investissement impose donc de mettre en œuvre un minimum de rationalité dans les procédures de décision et, de ce fait, l’utilisation d’outils ad hoc. Deux types d’outils d’aide à la décision sont disponibles actuellement : des outils qui aident aux grands choix de la politique de sponsoring, soit en amont du processus ; des outils permettant d’en mesurer l’impact et, le cas échéant, d’en revoir les modalités. • En amont : des outils peuvent aider l’annonceur ou l’opérateur à choisir un support de communication : quelle discipline sportive ? (Un sport olympique ? une pratique alternative ? un sport collectif, individuel ?), quel type d’événement ? (Un championnat ? un événement ponctuel ?), quelle équipe, quel club ou quel joueur ? une enceinte sportive ? Compte tenu du volume limité des dépenses engagées au sein d’un budget de la communication, un minimum de rationalité est indispensable. Car il s’agit, d’une part, de s’assurer a priori de l’efficacité d’un investissement dont le montant aurait pu être affecté à d’autres actions de communication ayant fait leurs preuves en interne (médias – publicité – et hors médias – opérations commerciales) ; d’autre part, de réduire le risque afférant à l’investissement en général. En effet, l’investisseur qui s’endette pour financer une action dont les effets sur le chiffre d’affaires sont incertains et à venir, a besoin de repères. • En aval : d’autres outils permettent une mesure du retour sur investissement (quelle a été la rentabilité du choix ? Doit-on renouveler l’investissement et selon quelles modalités ?). Il s’agit d’un calcul classique de rentabilité : le choix qui a conduit à écarter d’autres actions de communication alternatives a-t-il été un bon choix ? Quel a été son effet sur les résultats économiques étant donné la pluralité des facteurs qui influencent les performances d’une entreprise économique ? Et, en fonction du bilan (en chiffre d’affaires), faut-il pérenniser la politique de sponsoring ou, au contraire, aller vers des formes de communication dont on connaît mieux l’efficacité (ce qui est affecté au sponsoring diminuant d’autant les moyens attribués aux autres types d’actions) ? Les annonceurs recourent généralement à des sociétés de marketing sportif qui les conseillent dans leurs choix, chacune ayant opté pour des outils de mesure à des fins d’efficacité mais aussi de positionnement sur un marché du conseil particulièrement concurrentiel (tableau 1). Tableau 1 : Les principaux acteurs du marché du conseil en sponsoring en France, en 2008 (et leurs outils de mesure) ADVENT SPORT (Scan Club, Scan Player, Scan Sponsor) API (Access Foot France, baromètre voile) ATHLANE CONSULT BVA (SportCrystal, Sport EyeTrack, SportPanel, SponsorEquity) CARAT Sport (Carat Foot) DEMOSCOPIE FKG (FKG SportsMaxx System) HAVAS Sports (Sports Metrix) INITIATIVE SPORTS FUTURES (Exposure Track, Score) MARGAUX MATRIX (Magellan) MEDIAMETRIE (Eurodata TV) OCCURRENCE (ANAé-Occurrence, Observatoire Sports & Valeurs) PREMIERE SPONSORSHIP MARKETING (SportZ) PRISM (WPP) SPONSORCLICK SPORT MARKETING SURVEY SPORTLAB (Sportimat) TBWA Sport – Omnicom TNS Sport (Sportsi, SportTrack, Sportisimm, Megabrand Sponsoring Nous proposons une présentation de deux types d’outils fréquemment utilisés en sponsoring sportif : des outils d’analyse de la visibilité des marques sponsors – répondant à un objectif de gestion élémentaire de mesure d’impact - et des outils d’aide à la décision stratégique - plus complexes et suscitant de ce fait davantage de questions, avant d’en souligner les limites d’application et de mettre en avant quelques pistes d’amélioration. Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 7 Les outils d’aide à la décision en sponsoring sportif : perspectives Gary TRIBOU et Lilian BAUDARD I • Les outils d’analyse de la visibilité des marques et des logos L’analyse de la visibilité des marques constitue une démarche élémentaire dans la perspective d’une évaluation de l’impact des actions de sponsoring (Anne, 1992). En effet, si l’objectif est de se faire connaître, il convient de mesurer la présence de la marque sur les supports sélectionnés (Pope & Voges, 1997). Mais les modalités du repérage posent inévitablement problème, notamment en ce qui concerne la qualité de l’apparition (Walliser, 1994). Un annonceur ne peut pas se contenter d’un comptage des secondes de présence à l’écran, des citations à l’antenne d’une radio ou sur un site de l’internet ou encore de la surface occupée dans un magazine. Il doit intégrer à son appréciation des éléments liés à la présence parasite d’autres marques (Meek, 1997), à la netteté de son nom ou de son logo, à sa place sur l’écran ou la page, etc. Actuellement, la tendance est de remplacer progressivement une mesure humaine par nature imparfaite (comptage et chronométrage approximatifs) par une mesure automatisée. Par exemple, l’utilisation de logiciels d’analyse des images – de repérage et de décomptage automatiques – tend à se substituer au chronométrage manuel de la présence des sponsors à l’écran. La démarche consiste à scanner les logos des annonceurs que l’on veut repérer, en fonction de ce que l’œil humain peut percevoir (ou deviner) : logo entièrement ou partiellement visible, plus ou moins déformé sur l’écran. Cette question de la perception sélective des messages a fait l’objet de travaux dont les résultats tendent à admettre que si un spectateur perçoit l’intégralité de ce qui l’entoure (ce qu’embrasse son champ de vision), seuls quelques fragments seront mémorisés selon des logiques telles que la similarité (les éléments présentant les mêmes caractéristiques de couleur ou de volume sont perçus et mémorisés en priorité) ou l’émergence (l’apparition d’un élément inattendu et incongru provoque une surprise perceptuelle), ou encore la proximité (le logo visible au premier plan éclipse les logos situés en arrière-plan) (Tribou, 1 2007). On procède ensuite au comptage : des supports concernés, de la surface d’exposition totale, en partie fonction de l’emplacement à l’écran (une 1 Cette question théorique de l’exposition aux messages et de leur perception a fait l’objet de travaux avancés et principalement aux Etats-Unis ; notamment ceux de U. Neisser (Cognitive Psychology, New York : Appletonentury Crofts, 1967) et de P. Lindsay & D. Norman (Human Information Processing, New York : Academic Press, 1977). présence au centre de l’écran ayant plus d’impact qu’en périphérie), de la durée d’exposition totale, en partie fonction de la présence éventuelle d’autres marques (la concurrence visuelle des autres marques réduisant l’impact de la marque étudiée). A - Trois exemples d’outils Trois outils dominent actuellement le marché et visent à optimiser les investissements en sponsoring : Sportsi, Sport Crystal et Magellan SN Vision. L’outil Sportsi (développé par Lucent Technologie et utilisé par la société d’études TNS Sport) est un outil de reconnaissance automatique de la visibilité TV des sponsors. Il a été lancé en 2003 et s’applique au football, au tennis, à la Formule 1, au cyclisme et aux rallyes – WRC. Il renseigne sur le nombre d’apparitions, la durée de visibilité de chaque sponsor, les supports, l’emplacement sur l'écran de télévision, la taille de la marque (relativement à celle de l'écran) et fournit la valorisation calculée en équivalent publicitaire. L’outil Sport Crystal (utilisé par la société d’études BVA) vise également à mesurer l’impact du sponsoring sportif (en temps d’exposition) et le retour sur investissement média TV. Il renseigne sur les temps de visibilité et la valorisation de l’exposition. Il définit les occasions de voir (ODV) de chaque logo et les transforme en équivalent publicitaire. L’objectif est de comparer les performances de chaque annonceur. L’outil Magellan – SN Vision (développé par Spikenet Technology et utilisé par la société Margaux Matrix) est une application au sponsoring d’un outil d’usage industriel (pour le contrôle qualité) et marketing (impact du placement produits). Il permet également la reconnaissance des logos et des marques à la télévision et il est utilisé à l’occasion des grands événements (FIFA World Cup, Roland Garros, Grands Prix de Formule 1, etc.). Voyons trois exemples d’application de ce dernier outil au spectacle du football et à celui de la Formule 1. B - Trois exemples d’application 1. Visibilité des marques sur les panneaux d’un stade Lors d’un match de football, trois marques ont été identifiées sur le stade : Amstel présente sur deux panneaux (1.95 % de l’écran et visibilité moyenne), Mastercard sur un seul panneau (1.57 % et bonne visibilité) et Play Station sur deux panneaux (1.82 % et 1.36 %, Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 8 Les outils d’aide à la décision en sponsoring sportif : perspectives Gary TRIBOU et Lilian BAUDARD visibilité moyenne et un panneau n’affichant que la fin du nom - « ation »). 2. Visibilité des marques sur le circuit d’un Grand Prix de Formule 1 La marque Bridgestone est apparue simultanément sur trois panneaux à l’instant t1 : entièrement au centre de l’écran (score presque parfait de 0.897 du fait d’une bonne visibilité), partiellement à gauche (« gestone » : le début de la marque n’apparaît pas, d’où un score médiocre de 0.440) et à droite (« Bridg » : la fin de la marque n’apparaît pas mais réalise un score de 0,457 légèrement supérieur au précédent, le spectateur étant jugé davantage capable de compléter le nom de la marque). A l’instant t2, seule l’apparition centrale est prise en compte (les deux autres étant illisibles : début de nom – « Brid » - et fin du nom - « ne »). Ainsi, en t1, « Bridg » est comptabilisé alors qu’en t2 « Brid » ne l’est pas, les quatre premières lettres étant jugées insuffisantes pour une reconnaissance. 3. Visibilité des marques sur une Formule 1 En mouvement, la carrosserie d’une Formule 1 n’assure pas aux marques une visibilité égale. Ainsi, sur la monoplace ci-dessous, seules trois marques affichent une bonne visibilité à l’instant t : Castrol apparaît une fois au centre de l’écran et occupe 5.54 % de l’espace, Hp apparaît sur la gauche et occupe 6.47 %, NiQuitinCQ sur la gauche - mais déformée - et occupe 2,61 %. À côté de cette génération d'outils limitant l'analyse à la seule visibilité des marques, nous pouvons pointer d’autres outils, plus ambitieux puisque visant à garantir aux annonceurs une communication par l’événement sportif optimale, depuis la décision en amont d’investir jusqu’à celle de prolonger ou pas le plan de communication. II • Les outils d’aide globale à la décision Les outils des sociétés d’études permettent d’opérer à deux niveaux de décision : en amont pour ce qui concerne les critères de choix d’investissement (quels sports ?), en aval pour la mesure des retombées (quelle rentabilité par rapport aux d’autres investissements alternatifs – publicitaires ou en marketing direct ?). Nous proposons de parcourir les principaux outils actuellement proposés sur le marché avant d’en souligner les limites. Le cabinet d’études et de conseil en communication Occurrence, fondé en 1995, propose des évaluations d’actions de communication assorties de recommandations pour optimiser leur efficacité. Il réalise des études qualitatives (sous forme d’entretiens individuels ou de groupes) et quantitatives (en face à face ou par téléphone), des études de benchmarking, des enquêtes online. Son offre sponsoring est double : une aide à la décision en amont : mesure de l’adéquation entre les valeurs attribuées aux sports et l’identité de marque (Observatoire Sports & Valeurs) ; une aide à la rentabilisation des actions : mesure du retour sur investissement (bilan d’impact événementiel ANAé-Occurrence), bilans media, études d’impact, tableaux de bord sponsoring. L’Observatoire Sports & Valeurs a été créé en collaboration avec les agences de conseil en marketing et communication Hickory et Koroibos. Il vise à connaître les publics des différents sports Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 9 Les outils d’aide à la décision en sponsoring sportif : perspectives Gary TRIBOU et Lilian BAUDARD (selon le sexe, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle, la pratique sportive, etc.), leur intérêt pour le spectacle et la pratique sportive, et à repérer les valeurs qui sont attribuées aux sports. Une étude quantitative est réalisée tous les deux ans, testant vingt sports et seize valeurs, sur un échantillon national de mille personnes de quinze ans et plus, interrogées en face à face. L’objectif est de parvenir à sélectionner un sport en fonction des valeurs de la marque et du cœur de cible. permet de comparer les marques de sport à 18 000 autres marques. Pour cela, une étude est réalisée auprès de 21 000 amateurs de sport de quinze ans et plus dans trente et un pays. Elle s’adresse aux annonceurs (quel support choisir ?), aux institutions (quelle marque prospecter ?), aux télévisions (quels sports peuvent optimiser les audiences ?). Elle permet d’identifier les meilleurs supports ainsi que les meilleurs sponsors à prospecter au niveau européen. La société TNS Sofrès, leader en France des études marketing et d’opinion, propose également des outils spécifiques au sponsoring sportif : SportTrack (mesure de l’exposition media du sport), Sportsi (outil de reconnaissance automatique de la visibilité des sponsors à la télévision), Soccerscope (mesure de l’intérêt pour le sport), Sportisimm (repérage des « captifs » par sport et par événement), Sport Planning (visibilité et consommation du sport à la télévision), Megabrand Sponsoring (tracking international multisports, intérêt pour le sport, notoriété des événements et des sponsors). L’offre est élargie à des études d’impacts (annuelles – championnats français de football, par exemple, ou tournoi de tennis de Roland Garros – et ponctuelles – Jeux Olympiques), de mesure du retour sur investissement (ROI), de contrôle des droits de diffusion, à des études prospectives. L’outil Sportisimm (TNS Sport) est un outil d’aide à la décision pour les annonceurs, les opérateurs, les agences et détenteurs de droits. Il identifie les individus exposés aux actions de sponsoring sportif à travers dix-sept sports (les « captifs ») et leurs consommations dans un périmètre de 7 000 marques. L’identification se base sur la fréquentation média, le degré de pratique, l’assiduité au spectacle sportif. L’outil Megabrand Sponsoring est un outil de pilotage stratégique des marques. Il permet d’anticiper l’impact prévisible d’un investissement en sponsoring sur l’attractivité de marque (en amont) et d’en faire le bilan (analyse spécifique par marques en aval). Deux types d’analyse : analyse de l’attitude des amateurs de sport vis-à-vis des marques et analyse en courbe de réponse de l’efficacité du sponsoring (selon les différents sports). Pour cela, deux enquêtes sont menées à partir du même panel de 5 000 individus : une étude sur la valeur des marques (300 marques) et un focus sur le sport (intérêt pour le sport et suivi media des événements). La société Advent Sport, créée en 2002, propose des outils de mesure pour apporter de l’information stratégique dans les secteurs du cinéma, de l’automobile, de la finance et du sport. Dans le secteur du sport, quatre outils permettent de déterminer la valeur des supports afin d’orienter la stratégie de sponsoring sportif : Scan Club est un outil de mesure de la valeur économique et sportive d’un club (limité actuellement au football et au rugby). Il s’appuie sur une étude réalisée tous les deux ans et propose le suivi de trois indices : un indice sportif (palmarès, patrimoine, étalonnage de la réussite), un indice marketing (notoriété, image et valeurs, création de valeur ajoutée auprès des sponsors, attractivité du stade), un indice financier (capital joueurs, rentabilité, structure financière, niveau d’activité, transparence). Scan Player est un outil de mesure du capital marketing des joueurs. Une étude annuelle indique leur notoriété, leur capital d’appréciation, leur popularité (nombre de fans), leur exposition médias, les valeurs qui leur sont associées, leur adéquation aux marques. Scan Player Finance est un outil complémentaire du précédent centré sur la valeur financière des joueurs. Scan Sponsor est un outil de mesure des supports publicitaires des clubs de football. Les études quantitatives sont réalisées sur un échantillon de mille personnes de quinze ans et plus interrogées par téléphone. Elles sont complétées par des études qualitatives portant sur la structure financière des clubs et sur les performances sportives. Au sein du groupe de communication WPP, cinq sociétés ont participé à la création de l’outil SportZ : 141 Worldwide (étude du comportement du consommateur), BMRD (market research agency), Hill & Knowlton (public relations & public affairs network), Millward Brown (marketing research) et Premiere Sponsorship Marketing (conseil en sponsoring et marketing). L’outil permet d’analyser le comportement des consommateurs dans le sport et l’impact sur les marques (marques sponsors et/ou marques de sport) au niveau international. Il La société d’études et de conseil Athlane Consult, créée en 2002, est spécialisée dans le sport, les loisirs et les jeux. Elle affiche des compétences très larges : audit et bilan marketing, plan de développement, plan marketing produit ou service, plan de communication et d’actions commerciales. Trois types d’outils concernent directement le sponsoring sportif : des outils en communication : tracking de la notoriété et études d’images, études de territoire, pré-tests et post-tests de sponsoring, mesure et analyse de retombées presse ; des outils en événementiel : image et positionnement des événements, motivation et freins à la fréquentation, profil des spectateurs, de l’audience ; Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 10 Les outils d’aide à la décision en sponsoring sportif : perspectives Gary TRIBOU et Lilian BAUDARD un baromètre d’image des sportifs permet de déterminer le capital sympathie des sportifs de haut niveau auprès des publics et d’aider à une stratégie de positionnement. Il conduit également à évaluer l'impact réel des contrats publicitaires liant une marque à un sportif, à mesurer la notoriété spontanée et assistée des sportifs (à partir d’une liste de 70 athlètes), leurs images et celles des marques qui leur sont associées. L’étude est réalisée à partir de 350 entretiens téléphoniques de 25 minutes en moyenne auprès d'un échantillon représentatif de la population française des 15-34 ans et selon la méthode des quotas. magazines et la presse (rédactionnel et photos), temps d’apparition à l’écran sur les différentes chaînes de télévision, nombre de fois qu’elle est prononcée à la radio ou mentionnée sur l’internet. Dans un deuxième temps, on procède au calcul de la valorisation financière de l’exposition en équivalent publicitaire : ce que cette exposition aurait coûté en annonce publicitaire dans des conditions similaires (au même moment ou sur le même emplacement). Cela permet d’approcher la rentabilité de l’investissement : si l’équivalent publicitaire de l’opération dépasse le montant de l’investissement, alors l’opération est déclarée rentable (encadré 1). La société FKG est spécialisée dans le sponsoring sportif. Son métier est d’aider les marques dans l’identification, la sélection et le management des sports à parrainer afin d’optimiser leurs investissements : business consulting (conseil pour le positionnement de la marque via le sport), analyse sports (évaluation des événements sportifs), media / property buying (aide à la négociation avec les médias ou les propriétaires pour l’achat d’espace publicitaire ou pour le sponsoring). Elle propose un outil unique en marketing sportif : le FKG SportsMaxx System. Il s’agit d’un outil généraliste pour aider les entreprises à investir au mieux dans le sport (Quelle discipline correspond le mieux à mon entreprise ?) sous la forme d’un logiciel souple et interactif (multicritères et multidimensions). L’outil s’appuie sur une base de données mise à jour régulièrement pour toutes les disciplines (cibles, données media, spectateurs touchés, perception et image, budget par option, potentiel d’attractivité…). Le logiciel permet de sélectionner l’investissement en entrant l’ensemble des critères de décision (profils de consommateur / sports de la base). Ces outils d’aide à la décision ne font pas l’unanimité chez les annonceurs à la recherche d’instruments fiables. Voyons de quelle manière il est possible d’en améliorer la performance. III • Vers des outils plus performants L’efficacité et la fiabilité des outils sont liées, d’une part, à la qualité d’apparition des marques (ce qui est perçu et qui va influencer la mémorisation) ; d’autre part, à la possibilité d’en comparer les effets par rapport à d’autres modalités de communication (notamment publicitaire). Le repérage et le comptage des apparitions dans les médias (tracking) se font de façon arithmétique : nombre de fois que la marque est citée dans les Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 11 Les outils d’aide à la décision en sponsoring sportif : perspectives Gary TRIBOU et Lilian BAUDARD Encadré 1 : La Française des Jeux et le Tour de France 2004 (source : Carat Sport, cité par Bolotny, 2005) Mesure des durées d’apparition de la marque fdjeux.com et du logo trèfle sur les différents supports : maillot (épaule, face, côté, manche droite et gauche), short (arrière, côté), voiture, drapeau ; et valorisation financière. Support Citations Insertions TV Maillot Manches Voiture Maillot Voiture Drapeau Short TOTAL Nombre d’apparitions Durée de visibilité Fdjeux.com 1 386 758 1 046 37 113 Logo trèfle 3 590 61 51 629 7 671 Valorisation financière en équivalent médias 3h50 0h31 0h43 0h01 0h04 1,9 M € 0,739 M € 1,01 M € 30 000 € 88 900 € 2h29 0h02 0h02 0h25 8h10mn45sec 3M€ 55 800 € 43 800 € 0,5M € 10 478 900 € L’investissement de la Française des Jeux estimé entre trois et quatre millions d’euros par an présente donc une rentabilité remarquable avec un retour de plus de dix millions. Les ratios pouvant atteindre des scores de un à dix constituent-ils une évaluation fiable de la rentabilité des investissements ? Par exemple, la performance de Primagaz dans la Route du Rhum dont l’engagement a généré un équivalent publicitaire treize fois supérieur à son investissement sponsoring en 1994 et vingt fois supérieur en 1998, semble pour le moins exagérée. Car elle signifierait que la loi du marché n’a pas joué. En effet, si le sponsoring était à ce point rentable, la conséquence serait alors un retour à l’équilibre du marché par une augmentation de son prix et, inversement, par une baisse du prix des autres formes de communication. Or cela n’a pas été observé, ce qui tend à montrer que la valorisation financière est en partie erronée. Par ailleurs, le fait que le calcul du retour sur investissement soit réalisé par une société d’étude proche (appartenant parfois au même groupe) de celle qui conseille l’annonceur sur ses choix en matière de sponsoring, renforce le scepticisme. Alors comment améliorer le calcul ? Il semble possible de parvenir à une valorisation plus fiable par l’application de quatre types de correctifs. 1) Un premier correctif doit tenir compte du périmètre de collecte. Tendre vers un relevé exhaustif du nombre de titres de presse, de chaînes de télévision, de stations de radio, de sites explorés, est une condition de juste mesure de la réalité de la visibilité. De façon complémentaire et pour chaque média, le principe d’une pondération doit être généralisé et harmonisé pour prendre en compte la qualité d’impact des apparitions. Pour la presse écrite, la surface rédactionnelle peut être pondérée par la pagination (première page, quatrième de couverture ou page intérieure), la présence d’une photographie (gage de l’accroche du lecteur) ou de couleurs, la signature de l’article (selon la notoriété et la légitimité sportive du journaliste). La surface est ensuite multipliée par le nombre de lecteurs (tirage) et le taux de circulation du support (le même support peut être lu par une seule personne ou circuler entre plusieurs personnes). Pour un média audiovisuel, le temps d’antenne peut être pondéré par la puissance de chaque chaîne (son audience), le moment de diffusion (l’audience du matin n’étant pas celle du prime time ou après 22 heures), l’image du présentateur (notoriété, crédibilité, légitimité sportive). 2) Un deuxième correctif porte sur les critères de mesure. Que retient-on ? Certaines sociétés d’études comptabilisent l’intégralité des temps d’apparition de la marque, y compris lorsqu’elle apparaît incomplète à l’écran. D’autres, comme TNS, ne comptabilisent que les apparitions d’au moins une seconde et de 100 % de la marque. D’autres encore placent la barre à cinq à six secondes, estimant qu’en deçà, la perception est insuffisante pour une bonne mémorisation. Dans ces conditions, il est impossible de comparer les performances des investissements. Il semble donc nécessaire d’harmoniser deux modalités de la mesure : 1) fixer une durée minimum correspondant au standard de la publicité (autour de six secondes) ; 2) fixer un pourcentage minimum d’apparition de la marque ou du logo (par exemple : au moins la moitié des premières lettres de la marque ou de la surface du logo) et procéder à un correctif au prorata (75 % du logo = 75% de l’équivalent publicitaire). Par exemple, lors du Tour de France 2001, le Crédit Lyonnais a totalisé plus de six heures de visibilité à partir d’un temps de base de six secondes d’apparition jugé minimum pour pouvoir convertir la durée en Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 12 Les outils d’aide à la décision en sponsoring sportif : perspectives Gary TRIBOU et Lilian BAUDARD équivalent publicitaire. Un critère moins restrictif aurait accentué considérablement l’estimation du retour sur investissement et sans doute renforcé la légitimité des choix en interne. 3) correctif intégrant les codes couleurs renvoie à une approche en termes de reconnaissance de marques et non plus de simple visibilité. Si la marque est vue mais si elle n’est pas mémorisée en tant que telle par une partie de l’audience alors l’efficacité sera réduite d’autant. Si la visibilité est médiocre mais si la reconnaissance est bonne (impact de la couleur de la marque), il conviendra de corriger l’impact à la hausse. Un troisième type de correctif prend en compte la qualité de l’exposition de la marque et permet de passer de la pige brute à la pige nette. • La taille à l’écran. Par exemple, si la marque du sponsor occupe 5 % de l’écran, l’efficacité n’est pas celle d’une insertion publicitaire occupant 100 % de l’espace mais vingt fois moindre ; voire inférieure car la proportionnalité reste à vérifier étant donné la moindre qualité technique de l’apparition. En effet, l’apparition ne présentera pas la même définition – du fait de la diffusion en direct - que ce que permet la production publicitaire en studio. • La place sur l’écran. Une annonce publicitaire place la marque de façon optimale au cœur du message et selon une mise en scène soigneusement élaborée (production rationnelle du message). La marque du sponsor apparaît à la périphérie de l’action et de façon fugace, improvisée et dépendante des conditions environnementales (météo, comportement des acteurs et des spectateurs, incidents liés à un événement sportif, etc.). • Encombrement de l’espace. Si la marque du sponsor est mêlée à celle d’autres marques (alors qu’elle est seule dans la publicité), il convient également d’appliquer un correctif ; mais lequel ? Diviser l’équivalent publicitaire par le nombre de sponsors n’est sans doute pas la meilleure solution car au-delà de trois sponsors, seul le sponsor bénéficiant de la meilleure notoriété est repéré (Pham et Johar, 2001). Il s’agit donc d’adapter l’outil à ces conditions de co-sponsoring. • Importance du code couleur (rouge Coca-Cola, bleu Pepsi-Cola, jaune La Poste, etc.). Les études d’impact montrent que si la couleur du sponsor est reprise à l’écran, l’effet se trouve amplifié. Inversement, si la couleur est celle d’un autre sponsor, l’effet est considérablement réduit. S’ajoute la difficulté des sponsors ayant fait le choix de la même couleur et se trouvant côte à côte. La question est cruciale lorsque les supports sont mobiles et ne permettent pas une bonne lecture des marques. Par exemple, la marque Malboro qui ne pourrait pas être lue lors du passage d’une Formule 1, est cependant perçue grâce au rouge de la marque. De la même façon, le maillot jaune du Tour de France est attribué au Crédit Lyonnais (LCL) même lorsque la marque est illisible dans l’action. Par ailleurs, les codes couleurs gagnent en efficacité à l’international : par exemple, les publics chinois seront touchés par la couleur à défaut de l’être par le nom de marque illisible pour eux. Cette nécessité d’un 4) Un facteur émotionnel inhérent au spectacle sportif apparaît comme étant décisif dans certains contextes d’événements sportifs (Walliser, 1996). En effet, un enjeu sportif marqué (souvent lié à des engagements partisans : patriotiques ou appliqués à des champions ou des clubs) provoque des réactions affectives qui influencent la qualité du message du sponsor (Lardinoit et Derbaix, 2001). Dans ces conditions sentimentales, la visibilité du sponsor peut être influencée par des émotions positives (victoire de l’équipe, suspens du résultat, qualité sportive du jeu, etc.) ou négatives (violences sur le terrain ou dans les gradins, expulsion de joueurs, etc.). Mais comment corriger les scores de visibilité ? Doit-on prendre en compte la victoire du champion national pour corriger à la hausse l’impact du sponsor ? Une émotion de colère ou de déception a-t-elle pour effet inverse de gommer la présence du sponsor ? Nous n’abordons pas ici la question de l’impact sur l’image mais sur la seule visibilité. Un événement très chargé émotionnellement capte l’attention des spectateurs et la focalise sur le jeu, au détriment de la périphérie de l’action sportive et notamment des panneaux. Dans ces conditions, la marque présente sur le maillot des joueurs au cœur de l’action sera davantage vue que celle présente sur les panneaux du stade. Mais ce correctif qui est appliqué globalement (le coût du sponsoring des maillots est supérieur à celui des panneaux) ne l’est pas conjoncturellement. Car il a été démontré qu’un effet de distraction, loin de soustraire le spectateur aux messages des annonceurs, impose un travail cognitif plus soutenu et peut conduire à plus d’attention (par exemple, la clameur d’un stade rend le spectateur plus attentif à une annonce promotionnelle) (Osterhouse et Brock, 1970). Par ailleurs, il faut distinguer les publics fortement impliqués dont l’attention est entièrement captée par l’action, des publics qui le sont faiblement (conjoints notamment). Sur ce point, les résultats de recherche sont parfois en contradiction. Ainsi, les travaux de Lazarfeld (1948) montrent que l’exposition sélective aux messages s’organise plus ou moins inconsciemment selon le degré d’implication. Si l’implication est forte, construite sur une opinion hautement favorable, alors l’attention est maximale ; et inversement si l’implication est faible. Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 13 Les outils d’aide à la décision en sponsoring sportif : perspectives Gary TRIBOU et Lilian BAUDARD Appliquée au sponsoring, la théorie permet de distinguer les publics de passionnés des spectateurs occasionnels et des spectateurs accompagnateurs assistant sans grand enthousiasme au spectacle. Pour toucher les publics faiblement impliqués, il faudra déployer davantage de moyens pour assurer la visibilité du sponsor que pour toucher des passionnés dotés d’une bonne culture de la pratique et de ses partenaires. Par exemple, un passionné de football connaît parfaitement les sponsors de chacune des équipes et des joueurs ; inutile de multiplier les messages pour le lui rappeler. Par contre, le spectateur occasionnel qui a tendance à confondre les sponsors devra faire l’objet d’une communication plus marquée. Relevons que des travaux plus récents (Speed et Thompson, 2000) aboutissent à des conclusions opposées. Ils montrent en effet que les publics faiblement impliqués portent davantage leur attention à l’environnement du jeu sportif (qui ne les intéresse pas) et notamment à l’environnement promotionnel des marques partenaires. La prise en considération de ce facteur émotionnel apparaît donc pour le moins problématique. Conclusion Le sponsoring qui s’est fortement développé au cours des quinze dernières années jusqu’à venir concurrencer des formes plus conventionnelles de communication, se trouve actuellement à un moment décisif de son essor. En effet, adopter ce mode de communication suppose d’en maîtriser le retour sur investissement avec des garanties du même niveau que celles qui ont fait leurs preuves par ailleurs (en publicité médias ou en marketing direct notamment). Cela implique de substituer à l’arsenal actuel et hétéroclite des sociétés d’études un nombre limité d’outils d’aide à la décision dotés de critères similaires de mesure. Un annonceur doit pouvoir décider de sa politique de sponsoring avec un minimum de rationalité, faute de quoi il se rassurera en optant pour des supports de communication mieux dotés. Références bibliographiques Anne, F. (1992). « La mesure de l’efficacité du sponsoring. » Revue française du marketing, 138, 123-136. Bolotny, F. (2005). Le sponsoring sportif. Paris : Les Échos - Eurostaf. Desbordes, M., éd. (2004). Stratégie des entreprises dans le sport. Paris : Économica. Lardinoit, T. & Derbaix, C. (2001). “Sponsorship and Recall of Sponsors.” Psychology & Marketing, 18-2, 167-190. 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Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 14 A r t i c l e s Le marché des seniors : une approche marketing adaptée à une nouvelle offre de services sportifs Par Marie-Josephe LEROUX-SOSTENES, maître de conférences à la faculté des sciences du sport et de l’éducation physique de Rouen, et Chantal ROUVRAIS-CHARRON, maître de conférences à l’ IUT de Caen, département « Techniques de commercialisation » Groupe Territorial BP 215 - 38506 Voiron Cedex - Tél. : 04 76 65 87 17 - Fax : 04 76 05 01 63 - www.territorial.fr Copyright Territorial Éditions - Reproduction interdite – Septembre 2008 Réf. Revue européenne du management du sport n° 23 Uniquement disponible par téléchargement sur www.territorial.fr ou www.acteursdusport.fr A r t i c l e s Résumé L’objectif de cette contribution est de mettre l’accent sur l’évolution de la société sportive, sur son vieillissement, sur l’adaptation nécessaire du service sportif. L’aspect social compensatoire des activités physiques dans un contexte global de vieillissement de la population française est souligné. Loin d’une pratique orientée vers l’optimisation de la performance, il s’agit là, bien au contraire, de préserver le potentiel physique des individus sur le long terme. L’enquête qualitative réalisée auprès de seniors met en lumière la nécessité de proposer une offre de services en réponse à des attentes clairement exprimées. Mots-clés Marketing des seniors, activités physiques, liens sociaux, vieillesse, santé Abstract The objective of this contribution is to emphasize the changes in the sports-oriented population, notably aging, and the adaptations that sports services thus need to make. The social compensations of physical activities in the aging French population are particularly underlined. Far from the practices oriented toward optimizing performance, these services are dedicated to helping individuals to maintain physical fitness for as long as possible. A qualitative survey among the elderly revealed the need for this type of service in response to very clearly expressed demand. Key words Senior market, physical activities, social links, aging, health Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 16 Le marché des seniors : une approche marketing adaptée à une nouvelle offre de services sportifs Marie-Josephe LEROUX-SOSTENES et Chantal ROUVRAIS-CHARRON Introduction Il est difficile aujourd’hui de se déclarer « non sportif » sans passer pour un malade ou un être malsain (Rauch, 1998). En effet, le mot « sport » connote une idée positive ; il est socialement valorisé car perçu comme étant utile, bienfaisant et synonyme de santé et de jeunesse. En outre, la pratique sportive, animée par des motivations esthétiques et de plaisir ou plus simplement par des raisons médicales, connaît un fort développement induit par le « papy-boom » et le sport féminin (Travaillot, 2002). Selon l’enquête menée par l’INSEP (2005), le taux de pratique des APS des personnes âgées de 50 à 59 ans est de 70 % et proche de celui de la population hors seniors (84 %). Il s’avère par ailleurs que l’écart entre les deux sexes (65 % pour les hommes et 43 % pour les femmes) s’amplifie avec l’âge. C’est pourquoi l’étude du comportement des seniors suscite de plus en plus d’intérêt tant au niveau médical qu’aux niveaux sociologique et marketing. En effet, les seniors constituent un marché prometteur compte tenu de leur croissance régulière et du pouvoir d’achat qu’ils représentent. Les « papy-boomers » de 50-65 ans représentent aujourd’hui 10 millions de personnes et seront 20 millions en 2020. L’objectif de cette contribution est de mettre l’accent sur le vieillissement de la société sportive et sur l’adaptation nécessaire du service sportif. Il s’agit notamment d’envisager les activités comme une opportunité « d’être » pour le senior dans le troisième âge de sa vie. Dans un monde où il y a une confusion des valeurs et des rôles sociaux, les qualités du vieillissement perdent de leur attrait au profit d’une quête de « jeunesse éternelle » (Lipovetsky, 2006 ; Maffesoli, 2007). En conséquence, ce travail de recherche s’inscrit dans une approche compréhensive postmoderne des comportements de l’individu et est traité sous un éclairage marketing. Le dispositif expérimental mis en oeuvre repose sur la réalisation d’une enquête exploratoire auprès de 26 seniors. La démarche qualitative choisie pour la collecte des données se justifie pour deux raisons principales : la souplesse de l’entretien permet de recueillir des informations et des éléments de réflexion très variés ; l’expression libre des personnes interrogées alloue une plus grande authenticité et profondeur aux réponses données (Quivy et Van Campenhoudt, 1995). Quant à l’exploitation des données, c’est l’analyse de contenu des entretiens qui a été privilégiée pour restituer au mieux le sens des propos tenus par les participants à l’enquête (cf. annexe). L’article se structure en deux parties. Après avoir défini le senior et le concept de l’âge subjectif, le premier point vise à mettre en lumière les ruptures liées à une transformation physique et aux changements de l’environnement socioculturel. La seconde partie a pour ambition de considérer les activités physiques comme une alternative aux ruptures et d’envisager des modalités d’offres sportives adressées aux seniors. I • Le senior confronté à des ruptures physiologiques et sociales Le terme senior prend son origine dans le sport. Il a été utilisé en marketing pour désigner de manière pudique les Français les plus âgés. Selon Tréguer et Segati (2003), la segmentation de la population et la définition du senior doivent être adaptées à chaque organisme, à chaque entreprise mais aussi à chaque produit ou service. Par ailleurs, si l’âge est un critère qui s’impose de lui-même pour définir les seniors, celui-ci apparaît comme insuffisant. En effet, quel est le point commun entre une femme de 48 ans, deux fois grand-mère, mariée avec un homme de 15 ans son aîné, sans activité professionnelle et une femme du même âge ayant un enfant en maternelle, partageant sa vie avec un homme de 10 ans son cadet, cadre supérieur et ambitieuse professionnellement ? De plus, transformation physiologique et modifications de l’environnement socioculturel affectent cette population de seniors. A - Approche définitionnelle du senior « trois ième âge » Gicquel (2007) relève six critères essentiels pour segmenter le marché des seniors : l’âge, le niveau de revenu, le fait d’être actif ou non, l’état de santé, le temps disponible et la génération d’appartenance. Si l’intérêt marketing de cette segmentation est indéniable, nous retiendrons une définition plus synthétique du senior pour notre domaine d’investigation. L’allongement de l’espérance de vie liée aux progrès scientifiques et médicaux ainsi qu’au contexte sociologique et culturel, variable selon les individus, contribue à reconsidérer les notions de vieillesse et de senior. Ainsi la vieillesse peut-elle être décomposée en deux périodes : le « troisième âge » regroupant des individus en forme physique (de 60 à 80 ans) et le « quatrième âge » (au-delà de 80 ans) correspondant à des personnes atteintes de sénescence. Les « papy-boomers », nés entre 1945 et 1954, ont un certain nombre de points communs générationnels : vécu de mai 1968, indépendance, souci de soi, refus de se sentir vieux, individualisme, narcissisme. Ils vivent des structures familiales différentes : des enfants de plusieurs lits, des petits-enfants « rois », des parents encore vivants et parfois dépendants. Tous ces éléments font que cette population est très subordonnée à ses liens familiaux, donc moins autonome qu’elle ne le projetait et qu’elle ne le souhaiterait. Pour les seniors interrogés, la perception de la vieillesse n’est pas rattachée particulièrement à un âge mais est associée à un état d’esprit : on peut être vieux mais jeune d’esprit et inversement. L’analyse des propos relatifs à la question « A partir Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 17 Le marché des seniors : une approche marketing adaptée à une nouvelle offre de services sportifs Marie-Josephe LEROUX-SOSTENES et Chantal ROUVRAIS-CHARRON de quand, de quoi, de quel moment pensez-vous que l’on est vieux ? » fait apparaître cinq idées majeures connotées à la vieillesse : ne pas avoir de projets ; ne pas s’intéresser au monde et aux autres ; perdre ses relations ; être en mauvaise santé ; ne plus se déplacer. Dès lors, la représentation sociale de la vieillesse, au sens de connaissance socialement élaborée et partagée, renvoie à la perte de performances, à la dégradation physique, à la fragilité du corps (Feillet et Roncin, 2001). Le sport peut ainsi être considéré comme un outil au service de la santé, de la forme et de la jeunesse. Notre approche des seniors retient le terme de « troisième âge » comme définition. Si dans l’imaginaire collectif, le « quatrième âge » se conjugue avec solitude, dépendance et tristesse, le mode de vie des seniors du troisième âge rime avec liberté d’agir et recherche de plaisir. Contrairement à la génération précédente, ils n’ont connu que les bienfaits des Trente Glorieuses. Par ailleurs, l’expression « troisième âge » permet de prendre en compte le décalage entre l’âge subjectif (âge perçu) et l’âge chronologique (âge réel). B - Décalage entre âge perçu et âge réel La théorie de l’âge subjectif désigne la tendance à se percevoir plus jeune ou plus âgé que la réalité (10 à 15 ans plus jeune en moyenne en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis) (Guiot, 2006, p. 66). Il s’avère que cette variable prédit mieux les comportements des individus que l’âge réel, particulièrement pour les consommations destinées à véhiculer des signes (Guiot, 1999). Les facteurs explicatifs de l’âge subjectif sont notamment l’aspiration au rajeunissement, l’importance accordée à l’apparence physique et l’estime de soi. Parmi les 26 seniors interrogés dans le cadre de l’enquête, seuls 4 déclarent « avoir l’âge de leurs artères ». Pour les personnes se percevant plus jeunes que leur âge, un décalage de 14 années est constaté : âge réel moyen = 66 ans et âge perçu moyen = 52 ans. Ces résultats sont en totale conformité avec les travaux de Guiot (1999 ; 2006). Toutefois, deux femmes, ayant une apparence physique et une allure jeunes, ont le sentiment d’avoir 20 ans : « Je n’ai pas d’âge dans ma tête (…) je dois calculer à partir de ma date de naissance lorsqu’on me demande mon âge ». Pour les 20 autres seniors, ils invoquent principalement par ordre d’importance leur bonne santé, leur entourage et la proximité relationnelle avec leurs enfants et petits enfants pour expliquer ce décalage entre leur âge chronologique et leur âge subjectif (tableau 1). Tableau 1 : Raisons principales invoquées par les seniors justifiant leur âge perçu Bonne santé (77 % des citations) « Tant que je me sens bien, que je peux marcher, je ne suis pas vieux ». « Je ne vieillis pas tant que je vais bien ». « Je n’ai mal nulle part ; alors tout va bien ». « Je n’ai pas eu de gros problème sur le plan physique et je me dis que cela ne durera pas éternellement ». « Quand on n’a pas de problème, on se sent jeune ». Entourage « J’ai fait récemment des auto-tamponneuses. Je l’ai fait car j’étais avec des amis (43 % des citations) jeunes et j’avais envie de m’amuser ». « Je ne me pose pas la question de mon âge car je continue à être entouré de jeunes ». « Je n’ai pas l’impression d’avoir l’âge que j’ai et je me sens bien par rapport aux gens qui se replient sur eux-mêmes ». Relations avec les « Les contacts avec les gens, les enfants, les petits enfants, ils nous poussent à enfants et petits rester dans le coup ». enfants « J’accompagne mon petit-fils dans ses activités sportives et je fais du camping ». (28 % des citations) « Je discute avec mes enfants ; je n’ai pas lâché ». « Quand je suis avec mon fils (36 ans) et ses copains, je me sens très jeune. Ils disent qu’on ne me donne pas mon âge ». Au-delà du mode d’expression de soi et de son Globalement, les personnes interrogées, ayant le apparence, la pratique sportive traduit un souci de sentiment d’être plus jeunes que leur âge réel, préservation de la santé qui est une des donnent la période 45-50 ans comme étant un point préoccupations majeures de notre société (Tréguer d’ancrage. En conséquence, l’âge subjectif ou âge et Segati, 2003). La grande santé, existentielle et e perçu pour les seniors du « troisième âge » est un médicale, est devenue une utopie du XXI siècle déterminant important dans la consommation des (Sfez, 1997). Selon l’Organisation Mondiale de la services sportifs dont l’image doit être la plus Santé, la santé se définit comme un état de bienproche possible de celle des utilisateurs seniors. être physique, mental et social ne se caractérisant Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 18 Le marché des seniors : une approche marketing adaptée à une nouvelle offre de services sportifs Marie-Josephe LEROUX-SOSTENES et Chantal ROUVRAIS-CHARRON pas uniquement par l’absence de maladie ou d’infirmité. Se sentir bien, avoir une impression de bien-être, reste une expérience individuelle subjective en comparaison avec autrui. De plus, une personne en forme est une personne qui reste habitée par les passions de la jeunesse, même si elle est confrontée à des bouleversements sociaux et culturels (Rauch, 1998). Il convient donc de souligner que les frontières entre les tranches de vie sont devenues de plus en plus poreuses. Seuls deux marqueurs demeurent indiscutables pour définir les cycles de vie : la majorité correspondant aux premiers pas dans un monde d’autonomie et la retraite révélatrice d’un changement physique et de statut socioculturel. C - Transformations de son image extérieure et de son environnement socioculturel Le « troisième âge » est un cap difficile à franchir à plusieurs égards (Tréguer et Segati, 2003). En premier lieu, la transformation de son image extérieure doit être assumée par le senior. Pour Maffesoli (2007), les multiples images par lesquelles la postmodernité se met en spectacle tournent autour de la valorisation d’une jeunesse perpétuelle. Au travers de son apparence (allure physique, habillement), l’individu exprime à la fois sa différence et sa reliance aux autres. Il donne ainsi les signes d’une expérience de l’être collectif et dit à son entourage qui il est. L’apparence peut ainsi être considérée comme un mode d’expression traduisant un esprit commun. Elle conditionne la reconnaissance et l’acceptation que les autres auront à notre égard. Comme l’âge de la retraite va être déplacé, il conviendra d’avoir une apparence de plus en plus jeune ; chirurgie esthétique, cosmétiques et sport sont des secteurs d’activité voués à se développer (Mottot, 2008). Pour Aubert (2004), nous sommes passés d’un corps asservi à un corps auto-façonné tant dans son fonctionnement que dans son apparence. Avoir l’impression de maîtriser son corps et le temps renvoie à l’idée selon laquelle on s’oriente vers un « mieux-être » immédiat (Maffesoli, 2007). Ainsi l’image que l’on donne de soi au travers de sa consommation est-elle un marqueur de sa position dans la société. La consommation symbolique est ici consacrée. La manière dont les seniors perçoivent les publicités est révélatrice de ce souci d’apparence et d’acceptation sociale. En effet, ils refusent d’être enfermés dans un « ghetto ridé », même sur un registre humoristique (Chevalier, 1999). En deuxième lieu, le cap du « troisième âge » se conjugue avec le syndrome du nid vide et l’arrêt de l’activité professionnelle. Se retrouver en couple, lorsqu’on a été pris par l’éducation des enfants et peut-être par la nécessité de se construire une carrière, est souvent un choc brutal. La retraite implique une perte de liens professionnels et de rythmes imposés par la vie active. En troisième lieu, la préservation de sa santé est une des préoccupations du senior (Tréguer et Segati, 2003). La société postmoderne loue le bienêtre qui, selon Lipovetsky (2006), cohabite avec la difficulté à vivre et un mal-être subjectif. Être en forme et en bonne santé, communiquer, ressentir des émotions, partager des moments, vivre des expériences sont les motivations qui dirigent la « consommation pour soi », pour exister tout en ayant du plaisir. De plus, une bonne santé acquise par une pratique sportive éloigne la maladie et les effets du vieillissement (« mangerbouger.fr »). Par ce biais, un grand nombre de personnes âgées conservent une bonne estime d’elles-mêmes et un niveau élevé de satisfaction de la vie malgré les déficits physiques et la cessation d’activités professionnelles (Guiot, 2006). Dans une démarche volontariste, les seniors cherchent donc à agir pour donner du sens à leur vie tout en ayant conscience de leur éloignement d’un certain monde (Caradec, 2004). Dans cette optique, il est possible d’avancer l’idée de lutte contre la vacuité de l’existence. C’est pourquoi l’activité physique entendue comme un loisir (Dumazedier, 1972 ; Elias et Dunning, 1998) peut être envisagée comme un plaisir compensatoire à des ruptures supportées contre son gré. Plaisir et épanouissement personnel se marient alors avec l’exercice du sport pour soi et sans obligations. II • Les activités physiques sont-elles une alternative aux ruptures ? Il s’avère que deux tiers des retraités transforment les ruptures physiologiques et sociales en opportunités nouvelles de développement de vie (Guiot, 2006). L’approche de ces adaptations à une étape de la vie s’inscrit dans le courant de recherches traitant du processus de la continuité. Deux types de continuité coexistent : l’une interne exprime le maintien chez le senior de la perception qu’il a de lui-même (le « moi sans âge ») ; l’autre externe se traduit par le développement d’activités compensatoires donnant lieu à de nouveaux rôles sociaux. Un tel dénouement suppose la mise en œuvre de différentes actions volontaires de la part du senior comme l’exercice physique, le maintien de relations sociales hors du contexte familial, la pratique d’activités cognitives. Les liens noués dans un cadre sportif peuvent constituer une « opportunité d’être » pour le senior. Mais encore faut-il que l’offre des professionnels soit en adéquation avec les attentes de ce dernier. Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 19 Le marché des seniors : une approche marketing adaptée à une nouvelle offre de services sportifs Marie-Josephe LEROUX-SOSTENES et Chantal ROUVRAIS-CHARRON A - Bouger pour mieux vivre Les seniors interrogés, tous ayant au moins une activité sportive, ne comprennent pas les non pratiquants même s’ils respectent ce choix. Pour eux, « Le sport, c’est la vie. Si on ne bouge plus et si on ne fait plus rien, c’est l’antichambre de la mort ». Ils mettent en avant le fait que le sport contribue à l’image du corps qui est essentielle pour ne pas se sentir vieux. Par ailleurs, ils envisagent les activités sportives comme un moyen de reculer les effets du vieillissement ou plus singulièrement de « vieillir jeune ». Ce sentiment de pouvoir contrôler son corps est souvent opposé à la maladie subie. Choisir de pratiquer une activité physique pour les seniors relève conjointement d’un choix affectif et d’un choix raisonné. Parmi les pratiques sportives, les seniors privilégient d’abord celles qui leur plaisent. En effet, quand on les interroge sur leurs choix, c’est en priorité l’affectif qui les oriente vers une pratique particulière. Le « J’aime… » est alors une justification en lui-même. Leurs motivations peuvent être regroupées en quatre thèmes principaux : la forme, la santé, la décompression, et enfin, la communion avec la nature. L’ensemble de ces éléments amène à une amélioration du bien être au quotidien (cf. figure 1). Figure 1 : La roue des motivations du « bouger pour mieux vivre » Choix affectif Etre en forme Santé Activité physique : « Bouger pour mieux vivre » Communion avec la nature Décompression Choix raisonné La première raison de pratique sportive des seniors, qui émerge des entretiens semi-directifs, est « être en forme ». Seules deux personnes sur 26 n’ont pas avancé spontanément ce motif. La forme est appréhendée par le maintien du corps, la volonté de rester tonique ou encore la recherche de souplesse. Quant à la forme psychologique, elle est ressentie au travers de l’entretien de la mémoire, de la forme intellectuelle, du moral. Atteindre cet objectif de forme s’envisage également dans l’effort et la réalisation de progrès : « Faire de l’aquagym avec d’autres permet un meilleur suivi, une progression ». La deuxième motivation citée par deux tiers des seniors interviewés est l’effet positif du sport sur leur santé. « La marche et la natation ont des effets positifs sur la santé évidents (…) la prévention des maladies, c’est sentir son corps ; je ne dépasse jamais mes limites ; je ne veux pas de logique de compétition » ; « C’est pour conserver ma musculature, ne pas perdre ». Les seniors, comme l’ensemble de la population, cherchent à lutter contre le stress. C’est pourquoi l’activité physique est perçue en troisième lieu comme un moyen permettant de décompresser pour plus de 50 % des personnes interrogées. La variable « décompression » s’analyse à partir de deux degrés : au niveau physique (« J’ai toujours fait du sport pour me défouler, libérer de l’énergie » ; « J’ai le goût de l’effort physique ») et au niveau mental (« Cela me change les idées ; c’est la récréation »). Enfin, le contact avec la nature ressort comme une motivation importante. En effet, 20 personnes interrogées pratiquent la randonnée ou la marche. Mais d’autres activités s’exerçant dans un cadre naturel intéressent aussi les seniors telles que le golf, le vélo, l’équitation, le ski de fond, nautique ou le surf. L’amour de la nature est présenté comme un argument prépondérant : « Faire de la randonnée, c’est être en contact avec la nature vraie : montagne, plage, forêt » ; « A vélo, on découvre ce que l’on ne voit pas en voiture (oiseaux, biches) ». En parallèle de ces choix d’ordre affectif, les seniors prennent aussi en considération des variables plus objectives. À la question « qu’est-ce qui vous freine par rapport à certaines activités physiques qui vous intéresseraient ? », les seniors avancent quatre motifs principaux : la prise en compte du risque encouru en raison de leur âge, les éventuels problèmes de santé, un manque de temps, mais aussi l’accessibilité géographique des différentes activités. On peut alors considérer ces informations comme relevant de choix raisonnés. Ceci conforte le discours sur les pratiques sportives après 60 ans : le sport est bon pour la santé mais il renferme des risques que le pratiquant senior ne peut pas ignorer (Feillet et Roncin, 2001 ; INSEP, 2005). En conséquence, les pratiques sportives recommandées sont celles qui apportent des Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 20 Le marché des seniors : une approche marketing adaptée à une nouvelle offre de services sportifs Marie-Josephe LEROUX-SOSTENES et Chantal ROUVRAIS-CHARRON bienfaits physiques, psychologiques et sociaux. Le « vivre ensemble » doit prévaloir sur le « vivre des émotions fortes ». Les apports intrinsèques du sport pour une population vieillissante peuvent s’apparenter à « l’aire intermédiaire d’expérience » à laquelle Amirou (1994) fait référence dans ses travaux sur le tourisme. Emprunté au psychanalyste et pédiatre Donald Winnicott, ce terme désigne la zone d’accommodation que l’individu élabore pour passer d’un monde intérieur (réalité du dedans) à un monde extérieur (réalité du dehors). La pratique sportive peut ainsi revêtir la forme d’un « espace transitionnel » pour s’adapter à une rupture physiologique, socioculturelle et temporelle subie par le senior. Plusieurs dissonances cognitives de ce dernier (rapport à soi/rapport aux autres) trouvent ainsi une solution subjective dans l’activité physique : âge perçu/âge réel ; vieillesse/jeunesse ; maladie/santé ; le « je »/le « nous ». Cette manière d’appréhender la réalité est empreinte certes d’illusions mais n’est ni défensive, ni sclérosante (Amirou, 1994). Le senior pratiquant cherche ainsi à partager des émotions, à se valoriser et à s’accomplir au travers de sa triple quête : la forme physique, la réalisation de soi et les relations avec l’autre. Mais le ciment de son attente demeure la recherche de liens notamment en raison de son « décrochage » socioculturel et temporel. B - Compenser les ruptures par des activités créatrices de liens Les travaux sur les effets du vieillissement (Cormilleau et al., 2006) apportent de plus en plus la preuve que la participation à la vie communautaire et le soutien social contribuent à la santé physique et mentale des aînés. Cet appui social, source d’interaction et de « connexion », peut pallier la solitude, la dépression et la maladie. Cela est particulièrement important pour ceux et celles qui font face à des expériences éprouvantes comme la retraite prématurée, la maladie ou le décès d’un être cher. Un individu au cours des différentes étapes de sa vie assume des rôles successifs distincts générant une redéfinition des « moi ». En d’autres termes, à chaque rôle social est associé un « moi » dont découlent les relations instaurées avec les autres. Le rapport entre le senior et une pratique sportive, entendue comme la consommation d’un service, peut être appréhendé sous deux angles : l’un classique où le service consommé est une réponse à un besoin précis ; l’autre plus sociologique assimile le service à un indicateur de rôle. Ces deux perceptions semblent indissociables dans la mesure où la fonction utilitaire du service est alliée de fait au rôle joué par le senior. Le lien social est une manière de cheminer ensemble dans une ambiance plus fusionnelle (Amirou, 1994 ; Maffesoli, 1998 et 2007). L’analyse des propos tenus par les 26 seniors interrogés met en perspective la nature des liens issus de leurs activités sportives (tableau 2). Trois bénéfices relationnels majeurs sont mis en avant : « faire des rencontres », « entretenir ses liens » et « partager ». Tableau 2 : Les bénéfices relationnels créés par la pratique d’activités sportives pour les seniors Faire des rencontres, mêmes éphémères, pour rompre avec le quotidien, avec la solitude (96 % des citations) « Ça me permet de rencontrer du monde ». « On parle durant les randonnées, c’est une occasion d’échanges ». « C’est le plaisir de rencontrer du monde et de discuter ». « On rencontre des gens différents et intéressants ». « Cela me permet de choisir entre la sympathie et les contacts superficiels ». « Comme je suis seule, j’aime bien rencontrer des gens ». Entretenir des liens existants en « Je pratique le golf avec des amis de longue date ». créant des occasions de se réunir « Avec des amis, on se retrouve avant d’aller nager ». (50 % des citations) « Dans les coups difficiles, les personnes d’un même groupe de sport peuvent nous aider ». Partager des émotions, des « Je rencontre des personnes qui ont la même sensibilité que moi ». centres d’intérêt « On passe de bons moments ensemble ». (46 % des citations) « On s’arrête ; on prend le temps ; on va boire quelque chose ; on fait des pauses « chocolat » ; on s’arrête quand quelque chose est beau ». « L’organisation du pique-nique nocturne « la rando du soir », c’est 100 personnes. C’est pas seulement des seniors ». que dans et par le regard de l’autre. Se gouverner D’après le tableau 2, les apports des activités revient pour elle à trouver un juste équilibre entre sa sportives au niveau des liens se révèlent être en volonté d’être unique pour préserver son étroite corrélation avec des caractéristiques du individualité et son désir manifeste d’appartenir à consommateur postmoderne : sentiment différents groupes ou tribus. d’appartenance à un groupe, choix délibéré de son groupe, désir d’émotions partagées, recherche de Au-delà des constats induits par l’analyse de participation et d’expériences, retour aux valeurs l’enquête effectuée, il s’agit de s’interroger sur les sociétales (Cova et Louyot-Gallicher, 2006). En formes de l’offre sportive à construire en direction outre, les réponses des seniors confirment la nette des seniors qui représentent une demande en forte tendance à « préférer le même que soi ». La croissance. Cette réflexion suppose une proposition personne n’existe que dans et par l’esprit de l’autre, Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 21 Le marché des seniors : une approche marketing adaptée à une nouvelle offre de services sportifs Marie-Josephe LEROUX-SOSTENES et Chantal ROUVRAIS-CHARRON marketing, de opérationnelles. la stratégie aux actions C - Une nouvelle offre d’activités physiques pour les seniors Les seniors, comme leurs cadets, pratiquent majoritairement la marche (21 personnes sur 26), la natation (13 personnes), la gymnastique (10 personnes) et le vélo (8 personnes). Leur pratique est plus autonome et assidue. Que doivent proposer les professionnels pour répondre au mieux aux différentes dimensions des attentes des seniors ? Hormis le type d’activité pratiquée, il est souhaitable qu’ils mettent en œuvre une démarche marketing adaptée par l’élaboration d’une stratégie, le choix d’un positionnement et la réalisation d’un marketing-mix. En amont de la stratégie, une nouvelle conception d’organisation (privée ou publique) prestataire de services sportifs est à concevoir. Celle-ci doit se construire autour de trois idées fortes. Tout d’abord, il semble nécessaire de privilégier la convivialité de l’activité physique aux résultats sportifs. Deuxièmement, même si le groupe est à géométrie variable, il est souhaitable de s’attacher à sa constitution de façon à ce que chacun y trouve sa place. En dernier lieu, il faut permettre aux pratiquants de prendre leur temps pour découvrir, discuter, faire des connaissances. Ces trois points constituent des contraintes incontournables pour toute organisation souhaitant répondre aux attentes actuelles des seniors. Plus précisément en termes de stratégie, il semble intéressant de retenir la différenciation. L’offre existante dans le domaine des activités physiques s’adresse plus particulièrement aux enfants, aux adolescents et aux actifs, même si certains cours sont aménagés pour des pratiquants plus âgés. De fait, cette stratégie va impliquer une adaptation des équipements ou lieux de pratique, du personnel d’encadrement et de l’organisation des services sportifs. « Bouger pour mieux vivre » peut être le positionnement à retenir car il met en avant des caractéristiques du service proposé (ex : la qualité des équipements, la formation du personnel et l’organisation spécifique), tout en identifiant les catégories d’utilisateurs (les seniors). En ce qui concerne les variables du marketing-mix, des propositions peuvent être formulées à l’intention des professionnels : pour le service, l’offre d’équipements ou de lieux de pratique doit être de qualité, et adaptée aux seniors. Ainsi, pour la randonnée, les chemins doivent être entretenus et sécurisés afin de limiter les chutes, principale cause de mort et d’hospitalisation des personnes de plus de 65 ans (Koshi et al., 1996). De même, pour favoriser les échanges, des espaces conviviaux permettant de faire des pauses sont à créer le long d’un parcours. Par ailleurs, le niveau - - - intellectuel de la population tendant à augmenter en France, les retraités d’aujourd’hui sont de plus en plus sensibles aux exercices alliant sport et culture (ex : informations sur la faune, la flore, l’histoire ou la légende des lieux). Des panneaux indicatifs et/ou une personne qualifiée pourraient être le support de cet apport culturel. Pour la gymnastique et la natation, l’accent doit être mis sur le personnel d’encadrement. Les seniors attendent davantage un accompagnement, un guide plutôt que des directives strictes lors de pratiques soit spécifiques à leur tranche d’âge soit intergénérationnelles. L’approche pédagogique du formateur doit donc prendre en compte l’histoire et les connaissances que possèdent les pratiquants, mais aussi les limites à ne pas dépasser qui sont différentes d’une personne à l’autre (ex : potentiel musculaire, déficience visuelle et auditive). La pédagogie doit être très personnalisée ; pour la variable prix, la structure d’accueil importe. Une société privée a toujours un objectif de rentabilité pour ses actionnaires et ne peut faire appel à des aides extérieures. Ceci a des conséquences importantes sur la politique de prix, rendant difficile une tarification en fonction des caractéristiques des clients. En revanche, une organisation publique ou une association, en raison des subsides dont elle bénéficie, a davantage l’opportunité de fixer des prix accessibles au plus grand nombre. Dans ce cas, la pratique d’activités physiques et sportives s’inscrit clairement dans une optique de santé publique et de cohésion sociale ; en termes de communication externe, l’axe publicitaire doit traduire le positionnement « bouger pour mieux vivre ». Les termes forts de la communication seront alors : la santé, la forme et le bien-être acquis par la pratique d’activités physiques adaptées. Ils sont en complète résonance avec les motivations des seniors ; la variable distribution est plus appropriée aux organisations privées comme les centres de remise en forme. Ces structures souvent sous l’égide d’une franchise sont présentes en divers points du territoire. En conséquence, le client peut bénéficier des prestations dans le centre de son choix. Pour les associations et les structures publiques, leur singularité est liée à leur localisation géographique. Leur implantation est plus souvent la résultante de considérations sociales locales. Conclusion Pour les seniors du « troisième âge », la retraite n’équivaut pas à un désengagement de la société. Même si cette période est une rupture avec l’activité professionnelle, le départ des enfants et une transformation physique, elle reste une tranche Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 22 Le marché des seniors : une approche marketing adaptée à une nouvelle offre de services sportifs Marie-Josephe LEROUX-SOSTENES et Chantal ROUVRAIS-CHARRON de vie où le maître mot est plaisir. Il s’agit de consacrer du temps à ce que l’on aime : exercices physiques, liens sociaux et acquisition de nouvelles connaissances. Entretenir sa jeunesse et retarder les effets du vieillissement sont les objectifs visés par le slogan « bien bouger pour rester en forme ». C’est ainsi que les campagnes de prévention sanitaire incitent chacun à se prendre en charge, faisant d’injonctions collectives des recommandations individuelles (Mottot, 2008). Notre objectif initial visait à présenter les activités physiques pour les seniors comme une continuité « d’être » tant au niveau physique et mental qu’au niveau social. Préserver sa santé en prenant soin de son corps et maintenir des liens avec les autres restent les clés fondamentales pour appréhender au mieux le troisième âge. De plus, les bienfaits des activités physiques permettent aux seniors de ne pas se sentir en décalage avec leur âge perçu. L’enquête qualitative réalisée a surtout mis en lumière les différentes facettes des motivations des seniors pour les pratiques physiques. Même si de nombreux travaux de recherche l’ont déjà démonté, l’interdépendance entre le physique et le moral est confirmée. Notre apport réside dans l’importance qu’il faut accorder aux liens créés par les activités physiques. C’est pourquoi, inscrit dans une approche postmoderne, ce travail de recherche est traité au travers du prisme des rapports à soi et au monde (Amirou, 1994 ; Maffesoli, 2007). Une connaissance approfondie des comportements des seniors permet d’orienter la stratégie marketing des professionnels et d’envisager des actions opérationnelles. Si le besoin d’une continuité « d’être » et d’un projet individuel de santé durable via le sport est propre à chaque senior, les organisations le satisfaisant se différencient principalement par leur politique de services (ex : équipements adaptés, qualification du personnel d’encadrement) et leur politique de prix dépendante de leur forme juridique. Loret (2004) dans sa conception du sport pour un nouveau siècle souligne l’entrée de la pratique sportive dans une ère de demande sociale complexe. Aussi l’État ne peut-il pas se désengager dans la démarche de santé physique et mentale d’une population vieillissante même si les entreprises sportives privées se développent de manière croissante sur le marché porteur des seniors. 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Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 23 Le marché des seniors : une approche marketing adaptée à une nouvelle offre de services sportifs Marie-Josephe LEROUX-SOSTENES et Chantal ROUVRAIS-CHARRON Annexe – Méthodologie de l’enquête exploratoire réalisée en mai 2008 La revue de la littérature et la problématique traitée ont débouché sur l’élaboration d’un guide d’entretien comportant les points suivants : - types d’activités sportives pratiquées et fréquence ; - préférence pour les activités encadrées ou en autonomie ; - motivations pour ces activités sportives ; - opportunités de rencontres lors de ces activités sportives ; - freins éventuels à l’arrêt ou à la non pratique d’une activité sportive ; - perception des seniors ne pratiquant aucune activité sportive ; - définition de la « personne âgée » ; - perception de son âge (âge subjectif) ; - fiche signalétique (âge chronologique, sexe, ancienne activité professionnelle). occurrences des termes utilisés par les personnes interrogées. D’une part, l’analyse thématique et plus précisément catégorielle a été retenue afin d’appréhender au mieux les représentations sociales des seniors et de les quantifier. D’autre part, l’analyse structurale avec les co-occurrences a permis de cerner les associations de thèmes, révélatrices des préoccupations de la population étudiée. Après avoir testé le guide d’entretien afin de ne pas établir de biais liés au vocabulaire utilisé ou à la compréhension des questions, 26 personnes ayant exercé une activité professionnelle et pratiquant une ou plusieurs activités sportives ont été interrogées en face à face. L’interviewer a laissé ces personnes s’exprimer librement même si l’ordre des questions n’était pas respecté afin de restituer au mieux l’authenticité des réponses. L’objectif de l’étude étant exploratoire, aucun souci de représentativité n’a été recherché. Age moyen des personnes interrogées : 66 ans Caractéristiques de l’échantillon Ancienne PCS Hommes Femmes Agriculteurs - exploitants 0 0 Artisans - commerçants - 1 1 chefs d’entreprise Cadres et professions 5 9 intellectuelles supérieures Professions 2 3 intermédiaires Employés 2 3 ouvriers 0 0 Autres, sans activité 0 0 professionnelle Totaux 10 16 La procédure d’analyse a été effectuée manuellement, à partir d’un dictionnaire des thèmes et compte tenu des fréquences relatives et des coRevue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 24 A r t i c l e s Une analyse de la relation satisfaction-fidélité et de ses effets modérateurs dans les services sportifs. L’exemple des pratiques de forme Par Guillaume BODET, Institute of Sport and Leisure Policy School of Sport and Exercise Sciences, Loughborough University (UK) Groupe Territorial BP 215 - 38506 Voiron Cedex - Tél. : 04 76 65 87 17 - Fax : 04 76 05 01 63 - www.territorial.fr Copyright Territorial Éditions - Reproduction interdite – Septembre 2008 Réf. Revue européenne du management du sport n° 23 Uniquement disponible par téléchargement sur www.territorial.fr ou www.acteursdusport.fr A r t i c l e s Résumé Cette recherche avait pour objectif de tester l’influence de variables modératrices de la relation satisfaction – fidélité dans les services sportifs. Une étude empirique réalisée sur les services sportifs dans le secteur des pratiques de forme nous a permis de mettre en évidence le rôle modérateur joué par le genre, l’âge, l’ancienneté dans la structure et l’implication dans l’activité physique et sportive. Ces variables modératrices constituent des pistes de segmentation des publics pour les responsables de structure de pratique sportive engagés dans une démarche de fidélisation. Mots-clés Fidélité, satisfaction, modérateurs, service, pratique sportive Abstract The aim of this paper was to test moderation effects on the satisfaction – loyalty relationship in sport services. An empirical research conducted in sport participation services in the health and fitness sector highlighted the role played by gender, age, length of membership and sport involvement. Thus, these variables constitute a relevant segmentation basis for managers who want to keep their customers loyal. Key words Loyalty, satisfaction, moderators, service, sport participation Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 26 Une analyse de la relation satisfaction-fidélité et de ses effets modérateurs dans les services sportifs L’exemple des pratiques de forme Guillaume BODET Introduction De nombreux observateurs de la société française s’accordent sur le fait que nous assistons à un véritable engouement pour les pratiques sportives. Toutefois, cette sportivisation de la société n’est pas uniforme et porte en elle à la fois des opportunités nouvelles et enthousiasmantes pour les membres et les dirigeants des organisations sportives, que d’authentiques menaces pour de nombreuses structures existantes. En effet, cet engouement se traduit par une augmentation du nombre de sportifs ainsi que de leur sportivité (Mignon & Truchot, 2002), mais également par une redéfinition du sens attribué au fait d’être sportif. Cette redéfinition se matérialise selon Bessy et Lapeyronie (2000) comme le 1 passage de l’apollinien au dionysiaque , qu’il est possible d’illustrer comme un abandon ou un rejet de la devise olympique « citius, altius, fortius » et une aspiration grandissante pour des pratiques sportives hédonistes, fun, naturelles, multiples, autodéterminées et/ou sans contraintes (Bodin & Héas, 2002 ; Loret, 1995). Face à ces changements motivationnels et comportementaux, les responsables des structures prestataires de services sportifs commencent à prendre la mesure de l’importance de la fidélité de ces consommateurs-pratiquants et s’intéressent de plus en plus aux facteurs qui l’influencent. Concernant les antécédents de la fidélité dans les services, la littérature en marketing accorde une importance particulière au concept de satisfaction, considérant qu’un adhérent/consommateur satisfait est, ou du moins tend à être, un adhérent fidèle, et de nombreuses recherches ont testé la validité de cette relation. Cependant, parmi ces recherches, une très faible proportion s’est intéressée à l’influence que pouvaient avoir les caractéristiques sociodémographiques, comportementales ou psychologiques des consommateurs sur le statut de cette relation dans le domaine des services en général et sportif en particulier. C’est pourquoi, le but de cette recherche sera de mesurer l’impact de variables modératrices sur la relation satisfactionfidélité dans le domaine des services sportifs récréatifs. I • Cadre théorique Les concepts de fidélité et de satisfaction ont fait l’objet de nombreuses discussions et, même s’il semble difficile de parler de véritable consensus, certaines définitions semblent largement partagées. Depuis les travaux de Dick et Basu (1994), le concept de fidélité est classiquement défini selon une double perspective, attitudinale et comportementale ; une attitude favorable n’étant pas considérée comme suffisante et un achat répété sans attitude favorable étant considéré comme un simple comportement d’inertie. Dans le domaine des services sportifs, la dimension comportementale de la fidélité peut être envisagée soit par le comportement de ré-adhésion, soit par l’intensité de fréquentation d’une structure. Le concept de satisfaction est quant à lui défini comme un état psychologique, postérieur à l’achat, et relatif à une base de référence initiale (Evrard, 1993). Les attentes préalables du consommateur vis-à-vis de la performance du service constituent fréquemment cette base de référence. Lorsque la 2 satisfaction concerne une interaction particulière (e.g., une séance de pratique), on parle de satisfaction transactionnelle ou instantanée. Lorsqu’elle concerne une relation représentant un ensemble d’interactions (e.g., un abonnement ou une période particulière), on parle de satisfaction relationnelle ou cumulée (Audrain & Evrard, 2001). A - La relation satisfactionfidélité D’après Homburg et Giering (2001), les travaux relatifs à l’analyse de la relation satisfactionfidélité peuvent être regroupés selon trois catégories. La première de ces catégories rassemble les recherches analysant le lien direct entre la satisfaction et la fidélité. La grande majorité de ces recherches ont d’ailleurs conclu que la satisfaction influence positivement la fidélité du consommateur. Alors que le premier groupe postule qu’il existe une relation linéaire entre les deux concepts, le second groupe de chercheurs estime que la relation est plus complexe, intégrant notamment une zone d’indifférence, des effets de seuil ou de saturation (e.g., Oliva, Oliver, & MacMillan, 1992 ; Woodruff, Cadotte, & Jenkins, 1983). Enfin le troisième groupe de travaux examine l’existence de facteurs externes qui modulent ou modèrent la relation. Homburg et Giering (2001) précisent et regrettent que le nombre de ces recherches soit très limité. Dans le domaine des services sportifs, la très grande majorité des travaux peut être classée dans le premier groupe décrit par Homburg et Giering (2001) et s’intéresse essentiellement au spectacle sportif. Concernant les services sportifs de type pratique sportive, seuls Cronin, Brady et Hult (2000), Howat, Murray et Crilley (1999) et Murray et Howat (2002) se sont intéressés à la mesure de la relation satisfaction-fidélité, et plus spécifiquement à la fidélité attitudinale mesurée par les intentions comportementales. À notre connaissance, aucune recherche dans le domaine des services sportifs 2 1 L’opposition de valeurs attribuées à Apollon et à Dionysos est une reprise de la thèse développée par F. Nietzsche dans La naissance de la tragédie (1872) concernant les deux valeurs fondamentales de l’art. Nous utilisons le terme d’interaction afin de qualifier les contacts entre les pratiquants et leur structure de pratique car ils ne se résument pas uniquement aux séances de pratique (e.g., soirée à thème ou sortie organisée pour assister à une rencontre sportive). Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 27 Une analyse de la relation satisfaction-fidélité et de ses effets modérateurs dans les services sportifs L’exemple des pratiques de forme Guillaume BODET « pratique sportive » n’a essayé de mesurer l’impact de facteurs externes sur le niveau de la relation. B - Quelles variables modératrices opérantes dans les services sportifs ? Avant d’évoquer les variables retenues comme pouvant être modératrices de la relation satisfaction – fidélité dans les services sportifs de type pratique sportive, il convient de définir précisément ce qu’est une variable modératrice. Une variable modératrice (Z) est une variable qui, selon son niveau, altère ou module le sens et/ou la force de l’influence d’une variable indépendante (X) sur une variable dépendante (Y) (Baron & Kenny, 1986 ; Chumpitaz Caceres & Vanhamme, 2003). Selon Chumpitaz-Caceres et Vanhamme (2003), ce type d’analyse fait généralement suite à l’analyse simple d’une relation X-Y dont les résultats obtenus diffèrent voire s’opposent aux résultats communément admis dans la littérature. Parmi les variables modératrices ayant fait l’objet d’analyse dans la littérature, les variables sociodémographiques représentent l’ensemble le plus étudié. La première de ces variables, le genre, a fait l’objet d’une attention particulière notamment en ce qui concerne le comportement d’achat. Concernant la relation satisfaction-fidélité, Homburg et Giering (2001) et Mittal et Kamakura (2001) ont effectivement constaté des différences entre les hommes et les femmes. Dans le cadre spécifique des services sportifs, aucune recherche n’a été menée en relation avec le genre et le statut de la relation satisfaction-fidélité. Cependant, un certain nombre de chercheurs (e.g., Afthinos, Theodorakis, & Nassis, 2005 ; Kim & Kim, 1998) ont constaté des différences d’attitudes vis-à-vis de l’expérience de service sportif de type pratique sportive, et notamment dans les pratiques de forme, entre les hommes et les femmes, ce qui conforte l’intérêt d’une telle mesure. L’âge est la deuxième variable recevant une attention particulière et son influence supposée dans le domaine des services sportifs apparaît tout à fait pertinente. Même si peu de recherches attestent d’une influence de l’âge en terme de niveau de satisfaction ou d’attentes vis-à-vis de la qualité de service, nous pouvons tout de même penser qu’elle exerce une influence sur la relation satisfaction-fidélité car, comme le présentaient Mignon et Truchot (2002), l’âge représente une variable pertinente pour discriminer la nature et l’intensité de la pratique sportive mais également l’arrêt de pratique, notamment lorsqu’elle est encadrée. Dans la même perspective, il nous a semblé que la taille du foyer, comme mesure indirecte de l’importance des responsabilités familiales, constituait un facteur pouvant affecter le lien entre la satisfaction et la fidélité dans les services sportifs. Le deuxième groupe de variables regroupe les variables dites comportementales. Parmi ces variables, nous avons retenu l’ancienneté au sein de la structure et l’expertise, qui représente la fréquentation antérieure d’une autre structure. Nous avons considéré que cette ou ces expériences précédentes pouvaient servir de base de référence dans l’élaboration des attentes et donc du jugement de satisfaction. Le troisième et dernier groupe de variables modératrices directement liées au consommateur regroupe les variables psychologiques. Parmi ces variables, l’implication dans la catégorie de service, c’est-à-dire dans notre contexte l’implication vis-àvis de l’activité physique et sportive (APS), apparaît particulièrement pertinente dans l’analyse de la relation satisfaction-fidélité (Ganesh, Arnold, & Reynolds, 2000 ; Homburg & Giering, 2001). Dans le domaine des services sportifs de type pratique sportive en général et des pratiques de forme en particulier, des auteurs tels que Iwasaki et Havitz (2004) et Park (1996) ont également mis en évidence l’influence de l’implication des pratiquants ou des adhérents sur leur fidélité vis-à-vis de la structure de pratique. Même si l’implication a fait l’objet de nombreuses discussions relatives à sa conceptualisation (Valette-Florence, 1989), la définition communément admise fait référence à un « état non observable de motivation, d’excitation ou d’intérêt » (Rothschild, 1984) vis-à-vis d’une activité, un produit ou un service. Dans le cadre des activités récréatives, de nombreux chercheurs (e.g., Havitz & Dimanche, 1997 ; Kyle & Mowen, 2005) s’accordent sur une vision multidimensionnelle du concept, reposant sur différents profils d’implication, conceptuellement développée par Laurent et Kapferer (1986). Cette conception s’appuie notamment sur la distinction entre une composante durable regroupant les dimensions d’intérêt, de plaisir et de signe (ou d’expression de soi), et une composante situationnelle regroupant les dimensions importance du risque (e.g., « si mon choix d’activité est mauvais, les conséquences sontelles importantes ? ») et probabilité d’erreur (e.g., « la probabilité que je fasse un mauvais choix estelle élevée ? »). Cette distinction nous semble particulièrement pertinente dans le cadre des pratiques de forme puisque plusieurs auteurs (e.g., Crossley, 2006 ; Ernst & Pigeassou, 2005 ; Laverie, 1998) attestent de la pluralité des motivations exprimées à l’égard de la pratique sportive en général et des pratiques de forme en particulier, ainsi que de l’importance de la dimension contextuelle dans la prise de décision. Enfin, il nous semble que le statut de la structure, marchande ou non, soit un élément à prendre en considération dans l’analyse de la relation satisfaction-fidélité. Il peut être envisagé, en se basant sur la définition du statut d’association de type loi 1901, que les notions de satisfaction mais surtout de fidélité soient appréhendées Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 28 Une analyse de la relation satisfaction-fidélité et de ses effets modérateurs dans les services sportifs L’exemple des pratiques de forme Guillaume BODET différemment dans les structures non marchandes et dans les structures marchandes. En effet, le statut associatif se base sur une mise en commun de connaissances ou d’activités ce qui, théoriquement, érige les associés en « coproducteurs » et non en « simples consommateurs ». Par conséquent, nous pouvons envisager que la satisfaction individuelle exerce un rôle moindre dans les structures associatives. À l’inverse, en nous appuyant sur les travaux de Baudrillard (1970) ainsi que sur les impressions ressenties par de nombreux dirigeants du monde sportif associatif, nous pouvons postuler que les pratiquants se concentrent uniquement sur leurs attentes et satisfaction personnelles, sans distinction du statut de l’organisation. II • Les hypothèses de la recherche À partir des différentes définitions du concept de satisfaction ainsi que des variables identifiées comme pouvant affecter l’attitude des consommateurs de services sportifs de type pratique sportive, nous pouvons élaborer plusieurs hypothèses. Hypothèse 1 : il existe une relation significative et positive entre la satisfaction transactionnelle et la fidélité dans les services sportifs de type pratique sportive. Hypothèse 2 : il existe une relation significative et positive entre la satisfaction cumulée et la fidélité. Hypothèse 3 : les variables genre (3.1), âge (3.2), taille du foyer (3.3), ancienneté (3.4), expertise (3.5), implication (3.6) et statut de la structure (3.7) modulent la relation entre la satisfaction transactionnelle et la fidélité. Hypothèse 4 : les variables genre (4.1), âge (4.2), taille du foyer (4.3), ancienneté (4.4), expertise (4.5), implication (4.6) et statut de la structure (4.7) modulent la relation entre la satisfaction cumulée et la fidélité. III • Méthodologie A - La collecte des données 1. Le choix de la population Deux éléments spécifiques ont conduit notre choix en terme de population. Le premier concerne la nature de la pratique physique et sportive. Nous avons souhaité ne retenir que des pratiques de loisir dites récréatives, qui peuvent inclure selon les APS une pratique compétitive, mais qui s’opposent à une démarche assidue de recherche de performance. La raison principale réside dans le fait que, dans de nombreuses APS, notamment les sports collectifs, certaines pratiques compétitives impliquent des formes de rémunération directe ou indirecte ce qui ne correspond plus stricto sensu à la dialectique production-consommation. Le second élément est lié à l’une de nos variables modératrices, le statut de l’organisation. De fait, notre choix s’est porté vers les pratiques dites de forme ou de fitness, dans le sens anglo-saxon du terme, puisqu’une très grande majorité des pratiques sont récréatives et que le secteur économique regroupe à la fois des structures marchandes de type commercial et des structures 3 non marchandes de type associatif . Pour des raisons pratiques, notre population regroupe l’ensemble des structures prestataires d’activités sportives récréatives de forme de la grande agglomération dijonnaise. 2. Les mesures des concepts Afin de mesurer le concept de fidélité nous avons opté pour une mesure attitudinale à partir des intentions comportementales des individus définies par Cronin, Brady et Hult (2000). Pour ces auteurs, ces intentions incitent les consommateurs à parler positivement du service ou du prestataire, à recommander le service à d’autres consommateurs, à rester fidèles, à dépenser davantage d’argent auprès de l’organisation et enfin à payer des prix élevés. Cronin et al. (2000) ont choisi de représenter ces conséquences à l’aide de 3 items auxquels nous avons ajouté un item mesurant l’intention de poursuivre la pratique de l’APS. Une échelle de type Likert à 7 échelons a été employée pour évaluer ces items. Afin de mesurer le concept de satisfaction nous avons choisi de reprendre l’échelle de Oliver (1980), validée par Plichon (1999) pour sa version française et qui a retenu 5 items après épuration. Deux échelles ont été créées afin de distinguer l’objet de la satisfaction. L’objet de la satisfaction instantanée (ou transactionnelle) est une transaction, c’est-àdire une interaction avec l’organisation prestataire c’est-à-dire le plus souvent une séance de pratique. En revanche, pour ce qui est de la satisfaction relationnelle (ou cumulée), la mesure de la satisfaction avait comme objet l’ensemble des transactions passées cumulées, prenant en compte la dernière séance. Une échelle de type Likert à 7 échelons a été utilisée pour évaluer ces items. Suite à notre positionnement en faveur d’une conception élargie de l’implication, nous avons pu constater que la très grande majorité des travaux appartenant à ce courant s’accordait sur une mesure de l’implication à partir des profils 3 Voir notamment Viallon (2002) pour une estimation du poids que représente le secteur du fitness en France. Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 29 Une analyse de la relation satisfaction-fidélité et de ses effets modérateurs dans les services sportifs L’exemple des pratiques de forme Guillaume BODET d’implication développée par Laurent et Kapferer (1986). Les deux auteurs définissent le concept comme formé de deux dimensions (durable et situationnelle) et le mesurent au travers de ses causes, à savoir le degré d’intérêt personnel à l’égard du produit, la valeur de plaisir attribuée au produit, sa valeur de signe, l’importance des conséquences négatives en cas d’erreur de choix et la probabilité d’erreur. Les hypothèses 3.6 et 4.6 relatives à l’influence de la variable implication se décomposeront par conséquent en cinq soushypothèses concernant chacune des dimensions de l’implication : l’intérêt (3.61 et 4.61), le plaisir (3.62 et 4.62), le signe (3.63 et 4.63), le risque d’erreur (3.64 et 4.64) et la probabilité d’erreur (3.65 et 3.65). Une échelle de type Likert à 7 échelons a été utilisée pour évaluer chacun des items. 3. Les caractéristiques de l’échantillon Au total 6 structures privées marchandes et 3 structures privées non-marchandes (2 associations sportives proposant des activités gymniques et 1 Maison des Jeunes et de la Culture) localisées sur Dijon et son agglomération ont accepté de faire passer notre questionnaire. Nous sommes relativement satisfaits car notre échantillon final de clubs de forme marchands apparaît à la fois représentatif du marché et exhaustif, puisque l’ensemble des profils recensés par Bessy (1993) se trouve présent : un club sous licence de marque auprès d’une grande chaîne, un club haut de gamme, des espaces intermédiaires ainsi qu’une ancienne salle de quartier. Au total, nous avons recueilli 252 questionnaires exploitables. L’essentiel des études sur le profil des consommateurs repose sur une analyse du secteur marchand représenté par les clubs de forme car aucune étude spécifique au secteur non marchand sur les pratiques dites de forme n’a, à notre connaissance, été réalisée. La structure sociodémographique de notre échantillon correspond au profil des pratiquants identifié par Tribou (1994), s’avérant peut-être un peu plus féminin ce qui semble davantage correspondre aux pratiques de forme du secteur non marchand. L’ancienneté moyenne de notre échantillon est légèrement supérieure à 5 années (Moyenne = 5.325, Écart-type = 6.034) et près de 54.73 % des personnes interrogées ont précédemment fréquenté une autre organisation. Pour ces consommateurs, le nombre moyen de structures précédemment fréquentées est inférieur à 2 (M = 1.784, EC = 1.195) Tableau 1 : Structure sociodémographique de l’échantillon total (n = 252) Sexe (%) Homme Femme Age (%) 73.2 26.8 < 30 ans 31-50 ans > 50 ans Profession (%) 36.1 39.8 24.1 Artisan, commerçant Cadre moyen, employé Ouvrier Cadre supérieur, profession libérale Agriculteur Retraité, inactif Étudiant 00.8 50.0 03.2 13.8 00.0 14.6 18.6 Niveau d’étude (%) Résidence (%) Primaire CAP-BEP Secondaire Supérieur Autre Dijon Agglomération dijonnaise Département (21) Hors département 01.6 17.0 13.8 66.0 01.6 57.0 22.9 17.6 02.5 B - La validation des échelles de mesure L’échelle des intentions comportementales s’avère effectivement unidimensionnelle restituant 73,67 % de la variance initiale à partir d’un seul facteur. Pour ce qui est de cette échelle, l’alpha de Cronbach standardisé est de 0,879 ce qui est très satisfaisant. Il est à noter que ce résultat indique que les répondants ne font pas de distinction entre la poursuite de la pratique physique et sportive et le renouvellement de l’adhésion ce qui nous amène à penser que les répondants sont, soit très attachés à leur club, soit persuadés que le service proposé est à même de répondre à leurs attentes, soit enfin parce qu’ils n’ont pas connaissance d’offres alternatives potentielles. Les échelles épurées ne retiennent que 3 items pour chacune des échelles de satisfaction. L’échelle de satisfaction transactionnelle restitue 85,87 % de la variance initiale par un seul et unique facteur. Pour ce qui est de la satisfaction relationnelle, 82,91 % de la variance initiale est restituée. Nous avons été obligés de supprimer deux items sur chacune des échelles car ils étaient restitués 4 par un second facteur. Selon Darpy (2003) , cette situation est parfois envisageable pour certaines échelles traduites comme la nôtre. Toutefois, l’unidimensionnalité étant un critère rédhibitoire dans la poursuite de nos analyses, nous ne pouvions conserver les items décrivant un second facteur. À ce titre, nous avons pu constater que pour les deux échelles ce sont les items 3 et 5, les items inversés, qui appartenaient à une deuxième 4 in Evrard, Pras et Roux (2003) - Market : études et e recherches en marketing, 3 édition, Dunod, Paris, p. 323. Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 30 Une analyse de la relation satisfaction-fidélité et de ses effets modérateurs dans les services sportifs L’exemple des pratiques de forme Guillaume BODET dimension. Malgré l’inversion des scores, les deux items inversés restituaient un second facteur. Nous pouvons alors envisager qu’il existe dans ce type de mesure, une asymétrie entre les réponses positives et négatives. Les travaux de Herche et Engelland (1996) confirment ce point de vue puisqu’ils ont empiriquement démontrés que les items inversés dégradaient l’unidimensionnalité des échelles testées, notamment par une asymétrie entre les réponses positives et négatives. Les deux échelles de mesure réduites à trois items présentent respectivement des coefficients alpha de Cronbach (standardisés) satisfaisants de 0,917 et 0,896. Tableau 3 : La dimensionnalité de l’échelle de mesure des intentions comportementales Facteur INTEN1 0,926 INTEN2 0,825 INTEN3 0,787 INTEN4 0,886 Var. Exp 2,945 Prp.Tot 0,736 contre 5 pour l’échelle originale, restituant 77,66 % de la variance initiale. Ces résultats n’apparaissent cependant pas contradictoires avec ceux de Laurent et Kapferer puisque les auteurs eux-mêmes ont constaté lors de trois enquêtes menées sur de vastes échantillons que les facettes « intérêt » et « plaisir » convergent sur un même facteur. Comme le soulignent Derbaix 5 et Brée (2000) , il semble normal que les scores obtenus sur les deux échelles soient fortement corrélés puisque nous aimons souvent les choses qui nous intéressent ce qui est d’autant plus vrai dans notre cas puisqu’il s’agit d’implication vis-à-vis d’un objet récréatif. La méthode d’analyse factorielle confirmatoire à partir d’équations structurelles (module SEPATH de Statistica) confirme la pertinence de l’échelle épurée (12 items) de l’implication puisque toutes les contributions factorielles sont significatives à un risque d’erreur de 5 % (t > 1,96) et que les différents indicateurs de validité s’avèrent satisfaisants (Hair, Black, Babin, Anderson, & Tatham, 2006). Les sous-hypothèses 3.62 et 4.62 ne seront par conséquent pas testées. Tableau 4 : Structure factorielle et fiabilité de la satisfaction transactionnelle Facteur SAT1S 0,904 SAT2S 0,936 SAT4S 0,915 Var. Exp 2,576 Prp.Tot (%) 85,873 Alpha de Cronbach 0,917 Tableau 5 : Structure factorielle et fiabilité de la satisfaction relationnelle Facteur SAT1C 0,903 SAT2C 0,908 SAT4C 0,920 Var. Exp 2,487 Prp.Tot (%) 82,914 Alpha de Cronbach 0,896 Après correction de l’échelle originale (16 items) proposée par Laurent et Kapferer (1986), l’analyse factorielle en composante principale avec rotation oblique (Oblimin) révèle l’existence de 4 facteurs 5 in Derbaix et Brée (2000), op.cit., pp.132. Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 31 Une analyse de la relation satisfaction-fidélité et de ses effets modérateurs dans les services sportifs L’exemple des pratiques de forme Guillaume BODET Tableau 6 : Structure factorielle et fiabilité de mesure de l’échelle d’implication issue de l’analyse factorielle exploratoire Items IntérêtPlaisir Signe Probabilité d’erreur SIG1 0,889 SIG2 0,861 SIG3 0,989 INT2 0,833 PLA1 0,935 PLA3 0,866 PRISK2 0,912 PRISK3 0,820 PRISK4 0,893 IRISK1 IRISK3 Valeurs 2,685 2,477 2,174 Propres Variance Expliquée 24,408 22,519 19,764 (%)* Alpha de 0,848 0,833 0,850 Cronbach n.b. Les valeurs propres et pourcentages de variance été obtenus avant rotation des axes. Importance du risque 0,876 0,832 1,207 10,975 0,650 expliqués ont Tableau 7 : Qualité d’ajustement du modèle de mesure de l’implication χ² 87,076 p<0,000 GFI 0,958 >0,9 AGFI 0,928 >0,9 Γ1 0,987 >0,9 RMSEA 0,044 <0,08 Γ2 0,977 >0,9 NFI 0,953 >0,9 TLI 0,978 >0,9 CFI 0,985 >0,9 χ² normé (χ²/dl) 1,935 <5 Tous les indices d’ajustement se révèlent satisfaisants. Nous sommes donc autorisés à interpréter la structure factorielle proposée puisqu’elle s’ajuste correctement aux données. Tableau 8 : Structure factorielle de la mesure de l’implication, test de cohérence interne et test de la validité convergente Dimensions Items INT2 PLA1 PLA3 PRISK2 La probabilité PRISK3 d’erreur PRISK4 SIG1 Signe SIG2 SIG3 L’importance du IRISK1 risque IRISK3 Intérêt – Plaisir Coefficients t 0,775 0,971 0,781 0,896 0,690 0,836 0,808 0,765 0,887 0,570 0,856 12,313 47,725 9,840 24,297 12,746 18,791 16,747 15,327 22,963 6,197 8,361 Par rapport à la fiabilité de l’échelle, tous les coefficients de cohérence interne (ρ j) doivent être supérieurs à 0,60. En ce qui concerne les indicateurs de validité convergente (ρ vc), toutes ρj ρ vc 0,883 0,718 0,852 0,660 0,861 0,675 0,684 0,529 les dimensions apparaissent satisfaisantes, car supérieurs à 0,5 (Hair et al., 2006). Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 32 Une analyse de la relation satisfaction-fidélité et de ses effets modérateurs dans les services sportifs L’exemple des pratiques de forme Guillaume BODET Table u 9 : Analyse de la validité discriminante de l’implication ρ vc Intérêt – Plaisir 0,718 1 0,660 0,005 1 Signe 0,675 0,002 0,000 1 L’importance du risque 0,529 0,004 0,054 0,093 Intérêt – Plaisir La probabilité d’erreur Toutes les valeurs des corrélations élevées au carré s’avèrent inférieures à l’indicateur rhô de validité convergente ce qui constitue un résultat satisfaisant. Nous pouvons donc considérer que les construits étudiés possèdent une validité discriminante satisfaisante. IV • Résultats A - Le test de la relation satisfaction-fidélité Les variables dépendante et indépendante étant scalées, nous avons testé le lien par une analyse de régressions linéaires simples à partir de variables synthétiques. Pour l’ensemble de nos résultats, nous accepterons un niveau de risque de 5 %. Tableau 10 : Résultats des tests des hypothèses H1 et H2 Hypothèses H1: Sat T → Inten H2: Sat C → Inten R² Bêta t p 0107 0,333 5,519 0,000 0.353 0.596 11.679 0.000 Nous pouvons constater un impact de la satisfaction transactionnelle (Sat T) sur les intentions comportementales (Inten) représentant la dimension attitudinale de la fidélité. Cependant, il convient de s’intéresser au carré du coefficient de corrélation multiple R² qui peut être interprété comme la part de variance de la variable dépendante expliquée par la variable indépendante (Evrard et al., 2003). Or, la variance expliquée par la satisfaction transactionnelle n’est que de 10,7 %, ce qui est relativement faible. À partir de ces résultats, nous pouvons constater un impact significatif de la satisfaction relationnelle sur le développement d’intentions comportementales favorables à l’organisation. La variance expliquée est de 35,3 %. La probabilité d’erreur Signe L’importance du risque 1 Les relations testées s’avèrent significatives et positives. Les hypothèses H1 et H2 sont par conséquent validées. B - Le test des effets modérateurs La présence d’un effet d’interaction peut être remarqué par différentes méthodes qui dépendent notamment de la nature des variables mesurées. Nous avons effectué des analyses par catégories de notre échantillon ainsi que des régressions multiples de la variable dépendante Y sur les variables X, Z et X*Z lorsque les variables supposées modératrices étaient scalées (Chumpitaz Caceres & Vanhamme, 2003). Nous avons testé l’existence d’un effet de modération de l’ensemble des variables genre, âge, taille du foyer, ancienneté, expertise, implication et statut de la structure sur la relation satisfaction fidélité mais, par soucis de parcimonie, nous nous contenterons de présenter les résultats significatifs. 1. Les effets modérateurs entre satisfaction transactionnelle et fidélité Une régression des intentions comportementales sur la satisfaction transactionnelle a été effectuée sur l’ensemble du groupe « Femme » et sur l’ensemble du groupe « Homme ». Alors que la relation s’avère significative sur la totalité de l’échantillon, nous ne constatons pas de relation significative pour le groupe « Homme ». L’hypothèse 3.1 est par conséquent validée. Nous pouvons penser que les hommes se révèlent plus exigeants, ne se contentant pas d’une seule expérience favorable pour avoir envie de rester fidèle à l’organisation. Tableau 11 : Régressions des intentions comportementales sur la satisfaction transactionnelle, effet modérateur du genre Sexe Femme Homme Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 R² 0.126 0,038 Bêta 0,355 0,196 t 5,032 1,583 p 0,000 0,118 Résultat Sign. Non p. 33 Une analyse de la relation satisfaction-fidélité et de ses effets modérateurs dans les services sportifs L’exemple des pratiques de forme Guillaume BODET Les régressions effectuées sur les différentes catégories d’âge font valoir que pour le groupe médian, de 31 à 50 ans, la relation satisfaction transactionnelle-fidélité n’est pas validée. Nous pouvons donc conclure à un effet modérateur de l’âge sur la relation satisfaction transactionnellefidélité ; l’hypothèse 3.2 est par conséquent validée. Figure 1 : La relation satisfaction transactionnellefidélité selon le niveau d’implication en terme d’intérêt et de plaisir 120 100 Fidelité attitudinale sign. Tableau 12 : Régressions des intentions comportementales sur la satisfaction transactionnelle, effet modérateur de la catégorie d’âge Age Moins de 30 ans De 31 à 50 ans Plus de 50 ans R² Bêta t p Résultat 0.125 0.367 3.698 0.000 Sign. Z=5 Z = 10 40 20 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Satisfaction transactionnelle 0.020 0.174 1.718 0.089 Non sign. 0.172 0.432 3.524 0.001 Sign. Suite à l’analyse de régression, l’hypothèse 3.65 relative à l’existence d’un effet modulateur joué par la probabilité d’erreur, dimension situationnelle de l’implication, est validée. Nous pouvons constater que plus la probabilité d’erreur dans le choix de l’APS est importante et plus l’influence de la satisfaction transactionnelle sur la fidélité attitudinale diminue. Tableau 14 : Régression des intentions comportementales sur la satisfaction transactionnelle (X), sur la dimension probabilité d’erreur de l’implication (Z) et sur leur produit (XZ) Tableau 13 : Régression des intentions comportementales sur la satisfaction transactionnelle (X), sur la dimension intérêt-plaisir de l’implication (Z) et sur leur produit (XZ) R² X*Z Z=1 60 0 L’effet d’interaction s’avère significatif ce qui nous conduit à valider l’hypothèse 3.61 relative à l’existence d’un effet de modération de la dimension intérêt-plaisir de l’implication sur la relation satisfaction transactionnelle-fidélité. Satisfaction transactionnelle (X) Interet-plaisir (Z) 80 0.397 Bêta t p Résultat 0.006 0.092 0,927 Non sign. 0.446 3.956 0,000 Sign. 0.105 8.927 0,000 Sign. 6 À partir de l’équation de régression , il est relativement aisé de mettre en évidence l’effet d’interaction. Dans notre cas, la pente de la droite augmente au fur et à mesure que la valeur Z augmente. Plus les adhérents sont impliqués au niveau de la dimension intérêt-plaisir et plus la relation entre satisfaction transactionnelle et fidélité attitudinale est forte. R² Satisfaction transactionnelle (X) Probabilité d’erreur (Z) 0.137 Bêta t p Résultat 0.808 4.400 0.000 Sign. 1.073 3.004 0,003 Sign. 0,007 Sign. 1.086 2.737 Aucun effet modérateur sur la relation satisfaction transactionnelle-fidélité n’a été constaté concernant les variables taille du foyer, expertise, la dimension signe et la dimension risque d’erreur de l’implication, ainsi que la nature de l’organisation prestataire. Les hypothèses 3.3, 3.5, 3.63, 3.64 et 3.7 sont par conséquent rejetées. X*Z 2. Les effets modérateurs entre satisfaction cumulée et fidélité Nous allons à présent nous intéresser à l’hypothèse 4 relative à l’existence d’effets modérateurs sur la relation entre la satisfaction cumulée et la fidélité attitudinale. 6 L’équation de régression est la suivante : Y = 4.632 + 0.005X + -0.446Z – 0.105XZ. La régression des intentions comportementales sur le produit de la satisfaction cumulée et de l’ancienneté se révèle significative (pXZ = 0,013) ce Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 34 Une analyse de la relation satisfaction-fidélité et de ses effets modérateurs dans les services sportifs L’exemple des pratiques de forme Guillaume BODET qui valide l’hypothèse 4.4 postulant un effet modérateur de l’ancienneté dans la structure. Tableau 15 : Régression des intentions comportementales sur la satisfaction relationnelle, sur l’ancienneté et sur le produit de la satisfaction relationnelle et de l’ancienneté R² Satisfaction cumulée (X) Ancienneté (Z) 0,356 X*Z Bêta t p Résultat 0,868 9,524 0,000 Sign. 0,189 2,646 0,008 Sign. 0,027 2,499 0,013 Sign. Plus l’individu possède de l’ancienneté (Z) au sein du club et moins la relation entre la satisfaction relationnelle et les intentions comportementales est forte. En d’autres termes, il semble que l’influence de la satisfaction relationnelle sur les intentions comportementales décroît avec l’augmentation du nombre d’années de présence dans la structure, laissant certainement la place à d’autres variables explicatives. La régression des intentions comportementales sur le produit de la dimension signe et de la satisfaction cumulée s’avère significatif (pXZ = 0,027). Le rôle modérateur de la dimension signe de l’implication sur la relation satisfaction cumulée-fidélité attitudinale (hypothèse 4.63) est par conséquent validé. Tableau 16 : Régressions des intentions comportementales sur la satisfaction cumulée (X), sur la dimension signe de l’implication (Z) et sur leur produit (XZ) R² Satisfaction cumulée (X) Signe (Z) X*Z 0.376 Bêta t p Résultat 0.858 6.767 0,000 Sign. 0.800 2.023 0,044 Sign. 0.900 2,228 0,027 Sign. À partir de l’équation de régression nous pouvons constater que plus les individus sont impliqués dans leur APS au niveau de la dimension signe et moins le lien entre la satisfaction cumulée et la fidélité attitudinale est important. Les hypothèses relatives aux variables modératrices genre (4.1), âge (4.2), taille du foyer (4.3), expertise (4.5), dimension intérêt-plaisir de l’implication (4.61), dimension risque d’erreur de l’implication (4.64), dimension probabilité d’erreur de l’implication (4.65) et statut de la structure de pratique (4.7) ont pour leur part été rejetées. V • Discussion Le double objectif de cette recherche était d’une part de tester la nature de la relation satisfaction-fidélité dans les services sportifs et d’autre part de tester l’influence modératrice d’un certain nombre de variables sur cette relation. Les premiers résultats confirment l’influence positive de la satisfaction transactionnelle ainsi que de la satisfaction cumulée sur les intentions comportementales mesurant la dimension attitudinale de la fidélité. En d’autres termes, lorsque l’adhérent d’un club sportif sort satisfait d’une séance de pratique ou d’une interaction particulière avec son organisation sportive (e.g., manifestation extra-sportive) ou lorsqu’il est globalement satisfait de son adhésion, il développera des intentions comportementales favorables à l’organisation sportive. Dans notre cas, il aura l’intention de ré-adhérer auprès de sa structure de pratique, de poursuivre la pratique de son activité physique et sportive ainsi que de recommander à d’autres l’inscription au sein de la structure. Parmi ces résultats, il est tout de même notable qu’il n’existe pas, dans l’esprit des pratiquants interrogés, de distinction entre la réadhésion au club et la poursuite de la pratique alors que nous pouvions penser ces événements indépendants (e.g., « je compte poursuivre ma pratique mais dans une autre structure »). Ce résultat peut nous amener à penser que le comportement des pratiquants interrogés n’est pas aussi « consommateur » que les chercheurs et les responsables de clubs laissent à penser puisque la décision de poursuite de la pratique et la réinscription dans le club semblent être des événements dépendants. Cette non-indépendance peut également s’expliquer par le faible degré de connaissance des pratiquants des offres alternatives potentielles (e.g., « je ne connais pas d’autres clubs du même type que le mien dans l’agglomération »). Toutefois, le poids exercé par les différents types de satisfaction n’est pas équivalent puisqu’une satisfaction couvrant l’ensemble des expériences passées avec l’organisation possède un pouvoir explicatif supérieur à la satisfaction d’une seule et unique séance dans le développement des intentions comportementales. Même si ce résultat peut paraître relativement intuitif, il faut tout de même garder à l’esprit que les différentes séances ou interactions auprès de la structure de pratique ne sont pas pondérées équitablement dans l’esprit des pratiquants, et que certaines séances extraordinairement plaisantes ou déplaisantes restant souvent gravées dans leur mémoire laissant présager une influence significative durant les moments clés de décision. En second lieu, nous avons pu mettre en évidence un certain nombre d’effets modérateurs de la relation satisfaction-fidélité. Pour ce qui est de la satisfaction transactionnelle, le genre, l’âge et les dimensions intérêt-plaisir et probabilité d’erreur de l’implication ont un rôle modérateur. Précisément, Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 35 Une analyse de la relation satisfaction-fidélité et de ses effets modérateurs dans les services sportifs L’exemple des pratiques de forme Guillaume BODET les hommes et les membres âgés de 31 a 51 ans (les deux caractéristiques pouvant se cumuler) sont moins enclins à développer des intentions comportementales favorables lorsqu’ils sont satisfaits par une seule séance. En revanche, plus les adhérents sont impliqués en terme d’intérêt et de plaisir vis-à-vis de l’APS, plus la satisfaction d’une seule et unique séance influence le développement des intentions comportementales. Le lien se voit renforcé. Toutefois, il convient de ne pas occulter que cette relation concerne aussi bien la satisfaction que l’insatisfaction. Si les pratiquants qui perçoivent l’APS qu’ils pratiquent comme une source importante de plaisir sont insatisfaits par une séance, ils seront plus fortement enclins à cesser la pratique, à ne pas renouveler leur adhésion ou à être une source de bouche à oreille négatif. Enfin, il semble que dans un contexte d’incertitude relatif au choix de l’APS à pratiquer, l’intensité de la relation entre la satisfaction transactionnelle et la fidélité attitudinale s’estompe. Nous pouvons dès lors considérer que la satisfaction (ou l’insatisfaction) vis-à-vis d’une séance ou d’une interaction avec l’organisation prestataire ne peut constituer une base de référence solide dans un contexte d’incertitude vis-à-vis du choix de la pratique sportive. En ce qui concerne la relation satisfaction cumulée et la fidélité attitudinale, seulement deux variables se sont révélées modératrices : l’ancienneté au sein de la structure et la dimension signe ou expression de soi de l’implication. Plus les adhérents ont de l’ancienneté et moins ils développeront des intentions comportementales favorables lorsqu’ils seront satisfaits. Ce résultat tend à atténuer le rôle de la satisfaction cumulée lorsque les adhérents ont une histoire significative avec l’organisation. Ce résultat peut éventuellement s’expliquer par la prise en compte d’autres variables psychologiques telles que l’implication organisationnelle, l’engagement ou l’identification vis-à-vis de la structure. Dans ce cas, nous pouvons penser qu’avec le temps, la nature de la relation que les pratiquants entretiennent avec leur organisation sportive tendrait à se modifier, en limitant leur satisfaction personnelle de « simple consommateur » au profit d’un rôle plus affirmé de membre, qui souligne un sentiment d’appartenance. Une explication s’appuyant sur le développement d’un comportement routinier (e.g., « cela fait des années que je suis adhérent, pourquoi changeraisje ? ») peut également être avancée pour expliquer ce résultat. Aussi, il semble que plus les individus sont impliqués dans leur activité au niveau de la dimension signe (e.g., « l’APS que je pratique est pour moi un moyen de m’exprimer ou une source de distinction ») et moins la relation satisfaction cumulée-fidélité est affirmée. Intuitivement, nous aurions pu envisager que plus les individus s’expriment par le biais de leur APS et moins la relation qui les unit à leur structure de pratique est affirmée. Ce qui, a priori, corroborerait notre résultat. Cependant, comme nous l’avons mentionné précédemment, nous n’avons pas constaté de différences significatives, parmi les intentions comportementales, entre la poursuite de la pratique de l’APS et le réabonnement auprès du club. Dans ce cas, l’explication proposée n’est plus valable et nous laisse, à ce stade, sans autres propositions d’explication. Enfin, nous pouvons constater qu’un certain nombre de variables jugées pertinentes n’ont pas joué de rôle modérateur sur la relation satisfaction-fidélité. Parmi celles-ci, l’expertise dans la connaissance des standards du marché, mesurée par la fréquentation antérieure d’autres structures, n’apparaît pas jouer de rôle dans la relation satisfaction-fidélité et, de manière plus surprenante, le statut de l’organisation non plus. Alors que nous aurions pu penser que les membres de structures associatives se distinguent de ceux du secteur marchand, de part la définition même de l’association de type loi 1901 centrée vers une mise en commun (donc de coproduction) et non sur une relation classique marchande de producteur à consommateur, nous n’avons pas observé de différences sur la relation satisfaction-fidélité. En d’autres termes, les adhérents des structures non marchandes ne valorisent pas moins le rôle joué par la satisfaction personnelle sur l’intention de fidélité auprès de la structure de pratique VI • Conclusion, limites et voies de recherche Cette recherche aura tout d’abord permis de confirmer dans le domaine des services sportifs l’existence d’une relation positive entre la satisfaction, qu’elle soit transactionnelle ou relationnelle, et la fidélité attitudinale, relation validée par de nombreuses études empiriques dans de nombreux types de services. Surtout, cette recherche met en lumière l’existence d’effets modérateurs sur la relation satisfaction-fidélité, trop peu étudiés par la recherche en marketing, a fortiori dans le domaine du sport. L’influence de ces effets modérateurs renforce l’intérêt de la segmentation dans l’analyse des publics ainsi que dans la démarche de fidélisation de ces derniers. Cependant, quelques limites sont à souligner. Malgré l’intérêt que comporte une telle recherche, elle ne concerne que la fidélité attitudinale mesurée ici par les intentions comportementales. Or, comme l’ont souligné Dick et Basu (1994), la fidélité du consommateur ne peut être réellement appréhendée que par l’étude concomitante de ses dimensions attitudinale et comportementale. L’écart entre les intentions et le comportement réel de fidélité ayant été fréquemment observé (Morwitz, 2001), l’étude des intentions comportementales constitue une étape pertinente mais insuffisante. Aussi, la nature et la mesure du statut de l’implication étant âprement discutées au sein de la communauté scientifique, il paraît légitime de s’interroger quant à la pertinence effective d’une conception et d’une mesure multidimensionnelle du concept, et notamment de sa composante Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 36 Une analyse de la relation satisfaction-fidélité et de ses effets modérateurs dans les services sportifs L’exemple des pratiques de forme Guillaume BODET situationnelle. Les perspectives de recherche s’articulent selon nous autour de la réplication de ce type d’analyses dans d’autres activités physiques et sportives ainsi que dans l’exploration de nouvelles variables modératrices telles que le degré d’engagement vis-à-vis de la structure ou bien le niveau de pratique. Annexes Tableau : La mesure de la variable intentions comportementales Fidélité Intentions comportementales Codes INTEN1 INTEN2 INTEN3 INTEN4 Items Il est tout à fait probable que je me réinscrive dans ce club Il est tout à fait probable que je poursuive ma pratique de cette activité physique et sportive Il est tout à fait probable que je recommande ce club à un ami Si j’avais de nouveau à choisir, je me réinscrirais dans ce club Tableau : Les mesures de la variable satisfaction Satisfaction Satisfaction transactionnelle Satisfaction relationnelle Codes SAT1S SAT2S SAT3S SAT4S SAT5S SAT1C SAT2C SAT3C SAT4C SAT5C Comment vous sentez-vous maintenant ? Je suis satisfait de cette séance Avoir choisi cette séance fut un bon choix Je suis déçu d’être venu aujourd’hui* J’ai eu une bonne idée quand j’ai décidé de venir aujourd’hui Je ne suis pas content d’avoir été à cette séance* Je suis satisfait d’avoir adhéré à ce club Avoir choisi ce club fut un bon choix Je suis déçu de m’être inscrit dans ce club* J’ai eu une bonne idée quand j’ai décidé d’adhérer à ce club Je ne suis pas content d’avoir adhéré à ce club* * item inversé. BIBLIOGRAPHIE Afthinos, Y., Theodorakis, N., & Nassis, P. (2005). “Customers' expectations of service in Greek fitness centres.” Managing Service Quality, 15(3), 245-258. Audrain, A. F., & Evrard, Y. (2001). « Satisfaction des consommateurs : Précisions conceptuelles. » e 17 Congrès international de l’Association française de marketing, Deauville, France. CD-ROM. Baron, R. M., & Kenny, D. A. 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Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 38 A r t i c l e s Une étude exploratoire de l’attitude du public face à la révélation du pseudo-parrainage d’événements sportifs Par Marc MAZODIER, professeur à l’Institut supérieur de gestion (Paris) Groupe Territorial BP 215 - 38506 Voiron Cedex - Tél. : 04 76 65 87 17 - Fax : 04 76 05 01 63 - www.territorial.fr Copyright Territorial Éditions - Reproduction interdite – Septembre 2008 Réf. Revue européenne du management du sport n° 23 Uniquement disponible par téléchargement sur www.territorial.fr ou www.acteursdusport.fr A r t i c l e s Résumé Les organisateurs des grands événements sportifs ont récemment développé des communiqués ayant pour but de révéler le pseudo-parrainage, et de sensibiliser le grand public à la contribution des parrains à l’événement et à la menace que représente le pseudo-parrainage sur le financement des événements sportifs. Ces communiqués posent la question des attitudes du public face au pseudo-parrainage. Les pseudo-parrains risquent-ils une détérioration de leur image de marque, si le public apprend leur utilisation de l’événement sans y avoir participé ? Afin d’appréhender cette question, nous avons mené une étude exploratoire. Les résultats révèlent trois types de réactions face au pseudo-parrainage : négatives, positives ou neutres. Et nous identifions cinq variables modératrices des réactions à l’égard du pseudo-parrainage : l’implication dans l’événement, la congruence, la proéminence, l’attitude envers le parrainage et l’attitude envers la publicité. Mots-clés Pseudo-parrainage, sponsoring, révélation du pseudo-parrainage Abstract Big sport event organisers have developed official statements in order to reveal Ambush Marketing, exposing to the general public, sponsors contributions to sport events and the threat which Ambush Marketing represents to events financing. These official statements raise the question of the public’s attitudes towards Ambush Marketing; do the ambushers risk a deterioration of their image? In order to answer this question, an exploratory study was conducted. The results show three types of reactions towards Ambush Marketing. : negative, positive and neutral. Five moderating variables of the reactions towards Ambush Marketing were identified : the involvement in the event, the congruence, the prominence, the attitude towards sponsorship and the attitudes towards advertising. Key words Ambush Marketing, sponsorship, the revelation of Ambush Marketing Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 40 Une étude exploratoire de l’attitude du public face à la révélation du pseudo-parrainage d’événements sportifs Marc MAZODIER Le parrainage est devenu un outil majeur de la communication marketing. Il recouvre à la fois le sponsoring d’événements sportifs comme les Jeux Olympiques par VISA et le sponsoring d’événements artistiques comme le Festival de Cannes par NEC. Sa croissance, soutenue et constante, se confirme depuis les trente dernières années. En conséquence, les recherches académiques sur le parrainage ont commencé au début des années 1980 et la littérature s’est développée très rapidement depuis. Cette littérature s’est surtout centrée sur les événements sportifs. En effet, le parrainage des événements sportifs constitue 70 % des dépenses françaises en parrainage (Walliser, 2006), principalement parce qu’ils véhiculent des valeurs positives et parce que les consommateurs les associent avec des notions de performance et de divertissement (Roy et Cornwell 2003). Le sponsoring sportif mondial générait, en 2006, 40 milliards d’euros et devrait 1 atteindre les 50 milliards en 2008. Plusieurs recherches ont fait le constat de la confusion des consommateurs à propos de l’identité du sponsor d’un événement (Sandler et Shani, 1989 ; Quester, 1997). Cette confusion est notamment due au pseudo-parrainage. Le pseudoparrainage est aussi appelé marketing sauvage, marketing d’embuscade ou « ambush marketing », marketing insidieux et marketing parasite. Le pseudo-parrainage désigne toute forme de communication lors d’un événement, utilisant des éléments caractéristiques de cet événement, et visant à tromper les spectateurs, en leur faisant croire que la marque est sponsor de l’événement, afin d’améliorer l’attitude envers la marque et accessoirement la notoriété. Par exemple, lors des Jeux Olympiques de Sydney en 2000, Qantas Airways a utilisé dans ses publicités d’athlètes australiens très connus participant aux Jeux Olympiques, et des éléments comme « Sydney 2000 », « Jeux Olympiques » ou « nouveau millénaire », alors que la marque n’était pas sponsor de ces Jeux Olympiques (Fuchs, 2003). D’après Frédéric Quenet, directeur adjoint Marketing du Comité national olympique français (CNOSF), les organisateurs des grands événements comme le Comité international olympique (CIO) ou la Fédération internationale de football (FIFA) ont des communiqués prêts à être largement diffusés pour révéler publiquement les agissements des pseudo-parrains. Jusqu’à aujourd’hui, ces instances ne s’en sont pas encore servies à une grande échelle. Seul le CIO a décidé de mener campagne dans la presse quotidienne à l’occasion des Jeux Olympiques (JO) de Turin. Le CIO a diffusé le message : « l’utilisation non autorisée de l’image des JO met en péril leur pérennité ». Nous nous interrogeons sur les conséquences de cette révélation sur l’image du pseudo-parrain. 1 « Le sponsoring, un marché de 40 milliards dans le monde », La Tribune, 26 avril 2006. Pour mieux comprendre le phénomène du pseudoparrainage, nous avons décidé, au moyen d’une étude qualitative d’explorer les réactions du public face au pseudo-parrainage. Cette recherche ne se limite pas à l’analyse de l’impact du pseudoparrainage sur le comportement du consommateur puisqu’elle cherche aussi à explorer la perception du parrainage par le public. Nous posons l’hypothèse, en effet, que les attitudes envers le parrainage ont probablement un effet sur les réactions du public envers le pseudo-parrainage. De plus, à notre connaissance, toutes les études sur la perception du parrainage et du pseudo-parrainage ont été réalisées dans un contexte anglo-saxon, le parrainage et le pseudo-parrainage peuvent probablement engendrer d’autres réactions en France. Nous avons vu que les entreprises cherchent majoritairement à s’associer à des événements sportifs, explicitement avec le parrainage ou implicitement avec le pseudoparrainage. C’est pourquoi, nous avons limité notre analyse des effets de la révélation du pseudoparrainage sur l’attitude envers la marque au sponsoring sportif. Après avoir fait état des recherches antérieures sur les effets de la révélation du pseudo-parrainage, nous présenterons la méthodologie et les résultats de notre étude qualitative. I • Les études passées sur les attitudes à l’égard du parrainage et du pseudo-parrainage Commençons par établir une revue de la littérature sur des définitions du parrainage et du pseudoparrainage, ainsi que des études sur les attitudes envers le parrainage. A - Le parrainage 1. Définition Il n’existe pas une définition généralement acceptée du parrainage (Walliser, 2003). La communauté de recherche de langue française se réfère le plus souvent à Derbaix, Gérard et Lardinoit (1994). Selon ces derniers, « le parrainage est une technique qui consiste, pour toute organisation, à créer ou à soutenir directement un événement socioculturellement indépendant d’elle-même et à s’y associer médiatiquement, en vue d’atteindre des objectifs de communication en Marketing ». Dans la littérature anglo-saxonne, le parrainage désigne non seulement l’association avec un événement mais aussi toute la communication et les investissements Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 41 Une étude exploratoire de l’attitude du public face à la révélation du pseudo-parrainage d’événements sportifs Marc MAZODIER utilisés par l’entreprise pour accroître les résultats du parrainage (Cornwell et Maignan, 1998). Par ailleurs, la notion d’association est au cœur du parrainage. Elle a été mise en évidence par Otker et Hayes (1988). L’association exprime à la fois le lien entre un événement et une entité, et le partage d’un attrait commun entre le public et le parrain dans le soutien d’une activité. Parmi les nombreuses définitions du sponsoring, deux composantes sont communes à la majorité de ces recherches (Roy et Cornwell, 2003) : - la possibilité pour le sponsor de s’associer avec l’entité sponsorisée au niveau de l’entreprise, du produit ou de la marque en échange d’un soutien financier ou matériel, - un ensemble d’activités marketing centré sur cette association. L’entité sponsorisée peut être un individu (un athlète, un artiste), un groupe d’individus (une équipe sportive, une association), ou un événement (un événement sportif, un concert ou une exposition artistique). Les objectifs du parrainage sont hétérogènes. L’entreprise peut rechercher un accroissement de sa notoriété, une amélioration de son image, la motivation de son personnel ou un rapprochement avec des partenaires (fournisseurs, clients) (Erickson et Kushner, 1999 ; Thjomoe et al., 2002). Par rapport à la publicité, le parrainage a deux caractéristiques distinctes : - contrairement à la publicité, le parrain n’a pas un contrôle total du message communiqué, puisque ce dernier dépend de l’entité parrainée, - les consommateurs peuvent attribuer un sentiment de bienveillance à cette association. Nous allons développer cette deuxième caractéristique du parrainage dans le paragraphe suivant à propos de la perception du parrainage par le public. 2. Les attitudes envers le parrainage Le parrainage est perçu comme plus subtil et indirect par les consommateurs puisque la tentative de persuasion du parrain est déguisée. Dès lors, leurs mécanismes de défense sont plus faibles, ils sont moins en alerte. Les consommateurs sont plus méfiants vis-à-vis de la publicité traditionnelle car celle-ci se présente en tant que telle, ce qui suscite la contre argumentation (Meenaghan, 2001). Au contraire, les consommateurs tiennent compte des aspects bénéfiques du soutien du sponsorisé par le sponsor (Walliser, 2006). De plus, ils considèrent que l’entreprise parraine est moins obnubilée par l’argent qu’une entreprise qui fait de la publicité classique, car elle aide au développement d’un événement, d’une équipe ou d’un individu. C’est pourquoi, les consommateurs ont des attitudes plus favorables à l’égard du parrainage qu’à l’égard de la publicité (Meenaghan, 2001). Quester et Thompson (2001) ont mesuré l’attitude générale des spectateurs d’un festival lyrique envers le parrainage de ce festival. Les répondants à cette étude ne sont pas opposés au parrainage. Ils sont plutôt favorables aux sponsors et ont tendance à acheter des produits ou services des sponsors. Ils croient que les investissements en parrainage ne sont pas inutiles, et reconnaissent que les parrains rendent meilleur le festival d’art lyrique. Cependant les répondants ne différencient pas toujours le parrainage de la publicité (49,8 % des répondants) et sont conscients que les parrains attendent un retour sur investissement. La perception favorable du parrain est le premier avantage recherché par les pseudo-parrains. Pour eux, il est bénéfique d’être perçu comme un parrain plutôt qu’une autre marque qui ne fait que de la publicité. De nombreuses recherches ont montré l’impact positif du parrainage sur la notoriété et l’attitude envers la marque. Walliser (2003) a fait état de ces recherches, qui ne sont pas l’objet principal de cet article. Plusieurs recherches ont tenté d’expliquer l’impact positif du parrainage sur l’attitude envers le parrain. Le modèle du transfert est le plus retenu pour expliquer cet effet. Selon ce modèle de persuasion, un transfert s’effectue lorsque les individus acquièrent de l’information, non seulement sur l’élément central de leur préoccupation mais aussi sur tout ce qui est en relation avec celui-ci, sans pour autant y consacrer une attention particulière (Ganassali et Didellon, 1996). Selon Ganassali et Didellon (1996), le transfert des attributs de l’événement sur le parrain peut se faire au niveau cognitif ou affectif. Le parrainage peut entraîner un transfert de symboles et de significations du parrainé vers l’annonceur. Par exemple, UPS peut être perçu comme « international » parce qu’il sponsorise les Jeux Olympiques, qui symbolisent « l’international ». En faisant l’hypothèse de ce transfert, plusieurs études ont montré l’impact du parrainage sur les croyances envers le parrain. Par exemple, Gianelloni (1993) trouve que le parrainage rend l’entreprise plus dynamique, plus attirante et plus sociale. Par ailleurs, plusieurs auteurs ont postulé un effet de Halo affectif lors d’une opération de parrainage. Les réactions affectives envers le parrain sont transférées directement vers les croyances envers le parrain (Meenaghan, 2001). B - Le pseudo-parrainage 1. Définition Nous définissons le pseudo-parrainage comme toute forme de communication lors d’un événement, utilisant des éléments caractéristiques de cet événement ; et visant à tromper les spectateurs, en leur faisant croire que la marque est sponsor de l’événement, afin d’améliorer l’attitude envers sa marque et accessoirement sa notoriété. Par rapport aux définitions antérieures : « le pseudo-parrainage désigne la pratique par laquelle une autre compagnie, souvent un concurrent, s’introduit dans l’attention du public autour de l’événement afin de détourner leur attention du sponsor, pour la tourner vers eux » (Meenaghan, 1994) ou « (le pseudo- Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 42 Une étude exploratoire de l’attitude du public face à la révélation du pseudo-parrainage d’événements sportifs Marc MAZODIER parrainage est) une technique où un annonceur – non accrédité par les ayants droit d’une manifestation – cherche à détourner l’attention du public d’un événement à son profit, au moyen des techniques du marketing, dans le but de récupérer les avantages que procure le parrainage » (Fuchs, 2003), nous apportons plusieurs précisions. La présence d’une marque dans les espaces publicitaires entourant un événement ou l’association avec le sport ou les acteurs d’un événement ne suffisent pas pour la qualifier de pseudo-parrain, selon nous. En effet, une marque peut profiter des fortes audiences et du potentiel d’exposition important d’un événement, sans chercher à s’associer à celui-ci. De même, une marque peut profiter d’un événement pour faire connaître son soutien à une équipe ou un athlète sans viser un transfert des valeurs positives de l’événement. L’utilisation d’un élément caractéristique de l’événement dans sa communication est pour nous un critère déterminant du pseudo-parrainage. Puis nous pensons que le pseudo-parrainage est une communication trompeuse. Le pseudo-parrain essaie de faire croire au spectateur, qu’il est le parrain de l’événement. Enfin, nous précisons que parmi les bénéfices associés au parrainage, les pseudo-parrains visent l’amélioration de l’attitude envers leur marque et l’accroissement de leur notoriété. En effet, le pseudo-parrainage n’a pas pour objectif un rapprochement avec des partenaires ou la motivation de son personnel comme c’est le cas du parrainage. 2. Les réactions du public à la révélation du pseudo-parrainage Face aux sommes de plus en plus importantes investies dans le pseudo-parrainage (Crompton, 2004), les organisateurs développent de plus en plus la stratégie « name and shame », qui consiste à révéler publiquement l’action de l’annonceur non accrédité, en communiquant son comportement et sa condamnation, lorsqu’elle est acquise (Fuchs, 2003). Ainsi, le comité olympique américain menace aujourd’hui de mener des campagnes publicitaires, consistant en des pages entières de publicité dans les principaux quotidiens américains, où on verrait une photo du pseudo-parrain accompagnée du slogan « Voleur ! ». LE CIO et la FIFA ont préparé des campagnes contre les pseudo-parrains afin de les persuader de cesser et de renoncer. Une question-clé demeure. Dans quelle mesure les consommateurs développent des sentiments négatifs envers le pseudo-parrain pour avoir utilisé un événement qu’il ne soutient pas ? Il est possible que le pseudo-parrainage produise des effets négatifs à l’égard du pseudo-parrain chez les personnes attachées à l’événement. Une étude réalisée par le CIO suggère que les pseudo-parrains sont mal vus par le grand public (Crompton, 2004). Cependant, les questions utilisées dans ces études sont fortement biaisées. En effet, l’étude du CIO demande aux répondants leur degré d’accord avec des affirmations comme : « seuls les sponsors des Jeux Olympiques devraient être autorisés à utiliser un message olympique dans leur publicité », « je pense qu’il est mauvais qu’une compagnie évite de payer délibérément les droits des Jeux Olympiques ». Or ces affirmations sont des jugements de valeur, qui entraînent souvent l’approbation quasi-automatique des répondants. Cette recherche ne nous permet donc pas de connaître les réactions spontanées et la connaissance réelle du pseudo-parrainage par le grand public. Le public est généralement ignorant en ce qui concerne le pseudo-parrainage. Il est mal informé des droits attachés au titre de parrain et d’organisateur d’événement (Meenaghan, 1998). C’est pourquoi il ne perçoit pas l’action de l’annonceur non-officiel comme susceptible de lui nuire, ou déloyale ou non éthique (Shani et Sandler, 1998). Par conséquent, le consommateur est largement indifférent à la prétendue malhonnêteté de l’entreprise embusquée (Lyberger et McCarthy, 2001). L’opinion du public est moins indifférente lorsqu’il est informé des différences qui existent entre le parrainage et le pseudo-parrainage. Selon Meenaghan (1998), son opinion se radicalise même lorsqu’il a le sentiment qu’on cherche à le tromper. Dans ce cas, il déclare ne pas approuver les actions menées par l’embusqué. Shani et Sandler (1998) trouvent aussi que le public juge mal les nonsponsors qui le trompent en prétendant être parrains officiels. Par contre, les résultats de Lyberger et McCarthy (2001) montrent qu’un nombre important de répondants ne sont pas opposés aux pratiques des embusqués et ne sont pas fâchés contre ces compagnies. Par ailleurs, Sandler et Shani (1998) et Meenaghan (1998) s’accordent pour dire que les réactions face au pseudo-parrainage dépendent de l’implication dans l’événement : plus un individu est impliqué dans un événement, plus il réagit défavorablement à la révélation du pseudo-parrainage. Par contre, la connaissance du pseudo-parrainage n’est pas liée à l’intérêt pour l’événement (Lyberger et McCarthy, 2001). Toutefois ces études ont été menées à la fin des années 90 ou au début des années 2000. Depuis, les publics ont fait l’acquisition d’une culture du partenariat entre le parrain et le sponsorisé, qui les rend mieux informés et plus critiques à l’égard du pseudo-parrainage. De plus, ces études ont été menées dans des pays anglo-saxons. Pour mieux connaître les réactions des Français face au pseudo-parrainage, nous avons décidé, au moyen d’une étude qualitative d’explorer les réactions du public français face au pseudo-parrainage. Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 43 Une étude exploratoire de l’attitude du public face à la révélation du pseudo-parrainage d’événements sportifs Marc MAZODIER II • L’étude exploratoire L’objectif global de cette étude est de mieux comprendre le comportement du consommateur face au parrainage et au pseudo-parrainage. En effet, la divergence des résultats antérieurs, relatifs aux réactions face au pseudo-parrainage, suggère qu’il existe d’autres variables, non identifiées, susceptibles d’influencer ce phénomène. De plus, l’identification des variables modératrices, de l’impact de la révélation du pseudo-parrainage sur l’attitude envers la marque, reste dans une phase exploratoire. Les objectifs principaux de notre étude qualitative consistent donc à : - explorer les attitudes des individus face au parrainage et au pseudo-parrainage, - identifier les variables susceptibles d’influencer les réactions au pseudo-parrainage. A - La méthodologie de notre étude 1. L’échantillon de consommateurs Le recours à l’étude qualitative a pour objectif l’exploration en profondeur de l’impact du pseudoparrainage sur le comportement du consommateur. Nous recherchons ici la richesse, la profondeur, la diversité et la qualité. Nous travaillons donc sur un échantillon de taille réduite (18 personnes) de la population française, sans aucun objectif de représentativité au sens statistique du terme. Afin de traduire la diversité des réactions possibles face au pseudo-parrainage, nous avons essayé de varier l’âge, le sexe, la catégorie socioprofessionnelle, le lieu d’habitation et l’intérêt dans les grands événements sportifs des répondants. Nous avons effectué un échantillonnage de proche en proche. Afin de varier l’intérêt dans le sport des répondants, nous avons demandé à chaque répondant de nous indiquer une autre personne à interroger, en précisant si elle s’intéressait ou non aux événements sportifs (précisions qui se sont toujours avérées justes). Suite aux entretiens, nous définissons chaque répondant comme intéressé ou non par les événements sportifs. Le tableau suivant présente le profil des personnes interrogées. Pour répondre à ces différents objectifs, une étude exploratoire est menée auprès d’un échantillon de convenance de dix-huit consommateurs. Elle s’appuie sur la technique des entretiens semidirectifs. Cette étude a pour but d’acquérir une vision aussi complète que possible du problème. Nous commençons par décrire la méthodologie que nous avons décidé d’adopter pour la réalisation de notre étude avant d’en rapporter les résultats. Tableau 1 : La structure de l’échantillon de consommateurs Classe d’âge [20-30] ans [30-50] ans [51 ans et plus [ Répondant Age Genre Lieu d’habitation* Intérêt ** Activité 1 21 H Paris Oui Étudiant 2 22 F Paris Non Étudiante 3 23 H B. du Rhône Oui Étudiant 4 26 F St Denis Non Institutrice 5 26 H Marseille Oui Commerçant 6 28 F Paris Oui Consultante 7 32 H B. du Rhône Oui Cadre sup 8 38 F B. du Rhône Non Commerciale 9 40 H Clamart Non Médecin 10 45 F Var Non Médecin 11 46 H Var Oui Technicien 12 54 F Paris Non Libraire 13 54 H Aubagne Oui Technicien 14 54 H Créteil Oui Infirmier 15 56 H Marseille Non Expert-comptable 16 60 F Var Oui Femme au foyer 17 60 H Paris Non Chirurgien 18 72 H Var Non Retraité * Si les répondants vivent dans des villes de moins de 10 000 habitants, nous indiquons le département. * * Intérêt pour les événements sportifs. Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 44 Une étude exploratoire de l’attitude du public face à la révélation du pseudo-parrainage d’événements sportifs Marc MAZODIER 2. Procédure de recueil et d’analyse des données Étant donné les objectifs de l’étude, nous avons choisi de recueillir nos données qualitatives à l’aide d’entretiens individuels semi-directifs. La pratique de l’entretien individuel est un mode de recueil très largement utilisé dans le domaine des études Marketing car il est centré autour de thèmes précis à aborder. L’entretien individuel permet généralement d’obtenir une information plus précise et plus profonde que la réunion de groupe car il favorise la détection des freins et des motivations profondément enracinés dans les individus (Giannelloni et Vernette, 2001). De plus, il permet d’éviter le principal inconvénient de la réunion de groupe, qui est la pression de conformité exercée par le groupe sur ses membres, sans perdre en créativité. Enfin, le groupe d’expression est complexe à mettre en œuvre. Lorsque les objectifs de l’étude le permettent, il est préférable d’avoir recours à l’entretien individuel (Ladwein, 1996). Enfin, nous avons choisi d’utiliser des entretiens semi-directifs, car ils permettent d’aborder nos thèmes de recherche tout en maintenant intactes la liberté du répondant et la flexibilité de l’entretien (Giordano, 2003). Les dix-huit entretiens individuels ont été menés au domicile des personnes, à l’aide d’un guide d’entretien (annexe 1). Les entretiens semi-directifs ont duré jusqu’à 1h. Ils se sont déroulés entre les mois de mai et juin 2006. Les entretiens ont été enregistrés sur des cassettes audio puis intégralement retranscrits. Ces retranscriptions ont fait l’objet d’une analyse thématique de contenu. Pour cela, nous avons découpé le texte en unités d’analyse de base : les thèmes, ou « unités de signification », que nous avons ensuite regroupés en catégories respectant les principes de catégorisation de Berlson (Ladwein, 1996) : l’homogénéité, l’exhaustivité, l’exclusivité, l’objectivité et la pertinence. B - Les résultats de l’analyse de contenu Avant d’avancer dans l’analyse des entretiens, il est important de souligner quelques points terminologiques. Le terme « sponsoring » (cité 150 fois) est utilisé beaucoup plus facilement que le terme « parrainage » (cité 2 fois) par les répondants. Nous avons donc nous aussi préféré le terme « sponsoring » lors de la conduite des derniers entretiens. De plus, les personnes interrogées utilisent souvent le terme « publicité » (cité 181 fois) comme un terme générique, qui désigne toute la communication faite par les entreprises. Nous présentons les résultats de l’étude à travers l’analyse de quatre thèmes : l’image associée au parrainage, la connaissance du pseudo-parrainage par les consommateurs, les attitudes envers les pseudo-parrains après la révélation du pseudoparrainage, les modérateurs des réactions à la révélation du pseudo-parrainage. 1. L’image associée au parrainage Afin de comprendre les réactions des individus face au pseudo-parrainage, la première étape consiste à savoir ce que le répondant entend par sponsoring ou parrainage. L’aspect financier du sponsoring et le terme « argent » sont associés au parrainage dans l’esprit de la majorité des personnes interrogées. Pour le répondant 15, le parrainage, c’est « (de l’) argent, (du) business, (du) gros business d’ailleurs ». Cet aspect financier est lié à l’apport financier du parrain au parrainé, il évoque des pratiques uniquement motivées par l’appât du gain et mêmes pour certains interviewés des pratiques « douteuses ». Par exemple, le répondant 8 définit le parrainage comme « beaucoup d'argent, pas forcément des trucs très bien (…) parce que ce monde-là n'est pas très clair. L'image que j'en ai, donc, c'est forcément beaucoup d'argent, et pas forcément très clean ». Sept répondants considèrent le sponsoring comme une forme de publicité. Pour eux, le parrainage est une forme de publicité élaborée. Pour le répondant 10, le sponsoring, « c’est l’utilisation du sport pour faire de la publicité, pour un organisme, une entreprise quelconque. Le sport devient un support publicitaire. Il y a des bateaux qui ont des marques de saucisson, par exemple ». Nous notons que le répondant 10 associe le parrainage avec le sport. C’est le cas de seize des dix-huit répondants, même si après ils évoquent le parrainage d’événements artistiques ou autres. Pour quatre d’entre eux, le soutien à un événement artistique est associé au mécénat et non au sponsoring. Nous notons que quatre des sept personnes considérant le sponsoring comme de la publicité, définissent toutefois le parrainage comme « une aide ou un soutien permettant d’organiser des événements ». Nous retrouvons alors la définition la plus courante donnée par les personnes interrogées : « le sponsoring est une aide financière pour aider la mise en place d’un événement sportif ». Cette reconnaissance de l’aide ou du soutien apporté par le sponsor est présente dans dix discours analysés, comme dans celui du répondant 17, pour qui le sponsoring est « une participation des entreprises, pour le développement du sport ou d’un événement. Ils peuvent aider financièrement, dans le but de faire connaître une marque ou dans le but d’attribuer une image à une marque en fonction d’une manifestation sportive à laquelle elle désire participer. Ils veulent se façonner une image, donner une image à l’entreprise qui puisse être valorisante par la suite ». Les personnes interrogées ont plutôt une bonne connaissance des objectifs du sponsoring. L’objectif le plus souvent Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 45 Une étude exploratoire de l’attitude du public face à la révélation du pseudo-parrainage d’événements sportifs Marc MAZODIER cité est de « se faire connaître » (cité dans onze entretiens). L’autre objectif couramment cité est la recherche d’une « image valorisante » (cité dans dix entretiens). Le sponsor « profite de l’image positive que peut véhiculer un événement ». Le troisième objectif le plus souvent cité est « rapporter de l’argent » (cité par huit répondants). Nous retrouvons l’association entre le parrainage et l’argent : « de toute façon, tout ça, c’est pour gagner de l’argent » (répondant 8). Enfin, d’autres objectifs ont été cités une fois : « rendre l’entreprise attractive dans le recrutement des jeunes », « vendre leur produit ». Nous notons pour la première fois une caractéristique récurrente des entretiens réalisés. Les personnes de plus de 40 ans considèrent que le sponsoring affecte surtout les jeunes. La majorité des répondants différencient donc le parrainage de la publicité. Ils définissent le sponsoring comme un moyen alternatif de communication, basé sur « un échange de bons procédés ». Cette notion d’échange apparaît dans plusieurs entretiens comme dans l’entretien 7 : « en échange de ressources financières ou matérielles afin de réaliser un projet, l’entreprise cherche à promouvoir sa marque ». Nous verrons que la reconnaissance de cet échange et de l’aide apporté à un événement a une influence sur les réactions des répondants au pseudo-parrainage. 2. La connaissance du pseudoparrainage par les consommateurs Avant d’examiner les réactions des répondants à la révélation du pseudo-parrainage, notre étude cherche à établir la connaissance que les individus ont de ce type de communication. Les personnes interviewées distinguent plus ou moins bien les différences entre le parrainage et les autres formes de communication liées à un événement : l’association avec d’autres entités présentes lors de l’événement (une équipe, un athlète, un artiste), la publicité utilisant des thèmes associés avec l’événement, l’association avec le média diffusant l’événement, la publicité autour de la diffusion et aux abords de l’événement. Onze personnes interrogées ne font pas la différence entre ces formes de communication. Plusieurs interviewés parlent spontanément d’une forme de pseudo-parrainage comme d’une forme de sponsoring. L’un d’entre eux nous a par exemple cité Nike et Coca-Cola comme sponsor de Roland Garros. À la question « connaissez-vous d’autres formes de communications liées aux événements sportifs ? » (nous avons restreint la question aux événements sportifs afin d’exclure les réponses relatives au mécénat et aux œuvres caritatives), ces répondants ont répondu que non : par exemple, « je vois pas du tout. Je ne me suis même jamais posé la question » ou « moi, je pensais qu’il y avait forcément que des sponsors » ou enfin « non, je ne fais pas la différence, car le sponsoring c’est faire de la publicité ». Nous retrouvons deux variables modératrices des effets du parrainage. Les personnes, ne faisant pas la différence entre les sponsors et les pseudo-parrains, sont principalement les répondants peu impliqués par le sport (c'est-à-dire l’activité parrainée) ou hostiles à toute forme de communication marketing. Ainsi, le répondant 2 répond : « non, je pense que je suis très loin de tout ça. Je dois mélanger. Mais il doit y avoir une nuance… entre partenaire, sponsor. Je ne sais même pas si c’est exactement la même chose. D’autant plus que je n’y prête pas beaucoup d’attention ». Les sept autres répondants savent qu’il y a des sponsors « officiels » « qui investi(ssen)t et il y a ceux qui, à côté, en profitent, en terme d’image, en terme de présentation » (répondant 14). Ces autres sponsors sont les « partenaires de la chaîne de diffusion » et les « sponsors des joueurs ». Mais ils n’arrivent pas à distinguer les parrains des pseudoparrains. « Ce n’est pas très clair » pour eux. Aucun interviewé n’a été capable de dire lors d’un événement, telle marque est le sponsor et telle marque a sponsorisé tel joueur ou tel média. Les personnes interrogées n’ont donc pas connaissance dans la majorité des cas des opérations de pseudo-parrainage. Lors de notre entretien, nous avons présenté aux répondants un exemple concret de pseudo-parrainage : la campagne de publicité de Pepsi mettant en scène plusieurs stars du football dans des fêtes allemandes caricaturales lors de la coupe du monde de football 2006 en Allemagne. Aucun des répondants n’a identifié la publicité de Pepsi comme une opération de pseudo-parrainage. Par contre, certains pensaient que Pepsi était un sponsor de la coupe du monde de football 2006 en Allemagne, du fait de l’utilisation d’éléments distinctifs de la coupe du monde de football. Par exemple, le répondant 5 pense immédiatement à la coupe du monde 2006 de football après avoir vu la publicité. Il justifie cette impression ainsi : « On voit les joueurs de foot : Henry, Beckam et Ronaldinho. Et puis, c’est la Bavière, donc l’Allemagne avec les chopes de bière ». Une fois informées de la présence, lors d’un événement, de marques sponsors mais aussi d’autres marques utilisant des éléments distinctifs de l’événement, les réactions sont variées : elles peuvent être négatives envers le pseudo-parrain, favorables ou neutres. Nous verrons aussi que ces réactions dépendent de différents critères. 3. Les réactions à la révélation du pseudo-parrainage Suite à la question « que pensez-vous des entreprises qui communiquent autour d’un événement sans en être le sponsor ? », nous avons Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 46 Une étude exploratoire de l’attitude du public face à la révélation du pseudo-parrainage d’événements sportifs Marc MAZODIER obtenu trois types de réactions à l’égard du pseudoparrain : négatives, positives et neutres. Réactions négatives envers le pseudo-parrain (N = 6/18) : Six répondants estiment que « ce n’est pas normal que quelqu’un, qui n’a pas investi, récolte les lauriers. J’aurais une mauvaise image de l’entreprise qui agit de la sorte. Je n’achèterais pas de cette entreprise » (répondant 14). Ces personnes interrogées ont une mauvaise image du pseudo-parrain, car elle « récupère », « profite », « ramène l’événement à soi sans y participer ». Dès lors, le pseudo-parrain est perçu comme plus « calculateur, obnubilé par l’argent ». Puisque les répondants ne voient plus d’aide, de participation à l’événement, ils en concluent que le seul objectif du pseudo-parrain est de « faire de l’argent ». Les personnes interrogées le qualifient de : « détestable, méprisable », « moins honnête », moins « citoyenne », « gênant », « mesquin ». « Cette entreprise parasite le truc. Même si c’est le même but, on a une vue plus positive des sponsors, ça nous gâche moins le plaisir. C’est toujours plus facile de s’associer une fois que le travail est fait. C’est moins risqué, alors que le sponsor a montré qu’il avait confiance dans l’événement. Ca ressemble moins à de l’argent facile mais plus à un projet auquel on croit et on se battra pour lui » (répondant 2). Nous remarquons que le risque pris semble être une caractéristique importante du sponsoring et que ce répondant recherche un véritable engagement du sponsor dans l’événement. Le sponsoring est aussi considéré comme plus « utile ». De même, certains consommateurs préfèrent le sponsoring de l’événement à l’association avec un joueur, car « le joueur n’a pas besoin d’être financé pour tenir une raquette » alors que l’événement ne pourrait pas avoir lieu sans sponsor. L’association avec un joueur est perçue dans ce cas comme « de la publicité toute simple ». Nous allons voir que les réactions sont différentes quand l’individu a une perception plus favorable de l’association avec un athlète. En réaction à la perception des sponsors comme de grosses entreprises, les pseudo-parrains sont vus comme des « petits sponsors », « qui ont moins de moyens », « qui sont moins connues », et « qui ne sont pas les leaders sur le marché ». Les consommateurs associent ces attributs aux pseudoparrains car ils pensent que les pseudo-parrains « n’ont pas la possibilité pour différentes raisons de sponsoriser comme les grandes ». Ces attributs sont plutôt négatifs pour l’image de l’entreprise. De plus, un interviewé estime que le pseudo-parrainage est « moins chic » et « plus bas de gamme comme des entreprises de distribution ». Le sponsoring est perçu comme s’adressant à une élite alors que « la publicité classique s’adresse plus au grand public ». Au final, trois interviewés disent « préférer le sponsor », notamment parce que le sponsor « prend un risque » et « s’investit ». Nos entretiens révèlent aussi que le pseudo-parrainage peut « énerver » le consommateur au point de ne plus vouloir acheter les produits de l’entreprise dans deux entretiens. Par exemple à propos de la publicité de Pepsi, « je trouve que c’est pas très moral qu’une entreprise qui n’a pas investi dans l’événement se fasse passer pour un sponsor. (…) Mais, ça me donne pas envie d’acheter du Pepsi ». La révélation du pseudo-parrain peut donc influencer les trois composantes de l’attitude. Ici la révélation du pseudo-parrainage peut influencer la composante conative des attitudes envers le pseudo-parrain. Auparavant, nous avons noté que des répondants ont éprouvé une attitude affective négative envers le pseudo-parrain, puisqu’ils le trouvent « détestable, méprisable… ». Enfin nous avons vu que la révélation du pseudo-parrainage peut influencer les croyances envers le pseudoparrain à plusieurs niveaux : - le pseudo-parrain peut connaître une perte d’intégrité ; - il peut être perçu comme moins « citoyen », car il est plus « obnubilé par l’argent » ; - il peut être perçu comme une « petite » entreprise « bas de gamme » et « peu connue ». Réactions positives envers le pseudo-parrain (N = 4/18) : Quatre consommateurs sur dix-huit présentent une réaction positive vis-à-vis du pseudo-parrainage. Ces consommateurs trouvent que c’est « malin », « opportuniste », « bien pensé », « intéressant » de la part du pseudo-parrain. Les consommateurs ont l’impression que le pseudo-parrain bénéfice de retombées sans dépenser d’argent. Pour eux, le pseudo-parrainage, « c’est vraiment un bon moyen de récupérer l’opération, donc pourquoi pas ». C’est pourquoi ils développent ces croyances positives. Par exemple, le répondant 1 dit : « je pense que c’est bien pensé. C’est un moyen de vraiment gagner en notoriété sans forcément faire de dépenses ». De plus, le répondant 9 trouve que « c’est malin d’adapter sa communication au moment présent » dans le cas de Pepsi, lors de la coupe du monde de football. Par ailleurs, ils sont « curieux de savoir ce que c’est ». Le répondant 11 explique cette curiosité ainsi : « Ca m’attirerait de les connaître un peu plus même si c’est un truc pas connu, de savoir ce que c’est… car s’ils sont sur un gros événement, c’est qu’ils ont quelque chose à apporter, je pense, donc essayer de connaître mieux ces petits sponsors ». De plus le répondant 11 trouve que « c’est courageux…, moi je pense qu’ils n’ont pas de gros budgets, il faut du courage pour s’investir sur de gros événements ». Nous notons que le pseudoparrain est encore perçu ici comme une « petite » entreprise. Nous verrons que la perception de la taille et des moyens du pseudo-parrain joue un rôle important dans les effets de la dénonciation du pseudo-parrainage. Certaines personnes interrogées considèrent « normal que les entreprises profitent des Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 47 Une étude exploratoire de l’attitude du public face à la révélation du pseudo-parrainage d’événements sportifs Marc MAZODIER événements » quand une entreprise est associée à un joueur et « lui permet de pratiquer son sport ». Le « sponsor du joueur participe activement à la réussite de l’événement et à la pratique des joueurs ». Nous notons que ces personnes sont intéressées par le sport. Cependant, nous notons que certaines des personnes réagissant favorablement au pseudoparrainage se sont d’abord interrogées sur la légalité de l’action : « Je ne sais pas si c’est très légal. Je ne connais pas la réglementation. A priori, tant qu’il n’y a pas d’utilisation de la marque ou du nom de l’événement, qui, je pense, doivent être déposés eux, et qu’il y a juste un rapport au sport, je pense que c’est légal et c’est bénéfique pour l’entreprise. C’est mon avis en tout cas. Je ne connais pas la législation mais ça peut être plutôt pas bête, non ? ». Réactions neutres envers le pseudo-parrain (N = 8/18) : Le pseudo-parrainage laisse huit interviewés indifférents. Pour eux, « c’est la même chose, ils ont les mêmes objectifs : être rentable, faire de l’argent, toucher le plus de monde possible ». Cette réaction s’explique en grande partie par l’absence de distinction faite entre les différents moyens de communication par les spectateurs : publicité, endossement, mécénat et sponsoring. « Que la marque soit sur un joueur, au bord du court ou sur autre chose, c’est pareil. Je ne vois pas de différence » (répondant 15). L’indifférence de certains répondants s’explique aussi par le peu d’intérêt qu’ils portent aux événements et leur aversion envers la communication. « Je n’y prête que peu d’attention, je ne regarde pas les événements sportifs à la télévision. De plus, j’essaie de me préserver un peu de liberté et de ne pas être influencé par toute cette publicité. Pour moi, tout ça c’est la même chose. Ce ne me fait ni chaud ni froid. Ca ne m’intéresse pas. » (répondant 6). Puis certains répondants ne voient rien de choquant dans l’utilisation d’éléments de l’événement. Par exemple, pour le répondant 5, « tout le monde peut utiliser une chope de bière et un costume bavarois dans une pub s’il en a envie, non ? C’est comme les joueurs de foot, la Bavière n’appartient pas à la coupe du monde. C’est pas comme s’ils utilisaient le trophée de la coupe du monde ». Selon ces personnes, puisque le pseudo-parrain ne fait rien d’illégal, il n’y pas de raison de le voir d’un mauvais œil. Enfin, cette indifférence s’explique par la conviction que les entreprises sont obligées de communiquer, particulièrement lors des grands événements. « Une entreprise doit exister, se présenter. Pour exister, elle doit être dans l’événementiel. Il faut qu’on parle de vous, qu’on vous voit, mais il faut trouver un support comme un événement » (répondant 10). Le pseudo-parrainage n’est ni bien ni mal pour ces répondants. Pour eux, certaines entreprises sont obligées de faire du pseudo-parrainage afin d’être présente lors des grands événements. Le répondant 5 justifie la publicité de Pepsi lors de la coupe du monde 2006 ainsi : « je crois savoir que Coca est déjà sponsor donc ils n’ont pas le choix ». 4. Les variables influençant les réactions des individus face au pseudo-parrainage Comme pour le sponsoring, les réactions au pseudo-parrainage dépendent de plusieurs critères. Le premier critère est l’implication dans l’événement. Par exemple, le répondant 14 « réagirai(t) plus négativement si c’est un événement qu’(il) aime beaucoup ». Un consommateur est d’autant plus « énervé » contre le pseudo-parrain qu’il est « attaché » ou « particulièrement investi » dans l’événement (présent dans cinq entretiens). Nous remarquons que cinq des six personnes réagissant négativement vis-à-vis du pseudo-parrainage sont intéressés par le sport. Ces personnes sont plus sensibles au risque pris par le parrain. C’est pourquoi, une de personnes interviewées est « moins dérangé(e) quand ça concerne un événement qui marche bien », car celui-ci se déroulera de toute façon. Les interviewés réagissant positivement à la révélation du pseudo-parrainage sont aussi majoritairement intéressés par le sport (trois sur quatre). Inversement, sept de huit interviewés indifférents au pseudo-parrainage sont peu ou pas intéressés par le sport. L’intérêt dans le sport, et l’événement en particulier, semble jouer un rôle dans les effets de la révélation du pseudoparrainage sur les attitudes envers le pseudoparrain. Un individu impliqué dans l’événement aura plus de réactions face au pseudo-parrainage. Par ailleurs, une personne interrogée a des réactions négatives envers le pseudo-parrain lorsqu’il n’y a pas de cohérence entre les valeurs de l’événement et de l’entreprise. Pour elle, « s’il n’y a pas ce lien, (elle) trouverait(t) ça ridicule. Ca fait flop. Ca me gêne » (répondant 16). La cohérence entre les valeurs de l’événement et du pseudoparrain est une condition aux réactions favorables envers le pseudo-parrainage. Certaines personnes interrogées précisent qu’elles peuvent comprendre qu’une entreprise d’équipements sportifs veuille s’associer à un événement sportif important mais pas une entreprise de lessive. « Si je peux avoir une exigence, c’est qu’il y ait une certaine cohérence entre le sponsor et la chose qu’il sponsorise. Qu’il y ait un lien minimaliste et surtout pas en tout cas qu’il y ait un lien contradictoire, choquant » (répondant 9). La congruence entre l’événement et le pseudo-parrain semble avoir un effet sur la réaction des individus face au pseudoparrainage. Un pseudo-parrain, perçu comme congruent avec l’événement, bénéficiera de plus d’indulgence de la part des spectateurs. Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 48 Une étude exploratoire de l’attitude du public face à la révélation du pseudo-parrainage d’événements sportifs Marc MAZODIER Certains répondants se déclarent négativement affectés quand le pseudo-parrainage est réalisé par de grosses entreprises. « Si c’est une grosse entreprise, qui fait ça, pour profiter d’un événement pour faire parler, pour faire croire qu’on participe à un événement, c’est méprisable, détestable » (répondant 2). De la même façon, certains interviewés n’ont une réaction positive envers le pseudo-parrain, que si c’est une « petite entreprise, pas trop connue ». L’absence supposée de moyen du pseudo-parrain justifie le choix du pseudoparrainage comme moyen de communication. Par exemple pour le répondant 9, le pseudoparrainage : « c’est bien parce que de toute façon cette entreprise n’a pas les moyens d’être sponsor ». Il est important de souligner qu’il s’agit de la proéminence perçue de l’entreprise par le consommateur. En effet, plusieurs répondants considèrent Pepsi comme une « petite » entreprise alors que sur un plan strictement économique, ce n’est pas le cas. Nous pouvons donc faire l’hypothèse que les effets de la révélation d’un pseudo-parrain sont moins négatifs quand le pseudo-parrain est perçu comme « une petite » entreprise. Sur les six personnes réagissant négativement au pseudo-parrainage, cinq sont influencées dans leur intention d’achat par le sponsoring, et ces cinq mêmes interviewés différencient le sponsoring de la publicité, dès le début de l’entretien. Inversement, parmi huit personnes ayant une réaction neutre visà-vis du pseudo-parrainage, nous retrouvons six personnes qui ne font pas la différence entre le parrainage et la publicité. « Tout ça, c’est de la publicité, une entreprise doit exister, doit se présenter, pour exister, elle doit être dans l’événementiel ». Nous pouvons donc penser que, plus un individu a une attitude positive envers le parrainage, plus il aura une réaction face au pseudo-parrainage, positive ou négative. Par ailleurs, nous remarquons que, huit des neuf personnes se déclarant fortement impliquées dans les événements sportifs, distinguent tous le parrainage de la publicité. Nous pouvons donc penser que l’implication dans l’événement a un effet sur l’attitude envers le parrainage. Plus un individu est impliqué dans l’événement, plus il a une attitude positive envers le parrainage. Par ailleurs, nous constatons que les répondants ayant une réaction positive vis-à-vis du pseudoparrainage n’ont pas une attitude défavorable envers la publicité. Au contraire, cinq des huit interviewés indifférents au pseudo-parrainage ont une attitude défavorable envers la publicité. Et deux personnes régissant négativement à l’égard du pseudo-parrainage ont une attitude négative envers la publicité. Dans notre étude, les personnes ayant une attitude défavorable envers la publicité sont majoritairement indifférentes au pseudo-parrainage. Nous pouvons expliquer cette tendance avec le lien trouvé entre l’attitude envers la publicité et l’attitude envers le parrainage. Les répondants ayant une attitude négative envers la publicité ont une attitude moins favorable à l’égard du parrainage. Notamment, ces répondants ne différencient pas la publicité et le parrainage. Or dans notre étude, les personnes réagissant négativement à la révélation du pseudo-parrainage distinguent tous le parrainage de la publicité. C’est pourquoi, nous avançons que les personnes ayant une attitude négative envers la publicité sont moins influencées par la révélation du pseudo-parrainage. Nous pouvons donc penser que l’attitude à l’égard du parrainage est un médiateur de l’effet de l’attitude envers la publicité sur l’impact de la révélation du pseudo-parrainage. Conclusion L’étude qualitative a permis en premier lieu, d’identifier les différents effets du pseudoparrainage sur les attitudes envers la marque. L’analyse des effets de la révélation du pseudoparrainage permet de constater qu’un individu peut avoir trois types de réaction face au pseudoparrainage : - Une réaction défavorable envers le pseudoparrain : Notre étude montre que le pseudo-parrain peut être perçu comme plus « petit(e) », « bas de gamme », moins « honnête » et moins « citoyenne ». - La création d’attitudes positives envers le pseudoparrain : d’autres répondants trouvent le pseudoparrainage « malin » et « intéressant ». - une réaction neutre. De nombreux individus sont indifférents au pseudo-parrainage. L’étude qualitative a aussi souligné l’influence de cinq variables sur l’impact de la révélation du pseudo-parrainage : la cohérence entre la marque et l’événement, l’implication dans l’événement, l’attitude envers le parrainage, l’attitude vis-à-vis de la publicité et la dimension perçue de l’entreprise. Les résultats de l’étude qualitative suggèrent que les organisateurs d’événements devraient développer les communiqués révélant le pseudoparrainage. Les personnes réagissant le plus négativement face au pseudo-parrainage paraissent être les plus impliquées dans les événements sportifs et les plus favorables au parrainage. Or ces personnes constituent le plus souvent la cible des parrains et des pseudo-parrains. Le préjudice pour les pseudo-parrains pourrait donc être important. Toutefois, les marques perçues comme congruentes avec les événements sportifs, et peu proéminentes, semblent risquer peu de dommages attitudinaux en cas de révélation du pseudoparrainage. Le pseudo-parrainage paraît donc être une stratégie efficace pour ce type de marques, d’autant plus que cette stratégie peut être perçue comme habile pour ces marques. Nos résultats nécessitent d’être approfondis afin de mesurer les effets de la révélation du pseudoparrainage et de vérifier l’influence de variables identifiées dans notre étude exploratoire. Il serait pour cela intéressant de réaliser une expérience auprès d’un échantillon représentatif de la Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 49 Une étude exploratoire de l’attitude du public face à la révélation du pseudo-parrainage d’événements sportifs Marc MAZODIER population française. Lors de cette expérience, il faudrait mesurer les attitudes à l’égard d’un pseudoparrain, d’un groupe expérimental avant et après la révélation du pseudo-parrainage d’un événement, par un article de presse et/ou un communiqué officiel. BIBLIOGRAPHIE Cornwell T.B. et I. 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Thème 2 : Les attitudes envers les parrains De façon générale, que pensez-vous des marques qui sponsorisent des événements ? Pourquoi ? Globalement, appréciez-vous les sponsors ? Pourquoi ? Pouvez-vous me donner des exemples d’opérations de sponsoring d’une marque qui ont influencé votre comportement d’achat ? Thème 3 : La connaissance du pseudoparrainage Connaissez-vous d’autres formes de communications liées aux événements sportifs, que le sponsoring ? Que pensez-vous de cette publicité (présentation de la publicité Pepsi pour la coupe du monde de football 2006) ? Révélation que Pepsi, dans notre exemple, et d’autres marques utilisent des éléments distinctifs d’événements, sans être parrain de ces événements. Thème 4 : Les attitudes envers les pseudoparrains Que pensez-vous des marques qui cherchent à s’associer à un événement sans être pour autant le sponsor officiel ? Pourquoi ? Appréciez-vous ces marques ? Pourquoi ? Avez-vous l’intention d’acheter ces marques ? Merci de nous avoir consacré de votre temps. Revue européenne de management du sport n° 23 – Septembre 2008 p. 51