Maturation ovocytaire in vitro : place dans la
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Maturation ovocytaire in vitro : place dans la
Mini-revue mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie 2012 ; 14 (2) : 106-12 Maturation ovocytaire in vitro : place dans la stratégie de préservation de la fertilité In vitro maturation of oocytes in the strategy of fertility preservation Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. 1,2 Michaël Grynberg Marc Even1,2 1 AP-HP, hôpital Antoine-Béclère, service de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction, 92141 Clamart, France 2 Université Paris-Sud, Inserm, U782, 32 rue de Carnets, 92140 Clamart, France <[email protected]> Mots clés : maturation in vitro, préservation de la fertilité, cancer Abstract. Although female cancer incidence may be on rise, antineoplastic regimens have become more successful. As a result, an increasing number of women with cancer survive to endure the long-term consequences of chemotherapy. One of the most important longterm consequences of cancers treatments in young female is premature ovarian failure and infertility. Because of the increasing survival rates, many of these young women are seeking methods to preserve their fertility. Currently, embryo/oocytes cryopreservation obtained after ovarian stimulation appears to provide the best fertility preservation option. However, patients may not have sufficient time to undergo ovarian stimulation prior to chemotherapy and/or the hormones used in ovarian stimulation are contraindicated for estrogen-dependant tumors. In vitro maturation of oocytes (IVM) has been suggested to avoid ovarian stimulation and time requirement in patients with cancer, and can be combined with ovarian tissue cryobanking. In this review, we will discuss the position of IVM in the strategy of fertility preservation in young women. Key words: in vitro maturation, fertility preservation, cancer D médecine thérapeutique epuis deux décennies, l’amélioration des outils diagnostiques et thérapeutiques a abouti à une augmentation significative des taux de survie dans les cancers des enfants et des jeunes adultes [1]. En dépit de ces progrès, les thérapeutiques utilisées conservent un certain nombre d’effets indésirables, parmi lesquels figurent l’altération de la fonction gonadique et la stérilité [2, 3]. Ces effets peuvent, en fonction de la sensibilité individuelle à la gonadotoxicité des traitements, être transitoires ou permanents [4]. La sévérité des dommages gonadiques est fonction du type de chimiothérapie et/ou de l’intensité de la radiothérapie, des protocoles de traitement et de l’âge de la patiente [5]. Ainsi, depuis une décennie, les techniques de préservation de la fertilité avant traitement gonadotoxique ont pris une place majeure dans la stratégie de prise en charge multidisciplinaire du cancer. Au vu des difficultés à prédire individuellement avec précision la fertilité post-traitement d’une patiente donnée, il paraît indispensable de proposer, au mieux, avant de débuter le traitement gonadotoxique, le recours à des techniques de préservation de la fertilité. Contrairement à l’homme pour qui l’autoconservation de spermatozoïdes est bien établie, la préservation de la fertilité féminine représente encore un challenge. En effet, si la cryopréservation Pour citer cet article : Grynberg M, Even M. Maturation ovocytaire in vitro : place dans la stratégie de préservation de fertilité. mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie 2012 ; 14 (2) : 106-12 doi:10.1684/mte.2012.0402 doi:10.1684/mte.2012.0402 Médecine de la Reproduction Gynécologie Endocrinologie Tirés à part : M. Grynberg 106 Résumé. Bien que l’incidence du cancer soit en augmentation, les traitements anticancéreux sont devenus plus efficaces, avec pour résultat un accroissement du nombre de femmes survivantes, soumises aux conséquences à long terme de la chimiothérapie. Un de ces principaux effets indésirables est représenté par l’insuffisance ovarienne prématurée. Ainsi, les jeunes femmes soumises à ce type de traitement sont demandeuses d’une préservation de leur fertilité. Classiquement, la cryopréservation embryonnaire et/ou ovocytaire après stimulation ovarienne représente la technique de référence, offrant les meilleurs résultats. Cependant, nombreuses sont les patientes chez qui la stimulation ovarienne n’est pas réalisable, faute de temps ou en raison d’une pathologie sous-jacente estrogéno-dépendante. Pour ces patientes, la technique de maturation ovocytaire in vitro (MIV) a été proposée, permettant un recueil ovocytaire immédiat, sans stimulation par les gonadotrophines exogènes, indépendamment de la phase du cycle. Par ailleurs, elle est utilisable en combinaison avec la cryopréservation de tissu ovarien. Dans cette revue, nous discuterons de la place de la MIV dans la préservation de la fertilité de la femme jeune. embryonnaire reste à ce jour la seule technique établie, la congélation d’ovocytes matures et de fragments de cortex ovarien, bien qu’encore expérimentale, fait désormais partie de l’arsenal thérapeutique, ouvrant de nouvelles perspectives. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Cryopréservation embryonnaire ou ovocytaire après stimulation ovarienne La cryopréservation embryonnaire après recueil d’ovocytes matures faisant suite à une stimulation ovarienne constitue à ce jour la technique de référence en matière de préservation de la fertilité féminine. En effet, depuis la première grossesse et naissance obtenue il y a plus de 25 ans après congélation-décongélation embryonnaire [6], cette technique est utilisée en routine dans tous les centres d’Assistance médicale à la procréation. Les taux de survie embryonnaire après décongélation sont de l’ordre de 70 % avec des taux de grossesse par transfert compris entre 10 et 50 % [7, 8]. La cryopréservation embryonnaire ne peut s’appliquer qu’à des femmes mariées ou vivant en couple depuis au moins deux ans (Loi de Bioéthique du 29 juillet 1994, révisée en 2004) et pose un certain nombre de problèmes éthiques en cas de décès d’un des deux membres du couple ou de séparation. Afin de palier à ces inconvénients, s’est développée la technique de cryopréservation des ovocytes recueillis après stimulation ovarienne. En effet, Porcu et al. (1997) ont été les premiers à rapporter la fécondation d’un ovocyte humain mature congelé puis décongelé par ICSI, en utilisant la technique de congélation lente [9]. Dès lors, la technique de cryopréservation ovocytaire est entrée dans la pratique courante en matière de préservation de la fertilité féminine [10-12]. Les principaux inconvénients des techniques de cryopréservation ovocytaire sont représentés, d’une part, par le durcissement de la zone pellucide, par exocytose prématurée des granules corticaux pouvant empêcher la pénétration des spermatozoïdes [9, 13] et, d’autre part, la formation de cristaux de glace lors de la congélation ou de la décongélation, pouvant léser le fuseau méiotique des ovocytes matures [14]. Récemment, la technique de vitrification, utilisant un procédé de congélation ultrarapide avec de fortes concentrations de cryoprotecteurs [15] a montré des résultats prometteurs. À ce jour, plus de 1 000 enfants sont nés après cryopréservation ovocytaire, sans semble-t-il d’augmentation de l’incidence des malformations congénitales [16]. Qu’il s’agisse d’une cryopréservation ovocytaire ou embryonnaire après stimulation ovarienne, il existe un certain nombre d’inconvénients qui peuvent poser des problèmes majeurs dans le cadre de la préservation de fertilité avant administration de substances gonadotoxiques. En effet, la stimulation ovarienne par les gonadotrophines exogènes n’est réalisable qu’après acti- vation de l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique au moment de la puberté. Par ailleurs, la stimulation des follicules antraux précoces nécessite idéalement d’être débutée en phase folliculaire et requiert un délai de 15 jours pour obtenir une maturité folliculaire compatible avec un recueil d’ovocytes matures d’un point de vue cytoplasmique et nucléaire. Enfin, l’hyperestrogénie supra-physiologique secondaire à l’hyperstimulation ovarienne contrôlée est contre-indiquée en cas de pathologie estrogéno-dépendante telle que le cancer du sein ou le lupus érythémateux aigu disséminé, rendant impossible l’utilisation de ces techniques. Des protocoles de stimulation ovarienne, faisant notamment appel aux inhibiteurs de l’aromatase, ont été développés afin de limiter l’augmentation des taux d’estradiol plasmatiques et d’offrir la possibilité d’un recueil d’ovocytes matures chez des femmes atteintes de pathologies hormono-dépendantes [17]. Toutefois, ces molécules n’ayant pas l’Autorisation de mise sur le marché en stimulation de l’ovulation, il paraît actuellement difficile de les proposer en routine. La cryopréservation de tissu ovarien La cryopréservation de fragments de cortex ovarien constitue une alternative à la cryopréservation ovocytaire ou embryonnaire. Le prélèvement de tissu ovarien nécessite une intervention chirurgicale, le plus souvent réalisée par laparoscopie. Ainsi, selon les cas, on peut réaliser une ovariectomie unilatérale partielle ou complète, voire une ovariectomie bilatérale. Les fragments ovariens pourront après guérison de la pathologie être autotransplantés, avec possibilité de reprise d’une fonction endocrine et exocrine. Par ailleurs, ils pourront constituer une source de follicules pour la réalisation d’une folliculogenèse in vitro lorsque la technique sera mise au point chez l’humain. La cryopréservation de tissu ovarien possède un certain nombre d’avantages, notamment le fait d’être réalisable sans délai, ne retardant pas la mise en route du traitement gonadotoxique. De plus, elle représente la technique de choix chez les filles prépubères. Néanmoins, elle doit encore être considérée comme expérimentale, avec très peu de grossesses obtenues à travers le monde [18]. Elle pose également le problème du risque de réintroduction de cellules malignes après greffe des fragments ovariens chez une patiente théoriquement guérie, ce qui rend la transplantation contre-indiquée en cas de pathologie à fort risque de localisation ovarienne, en particulier les leucémies aiguës. La maturation ovocytaire in vitro La maturation ovocytaire in vitro (MIV) consiste à recueillir des ovocytes immatures puis à les faire mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie, vol. 14, n◦ 2, avril-mai-juin 2012 107 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Mini-revue 108 secondairement maturés in vitro. Cette technique a initialement été développée afin de palier aux effets indésirables de la stimulation ovarienne par les gonadotrophines exogènes, notamment le syndrome d’hyperstimulation ovarienne dont les complications sont potentiellement mortelles. Les premières grossesses après MIV ont été rapportées en 1994 par Trounson et al., chez des patientes porteuses d’un syndrome des ovaires polykystiques, particulièrement à risque de développer un syndrome d’hyperstimulation ovarienne [19]. Un certain nombre de risques théoriques, concernant notamment la survenue de maladies liées à l’empreinte chez les enfants nés après MIV, ont été soulevés sans réelle preuve à ce jour [20, 21]. Récemment, la MIV a été proposée comme technique de préservation de la fertilité féminine, permettant d’éviter la stimulation ovarienne et offrant ainsi la possibilité d’un recueil ovocytaire immédiat [22]. Technique Le recueil ovocytaire est réalisé 36 heures après l’injection d’hCG (Gonadotrophine Chorionique Endo, Organon Pharmaceutique, Saint-Denis, France, 5000 UI, IM), chez une patiente sous sédation modérée par du propofol (Driprivan® ; AstraZeneca, France) administré par voie intraveineuse. La ponction est réalisée par voie transvaginale échoguidée, à l’aide d’une aiguille 19-Gauge simple lumière (K-OPS-7035-Wood ; Cook, France). La pression d’aspiration est réglée à 7,5 kPa. Les liquides folliculaires aspirés contenant les complexes cumulo-ovocytaires sont récupérés dans des tubes NucleonTM (Nunc A/S, Danemark) de 15 mL, remplis de 3 mL d’héparinate de sodium 2 UI/mL (Sanofi–Synthelabo, France) préchauffés. Les liquides d’aspiration sont ensuite dispersés dans des boîtes de culture NucleonTM (Nunc A/S). Les complexes cumulo-ovocytaires isolés sous loupe binoculaire sont ensuite lavés dans du milieu de culture, Universal IVF Medium® (Medi Cult, Danemark), préalablement chauffé à 37 ◦ C sous une atmosphère enrichie à 5 % en CO2 . Après deux lavages, les complexes cumuloovocytaires sont placés dans les puits centraux d’une boîte de culture (Becton Dickinson, États-Unis) contenant 1 mL de milieu de culture IVM® (Medi Cult, Danemark) sous huile minérale, supplémenté avec 20 % de sérum maternel inactivé, 0,75 UI/mL de FSH et 0,75 UI/mL de LH Menopur® (Ferring, Allemagne) [23]. Les ovocytes sont incubés à 37 ◦ C sous une atmosphère enrichie à 5 % en CO2 . Après 24 heures de maturation, les complexes cumulo-ovocytaires sont décoronisés à l’aide d’une solution de hyaluronidase (Syn Vitro Hyadase ; Medi Cult). La maturité ovocytaire est appréciée sous microscope inversé : la présence du premier globule polaire dans l’espace périvitellin ovocytaire est le témoin de la maturité nucléaire ovocytaire. Les ovocytes matures sont soit congelés selon un processus de congélation lente, soit fécondés par ICSI le même jour en cas de présence d’un conjoint. Les ovocytes immatures au stade de prophase I de méiose ou au stade de métaphase I sont remis en culture pour 24 heures supplémentaires. Les ovocytes matures après 48 heures sont alors congelés ou fécondés par ICSI. Les ovocytes restant immatures après 48 heures de culture ne sont pas utilisés. Intérêt de la maturation ovocytaire in vitro dans la préservation de la fertilité féminine Outre le fait d’être applicable sans délai et donc en situation d’urgence, ainsi que chez des patientes porteuses de pathologies estrogéno-dépendantes telles que le carcinome mammaire ou le lupus érythémateux disséminé, la MIV possède deux autres propriétés fondamentales dans la préservation de la fertilité. Une technique réalisable quelle que soit la phase du cycle Classiquement, le recueil ovocytaire en vue d’une MIV est pratiqué durant la phase folliculaire d’un cycle naturel, après administration d’hCG. Cependant des études réalisées au cours de la dernière décennie ont montré que des ovocytes recueillis au cours d’une césarienne, exposés à de fortes concentrations de progestérone, pouvaient être maturés in vitro et fécondés, avec obtention de grossesse et de naissances [24-26]. Plus récemment, chez le bovin, il a été mis en évidence que le nombre d’ovocytes immatures recueillis en phase folliculaire précoce était significativement supérieur à celui d’une même procédure pratiquée en phase folliculaire tardive ou en phase lutéale [27]. Cependant, aucune différence n’a été constatée concernant les taux de maturation, de fécondation, de clivage et de blastulation en fonction de la phase du cycle. Ces données suggèrent par conséquent la possibilité de recueillir des ovocytes immatures en phase lutéale, en vue de produire des embryons viables. Chez l’humain, il a été récemment montré que le nombre d’ovocytes recueillis, les taux de maturation ovocytaire, les taux de fécondation ainsi que le nombre d’ovocytes et/ou d’embryons congelés ne différaient pas selon la phase du cycle à laquelle était pratiquée la MIV [28]. S’il a bien été montré que la lutéinisation précoce des follicules avant recueil des ovocytes matures en FIV conventionnelle était associée à de moins bons résultats mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie, vol. 14, n◦ 2, avril-mai-juin 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. [29], le rationnel de la ponction d’ovocytes immatures en phase lutéale repose sur le fait qu’il est possible que l’élévation des taux de LH et progestérone n’affecte pas les follicules antraux précoces contenant des ovocytes immatures. En effet, les cellules de la granulosa de ces follicules sont dépourvues de récepteurs à la LH, qui n’apparaîtront qu’en phase folliculaire tardive [30]. Par ailleurs, ni la présence de récepteurs à la LH ni celle de récepteurs à la progestérone n’a pu être montrée sur l’ovocyte au stade de vésicule germinative (VG). Cependant, l’administration de doses supraphysiologiques d’activité LH sous forme d’hCG semble avoir un impact sur les follicules antraux précoces, par un mécanisme encore indéterminé. En effet, il a été démontré qu’un « priming » par hCG avant le recueil ovocytaire améliorait les taux de maturation et de fécondation, ainsi que les taux de grossesse chez les patientes SOPK [31]. Ainsi, le recueil d’ovocytes immatures en phase lutéale est réalisable, ce qui fait de la MIV une option intéressante dans la stratégie de préservation de la fertilité d’urgence. Combinaison des techniques de cryopréservation de fragments de corticale ovarienne et de maturation ovocytaire in vitro Un des intérêts majeurs de la MIV est de pouvoir s’associer à une ovariectomie pour cryopréservation de fragments ovariens. En effet, le but de la cryopréservation de tissu ovarien est de préserver des follicules primordiaux et primaires, représentant respectivement 70 à 90 % et 10 à 30 % des follicules ovariens [32, 33]. Ces deux classes folliculaires ont pour principale caractéristique d’être très résistantes au processus de congélation. Les follicules secondaires et antraux ne survivent pas ou peu à la congélation [34] probablement en raison, d’une part, de leur structure cellulaire complexe, conduisant à une mauvaise pénétration des cryoprotecteurs et, d’autre part, à leur important contenu en eau, aboutissant à la formation de cristaux de glace. Le rationnel de la combinaison des techniques de MIV et de cryopréservation de tissu ovarien est par conséquent d’avoir deux techniques complémentaires à proposer aux patientes jeunes désireuses d’une préservation urgente de leur fertilité. Classiquement, le recueil ovocytaire est réalisé in vivo, par ponction vaginale, avant que ne soit pratiquée l’ovariectomie. Cette dernière s’avèrera beaucoup plus aisée que si elle était pratiquée sur un ovaire préalablement stimulé, plus volumineux et richement vascularisé. Récemment, Huang et al. ont rapporté la possibilité du recueil d’ovocytes immatures ex vivo, au laboratoire de biologie de la reproduction, après ovariectomie [35]. Ainsi, sur les quatre patientes chez qui a été pratiquée cette technique, trois ovocytes ont été obtenus en moyenne, avec des taux de maturation moyens de 79 %. Pour notre part, cette technique nous a per- mis d’obtenir sept et six ovocytes immatures sur les deux patientes chez qui ont été réalisées les ponctions ex vivo (données non publiées). Le principal inconvénient de cette technique est de devoir ponctionner des ovocytes sur un tissu ovarien suspendu dans un milieu à 4 ◦ C, température idéale pour la cryopréservation de cortex ovarien. Si ces ovocytes tendent à avoir de bons taux de maturation, il n’en est pas moins impossible de négliger les risques de perturbations méïotiques. La possibilité de combiner MIV et cryopréservation de tissu ovarien est particulièrement intéressante chez les femmes bénéficiant d’une préservation de la fertilité dans un contexte de pathologie à fort risque d’invasion ovarienne par des cellules malignes, qui contre-indiquera la future transplantation des fragments de corticale ovarienne. Ainsi, la MIV constitue pour ces patientes une réelle possibilité de concevoir, sans risque de récidive de la pathologie originelle. Résultats de la maturation ovocytaire in vitro La MIV constitue une technique désormais bien établie pour le traitement de l’infertilité, notamment chez les femmes porteuses d’un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) [27, 36], avec plusieurs centaines d’enfants nés à ce jour. Des grossesses et des naissances ont par la suite été obtenues après MIV au cours d’un cycle naturel chez des patientes ayant des ovaires normaux [27]. À Clamart, la MIV a été instaurée en 2002, avec à ce jour des taux de grossesse par ponction de 26 %, chez des femmes essentiellement OPK [37]. Dans certains cas sélectionnés, ces taux de grossesse peuvent atteindre 48 % [38], ce qui est comparable aux résultats en FIV conventionnelle dans de nombreux centres [39]. Il semble également acquis que les enfants nés après MIV ne présentent pas d’augmentation des taux d’anomalies fœtales ou néonatales comparativement aux enfants issus de FIV classique ou de grossesses naturelles [40]. Un poids de naissance moyen légèrement plus élevé dans le groupe des enfants nés après MIV est probablement attribuable aux facteurs maternels, notamment le SOPK, qui prédispose au diabète gestationnel et à la macrosomie. Bien que les résultats rapportés récemment après vitrification d’ovocytes maturés in vitro soient moins bons que ceux obtenus avec la même technique de congélation appliquée à des ovocytes maturés in vivo après stimulation ovarienne [41], il n’en demeure pas moins vrai que la MIV reste une alternative intéressante en cas d’impossibilité de pratiquer une stimulation ovarienne, faute de temps ou en raison de l’estrogéno-dépendance de la pathologie sous-jacente, ce qui, dans notre expérience, représente un nombre de cas non négligeable. mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie, vol. 14, n◦ 2, avril-mai-juin 2012 109 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 07/02/2017. Mini-revue 110 La cryopréservation d’ovocytes immatures, en fin de prophase I, au stade de VG a également été proposée [42]. Le rationnel de cette technique est basé sur la grande sensibilité du fuseau méïotique au refroidissement avec en conséquences, des possibles risques d’aneuploïdie embryonnaire après congélation d’ovocytes matures [43]. Or, dans les ovocytes au stade VG, le fuseau n’est pas encore constitué et les chromosomes sont protégés par une enveloppe nucléaire, limitant ainsi théoriquement les risques suscités. Les données de la littérature sur la congélation d’ovocytes immature portent principalement sur des ovocytes issus de stimulation ovarienne en vue de FIV. Après congélation lente, les taux de survie varient de 13 à 73 %, avec une fécondabilité et des capacités de développement inférieures à celles observées avec les ovocytes matures [42, 44-49]. Dans l’espèce humaine, une seule naissance a été rapportée après cryopréservation d’ovocytes immatures [48]. Aucune naissance n’a été publiée dans les rares publications faisant état de congélations d’ovocytes immatures par vitrification [50-52]. Par ailleurs, il est bien démontré que les femmes surmontent mieux d’un point de vue émotionnel le traitement du cancer lorsqu’elles savent qu’elles auront, dans le futur, une possibilité d’assouvir leur désir de maternité [53]. Ainsi, notre stratégie en matière de préservation de la fertilité féminine consiste, en cas de contrainte de temps et/ou de contre-indication à la stimulation ovarienne, à proposer un recueil d’ovocytes immatures au cours d’un cycle naturel, suivi d’une MIV et d’une cryopréservation par la technique de vitrification, des ovocytes matures ou des embryons en fonction de la présence ou non d’un partenaire. En l’absence d’urgence ou de pathologie hormono-dépendante, la cryopréservation ovocytaire ou embryonnaire est réalisée après stimulation ovarienne, permettant d’emblée de récupérer des ovocytes matures. Cependant, étant donné les contre-indications à la grossesse chez ces patientes dans un futur proche, nous ne serons en mesure d’évaluer les résultats de la cryopréservation d’ovocytes maturés in vitro que lorsque des embryons issus de cette technique seront transférés. Néanmoins, les patientes jeunes atteintes de cancer n’auront pas de deuxième chance de mettre en place des mesures préservation de la fertilité avant d’avoir la preuve de la technique la plus appropriée dans cette indication. Enfin, il convient de ne pas extrapoler les résultats de ces techniques chez des patientes infertiles à ceux des femmes non infertiles devant bénéficier de traitements gonadotoxiques. féminine. En effet, la possibilité de la pratiquer en urgence, quelle que soit la phase du cycle, éventuellement en association à la cryopréservation de tissu ovarien, en fait une technique de choix chez les patientes jeunes devant être soumises à des traitements gonadotoxiques. Enfin, l’absence de nécessité d’une stimulation ovarienne en fait la technique de choix pour les femmes atteintes de pathologies estrogéno-dépendantes telle le cancer du sein. Conflits d’intérêts : aucun. Références 1. American Cancer Society. Cancer facts and figures-2006. Atlanta, GA : American Cancer Society, 2006 (accessed on March 1, 2007; available at: http//www.cancer.org/docroot/STT/STT-0asp). 2. Mackie EJ, Radford M, Shalet SM. Gonadal function following chemotherapy for childhood Hodgkin’s disease. Med Pediatr Oncol 1996 ; 27 : 74-8. 3. Lobo RA. Potential options for preservation of fertility in women. N Engl J Med 2005 ; 353 : 64-73. 4. Blumenfeld Z, Haim N. Prevention of gonadal damage during cytotoxic therapy. Ann Med 1997 ; 29 : 199-206. 5. Howell S, Shalet S. Gonadal damage from chemotherapy and radiotherapy. Endocrinol Metab Clin North Am 1998 ; 27 : 927-43. 6. Trounson A, Mohr L. Human pregnancy following cryopreservation, thawing and transfer of an eight-cell embryo. 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