L` open data, une mine d`or pour les juristes

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L` open data, une mine d`or pour les juristes
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LA SEMAINE DU PRATICIEN TENDANCES
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L’open data, une mine d’or
pour les juristes
L’open data consiste à mettre à disposition de tous, sur Internet, des données numériques librement accessibles et réutilisables par tous. L’open data juridique en est la
déclinaison dans le secteur du droit. C’est une mine d’or pour les juristes.
J’ai du bon data dans ma datatière .- Oui, j’ai du bon data
et tu en auras, car l’open data
est une démarche d’ouverture. Elle consiste à mettre à
disposition de tous, sur Internet, des données numériques
librement accessibles et réutilisables par tous. Ces « données ouvertes » sont extrêmement variées : publiques ou
privées… économiques, statistiques, géographiques, scientifiques, culturelles, administratives ou juridiques…
Ainsi, divers ministères ont ouvert des données ; des dizaines
de villes ont ouvert leurs données (Paris et Rennes ont été les
pionnières) ; des EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial) ont ouvert leurs données (SNCF, RATP,
IGN). Ces données peuvent ensuite être réutilisées dans des
applications mobiles, dans des
cartographies ou encore pour
des recherches de toutes sortes.
Le portail data.gouv.fr présente
quelques-unes de ces réutilisations : carte des logements vacants en Île-de-France, carte
des expatriés français dans le
monde, cartographies des données financières des communes
et villes françaises... Ici et là, des
concours open data sont organisés pour récompenser les meilleures « applis », comme à Strasbourg ou à Toulouse.
L’open data, très tendance. Aujourd’hui, l’open data est un
mouvement ample et encouragé
dans un grand nombre d’États.
Aux États-Unis, le président Barack Obama lance le projet data.
gouv en 2009. En Europe, la directive 2013/37/UE (PE et Cons.
UE, dir. 2013/37/UE, 26 juin 2013 :
JOUE 27 juin2013, L 175/1) révise
le cadre juridique de la réutilisation des informations du secteur
public pour mieux permettre le
développement de l’open data
(directive dite « PSI », à transposer au plus tard le 18 juillet 2015).
Et le Parlement européen vient
de voter un budget d’un milliard
d’euros pour soutenir des projets
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numériques, notamment des projets open data. En France, le service Etalab est constitué en 2011
auprès du Premier ministre. Etalab a alors créé la plateforme
data.gouv.fr, riche de 330 000 jeux
de données dès son lancement,
et progressant de jour en jour.
La nouvelle version de la plateforme propose depuis décembre
dernier encore plus de données,
avec une technologie qui facilite
leur réutilisation.
Pour autant, la France n’arrive
qu’en 16e position dans le classement sur l’ouverture des données publiques réalisé par l’Open
Knowledge Foundation (OKF). Le
dique ! S’y l’on ajoute à cela la
diffusion en open data des données administratives et des débats parlementaires sur data.
gouv.fr, déjà opérationnelle, voilà une mine d’informations. C’est
le big data du droit !
Une mine d’or magique. - Ce
gisement d’informations présente deux caractéristiques remarquables :
1) C’est un gisement magique,
car il ne s’épuise pas : la donnée ouverte est un bien non rival, comme le disent les économistes. S’il n’y a qu’un manteau
« L’ouverture des données juridiques
pourrait changer la manière de faire de
la recherche en droit ou de travailler un
dossier. »
Royaume-Uni, les États-Unis et le
Danemark occupent le podium.
Or l’un des points faibles de la
France est justement le secteur
du droit. On pourrait s’en étonner, dès lors que Légifrance nous
est enviée dans de nombreux
pays ! Et que cette base, inaugurée en 2002, est 100 % gratuite. Mais en réalité, Légifrance
n’est pas encore open data…
Pour qu’elle le soit, il faudrait
que ses données puissent être
librement et gratuitement réutilisées, y compris à des fins commerciales. Tel n’est pas le cas actuellement.
(R)évolution pour l’open data
juridique.- Il semble toutefois
que cela devrait changer, si l’on
en croit la décision, datée du
18 décembre 2013, prise par le
Comité interministériel pour la
modernisation de l’action publique (CIMAP). Au cours de l’année 2014, la base Légifrance devrait alors basculer sous licence
gratuite, même pour une « réutilisation professionnelle ». Une
révolution pour l’open data juri-
et que je le porte, tu en es privé,
c’est un bien rival ; si je m’éclaire
sous un réverbère, tu peux t’éclairer aussi sans me priver de lumière, c’est un bien non rival. Si
j’utilise une information, tu peux
l’utiliser aussi.
2) C’est un gisement librement
exploitable. Il est non seulement
librement utilisable, mais encore,
et surtout librement réutilisable.
La réutilisation est au cœur de la
philosophie de l’open data. Les
contrats doivent par conséquent
permettre cette réutilisation, y
compris pour des projets commerciaux. Et ils doivent le permettre gratuitement. Par principe, les données ouvertes ne
sont pas (ou plus) protégées par
le droit d’auteur, mais il existe un
droit sui generis portant sur les
bases de données. Une licence
dite « libre » fixe donc les conditions de la réutilisation. En pratique, on rencontre surtout la licence ouverte d’Etalab (LO) et la
licence ODbL créée par l’Open
Knowledge Foundation. Par
exemple, la licence LO permet
de reproduire, redistribuer, modifier et exploiter à titre commercial, sous réserve de mentionner
la paternité et la date de la dernière mise à jour.
Des projets. - Il ne reste plus
qu’à avoir des idées et à faire des
projets. L’ouverture des données
juridiques pourrait changer la manière de faire de la recherche en
droit ou de travailler un dossier.
Elle pourrait aussi créer de nouveaux produits et services à forte
valeur ajoutée et de nouveaux
métiers. Voici quelques pistes :
1) On étudierait les textes ou
les décisions de justice de façon
inédite, notamment en mesurant
la fréquence des mots et leurs
modes d’utilisation grâce au data
mining ou au text mining (data
mining et text mining sont difficiles à traduire : littéralement,
« exploration » ou « fouille » de
données et de texte).
2) On croiserait les informations
et on les enrichirait, par exemple
pour évaluer les chances de réussite d’une assignation, calculer les
taux d’appel ou de pourvoi, comparer les législations du monde
entier sur un thème donné. En
bref, on ferait du droit dans une
démarche proche des digital humanities ou « humanités numériques », ces projets passionnants
qui s’appuient sur les technologies numériques pour faire de la
recherche autrement.
3) On créerait des infographies,
des images, des cartographies
pour visualiser des résultats juridiques, par région, par secteur,
etc. En septembre dernier, le Law
Mining Hackathon 2013 a présenté en ce sens d’intéressants projets, menés en direct, à Genève.
Professionnels du droit, éditeurs
juridiques, start-ups… tous pourraient s’y mettre et innover. Libérez les données ! L’imagination
fera le reste.
Laure Marino, professeure à
l’université de Strasbourg et
au CEIPI
LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 14 - 7 AVRIL 2014