Point de départ de la prescription de l`action en annulation de l

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Point de départ de la prescription de l`action en annulation de l
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Point de départ de la prescription de l’action en
annulation de l’enregistrement pour mensonge ou
fraude
le 31 juillet 2012
CIVIL | Famille - Personne | Procédure civile
La déclaration de nationalité souscrite en raison du mariage avec un conjoint français constitue un
des moyens d’accéder à la nationalité française. Destiné à lutter contre les mariages blancs,
l’article 26-4 du code civil donne compétence au ministère public pour contester, dans un délai de
deux ans, en cas de mensonge ou de fraude, l’enregistrement de cette déclaration à compter de
leur découverte.
Civ. 1re, 5 juill. 2012, FS-P+B+R+I, n° 11-18.132
L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 juillet 2012 apporte un double éclairage sur les pourvois
en cassation et la signification du mémoire en demande au ministère public, d’une part, et sur le
point de départ de la prescription de l’action en annulation de l’enregistrement de la déclaration de
nationalité pour mensonge ou fraude, d’autre part.
Concernant les pourvois en cassation, l’arrêt du 5 juillet 2012 revient sur l’application de l’article
978 du code de procédure civile. Cette disposition précise qu’« à peine de déchéance constatée par
ordonnance du premier président ou de son délégué, le demandeur en cassation doit, au plus tard
dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi, remettre au greffe de la Cour de cassation un
mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée ». La première
chambre civile avait demandé un avis à la deuxième chambre – compétente en matière de
procédure civile et de voies d’exécution – sur l’application de cette disposition lorsque le ministère
public est défendeur en cassation. Dans un avis du 22 juin 2012, la deuxième chambre civile avait
estimé que « l’article 978, alinéa 1er, du code de procédure civile n’est pas applicable à la
signification du mémoire en demande au ministère public, partie principale et défendeur à
l’instance en cassation, qui est dispensé de constituer avocat au Conseil d’État et à la Cour de
cassation ». Le délai de signification de quatre mois du mémoire en demande, qui est prolongé d’un
mois si le défendeur n’a pas constitué avocat, n’est donc pas applicable aux pourvois dans lesquels
le ministère public est défendeur à l’instance en cassation (avis n° 9014, n° 11-18.132, D. 2012.
1821 ). Cette position se justifie dans la mesure où le ministère public est dispensé de constituer
avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation.
La première chambre civile a ainsi suivi l’avis de la deuxième chambre dans son arrêt du 5 juillet
2012, en écartant l’application de l’article 978, alinéa 1er, du code de procédure civile à la
signification du mémoire en demande au ministère public, défendeur à l’instance en cassation.
L’arrêt de la première chambre civile est également important au regard de l’annulation de
l’enregistrement de la déclaration de nationalité sur le fondement de l’article 26-4 du code civil.
Les faits de l’espèce étaient les suivants. Une femme de nationalité bulgare avait épousé, le 16
janvier 2000, en Bulgarie, un ressortissant français. Le 30 avril 2001, elle avait souscrit une
déclaration d’acquisition de nationalité française sur le fondement de l’article 21-2 du code civil, en
signant une attestation sur l’honneur de communauté de vie. En 2004, les deux époux avaient
toutefois pris la décision de se séparer et leur divorce avait été prononcé le 13 mai 2004. Il avait
ensuite été transcrit en marge de l’acte de mariage le 7 juillet 2004. Deux ans plus tard, le 22 mars
2006, le ministère de la justice avait été avisé par la sous-direction des naturalisations du ministère
de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale que cette déclaration d’acquisition de la nationalité
française avait été enregistrée par fraude. Le ministère public avait alors saisi le tribunal de grande
instance de Besançon d’une demande en annulation de l’enregistrement de la déclaration souscrite
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par l’épouse en avril 2001.
La cour d’appel avait infirmé la décision du tribunal de grande instance de Besançon et avait annulé
l’enregistrement de la déclaration de nationalité de l’épouse. Elle avait en effet estimé que le délai
de prescription de deux ans à compter duquel le ministère public était en droit d’agir avait
commencé à courir au 22 mars 2006, date à laquelle celui-ci avait eu connaissance de la fraude. La
date de transcription du jugement de divorce du 7 juillet 2004 n’avait pas été retenue comme point
de départ du délai de prescription.
Dans son arrêt du 5 juillet 2012, la Cour de cassation sanctionne le raisonnement de la cour d’appel
de Besançon en lui reprochant de ne pas avoir recherché si, à la date de la transcription du
jugement de divorce, le 7 juillet 2004, le ministère public n’avait pas eu effectivement
connaissance de la fraude invoquée.
La question, en l’espèce, ne portait pas sur l’existence d’une fraude mais sur la date à laquelle elle
doit être découverte par le ministère public pour que le délai de prescription commence à courir.
Selon l’article 26-4 du code civil, l’action en annulation de l’enregistrement d’une déclaration de
nationalité par mariage est prescrite à l’expiration d’un délai de deux ans après la date à laquelle le
ministère public a eu connaissance des faits susceptibles de constituer une fraude. Il revient à la
Cour de cassation de contrôler les affirmations du ministère public quant à la date à laquelle il a eu
connaissance de la fraude ou du mensonge. Tout d’abord, il importe de rappeler que l’article 26-4
ne définit pas la fraude ou le mensonge bien que cette disposition ait pour objet de lutter contre les
mariages blancs. Le mensonge ou la fraude est, pour la Cour de cassation, une notion objective,
indépendante de l’intention de son auteur. Constituent ainsi des cas de fraude ou de mensonge le
fait d’invoquer la persistance d’une communauté de vie (Civ. 1re, 11 juin 2008, Bull. civ. I, n° 167 ;
RLDC 2008/52, n° 3117, obs. Marraud des Grottes) ou encore le fait de produire un acte de
naissance apocryphe (Civ. 1re, 23 juin 2010, n° 08-19.854, D. 2010. 1708 ; ibid. 2868, obs. O.
Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; Rev. crit. DIP 2010. 689, note S.
Corneloup et F. Jault-Seseke ).
Il importe ensuite de déterminer la date à compter de laquelle le délai de prescription de deux ans
commence à courir. L’article 26-4 du code civil précise que ce délai court à compter de la «
découverte » de la fraude ou du mensonge par le ministère public. Dans une affaire précédente, la
Cour de cassation avait déclaré une action prescrite à propos d’un divorce mentionné presque
immédiatement en marge de l’acte de mariage, puis en marge de l’acte de naissance quatre
années plus tard. La haute juridiction avait confirmé que le ministère public avait eu connaissance
de la cessation de la communauté de vie au moment où ce divorce avait été mentionné sur ces
deux actes, soit plus de deux ans avant la saisine des juridictions françaises. L’action était dès lors
prescrite (Civ 1re, 18 mai 2005, Bull. civ. I, n° 219 ; Rev. crit. DIP 2005. 607, note P. Lagarde ). Il en
allait de même dans la présente espèce, puisque la cour d’appel de Besançon se voit reprocher de
ne pas avoir pris en compte la date de la transcription du jugement de divorce en marge de l’acte
de mariage. À la date de cette transcription, à savoir le 7 juillet 2004, le ministère public aurait été
en mesure d’avoir connaissance de la fraude.
L’arrêt du 5 juillet 2012 opère ainsi un glissement favorable au justiciable : il ne s’agit plus
uniquement de déterminer la date à laquelle le ministère public a eu une connaissance effective de
la fraude ou du mensonge, mais d’apprécier la date à laquelle il a pu en avoir connaissance. Le
ministère public aurait ainsi pu, selon la Cour de cassation, avoir connaissance de la fraude lors de
la transcription du jugement de divorce en marge de l’acte de mariage du 7 juillet 2004.
Site de la Cour de cassation
par Julien Burda
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