Faut-il tout dire, tout le temps ?
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Faut-il tout dire, tout le temps ?
DOSSIER TRANSPARENCE FINANCIÈRE Faut-il tout dire, tout le temps ? CHRISTIAN DE BOISSIEU * C Certes, la transparence de l‘information est nécessaire pour que les marchés fonctionnent correctement, que les ressources soient efficacement allouées, que la plus grande équité possible soit assurée entre dirigeants, actionnaires, salariés et autres « parties prenantes » de l’entreprise. Pourtant, la transparence « maximale » est-elle aussi « optimale » ? Des recherches menées sur ce thème montrent que la réponse n’est pas toujours affirmative. Une information trop fréquente peut engendrer des comportements excessifs, aux conséquences dommageables pour l’ensemble des acteurs ; des règles comptables associant étroitement la valeur des actifs aux soubresauts de la Bourse peuvent accentuer la volatilité des marchés ; une certaine asymétrie d’information, notamment au bénéfice des régulateurs, peut être souhaitable… Explication d’un apparent paradoxe. Sociétal N° 37 3e trimestre 2002 A vec l'effondrement du communisme, le capitalisme a perdu son ennemi de l'extérieur. Les défis qu'il doit affronter sont donc désormais internes au système ; ils n'en sont pas moins redoutables. Dans un monde caractérisé par un chômage de masse dans de nombreux pays, y compris parmi les plus développés, * Professeur à l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne). 76 et par le creusement de certaines inégalités, le capitalisme doit prouver sa capacité à favoriser l'essor d'une véritable « économie sociale de marché ». Et puisque, très souvent, les considérations d'efficience économique et d'éthique se rejoignent, il convient de ne pas instaurer de nouvelles murailles de Chine entre ces préoccupations à l'aune desquelles se juge et se jauge le succès ou l'échec d'un système économique. L'information est au cœur du fonctionnement de l'économie de marché. Rarement parfaite , contrairement aux postulats de la microéconomie traditionnelle, elle fait le pont entre le passé (à travers la mémoire et l'inertie des comportements), le présent et les représentations plus ou moins éclairées, plus ou moins incertaines, de l'avenir. Pas étonnant, dans ces conditions, que la transparence de l'information se soit imposée, depuis deux ou trois ans, comme la problématique centrale pour le fonctionnement et la régulation de nos économies. Notre propos est d'éclairer certains aspects de l'exigence d'une information plus transparente, d'en montrer les implications mais aussi certaines limites. FAUT-IL TOUT DIRE, TOUT LE TEMPS ? Le thème de la transparence de l'information était déjà à la mode avant la faillite d'Enron, et d'autres 'introduction de l'information, affaires ultérieures relevant de la en tant que telle, dans l'analyse même problématique (comme économique n'est pas récente. Elle récemment le scandale Tyco). remonte aux travaux de l'école Il l’est encore plus depuis ces suédoise (Myrdal, Lindahl...) dans événements. Et les signes d'une les années 30 sur les anticipations telle prégnance sont multiples. (il existe un lien évident entre Donnons-en juste un exemple, la capacité de se projeter dans choisi dans l'évolution en cours l'avenir au moyen d'anticipations de la réglementation bancaire ou de prévisions, et l'information internationale : à partir de 2005, ou disponible ou accessible), et plus probablement 2006, devrait surtout à un célèbre article de être mis en place un nouveau Friedrich Hayek de 19451. Depuis, ratio de solvabilité des banques, le l'information a été progressiveratio McDonough, qui va remplament intégrée, à part entière, dans cer l'actuel ratio Cooke. Ceci la plupart des paradigmes. Elle constitue le pilier 1 de la nouvelle s'est vu appliquer le « principe approche mise en place à Bâle d'économicité », c'est-à(Comité de supervision dire l'analyse coûtsbancaire) et à Bruxelles L’entreprise qui avantages (totaux et (Commission euromarginaux), et l'idée que fait appel au péenne), auquel s'adjoichaque opérateur se marché financier g n e n t l e p i l i e r 2 comporte rationnelle(amélioration de la connaît mieux ment dans le processus supervision) et, encore d'acquisition et de traite- sa véritable plus proche de notre ment de l'information. sujet, le pilier 3 sur la situation que nécessité de renforcer la les investisseurs Ce n'est donc pas l'accent « discipline de marché ». mis sur l'information qui souscriront L'idée est que, pour qui singularise nombre les titres émis améliorer cette discipline, de démarches et de une transparence accrue par elle. réflexions en cours, de l'information est mais la place donnée à nécessaire, même si elle l'exigence d'une information n’est pas suffisante. On l'aura parfaitement transparente. Il n'est compris, la quantité et la qualité pas facile de définir en une phrase de l'information sont des la transparence de l'information. éléments essentiels pour le bon Disons qu’elle traduit l’exigence fonctionnement de l'économie de d'une information qui reflète sans marché, mais aussi pour sa aucun biais la situation de chacun régulation par les pouvoirs publics (de l'Etat, d'une entreprise, d'une (dans l'exemple précédent, il s'agit banque, etc.), et qui soit très de réglementation bancaire, mais largement partagée, faisant partie le raisonnement est de portée de la « connaissance commune » beaucoup plus générale). (common knowledge). L'information ne peut pas être transparente DE NOUVEAUX CHAMPS lorsqu'elle est accaparée par DE RÉFLEXION certains agents économiques ou l est aisé de comprendre les par certains groupes. Cette motifs de ces exigences. Une transparence renvoie donc au information plus transparente moins à deux dimensions complédu côté des banques et des mentaires, la quantité et la qualité entreprises, de façon plus générale (la nature) des informations accesde l'ensemble des intervenants sibles. UNE EXIGENCE GÉNÉRALISÉE L I (y compris donc aussi l'Etat), permet de rapprocher les systèmes comptables de la réalité économique, de mieux guider l'allocation des ressources, de pouvoir compter sur un meilleur équilibre entre emprunteurs et prêteurs, de réduire certaines in é g a li t é s d a n s l'a ccè s à l'information pertinente (les fameuses « asymétries » d'information au cœur de nombreuses théories économiques depuis trente ans). Certains de ces points méritent une attention spéciale. Les asymétries d'information. Elles ont valu à ceux qui se sont penchés sur elles les premiers, G. Akerlof, M. Spence et J. Stiglitz, le prix Nobel d'économie 2001. Le modèle néo-classique de concurrence pure et parfaite supposait, au départ, une information parfaite, gratuite et également partagée par tous les intervenants. L'hypothèse d'asymétrie d'information remet en cause cette dernière propriété. Plus qu'une hypothèse, c'est souvent un constat : le banquier connaît a priori mieux la qualité de ses engagements que ceux qui déposent leur épargne auprès de lui, même lorsqu'ils sont éduqués et relativement bien informés ; l'entreprise qui fait appel au marché financier connaît, en principe, mieux sa véritable situation que les investisseurs qui souscriront les actions ou les obligations émises par elle ; les actionnaires ont a priori moins d'informations que les dirigeants sur la situation exacte de l'entreprise. On peut multiplier à l'infini les cas d'asymétrie d'information. On comprend aisément l'enjeu : dans un monde où l'information conditionne largement le pouvoir, les asymétries d'information créent des inégalités, différentes certes des autres formes d'inégalités (de revenu, de patrimoine...), mais également déterminantes. Les asymétries d'information sont- 1 F. Hayek, “The use of knowledge in society”, American Economic Review, septembre 1945. Sociétal N° 37 3e trimestre 2002 77 DOSSIER TRANSPARENCE FINANCIÈRE elles condamnées au nom de la éléments : le volume et la nature science économique ? Certains des informations, la rationalité des arguments précédents des anticipations individuelles, pourraient le laisser entendre, l'efficience des marchés, l'optimalité même si les jugements restent (généralement entendue au sens souvent implicites. Disons que de Pareto). ces asymétries ont souvent pour conséquence d'éloigner de L’ÉVIDENCE EST PARFOIS l'« équilibre walrasien », référence TROMPEUSE incontournable des paradigmes 'analyse économique pose dominants. Un premier exemple, souvent, implicitement ou pris parmi d'autres : dans le modèle explicitement, le postulat suivant : canonique de J. Stiglitz et A. Weiss2 sur le rationnement du crédit, plus l'information disponible est c'est l'asymétrie d'information et riche et fréquente (haute périodispécialement l'incertitude des cité), mieux le système fonctionne. banques sur la véritable situation Sans remettre en cause les vertus des emprunteurs qui les incitent, indiscutables de l'information (le sous certaines conditions, à refuser contraire de l'incertitude) et de sa de distribuer du crédit transparence, on peut évoquer aux plus risqués plutôt qu'à deux contre-exemples suggérant durcir leurs taux les nuances à apporter. d'intérêt, engendrant Une information ainsi un équilibre « non 1. La périodicité optiw a l r a s i e n » s u r l e founie à un male de l'information. marché du crédit (en rythme trop Avec Internet, le flot l'occurrence, un excès rapide ajoute du d'informations accessibles est beaucoup plus de la demande de crédit continu qu'avant, même si sur l'offre). Un second bruit au bruit, e xe mp le , b e a u co u p de la volatilité les systèmes comptables plus net, d'asymétrie d'in- à la volatilité n'ont pas nécessairement reflété, dans la fréquence formation problématique des données qu'ils fourest fourni par le délit existante. nissent, l ' é vo l u t i o n d'initié en Bourse. Autant le rationnement du crédit exacte des technologies : la comptan'a rien de répréhensible en soi bilité nationale, par exemple, est au du point de vue du droit et de la mieux trimestrielle ; elle n'est pas morale, autant le délit d'initié (encore) mensuelle, et c'est peutrelève d'une infraction pénale et être aussi bien comme cela... La podoit être sanctionné en tant que sition exprimée il y a quelques tel. mois par Bill Crist, le patron de Calpers, premier fonds de pension L'efficience des marchés. C'est américain, illustre le propos. Il déune manière complémentaire de nonçait le fait que les entreprises traiter de l'information, de sa publient des résultats trimestriels, quantité et de sa qualité. Depuis alors que, d'après lui, des résultats les travaux de E. Fama, un marché semestriels seraient largement financier est dit efficient lorsque suffisants pour informer le marché les prix sur ce marché reflètent et les diverses parties concernées instantanément et sans biais (actionnaires, salariés, clients et l'information disponible. A partir fournisseurs...). Autrement dit, de là, on distingue plusieurs formes dans ce monde caractérisé déjà d'efficience selon le contenu exact par une forte instabilité financière, de l'information disponible. Quelle une information fournie à un que soit la version retenue de rythme trop rapide ajoute du bruit l'efficience, on entrevoit les liaisons au bruit, de la volatilité à la volatiétroites entre ces différents lité existante. L'argument porte L 2 J. Stiglitz et A. Weiss, « Credit rationing in markets with imperfect information », American Economic Review, juin 1981. Sociétal N° 37 3e trimestre 2002 78 encore plus lorsqu'il s'agit d'informations faisant elles-mêmes l'objet de révisions statistiques fréquentes (chiffres d'inflation ou de croissance, etc.). O n vo i t ap p a r a î t re i c i u n arbitrage entre la recherche d'une information de plus en plus transparente, reflétant de mieux en mieux une réalité elle-même rapidement mouvante, et la nécessité de contenir la volatilité et l'instabilité en-deçà de certains seuils. Dix ans avant les propos de Bill Crist, on pouvait trouver dans la réalité de la crise bancaire américaine des exemples allant dans le même sens. Telle banque moyenne de Californie, alors en difficulté, avait-elle intérêt à donner toutes les semaines ou même tous les mois de l'information sur sa situation réelle ? Pour une banque traversant seulement une crise de liquidité, mais pas de vrai problème d'insolvabilité, n'était-il pas préférable, afin d'éviter une « ruée aux guichets » en grande partie injustifiée, de donner plutôt des états des lieux trimestriels ? Ces exemples, et beaucoup d'autres, montrent l’importance d’une question qui pourrait être un des grands thèmes de la recherche future : il s’agit de déterminer, de façon endogène, la fréquence optimale de l'information disponible au lieu de la supposer donnée a priori. En règle générale, cette fréquence optimale ne sera pas la fréquence maximale, car elle se situera au point d'équilibre entre des considérations de transparence et d'efficience des marchés d'une part, des critères de stabilité ou d'instabilité systémique d'autre part. Cette fréquence ne sera pas non plus a priori la même selon le type de marché considéré : tous les marchés n'ont pas la même propension naturelle à « surréagir » aux informations que les marchés financiers, ceux des changes ou le marché pétrolier. Enfin, cette fréquence optimale dépendra des opérateurs FAUT-IL TOUT DIRE, TOUT LE TEMPS ? considérés : les intérêts des actionnaires, des salariés, des dirigeants, des clients, etc. ne sont pas nécessairement convergents du point de vue de l'information accessible. prévenir les crises et contenir les risques systémiques. LE MONDE APRÈS ENRON L e monde après Enron est différent de ce qu’il était avant : cette affaire aura peut-être engendré des changements plus profonds que la crise argentine... Une façon de dire que les effets systémiques n'apparaissent pas toujours là où on les attendait. 2. L'existence de certaines asymétries d'information souhaitables. La difficulté du raisonnement, et de l'éventuelle modélisation, tient à ce que, à côté des asymétries d'information nuisibles à la bonne allocation des ressources ou à La faillite d'Enron, puis l'équilibre souhaitable les scandales ou entre les différentes En période de démissions forcées p a r t ie s co n ce r n é e s intervenus depuis aux (prêteurs et emprunteurs, krach sur le Etats-Unis (Dynergy, dirigeants et actionnaires, marché des Tyco...) ou ailleurs salariés et actionnaires, actions ou des mettent au premier etc.), il en existe d'autres plan l'exigence d'une qu'il faut conserver, ou obligations, la information transpamême organiser. Prenons crise se re n t e , à d if f é re n t s un exemple qui rejoint, propagera très niveaux : par une autre voie, la p ro b l é m a t i q u e d é j à vite et 1. La transparence des évoquée par le patron de brutalement sur systèmes comptables. Calpers. Si une banque les banques qui La formule de Pierre était conduite, par la Joseph Proudhon (« Le réglementation ou par la pratiquent la comptable est le concurrence, à donner comptabilité véritable économiste ») toutes les semaines de aux prix de prend aujourd’hui un l'information sur sa re l i e f p a r t i c u l i e r. situation à sa clientèle, marché. Sans insister sur les en particulier aux comportements délictueux, on ne déposants, elle risquerait de peut aujourd'hui faire l'impasse sur provoquer de l'instabilité à court la transparence et la pertinence de terme dans leur comportement, l'approche comptable, qu'il s'agisse le plus souvent sans véritable de comptabilité nationale, publique justification. En revanche, accroître ou privée. On se bornera à citer la précision et la fréquence des quelques thèmes essentiels : informations transmises par cette banque aux autorités de – La question des normes supervision – à condition, bien sûr, comptables internationales 3 . que le coût n'en devienne pas Les Européens ont été sans doute excessif – améliorerait l’efficacité un peu vite en besogne en de la supervision, sans augmenter soulignant les carences des pour autant la volatilité des normes américaines. Nous avons comportements privés. On peut aussi les nôtres, et la convergence très bi en im agine r qu e comptable n'est même pas les super v iseur s di spo se nt totalement assurée à l'intérieur du d'informations pertinentes plus marché unique. A l’horizon fréquentes que les actionnaires, 2005-2006, il faudra rapprocher les clients ou les salariés. Il y a là les conventions comptables un exemple d'asymétrie d'informapratiquées des deux côtés de tion qui, sans sacrifier l'objectif l'Atlantique. Les forums de d'efficience économique, sert à concertation et de coopération ne manquent pas. Plutôt que d'en rajouter de nouveaux, il vaudrait mieux renforcer l'efficacité de chacun d'entre eux. – Les règles de consolidation (avec lesquelles Enron avait pu prendre, dans le contexte comptable américain, quelques libertés). La consolidation implique aussi bien la prise en compte conjointe de la maison-mère et des filiales que, par exemple, la connaissance fiable et transparente des opérations dites « hors bilan » à côté de celles qui figurent au bilan. – Les règles de valorisation des créances et des dettes. Le débat sur la « juste valeur » (fair value) est loin d'être clos. Au plan des principes généraux, on voit bien en quoi une comptabilité aux prix de marché (lorsqu'ils existent, ou lorsque des substituts corrects sont disponibles) rapproche de la réalité des situations, en contraste avec la comptabilité aux coûts historiques. Donc, a priori, la « juste valeur » sert l'objectif de transparence de l'information. Mais en même temps, la réévaluation en temps quasi continu de l'actif et du passif des entreprises, des banques, etc. est susceptible d'accentuer la volatilité et l'instabilité. Par exemple, en période de krach sur les marchés financiers (krach sur les actions ou sur le marché obligataire), la crise se propagera très vite et en totalité sur les banques pratiquant la comptabilité aux prix de marché (marked to market). On rencontre une nouvelle fois le risque d'un arbitrage entre l'exigence de transparence d'un côté, la prévention et la gestion des risques systémiques de l'autre. – Le débat sur la comptabilisation des « survaleurs » (goodwill), différences entre le prix d'achat de certaines entreprises et le prix de marché ultérieur. La crise du secteur des télécommunications 3 Voir sur ce point l’article de Bernard Colasse, p. 89. Sociétal N° 37 3e trimestre 2002 79 DOSSIER TRANSPARENCE FINANCIÈRE alimente depuis quelques mois les débats sur le traitement comptable de ces survaleurs (pour Vivendi Universal, France Télécom...). En l'espèce, c'est une certaine « sagesse conventionnelle » comptable, plus que l'opportunisme financier, qui devrait prévaloir. Sociétal N° 37 3e trimestre 2002 80 reposent sur l'organisation et la gestion d'un certain nombre de conflits, il serait hypocrite de le nier. Mais tout est question de m e s u re . L e s m é s ave n t u re s d'Arthur Andersen ont conduit les grands cabinets qui ne l'avaient pas déjà fait à opérer des scissions entre l'audit et le conseil et à s'abriter derrière 2. L'amélioration du L’affaire Enron, de nouvelles murailles gouvernement d'entre- comme naguère de Chine. Ne nous faiprise (corporate go- la débâcle sons cependant pas vernance). Améliorer la trop d'illusions, car la quantité et la qualité de Maxwell, a tentation, pour ces l'information accessible montré les cabinets comme pour aux actionnaires, aux dangers, non d'autres entreprises salariés, aux régulateurs, dans des secteurs très etc. sur la vraie situation des fonds de différents, va être de d'une firme relève d'un pension en vouloir contrôler tout gouvernement d'entre- général, mais ou partie de la chaîne de prise plus adapté au valeur par une politique monde d'aujourd'hui et des fonds de d'intégration verticale. plus crédible. En France, pension non Conclusion : il faudra, les deux rapports Viénot diversifiés. au plan européen mais ont permis de progresser sans doute également dans cette direction, et de mondial, resserrer le rapprocher les groupes hexagonaux dispositif réglementaire pour de certains standards internatiocontenir une telle tentation. naux, sans toujours les atteindre. Il nous reste du chemin à parcourir 4. La transparence de l'informa– c’est d'ailleurs le cas de la plupart tion sur les placements. L'affaire de nos partenaires d'Europe contiEnron, comme naguère la débâcle nentale. Parmi les axes à privilégier, Maxwell, a montré les dangers, non on peut citer, pêle-mêle, l'accroisdes fonds de pension en général, sement nécessaire du nombre mais des fonds de pension non des administrateurs indépendants diversifiés. Un certain nombre de (par hypothèse peu ou pas exposalariés d'Enron ont perdu à la fois sés à des situations de conflit leur travail et leurs futures d'intérêts), le renforcement de pensions de retraite, parties en l'information disponible pour fumée en même temps que le l e s m e m b re s d e s c o n s e i l s cours de l'action s'effondrait. Dans d'administration, l'essor des le contexte post-électoral français, comités d'audit et de leur rôle l'introduction inéluctable de fonds effectif... de pension devra s'accompagner de normes de transparence et de 3. L'atténuation des conflits strictes règles prudentielles. d'intérêts. L'indépendance de l'information conditionne sa LA TRANSPARENCE MAL transparence. Et cette indépendance RÉCOMPENSÉE n'est plus garantie lorsque se quelque chose malheur est multiplient les conflits d'intérêts : bon. La faillite d'Enron a déjà entre l'audit légal et le conseil, conduit à l'aggiornamento d'un entre le comptable et le décideur, certain nombre de dispositifs entre les dirigeants et les réglementaires et de pratiques, actionnaires, etc. Certes, nos dont beaucoup touchent, de près sociétés et nos économies A ou de loin, à la transparence de l'information. Davantage de régulation sur certains points sensibles, de nouvelles règles du jeu, sont des éléments positifs, à condition de ne pas remettre en cause les fondements de l'économie de marché ou le processus d'ouverture et de libéralisation. L'affaire Enron souligne un autre défi, plus sociétal que réglementaire. Dans le monde d'aujourd'hui, et compte tenu de la pression des marchés financiers, une entreprise peut-elle avouer des pertes ? Si la réponse à cette question était positive, Enron n'aurait peutêtre pas développé des trésors d'imagination, certains légaux (mais illégitimes), d'autres illégaux, pour camoufler ses déficits. Certes, il y a pertes et pertes, certaines modérées, d'autres abyssales, certaines transitoires, d'autres structurelles. Il faudrait tout de même en arriver à admettre qu’une entreprise totalement transparente sur des pertes à court terme, qui se justifieraient par exemple dans le cadre d'une stratégie de long terme, ne soit pas immédiatement sanctionnée par les marchés, justement parce qu’elle est transparente... On retrouve là le thème du décalage entre l'horizon de la gestion stratégique de la firme et celui des marchés financiers. Il est décidément plus facile de changer les réglementations que les mentalités et les habitudes. l