CRPE ORIENTATIONS DU PROGRAMME

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CRPE ORIENTATIONS DU PROGRAMME
Annexe V – 2GC/F/8(d)
Conseil régional paneuropéen – CRPE
ORIENTATIONS DU PROGRAMME
1. OBJECTIFS:
En règle générale, le CRPE encouragera les stratégies, priorités et politiques de la CSI
dans la région. Il vise à contribuer au développement social, à la consolidation de la démocratie et à un meilleur respect des droits de l'homme et des travailleurs dans tous les
pays et territoires énumérés dans la Constitution. Il déterminera les politiques et mesures
à prendre dans les domaines qui touchent aux intérêts des travailleurs dans la région, soutiendra la coopération bilatérale et multilatérale et encouragera l'action et la représentation
syndicales grâce au renforcement du mouvement syndical dans toutes ses composantes.
De manière plus particulière, il:
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oeuvrera pour le respect universel de tous les droits fondamentaux au travail, défendra la liberté d'association et la liberté de négociation collective;
prônera un modèle de développement intégrant le travail décent pour tous, et un
système global de protection sociale de toutes les catégories de travailleurs, en
particulier les plus faibles et les plus précaires d'entre eux;
encouragera la valeur de la solidarité entre les différentes catégories de personnes, actives et inactives, mais aussi entre les générations;
soulignera la responsabilité de l'Etat et des institutions publiques dans le développement de leur pays et de leur région, en fournissant des emplois et en assurant
l'existence de chacun; soulignera dans cette perspective le rôle essentiel des services publics et des services d'intérêt général qui ne peuvent être laissés aux seules forces du marché;
insistera sur le rôle essentiel du dialogue social – à tous les niveaux – qui est la
manière la plus démocratique de prévenir les conflits et de trouver des solutions
appropriées permettant aux différents partenaires d'exprimer leur point de vue, de
défendre leurs intérêts et de prendre part aux décisions qui influenceront leur vie,
leur situation et leurs conditions de travail.
encouragera une société pluriculturelle en mettant un terme à toutes les discriminations basées sur le sexe, la religion, la couleur, la nationalité, l'ethnicité, l'orientation sexuelle, l'identité sexuelle, l'opinion politique, l'origine sociale, l'âge ou l'incapacité;
encouragera la croissance et le dynamisme du mouvement syndical démocratique
et indépendant en initiant et en soutenant les mesures destinées à renforcer la représentativité des syndicats grâce au recrutement de femmes et d'hommes travaillant dans l'économie informelle et dans l'économie officielle;
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encouragera la formation syndicale, professionnelle et civique en tant qu'instrument clé permettant aux travailleurs, aux citoyens et aux membres des syndicats
de participer à l'édification de leur société et de leurs organisations.
Pour atteindre les objectifs précités, le CRPE mettra l'accent sur les trois priorités suivantes:
1. Renforcer et consolider les organisations syndicales;
2. Encourager un respect total des droits syndicaux et la mise en place d'un dialogue
social effectif
3. Formuler des politiques économiques et sociales qui doivent contribuer à la mise
en oeuvre des politiques générales de la CSI sur le continent, et encourager en
particulier les valeurs et principes inscrits dans le “Modèle social européen”.
Le CRPE appliquera ces priorités grâce aux programmes bilatéraux et multilatéraux qui
seront adoptés par son Comité exécutif, et en étroite coopération avec ses membres, et
aux activités et mesures qu'ils mettront en oeuvre compte tenu de leurs propres différentes
priorités. Le CRPE estime que, dans cette perspective, le concept de “réseaux” – qui pourrait combiner des approches décentralisées, les responsabilités des partenaires, et des
échanges mutuels entre les partenaires impliqués – est particulièrement important. Il
continuera dès lors d'encourager et de soutenir les “réseaux” existants qui ont été créés
dans le cadre de la CES, la CMT et la CISL, et examinera les nouvelles formes qu'elles
devraient revêtir dans le cadre du CRPE.
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2. ORIENTATIONS DU PROGRAMME
2.1. Renforcement et consolidation des organisations syndicales
2.1.1. Organisation et recrutement:
La force et la capacité du mouvement syndical réside dans le nombre de ses affiliés, c'està-dire dans la représentativité de ses différentes organisations et la participation active de
ses membres à ses activités et actions.
Dans de nombreux pays d'Europe, le mouvement syndical est aujourd'hui confronté à une
série de défis qui doivent être pris avec beaucoup de sérieux. Dans certains de ces pays,
on peut affirmer que c'est même l'avenir du mouvement syndical – dans sa dimension nationale et interprofessionnelle – qui est menacé.
Les principaux défis sont les suivants:
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le déclin persistant de l'affiliation syndicale. Dans certains pays, l'affiliation syndicale
s'élève à près de 8 % de la main-d'oeuvre et cette tendance pourrait se poursuivre.
la distribution inégale de l'affiliation syndicale. Dans certains secteurs – l'éducation, les
services publics, en général, mais aussi dans les entreprises jadis détenues par l'état,
où les syndicats étaient traditionnellement sous-représentés – l'affiliation syndicale
reste importante. Ce n'est malheureusement pas le cas dans de nombreux autres secteurs économiques. Dans le secteur privé, en particulier dans les PME, très souvent
dans les EMN, dans le secteur des services, les syndicats ont parfois tendance à quasiment disparaître. Cette situation est particulièrement préoccupante compte tenu de
l'évolution de la structure de l'économie en Europe.
la fragmentation et “l'informalisation” des relations de travail, avec la multiplication des
contrats temporaires et des statuts d'employé – y compris la tendance à engager des
employés en tant que “travailleurs indépendants” même lorsqu'il existe une subordination claire et manifeste à la relation de travail, l'augmentation du nombre de travailleurs
travaillant sans contrat (“économie informelle”).
la faible intégration dans le mouvement syndical des jeunes travailleurs et des membres des groupes minoritaires ; la faible représentation des femmes, des jeunes et des
membres des groupes minoritaires, au niveau des fonctions de responsabilités dans le
mouvement syndical.
la fragmentation du mouvement syndical: le manque d'intérêt des syndicats locaux à
adhérer à un confédération syndicale nationale; la multiplication, et parfois les rivalités
malsaines entre syndicats professionnels; les divisions des confédérations syndicales,
liées aux diverses crises; la concurrence entre confédérations syndicales, etc.
La question a été examinée à plusieurs reprises au cours des années, lors de diverses
réunions de la CES, de la CMT et de la CISL. Même si l'organisation des travailleurs réside avant tout dans la responsabilité des organisations syndicales nationales, les organisations régionales et internationales ne pouvaient pas demeurer indifférentes à cette réalité, car elle remet également en question la capacité du mouvement syndical à agir comme
un ensemble.
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Lors de son congrès fondateur, à Vienne, la CSI a adopté différentes recommandations
liées à cette question. Elle a en particulier mis l'accent sur:
“la nécessité urgente pour les travailleurs et travailleuses de s'organiser, aujourd'hui
plus que jamais. Les avantages de l'adhésion aux syndicats n'ont jamais été plus
grands ou plus importants. L'organisation des travailleurs est et reste la tâche fondamentale et le défi majeur auxquels tous les affiliés de la CSI sont confrontés, les
conventions collectives négociées librement constituant l'outil essentiel de réalisation
des demandes des membres. Etant donné que l'organisation adopte de plus en plus
une dimension internationale dans l'économie mondialisée, le Congrès appelle la CSI,
en étroite coopération avec les FMI, à apporter toute son aide aux activités d'organisation des affiliés et au renforcement de leurs capacités (…).
L'organisation est le fondement de la puissance et de l'influence syndicales et constitue la base sur laquelle le mouvement syndical mondial peut être un authentique
contrepouvoir dans l'économie mondiale.
Le Congrès déclare que la solidarité oblige les syndicats à étendre la possibilité de
s'affilier à un syndicat à ceux qui ne sont pas organisés, et qu'ils devraient organiser
tous les travailleurs dans leur sphère d'activité, y compris les centaines de millions de
personnes travaillant dans l'économie informelle, ou dans des situations non traditionnelles ou atypiques, telles que le travail à temps partiel ou temporaire, par l'extension
de tous les droits et la protection de ceux qui effectuent des travaux précaires et non
protégés. Il faut également s'engager à nouveau à réfléchir à la diversité dans l'affiliation syndicale et à organiser les femmes et les jeunes”.
Pour mettre cette recommandation en oeuvre, le CRPE:
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analysera l'évolution de l'affiliation syndicale dans les différents pays - y compris le
sexe et la composition par âge, en corrélation avec l'évolution technologique, économique et politique;
aidera les syndicats nationaux à concevoir leur propre approche et définira où il serait
possible de se référer aux "meilleures pratiques" accumulées, de piloter des actions, et
de mettre en oeuvre et encourager des programmes de formation;
soutiendra et encouragera l'élaboration de stratégies confédérales qui améliorent l'organisation, donnent la priorité à la nécessité de faire évoluer les structures, leurs services professionnels et le financement, l'établissement de liens avec leurs membres et
les membres potentiels;
établira une coopération avec les FSE / FSM et leurs syndicats affiliés, au plan transfrontalier et régional, que ce soit dans certaines EMN ou qu'elle soit ciblée sur des
groupes professionnels spécifiques; encouragera les stratégies des organisations affiliées visant à organiser, représenter et protéger les travailleurs et travailleuses les plus
vulnérables, tels que ceux qui sont employés par des petites et moyennes entreprises,
les migrants et ceux qui sont engagés dans des relations économiques informelles;
oeuvrera pour l'organisation des travailleurs employés dans des zones économiques
spéciales et dans d'autres situations où le soutien international est particulièrement
important;
oeuvrera en faveur de la syndicalisation des jeunes travailleurs, dont l'entrée sur le
marché de l'emploi est de moins en moins sûre, afin de les aider à obtenir un emploi
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durable, et des femmes, grâce à des activités de militantisme spécifiques et à la création de réseaux;
luttera contre l'économie informelle; encouragera une approche de “primauté du droit”
dans toutes les relations transfrontalières; favorisera l'inclusion de toutes les catégories de travailleurs dans les systèmes de protection sociale; encouragera tous les travailleurs qui sont dans une relation de facto de subordination au travail à organiser et
unir les syndicats;
encouragera l'édification d'une identité syndicale, en encourageant les mécanismes de
représentation transfrontaliers et la coopération bilatérale et l'échange d'organisateurs
avec d'organiser les travailleurs migrants.
2.1.2. Rénover et consolider les structures syndicales
"Organiser et recruter de nouveaux membres” remet en question toutes les structures et
pratiques du mouvement syndical et incite à réfléchir aux rigidités des structures syndicales dans un monde du travail en perpétuelle évolution. De nouvelles stratégies doivent être
définies afin de développer le syndicalisme dans la nouvelle économie, l'ouvrir aux catégories d'employés souvent insuffisamment représentées dans les syndicats (femmes, jeunes, migrants), ou impliquer les syndicats dans l'“économie informelle”. Bien que le nombre d'affiliées aux syndicats n'ait jamais été aussi élevé, les femmes restent sousreprésentées dans les organisations syndicales, et en particulier dans les structures de
prise de décision. Des mesures urgentes et globales doivent être prises afin de combler
cette lacune. Le mouvement syndical du continent vieillit rapidement, et le dynamisme futur du mouvement est menacé. Des millions de travailleurs migrent vers ou au sein de
l'Europe et seul un petit nombre d'entre eux sont intégrés dans les sociétés nationales et
les associations professionnelles. Les travailleurs domestiques, postés et saisonniers ont
peu de perspectives de bénéficier de la représentation et de la négociation collectives traditionnelles. Et entre-temps, leur nombre augmente.
Les syndicats doivent atteindre de nouveaux travailleurs et travailleuses dans les nouvelles industries et dans les secteurs services. Pour renforcer la diversité et la représentativité du mouvement syndical, il faut augmenter le nombre de membres parmi les femmes, les
jeunes, les travailleurs migrants etc..
Dans la plupart des organisations du continent un débat a été lancé et de nombreuses initiatives d'organisation ont été mises en oeuvre, avec des résultats divers, mais personne
ne peut affirmer que son modèle d'organisation ou de fonctionnement est le meilleur. Il est
clair que dans toute la région des travaux doivent être réalisés afin de trouver les meilleures solutions, à tous les niveaux. L'organisation est une responsabilité qui doit être partagée par tous les acteurs syndicaux: les confédérations, les secteurs professionnels et régionaux, et leurs associations. Une stratégie commune doit être élaborée, avec des rôles
et des tâches définis et complémentaires pour chacun de ces partenaires.
Dans de nombreuses organisations, les réformes et les changements structurels seront
encouragés afin d'adapter les structures syndicales existantes aux différentes catégories
de travailleurs, y compris les jeunes, les femmes, les travailleurs engagés dans des relations économiques informelles, les migrants, les employés d'EMN ou de PME; de consolider les efforts des différentes composantes des mouvements syndicaux – locale, territoriale ou sectorielle – et d'examiner les approches de renforcement mutuel, en coopération
avec les structures professionnelles; la planification à long terme renforcée financièrement,
qui inclut la définition de responsabilités et de mandats, l'encadrement professionnel, et
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l'encadrement des travailleurs syndicalisés pour une représentation et une négociation collectives efficaces.
Dans cette perspective, le CRPE:
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mettra en place des programmes bilatéraux et multilatéraux destinés à soutenir l'analyse de ses membres concernant l'adéquation de ses structures à atteindre son objectif, et à engager les réformes qu'ils jugent utiles;
soutiendra les réseaux syndicaux mis en place pour assurer l’échange et la coopération entre syndicalistes femmes, jeunes, et en particulier leurs programmes visant à
développer la syndicalisation et le recrutement de ces travailleurs et travailleuses ;
coopérera avec les FSE / FSM afin de s'assurer que tous les acteurs du mouvement
syndical coopèrent au processus de réforme et de consolidation des structures syndicales;
évaluera avec ses membres le succès et les difficultés des réformes engagées afin de
mieux intégrer les différentes catégories de travailleurs et d'accroître leur représentativité, d'identifier les méthodes qui sont transférables en dehors des organisations qui
les ont utilisées, et d'organiser l'échange de “meilleures pratiques”.
2.1.3. Renforcer la formation syndicale.
La formation est une dimension essentielle du mouvement syndical, tant au plan national
qu'au plan international. La familiarisation des membres avec les valeurs et les principes,
la diffusion de nouvelles idées, la transmission de compétences ou de connaissances
spécifiques, l'élaboration de capacités d'analyse critique, la formation des dirigeants et des
militants à leurs tâches et responsabilités, la consolidation de la démocratie syndicale interne… tous ces objectifs permettant de consolider le mouvement syndical et de préparer
les nouvelles générations à l'avenir ne pourraient pas être mis en oeuvre sans une stratégie systématique et globale qui doit être organisée aux différents niveaux du mouvement
syndical. La formation syndicale est et doit être considérée comme une partie intégrante
de l'élaboration et de la mise en place des activités et structures syndicales. Lors de son
congrès fondateur, à Vienne, la CSI a mis l'accent sur cet aspect en soulignant que “la
formation syndicale est un instrument essentiel du renforcement des capacités des syndicats et de leurs membres, destiné à leur permettre d'améliorer et de renforcer leur organisation, et de jouer un rôle constructif, déterminé et créatif sur leur lieu de travail et dans la
société”.
La formation syndicale repose d'abord sur la responsabilité des confédérations syndicales
nationales et de leurs différentes structures professionnelles et territoriales. Cependant,
l'échange et le soutien entre les organisations, afin de promouvoir les nouveaux instruments, les nouvelles méthodologies, les matériels … et d'organiser les contacts et la coopération entre les différents acteurs de la formation syndicale, est un élément important de
la consolidation et de la modernisation de la formation syndicale. C'est la raison pour laquelle le congrès fondateur de la CSI a appelé “la CSI à donner aux travailleurs et aux travailleuses les moyens d'agir et à renforcer les affiliés, en particulier dans les pays en développement, grâce à des programmes de formation internationaux. Ces programmes doivent refléter les principales lignes d'action de la CSI et faire partie intégrante de sa stratégie visant à faire face au processus actuel de mondialisation”.
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Afin de mettre cette recommandation en oeuvre, le CRPE:
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mettra l'accent avec ses affiliés sur la nécessité pour chaque organisation d'“investir”
dans la formation, afin de s'assurer qu'elle fait partie intégrante de leur action syndicale. Soulignera la nécessité pour chaque organisation d'établir une stratégie de formation durable et de longue durée permettant de contribuer au développement et au
renforcement de l'action syndicale;
aidera ses affiliés à élaborer leurs propres capacités de formation, en termes d'équipes, de programmes et de matériels. Fournira l'expérience dont ils peuvent avoir besoin pour évaluer et améliorer leurs politiques syndicales;
contribuera à une intégration plus étroite entre la formation et les divers défis auxquels
le mouvement syndical est confronté;
élaborera des programmes et des initiatives spécifiques destinés à promouvoir l'égalité
entre les diverses catégories de travailleurs, et à accroître la participation des femmes,
des jeunes travailleurs et des membres de groupes minoritaires dans le mouvement
syndical;
apportera son soutien aux stratégies globales et équilibrées qui combinent les capacités des structures professionnelles et interprofessionnelles des organisations;
encouragera les échanges entre les formateurs et les responsables des différentes
organisations de la région. Encouragera la coopération, les programmes et les activités entre organisations;
stimulera les approches participatives et novatrices.
Pour ce faire, le CRPE agira en coordination avec l'ETUI-REHS et les équipes de formation et les experts de la CSI. Il établira également une coopération avec l'OIT (en particulier l'OIT-ACTRAV, le centre OIT de Turin), et avec toutes les organisations amies – nationales ou internationales - qui s'intéressent à la promotion de la formation syndicale dans
la région.
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2.2. Encourager le respect total des droits syndicaux et la mise en place d'un dialogue social effectif
2.2.1. Promouvoir les droits syndicaux et fondamentaux des travailleurs
L'Europe est la région où la protection juridique internationale des droits syndicaux et fondamentaux des travailleurs est la plus forte:
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Tous les pays sont membres de l'Organisation internationale du travail. La plupart des
pays ont ratifié toutes les conventions fondamentales des organisations internationales
du travail, alors que tous les pays ont ratifié la Convention n° 98 de l'OIT sur la Protection du droit de s'organiser et de négocier collectivement et tous, sauf l'Ouzbékistan
ont ratifié la Convention n° 87 de l'OIT sur la Liberté d'association et le droit d'organisation; les Conventions 138 et 182, abolissant le travail des enfants, ont été ratifiées par
tous les états, à l'exception de l'Ouzbékistan et du Turkménistan. La République tchèque et l'Estonie n'ont pas ratifié la Convention 138;
Tous les pays, à l'exception de la Biélorussie et des pays d'Asie centrale, sont membres du Conseil de l'Europe. La plupart des pays ont ratifié la Charte sociale européenne de 1961 ou la Charte sociale européenne révisée de 1996 et accepté les dispositions sur le droit d'organisation et le droit de négocier collectivement – ces dispositions offrent un niveau de protection équivalent ou même supérieur à celui des conventions respectives de l'OIT;1
27 pays sont aujourd'hui membres de l'Union européenne et les nouveaux Etats membres ont fait l'objet, avant leur adhésion, d'un examen minutieux de la situation des
droits humains fondamentaux. La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne de 2000, bien que non contraignante, est applicable à ces pays;
Les Etats non membres de l'UE restent cependant sous la surveillance de la Commission européenne: les droits syndicaux sont pris en compte avant la décision d'octroyer
des avantages commerciaux en vertu du système généralisés de préférences (SGP),
et certains états sont évalués par la Commission à d'autres fins, telles que les tentatives de négociation de pré adhésion avec les pays des Balkan et la Politique européenne de voisinage avec l'Europe orientale;
Plusieurs pays ont conservé une législation qui confère aux syndicats une série de
droits et de pouvoirs sur le lieu de travail.
Cependant, de graves problèmes subsistent. En Biélorussie, dix années de pression internationale n'ont abouti à aucune avancée substantielle pour la liberté d'association. Le
Turkménistan est un espace blanc, en termes de respect des droits syndicaux et humains,
et la CSI n'a même aucun contact dans ce pays. En Bosnie et Herzégovine, les conclusions de la Commission de l'OIT sur la Liberté d'association n'ont jamais été mises en pratique. Dans plusieurs pays des NEI, l'état n'accepte pas l'indépendance du mouvement
syndical, et interfère régulièrement – directement ou en essayant par exemple de confisquer les biens des syndicats - dans les questions syndicales. De nombreux pays ont
adopté des lois restreignant les droits syndicaux et l'application des lois existantes reste
peu répandue. Le harcèlement des syndicalistes demeure fréquent dans les PECO, les
PESE et les NEI et il aboutit même parfois à des agressions physiques.
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Les pays qui n'ont pas ratifié la Charte sociale sont la Bosnie et l'Herzégovine, la Serbie et le Monténégro, la
Fédération de Russie, l'Ukraine.
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Les normes internationales et européennes ne sont pas identiques. Les conventions de
l'OIT sont des normes internationales minimales destinées aux pays du monde entier. Par
ailleurs, la Charte sociale européenne reflète le consensus conclu entre les pays européens qui ont atteint un certain niveau de progrès économique et social, un certain niveau
de compréhension des droits de l'homme essentiels et de la démocratie. Par conséquent,
un pays fait parfois l'objet de plus de critiques sur la base de la Charte sociale européenne
que sur la base des conventions de l'OIT. Il est cependant important de noter que les normes ne se remplacent ou ne s'abolissent pas mutuellement. A titre d'exemple, un Etat
membre de l'UE qui avait aussi ratifié la Charte sociale européenne et les conventions de
l'OIT sur les droits syndicaux est responsable de tous les instruments, mais la Commission
des droits sociaux du Conseil de l'Europe examinerait la conformité avec la Charte sociale
et pas avec les Conventions de l'OIT – et inversement. Avec l'OIT, la Charte sociale européenne ou les divers instruments de l'UE, le mouvement syndical dispose donc d'une série
d'instruments qu'il peut utiliser pour encourager les droits syndicaux et fondamentaux des
travailleurs.
Ces droits sont essentiellement des droits humains fondamentaux. C'est ce que la CSI a
affirmé avec force lors de son congrès fondateur, à Vienne:
“Le Congrès réaffirme que les droits syndicaux font partie intégrante des droits de
l'homme au travail, que le respect universel et total des droits syndicaux constitue un
objectif essentiel de la CSI et que la mondialisation rend sa réalisation encore plus urgente. Le respect des droits syndicaux est un préalable à la justice sur le lieu de travail, dans la société, et dans le monde. Les travailleurs ne peuvent revendiquer une
part équitable de la richesse qu'ils créent et contribuer à l'équité, au consensus et à la
cohésion dans la société, et au développement durable que s'ils peuvent s'organiser
et négocier librement. La violation des droits syndicaux – qui reste fréquente – est une
source de concurrence déloyale dans l'économie mondiale et elle doit être combattue
pour des motifs économiques et en raison des droits de l'homme: partout, la répression constitue une menace pour la liberté.
Le Congrès engage la CSI à lutter contre les violations syndicales partout où elles interviennent, et sans distinction, étant convaincus que les droits syndicaux font partie
intégrante des droits humains de tous les travailleurs, dans tous les pays et dans toutes les circonstances. Il ne sera pas découragé par le pouvoir et l'influence de ceux
qui sont responsables d'abus ou qui en bénéficient, ni par les arguments fallacieux
auxquels ils recourent pour s'auto-justifier (…). Il engage la CSI à faire pleinement
usage des possibilités offertes dans tous les organes appropriés des Nations Unies, y
compris le nouveau Conseil des droits de l'homme, l'ECOSOC et l'Assemblée générale”
Dans le cadre de cette recommandation, le CRPE:
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encouragera une meilleure connaissance, parmi tous ses affiliés, des droits syndicaux
et fondamentaux des travailleurs, et des institutions et mécanismes internationaux et
européens qui existent et peuvent contribuer à leur mise en oeuvre;
militera pour la ratification des conventions internationales qui n'ont pas été ratifiées, et
de la Charte sociale européenne dans les différents pays où subsistent des lacunes;
encouragera l'expérience des différents affiliés concernant les questions juridiques,
internationales et européennes; mettra l'expérience collective de la CES et de la CSI et
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de leurs affiliés, y compris grâce aux différents “réseaux” à la disposition des organisations qui peuvent en avoir besoin;
en coopération avec les experts de la CES et de la CSI, et, le cas échéant, avec les
FSE/FSM, aidera ses affiliés à utiliser toutes les procédures et tous les mécanismes
existants afin d'avoir l'assurance que les droits syndicaux et fondamentaux des travailleurs sont pleinement respectés; mobilisera les institutions européennes et internationales lorsqu'un pays ou un gouvernement viole systématiquement ces droits;
encouragera les organisations à travailler avec d'autres organisations de la société civile afin de promouvoir les droits de l'homme et la primauté du droit;
organisera des campagnes concrètes et des actions de solidarité afin de promouvoir le
respect des normes internationales et la primauté du droit dans tous les pays et toutes
les entreprises de la région.
2.2.2. Renforcer le dialogue social à tous les niveaux
Le dialogue social est au coeur du “modèle social européen”. Il s'agit de la reconnaissance
de la légitimité des partenaires sociaux à exprimer leur point de vue dans les divers domaines où les intérêts de leurs membres pourraient être affectés, et de la forte conviction
que pour être durable toute réforme doit être fondée sur un consensus dont les conditions
doivent être examinées au préalable par les représentants des travailleurs et des entreprises.
La plupart des pays européens ont des institutions chargées d'organiser le dialogue social,
bipartite et tripartite. L'OIT en particulier a joué un rôle essentiel dans les PECO, les PESE
et les NEI pour promouvoir les structures de dialogue social qui existent - au moins au niveau tripartite – à présent partout. Comme le révèle la situation de certains pays d'Europe
occidentale, il ne suffit cependant pas d'avoir des structures. Dans de nombreux pays, ces
structures ne fonctionnent pas, ou ne fonctionnent pas de la manière que l'on pourrait
normalement espérer.
Les principaux obstacles à un dialogue social effectif sont:
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les réticences des gouvernements, qui estiment être les seuls dépositaires de la légitimité populaire, à accepter de soumettre leurs propositions de réforme à la consultation et la négociation avec les partenaires sociaux;
la faiblesse de nombreuses organisations d'employeurs, souvent associée à leurs réticences à s'engager dans un dialogue social sérieux et responsable avec les syndicats;
la tentation de diluer la spécificité du dialogue social – qui devrait normalement
conduire à des conventions collectives contraignantes – dans une consultation vague
et générale avec les représentants des sociétés civiles;
le poids des institutions internationales qui n'hésitent pas à dicter aux gouvernements
leur politique et qui estiment que le dialogue social doit autant que possible être maintenu au niveau de l'entreprise, et doit en tout cas être contesté lorsqu'il pourrait limiter
la flexibilité générale à laquelle ils contribuent;
le déficit d'expérience des syndicats, en particulier en ce qui concerne les questions de
politique sociale, économique et mondiale;
la faiblesse des syndicats – du moins dans les pays où leur représentativité devient
essentielle;
l’insuffisance de l’intégration des politiques de genre, et notamment le manque
d’intégration des politiques sociales visant à concilier vie familiale et professionnelle ;
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les difficultés économiques et sociales liées à la mondialisation de l'économie, au processus de transition et dans certains pays aux situations d'après-guerre.
L'Europe fait partie du monde. Un monde qui est aujourd'hui de plus en plus global. La
transition intervenue en Europe de l'Est au cours des 15 dernières années s'inscrit dans ce
processus. Le mouvement syndical ne rejette pas la mondialisation. Il veut la mondialisation pour oeuvrer en faveur du développement de chaque être humain et de chaque travailleur. Le dialogue social est l'instrument permettant au mouvement syndical d'envisager
d'influencer ce processus, et de concevoir un monde meilleur pour tous.
Au plan international, la CSI a souligné, au cours de son congrès fondateur, l'importance
d'un dialogue renouvelé qui mettrait un terme aux “politiques de néo-libéralisme du marché libre”, et aux “lacunes manifestes et à l'incohérence de la communauté internationale
concernant le processus actuel de mondialisation”. Elle a plaidé en faveur d'un dialogue
social qui accorderait la priorité aux questions suivantes:
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“combine les trois piliers du développement durable - économique, social et environnemental;
garantit le respect universel des droits fondamentaux des travailleurs;
génère un travail décent pour tous;
met un terme à la pauvreté de masse et réduit sensiblement l'inégalité entre les nations et au sein de celles-ci;
favorise la croissance avec une distribution équitable des revenus”.
Ces préoccupations sont au coeur des priorités de l'OIT définies dans le cadre de son
“Agenda du travail décent”.
“L'objectif primordial de l'OIT a été redéfini ; il s'agit de promouvoir les possibilités,
pour les femmes et les hommes, d'obtenir un travail décent et productif dans des
conditions de liberté, d'équité, de sécurité et de dignité. Le travail décent est le point
de convergence des quatre objectifs stratégiques, à savoir les droits au travail, l'emploi, la protection sociale et le dialogue social. Le travail décent est un concept d'organisation pour l'OIT; il fournit un cadre général permettant une action en matière de
développement socio-économique”.
Ces objectifs généraux doivent bien sûr être adaptés au développement économique et
social et aux normes - aussi différentes soient-elles d'une région à l'autre - de l'Europe. De
plus, pour le mouvement syndical, le dialogue social doit être perçu dans une large perspective. Le dialogue social doit inclure toutes les questions qui présentent un intérêt pour
les travailleurs, et la population en général, et qui pourraient affecter leurs conditions de
travail, leur existence et leur dignité. Au coeur de cette conception, il y a la vision d'un Etat
qui est responsable des emplois, des droits et du bien-être de ses citoyens, et qui mène
des politiques actives afin de répondre aux objectifs qu'il aura définis après une consultation active – et le cas échéant une négociation – avec les différents acteurs sociaux.
Le CRPE travaillera avec ses différentes composantes pour promouvoir cette conception
du dialogue social. De manière plus particulière, il:
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surveillera l'évolution du dialogue social dans les différents pays, analysera les obstacles au dialogue social, et travaillera avec les autres partenaires, ainsi qu'avec les institutions européennes et internationales afin de promouvoir un dialogue social plus efficace;
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soulignera le rôle central des syndicats dans la mise en oeuvre du dialogue social, un
rôle qui ne peut pas être miné par la mise en place d'autres institutions ou par la participation d'autres organisations ou associations. Encouragera cependant en même
temps une attitude préventive des syndicats dans l'utilisation de ces institutions –
conseils des travailleurs, etc. - et dans la mise en place de partenariats avec d'autres
organisations de la société sociale et civile afin de promouvoir les intérêts communs;
soutiendra le dialogue bipartite, tant au plan de l'entreprise qu'au plan sectoriel, en tant
que partie intégrante – et dimension nécessaire – du dialogue social tripartite national;
aidera ses membres, grâce à des programmes multilatéraux et bilatéraux, à acquérir
l'expérience nécessaire pour jouer un rôle actif et bien informé dans le dialogue social;
encouragera l'échange d'expérience et d'expertise;
coopérera avec l'OIT et d'autres organisations ou institutions afin de promouvoir le dialogue social et les “Programmes nationaux sur le travail décent”;
affirmera l'importance du dialogue social en tant que dimension clé des programmes
d'organisations européennes et internationales; et coopérera avec la CES et la CSI sur
cette question;
organisera des réunions, des groupes de travail ou des programmes spécifiques afin
de préparer, avec les affiliés intéressés, des prises de positions ou des initiatives qui
pourraient renforcer la position des syndicats dans les programmes ou actions mis en
place par les institutions européennes, régionales ou internationales.
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2.3. Priorités des politiques économiques et sociales.
2.3.1. Lutter contre la discrimination, atteindre l'égalité
Historiquement, la première discrimination a été exercée à l'égard des femmes. Le mouvement syndical, et les associations de femmes, ont lutté pendant des décennies pour
mettre fin à cette discrimination. Des progrès substantiels ont été réalisés. Dans les pays
européens, il n'y a plus de discrimination qui consacrerait légalement l’inégalité des travailleuses par rapport à leurs collègues masculins. Cependant, dans la pratique, des inégalités subsistent toujours. Cette situation est due à plusieurs obstacles – directs et indirects –
qui font qu'il est plus difficile pour les femmes que pour les hommes d'avoir accès aux
fonctions qualifiées, à l'exercice de responsabilités, aux promotions, ou de combiner leur
responsabilité familiale avec leurs engagements professionnels. Les modèles culturels ont
également un impact: lorsqu'une entreprise se restructure, ce sont souvent les femmes qui
sont les premières à être licenciées; lorsqu'une entreprise engage, les femmes sont souvent perçues comme des travailleurs de deuxième catégorie, et elles ne sont engagées
que s'il n'y a pas d'hommes disponibles. Il n'est dès lors pas surprenant que le taux de
chômage soit plus élevé chez les femmes que chez les hommes et que les femmes soient
souvent concentrées dans les secteurs à faible salaire, ou doivent accepter plus souvent
des contrats précaires. En outre, les femmes sont souvent plus représentées dans l'économie informelle.
Le mouvement syndical a également des modèles culturels. Dans de nombreux pays, les
syndicats ont consenti de nombreux efforts au cours de la dernière décennie pour organiser les employées dans les secteurs où elles sont plus présentes (en particulier, les services). Mais les syndicats restent absents dans un grand nombre d'entreprises. Les femmes
restent sous-représentées par rapport à leur participation à la vie économique. Elles sont
également sous-représentées dans les organisations syndicales, et en particulier dans les
postes directeurs des organisations. Cette situation a conduit la CSI, durant son congrès
fondateur, à plaider avec ses affiliés “afin de garantir que la perspective du genre soit pleinement et transversalement intégrée dans toutes ses politiques, activités et programmes à
tous les niveaux. Le Congrès sait que la force et la vitalité futures du mouvement syndical
dépendent de l'adhésion des femmes et de leur capacité à occuper des postes de direction, et il appelle la CSI à adopter un programme d'action destiné à promouvoir la parité
des sexes dans les structures syndicales et la pleine intégration des questions de genre
dans les politiques syndicales, et à combattre la discrimination, le harcèlement ou l'exploitation des femmes et les obstacles à leur progression dans le mouvement syndical. Le
Congrès incite vivement la CSI à redoubler ses efforts en matière d'organisation des femmes dans les secteurs où elles sont prédominantes, où elles travaillent dans des conditions précaires, ou dans lesquels les syndicats restent peu représentés (travail informel,
zones franches industrielles, travailleurs migrants et emplois atypiques)”.
Cette politique requiert une approche active et systématique. Plusieurs initiatives ont été
prises à la CES, à la CISL et la CMT, organisées par des comités créés à cet effet. Il
convient en particulier de mentionner la création d'un ““Réseau de femmes d'Europe centrale et orientale”, il y a plusieurs années déjà. Ce réseau, initialement créé par la CISL
mais élargie plus tard aux sections féminines de la CMT, offre un cadre de travail aux représentantes de 51 confédérations syndicales, venant de 28 pays. Depuis 2000, chaque
année, une université d'été des femmes permet à ces représentantes de procéder à un
échange concernant leurs priorités et activités, et de planifier leurs actions pour l'année à
venir. Depuis 2005, la CES a participé à cette université d'été.
13
Cependant, la discrimination ne touche pas seulement les femmes. Dans de nombreux
pays d'Europe occidentale et orientale, mais en particulier dans les pays qui ont récemment gagné leur indépendance et récupéré leur identité – parfois après une guerre ou des
conflits sanglants, les citoyens et les travailleurs appartenant à des groupes minoritaires
sont régulièrement victimes d'intolérance, de discrimination, de racisme et de xénophobie.
Les personnes font l'objet de discriminations sur la base de leur communauté, de leur religion ou de leur orientation sexuelle. Les discriminations de ce type sont des violations des
droits humains essentiels et le mouvement syndical lutte pour l'égalité des droits de tous
les hommes à avoir un accès égal aux perspectives d'emploi et à vivre dans la dignité
sans subir une quelconque forme de discrimination ou d'interférence dans les choix de
leur vie personnelle.
Pour mettre cette politique en oeuvre, le CRPE:
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créera un « Comité des femmes » qui, en collaboration avec les comités sur l'égalité
de la CES et de la CSI, formulera des avis et des recommandations au CE du CRPE
et sera chargé de promouvoir les programmes et initiatives destinés à mettre ces recommandations en oeuvre;
soutiendra le “Réseau des femmes” et “l'Université d'été des femmes” – en tenant
compte des ressources extrabudgétaires que le CRPE pourra mobiliser pour ces activités; définira les nouvelles formes que ces activités devraient prendre dans le cadre
du CRPE;
militera en faveur de la ratification et / ou de la pleine application de tous les instruments européens et internationaux comme les directives européennes, la charte des
droits fondamentaux, les conventions de l’OIT destinés à promouvoir l'égalité des
sexes ;
s'opposera à tout type de discrimination, qu'elle soit fondée sur l’appartenance de
genre, l'orientation sexuelle, la religion ou la communauté;
s'opposera à toute forme de racisme ou de xénophobie;
encouragera ses affiliés à analyser tous les obstacles – sur le marché de l'emploi,
dans la société, et dans leur propre organisation – à une pleine égalité entre toutes les
catégories de travailleurs et à élaborer un plan d'action destiné à s'opposer à toute
forme de discrimination; encouragera la pleine participation des femmes et des membres de groupes minoritaires aux activités et responsabilités des syndicats – si nécessaire par l'adoption de quotas spécifiques; lancera des programmes bilatéraux et multilatéraux spécifiques qui pourraient contribuer à cet objectif; intégrera l’égalité de genre
comme une priorité dans ses différents programmes ;
encouragera l'égalité des genres et la non-discrimination dans toutes les institutions
européennes et internationales, ainsi que dans tous les domaines de l'activité syndicale.
2.3.2. Mettre fin au travail des enfants
Le travail des enfants existait traditionnellement dans certains pays de la région – en particulier, l'Asie centrale – pour les activités saisonnières, par exemple la récolte du coton.
Depuis 1991, avec la brutalité du passage à l'économie de marché, l'augmentation catastrophique de la pauvreté, la croissance de l'économie informelle – mais aussi en raison de
la dégradation du système scolaire, du démantèlement des familles, le travail des enfants
a augmenté et est devenu une réalité endémique, du moins dans certains pays.
14
Les syndicats sont conscients de l'importance du problème. Dans les pays où le taux de
chômage est déjà élevé, le travail peu onéreux des enfants se substitue au travail normal.
Le travail des enfants renforce donc le chômage et il augmente encore avec le développement de l'économie informelle, car de nombreux enfants travaillent de manière informelle avec leurs parents en tant que sous-traitants ou de manière autonome. Il contribue
donc à renforcer un système qui ignore les contrats, la protection sociale, et toute forme
de législation sociale ou fiscale. Dans cette perspective, il menace l'avenir du pays qui, en
se fondant sur le dumping social sous sa pire forme, évolue de plus en bas vers le bas
dans la division internationale du travail.
Les principaux secteurs recourant au travail des enfants sont l'agriculture, les industries du
vêtement et de la chaussure, le lavage de voitures, la vente dans la rue, le tri des déchets,
la mendicité.
A Vienne, le congrès fondateur de la CSI a appelé à “faire campagne contre le travail des
enfants sous toutes ses formes, en tenant dûment compte de toutes ses causes et ramifications: dans l'économie informelle et officielle; en dispensant de manière publique et universelle une formation libre, de qualité et obligatoire et un revenu familial; en sensibilisant
l'opinion et en encourageant la participation; en faisant campagne pour la ratification des
Conventions 138 et 182 de l'OIT et leur respect par les employeurs y compris dans leur
chaîne d'approvisionnement; et en maintenant la pression des organisations internationales afin de garantir que les politiques commerciales, économiques et financières favorisent
l'élimination du travail des enfants au lieu de les pousser hors de l'école et de les amener
au travail. La CSI travaillera avec les ONG qui partagent ses objectifs, ses analyses et
son approche du travail des enfants, donnera la priorité à l'élimination des pires formes de
travail des enfants, et ciblera les formes spécifiques d'exploitation des filles et des garçons”.
Dans le cadre de cette recommandation, le CRPE:
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fera campagne pour la ratification et la pleine application de la Convention 138 et 182
de l'OIT, non seulement dans la loi mais aussi dans la pratique;
mobilisera les institutions européennes et internationales en charge des finances, du
commerce, des investissements et d'autres questions économiques afin d'adopter et
d'appliquer les politiques qui soutiennent l'accès universel à la formation, aux investissements dans l'avenir des enfants du monde et interdisent le travail des enfants;
fera campagne avec ses affiliés contre les entreprises qui, directement ou indirectement, organisent le travail des enfants ou en bénéficient; organisent la solidarité internationale afin de faire pression, non seulement sur les entreprises opérant dans des
pays recourant au travail des enfants, mais aussi sur les sièges d'entreprises établies
dans d'autres pays, en particulier dans d'autres pays européens notamment les pays
de l'UE;
encouragera, avec les FSE/FSM, l'OIT et d'autres institutions ou associations intéressées, les programmes et actions destinés à identifier le travail des enfants, analyser
ses causes, mobiliser les pouvoirs publics contre celui-ci et soutenir les programmes
de réinsertion sociale et scolaire des enfants;
encouragera les politiques destinées à créer des emplois décents pour tous les adultes
et à offrir une sécurité sociale globale à tous les travailleurs et citoyens.
15
2.3.3. Un avenir décent pour les jeunes travailleurs
Les jeunes représentent l'avenir de leur pays. Cependant, leur pays se soucie souvent fort
peu d'entre eux et de leur entrée dans la vie civile et professionnelle. Les jeunes filles et
les jeunes gens ont les plus grandes difficultés à trouver un emploi – dans l'UE, le taux de
chômage chez les jeunes travailleurs était estimé à 18,5 % en 2005. Ce chiffre est une
moyenne et, dans certains pays tels que le Danemark, l'Irlande ou les Pays-Bas, il est
proche de 8,5 %, alors que dans d'autres, il dépasse les 20 %. La situation est particulièrement préoccupante en Slovaquie et en Pologne, avec un taux de chômage des jeunes
de 30% et 37% respectivement. Dans d'autres pays, la situation n'est pas meilleure. La
Croatie est proche de 30 %, la Fédération de Russie de 27 % et l'ancienne République
yougoslave de Macédoine présente même un pic de 49 %. Lorsqu'ils trouvent un emploi, il
est souvent temporaire ou précaire et leurs droits sont limités. Les jeunes travailleurs sont
les plus représentés dans l'économie informelle et parmi les travailleurs migrants.
Les entreprises et les gouvernements, qui semblent considérer la flexibilité comme la
seule politique capable de faire face au problème du chômage des jeunes, perçoivent
souvent les jeunes comme une “variable d'ajustement”. En tant que telles, les politiques
destinées aux jeunes travailleurs font office de laboratoire pour les diverses formes de dérégulation du marché de l'emploi. La résolution du problème du chômage des jeunes ne
présente pas seulement de l'intérêt pour les jeunes travailleurs. Toutes les catégories de
travailleurs, tout le mouvement syndical doivent se sentir concernés.
Les jeunes n'ont pas seulement du mal à participer à la vie professionnelle. Ils sont aussi
insuffisamment représentés dans la plupart des institutions et organisations établies. La
difficulté de l'insertion professionnelle des jeunes travailleurs est probablement une des
raisons pour lesquelles les jeunes gens et les jeunes filles sont si peu représentés dans
les syndicats. Mais ce n'est pas la seule raison. L'engagement des jeunes dans les ONG
et les mouvements civiques révèle qu'il y a un potentiel d'intérêt et de participation que le
mouvement syndical n'utilise pas efficacement. Dans de nombreux syndicats, les dirigeants ne connaissent même pas le nombre de leurs jeunes membres et, dans de nombreux cas, il n'existe pas de politique spécifique permettant de faire face aux problèmes
rencontrés par les jeunes. Il n'y a pas de structures adéquates là où les jeunes membres
ou militants pourraient investir leur énergie.
Lors de son congrès fondateur, la CSI a reconnu que “la situation des jeunes travailleurs,
qui représentent le présent et l'avenir du monde, est généralement extrêmement vulnérable. Le Congrès reconnaît qu'il est essentiel de tenir compte effectivement des préoccupations et des attentes des jeunes travailleurs et travailleuses, et d'aboutir à leur pleine
intégration dans les syndicats, pour le renforcement, la revitalisation, la créativité et l'avenir du mouvement syndical partout dans le monde. Il engage la CSI à faire campagne en
faveur du travail décent, et de la formation et de l'éducation de qualité pour les jeunes, et à
promouvoir les mesures destinées à améliorer l'organisation et la représentation des jeunes gens et des jeunes filles dans les syndicats. Le Congrès appelle la CSI à élaborer et
appliquer la politique et les mesures relatives aux questions des jeunes travailleurs, à faciliter l'échange d'expériences nationales, à impliquer les jeunes syndicalistes dans ses
campagnes et à stimuler leur potentiel en faveur du mouvement”.
16
La CES, la CMT et la CISL ont conçu différentes initiatives afin de promouvoir la participation des jeunes travailleurs au mouvement syndical, et de formuler des politiques qui répondent à la préoccupation des jeunes travailleurs. Les Comités Jeunes et les Réseaux
des Femmes doivent être mentionnés dans ce contexte. Grâce à ces réseaux et comités,
les syndicats ont été encouragés à élaborer une politique active de recrutement et d'organisation des jeunes, à créer des structures spécifiques destinées à faciliter la participation
des jeunes aux décisions et actions syndicales, à défendre les droits des jeunes travailleurs, à définir des politiques destinées à faciliter le passage de l'école au travail et à fournir à tous les jeunes travailleurs un travail décent, à exprimer l'opinion et les préoccupations des jeunes travailleurs dans les divers forums ou institutions où ils peuvent être entendus – depuis l'OIT jusqu'au Conseil de l'Europe.
Conformément à ces recommandations et initiatives, le CRPE:
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créera un Comité Jeunes qui, en collaboration avec la CES et les Comités Jeunes de
la CSI, formulera des conseils et recommandations au BE du CRPE, et sera chargé de
promouvoir les programmes et initiatives destinés à appliquer ces recommandations;
soutiendra les “Réseaux de Jeunes” – en tenant compte des ressources extrabudgétaires du CRPE – qui mobiliseront ces activités; définira les nouvelles formes
que ces réseaux devraient revêtir dans le cadre du CRPE;
encouragera une approche basée sur les droits – sur la base des diverses normes
internationales et européennes - à l'égard des problèmes des jeunes travailleurs;
s'opposera à toute forme de discrimination que les jeunes travailleurs pourraient subir
en termes d'emploi ou de participation dans la vie de la société;
encouragera les programmes spécifiques destinés à faciliter le passage des jeunes de
l'école à la vie professionnelle, les programmes de formation professionnelle, les
politiques en matière d'emploi actif et de marché du travail qui devraient viser à offrir
un travail décent à tous les jeunes travailleurs;
analysera avec ses membres les obstacles à une participation totale des jeunes
travailleurs au mouvement syndical; encouragera ses membres à promouvoir
activement le syndalisme chez les jeunes, à créer des progammes spécifiques
destinés à recruter et organiser les jeunes travailleurs, à adapter leurs structures afin
de faciliter la participation des jeunes travailleurs au processus de décision et d'action
de leurs organisations; à envisager les possibilités de quotas réservés aux jeunes
représentants, en commençant au niveau des entreprises où les jeunes travailleurs
sont présents;
encouragera la création de programmes de formation spécifiques pour jeunes dirigeants et militants; soutiendra l'organisation d'échanges entre jeunes responsables et
militants, grâce à des réunions conjointes, des assemblées, des camps de jeunes ou
des universités d'été;
soutiendra la participation des jeunes militants, grâce aux Comités Jeunes et aux Réseaux, à l'OIT, au Conseil de l'Europe et à d'autres forums et institutions européens,
régionaux ou internationaux où les questions qui présentent un intérêt pour eux pourraient être examinées.
2.3.4. Promouvoir les travailleurs migrants et les organiser
La migration est un des défis mondiaux majeurs qui touche aux intérêts essentiels de millions de personnes. Elle affecte le marché du travail de la plupart des pays européens, et
parfois leur équilibre économique, social et démographique. En Lituanie, près de 30 % de
la population active a quitté le pays; en Moldavie, près de 40 %. Une partie importante –
17
même si elle est difficile à évaluer avec précision – de la population masculine est partie,
temporairement ou définitivement, pour le Kazakhstan et la Russie. Grâce à l'immigration
en provenance de ses voisins proches, la Russie a partiellement compensé la forte baisse
de démographie qui l'affecte depuis le début des années quatre-vingt-dix. De même, au
cours des dernières décennies, les pays d'Europe occidentale ont bénéficié, grâce à l'immigration, d'un apport important de main-d'oeuvre, sans laquelle ils n'auraient pas été en
mesure de maintenir leur croissance économique.
La migration est un phénomène complexe qui doit être considéré dans tous ses aspects.
En quittant leur pays, les travailleurs migrants génèrent une fuite des cerveaux – souvent
des travailleurs les plus dynamiques, jeunes et qualifiés – qui affaiblit les capacités économiques du pays; mais les travailleurs migrants contribuent aussi à l'équilibre financier de
leur pays, en envoyant à leurs parents une partie de leur salaire. Lorsqu'ils retournent
dans leur pays d'origine, ils ramènent leur expérience, leurs compétences et parfois des
technologies. La migration peut être légale ou clandestine; elle peut être liée au trafic
d'êtres humains et à une exploitation cynique. Les droits des travailleurs migrants sont
souvent limités et parfois même totalement niés. Les migrants travaillent dans des activités
moins payées, plus précaires et plus dangereuses. Ils sont utilisés par les employeurs afin
de maintenir les salaires à un niveau peu élevé. Mais ils doivent aussi dépenser une partie
importante de leur salaire dans le pays d'accueil, contribuer à la sécurité sociale et payer
leurs charges fiscales. La migration doit être abordée sous toutes ses facettes. Il serait réducteur, et faux, de la considérer d'un point de vue excluant tous les autres - le pays d'accueil contre le pays d'origine; les normes sociales contre les exigences économiques; la
sécurité contre les droits de l'homme et des travailleurs. Tous ces aspects sont étroitement
liés et le mouvement syndical est tenu de défendre une approche basée sur les droits, qui
pourrait intégrer tous ces aspects de manière durable.
La migration doit aussi être envisagée dans le contexte des grandes différences de développement qui existent même sur un continent tel que l'Europe. Le chômage, l'augmentation radicale de la pauvreté – parfois causés par des guerres ou des conflits entre communautés – sont les premières raisons qui conduisent les travailleurs à émigrer. La migration
est donc avant tout un problème de développement, de développement égal et durable. Et
tous les pays ont intérêt, les riches comme les autres, à s'en sentir responsable. Les pays
ne peuvent bâtir la prospérité avec, près de leurs portes, des zones de misère et de dumping social.
Le congrès fondateur de la CSI a souligné l'importance de cette question, qui pourrait aussi avoir des conséquences néfastes en termes d'affrontements entre les personnes, de
communautés, de croissance de l'intolérance, de racisme et de xénophobie. “Le Congrès
souligne qu'il incombe à la CSI de faire campagne contre la discrimination et les conditions
de travail et de vie inéquitables et souvent exploitantes auxquelles sont confrontés les travailleurs migrants et leur famille. Il appelle la CSI et ses affiliés à jouer un rôle plus actif et
visible dans la promotion des droits et de l'égalité de traitement des travailleurs migrants et
dans la lutte contre le racisme et la xénophobie”.
Conformément à cette recommandation, le CRPE:
-
encouragera une approche basée sur les droits qui considère que tous les travailleurs,
indépendamment de leur origine ou de leur communauté, doivent bénéficier des mêmes droits et avoir les mêmes obligations;
faire campagne pour la ratification des conventions respectives de l'OIT et des Nations
Unies par autant de pays que possible et leur mise en pratique (la Convention de l'OIT
sur la Migration pour l'emploi (1949), la Convention de l'OIT sur la Migration dans des
18
-
-
-
conditions abusives et la Promotion de l'égalité des chances et le Traitement des travailleurs migrants (1975) et la Convention internationale sur la protection des droits de
tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990));
établira un dialogue avec les organisations d'employeurs et les autorités nationales,
européennes et internationales afin de contrôler les canaux de migration et de prévenir
le trafic d'êtres humains ainsi que toute exploitation de la misère humaine qui conduirait à la violation des droits humains fondamentaux et des droits des travailleurs.
soutiendra les programmes de coopération et d'assistance dans les pays non membres de l'UE – y compris l'Asie centrale - afin de jeter les bases d'un développement
économique durable qui pourrait offrir un travail décent à chacun, éradiquer la pauvreté et l'oppression;
encouragera la coopération entre les confédérations syndicales et les fédérations professionnelles – grâce à des accords bilatéraux et multilatéraux – afin d'aider et d'organiser les travailleurs migrants;
soutiendra la création de “centres d'information des migrants” afin d'informer les travailleurs migrants de leurs droits et favoriser le recrutement et l'organisation de campagnes parmi les travailleurs migrants;
s'opposera à toute forme d'intolérance, de nationalisme, de racisme et de xénophobie;
soutiendra les législations ou règlements nationaux, européens et internationaux qui
visent à faciliter l'intégration des travailleurs migrants dans leur pays d'accueil, ou à aider les réfugiés, les délocalisés de force, les personnes déplacées et les demandeurs
d'asile.
2.3.5. Flux d'investissement – Délocalisation des entreprises
La chute du mur de Berlin a ouvert la voie aux réformes économiques visant à permettre
aux pays des PECO, des PESE et des NEI de prendre part à l'économie mondiale, d'avoir
accès - et aussi d'intégrer - à l'économie du marché commun européen. Au cours de la
dernière décennie, une série impressionnante de réformes ont été engagées dans la plupart de ces pays – souvent, malheureusement, aux dépens d'une rupture radicale avec les
modes de vie de la majorité de la population. Ces réformes ont conduit à des réorientations économiques et commerciales majeures, préparant l'intégration, en 2004 et 2007,
des douze nouveaux Etats membres (NEM) et posant les conditions d'un marché économique de plus en plus commun avec les PECO et, à divers degrés, avec les NEI. Aujourd'hui, l'UE est un partenaire de premier plan, même pour des pays tels que la Russie,
dans le Caucase ou en Asie centrale, et le deviendra de plus en plus dans l'avenir, préparant ainsi les conditions d'un marché de plus en plus intégré de 650 millions producteurs et
consommateurs.
Les investissements étrangers jouent un rôle important dans ce processus. D'autant plus
que, dans de nombreux pays, le processus de privatisation n'a pas été en mesure de mobiliser l'épargne domestique et les capitaux qui, à l'époque, étaient souvent inexistants.
Une des principales préoccupations des réformes était donc d'attirer les investissements
étrangers, et d'adapter pour ce faire le cadre législatif, souvent sous le contrôle des institutions financières internationales. Au cours de la dernière décennie, les investissements
étrangers, du moins dans les PECO, ont joué un rôle décisif dans la relance des économies et la reprise de la croissance. Les entreprises de l'UE ont joué un rôle essentiel dans
ce processus.
Les investissements dans les PECO-PESE-NEI, sont des investissements à l'étranger, du
point de vue des pays de l'UE. Et ce qui est utilisé pour investir à l'étranger ne peut bien
19
sûr pas être investi dans les pays nationaux. La crainte, confortée en général par les médias, que les investissements se déplacent de l'Europe occidentale vers l'Europe orientale
et que, par voie de conséquence, les lieux de travail suivent exactement le même chemin,
est donc parfaitement compréhensible. D'autant plus qu'une des principales raisons pour
lesquelles les entreprises investissent en Europe orientale semble être le moindre coût de
la main-d'oeuvre qui bénéficie encore d'un niveau de qualification relativement élevé. Les
travailleurs de l'UE des 15 craignent donc que leur emploi soit délocalisé vers les NEM ou
vers l'Est, vers des pays qui ont des niveaux de coût sensiblement moins élevés. En outre,
on peut craindre que, dans une prochaine étape, un nombre croissant d'activités à forte
intensité de main-d'oeuvre sera transféré des NEM vers l'Europe orientale ou l'Europe du
Sud-est, imposant une deuxième vague de changements structurels dans les NEM tout en
provoquant une relance des investissements dans certains pays d'Europe de l'Est et du
Sud-est.
Ces craintes ne doivent pas être négligées. Il est de l'intérêt de tous les travailleurs européens que les pays en transition bénéficient des investissements dont ils ont besoin pour
soutenir leur développement économique et social. Mais il est aussi de leur intérêt commun que ce processus ne soit pas mis en oeuvre au détriment des investissements et de
la main-d'oeuvre des pays où les entreprises étaient établies à l'origine. Le transfert de
capitaux et les délocalisations sont bien sûr loin d'être limités à la dimension esteuropéenne. Ils sont aussi le fait, et dans une proportion importante, de certains pays occidentaux qui pratiquent par exemple une politique délibérée de dumping fiscal. Et ils ne
peuvent être limités à l'Europe. Au-delà du Sud-est de l'Europe, il y a le Sud – les pays du
Maghreb, l'Afrique; au-delà de l'Est de l'Europe, il y a l'Est – la Chine, l'Inde, et d'autres
pays, où les entreprises européennes investissent, créent des usines ou sous-traitent.
Mais ceci souligne simplement l'importance de la question, qui doit être traitée dans le cadre de la prise de contrôle de la mondialisation afin de garantir qu'elle sert les intérêts et
les droits de tous les travailleurs et de tous les êtres humains.
Dans cette perspective, le CRPE:
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-
en collaboration avec l'ETUI-REHS, contrôlera les investissements de capitaux et les
stratégies de délocalisation, du point de vue des pays où les entreprises ont leur siège
et du point de vue des pays de destination;
soutiendra la pleine utilisation des instruments d'information, les consultations et les
négociations qui ont été mises en place par l'Union européenne, l'OCDE ou d'autres
institutions internationales; afin de se mobiliser contre les employeurs et les entreprises qui n'acceptent pas le dialogue social;
soutiendra les FSE/FSM dans leur tentative de mettre en place des stratégies coordonnées qui incluent tous leurs affiliés et les intérêts de leurs affiliés;
fera campagne avec les FSE/FSM afin d'encourager le respect total par toutes les entreprises – multinationales ou autres – des droits syndicaux et fondamentaux des travailleurs;
aidera ses affiliés, en particulier des PECO, PESE et NEI, à acquérir de l'expérience
dans le traitement de ces questions de stratégie économiques et globales; afin d'encourager l'échange d'informations et les contacts;
encouragera ses affiliés à adopter une attitude préventive dans le traitement de ce
type de questions globales avec leur gouvernement;
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-
-
s'opposera à toute politique délibérée de dumping social ou fiscal; afin de refuser toute
politique de développement fondée seulement sur le faible niveau de la main-d'oeuvre,
sur la flexibilité sans la sécurité ou sur la pire exploitation des travailleurs; de soutenir
au contraire les politiques de développement qui intègrent le haut niveau de qualification de la main-d'oeuvre et qui se font concurrence par la qualité élevée des produits.
Mobilisera pour ce faire les diverses institutions européennes et internationales appropriées;
encouragera, dans les institutions européennes et internationales, les investissements
et les politiques de coopération qui pourraient soutenir, compléter – et, le cas échéant,
remplacer – les investissements privés, en particulier dans les pays qui, pour une raison quelconque, sont délaissés par le principal courant des investissements étrangers.
2.3.6. Politique énergétique
Avec l'explosion des prix de l'énergie au cours des trois dernières années, les questions
de politique énergétique sont devenues une préoccupation centrale des syndicats. Les
politiques énergétiques devraient créer davantage d'emplois, de meilleure qualité, tout en
mettant davantage l'accent sur la conservation et le rendement de l'énergie afin de protéger l'environnement contre le réchauffement de la planète et la pollution. La Russie, les
états d'Asie centrale, la Norvège possèdent de nombreuses réserves énergétiques accessibles et ils jouent un rôle majeur dans l'approvisionnement en gaz et en pétrole de tout le
continent. En Europe, l'énergie peut être de la responsabilité des états nationaux, mais
elle est aussi manifestement une question globale et continentale. Les gouvernements
doivent bâtir un nouveau consensus sur la politique énergétique dans un cadre plus large
de gouvernance internationale couvrant la gestion des ressources énergétiques, la
conservation de l'énergie et le rendement énergétique. Les opinions des syndicats doivent
être prises en compte et les procédures de dialogue social doivent être mises en oeuvre à
tous ces niveaux afin de permettre une telle expression. Ce dialogue doit en particulier
mettre l'accent sur:
-
des approvisionnements en énergie stables et de longue durée assurés dans le respect des contrats conclus et à des prix accessibles;
la durabilité environnementale qui requiert une économie plus économe en énergie et
consommant moins de carbone;
les investissements dans les technologies et programmes destinés à économiser la
consommation d'énergie et à réduire la pollution de l'environnement;
la création d'emplois décents dans la production d'énergie primaire, les industries dépendant d'apports importants en énergie, la conservation et le transport d'énergie, le
développement d'énergies alternatives et les économies en énergie;
les efforts accrus dans le financement – privé et public – de la recherche et du développement.
Les préoccupations et les priorités des syndicats ont été exprimées dans la déclaration
publiée par la CS-OCDE, en juillet 2006, avant le sommet du G8 qui a eu lieu à St. Petersburg.
Sécurité de l'approvisionnement:
L'économie énergétique mondiale est entrée dans une période d'instabilité qui se poursuivra vraisemblablement. Les conflits et les tensions politiques entre états ajoutent à cette
instabilité et aggravent la volatilité actuelle des prix de l'énergie. Les crises de l'énergie ont
21
un impact direct sur le développement économique des pays, en particulier sur les pays
qui sont confrontés aux plus grandes difficultés sociales et économiques et qui continuent
de faire face aux réformes économiques et sociales liées au processus de transition.
La meilleure manière de garantir la sécurité de l'approvisionnement est d'agir sur un plan
multilatéral. Les mécanismes de marché ne peuvent résoudre tous ces problèmes fondamentaux. La libéralisation et la concurrence accrue entre les fournisseurs d'énergie ne
constitue pas la réponse appropriée. Les délais sont courts – les axes d'investissement
doivent être déterminés maintenant, par accord, dans l'attente du Traité sur la Charte de
l'énergie qui doit être signée par tous les participants. Les gouvernements doivent formuler
des programmes politiques à long terme pour la sécurité énergétique. Une coordination
étroite avec l'Agence Internationale de l'Energie (AIE) doit être mise en place.
Garantir l'emploi, la compétitivité et le développement durable
Les augmentations et la volatilité des prix de l'énergie minent la compétitivité et, par
conséquent, les personnes travaillant dans des entreprises à forte consommation d'énergie et les consommateurs domestiques subissent des préjudices considérables. Dans certains pays, cette situation est aggravée par la manière dont le secteur énergétique a été
libéralisé et laissé aux seules règles du marché. Dans de nombreux pays, les pouvoirs publics n'ont pas réussi à faire face aux contradictions entre l'ouverture des marchés à la
concurrence et la garantie d'approvisionnements en énergie sûrs à des prix abordables.
Les exigences de sécurité qui, dans certains pays, ont conduit à la fermeture des centrales
nucléaires existantes sous la pression de l'Union européenne ou d'autres organisations
internationales, ont encore aggravé la situation des pays concernés.
Au cours des dernières décennies, les pertes d'emploi dans les industries énergétiques
ont été massives. Une étude menée par les syndicats européens révèle une perte de
300.000 emplois dans les domaines du gaz et de l'électricité dans l'UE. Au Royaume-Uni.
les statistiques de “Employment Trend" révèlent qu'en 1988 le nombre de personnes employées dans les mines, l'exploitation des carrières et l'approvisionnement en électricité,
gaz et eau s'élevait à 477.000, alors qu'en juin 2005 il était tombé à 160.000. Les enquêtes menées dans les PECO, PESE et les NEI révèlent la même réalité. A long terme, de
nouveaux emplois pourraient être créés, liés à la création de sources d'énergie alternatives, ou aux investissements dans les économies d'énergie. Mais les travailleurs qui perdent leur emploi ne seront plus que probablement pas ceux qui accéderont aux emplois
créés par les nouveaux développements énergétiques. Certains pays doivent recourir à
des plans sociaux à très grande échelle pour accomplir ces processus de transition.
Conformément à ces différentes préoccupations, le CRPE:
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soutiendra l'analyse et les propositions en matière d'énergie incluses dans la Déclaration syndicale publiée avant le Sommet du G8 de 2006;
insistera sur la nécessité d'une étroite coopération entre les gouvernements européens
et les institutions européennes et internationales, en particulier l'AIE, afin de définir une
politique de longue durée, globale et durable sur l'énergie qui pourrait garantir la sécurité de l'approvisionnement en énergie, stabiliser les prix de l'énergie, réduire la pollution de l'environnement et le réchauffement, soutenir le développement économique et
promouvoir les investissements, la recherche et les emplois décents pour les travailleurs;
soulignera que la nécessaire coopération entre états dans le domaine de l'énergie doit
aller de pair avec le respect des contrats et toutes les autres normes internationales
commerciales ou civiles;
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encouragera une plus grande transparence dans la gestion, les investissements et le
partage de bénéfices des entreprises opérant dans le secteur de l'énergie;
soulignera la nécessité de plans à long terme afin de faire face aux conséquences
économiques et sociales de la réorganisation du secteur de l'énergie;
insistera, dans cette perspective, sur la nécessité, pour les gouvernements nationaux
et les institutions européennes et internationales d'accepter de s'engager dans le dialogue social avec les partenaires sociaux.
2.3.7. Politique européenne de voisinage
Depuis janvier 2007, avec l'intégration de la Bulgarie et de la Roumanie, l'UE compte 27
Etats membres. La Croatie, la Turquie et ARYM ont été acceptés comme “pays candidats”, même si personne ne pourrait dire aujourd'hui quand et comment le processus
d'adhésion sera terminé. Les pays des Balkan occidentaux ont signé avec l'UE les “Accords de stabilisation et d'association ” (ASA), et même le Kosovo – dont le statut reste à
définir – est inclus dans ce processus. Selon la déclaration du Conseil européen de juin
2003, qui a eu lieu à Thessalonique, ces pays pourraient tous légitimement espérer intégrer l'UE à long terme. Ce n'est pas le cas des autres pays limitrophes, qu'ils soient à l'Est
de l'Europe – les NEI – ou au Sud – les pays du Maghreb et du Machrek. Pour ces pays,
l'UE a adopté une “Politique européenne de voisinage” (PEV), avec des plans d'action
destinés à soutenir leur développement économique, organiser la coopération commerciale et économique, promouvoir les droits sociaux et civils et encourager la bonne gouvernance. Sur le territoire couvert par le CRPE, la Moldavie, l'Ukraine et les trois pays du
Caucase sont concernés. Un programme similaire, mais spécifique, a été adopté pour la
Russie. Seule la Biélorussie – en raison des violations des normes internationales de démocratie – et les pays d'Asie centrale sortent du cadre de cette PEV.
La PEV formule des orientations générales qui mettent essentiellement l'accent sur la coopération commerciale et les réformes économiques. Elle intègre également certaines références au respect des droits de l'homme et des travailleurs, aux valeurs de bonne gouvernance et de dialogue social, afin d'édifier une “communauté de valeurs” entre l'UE et les
pays limitrophes. Pour le mouvement syndical, ces valeurs pourraient certainement être
mieux exprimées et en termes plus forts, mais ce n'est pas le principal problème. Ce dernier réside dans la manière dont les orientations générales sont traduites, c'est-à-dire
grâce à des “Plans d'action” nationaux négociés entre la Commission de l'EU et les gouvernements de ces différents pays. Et c'est bien sûr dans ces plans d'action que nous
trouvons la vraie politique de l'UE, et pas dans la déclaration d'intentions générale figurant
dans les documents de la PEV. Pour le mouvement syndical, ces plans d'action soulèvent
plusieurs problèmes, et principalement:
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l'absence de mécanismes destinés à impliquer les partenaires sociaux et les représentants de la société civile dans la négociation, la surveillance et l'évaluation des plans
d'action; la consultation est en fait laissée à la bonne – ou la mauvaise – volonté des
gouvernements;
l'accent mis sur les réformes économiques et commerciales qui participent de l'approche de libéralisation déjà encouragée par l'Organisation mondiale du Commerce et les
institutions financières internationales. Cela a conduit au soupçon que, en fait, le principal intérêt de l'UE pourrait très bien résider dans l'élargissement de son propre marché, même au risque de miner la production nationale de ces pays;
l'absence de mécanisme permettant d'imposer le respect des droits humains fondamentaux et des droits des travailleurs. Interrogés sur cette question, les représentants
de la Commission de l'UE font référence aux mécanismes SGP. L'expérience des der23
nières années révèle cependant que les mécanismes SGP ne sont pas plus efficaces
que les mécanismes PEV.
Cela ne devrait pas conduire le mouvement syndical à ignorer la PEV qui, dans les années
à venir, déterminera manifestement toute la politique de l'UE avec ces pays. Il est donc
important que le mouvement syndical exprime son point de vue et essaie, avec d'autres
institutions et organisations – telles que le Comité économique et social de la CE, par
exemple – d'inciter les institutions de l'UE à adapter cette PEV et à revoir la manière dont
elle est appliquée.
Dans cette perspective, le CRPE:
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créera un groupe de travail avec ses affiliés concernés et avec les FSE/FSM intéressés, afin d'évaluer la mise en oeuvre de la PEV, et de préparer des recommandations
concrètes qui pourraient être promues au plan européen par la CES, et au plan national, dans le dialogue social avec les gouvernements;
insistera sur l'importance de la participation des partenaires sociaux aux plans d'action
de la PEV, ainsi qu'aux programmes de coopération UE-Russie;
aidera ses affiliés à acquérir une expérience technique afin de participer efficacement
aux discussions avec leur gouvernement, les institutions de l'UE mais aussi l'OMC et
les IFI concernant les questions de développement économique et social de leur pays;
insistera auprès des institutions de l'UE sur la nécessité d'accorder une totale attention
aux violations des droits syndicaux et fondamentaux des travailleurs, et de prendre des
mesures concrètes et efficaces pour mettre fin à ces violations;
insistera sur la nécessité de mettre au coeur de la PEV des politiques économiques
visant à offrir des emplois décents à chaque travailleur;
prendra part aux programmes d'assistance technique de l'UE – dans le cadre de la
PEV ou des ASA – destinés à promouvoir les droits fondamentaux des travailleurs, le
dialogue social et à aider ses affiliés à utiliser les valeurs du modèle social européen
pour améliorer les normes sociales dans leur pays;
coopérera avec la CES sur les divers aspects liés au processus d'intégration de l'UE.
Bruxelles, le 28 janvier 2007
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